lendemains
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0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
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2012
37148
A. Montandon: Les yeux de la nuit. Essai sur le romantisme allemand
121
2012
René-Marc Pille
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146 Comptes rendus den Titel „Personne contrainte au travail en pays ennemi, Victime du Travail Forcé en Allemagne nazie“ gibt, bleibt viel tun, um das Vermächtnis der Zwangsarbeiter nicht nur bei Historikern sondern auch in der Erinnerung der nationalen und europäischen Öffentlichkeit wach zu halten. Helga E. Bories-Sawala beklagt, dass selbst das deutsch-französische Geschichtsbuch dem Thema Zwangsarbeit keinen angemessenen Raum gibt. Mitte Oktober 2010 wurde Dans la gueule du loup im Heinrich-Heine-Haus von Paris dem französischen Publikum präsentiert. Zu sehen war bei dieser Gelegenheit auch der Dokumentarfilm Reichseinsatz. Zwangsarbeiter in Deutschland (1995, Wolfgang Bergmann), an dem Helga E. Bories-Sawala mitgewirkt hat. Sandra Schmidt (Clermont-Ferrand) ALAIN MONTANDON: LES YEUX DE LA NUIT. ESSAI SUR LE ROMANTISME ALLEMAND. CLERMONT-FERRAND: PRESSES UNIVERSITAIRES BLAISE PASCAL, 2010 (COLLECTION REVOLUTIONS ET ROMANTISMES). 460 P., 30 € Depuis le livre inaugural de Germaine de Staël De L’Allemagne et malgré les mises en garde de Heine, le romantisme allemand n’a cessé de fasciner la critique française, donnant lieu en particulier, pour se limiter au vingtième siècle, aux ouvrages inspirés d’Albert Béguin, L’Ame romantique et le rêve (1937) et de Marcel Brion, L’Allemagne romantique (1962-1963), la recherche universitaire n’étant pas en reste avec la somme de Roger Ayrault, La genèse du romantisme allemand (1961-1976) ou bien encore avec la belle étude de Bernhild Boie, L’Homme et ses simulacres (1979). Il faut en outre considérer la publication en deux volumes des Romantiques allemands dans la Bibliothèque de la Pléiade (1963, 1973) comme la consécration éditoriale de ce courant esthétique en matière de réception. Avec son beau titre - même s’il a déjà été utilisé pour la version française du film de John Farrow, Night Has a Thousand Eyes (1948) - et malgré son absence de bibliographie, qu’il faut reconstituer au fil des notes de bas de page, le livre d’A. Montandon, comparatiste français spécialiste du domaine germanique, s’inscrit dans cette lignée tout en abordant le sujet sous un angle inattendu: celui de l’histoire des techniques - en l’occurrence la révolution de l’éclairage, dont les incidences avaient déjà été explorées dans les études que l’auteur avait réunies sous le titre de Promenades nocturnes (Paris, 2009), tandis que Pierre Frantz en avait souligné toute l’importance en matière d’art dramatique dans son étude sur L’esthétique du tableau dans le théâtre du XVIIIe siècle (Paris, 1998) -, alors que le romantisme passe précisément pour hostile à tout ce qui a pu contribuer au „désenchantement du monde“. S’il n’est pas surprenant de voir un tel essai s’ouvrir sur l’évocation des Hymnes à la nuit de Novalis, il est moins courant, dans la tradition des études littéraires, de situer le texte fondateur du romantisme allemand dans le contexte des 147 Comptes rendus progrès techniques ayant changé radicalement notre perception du monde: „L’évolution technique et culturelle vient bouleverser à partir de la fin du dix-huitième siècle les rapports de l’homme à la nuit. Le rapprochement que l’on peut faire entre les développements techniques et leur impact socio-culturel et l’apparition massive d’une littérature de la nuit semble nécessaire.“ (13) C’est par les voyages, source inépuisable de comparaison, que les contemporains prirent conscience de ces bouleversement: l’auteur évoque à titre d’exemple le témoignage du jeune Friedrich Schlegel qui, venu à Paris en 1802, manifeste dans la revue Europa son étonnement devant „la magnificence des lumières“ éclairant la capitale (14). En s’attachant à ce „moment privilégié dans l’histoire européenne qui marque un tournant décisif dans l’appréhension de l’obscurité et de la nuit“ (23), la présente étude expose le résultat le plus marquant que ces changements ont produit au plan esthétique: une nouvelle poétique fondée sur le nocturne. L’analyse prend pour point de départ la „nuit des Lumières“ (chap. 1) et s’achève provisoirement avec la figure d’Eichendorff, „dernier chevalier du romantisme“ (23), auquel est consacré le chap. 9, „Eichendorff et les nuits indécises“. Entre ces bornes alternent les chapitres sur un seul auteur et ceux qui en regroupent plusieurs de manière thématique, ce qui met en évidence combien le traitement poétique de l’élément nocturne diffère d’un poète à l’autre: la nuit novalisienne („Novalis: la nuit de l’amour“, chap. 3) n’est pas la nuit hölderlinienne („Hölderlin: la flamme de l’oubli“, chap. 4). Tieck et Hofmann font également l’objet d’études particulières („Tieck ou la nuit indéchiffrable“, chap. 6; „Les nocturnes d’Hoffmann“, chap. 8), tandis que des écrivains moins connus mais non moins importants figurent en sous-titre: ainsi l’auteur anonyme des Veilles de Bonaventure, ce „météore littéraire“ (134) paru en 1805 dans la petite ville saxonne de Penig, est traité au chap. 5, „Nihilisme“ („Veilleur de nuit, spectateur du néant“, 134-148), où il côtoie Jean Paul et le William Lovell de Tieck. De même, le chap. 7, „Rêves somnambuliques et nuits magnétiques“, regroupe sous une même appellation ceux qui, s’inspirant des recherches de Messmer sur le magnétisme animal, entreprirent d’explorer la face nocturne et irrationnelle des êtres à travers ses manifestations inconscientes, à l’instar du naturaliste Gotthilf Heinrich Schubert, à qui l’on doit les Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaften d’inspiration schellingienne, „ouvrage plein d’images poétiques et de rêveries, plus que de preuves conséquentes, mais qui sera une source importante d’inspiration pour nombre d’écrivains.“ (199) On note toutefois que si l’approche du romantisme allemand par le biais des progrès de l’éclairage est réellement novatrice, la mise en œuvre de cette démarche n’est pas constante au cours de l’ouvrage: les chapitres sur les grands auteurs (Novalis, Hölderlin, Tieck) sont de facture purement littéraire, présentant une analyse minutieuse de quelques textes clé, et ce n’est qu’avec les chapitres thématiques que le fil rouge est renoué. Il faut en tout cas saluer l’aisance avec laquelle l’auteur se meut entre les cultures française et allemande, qualité à vrai dire indispensable pour aborder le Paris de Louis XIV mis en scène par Hoffmann dans Mademoiselle de Scudéry (234-243). Mais qu’il y ait articulation ou parfois simplement 148 Comptes rendus juxtaposition des domaines technique et littéraire, A. Montandon retrouve ici une des grandes hypothèses formulées depuis les années 1800 à propos des rapports intellectuels entre la France et l’Allemagne: à la première les révolutions matérielles, à la seconde celles de l’esprit. C’est ainsi que pour Heine, la philosophie allemande n’était „rien d’autre que le rêve de la Révolution française.“ Quant à Heiner Müller, il voyait dans le classicisme weimarien un „ersatz de révolution“. Ainsi, l’intérêt si exclusif du romantisme allemand pour le nocturne pourrait-il s’interpréter en partie comme une réponse esthétique à une révolution technique qui s’était faite ailleurs. La dernière grande partie de l’ouvrage (chap. 10, „Peindre la nuit“), illustrée de bonnes reproductions des tableaux analysés, a pour sujet cette peinture romantique allemande que le public français a mis si longtemps à découvrir malgré les belles études de Marcel Brion. C’est à Caspar David Friedrich, maître de la „clarté nocturne“ (374) que l’auteur consacre ses pages les plus inspirées, tant en matière de technique picturale que de références poétiques et culturelles. Et c’est un appendice pour le moins inhabituel aux yeux de l’histoire littéraire allemande qui constitue le dernier chapitre du livre, à savoir une étude sur Mörike, rangé d’ordinaire parmi les poètes du Biedermeier. On touche là aux inévitables malentendus en matière de périodisation, dès lors que l’on pose un regard extérieur sur une aire culturelle donnée - malentendus qui s’avèrent en fin de compte productifs. En l’occurrence, les grands auteurs allemands de cette période sont perçus à l’étranger comme romantiques: c’est pourquoi Goethe, Schiller et Jean Paul sont bien présents tout au long de l’ouvrage d’A. Montandon, même s’il ne leur consacre pas de chapitre en particulier. Il en va de même pour la musique, art romantique par excellence auquel Vladimir Jankélévitch avait consacré en 1942 une étude admirable intitulée Nocturne, paradoxale lueur d’espoir dans les années sombres de l’Occupation: c’est de manière implicite que le sujet est abordé dans Les Yeux de la nuit, l’auteur envisageant de traiter les „voix de la nuit“ dans un travail ultérieur (23, n. 22). Le lecteur prolongera volontiers cette promenade nocturne, ponctuée de vrais bonheurs d’écriture, sans pour autant abdiquer sa lucidité, ainsi que nous y invite Hölderlin dans son grand poème Brot und Wein: „Wachend zu bleiben bei Nacht“. René-Marc Pille (Paris)
