eJournals lendemains 38/150-151

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Narr Verlag Tübingen
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2013
38150-151

Quand Gaston Miron descend dans la rue

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2013
Timo Obergöker
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127 AActuelles Timo Obergöker Quand Gaston Miron descend dans la rue Patrimoine littéraire et contestation sociale au Québec 1. Printemps érable En 2012, le Québec était secoué par un mouvement universitaire d’une ampleur sans précédent, essentiellement dirigé contre la hausse des frais de scolarité de $ 1625 que proposait le gouvernement du Premier ministre Jean Charest et sa Ministre de l’Education Line Beauchamp. Tous les deux ont été contraints de quitter leurs fonctions entre-temps. Ce mouvement commence en novembre 2011 par une grande manifestation dans les rues de Montréal et prend un nouveau souffle en février et mars 2012 par la plus grande manifestation étudiante de l’histoire de l’Amérique du Nord le 22 mars, réunissant 250.000 personnes dans les rues de la métropole québécoise. Le 18 mai, le gouvernement de Jean Charest vote la loi 78 afin de mettre un terme à la contestation étudiante qui commence à se transformer de plus en plus en une contestation sociale plus vaste. La loi 78 limite les droits civiques fondamentaux et restreint le droit de grève dans les universités; tout manquement sera lourdement sanctionné. Ne parvenant pas à calmer le jeu, le gouvernement sera même confronté à un ‚tintamarre de casseroles‘ qui se fera entendre en mai et en juin 2012 contre cette loi surnommée la „loi-matraque“ par ses détracteurs. Tous les soirs, des citoyens, munis de casseroles et de cuillers en bois, descendront dans la rue afin d’exprimer leur indignation et leur désapprobation quant à cette loi, reprenant de la sorte la tradition acadienne du ‚tintamarre‘. D’ores et déjà, de grandes manifestations se déroulent tous les 22 du mois à Montréal. Si les combats classiques des années 1960 jusqu’aux années 1990 opposaient fédéralistes et souverainistes, cette distinction n’est plus guère opérante pour le conflit estudiantin de 2012. Les lignes de fuite qui se dessinent suivent davantage un axe „gauche antiautoritaire et participative“ vs. „droite néo-libérale“, incarnée par le Premier Ministre Jean Charest. 1 Il semble néanmoins que la question linguistique et le volet culturel qui l’accompagne interviennent dans le conflit même si cette intervention reste discrète. Lors des manifestations, on voyait énormément de drapeaux québécois mais très peu de slogans en anglais malgré la présence de deux universités anglophones à Montréal. Il va sans dire que ce sont les universités francophones qui se sont le plus fortement mobilisées, c’est le cas notamment de l’UQAM. Le conflit estudiantin réactualise une matrice profondément ancrée dans l’imaginaire collectif francophone dans la mesure où l’accès massif des Francophones à 128 AActuelles l’enseignement supérieur est un fait relativement récent. Comme le note Jocelyn Létourneau dans son ouvrage Le Québec, les Québécois: Par rapport au reste du Canada, plus encore par rapport à l’Ontario, le Québec accuse en effet, au début des années 1960, un déficit important au chapitre de la fréquentation scolaire et de l’accès aux études supérieures. La situation est particulièrement grave chez les francophones. Elle explique en partie leur place désolante dans l’échelle de la stratification économique et sociale. 2 Ce que le conflit révèle de manière patente est le fait que l’accès aux études supérieures continue d’être considéré comme un acquis extrêmement précieux que l’on doit défendre. La fragilité des avancées sociales de la Révolution tranquille est un catalyseur susceptible d’expliquer l’adhésion massive de la gauche québécoise au mouvement estudiantin. Qui plus est, dans une province dans laquelle l’Etat a joué un rôle important en redistribuant les richesses et en assumant sa position d’Etat fort, il est évident que les stratégies néolibérales du Parti libéral se heurtent à une résistance importante. Voici ce qui expliquerait que le mouvement ne soit resté qu’un fait québécois et n’ait pas atteint les autres provinces, où les frais de scolarité sont autrement plus élevés. C’est d’ailleurs avec un certain étonnement que, dans les autres provinces canadiennes, la presse couvrait les événements québécois. L’on peut citer un cas sans doute extrême, celui de l’hebdomadaire anglophone Mc Lean’s (marqué très à droite) qui, le 4 juin 2012, montre sur sa couverture un jeune manifestant portant une capuche et une écharpe couvrant sa bouche et son nez, et dont on voit à peine les yeux, avec en titre „Quebec’s new ruling class“. L’article ne mâche pas ses mots: Tous les soirs, ils se rassemblent place Emile-Garmelin, au centre-ville, haut-lieu d’ivrognerie et de consommation de drogues illicites. De là, la foule se met en marche, dans une direction choisie par quiconque se trouve en tête du cortège à cet instant. Nul ne connaît le trajet et c’est délibéré. [ ] Si des violences éclatent, ce qui est souvent le cas, la police doit généralement faire preuve de tolérance, ne serait-ce qu’à cause du nombre de gens qui se pressent dans la rue. Des vitrines sont fracassées, des pierres lancées, des feux allumés. De temps en temps, la police intervient, mais en général, après cet accès de violence, la foule rentre dans le rang et poursuit son chemin. 3 Cet extrait est éloquent quant aux nombreux stéréotypes qui circulent au Canada anglophone sur le Québec (anarchiste, rétif à l’ordre, excessivement tolérant envers tout comportement déviant, de gauche); en plus, la fin de l’article révèle une inquiétude de fond: „Dans la rue comme dans les coulisses du pouvoir, on sent que le changement est en marche dans la province, peut-être de manière irrévocable“. 4 Le spectre d’un Québec indépendant continue à hanter les esprits anglophones. Le but du présent article ne consiste pas à prendre position pour ou contre la hausse des frais de scolarité. Si nous écrivons ce texte, c’est bien pour nous 129 AActuelles interroger, à l’instar du texte sur La Princesse de Clèves, 5 sur la présence notable de textes littéraires tous azimuts au sein des mises en scène contestataires: nous entendons par là aussi bien des manifestations, des discours, mais aussi des clips que l’on peut trouver sur youtube et dailymotion qui mettent en scène le mouvement de protestation. L’exercice auquel nous nous livrons est sans doute périlleux: premièrement parce que la distance qui nous sépare des événements est relativement courte, deuxièmement parce que l’on ne saura totalement faire abstraction de nos opinions personnelles. Or, force est de noter que face à l’importance de l’événement et à l’urgence de soulever certaines questions de fond, la romanistique ferait bien, de temps en temps, de rompre avec une objectivité apolitique qu’elle a coutume d’adopter et de renouer avec certaines questions d’envergure qui tenaillent nos sociétés. Nous partons ainsi de l’hypothèse que certains textes fondateurs de la Révolution tranquille sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif québécois et que dans des moments de grande densité idéologique, ils sont sortis des profondeurs du canon littéraire. Il s’agit là de textes littéraires qui correspondent au double objectif de ‚ralliement‘ et d’‚exhortation à la contestation‘, deux caractéristiques qui marquent de manière éloquente une bonne partie des textes des années 1960 et du début des années 1970. Interrogeons-nous alors sur le rôle qui revient à la littérature au sein de l’imaginaire québécois. 2. Révolution tranquille et littérature La littérature québécoise est doublement jeune. Jeune d’abord parce que le Québec s’est peuplé seulement à partir du début du XVII e siècle (les tentatives de Jacques Cartier s’étant avérées infructueuses), et jeune parce que la littérature québécoise a accédé à la reconnaissance internationale seulement depuis les années 1940-50, pour finir par s’imposer définitivement à partir des années 1960. Le processus de reconnaissance est donc lié à la Révolution tranquille des années 1960. La littérature, notamment la poésie, va jouer un rôle essentiel au sein de ce mouvement de prise de conscience. Désormais l’écrivain, bien plus qu’une personne se préoccupant uniquement de littérature, se rapproche davantage du modèle français de l’intellectuel intervenant directement dans la Cité. Dans une ambiance d’optimisme, l’écrivain engagé demeure réticent à épouser la ferveur qui l’entoure. C’est ainsi que la récente Histoire de la littérature québécoise note: L’heure est à l’action, à la mobilisation, au „parti pris“. Les mots d’ordre varient selon les groupes, mais les socialistes comme les indépendantistes s’entendent pour dire que l’écrivain ne peut écrire dans le silence de la retraite. Il doit prendre la parole et celle-ci devient le symbole d’une libération collective. Les années 1945-1960 ont été marquées par l’engagement de l’écrivain dans la littérature comme un monde en soi, structuré de façon autonome, avec des éditeurs capables de publier les auteurs d’ici et 130 AActuelles de leur assurer un rayonnement suffisant. A partir de 1960, cette impulsion est à la fois renforcée et contredite. Si l’organisation littéraire tend à se développer de façon encore plus nette que depuis 1945, l’écrivain n’entend plus s’occuper de littérature. Il assume désormais une fonction publique. 6 Il est ainsi des événements importants qui cristallisent cet engagement de l’écrivain dans la Cité, et la Nuit de la poésie du 27 mars 1970 en fait indubitablement partie. Dans le théâtre du Gesù à Montréal se retrouvent quelques personnages éminents de la poésie québécoise afin de célébrer cette poésie qui se veut délibérément ouverte sur la société, solidement implantée dans la Cité, il s’agit d’une poésie politique qui salue les acquis des dix dernières années et qui donne le ton des années à venir. En voici un témoignage enthousiaste: D’une part, mais on le savait déjà, la poésie québécoise, depuis une quinzaine d’années, est pour une grande part une poésie de la parole - comme la poésie française de la Résistance, comme la nouvelle poésie noire des Etats-Unis, comme la poésie africaine ou martiniquaise, comme la poésie de tous les groupes ethniques luttant pour leur libération. La plupart des poèmes québécois (Michèle Lalonde en a particulièrement fait la preuve) appellent, si l’on peut dire, le micro et la scène, et les applaudissements passionnés. Au point que la frontière entre poème et chanson a toujours été plus mince au Québec qu’ailleurs (la présence de Pauline Julien ou de Georges Dor à ce récital de poésie nous le rappelle) [ ]. 7 C’est en 1970 également que les tensions qui marquent le contexte idéologique du Québec gagnent en acuité. En effet, les mouvements d’observance à la fois postcoloniale et marxisante, s’inspirant des luttes anticolonialistes et socialistes dans le monde, verront le jour au Québec et vont lentement se radicaliser. L’un des textes fondateurs de ce mouvement était Les Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières, violent réquisitoire contre la classe dirigeante anglophone. Le début du texte en donne le ton: Je n’ai d’autre prétention, en écrivant ce livre, que de témoigner de la détermination des travailleurs du Québec de mettre un terme à trois siècles d’exploitation, d’injustices silencieusement subies, de sacrifices inutilement consentis, d’insécurité résignée; de témoigner de leur détermination nouvelle, et de plus en plus énergique, de prendre le contrôle de leurs affaires économiques, politiques et sociales, et de transformer en une société plus juste et plus fraternelle ce pays, le Québec, qui est le leur, dont ils ont formé l’immense majorité des citoyens et des producteurs de la richesse „nationale“ sans jamais, pourtant, bénéficier du pouvoir économique et de la liberté politique et sociale auxquels leur nombre et leur travail leur donnent droit. 8 131 AActuelles 3. Speak white / Speak red C’est dans un contexte idéologique tendu qu’il convient de situer le poème Speak white (1968) de Michèle Lalonde dont nous parlerons à présent. Speak white est un anathème souvent jeté sur les francophones canadiens, notamment de l’ouest, lorsqu’ils parlaient français et le poème éponyme compte jusqu’à ce jour parmi les textes fondateurs de la littérature québécoise. Un certain nombre de transformations donnent la mesure de son importance dans l’imaginaire collectif: il a servi de toile de fond à un court-métrage réalisé par Pierre Falardeau et Julien Poulin qui présente des scènes d’exploitation ouvrière et coloniale. 9 La structure du poème fut également reprise par un écrivain issu de l’immigration italienne, Marco Micone sous le titre de Speak what (1989), poème dénonçant le nombrilisme culturel québécois et le manque d’ouverture vers l’autre. Cette reprise prouve déjà l’ancrage de cette structure du poème dans l’imaginaire collectif. Il est d’ailleurs significatif que le texte commence par une référence très nette à Gaston Miron, dont il sera question ultérieurement. Voici un court extrait à titre simplement illustratif: Il est si beau de vous entendre parler de La Romance du vin et de L’homme rapaillé d’imaginer vos coureurs des bois des poèmes dans leurs carquois 10 Continuons cependant de nous préoccuper du texte Speak white de Michèle Lalonde dont voici un extrait: Il est si beau de vous entendre parler de Paradise Lost ou du profil gracieux et anonyme qui tremble dans les sonnets de Shakespeare nous sommes un peuple inculte et bègue mais ne sommes pas sourds au génie d’une langue parlez avec l’accent de Milton et Byron et Shelley et Keats Speak white et pardonnez-nous de n’avoir pour réponse que les chants rauques de nos ancêtres et le chagrin de Nelligan Speak white parlez de choses et d’autres parlez-nous de la Grande Charte ou du monument à Lincoln du charme gris de la Tamise de l’eau rose du Potomac Parlez-nous de vos traditions nous sommes un peuple peu brillant mais fort capable d’apprécier 132 AActuelles toute l’importance des crumpets ou du Boston Tea Party mais quand vous really speak white quand vous get down to brass tacks pour parler du gracious living et parler du standard de vie et de la Grande Société un peu plus fort alors speak white [ ] 11 Ce poème, on l’aura compris, différencie deux types d’anglais: d’une part une langue littéraire et porteuse d’un héritage important, la langue d’une culture millénaire mais qui est d’autre part celle des classes dominantes qui s’en servent à des fins d’exploitation. Ambiguë, la langue anglaise n’est pas uniquement celle des hauts-lieux culturels, mais elle est également celle des prescriptions et du commerce. La visée à la fois critique et auto-dérisoire du poème se manifeste dans le qualificatif de „peuple peu brillant et bègue“ et reprend plusieurs affirmations faites au cours du XIX e siècle prétendant que le peuple québécois serait dépourvu de littérature et de culture. Il convient de noter également que la libération du peuple québécois se situe dans un cadre plus vaste, celui des luttes de décolonisation et des manifestations contre la guerre au Vietnam des années 60 et 70. Nous ne sommes effectivement pas loin des Nègres blancs d’Amérique. De la sorte, le poème ne vante pas le français académique et parisien, mais plutôt la parlure impropre et écorchée des ouvriers. Ce contre quoi le sujet lyrique s’élève en faux est le fait que la pureté du langage soit utilisée afin d’opprimer des pauvres. Dans le vers suivant, tout usage répressif du langage est épinglé: Dans la langue douce de Shakespeare avec l’accent de Longfellow parlez un français pur et atrocement blanc comme au Viêt-Nam au Congo parlez un allemand impeccable une étoile jaune entre les dents parlez russe parlez rappel à l’ordre parlez répression speak white c’est une langue universelle nous sommes nés pour la comprendre avec ses mots lacrymogènes avec ses mots matraques 12 Car tout langage se fait complice des exploiteurs et des colonialistes. Il est intéressant de constater que le sujet lyrique procède à une différenciation entre un „nous“ (opprimé, vivant sous le joug de l’impérialisme) et un „ils“ fasciste et impérialiste. De la sorte, le „nous“ s’inclut dans une communauté en souffrance soumise au diktat de la „langue universelle“ de l’impérialisme. 133 AActuelles Ce poème continue de marquer l’imaginaire politique québécois en ce qu’il est emblématique d’une matrice fondamentale qui permet de comprendre le Québec contemporain, celle d’une double étrangeté linguistique, d’abord en ce qui concerne le français dans la mesure où le français tel qu’il est parlé au Québec diverge, selon les circonstances, plus ou moins sensiblement du standard parisien, ensuite, bein entendu, par rapport à l’anglais, omniprésent sur le continent nord-américain. Or, parallèlement, cette altérité linguistique est liée à une combativité et un engagement politiques. 13 Avant de passer au Speak red du mouvement étudiant, faisons une petite digression. Le 7 avril 2012 s’est déroulé à Montréal un grand événement intitulé „Nous“. 12 heures durant, des personnalités de la vie artistique et intellectuelle québécoise se sont interrogées sur la démocratie, la liberté d’expression, la souveraineté. 14 Il semble bon de souligner que cet événement, organisé dans la fièvre contestataire du printemps 2012, a été maintes fois comparé à la Nuit de la poésie de 1970. Dans le cadre de cette rencontre, le porte-parole du syndicat étudiant le plus important, la CLASSE, est intervenu. Dans son discours, Gabriel Nadeau-Dubois s’exprime ainsi: „On a appris ça goûte quoi le poivre de Cayenne, on a appris ça sent quoi les gaz lacrymogènes“. 15 Plus tard, il évoque à plusieurs reprises les matraques dont s’est servie la police lors des manifestations étudiantes pour discipliner les manifestants. Si la police a suscité des réactions extrêmement virulentes auprès de la population québécoise, c’est parce que les expériences d’une oppression et d’une dépréciation systématiques et séculaires restent profondément ancrées dans l’imaginaire collectif. C’est ainsi que des mots tels que „gaz lacrymogène“ et „matraque“ restent synonymes de violences tant réelles que symboliques dont les Québécois de langue française ont souffert pendant des siècles. Ainsi, il est significatif que la loi 78 (officiellement projet de loi 78, devenue la loi 12) a été surnommée „loi-matraque“ pour dénoncer la complicité tacite entre le gouvernement québécois et la police répressive. Speak red s’inscrit précisément dans ce contexte. Présent sur youtube ainsi que sur les réseaux sociaux, ce texte, lu par des enseignants et des étudiants des différentes universités québécoises, reprend le fameux poème de Michèle Lalonde. En voici des extraits: Speak red [ ] Parlons d’éducation et de justice sociale parlons du rapport Parent ou de la Révolution tranquille des luttes de nos prédécesseurs pour des acquis aujourd’hui balayés Parlons de la déroute de notre gouvernement nous sommes une génération sacrifiée mais avide de savoir et d’une société plus juste 134 AActuelles où l’éducation n’est pas un luxe et quand vous really speak red quand vous get down in the streets pour parler de vos idéaux et parler d’égalité des chances et du Québec que vous voulez vôtre un peu plus fort alors speak red haussez vos voix de citoyens de second-ordre. Ils sont un peu durs d’oreille ils vivent trop près des patronats et n’entendent que notre souffle depuis leur tour d’ivoire speak red and loud qu’on vous entende de Montréal à la Côte-Nord usez de votre admirable langue pour revendiquer demander des comptes refuser qu’on vous ignore pour des histoires de chiffres et de lunettes cassées 16 L’inscription de ce texte dans le cadre des revendications estudiantines est patente. Un certain nombre d’éléments renvoient à ce complexe d’infériorité dont il a été question préalablement. Le rapport Parent vient constater en 1964 un retard colossal des Québécois quant à l’accès à l’enseignement secondaire et tertiaire. L’instauration des CEGEP, équivalent du lycée général et technologique, est une conséquence directe de ce rapport. Qui plus est, le Québec va démocratiser l’accès aux universités et établir le réseau des universités du Québec un peu partout mais surtout dans les régions. Force est ainsi de noter que c’est l’Etat qui a joué un rôle fondamental dès lors qu’il s’agit d’amortir les injustices sociales et économiques. Et si le texte construit un „nous“ contre un „ils“, ces catégories-là ont très légèrement changé depuis la Révolution tranquille. Le „ils“ reste le patronat et les libéraux, incarné par le Premier Ministre Jean Charest. La question linguistique toutefois joue un rôle nettement moins important. Par ailleurs, le sentiment d’être un citoyen de second ordre perdure mais a, lui aussi, subi un changement de sens. Si ce citoyen ne correspond plus au petit travailleur francophone dépourvu de droits que Gabrielle Roy dépeint dans Bonheur d’occasion, il demeure le dépositaire d’une certaine conscience de minoritaire face aux preneurs de décisions, quelle que soit leur langue maternelle. Il est intéressant d’observer que les prises de position linguistiques ne manquent pas dans Speak red: 135 AActuelles dans la langue douce de Molière mais avec l’accent de Miron nous parlons la langue de notre génération comme en Angleterre en Colombie nous disons notre colère clairement un carré rouge entre les dents vous vous parlez hausse parlez rappel à l’ordre parlez répression speak red c’est une langue universelle nous sommes nés pour la comprendre malgré vos gaz lacrymogènes et malgré vos matraques Effectivement, la question linguistique est présente, mais là où, dans l’original de Lalonde, on parlait avec l’accent de Longfellow, poète américain qui a mis en poème la triste histoire d’Evangeline, héroïne acadienne, nous sommes ici avec Gaston Miron en présence d’un des poètes essentiels de la Révolution tranquille. De la sorte, la fierté des avancées culturelles du peuple québécois est habilement inscrite dans le texte, le référent identitaire se trouvant désormais au sein même de la culture québécoise. Il est à noter également que le poème s’inscrit dans une communauté plus vaste. Dans le contexte incriminé, c’est de la lutte des étudiants contre les frais de scolarité et de leur hausse qu’il s’agit - un mouvement global de contestation ayant pris de l’ampleur ces dernières années. Le sujet lyrique continue ainsi à s’inscrire dans un ‚mouvement international de victimes‘, bien que la cible ait changé. Ce n’est plus contre le colonialisme et ses avatars que les Québécois s’insurgent, mais contre le néo-libéralisme, la société du „Moi inc.“ dont a parlé Gabriel Nadeau-Dubois dans le discours lors du rassemblement „Nous? “. 17 Et ce même Gabriel Nadeau-Dubois, lors de ce meeting, va terminer son discours par un extrait du poème de Gaston Miron, La route que nous suivons. 4. Gaston Miron - Le front comme un delta En effet, s’il est un poète qui a su polariser les espoirs, les aspirations, mais aussi les frustrations de la nation québécoise pendant la Révolution tranquille, c’est bien Gaston Miron. C’est notamment son recueil L’Homme rapaillé (1970), maintes fois retravaillé, qui va réussir à exprimer le désir de bâtir une nouvelle société solidaire, basée sur le ‚nous‘. Ce recueil représente l’un des textes fondateurs de la littérature québécoise. Son importance dépasse d’ailleurs le seul cadre littéraire: elle est mise en exergue par un double album où les chanteurs québécois les plus importants mettent en musique, chacun à sa manière, un poème de Miron. La publication de ce CD, Douze hommes rapaillés, date de 2009 et est donc antérieure aux manifestations de cette année. Vendu à plus de 70000 exemplaires, il témoigne de 136 AActuelles l’attachement des Québécois à la poésie d’un de leurs maîtres de pensée. Le poème cité par Nadeau-Dubois, transformé, figuré, mis sur des pancartes et banderoles, La route que nous suivons, est devenu emblématique de l’utilisation de la littérature québécoise par le mouvement de contestation. C’est notamment la fin du poème qui fut reprise pendant la crise étudiante: Nous avançons nous avançons le front comme un delta Goodbye Farewell Nous reviendrons, nous aurons à cœur le passé Et à force d’avoir pris en haine toutes les servitudes, Nous serons devenus des bêtes féroces de l’espoir 18 Comment le succès immense de ce vers et sa longévité au sein de la mémoire collective peuvent-ils être pensés? Le sujet lyrique évoque certains éléments cruciaux de tout mouvement de contestation: d’abord, nous observons un „nous“, il s’agit d’un groupe d’initiés et d’un mouvement dans les deux acceptions du terme. Le verbe „avancer“ exprime que le mouvement effectué va dans le sens du progrès, de l’avenir. Ce dont il s’agit, c’est d’un mouvement collectif vers un avenir plus radieux. Or ceux qui avancent ne forment pas un bloc homogène, menaçant - ils ne sont pas des soldats en uniforme, formant un front unique, une masse. Le front que forme le ‚nous combatif‘ est un delta, donc divers, multiple, grâce à ses bifurcations. C’est la force de la diversité et de la multitude qui constitue ce front et celui-ci prend de multiples voies avant de se jeter finalement dans la mer. Les deux premiers vers de ce poème correspondent déjà parfaitement à l’image que tout mouvement de contestation se fait de lui-même. Déterminé, uni, mais multiple et coloré, voici des traits beaux et nobles que tout mouvement contestataire a envie de faire siens. Par ailleurs, le poème reprend clairement des éléments de voyage. „Farewell, Goodbye“ voici ce que l’on exprime avant un départ vers une destination inconnue. La langue anglaise introduit un facteur idéologique dans le texte, sa présence pourrait être interprétée comme le désir de lui dire „farewell“ afin de ‚vivre en français‘. Il faut convenir que ces deux termes, par leur rythme, s’insèrent parfaitement dans le contexte du poème. Le voyage qu’évoque le texte a une vocation quasiinitiatique: lorsqu’il prend fin, on revient, mais on revient autre. Le statut ontologique du „nous“ a donc changé. Dans la mesure où il n’est plus prêt à accepter la servitude, toutes les servitudes, la révolte se fait universelle, globale. Nous ne sommes pas très loin de la conclusion de Speak white. Il convient de s’insurger contre toutes les injustices, quelle que soit leur provenance géographique. De la sorte, dans une économie poétique remarquable, ce retour de voyage est lié à l’espoir et à la construction d’un avenir plus radieux. Etant donné leur puissance à la fois poétique et politique, les poèmes de Miron furent omniprésents lors des manifestations étudiantes de 2012. Les jeunes manifestants se considéraient comme des „bêtes féroces de l’espoir“, le „carré rouge“ 137 AActuelles emblématique du mouvement se mélangeait ainsi aux paroles du poète pour créer des mélanges assez inhabituels. L’illustration 1 en représente un exemple éloquent. Par ailleurs, lors des FrancoFolies de Montréal, l’un des plus grands festivals de musique du Québec, des musiciens ayant auparavant enregistré l’album avec les poèmes de Miron donnèrent un concert sur fond de crise sociale. 19 La poésie de Miron semble aborder un ensemble de questionnements qui sont au cœur même des préoccupations québécoises et qui sont réactualisées à des moments de grande intensité idéologique. Comment cette réactualisation s’explique-t-elle? Il y a sans doute une raison relativement simple et pragmatique: la plupart des grévistes sont bien des étudiants en Lettres et en Sciences Humaines qui sont forcément familiers avec les textes canoniques de la littérature québécoise. Par ailleurs, la réactualisation du patrimoine de la littérature québécoise se situe au confluent de deux mouvements parallèles. Comme on l’a vu, la littérature québécoise est relativement jeune et n’a réussi à accéder à une plus grande visibilité qu’au moment de la Révolution tranquille. L’on peut toutefois considérer sa simple existence comme une victoire symbolique. Dans le rapport du Lord Durham précédant l’union des deux Canada, le peuple québécois fut perçu comme étant dépourvu d’histoires et de littérature. Du fait de la négation même de l’existence d’une culture québécoise, la présence même d’une forme de poésie peut être considérée comme un triomphe sur l’oubli et l’assimilation. Cette victoire se manifeste clairement dans des textes littéraires qui sont, en plus, fédérateurs. Effectivement, la comparaison avec la poésie de la Résistance et celle de la décolonisation faite au début de cet article est pertinente, ce sont autant de textes marqués par leur caractère mobilisateur, proche de la chanson (il est peut-être utile de rappeler ici les nombreuses réactualisations de Liberté de Paul Eluard comme p. ex. la chanson éponyme de Cristina Branco). Par ailleurs, la manifestation étudiante a non seulement donné naissance à des réécritures des grands textes de la Révolution tranquille, mais elle a également établi une nouvelle forme de création littéraire - qui, elle, se réclame toutefois de celle de Gaston Miron et de la Révolution Ill. 1: Manifestation étudiante à Montréal 20 138 AActuelles tranquille. Ainsi, quelques mois après le printemps érable, un recueil de poèmes, de B.D., de chansons et d’affiches consacrés au mouvement étudiant est sorti. Nous y trouvons de multiples formes d’expression poétique qui, elles, se réclament à leur tour de Miron et de Lalonde. C’est ainsi qu’Hugo Latulippe, cinéaste et poète, affirme à la fin de son poème Nous sommes des millions: „Les gens de la horde, les Desjardins et Miron, les étudiants, les femmes de la côte, les photographies excuseront, je l’espère mes emprunts. J’ai cueilli tout ce que j’ai cueilli en connaissance de cause et je leur en suis reconnaissant.“ 21 Il convient par ailleurs de poser la question de la médialité. Si la Nuit de la poésie de 1970 est restée présente dans l’imaginaire collectif québécois, grâce également au documentaire de Jean-Claude Labrecque, il semble toutefois que des médias comme youtube ont augmenté la notoriété de cet événement, dont des extraits, désormais, sont accessibles au plus grand nombre par un simple clic. 22 Les professeurs s’en servent également dans leurs cours, d’autant que la façon de Michèle Lalonde de déclamer son poème est impressionnante. Youtube se mue de plus en plus en une sorte de mémoire visuelle collective. De ce fait, dans Speak red, certains participants au projet essaient d’imiter les inflexions de Lalonde, cherchant de la sorte à faire montre de leur familiarité avec l’enregistrement original. Ils soulignent ainsi leur statut d’initiés. Par ailleurs, les médias sociaux ont joué un rôle primordial pendant les manifestations étudiantes. Ce rôle est double: pendant l’organisation des ‚manifs‘ (se muant en une zone grise entre légalité et illégalité en raison du projet de loi 78), c’est via Internet et les smartphones que les itinéraires étaient communiqués aux participants. De plus, les différents clips circulant sur vimeo et youtube ont un effet de ‚solidarisation‘ puisqu’ils invitent le grand public à adhérer aux revendications étudiantes. En même temps, ils créent un consensus entre les différents partis impliqués dans le mouvement. Si Le Bruit des bottes de Yann Perreau est devenu l’hymne du printemps érable, les différents clips sur youtube ont indéniablement contribué à la diffusion massive de cette chanson. Il en va de même pour les affiches. A l’instar de 1968, la grève étudiante a fait émerger une quantité d’affiches - dont les esthétiques respectives sont très proches les unes des autres. Or, celles du printemps érable étaient relativement peu présentes dans l’espace public. Elles se trouvaient rarement collées aux murs mais furent exhibées sur des sites Internet qui formaient une sorte de paratexte de la Révolte. 23 Ainsi, on peut parler d’une transposition partielle de l’espace public. Internet et le ‚mur‘ de facebook tiennent lieu dorénavant d’espace public réel. A une époque où l’espace public subit des modifications en profondeur et où de nombreux jeunes passent plus de temps devant leurs écrans et dans les réseaux sociaux que dehors, il est bon de se poser la question de savoir si la notion d’espace public est encore appropriée - d’autant que l’espace public se voit graduellement commercialisé. Mais nous nous trouvons là face à des changements dont nous ne pouvons pas encore entrevoir l’ampleur. 139 AActuelles Quant à la portée politique des événements, les manifestations étudiantes ont eu un résultat mitigé. Si les élections du mois de septembre ont délogé Jean Charest, il n’en est pas moins vrai que le gouvernement péquiste dispose d’une majorité extrêmement précaire à l’Assemblée Nationale. En même temps, l’une des premières mesures annoncées par la nouvelle Première ministre Pauline Maurois était l’annulation de la hausse des frais de scolarité et de la loi 12 (projet de loi 78). On pourrait donc affirmer que la contestation a porté ses fruits et que les étudiants sont parvenus à leur fin. Cependant, le mouvement de contestation montre clairement une normalisation du paysage politique au Québec. Le clivage qui s’est fait jour montre que dorénavant, comme dans le reste du monde occidental, le fossé politique sépare la gauche de la droite, et moins les fédéralistes des souverainistes. L’accès à l’éducation des francophones semble constituer cependant un des points d’achoppement qui restent extrêmement sensibles. Il se frotte à un acquis extrêmement précaire et fortement mobilisateur. Il convient de traiter avec prudence la question de la souveraineté. Celle-ci demeure d’actualité mais elle est moins urgente qu’il y a encore un certain nombre d’années. De plus en plus, les deux communautés linguistiques au Canada coexistent dans l’indifférence la plus totale, sans qu’une séparation définitive, pour l’heure du moins, ne paraisse une solution souhaitée par une majorité des Québécois. Or le mouvement de contestation québécois recourt - et là réside sans doute sa spécificité - à un fonds de biens symboliques profondément enracinés dans l’imaginaire collectif. Il semble que tout ce qui relève de la langue et de la littérature continue à disposer d’un potentiel mobilisateur. La Révolution tranquille continue d’etre considérée comme le moment fondateur du Québec moderne et ses acquis comme précieux. L’une des spécificités francophones semble donc résider dans un attachement à la langue et à la culture. Mais là aussi il faut nuancer dans la mesure où cet attachement ne concerne pas la société dans sa totalité, mais intéresse les élites culturelles. Quant à la mobilisation étudiante, on pourrait également parler de contre-réaction par rapport à une perte de vitesse de la culture canonique. Il n’en demeure pas moins que la matrice fondamentale de nombreux débats autour de la prétendue crise du canon littéraire reste intacte: la droite riche et cynique s’y oppose à une gauche qui se pose en défenseur de la culture - une matrice qui déjà fut réactualisée pendant le mouvement étudiant français de 2009. Il y a fort à parier qu’elle ait encore de beaux jours devant elle. 1 Cf. Piroska Nagy/ Martin Petitclerc, „La grève est étudiante, la lutte est populaire“, Revue du MAUSS permanente, 5 juin 2012, http: / / www.journaldumauss.net/ spip.php? article902 (site consulté le 12 septembre 2013). On trouvera aussi des éléments intéressants dans Mathieu Bock-Côté, La dénationalisation tranquille, Montréal, Boréal, 2007. 2 Jocelyn Létourneau, Le Québec, les Québécois, Montréal, FIDES, 2004, 86. 3 Martin Patringuin, Quebec’s new ruling class, Mac Lean’s, 4 juin 2012, cité d’après: Courrier International, dossier spécial „Montréal, ville rebelle“, 1121, 5 au 11 juillet 2012, 14. 140 AActuelles 4 Ibid. 5 Timo Obergöker, „Quand la Princesse de Clèves descend dans la rue, Littérature et contestation sociale dans la France d'aujourd'hui“, in: Grenzgänge. Zeitschrift für eine moderne Romanistik, 20, 2008, 146-161. 6 Michel Biron/ François Drumont/ Elisabeth Nardout-Lafarge, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2007 [2010], 263. 7 Dominique Noguez, „La poésie québécoise en gloire“, Vie des arts, 62, 1971, 50-53, ici: 51. 8 Pierre Vallières, Les Nègres blancs d’Amérique, Montréal, typo, 2003, 7. 9 http: / / www.onf.ca/ film/ speak_white (12 septembre 2013). 10 Marco Micone, Speak what, Montréal, VLB, 2001 [avec une introduction de Lise Gauvin]. 11 Michèle Lalonde, Speak white, Montréal, L’Hexagone, 1974, 16. 12 Ibid. 13 C’est ce que Lise Gauvin appelle, dans son ouvrage éponyme, Langagement, Montréal, Boréal, 2000. 14 http: / / www.facebook.com/ nouspointdinterrogation (12 septembre 2013). 15 http: / / embruns.net/ logbook/ 2012/ 05/ 27.html (12 septembre 2013). 16 http: / / www.youtube.com/ watch? v=zkbBeQ21d1c (12 septembre 2013). 17 http: / / www.pigeondissident.com/ publications/ gabriel-nadeau-dubois-et-nous (12 septembre 2013). 18 Gaston Miron, „La route que nous suivons“, in: Id., L’homme rapaillé, Paris, Gallimard, 1987. 19 Guillaume Bourgault-Côté, „FrancoFolies. Avec Miron sur la place publique“, Le Devoir 16 juin 2012, http: / / www.ledevoir.com/ culture/ musique/ 352440/ miron-avec-les-siens-sur-laplace-publique (12 septembre 2013). Ce concert a incité le journal Le Devoir à s’interroger sur l’importance que revêt Gaston Miron pour le mouvement étudiant. Questionné sur les raisons de la réactualisation de Miron dans le cadre du conflit étudiant, François Dumont, professeur de littérature à l’Université Laval et spécialiste de l’œuvre du poète répond dans les termes suivants: „Il y a plusieurs raisons, répond M. Dumont. ‚Il y a certainement le côté préoccupation sociale, dit-il. Chez Miron, l’idée du sort commun est centrale. Il parle des exploités, de ceux qui ne sont pas en mesure de parler.‘ Le professeur estime que c’est là une ‚poésie qui interpelle, qui est comme un mouvement vers la société. Miron représente le contraire de la perception que certains ont de la poésie un objet séparé de la vie. La poésie de Miron n’en est pas une de laboratoire, elle se place souvent sur la place publique. Il y a là un appel à l’action collective.‘ [ ] D’autant que ses textes sont porteurs d’une idée de ‚solidarité dans l’indignation et dans l’opposition‘ très en phase avec le mouvement actuel, soutient M. Dumont. ‚Miron a une façon de nous faire voir ce qu’il y a sous les questions politiques. Je pense à l’indépendance ou à la langue: il nous ramène aux fondements de ces questions.‘ Dans le contexte, il lui paraît donc ‚normal qu’une telle poésie fasse son chemin sur la place publique‘, qu’elle soit portée par des chanteurs, des politiciens, des citoyens ou des filles pas loin de la nudité“ (ibid.). 20 http: / / juralib.noblogs.org/ 2012/ 05/ 17/ printemps-erable-nous-sommes-devenus-les-betesferoces-de-lespoir (29 juillet 2013). 21 Hugo Latulippe, „Nous sommes des millions“, in: Je me souviendrai. 2012. Mouvement social au Québec, Montréal, Boîte à bulles, 2012. 22 http: / / www.onf.ca/ film/ nuit_de_la_poesie_27_mars_1970 (12 septembre 2013). Le film peut être visionné gratuitement sur le site de l’ONF. 23 www.ecoledelamontagnerouge.com est sans doute le site le plus important.