eJournals lendemains 38/150-151

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Narr Verlag Tübingen
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2013
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Hospitalité des langues et métissage littéraire

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2013
Alain Montandon
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109 AArts & Lettres Alain Montandon Hospitalité des langues et métissage littéraire Pour avoir dirigé une recherche sur l’hospitalité dans mon centre de recherches à l’Université Blaise Pascal à Clermont, recherche qui a donné lieu à plus d’une vingtaine d’ouvrages et en particulier à un gros ouvrage de plus de 2000 pages, Le Livre de l’hospitalité. Accueil de l’étranger dans l’histoire et les cultures, qui a été traduit en brésilien, tout comme l’a été en italien mon livre Désirs d’hospitalité (Elogio dell’Ospitalità. Storia di un rito, Roma, Salerno Editrice, 2004), je n’ai pu qu’être étonné, une fois de plus, de „l’inhospitalité“ anglosaxonne! En effet, en 2011, une revue a été créée en Angleterre, Hospitality & Society, qui se donne pour objectif d’être le grand organe culturel et de recherches de l’hospitalité. Or la bibliographie donnée dans le premier numéro programmatique est entièrement de langue anglaise: aucun ouvrage en français, en allemand, en portugais, en italien, n’est mentionné. Voilà une conception curieuse de l’hospitalité! Car l’hospitalité commence d’abord par l’hospitalité de la langue. Accueillir l’autre, c’est accueillir sa langue. Ne pas l’accueillir, c’est considérer l’autre comme un barbare et le rejeter dans une altérité absolue. On sait que le barbare c’est celui qui parle du charabia, mais surtout c’est moins la langue même qui est visée que l’absence des règles, rites, coutumes et conventions qui fondent l’hospitalité, signe de l’hominisation. Lorsqu’Ulysse aborde un nouveau rivage, la même question revient sans cesse: „Vais-je trouver des brutes, des sauvages sans justice, ou des hommes hospitaliers, craignant les dieux? “ (13, 200-202). L’hospitalité est signe de civilisation et d’humanité et les pérégrinations d’Ulysse dressent une géographie imaginaire du monde humain, elles dessinent les contours et marquent les limites de la culture et de la nature, du civilisé et du sauvage, grâce au critère de l’hospitalité et de l’accueil. L’hospitalité est une manière de vivre ensemble, régie par des règles, des rites et des lois. Homère en avait nommé les règles fixes et le déroulement, depuis l’instant qu’un visiteur approche la maison de l’hôte, jusqu’au moment de son départ. Une telle scène se décomposait en une série de micro-scènes incluant parmi d’autres: l’arrivée, la réception, s’asseoir, festoyer, dire son nom et sa patrie, se coucher, se baigner, le don des cadeaux, les prises de congé. Tout cela étant hautement signifié dans les termes d’un rituel bien établi, suivant des formules et dans un ordre bien déterminé. L’une des toutes premières choses qui marque l’attitude de l’hôte est le geste de donner à boire et à manger. On sait comment le verre d’eau ou la tasse de café est dans les pays méditerranéens le geste de l’hospitalité le plus spontané et le plus immédiat et combien la table et le banquet sont le centre, le foyer principal autour duquel s’organise l’hospitalité. Mais l’hospitalité ne se réduit pas à la seule offre d’une restauration et d’un hébergement librement consentis en ce que la relation interpersonnelle instaurée implique 110 AArts & Lettres une relation, un lien social, des valeurs de solidarité et de sociabilité. Dans son célèbre Essai sur le don, 1 Marcel Mauss en décrivant l’exercice des prestations et des contre-prestations qui régissent le cycle des échanges dans des sociétés ‚primitives‘ ou ‚archaïques‘ montre qu’il s’agit d’un phénomène social total. Ce qu’on échange ne sont pas seulement des biens de consommation, des choses utiles économiquement, mais des politesses, des festins, des rites, des danses, des fêtes. Autrement dit l’hospitalité est échange et interaction. Pour revenir à la langue je voudrais évoquer l’accueil de la langue de l’autre. Cette hospitalité dans la langue se caractérise par exemple par les xénismes ou pérégrinisme suivant que l’on veuille suivre la racine grecque de l’étranger (xénisme venant de xenos) ou latine (pérégrinisme venant de peregrinus). Je ne veux pas m’attarder sur les différentes raisons et fonctions de ce que Rainier Grutman nomme „hétérolinguisme“, 2 mais prendre un exemple littéraire particulier pour illustrer les aspects variés du pérégrinisme, celui du récit de voyage de Yorick en France qui se distingue par une confrontation culturelle originale qui est aussi linguistique, à savoir A Sentimental Journey de Laurence Sterne. Etre en terre française, c’est pour Yorick être devant un „fricassee’d chicken“. Autrement dit avant même que de faire appel à des termes étrangers témoignant de l’altérité du pays, le langage se trouve déjà truffé de mots étrangers qui caractérisent la référence française des arts de la bouche. Il est patent que les termes de gourmand et de gourmet sont d’un usage commun dans l’Europe des Lumières, de même que souper, macarons, soufflés, confitures, bouillon, etc. De fait, citer la langue de l’autre, c’est faire référence d’une part à ce que sa culture a de caractéristique et d’autre part admettre qu’il n’existe point d’équivalent dans sa propre langue maternelle. Il est des époques où l’insertion de langues étrangères dans un texte est beaucoup plus fréquente que dans d’autres: le Moyen Age, la Renaissance, l’époque baroque ont amplement eu recours à ce type de procédé et cela sans doute pour des raisons d’abord humanistes qui impliquent des connaissances et des cultures diversifiées. Montaigne accumule les citations en langues étrangères; Rabelais offre à son lecteur un feu d’artifice polylinguistique qui témoigne d’une prise de conscience de la variété des mondes, des langues, des cultures, de la diversité des mondes. Il y a à la fois une prise de conscience de cette diversité et en même temps, par l’usage polyphonique l’assertion d’une unité spirituelle. Les textes de l’époque moderne et cela très nettement à partir du XVIII e siècle se font déjà beaucoup plus monolingues. La conscience d’un pacte de lecture présuppose qu’il se fasse dans une langue et une seule et non comme dans d’autres cas avec d’autres langues secondaires que l’on cite. Il y a des cas très originaux, comme celui que l’on trouve dans la Divine Comédie du Dante, dans le 26 e chant du Purgatoire (140-147) où Arnaut Daniel prend la parole en occitan à la fois parce qu’il est naturel de faire parler la personne en sa langue, mais surtout parce que celleci répond à une intention littéraire précise qui est de donner à un „vulgaire illustre“, l’occitan, la première koinè littéraire de la Romania (et non plus à la seule langue latine qui détenait l’auctoritas). 111 AArts & Lettres Les variétés, modes, intentions, effets de ces insertions de mots étrangers ou de phrases de langues étrangères partielles ou complètes suivant les cas sont d’une incroyable diversité, suivant les époques, suivant les auteurs, suivant les genres littéraires. Le récit de voyage de Yorick permet, grâce à l’insertion des xénismes de scander l’expérience, de faire résonner une autre musique, d’annoncer la couleur locale, mais également de jouer sans cesse non seulement avec les singularités et les particularismes, mais également de faire intervenir des changements de niveau très subtils. Enfin le jeu, parfois particulièrement ambigu chez Laurence Sterne, avec les mots étrangers, sert à mettre en branle tout un registre de connotations et d’associations. Les xénismes sont d’abord une façon de s’ouvrir par la langue à la culture de l’autre et d’en signifier le désir d’accueil. En écoutant le Chevalier à la rose (Der Rosenkavalier), la comédie de Hofmannsthal sur une musique de Strauss, on ne peut qu’être frappé par l’extraordinaire abondance de mots français ou plus ou moins germanisés dans la bouche de ces Autrichiens. Il y a là un témoignage intéressant de l’appropriation d’une culture à une époque où le français était la langue hospitalière de l’Europe à la fois comme culture et comme signe de distinction. 3 Je ne développe pas plus ce thème 4 et souhaite citer deux exemples où les barrières linguistiques peuvent signifier des limites à l’hospitalité. Tout d’abord dans le cas d’une guerre, d’une occupation et de ce qu’on peut appeler l’hospitalité forcée ou sous contrainte. Avec Colette Baudoche (1907), Barrès évoque l’occupation allemande après 1870 voulant extirper la langue française des écoles et l’incompréhension des protagonistes. Avec Le silence de la mer (1942) de Vercors le silence imposé par l’oncle et la nièce à l’occupant est compris par l’hôte comme un acte de patriotisme très estimable. Or, en prononçant dans un français maladroit, cette pensée („j’éprouve un grand estime pour les personnes qui aiment leur patrie“ 5 ), il légitime du coup à jamais le silence de ses hôtes. Il en va différemment du marin norvégien de la nouvelle de 1902 de Pirandello, „Au loin“ (Lontano). Il s’agit cette fois d’accueillir en Sicile un marin norvégien très malade, qui ne comprend pas l’italien. Il finit par épouser une Sicilienne avec laquelle il communique assez peu. Elle l’initie aux rudiments de la langue, l’obligeant à prononcer correctement bicchiere, letto, seggiola, finestra , corrigeant son excessive propension à utiliser voglio. Cette communication rudimentaire ne permettra pas une véritable compréhension entre les époux. Lui, reste pour elle, un étranger inconnu qu’elle s’approprie (pour ne pas rester vieille fille comme sa tante). „Il parlait une langue qu’elle ne comprenait pas; il avait dans le cœur, dans les yeux, un monde reculé impossible même à deviner.“ La contrainte d’une hospitalité forcée, imposée soit par la guerre (chez Vercors) soit par la maladie (chez Pirandello), ont amené un homme et une femme à s’aimer. L’un voudrait rester, mais ne le peut, l’autre voudrait partir, mais ne le peut non plus. Chez l’un la communication semblait favorisée par l’amour du pays d’accueil, la connaissance de sa langue et de sa culture, mais elle se heurte au rejet de l’hôte; chez l’autre, c’est l’hôte qui est accueilli et happé par l’amour de la 112 AArts & Lettres femme, sans qu’il puisse renoncer à ses anciens liens et en nouer de nouveaux avec un pays pour lui déroutant, dur sous son soleil sicilien, aux mœurs étrangères et à la langue inintelligible. L’un et l’autre sont des déracinés, des exilés sans espoir, vivant définitivement au loin un exil inhospitalier. On comprend alors que outre les xénismes, les citations, les diverses intertextualités dans un texte, puisse être compris comme un acte de profonde hospitalité l’exercice de la traduction. Encore ne faut-il pas prendre le mot de traduction au sens qu’il pouvait avoir au XVII e ou XVIII e siècle lorsque traduire signifiait de fait adapter au goût de la langue cible, au ‚bon goût‘. L’idée qu’une bonne traduction était celle qui faisait oublier l’original, apparaissant aux yeux du lecteur comme un texte écrit directement dans la langue d’arrivée. Muguras Constantinescu a ainsi pu mettre en valeur dans le Dictionnaire de l’hospitalité des éléments hôtes dans le phénomène d’intertextualité en qualifiant l’épigraphe, comme l’invité d’honneur, placé en tête de table, la citation, à la frontière de la référence et de la mention, comme un invité de marque, présenté et annoncé avec tous ses titres, l’allusion, comme un hôte anonyme ou trop familier pour être présenté, la traduction qui est l’accueil d’un texte dans une autre langue et une autre culture, tout comme la transposition est l’accueil d’un genre dans un autre genre, parfois même dans un autre art. A cela on peut ajouter le pastiche, où se confondent avec bonheur l’invitation chez soi et le don de soi, frôlant, à la fois, le don total et la conjonction amoureuse, le festin donné par le recueil, l’anthologie et le florilège ou l’inhospitalité de la parodie. L’imitation et la continuation peuvent être envisagées comme un don de soi, comme un accueil à la limite de l’adoption, où le rapport entre l’autre et le même se pose en terme de circularité. Enfin si l’anthologie, le florilège, le recueil sont le festin, on pensera aussi à l’accueil et l’hébergement que constituent le récit encadré, l’anagramme, l’acrostiche, les récits-gigognes, l’expansion, la traduction, la transposition tout comme au refuge-cachette qu’est pour l’anagramme et l’acrostiche le texte qui les accueille et les abrite. 6 La question de la traduction à laquelle Antoine Bernam a consacré un beau livre au titre significatif (L’Epreuve de l’Etranger ) 7 soulève le problème de ce qui, dans l’hospitalité, est accueilli de l’Autre. La traduction est épreuve de l’étranger, épreuve qui est rite de passage, aventure et risque, péril et même souffrance. L’histoire de la traduction permet de distinguer plusieurs types d’accueil et de position face à ce qui est étranger dans l’hôte. 8 Pendant une certaine époque (jusqu’à la fin du XVIII e siècle), 9 il s’agissait moins de traduire que d’adapter au goût du récepteur les œuvres étrangères, c’est-à-dire de procéder à une naturalisation la plus complète possible. Or hospitalité et naturalisation sont deux choses fondamentalement différentes. Ainsi Prévost par exemple qui supprime certaines notations réalistes („la suppression qu’on en fait n’est à regretter que pour ceux qui aiment les petits détails 113 AArts & Lettres domestiques“ 10 ), les indécences, les lettres en argot du domestique Leman et donne très volontairement un tour policé à sa version des romans de Richardson: J’ai supprimé ou réduit aux usages communs de l’Europe, ce que ceux de l’Angleterre peuvent avoir de choquant pour les autres nations. Il m’a semblé que ces restes de l’ancienne grossièreté britannique sur lesquels il n’y a que l’habitude qui puisse encore fermer les yeux aux Anglais, déshonoreraient un livre où la politesse doit aller de pair avec la noblesse et la vertu. 11 Cette moralisation du style, l’adaptation aux mœurs et au goût français est une exigence fondamentale de Prévost comme chez de nombreux autres traducteurs qui conçoivent la traduction comme une adaptation, une transposition de l’original dans la culture réceptrice. Richardson doit donc être naturalisé, c’est-à-dire s’adapter aux tournures de l’esprit français. Fréron à propos de la traduction de La Place de L’orpheline anglaise, ou Histoire de Charlotte Summers avertit pour la gloire du traducteur que l’original anglais de l’orpheline ne lui a fourni tout au plus que la moitié de ses matériaux; qu’il l’a presque entièrement refondu; que l’histoire singulière de Monrose et de Fanny, épisode très touchant, est de son invention; qu’enfin le dernier volume qui sans contredit est le plus intéressent, ne doit presque pas un mot à l’original. M. de la Place multiplie de jour en jour ses droits à l’estime et à la reconnaissance du public. C’est à lui que nous avons l’obligation de connaître la littérature anglaise. C’est lui qui a découvert ces ruisseaux bourbeux, mais qui roulent des paillettes d’or et des pierres précieuses, ces sources autrefois cachées, où la plus célèbre de nos Muses a puisé une grande partie des ornements qui composent sa parure. 12 Cette liberté d’interprétation qui a pour but le plaisir du public et comme conséquence l’élégance aux dépens de la fidélité servile à l’original est partagée par un D’Alembert qui justifie sa traduction de Tacite en montrant que le traducteur doit rivaliser avec son modèle et faire œuvre de créateur et non de simple copiste. Le traducteur français considère qu’il a non seulement toute liberté pour supprimer certains passages, mais également pour en écrire d’autres de son crû. Prévost dans la préface de sa traduction de Sir Charles Grandison justifie les coupes faites: „J’ai donné une nouvelle face à son ouvrage par le retranchement des excursions languissantes, des peintures surchargées, des conversations inutiles et des réflexions déplacées. Le principal reproche que la critique fait à M. Richardson est de perdre de vue la mesure de son sujet et de s’oublier dans les détails. J’ai fait une guerre continuelle à ce défaut de proportion“. 13 „Pour plaire à Paris, j’ai cru qu’il lui fallait un habit français“, écrit La Place. 14 Les attitudes changeront au cours du derniers tiers du XVIII e siècle où l’on sera beaucoup plus sensible à l’originalité et au génie de l’autre, de l’étranger. On commence à penser que le pittoresque, la couleur locale, les mœurs et coutumes, le style et la sensibilité loin d’être adaptés doivent au contraire être rendus dans toute la force de leur singularité. Turgot 15 était le plus intransigeant à cette fidélité au texte. Pour lui, qui en économiste, connaissait la valeur de la circulation des biens 114 AArts & Lettres et des idées, traduire était semblable à la construction des routes: jeter des ponts entre différentes cultures. 16 La traduction participe du mouvement des idées en renversant les barrières et en permettant à la langue de vivre. En Angleterre, Alexander Fraser Tytler écrit Essay on the Principles of Translation (1791) et défend l’idée qu’accueillir n’est pas trahir. La traduction étant une manière de s’approprier une culture, il s’agit d’en respecter le sens profond et l’élan créateur qui présidait à son écriture. Le revers de cette fidélité à l’original est que l’on peut aller jusqu’à l’extrême inverse et donner lieu à des traductions qui à force de s’imprégner des caractères les plus étrangers, voire les plus exotiques, aboutissent à des textes fort peu compréhensibles et lisibles. Hölderlin qui s’efforce de plier la langue allemande au style original de la versification grecque est un exemple à part; il incarne un élan original pour retrouver l’Autre, l’étranger qui de sa plus lointaine distance est le plus intime. Ce désir fou, parce que sortant des ornières de la tradition et de la norme, cette folie du désir de l’accueil de l’autre qui le rendrait à lui-même serait un exemple d’hospitalité absolue que cette perte de sa propre langue et de son identité. Accueillir chez soi la parole de l’étranger est un acte d’hospitalité (Gastfreiheit dit Schleiermacher). Pour lui „on ne peut que se contenter de contempler l’individualité autre, et puisqu’il est impossible de se l’approprier, on doit lui permettre simplement de pénétrer la sphère qui nous est propre“. 17 Dans la mesure où cette relation à autrui est aussi celle qu’autrui a avec moi, la relation entre des individualités „intraduisibles“ est dite „hospitalité réciproque“. L’inclination à accueillir chez soi la parole de l’étranger, à la recueillir, à l’adopter 18 ne concerne d’ailleurs pas seulement le fait des langues étrangères, nous n’avons pas besoin de sortir du domaine d’une seule langue pour rencontrer le même phénomène d’après Schleiermacher qui évoque non seulement les dialectes, les transpositions orales, les différences linguistiques selon les classes sociales, mais aussi le besoin de l’esprit lui-même de traduire dans son propre discours le discours de l’autre („le discours d’une autre personne tout à fait semblable à nous, mais dont la sensibilité et le tempérament sont différents“). Finalement cette traduction de soi à soi est mise en évidence par l’écriture du journal intime, lieu de grande hospitalité qui accueille très libéralement et sans grandes contraintes le face à face du moi et de ses existences. 19 L’autohospitalité, c’est-à-dire cette hospitalité de soi à soi, n’est possible que parce qu’est révélée une étrangeté inhérente à l’être qui fait dire à Baudrillard que „l’Autre, c’est l’hôte“. 20 L’hospitalité de l’autre comme hospitalité de soi à soi n’en finit pas d’interroger l’extériorité et le désir d’identité, d’une identité toujours incomplète et qui réclame l’autre pour se parfaire comme son point de perspective et son point de fuite. Dans Adieu à Emmanuel Lévinas, Derrida se livrant à une lecture de Totalité et infini signale l’un des paradoxes qui lui semble fort étrange de l’hospitalité: 115 AArts & Lettres Pour oser dire la bienvenue, peut-être insinue-t-on qu’on est ici chez soi, qu’on sait ce que cela veut dire, être chez soi, et que chez soi l’on reçoit, invite ou offre l’hospitalité, s’appropriant ainsi un lieu pour accueillir l’autre ou, pire, y accueillant l’autre pour s’approprier un lieu et parler alors le langage de l’hospitalité - et bien sûr je n’y prétends pas plus que quiconque, mais déjà le souci d’une telle usurpation me préoccupe. 21 Il serait intéressant de développer une analyse du Horla de Maupassant afin de montrer comment la question de l’hospitalité de l’autre correspond à une hospitalité de soi à soi, de l’étranger qui est en soi, et en l’occurrence de sa tragique méconnaissance. Dans le texte de Mandiargues Le Deuil des roses (1983) l’auteur fait jouer l’Andromaque de Racine, traduite en acte et en corps sous l’emprise d’une violence originellement japonaise, qui s’inspire de Mishima qui avait lui-même supervisé une traduction de Britannicus de Racine et participé comme comparse à la pièce sur scène. 22 L’écrivain fait jouer la littérature comme hospitalité, non seulement dans la traduction, l’assimilation, l’identification et l’interprétation, non seulement par l’usage de citations implicites (comme cet „Echevelée comme par un air de tempête“ qui renvoie évidemment au célèbre „échevelé, livide au milieu des tempêtes“), de pastiches ou de parodies, mais également dans une mise en abyme d’elle-même, se mettant en scène dans un jeu de miroirs vertigineux, dans sa dramatisation spéculaire. Si l’essence de l’hospitalité réside dans un face à face essentiel, vital, existentiel - essentiel parce qu’il met en jeu l’être même de chacun dans la redéfinition de lui-même, vital parce qu’il met en jeu l’éthique de la relation et sa radicale et absolue continuité, existentiel enfin, parce qu’il situe les conditions mêmes de l’existence dans un espace et une temporalité qui lui sont propres - l’hospitalité ne peut alors être conçue que sous l’angle spectaculaire et théâtral. C’est par le théâtre même de l’hospitalité que, tel l’Hamlet de Shakespeare, auquel il est d’ailleurs fait référence, Naka Han peut construire cette relation de face à face, d’acteur et de spectateur par ce théâtre dans le théâtre, qui est partage de son agonie. L’hospitalité se donne comme un contenant. 23 Elle a conduit l’hôte de la ville en banlieue, du jardin dans la maison, de la maison dans la chambre et de la chambre au théâtre, jusqu’à la vision d’un sexe béant. Le contenu de ce contenant qu’est le cadre hospitalier littéralement explose de ses surenchères, déborde d’une hypersémiologie. L’hospitalité, tout comme le récit lui-même, est théâtralisée à l’extrême dans une pratique babélienne des cultures. La scène de la traduction met en lumière des aspects fondamentaux de la scène de l’hospitalité: le respect de l’hôte, le besoin de comprendre sa façon d’agir et le sens de sa présence parmi nous. Le traducteur, ce passeur toujours entre deux rives, accomplit un triple mouvement: il accueille le texte étranger, lui fait don de sa langue et lui permet ainsi d’accéder à un espace linguistique nouveau. On pourrait tout aussi bien étudier l’imitation, qui elle aussi a une fonction hospitalière. 116 AArts & Lettres Mais si les Allemands se définissent eux-mêmes comme les „abeilles de la littérature étrangère“, 24 ils en reconnaissent aussi les limites: les traductions les meilleures perdent cependant la meilleure part de l’œuvre 25 et Jean Paul renchérit quand dans son Cours préparatoire d’Esthétique, il constate qu’une œuvre qui peut être traduite n’en est pas véritablement une. Limites de l’hospitalité qui ne peut prendre sur elle l’originalité indépassable. Est-ce à dire qu’il y a des textes inhospitaliers? Oui, certains le sont très volontairement qui en rendent très difficile l’accueil, la lecture et la compréhension. On pensera ici surtout aux textes hermétiques qui privilégient de rares lecteurs au détriment de la masse jugée indigne d’en comprendre le sens et les beautés, tel Baudelaire écrivant „il y a une certaine gloire à n’être pas compris“ 26 ou encore Mallarmé. Une certaine poésie romantique par exemple se donne comme le discours du secret, du mystère, du caché: discours cryptique de l’absolu qui a pour dessein de dévoiler l’invisible comme invisible et l’inexprimable comme inexprimable. „Unser Dasein ruhet auf dem Unbegreiflichen, und die Poesie, die aus dessen Tiefen hervorgeht, kann dieses nicht rein auflösen wollen“ écrivait A.W. Schlegel dans son essai sur Bürger. On pourrait également citer Montale: „Personne n’écrirait plus de poésie si le problème était de se rendre compréhensible“. 27 Mais il y a là cependant une différence avec les poésies hermétiques comme celle du trobar clus qui usent d’un code pour réserver le déchiffrement aux initiés (en l’occurrence cacher la dame, ou livrer secrètement un savoir réservé aux initiés dans la tradition d’Hermès Trismégiste). Le rôle du lecteur dans l’accueil du texte est fondamental. Quand le désir d’hospitalité se confond avec le désir de littérature: car l’acte de lecture est fondamentalement un acte d’hospitalité que les textes eux-mêmes ont décrit à loisir, montrant le sort fait à cette parole étrangère, sous forme de l’accueil du volume, que l’on laisse entrer non sans curiosité impatiente dans la maison et la bibliothèque et auquel on consacrera, non seulement un soin particulier, mais un certain nombre d’heures. Tel phénomène ne relève pas seulement d’une attente, d’une attention, mais également d’une écoute de la parole de l’Autre, d’une ouverture à ce qui n’est pas soi. „Il faut, disait M. Joubert, toujours avoir dans la tête un coin ouvert et libre, pour y donner une place aux opinions de ses amis, et les y loger en passant. Il devient réellement insupportable de converser avec des hommes qui n’ont, dans le cerveau, que des cases où tout est pris, et où rien d’extérieur ne peut entrer. Ayons le cœur et l’esprit hospitaliers“. 28 Le lecteur s’installe dans le confort de son refuge, un bon fauteuil ou sous un bosquet, ou tout autre lieu propice au silence, au retrait, après avoir fait le vide de tout ce qui l’entoure, éloignant toutes sources de bruit extérieur et préservant cette chaleur indispensable à l’acte passif et immobile que constitue la lecture et son écart. Ainsi Guy de Malivert du récit de Théophile Gautier, Spirite, est-il, au début du roman, assis „dans un excellent fauteuil près de sa cheminée, où flambait un bon feu“. Il a pris ses dispositions pour passer chez lui une soirée tranquille, ayant 117 AArts & Lettres congédié toutes préoccupations mondaines, „le corps débarrassé de toute pression incommode“, à l’aise dans des vêtements moelleux et souples, heureux et détendu, après avoir pris un repas d’une savante simplicité, l’esprit animé par „deux ou trois verres d’un grand vin de Bordeaux retour de l’Inde“ et éprouvant une „sorte de béatitude physique, résultat de l’accord parfait des organes“, 29 condition optimale pour être réceptif au message du livre qu’il se propose de parcourir. L’esprit détendu, tandis que dehors surviennent la neige et le froid, dans cette retraite signifiant l’intériorisation et la modification de la sensibilité, est à même de laisser se déployer les ailes d’une rêverie à l’aile d’ombre et l’aile de lumière, animée par la faible clarté laiteuse et douce d’une „lampe ajustée dans un cornet de vieux céladon craquelé“. Ce lecteur a créé toutes les conditions pour recevoir l’Evangéline de Longfellow, une histoire poétique qui préfigure la sienne propre. Dans l’air tiède de la chambre l’„ombre du texte“ (le terme est de Blanchot) l’enveloppe d’une suave caresse. Et un tel accueil trouvera sa récompense au delà de toute attente, puisque non seulement les processus d’identification vont s’actualiser, mais que bien plus s’inaugure l’histoire d’une hospitalité fantastique et merveilleuse, l’accueil de Spirite, la plus étrangère et la plus lointaine, et pourtant la plus proche, la plus sienne, au point que les deux amants finiront par ne faire plus qu’un ange, une perle unique d’amour. Il ne s’agit pas de donner une extension métaphorique outrancière à la notion d’hospitalité. Si nous avons choisi l’exemple du roman de Gautier, c’est qu’il met en abyme (mais bien d’autres le font également) l’acte de la lecture comme hospitalité, avec ses différents ingrédients, au point même que de lecteur Guy de Malivert devient écrivain lui-même, narrant sous la dictée surnaturelle la vie de Lavinia d’Aufideni. Ainsi nous lecteurs de Gautier accueillons un livre, un personnage, Malivert, qui, lui, accueille un récit qui narre de manière oblique sa propre histoire, et qui laisse pénétrer en sa maison un esprit qui lui relate par l’écriture un tel désir d’amour que les frontières de la mort en ont été transgressées. Tel désir d’hospitalité du texte vient à s’exprimer non seulement par les préfaces et les ruses d’une captatio benevolentiae qui prend les formes les plus diverses, mais également par des multiples interpellations du lecteur pour le faire entrer dans le jeu de la fiction. Lire, c’est aussi accepter d’entrer dans le monde imaginé grâce à ces relais aménagés d’une grande variété et participer à cette grande conversation. Hospitalité du lecteur à son livre, hospitalité du livre à son lecteur! , 30 avec ce que Genette a baptisé du terme significatif de „seuil“. Pourquoi la littérature est-elle traversée, de part en part, par la question de l’hospitalité? S’agit-il d’un thème parmi d’autres? Ou bien touche-t-elle une question beaucoup plus essentielle, fondamentale? Il n’est pas accidentel et contingent à nos yeux que l’un des premiers grands livres fondateurs de la littérature occidentale, L’Odyssée, ait pour centre et clef de voûte le questionnement de l’hospitalité et que, de Cervantès à Kafka, reviennent en littérature inlassablement hanter la question de la lecture et de l’écriture comme son fantôme (Benveniste a pu relever la proximité onomastique et sémantique de Gast et de Ghost). 31 Il nous semble 118 AArts & Lettres qu’une des réponses à cette question tient à l’essentielle intertextualité de toute écriture littéraire. Car il n’est de texte que d’intertexte. 32 Tout texte est traversé implicitement ou explicitement de nombreux autres sans lesquels il ne saurait être, que cela se passe sous forme d’échange, de greffe, de dialogue, d’appropriation, de collage, de confrontation, de corrélation, d’incorporation, d’insertion, d’intégration, de mémoire, de réception, de sources, de transformation, de transposition de transplantation, de travestissement, etc. Pour revenir à Derrida et au fantasme de l’hospitalité absolue, celle par laquelle je m’ouvre totalement à l’autre, perdant par là même ma propre identité dans une relation fusionnelle mortifère, 33 on lui opposera la notion de métissage, riche de significations pour une hospitalité littéraire. Trop souvent le métissage relève d’un malentendu dans la mesure où il est systématiquement confondu avec les notions non seulement insuffisantes mais inadéquates de mélange, de mixité, d’hybridité, voire de syncrétisme. Car le métissage ne saurait être la dissolution des éléments dans une totalité unifiée, la résolution euphorique des contradictions dans un ensemble homogène. En fait le métissage suppose la coexistence d’éléments hétérogènes qui sont en perpétuelle tension Telle la relation d’hôte à hôte. Pensée de la désappropriation, de l’absence et de l’incertitude, loin du sentiment de plénitude et d’une identité stable et ancrée dans l’habitude, que la présence de l’autre questionne, le métissage se caractériserait par l’inattendu, l’énigmatique, l’elliptique, par des jeux de glissement, de plis et de replis qui demandent une approche plus latérale que frontale: Le métissage, contraire de l’autisme, est ce qui nous arrache à la répétition du même, à la reproduction du compact dans un cadre délimité. Il n’est pas ce qui s’emboîte ou se soude. Il ne se donne pas dans la constance et la consistance mais s’élabore dans le décalage et l’alternance. On reconnaît le métissage par un mouvement de tension, de vibration, d’oscillation qui se manifeste à travers des formes provisoires se réorganisant autrement.“ 34 La „pensée métisse“ 35 est une pensée du paradoxe. Elle met en question dans cet espace qui est une troisième voie entre l’homogène et l’hétérogène, la fusion et la fragmentation, la totalisation et la différenciation. Mais un espace ouvert, un espace de l’aventure, aventure tout autant éthique qu’esthétique. Le métissage comme hétéropraxie, comme travail de l’altérité voilà qui semblerait assez proche d’une certaine conception de la littérature comparée contemporaine. Le métissage relève du nomadisme. C’est un tissage dont la trame intègre ce qui semble lui être étranger. Pas une logique de rejet et d’exclusion, mais une logique d’ouverture qui incorpore ce qui le nie. L’hétérogène métis marque la littérature de différentes manières: la polyphonie théorisée de Bakhtine à propos de Rabelais et Dostoïevski auxquels on pourrait ajouter Sterne, Antonio Lobo Antunes, le chatoiement multilingue des Cantos de Pound ou de Finnegans Wake de Joyce, les constructions à tiroir de Philip Roth, les genres polymorphes et multiculturels de Salman Rushdie, l’humour de Kafka, l’hétéronymie de Pessoa, l’exotisme de 119 AArts & Lettres Segalen, le bilinguisme ou l’outre-langue avec Beckett, Nancy Huston, Alexakis, Makine, Khatibi, Goytisolo, la créolisation (Glissant, Chamoiseau, Confiant), etc. Le métissage comme dialectique de l’altérité est un concept qui intervient à de multiples niveaux aussi bien pour des genres littéraires (je pense au poème en prose, à la prose alternée, aux collages surréalistes et à bien d’autres phénomènes génériques) que pour des cultures. Il est un concept intéressant pour une approche de l’hospitalité en littérature. 1 Marcel Mauss, „Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques“ [1923-1924] in: Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1973. 2 Rainier Grutman, Des langues qui résonnent. L’hétérolinguisme québécois, Montréal, Fides-Cétuq, 1997. 3 Cf. Marc Fumaroli, Quand l’Europe parlait français, Paris, Ed. de Fallois (Le livre de poche), 2003. 4 Ayant écrit plus amplement sur ce sujet: „Xénismes“, in: Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte - Cahiers d’Histoire des Littératures Romanes, 3-4, 32, 2008, 255- 265. 5 Vercors, Le Silence de la mer, Paris, Le Livre de poche, 1965, 27. 6 Toutes ces formes ont fait l’objet de bien nombreuses analyses et il n’est pas nécessaire de les développer ici. On se référera à l’article „Intertextualité“ de Muguras Constantinescu dans le Dictionnaire de l’hospitalité. Cf. également Roland Barthes, Le plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973; Michel Charles, L’arbre et la source, Paris, Seuil, 1985; Antoine Compagnon, La seconde main, Paris, Seuil, 1979; Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, 1987 et Palimpsestes, La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1992. 7 Cf. aussi Antoine Bernam, La Traduction et la lettre ou l’Auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999. 8 On évoquera en passant les ouvrages faussement présentés comme „traduit de“ (au XVIII e , un certain nombre de productions françaises étaient annoncées comme „traduits de l’anglais“, car la littérature anglaise servait alors de modèle et on utilisait l’anglomanie alors en vogue) qui n’est pas sans rappeler l’honneur qui consiste à accueillir un hôte étranger. 9 Cf. Alain Montandon, Le roman en Europe au dix-huitième siècle, Paris, PUF, 1999. 10 Antoine-François Prévost, Histoire du chevalier Grandisson. Tome Troisième, in: id., Œuvres, tome XXVII, Genève, Slatkine Reprints, 1969, 114. 11 Antoine-François Prévost, Histoire du chevalier Grandisson. Tome Premier. Introduction, in: id., Œuvres, tome XXV, Genève, Slatkine Reprints, 1969, IIsq.. 12 Elie Catherine Fréron, Lettres sur quelques écrits de ce temps, V, 39-40. 13 Prévost, op. cit., tome XXV, II. 14 Dans la préface de sa traduction de Oroonoko de Mrs Behn. 15 Qui était aussi auteur de Sur la liberté de circulation des grains (1774). 16 Yves Hersant dans son séminaire sur la traduction au XVIII e siècle à l’Ecole des Hautes Etudes (1993-1994) a développé avec talent ce parallèle entre la traduction et l’économie. 17 Friedrich Schleiermacher, „Entwurf eines Systems der Sittenlehre“, in: id., Sämtliche Werke, dritte Abtheilung, fünfter Band, Berlin, Reimer, 1835, 211 (§ 231). 120 AArts & Lettres 18 Hospitalité langagière qui caractérise pour Schleiermacher le destin des Allemands pour la traduction, puisqu’ils ne peuvent développer leur langue „qu’à travers les contacts les plus divers avec l’étranger“. 19 Daniel Corrado cite Lamiel suivant lequel le journal est „bon prince“ („Hospitalité interne“, in: Dictionnaire de l’hospitalité). 20 Jean Baudrillard, La transparence du mal, Paris, Galilée, 1990, 147. 21 Jacques Derrida, Adieu à Emmanuel Lévinas, Paris, Galilée, 1997, 39sq. 22 Cf. Marguerite Yourcenar, Mishima ou La vision du vide, Paris, Gallimard, 1980, 26. 23 L’hospitalité comme „con-tenant“ n’est pas sans faire penser à la Naissance-Origine du monde de Courbet dans la mise en scène du sexe béant. 24 „[D]ie Bienen fremder Literatur” (F. J. Bertuch, Manual de la Lengua Española oder Handbuch der Spanischen Sprache, Leipzig, 1790, Einleitung). 25 Friedrich Schlegel: „Was in gewöhnlichen guten oder vortrefflichen Übersetzungen verloren geht, ist grade das Beste“ (Kritische Schriften, 2. erw. Aufl., ed. W. Rasch, München, Hanser, 1964, 15). 26 Charles Baudelaire, „Projet de préface pour les Fleurs du Mal“, in: id., Les fleurs du mal, ed. Jacques Crépet / Georges Blin, Paris, Corti, 1968, 368. 27 Cité par Hugo Friedrich, Die Struktur der modernen Lyrik, Hamburg, Rowohlt, 1956, 8 (Traduction A. M.). 28 Cité par Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, I, Paris, Garnier Frères, s.d., 160. 29 Théophile Gautier, „Spirite“, in: id., Œuvres complètes, Paris, Champion, 2003, 317. 30 Il y aurait beaucoup à dire, bien évidemment, sur cette question qui de Cervantès à Flaubert et à Calvino a alimenté bien des créations romanesques et a fait l’objet de nombreuses études; cf. Wolfgang Iser, Der Akt des Lesens: Theorie ästhetischer Wirkung, München, Fink, 1976; Alain Montandon (ed.), Le lecteur et la lecture dans l’œuvre, Clermont- Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1982; Michel Picard, La lecture comme jeu, Paris, Minuit, 1986; cf. aussi du même auteur Lire le temps, Paris, Minuit, 1989 et „Présentation“, in: id. (ed.), La lecture littéraire, Paris, Clancier-Guénaud, 1987. 31 Cf. Bernadette Bertrandias, article „Fantôme“, in: Alain Montandon (ed.), Le Livre de l’hospitalité, Paris, Bayard, 2004. 32 Pour Sollers un texte s’écrit avec des textes et non pas seulement avec des phrases ou des mots. „Tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le déplacement et la profondeur“ (Philippe Sollers, „Ecriture et révolution“, in: Tel Quel, Théorie d’ensemble, Paris, Seuil, 1968, rééd. coll. „Points“, 75). 33 Fantasme qu’aucun écrivain n’a mieux exprimé, et avec ô combien d’ironie, que Flaubert dans son Saint Julien l’hospitalier qui pose l’hospitalité dans sa radicalité la plus extrême, en en faisant saillir les vives arêtes, les paradoxes tragiques et existentiels. Cf. mon chapitre „Le toucher de l’hospitalité: Gustave Flaubert“, in: Désirs d’hospitalité, Paris, PUF, 2002, 127-152. 34 François Laplantine et Alexis Nouss, Métissages. De Arcimboldo à Zombi, Paris, Pauvert, 2001. 35 Cf. Serge Gruzinski, La pensée métisse, Paris, Fayard, 2002.