lendemains
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2941-0843
Narr Verlag Tübingen
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2014
39153
Littérature comparée, Weltliteratur, globalisation en France et en Allemagne
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2014
Anne Isabelle François
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79 DDossier Anne Isabelle François Littérature comparée, Weltliteratur , globalisation en France et en Allemagne Enjeux et perspectives Ma patrie se trouve dans la littérature et je suis pour la conception goethéenne de la littérature, pour une Weltliteratur. Danilo Kiš Nous nous proposons dans cet article de nous arrêter à un des enjeux les plus actuels dans le champ de la littérature comparée des deux côtés du Rhin, convergence frappante qui peut être interprétée comme un nouveau ‚retour à Goethe‘, figure tutélaire de la discipline. La perspective de la globalisation constitue en effet un défi pour le champ de recherche, qui s’efforce de se positionner et de penser ses objets non plus au sein de relations bilatérales privilégiées, ni même au sein d’un monde bipolaire, mais dans une approche multiscalaire, pour développer des objets et méthodes de travail communs. 1 Émerge ainsi une autre forme d’échange et de dialogue franco-allemand qui s’efforce de tenir compte de ce changement d’échelle avec l’inscription de cette préoccupation commune dans les travaux et publications. Il en va donc de la définition de ce régime ou état mondial de la littérature, une heuristique qui entend problématiser la ‚globalisation‘ tout en répondant aux enjeux contemporains, en pratiquant une recherche en prise avec le monde et les évolutions de la société. Ce sont ces enjeux que nous entendons dessiner, tout en fournissant un aperçu bibliographique aussi large que possible ainsi qu’une ouverture sur les perspectives de recherche actuelles. Un débat actuel Un des signes les plus visibles de cette préoccupation commune, outre l’ensemble des publications et la réception concomitante des recherches produites sur le sol nord-américain, lieu d’institutionnalisation universitaire par excellence, est constitué par les congrès des sociétés savantes, ces vitrines et plateformes du champ. Successivement plusieurs de ces ‚grand-messes‘ ont explicitement choisi la question de la mondialisation comme sujet central de réflexion: en juin 2007, le Congrès KCTOS, organisé à Vienne, porte sur le thème „Komparatistik und Weltliteratur in der Epoche der Globalisierung“; en juin 2011 le XV e Congrès de la Deutsche Gesellschaft für Allgemeine und Vergleichende Literaturwissenschaft (DGAVL), organisé à Bonn, est intitulé „Figuren des Globalen: Weltbezug und Welterzeugung in Literatur, Kunst und Medien“; enfin, en juillet 2013, lors du XX e 80 DDossier Congrès de l’Association Internationale de Littérature Comparée (ILCA) à Paris, toute une série d’ateliers ont été consacrés à la question. On a ainsi pu écouter notamment un panel animé par Wolfgang Asholt (Universität Osnabrück) sur „le concept de ‚littérature mondiale‘“, une session sur „la nouvelle vague de littérature mondiale“ organisée par Achim Hölter (Universität Wien), ainsi que les conférences de Louisa Shea (The Ohio State University) sur „World Literature et ‚Littérature-monde‘: même vague? L’importance du contexte institutionnel et national dans l’articulation du concept d’une littérature mondiale“ et d’Elke Sturm-Trigonakis (Thessalonique) sur „The New Weltliteratur and Globalization“. 2 Ce bref aperçu montre aussi déjà en quoi l’enjeu terminologique apparaît central au débat, tout comme l’imbrication et l’enchevêtrement des niveaux de réflexion: qu’il s’agisse de la question de l’institutionnalisation universitaire et du positionnement dans un champ de recherche, de la définition des programmes scolaires et universitaires, des politiques de traduction, des reconfigurations disciplinaires ou de la constitution des objets d’étude. 3 Le Congrès de Bonn s’est ainsi explicitement posé la question tant du positionnement de la discipline en cette époque en voie de mondialisation ou déjà globalisée, que des conséquences théoriques et méthodologiques qui en découlent, soulignant d’ailleurs d’emblée un certain ‚retard‘ ou en tout cas décalage allemand dans la discussion, en particulier par rapport à la France. L’objectif du congrès était, selon ses organisateurs, notamment: „dazu beitragen, ein vertieftes Verständnis des Konzepts der Weltliteratur (bzw. Weltkultur) zu entwickeln. Inwiefern bedarf dieser Begriff unter den Bedingungen der Globalisierung einer Revision? Anläufe zu einer Rekonzeptualisierung des Weltliteraturbegriffs wurden in den vergangenen Jahren vor allem in den USA und Frankreich unternommen, während die Debatte im deutschsprachigen Raum bislang noch nicht richtig in Gang gekommen ist. Die Tagung will die Impulse aus den USA und Frankreich aufnehmen und die deutschsprachige Komparatistik dazu anregen, eine Standortbestimmung vorzunehmen“. 4 Il n’est du reste pas non plus anecdotique que les keynote-speakers lors du Congrès de Bonn en 2011 et lors du Congrès de Paris en 2013 aient été, respectivement, David Damrosch et Gayatri Chakravorty Spivak, l’un et l’autre au centre de la discipline mais aussi au cœur du débat sur la Weltliteratur. La question est en effet tout aussi nodale au sein de la communauté des comparatistes anglophones, comme le montrent les actes et rapports en particulier de l’Association américaine de littérature comparée (ACLA), seulement quelques-unes parmi les très nombreuses publications de ces quinze dernières années, dont nous citerons ici les plus importantes. Les rapports de l’ACLA déclinent ainsi la question dans ses diverses reformulations au fil des congrès: Comparative Literature in the Age of Multiculturalism (ed. Charles Bernheimer, Baltimore / Londres, Johns Hopkins UP, 1995); 5 Debating World Literature (ed. Christopher Prendergast, Londres / New York, Verso, 2004); Comparative Literature in an Age of Globalization (ed. Haun Saussy, Baltimore, Johns Hopkins UP, 2006). Mentionnons également les 81 DDossier articles et ouvrages des grands noms de la discipline qui ont lancé puis problématisé la ‚vague‘: „Conjectures on World Literature“ de Franco Moretti (New Left Review, 1, janvier-février 2000, 57-67); 6 „Goethe’s ‚World Literature‘: Paradigm and Contemporary Cultural Globalization“ de John Pizer (Comparative Literature, 3, 52/ 2000, 213-227); What is World Literature? de David Damrosch (Princeton, Princeton UP, 2003): The Idea of World Literature. History and Pedagogical Practice de John Pizer (Baton Rouge, Louisiana State UP, 2006); Globalization and the Futures of Comparative Literature (ed. Jan M. Ziolkowski / Alfred J. Lópe, The Global South, 1, 2/ 2007). Enfin, même engouement en France et en Allemagne, avec des publications riches et nombreuses. Après l’inaugural et très discuté ouvrage de Pascale Casanova, La République mondiale des lettres (Paris, Seuil, 1999), qui ne problématisait d’ailleurs pas tant la littérature mondiale que les principes d’un „espace littéraire international“, mais n’en a pas moins transformé en profondeur l’idée de littérature mondiale et la réflexion sur les méthodes d’investigation de ce champ, non sans de vives controverses, on mentionnera: Literatur im Zeitalter der Globalisierung (ed. Monika Schmitz-Emans / Kerst Walstra, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2000); Où est la littérature mondiale? (ed. Christophe Pradeau / Tiphaine Samoyault, Saint-Denis, PU de Vincennes, 2005); Die Vermessung der Globalisierung (ed. Ulf Reichardt, Heidelberg, Winter, 2008); L’espace culturel transnational (ed. Anna Boschetti, Paris, Nouveau Monde, 2010); „Literatur in der Globalisierung - Globalisierung in der Literatur“ d’Alexander Honold (2010); 7 Spectres de Goethe. Les métamorphoses de la „littérature mondiale“ de Jérôme David (Paris, Les Belles Lettres, 2012); ou encore Weltliteratur und Welttheater. Ästhetischer Humanismus in der kulturellen Globalisierung d’Alexander C. Y. Huang (Bielefeld, Transcript, 2012). C’est d’ailleurs aussi ce qui est à l’origine de volontés éditoriales affirmées de traductions ou re-traductions de textes fondateurs de la question - comme avec la nouvelle traduction, par Julie Stroz, de l’ouvrage séminal de Viktor Klemperer: Littérature universelle et littérature européenne (Strasbourg, Circé, 2011). De même, Philologie der Weltliteratur (1952) d’Erich Auerbach était un texte demeuré inédit en français jusqu’à sa traduction en 2005 par Diane Meur (dans le volume de Christophe Pradeau et Tiphaine Samoyault, Où est la littérature mondiale? , 2005). Cette politique active s’impose et se justifie d’autant plus que c’est l’argument de beaucoup, David Damrosch notamment, que l’ambition de la littérature comparée actuelle - embrasser les productions culturelles à l’échelle planétaire - ne fait que rejoindre celle de certains fondateurs de la discipline: Étiemble (on pense en particulier à son Ouverture(s) sur un comparatisme planétaire [1988] qui a façonné un comparatisme global futuriste), Auerbach, Klemperer bien sûr, mais aussi Leo Spitzer, 8 Hugo Meltzl de Lomnitz (1848-1906) ou Hutcheson Macaulay Posnett (1882-1901). Ce qui fait que le ‚retour à Goethe‘ s’affirme aussi décidément comme un retour aux sources, de fait, également franco-allemandes de la discipline. 9 82 DDossier Enjeux Ces débats, des deux côtés du Rhin aussi bien que de l’autre côté de l’Atlantique, sont menés dans un mélange de peur et d’euphorie. Dès 1996, dans la Revue Canadienne de Littérature Comparée, Linda Hutcheon parlait même d’un état „anxiogène“ propre à la discipline, 10 qui non seulement ne cesserait de devoir se remettre à intervalles réguliers en question, mais qui devrait également faire face à la menace, réelle ou fantasmée, d’une disparition. Les critiques affirment ainsi autant la centralité de la discipline que sa dissolution progressive, sinon disparition inéluctable, dans un processus de mondialisation aussi puissant qu’irréversible. Cela va de pair avec la question, sous forme de dilemme là aussi ancien, de savoir si la ‚globalisation‘ actuelle crée pour la première fois les prémisses mondiaux nécessaires à la réalisation de l’idéal de Weltliteratur, ou si au contraire elle menace précisément de miner cet idéal en raison d’une tendance hégémonique de concentration, d’uniformisation et de standardisation culturelles, et donc de nivellement planétaires qui réduiraient progressivement le monde en lui faisant perdre sa diversité. 11 Tel le phénix, la discipline ne cesse donc de se reconfigurer, les chercheurs se penchant de façon répétée sur leurs méthodes et leur légitimité, 12 aujourd’hui centralement autour de cet idéal fondateur qu’est le concept de Weltliteratur. On sait que Goethe crée le concept de Weltliteratur en 1827 pour décrire l’accès de plus en plus important aux textes d’autres nations. Sans entrer ici dans le détail des différentes conceptions de la notion, non mutuellement exclusives et en partie déjà embrassées par son inventeur (chez qui la notion n’est pas univoque), son retour fracassant dans le champ comparatiste ne saurait trop surprendre, surtout lorsqu’on se souvient que la question du dépassement des littératures nationales est au cœur de la constitution de la discipline et que la référence à Goethe, précurseur d’une histoire véritablement comparée ou globale de la littérature, est une des constantes de la littérature comparée. Ce renvoi, sous forme de légitimation et de défi, est d’ailleurs (re)devenu un des passages obligés des publications de ces dernières années. Ainsi Gail Finney, responsable éminente au sein de l’ACLA, écrit-elle en 1997: „with his notion of Weltliteratur, [Goethe] in essence invented comparative literature“, 13 et John Pizer de renchérir, trois années plus tard dans la même revue: „almost all studies of comparative literature’s history recognize Goethe’s Weltliteratur paradigm as seminal to the discipline’s development“. 14 La notion continue donc à opérer comme clef pour la discipline, désignant à la fois une réalité concrète, l’ensemble des littératures nationales, et un processus d’intégration plus ou moins hypothétique. Elle dessine dès lors un programme volontariste qui passe par la mise en place d’une véritable dynamique décloisonnante, où le travail de traduction est un ressort privilégié mais non exclusif. On comprend donc que le débat superpose les enjeux politiques, éthiques, esthétiques et institutionnels, selon l’idée, formulée exemplairement par Franco Moretti dans sa conférence „Hypothèses sur la littérature mondiale“ (1999), que la littéra- 83 DDossier ture mondiale n’est peut-être pas tant un objet qu’un problème, qui appelle une nouvelle méthode critique. C’est en particulier cette conférence, largement discutée, qui a (re)lancé le programme, surtout qu’elle prenait place dans le contexte où la communauté des chercheurs se demandait, non sans inquiétude, si la „global literature“ pourrait ou allait remplacer la „comparative literature“. La réémergence de la notion de Weltliteratur semble alors bien correspondre à une prise de responsabilité qui met en place une volonté et un agenda, autorisés par les réappropriations multiples de la notion, où il s’agit d’œuvrer pour une ambition tour à tour cosmopolite, militante, éducative, humaniste et critique. Qu’elle soit donc comprise comme réalité ou idée, voire utopie, comme un patrimoine esthétique universel ou le levier conceptuel d’une analyse critique, la notion de Weltliteratur est indéniablement l’occasion de reconfigurations mouvantes qui donnent d’ailleurs lieu à autant de positionnements à son encontre que de tentatives de définition positives, 15 et se poursuivent par les interrogations sur les frontières et pratiques disciplinaires. On peut en prendre pour exemple la pensée de Gayatri Chakravorty Spivak, extrêmement mobile et évolutive, mais qui se pose aussi clairement comme un discours situé autant que comme une entreprise militante. En 2003, elle déploie ainsi, avec le concept de „planétarité“ (planetarity), titre du dernier chapitre de son ouvrage Mort d’une discipline, sa thèse politique et intellectuelle: selon elle, un travail fondé sur cette notion implique de ne plus identifier l’autre comme autre, de ne plus adopter de point de référence ou de comparaison, mais de tout considérer selon le principe général d’inclusion. Le concept entendait permettre spécifiquement la prise en compte de la diversité et de la pluralité des langues. Spivak a cependant depuis abandonné ce concept pour promouvoir plutôt ce qu’elle nomme un comparatisme de l’équivalence, plaçant des réalités linguistiques, affectives, littéraires sur le même plan en effaçant tout fonctionnement hiérarchique, en particulier entre les situations d’émancipation. 16 Elle milite aujourd’hui également pour une pratique centrale de „détranscendantaliser“, nom donné aux actes de décodage et de déconstruction du nationalisme qui sont, pour elle, les tâches principales dévolues à l’imagination littéraire et à l’enseignement des humanities. D’où, selon Tiphaine Samoyault qui établit explicitement le pont avec les penseurs allemands et français, un plaidoyer, chez Spivak „pour une pratique de la littérature comparée privilégiant les interactions (rencontres, dialogues, traduction, phénomènes d’intertextualité), ce qui implique une contemporanéité complexe, cette contemporanéité des non-contemporains dont parlait Bloch dans une formule devenue célèbre, qui peut dès lors devenir son objet. Comme le dit Antoine Berman évoquant la conception goethéenne de la Weltliteratur: ‚La littérature mondiale [ ] est ainsi la co-existence active de toutes les littératures contemporaines‘“. 17 Sur le plan politique, cela milite pour une pensée renouvelée du Sud qui soit moins guidée par le postcolonial (et l’inversion des rapports de domination) que par l’idée qu’il forme un espace d’expérimentation préfigurant un futur proche du monde global. Haun Saussy de même, dans un article au titre aussi intrigant 84 DDossier que métaphorique, où il plaide également avec force pour la place centrale des humanités, souligne la part de responsabilité politique de la littérature comparée dans le monde mondialisé, responsabilité qui déborde considérablement le domaine universitaire. 18 Perspectives Les perspectives les plus dynamiques au sein de la recherche comparatiste en France et en Allemagne prennent ainsi en compte ces attendus et défis, pour repenser les littératures dans un contexte géopolitique et post-colonial précis, tout en continuant la problématisation de la discipline et de sa démarche. Nous en donnerons seulement quelques aperçus ici. Mentionnons premièrement tout ce qui touche à la définition et à la place des études littéraires au sein de l’Europe, politique et historique, notamment les tensions avec les littératures et canons nationaux, mais aussi comment la littérature et les écrivains ont joué et continuent à jouer un rôle déterminant dans la constitution de cette entité européenne. C’est par exemple l’objet de tel article qui réfléchit aux incidences sur les littératures nationales de l’entrée de dix nouveaux pays dans l’Union européenne en mai 2004 ainsi que de la mise en place du processus et programme dit „de Bologne“. 19 Mentionnons également les travaux portant sur les rapports entre l’ancienne Europe et le monde, dans un contexte de centres mouvants et de marges émergentes, de rapports toujours complexes entre centre et périphérie, 20 ainsi que les approches qui interrogent la ou les ‚préhistoires‘ de la globalisation, avec quelques périodes privilégiées ou en examinant les échanges et dialogues réciproques entre les œuvres contemporaines et les textes du passé, 21 ou la manière dont les échanges épistolaires ont permis la mise en réseau de l’espace européen, la création d’un modèle intégrateur, où l'esprit national se concilie avec l’appartenance à un monde commun, à l’ère de la première mondialisation. 22 On citera aussi le travail que mène depuis une dizaine d’années Peter Goßens à l’université de Bochum sur la notion de Weltliteratur, qui a déjà donné lieu à un article d’importance, à la frontière du théorique et du pratique, multiplement réimprimé, ainsi qu’à un ouvrage de synthèse en 2011. 23 Entrent enfin dans ce champ de recherche, les analyses menées sur les notions d’„œuvresmondes“ ou de „romans-mondes“, 24 tout comme l’organisation en 2008 de la journée d’études franco-allemande consacrée aux „Modèles interprétatifs des postcolonial studies: le comparatisme en question“ avec en particulier l’intervention de Hans-Jürgen Lüsebrink sur „Les enjeux d’une Weltliteratur métissée - approche comparatiste et hybridité interculturelle“. 25 On mentionnera enfin les recherches menées par Ottmar Ette à l’Université de Potsdam, à la croisée des études de cas et de la théorie, qui affirment une nouvelle fois la nécessité de (re)penser la conception de littératures ou d’une littérature „sans domicile fixe“ (ohne festen Wohnsitz). 26 Ces travaux, à plus d’un titre, explicitent en l’occurrence l’urgence qu’il y a de se pencher sur ces problématiques pour proposer de nouvelles 85 DDossier articulations du local et du global, de la territorialité et de la déterritorialisation - d’où des analyses en prise directe avec la situation actuelle qui conjoint plusieurs facteurs créant une configuration spécifique (la fin du partage du monde autour de l’affrontement entre deux blocs ou la mutation du système d’information 27 ) eu égard à la notion de Weltliteratur. L’autre domaine qui paraît aujourd’hui tout aussi dynamique et essentiel dans la refondation du champ de recherche a trait aux méthodes de la discipline et des analyses littéraires comparées. Cela se traduit en particulier par une série de réflexions et propositions théoriques qui placent les principes de défamiliarisation, de délocalisation et de déracinement (forcé ou choisi) au cœur et au fondement de la démarche comparatiste - dans la lignée en particulier de l’essai bien connu de Carlo Ginzburg: „L’estrangement. Préhistoire d’un procédé littéraire“. 28 L’analyse et la définition du concept conduit l’historien italien à réfléchir sur l’attitude critique et à réclamer, on le sait, une histoire et plus généralement une approche qui présente les choses dans leur „straniamento“, comme si elles étaient vues pour la première fois, non familières. Pour Ginzburg, il s’agit en l’occurrence d’un préalable à la recherche, qui passe en particulier par le fait de construire des comparables pour mieux rendre l’étrangeté du familier, le dénaturaliser: „L’estrangement me semble susceptible de constituer une antidote efficace à un risque qui nous guette tous: celui de tenir la réalité (nous compris) pour sûre“. 29 D’où un nombre important de travaux consacrés aux cas concrets de penseurs et écrivains effectivement déplacés - qu’on songe à René Wellek, Erich Auerbach, Léo Spitzer dont nous avons déjà parlé, mais aussi à Edward Saïd, Gayatri Chakravorty Spivak, Franco Moretti, sans parler des figures tutélaires que restent les écrivains comme Kafka, Kundera, Nabokov ou Rushdie - mais aussi au principe de déplacement comme méthode effective. 30 Nous avons déjà cité l’analyse d’Emily Apter sur „l’invention“ de la littérature comparée à Istanbul en 1933, acte de naissance selon elle de l’humanisme transnational, article paradigmatique de ce type de démarche au croisement de l’élaboration théorique, de l’enquête généalogique et de l’analyse historique de cas aux incidences pratiques. Dans la même lignée, on pensera également à la conférence inaugurale (1999) de Franco Moretti, première formulation de son principe central, la „lecture à distance“ (distant reading), ainsi qu’à la définition de Damrosch: pour lui, la Weltliteratur est non un canon déterminé de textes, mais une manière de lire, une sorte de corps à corps distancié (detached engagement) avec des mondes au-delà de notre temps et de notre lieu. Nous mentionnerons enfin dans ce domaine les approches théoriques particulièrement fécondes proposées par Françoise Lavocat et Anne Tomiche, 31 l’une et l’autre posant le comparatisme comme lieu de questionnement et „approche critique“ (c’était là le thème choisi pour le XX e Congrès de l’ILCA à Paris) précisément par l’épreuve du décentrement. 86 DDossier Conclusion Si les enjeux des discussions sont d’importance, en particulier pour l’avenir de la discipline et la place des humanités dans les cursus universitaires et la société, on constate également que la discussion actuelle rejoue aussi le vieil antagonisme ‚universalisme vs. particularisme‘, qui a marqué l’émergence de la discipline dès son origine. La première conception du comparatisme littéraire, l’universaliste, entend mettre à plat des constantes ou invariants de la production littéraire, mais essayant de se protéger de tout relativisme culturel, elle prête le flanc aux accusations d’essentialisme. L’autre conception se présente a priori comme addition et confrontation de données cadrées par les facteurs de variation, de mutation historique, par les ensembles linguistiques ou nationaux, donc historiquement déterminés et historiquement évolutifs, procédant par juxtaposition plus que par lignages, au risque de la dispersion et de l’émiettement qui interdit, en dernier recours, toute comparaison. 32 Il ne s’agit pas de trancher cette alternative, mais d’en mesurer les possibilités et impasses. Il apparaît surtout que le débat actuel tourne une nouvelle fois autour de la volonté de démontrer la fausseté évidente de l’idée de littératures nationales enfermées sur elles-mêmes, tout en s’interrogeant sur les modalités selon lesquelles pratiquer la comparaison et étudier la littérature mondiale dans sa globalité. Dans cette nouvelle configuration, la question des échelles et des interactions reste donc centrale, tout en rappelant le primat de l’imagination et de la littérature dans ces processus. Il en va donc de la définition d’une théorie et pratique de la mobilité et des croisements, des interactions et des confrontations, qui soit pertinente à chaque niveau - que ce soit exemplairement dans les relations entre la France et l’Allemagne, au niveau européen dans son ensemble ou dans les phénomènes diasporiques. La puissance de délocalisation de la littérature elle-même constitue en somme le terrain idéal pour une pensée renouvelée, et variable, du mondial. 1 Comme le souligne ainsi Frédéric Barbier, la réflexion a connu depuis la chute du Mur un renouveau épistémologique décisif, puisque la fin de la bipolarisation du monde a ouvert de nouvelles perspectives multilatérales au sein des phénomènes de croisement et de circulation (Cf. „L’imprimé, les transferts et l’Europe centrale et orientale“, in: id. (ed.), Est- Ouest: transferts et réceptions dans le monde du livre en Europe (XVII e -XX e siècle), Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2005, 9-10). 2 L’intégralité du programme se trouve sur: http: / / icla-ailc-2013.paris-sorbonne.fr (10/ 06/ 14). 3 Citons également un dernier exemple de cette prégnance: dans un manuel récent à l’intention des étudiants de premier cycle, la question de la globalisation et de la Weltliteratur se trouve à une place éminente, avant même le chapitre consacré à la comparaison (Ernst Grabovszki, Vergleichende Literaturwissenschaft für Einsteiger, Vienne / Cologne / Weimar, Böhlau, 2011). 87 DDossier 4 http: / / www.germanistik.uni-bonn.de/ institut/ abteilungen/ vergleichende-literaturwissenschaftkomparatistik/ veranstaltungen/ xv.-dgavl-tagung-figuren-des-globalen-weltbezug-und-welt erzeugung-in-literatur-kunst-und-medien (10/ 06/ 14). 5 Où on lira en particulier: Mary Louise Pratt, „Comparative Literature and Global Citizenship“ (58-65); Françoise Lionnet, „Spaces of Comparison“ (165-174); Marjorie Perloff, „‚Literature‘ in the Expanded Field“ (175-186). Ce rapport fait suite aux actes du IX e Congrès de l’ICLA: Gerald Gillespie (ed.), Littérature comparée / Littérature mondiale, New York et al., Lang, 1991. 6 L’importance de cette réflexion et des débats qu’elle a générés explique sa republication dans Christopher Prendergast (ed.), Debating World Literature, Londres / New York, Verso, 148-162. 7 http: / / www.germanistik.ch/ publikation.php? id=Literatur_in_der_Globalisierung (10/ 06/ 14). 8 C’est la thèse d’Emily Apter qui date „l’invention“ de la littérature comparée par Spitzer de 1933. Alors exilé à Istanbul, Spitzer aurait transformé la philologie en quelque chose d’autre, où l’enjeu réside avant tout dans le fait de se porter vers le différent, où qu’il loge. Ainsi serait née une façon raisonnée de pratiquer la littérature mondiale comme mode de lecture et comme mode de vie, une discipline fondée sur le principe de distance comme condition de la connaissance. Cf. Emily Apter, „Global Translatio: The ‚Invention‘ of Comparative Literature, Istanbul, 1933“, in: Critical Inquiry, XXIX, 2, hiver 2003; texte traduit par Marielle Macé dans Littérature, 144, décembre 2006, 25-55. Cf. également Emily Apter, The Translation Zone: A New Comparative Literature, Princeton, Princeton UP, 2005. 9 Voir aussi l’article de David Ferris, „Indiscipline“ (in: Haun Saussy [ed.], Comparative Literature in an Age of Globalization, 2006, 78-99), qui pose le principe de la littérature comparée comme miroir théorique des Humanités dès le romantisme de Iéna. Dans la mesure où il s’agit de limiter la pertinence de la nation, en tout cas de littératures nationales, le mouvement vers la réinvention de l’idée de Weltliteratur correspond nécessairement à une dialectique entre une expérience essentiellement fragmentaire et un désir de totalité, dans la lignée du programme romantique. 10 Linda Hutcheon, „Comparative Literature’s ‚Anxiogenic‘ State“, in: Revue Canadienne de Littérature Comparée, 23, 1996, 35-41. Elle renvoie et répond explicitement à l’article de Charles Bernheimer en ouverture du premier rapport de l’ACLA de 1995: „Introduction: The Anxieties of Comparison“ (1-17). 11 Ces craintes font explicitement écho au tableau pessimiste dessiné par Auerbach au début des années 1950: „ dass auf einer einheitlich organisierten Erde nur eine einzige literarische Kultur, ja selbst in vergleichsweise kurzer Zeit nur wenige literarische Sprachen, bald vielleicht nur eine, als lebend übrig bleiben [könnten]“. Et le penseur de conclure: „Und damit wäre der Gedanke der Weltliteratur zugleich verwirklicht und zerstört“ (Erich Auerbach, „Philologie der Weltliteratur“ [1952], in: id., Gesammelte Aufsätze zur Romanischen Philologie, Berne / Munich, Francke, 1967, 301-310, 301). 12 Cet effort ininterrompu, et parfois un peu désespéré, mené par la littérature comparée pour se définir et se situer s’exprime exemplaire dans les titres: René Wellek, „The Crisis of Comparative Literature“, in: Werner P. Friederich (ed.), Proceedings of the Second International Congress of Comparative Literature, 8.-12.9.1958, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1959, 149-159; René Étiemble, Comparaison n’est pas raison. La crise de la littérature comparée, Paris, Gallimard, 1963; Ulrich Weissten, „D’où venonsnous, qui sommes-nous? Où allons-nous? The Permanent Crisis of Comparative Literature“, in: Canadian Review of Comparative Literature / Revue Canadienne de Littérature 88 DDossier Comparée, 2, 1984, 167-192; Gayatri Chakravorty Spivak, Death of a Discipline, New York, Columbia University Press, 2003; David Damrosch, „Rebirth of a Discipline: The Global Origins of Comparative Studies“, in: Comparative Critical Studies, 3, 2006, 99- 112; Emily Apter, „‚Je ne crois pas beaucoup à la littérature comparée‘. Universal Poetics and Postcolonial Comparatism“, in: Haun Saussy (ed.), Comparative Literature in an Age of Globalization, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 54-62; Jonathan Hart, „The Futures of Comparative Literature“, in: Revue de Littérature Comparée, 317, 2006, 5-21; Gayatri Chakravorty Spivak, „Rethinking Comparativism“, in: New Literary History, 40, 3, 2009, 609-626. 13 Gail Finney, „Of Walls and Windows: What German Studies and Comparative Literature Can Offer Each Other“, in: Comparative Literature, 49, 3, 1997, 259-266, 261. Sur un sujet proche cf. Hendrik Birus, „Am Schnittpunkt von Komparatistik und Germanistik: Die Idee der Weltliteratur heute“, in: id. (ed.), Germanistik und Komparatistik: DFG-Symposion 1993, Stuttgart, Metzler, 1995, 439-457. 14 John Pizer, „Goethe’s ‚World Literature‘: Paradigm and Contemporary Cultural Globalization“, in: Comparative Literature, 52, 3, 2000, 213-227, 214. 15 Les réticences viennent principalement du soupçon d’européanoet d’occidentalocentrisme. À l’inverse, les défenseurs de la notion vont affirmant qu’elle permet précisément de rendre justice aux cultures littéraires dites périphériques. Voir à ce sujet le distinguo établi par Damrosch: soulignant la force du modelage par les contextes locaux, il différencie la „littérature mondiale“ d’une littérature seulement nominalement „globale“, précisément imperméable à tout contexte (What is World Literature? , Princeton, Princeton University Press, 2003, 25). 16 On se reportera en particulier au recueil qui réunit les textes d’une conférence prononcée à Sofia en 2005 et de deux entretiens menés à Skopje et à New York, respectivement en 2003 et 2004: Gayatri Chakravorty Spivak, Nationalisme et imagination, trad. Françoise Bouillot, Paris, Payot (coll. „Essais“), 2011. 17 Tiphaine Samoyault, „Compliquer le global“, Acta fabula, 14, 1, „Anywhere out of the nation“, janvier 2013, http: / / www.fabula.org/ revue/ document7477.php (10/ 06/ 14). Cf. Ernst Bloch, Erbschaft dieser Zeit, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1977, 104: „Nicht alle sind im selben Jetzt da. Sie sind es nur äußerlich, dadurch, dass sie heute zu sehen sind. Damit aber leben sie noch nicht mit den anderen zugleich“. 18 Haun Saussy, „Exquisite Cadavers Stitched from Fresh Nightmares. Of Memes, Hives, and Selfish Genes“, in: id. (ed), Comparative Literature in an Age of Globalization, op. cit., 3-42. 19 Mihály Szegedy-Maszák, „National and Comparative Literature in the Age of Globalization“, in: Yearbook of Comparative and General Literature, Special Issue: „New Europe, New Literary Histories“, 52, 2005-2006, 79-87. 20 Cf. par exemple Mario Lavagetto, „Dans le brouillard, les bibliothèques: Réflexions sur la littérature européenne“, in: Revue de littérature comparée, 3, 311, 2004; Sandra Ponzanesie / Daniela Merolla (ed.), Migrant Cartographies: New Cultural and Literary Spaces in Post-Colonial Europe, Lanham / Oxford, Lexington Books, 2005; Joep Leerssen / Karl Ulrich Syndram, Europa Provincia Mundi, Essays in Comparative Literature and European Studies, Amsterdam, Rodopi, 2005; Wilhelm Amann / Georg Mein / Rolf Parr (ed.), Periphere Zentren oder zentrale Peripherien? Kulturen und Regionen Europas zwischen Globalisierung und Regionalität, Heidelberg, Synchron, 2008; Anne Tomiche, „Littérature européenne? Littérature occidentale? Littérature mondiale? “, in: Roland Marti / Henri Vogt 89 DDossier (ed.), Europa zwischen Fiktion und Realpolitik - L’Europe - fiction et réalités politiques, Bielefeld, Transcript, 2009. 21 Pour un exemple d’enquête dans la „préhistoire“ de la mondialisation: Christof Hamann / Alexander Honold (ed.), Ins Fremde schreiben. Gegenwartsliteratur auf den Spuren historischer und fantastischer Entdeckungsreisen, Göttingen, Wallstein, 2009. 22 Marie-Claire Hoock-Delarme, L’Europe des lettres. Réseaux épistolaires et construction de l’espace européen, Paris, Albin Michel, 2008. La riche documentation rassemblée par l’auteure montre comment se forme au cours du long XIX e siècle un réseau étendu, informel mais tenace, qui complique l’espace politique officiel et crée l’ébauche d’une opinion publique européenne, les lettres témoignant de cette conscience d’un élargissement de l’aire. L’Europe des lettres désigne donc à la fois une „diaspora des esprits“ (132) et une „communauté à venir “ (185). 23 Peter Goßens, „Die ‚Andersheit des Anderen‘. Über die Ethik weltliterarischen Denkens im Zeitalter der Globalisierung“, in: Komparatistik. Jahrbuch der Deutschen Gesellschaft für Allgemeine und Vergleichende Literaturwissenschaft, 2010, 45-54; id., Weltliteratur. Modelle transnationaler Literaturwahrnehmung im 19. Jahrhundert, Stuttgart, Metzler, 2011. 24 Cf. par exemple Romantisme, 2, 136/ 2007: „L’œuvre-monde au XIX e siècle“, ed. Marie-Ève Thérenty. 25 Les actes en ont été publiés: Pascale Rabault-Feuerhahn (ed.), Modèles interprétatifs des postcolonial studies: Le comparatisme en question, Paris, Kimé, 2010. 26 Spécialiste notamment d’Alexander von Humboldt, auquel il a consacré plusieurs publications, Ette développe sa „poétique des mouvements“ (Poetik der Bewegung), c’est-à-dire l’articulation entre globalisation (dans ses différentes phases) et vectorisation ainsi que les modalités et formes de matrices (Bewegungsmuster), en particulier dans ZwischenWeltenSchreiben. Literaturen ohne festen Wohnsitz, Berlin, Kadmos, 2005; TransArea. Eine literarische Globalisierungsgeschichte, Berlin, de Gruyter, 2012; Viellogische Philologie. Die Literaturen der Welt und das Beispiel einer transarealen peruanischen Literatur, Berlin, Frey, 2013. 27 Sur ce point, cf. en particulier les réflexions d’Arjun Appadurai, notamment „Grassroots Globalization and the Research Imagination“, in: Public Culture, 12.1, 2000, 1-19; Modernity at Large: Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, Minnesota UP, 1996 (Après le colonialisme: Les conséquences culturelles de la globalisation, trad. Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2001). 28 Carlo Ginzburg, À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, trad. Pierre- Antoine Fabre, Paris, Gallimard, 2001, 14-36. 29 Ibid., 36. Cf. aussi: Essais. Revue interdisciplinaire d’Humanités, hors série n° 1: „L’estrangement: retour sur un thème de Carlo Ginzburg“, ed. Sandro Landi, 2013. Pour des exemples d’application au sein des sciences humaines cf. Régine Borderie, „‚Voir le tocsin‘. À propos de l’‚estrangement ‘“, in: Romantisme, 156, 2012, 139-149; Pierre- Olivier Dittmar, „Deux comparatismes pour une anthropologie historique“, in: L’Atelier du Centre de recherches historiques, 6, 2010, http: / / acrh.revues.org/ 1956, mis en ligne le 19/ 06/ 2010, consulté le 10/ 06/ 2014. Cf. aussi Marcel Détienne, Comparer l’Incomparable, Paris, Seuil, 2000. 30 Par exemple: Pier Carlo Bontempelli, „De la philologie allemande à la littérature comparée: un cas de transfert de capital culturel“, in: Anna Boschetti (ed.), L’Espace culturel transnational, Paris, Nouveau Monde, 2010, 369-384. 90 DDossier 31 Françoise Lavocat, „Le comparatisme comme herméneutique de la défamiliarisation“ (http: / / www.vox-poetica.org/ t/ articles/ lavocat2012.html, 10/ 06/ 14); Anne Tomiche, „Frontières du comparatisme“, Between, I, 1, 2011 (http: / / www.between-journal.it, 10/ 06/ 14). Voir aussi Claire Joubert, „Le comparatisme comme critique: Littérature/ s, culture/ s, peuple/ s“, in: Émilienne Baneth-Nouailhetas / Claire Joubert (ed.), Comparer l’étranger. Enjeux du comparatisme en littérature, Rennes, PUR, 2006, 25-48; et la journée d’études „Défamiliariser“ organisée le 21 juin 2013 par Tiphaine Samoyault à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. 32 On retrouve cet antagonisme aujourd’hui dans l’opposition entre les tenants d’une théorie des systèmes mondiaux (Casanova ou Moretti et sa modélisation en „arbres“ et „graphes“) d’une part et les tenants d’une théorie du polysystème (Spivak, Damrosch, Frassinelli et Watson) de l’autre. Pour ces derniers, l’argument décisif est que même une perspective globale reste toujours ancrée quelque part, que les modèles globaux de circulation de la littérature mondiale prennent nécessairement forme dans leurs manifestations locales.
