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2017
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Texte-île et écriture archipélique: Isle de Cube, Antilles en général d’Alexander von Humboldt

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2017
Ottmar Ette
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11 Dossier Ottmar Ette Texte-île et écriture archipélique: Isle de Cube, Antilles en général d’Alexander von Humboldt Textes-île et images-île Alexander von Humboldt est sans aucun doute un écrivain cubain. Ou tout au moins peut-on le lire en tant que tel. Son écriture ouvre un long siècle particulièrement fructueux d’une littérature cubaine qui va, sous le signe de l’exil et d’un intense mouvement transaréal, se constituer en une littérature sans résidence fixe et atteindre son apogée à la fin du XIX e siècle dans les œuvres de Julián del Casal, José Martí et Juana Borrero. 1 Il n’est donc pas étonnant que le Cubain Alejo Carpentier, romancier, essayiste et poeta doctus, ait choisi comme incipit pour déclarer son amour 2 littéraire à la capitale cubaine la description de l’entrée dans le port de La Havane faite par Alexander von Humboldt au chapitre 28 du célèbre récit de voyage de sa Relation historique. Ce chapitre du récit, non achevé, de son voyage américain, publié en français, à Paris, entre novembre 1814 et avril 1831, dans le troisième et dernier volume de la Relation historique, est paru parallèlement en 1826 dans un tiré à part sous le titre Essai politique sur l’île de Cuba. L’entrée dans le port de La Havane, que Humboldt a pu apprécier une première fois le 19 décembre 1800, est décrite de façon vraiment spectaculaire par l’écrivain prussien et mise en scène comme un travelling cinématographique: L’aspect de la Havane, à l’entrée du port, est un des plus rians et des plus pittoresques dont on puisse jouir sur le littoral de l’Amérique équinoxiale, au nord de l’équateur. Ce site, célébré par les voyageurs de toutes les nations, n’a pas le luxe de végétation qui orne les bords de la rivière de Guayaquil, ni la sauvage majesté des côtes rocheuses de Rio Janeiro [sic! ], deux ports de l’hémisphère austral: mais la grâce qui, dans nos climats, embellit les scènes de la nature cultivée, se mêle ici à la majesté des formes végétales, à la vigueur organique qui caractérise la zone torride. Dans un mélange d’impressions si douces, l’Européen oublie le danger qui le menace, au sein des cités populeuses des Antilles; il cherche à saisir les éléments divers d’un vaste paysage, à contempler ces châteaux forts qui couronnent les rochers à l’est du port, ce bassin intérieur, entouré de villages et de fermes, ces palmiers qui s’élèvent à une hauteur prodigieuse, cette ville à demi cachée par une forêt de mâts et la voilure des vaisseaux (Humboldt 1970: 348). Ce qui apparaît ici comme de la perspective d’un voyageur qui entre pour la première fois dans le port de La Havane et qui, en mouvement, fait le portrait d’un lieu de mouvement global, c’est un paysage de la théorie 3 établi avec une grande adresse narrative dans lequel s’associent la nature et la culture, l’île et le monde, les dimensions hémisphériques et transocéaniques. Une science issue du mouvement, la 12 Dossier science transdisciplinaire humboldtienne, mise en scène et développée dans des perspectives sans cesse renouvelées. On découvre sans cesse de nouvelles relations, de nouvelles interactions globales entre l’Europe et l’Amérique, entre des climats chauds et tempérés, entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud, entre la terre ferme et la mer, entre les Européens et les Antillais, entre la ville et la campagne, entre les arbres et les mâts de bateau et, de façon déjà perceptible (même si encore à demi voilées), entre les hommes libres et les esclaves aux Antilles. Alejo Carpentier savait très bien pourquoi il avait placé cet incipit réussi aussi bien au niveau poétique que poétologique au début de sa Cité des colonnes, en tant qu’esquisse théorique littéraire. Alexander von Humboldt, le premier théoricien de la mondialisation, avait compris comme aucun autre de ses contemporains que Cuba était une île globale transarchipélique en réseau avec les îles Canaries, celles du Cap-Vert et les Philippines. Le poète et essayiste cubain, José Martí, un des penseurs les plus marquants de la troisième phase de mondialisation accélérée, a entendu cette relationalité mondiale des îles soumises à des conditions de vie coloniales et la problématique de l’état de tension extrême qui en résultait comme un appel à en tirer les conséquences au niveau des théories culturelles, de la politique et au niveau social. Car Cuba a joué aussi bien durant la première que les deuxième et troisième phases de mondialisation accélérée 4 le rôle d’un global player qui restait bien évidemment le jouet des puissances dominantes des différentes mondialisations. À partir de 1492, l’île constitua l’espace de mouvement d’une mondialisation la plus dense qui soit. Tout ceci est visible sur la représentation cartographique de l’île de Cuba dès les premières cartes de la Caraïbe. La première représentation qui montre, en carte séparée, uniquement la plus grande des îles antillaises n’est rien d’autre qu’une pure invention italienne datant de 1528. Benedetto Bordone, Vénitien originaire de Padoue, imagine dans son célèbre livre des îles 5 une grande île ayant la forme d’un crocodile. Elle est aussi éloignée des données naturelles que sa représentation de l’intérieur du pays, qui rappelle plutôt les paysages italiens. Cependant, le miniaturiste et cartographe réussit brillamment à caractériser l’île de Cuba comme lieu de mouvement dans un réseau de relations à échelle mondiale, lieu qui se trouvera bientôt au carrefour des itinéraires non plus seulement transatlantiques, mais aussi transpacifiques. Dans le Libro di Benedetto Bordone nel qual si ragiona de tutte l’Isole del mondo, l’insulaire devient un imaginaire, une surface de projection des grandes puissances pour qui l’île a acquis une très grande importance, non seulement politique et militaire, mais aussi économique. Une comparaison entre la carte de l’île en tant que représentation monographique et l’image de l’île que Benedetto Bordone a faite dans sa carte du monde montre parfaitement que l’image-île de Cuba était dès le début ancrée dans des relations mondiales. L’excellente position géostratégique de Cuba était déjà visible dans la célèbre carte du monde, longtemps gardée secrète, de Juan de la Cosa établie en 1500. Aucune autre île des Antilles n’est représentée dans ses contours avec une précision plus grande (qui nous fascine aujourd’hui encore). On peut reconnaître la position 13 Dossier stratégique de Cuba à la sortie du golfe du Mexique. La Carta du célèbre marin et cartographe espagnol nous fait réfléchir sur la situation spécifique de Cuba dans cette représentation cartographique que l’Europe fait du monde, une situation géopolitique qui va décider du destin de l’île au sein des Antilles dans les différentes phases de mondialisation accélérée. L’image de l’île de Cuba de Juan de la Cosa est déjà une image-mouvement dans le champ de tensions transatlantiques entre l’Europe, l’Afrique et le ‚Nouveau Monde‘ en train de se dessiner. Trois siècles après que Juan de la Cosa a réalisé sa carte du monde, Alexander von Humboldt entre avec Aimé de Bonpland dans ce port de La Havane auquel il devait attribuer un rôle particulier dans ses représentations cartographiques de l’île. Les deux cartes de l’île de Cuba qu’Alexander von Humboldt a jointes à son Atlas géographique et physique des régions équinoxiales du Nouveau Continent et ainsi au récit de son voyage en Amérique, nous montrent un découpage rectangulaire d’une île qui, à première vue, en tant que représentation séparée, semble en quelque sorte détachée de l’ensemble des îles caribéennes et des contours continentaux. On peut les classer avec les deux volumes parus séparément à Paris en 1826 que nous avons déjà mentionnés, à savoir l’Essai politique sur l’île de Cuba. 6 La représentation cartographique séparée montre, tout comme la publication séparée de l’Essai politique (parallèlement à l’Essai politique de Humboldt sur le Mexique en train de se constituer), que l’écrivain et savant prussien comprenait déjà l’île en tant qu’entité protonationale et qu’il voulait, étant donné son importance mondiale, que cela soit compris ainsi. Le texte-île et l’image-île se trouvent chez cet auteur dans un étroit rapport de réciprocité et, pour cette époque, au niveau de réflexion scientifique le plus avancé. Si l’on compare les deux cartes de l’Atlas géographique et physique avec des représentations cartographiques comme celles de Guillaume-Thomas Raynal dans son Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes - la grande encyclopédie coloniale qui après sa première publication en 1770 était devenue un best-seller des Lumières -, on est frappé par le saut qualitatif effectué dans les cartes de Humboldt de 1820 et 1826, qui se révèle au niveau des techniques de représentation, de la précision des mesures astronomiques et de la localisation des lieux comme de la fidélité dans les détails de la visualisation cartographique. La carte de 1826 est une version remaniée et améliorée en différents points, un work in progress de Humboldt dans lequel interviennent des données nouvelles et actualisées. Y sont ainsi mentionnés les lieux où se trouvent les plantations reposant sur le travail des esclaves avec lesquelles l’oligarchie locale jouera, après la révolution dans la Saint-Domingue voisine ou Haïti, un rôle grandissant sur le marché mondial. Pour Humboldt il ne s’agissait donc pas seulement dans la représentation de l’île de réaliser de nettes améliorations dans l’orientation des montagnes, d’ajouter des données manquantes ou auparavant erronées ou de légères corrections de calculs astronomiques qu’il avait pu entreprendre grâce à des remarques complémentaires 14 Dossier et à des mesures et rectifications faites par des tiers, mais de réaliser une représentation aussi complexe que possible d’une île qui, grâce à son port principal La Havane, se développait aussi bien de façon transarchipélique que transaréale vers une multirelationalité économique, sociale et politique. L’image-île devait correspondre à son texte-île. Cependant on trouve déjà in nuce toutes ces dimensions dans un manuscrit qui a été trouvé par Ulrike Leitner dans le fonds Alexander von Humboldt de la bibliothèque Jagellone de Cracovie et qui, en septembre 2016, a été édité pour la première fois dans une édition pionnière en version digitale au sein du projet de l’Académie des Sciences Berlin-Brandebourg sous le titre Isle de Cube. Antilles en général dans la collection edition humboldt digital. 7 Le titre de ce texte comprenant 37 pages manuscrites, titre bien évidemment formulé par Humboldt, signale que cette île n’était pas pensable pour Humboldt sans le contexte de l’archipel et donc sans les relations avec le reste du monde. Texte-Archipel et Texte-Fractale L’importance particulière que prend l’île de Cuba pour le voyage scientifique dans les tropiques américains (1799-1804) est déjà révélée par le fait que Humboldt et Bonpland ont séjourné deux fois sur la plus grande île des Antilles. L’entrée dans le port de La Havane placée au début introduit le premier séjour sur l’île qui dura presque trois mois, du 19 décembre 1800 au 15 mars 1801. Si cette première expérience cubaine suit le séjour sur la côte nord de l’Amérique du Sud, à Caracas et en particulier au grand voyage sur les systèmes fluviaux de l’Orénoque et de l’Amazone, le deuxième séjour, du 19 mars au 29 avril 1804, constitue quant à lui la clôture de l’ensemble du voyage scientifique. Ne succèdent à ce séjour de six semaines qu’un court voyage à Philadelphie et Washington, qui ont permis à Humboldt de protéger ses matériaux et documents de toute mainmise espagnole et d’entreprendre le voyage de retour en Europe. Le manuscrit au centre des réflexions qui suivent, Isle de Cube. Antilles en général, a été tout d’abord établi au cours de ce bref deuxième séjour, à un moment où Humboldt avait déjà bien sûr donné un aperçu global de son voyage dans les régions équinoxiales, où il classait ses collections et notait, serré sur quelques pages et densifié, tout ce qui lui semblait important pour des publications à venir sur Cuba et les Antilles. Une étude précise des notes de Humboldt dans cette partie de ses journaux de voyage américains prouve clairement que le chercheur prussien en sciences naturelles et culturelles a continuellement, même des décennies plus tard, effectué des ajouts, des remarques, des actualisations ou des corrections à son manuscrit, qui est bien plus qu’un journal de voyage. Ces notes donnent à ces pages une structuration ouverte et une portée qui va bien au-delà de la courte période de l’année 1804. Les différentes contextualisations des deux séjours à Cuba effectués par l’équipe de chercheurs franco-allemande, équipe sur laquelle Humboldt a attiré l’attention, 8 conduisent à ce que les impressions du premier séjour (mentionnées dans une autre 15 Dossier partie des Journaux de Voyage Américains) diffèrent de celles du second. Si, pour les deux chercheurs, La Havane était apparue après le voyage épuisant de l’Orénoque comme un espace urbain particulièrement agréable et offrant toutes les possibilités d’activité intellectuelle, elle leur sembla après le long séjour à Mexico, capitale de la Nouvelle-Espagne, plutôt provinciale, et plutôt étriquée en raison de l’absence de grandes institutions scientifiques. Humboldt fait remarquer non sans dégoût que: „À la Havane, toutes les conversations roulent autour du grand problème de faire avec moins de Nègres le plus de pains de sucre en un jour“ (Humboldt, Journaux de Voyage Américains IX, 142r). Ceci ne signifie cependant pas que l’intérêt de Humboldt pour cette île dans les tropiques américains ait diminué, bien au contraire. Si on analyse plus précisément l’écriture et la structure d’Isle de Cube. Antilles en général, on remarque à quel point ce texte s’inscrit dans les grandes lignes des Journaux de Voyage Américains. Il n’y a dans ce texte, comme dans les autres parties de ses manuscrits de voyage, aucun ordonnancement ni chronologique, ni historique, ni scientifique ou disciplinaire, ni thématique. Par ailleurs, l’apparence chaotique de la présentation des matériaux, qui frappe souvent au premier abord, ne se laisse pas non plus confirmer. On trouve en réalité des systèmes de classement, qu’Alexander von Humboldt ne suit bien sûr jamais de façon continue. Au niveau du genre, nous n’avons à faire ni à un journal intime, ni à une narration de voyage littéraire, ni à un texte historique sur Cuba, ni à un mémoire structuré selon diverses disciplines, ni à un traité scientifique ou encore à une simple collection de matériaux. Isle de Cube est tout cela à la fois et - comme il conviendra de le montrer - bien plus encore. Le texte ne se laisse pas réduire à une des fonctions citées et fascine par sa structuration radicalement ouverte. Dans ce texte, Alexander von Humboldt n’analyse pas seulement des îles, il écrit en îles. Cela signifie - comme dans les autres parties des Journaux de Voyage Américains - qu’il crée des domaines textuels qui se succèdent de façon discontinue et qui ne se situent pas dans une continuité globale. L’écriture de Humboldt est discontinue dans le sens où les parties de texte séparées les unes des autres, pour ainsi dire ‚brisées‘, se trouvent en relation les unes avec les autres comme les îles d’un archipel. Cette relationalité ou multirelationalité est une caractéristique du Humboldtian Writing (écriture humboldtienne) non linéaire et discontinu. Comme à d’autres îlots textuels issus de sa plume, Humboldt a donné à l’Isle de Cube un titre, qui, par rapport à la longueur du texte structuré en de nombreuses parties, doit être compris comme titre de tout un archipel-texte. Ce texte n’est pas un fragment ni un assemblage de fragments dans la mesure où Isle de Cube n’est pas un morceau ni une partie d’une œuvre plus vaste, mais se présente bien plus en lui-même comme un modèle d’écriture toujours extensible, basé sur des rapports de similitude. Isle de Cube. Antilles en général n’est donc pas le fragment d’une unité plus grande, mais une fractale. Il construit sur la base d’une multirelationalité et d’une autosimilitude un modèle qui nous donne une idée du modèle d’écriture, mais peut-être encore plus du modèle de pensée d’Alexander von 16 Dossier Humboldt. Ce modèle de pensée est d’une nature particulièrement relationnelle et ne s’oriente pas à de simples chaînes causales, mais à des champs de facteurs plurilogiques qui interagissent et correspondent très exactement à l’axiome fondamental humboldtien: „Alles ist Wechselwirkung“ 9 (Journaux de Voyage Américains IX, 27r, 2-27v). Rien, dans cette œuvre comme dans cette pensée, ne reste autonome, rien n’est appréhendé isolément. Peu importe ce que Humboldt analyse: il le conçoit tout de suite en relation avec d’autres éléments. Le modèle d’écriture humboldtien construit de façon cotextuelle (c’est-à-dire en considérant les différentes parties de l’Isle de Cube elle-même) un tissu textuel archipélique qui est entrelacé de façon contextuelle avec les évolutions historiques, politiques ou économiques de l’époque. Cette construction dynamique concerne aussi les relations intratextuelles, c’est-à-dire les relations avec d’autres textes de Humboldt à l’intérieur et à l’extérieur des Journaux de Voyage Américains, et des relations intertextuelles qui relient de façon implicite ou explicite les écrits de Humboldt avec des œuvres, des données et des découvertes d’autres auteurs. Ainsi ce morceau de littérature de voyage humboldtienne entrepris en 1804 est évidemment en rapport avec ces parties de texte qui ont été rédigées lors du premier séjour à Cuba, mais inclut aussi tous ces îlots textuels que Humboldt a développés dans d’autres parties de ses manuscrits de voyage. Pour ne citer qu’un exemple, les réflexions isolées sur les esclaves et l’esclavage se trouvent dans un rapport évident avec des îlots textuels que Humboldt, dans les neuf volumes des journaux de voyage, a intitulé Esclaves, Sklaven ou Esclavos. Même si un certain monolinguisme semble s’exprimer jusque dans la dénomination française de l’île et que la grande majorité des parties d’Isle de Cube sont écrites en français, d’autres langues, tout comme dans les autres parties des journaux de voyage humboldtiens, sont utilisées, de sorte qu’on peut observer le plurilinguisme si caractéristique d’Alexander von Humboldt et ces sauts discontinus d’une langue à l’autre. Il correspond à une conviction qu’il partage avec son frère, Wilhelm von Humboldt, à savoir que le monde ne peut pas être analysé ni compris si on n’utilise qu’une seule perspective ou qu’une seule langue. Le savoir est transmis par la langue et donc ancré dans la langue et par conséquent la langue utilisée n’est pas neutre. L’écriture archipélique d’Alexander von Humboldt utilise donc de façon très naturelle un multilinguisme que nous pourrions aujourd’hui perdre dans l’évolution scientifique qui s’effectue sous la dominance de l’anglais, avec des conséquences fortement négatives, y compris celle de la perte de bibliothèques non anglophones. 10 L’écriture de Humboldt est basée, tout comme sa conscience du monde, sur un constant changement de langue que l’on peut aussi observer dans ce manuscrit où l’on trouve des passages en allemand, en espagnol et en anglais. Dans son texte qui accompagne la première édition de Isle de Cube. Antilles en général, Michael Zeuske avait de bonnes raisons d’attirer l’attention sur l’énorme importance accordée à l’économie esclavagiste et le commerce des esclaves dans ce texte si complexe écrit par Humboldt. 11 Dès son arrivée au ‚Nouveau Monde‘ 17 Dossier Humboldt avait effectué à Cumaná, dans l’actuel Venezuela, une analyse approfondie des différentes formes d’esclavage; tout aussi bien les formes d’esclavage indigène et d’esclavage de razzia que l’esclavage de masse: asservissement, déportation, viol, exploitation brutale de millions d’Africains aux Amériques. 12 Une pluralité d’îlots textuels montre tout au long du voyage dans les tropiques américains le grand don d’observation et la haute capacité de réflexion, mais aussi les flux d’informations constants sur le ‚premier‘ et le ‚second esclavage‘, qui ont été inclus de façon archipélique dans les Journaux de Voyage Américains. Le manuscrit de Humboldt livre, d’une perspective aussi bien hémisphérique que caribéenne globale, une image particulièrement convaincante de la barbarie transatlantique. Au début du deuxième séjour d’Aimé Bonpland et d’Alexandre von Humboldt à Cuba, il y avait eu un changement fondamental de portée historiquement globale des conditions-cadres du système de l’esclavage. À la révolution industrielle en Angleterre évoquée par Humboldt, à la révolution politique en France qu’il avait admirée, et à la révolution anticoloniale qui s’était terminée par l’indépendance des États- Unis s’ajoutait le succès de la révolution haïtienne qui avait commencé en 1791 et s’était achevée avec la déclaration d’indépendance le premier janvier 1804. Humboldt rédige son texte à partir de 1804, c’est-à-dire peu de semaines avant son court voyage aux États-Unis, certainement plus sous le signe de la révolution américaine que de la double révolution européenne et se situe donc entre, d’une part, la révolution contre le statut colonial aux États-Unis et, d’autre part, contre l’esclavagisme à Saint-Domingue, encore française peu de temps auparavant. Nous savons à quel point l’esclavage de masse perpétré aux États-Unis l’a conduit à formuler tout au long de sa vie de nombreux commentaires critiques, non seulement par ses protestations véhémentes contre la tentative, fructueuse jusqu’à nos jours, de le faire passer aux États-Unis pour un défenseur de l’esclavage. Mais il y a quelques années, une édition critique de la nouvelle traduction anglaise de son Essai politique sur l’île de Cuba a signalé les traductions calomniatrices de Thrasher qui avait ‚traduit‘ toutes les remarques critiques de Humboldt sur l’esclavage par des propos favorables à ce dernier. Espérons qu’elle aura ainsi durablement dissipé les malentendus. 13 Ceci nous montre aussi à quel point une science agit dangereusement et aveuglément quand elle ne se base plus sur des textes en langues étrangères, mais sur leur traduction en anglais. La science translinguistique d’Alexander von Humboldt constitue un antidote idéal. Suite à la victoire de la révolution antiesclavagiste à Haïti, et donc en plein cœur d’une hystérie qui se répandit rapidement auprès de tous ceux qui participaient à l’économie de l’esclavage, à la traite et au trafic d’esclaves, Alexander von Humboldt a continué à développer ses observations qu’il menait déjà depuis de longues années, particulièrement sur le Second Slavery. Il a attentivement analysé tout aussi bien les chiffres qu’il avait rassemblés lui-même ou dont il disposait que les discours de justification et la façon dont agissaient les oligarchies locales et internationales. Son habileté diplomatique lui donna accès aux milieux non seulement les plus élevés, mais aussi les mieux informés de la société coloniale espagnole. 18 Dossier Cet ami de la Révolution française prit sans aucun doute ses distances avec la révolution haïtienne, mais resta fidèle à sa conviction éthique, à savoir que l’esclavage sous toutes ses formes, aussi dans le domaine des populations indigènes d’Amérique, était abominable et devait être aboli. Il analyse dans Isle de Cube. Antilles en général, comme le titre le montre, non seulement comment les contextes historiques et économiques évoluent rapidement à Cuba, mais il inclut dans sa réflexion les Antilles et l’ensemble de l’espace de mouvement transatlantique, en partant d’une perspective comparatiste qui examine surtout la multirelationalité de l’esclavage. À cause de la révolution à Saint-Domingue, les Antilles françaises ont acquis une importance particulière. Il étudia précisément aussi bien les lois esclavagistes dans l’empire de la monarchie catholique que celles de l’Empire britannique avec ses réglementations aux visées de banalisation ou encore les codes de l’esclavage de l’empire colonial français. Il n’était certes pas révolutionnaire, mais visait une réforme progressive de l’esclavage qui devait mener à moyen terme à son abolition. Il s’intéresse constamment non seulement aux puissances et institutions qui profitent de façon monstrueuse de l’esclavage de masse et aux possibilités d’action des esclaves, mais aussi aux conditions de vie de toutes les personnes asservies à Cuba comme dans l’ensemble des Antilles. Ses recherches concernent aussi bien les formes inhumaines d’habitation que les vêtements des Africains asservis ou les habitudes de vie et l’alimentation dans les Ingenios orientés vers une constante ‚modernisation‘, une maximisation de la rentabilité: On donne à un Nègre 1/ 2 arrobe de Tasajo de Buenos ayres, en outre les Viandes c. à. d. les Calabasses, Boniatos (Convolvulus) forme de Mays, 1 ar[roba] de Tasajo de Buenos ayres = 10-12 r[eales]. Enfin, [s’il] manque, on leur donne du Bacalao (salé) que l’on regarde comme malsain (IC fol. 130v). En lisant des passages de ce type, on voit qu’il ne s’intéressait pas seulement aux pratiques inhumaines de l’esclavage de masse dans un contexte économique mondial, ni uniquement à la question, débattue depuis longtemps à l’époque, déjà, de la rentabilité de l’esclavage (qui pour Humboldt à cause des énormes marges bénéficiaires était évidente), mais également aux conditions de vie concrètes des esclaves sur ces Ingenios, que Humboldt avait pu visiter grâce à ses relations avec l’oligarchie sucrière cubaine. Se dessine ainsi dans Isle de Cube. Antilles en général une image concrète de cet esclavage de masse que Humboldt a analysé et abhorré. Cependant, il avait vu de façon très réaliste que l’abolition de cet esclavage, qui a duré en partie aux Amériques jusqu’en 1888 et continue d’exister sous diverses formes d’un nouvel esclavage, ne se réaliserait pas en quelques années: S’il est dangereux qu’auqu’un [sic! ] Gouvernement s’occupe en ce moment de la liberté des Nègres [,] on pourrait du moins s’occuper d’améliorer leur sort, de les rendre moins malheureux. C’est un Crime de ne pas le faire (IC fol. 141v). Ne rien faire contre l’esclavage était pour Humboldt un crime. 19 Dossier Miniature - Modèle - Fractale Isle de Cube. Antilles en général est bien plus qu’une collection de documents et matériaux pour son Essai politique sur l’île de Cuba publié plus tard séparément; ce texte-archipel développe une catégorie spécifique de la miniaturisation de rapports complexes, miniaturisation qui, en tant qu’écriture courte, rend visible de façon discontinue la relationalité de l’approche humboldtienne du monde insulaire de la Caraïbe. Cette écriture courte utilisée ici n’est en aucun cas, comme les passages cités le montrent, une liste d’éléments accompagnés d’explications (comme ce serait le cas pour une collection de matériaux), mais comprend des éléments linguistiques formulés souvent de façon très précise, qui confèrent à l’ensemble du texte dans le cadre des Journaux de Voyage Américains une grande valeur épistémologique. Alexander von Humboldt est un écrivain aussi là où il écrit des miniatures. Les données chiffrées et les statistiques constituent quant à elles des points de repère pour un système d’analyse et de pensée qui s’appuie constamment sur une relationalité aussi bien interne qu’externe. Il est évident que l’île de Cuba est conçue dans sa relationalité interne; mais, dans sa pensée rhizomatique, Humboldt est conscient du fait qu’on ne peut comprendre réellement la situation spécifique de l’île que si ses relations interantillaises et transarchipéliques sont prises en compte. Sous le titre Esclaves ( IC 134r) les réflexions menées en français de Humboldt sur la révolution à Saint-Domingue se mêlent à des citations en espagnol de Francisco de Arango y Parreño, grand spécialiste de l’esclavage à ses yeux, sur la législation dans l’empire espagnol ou à des citations en anglais sur les lois esclavagistes à la Barbade ou aux Bermudes. Cela nous montre, au sens de Humboldt, comment l’unité de l’espace caribéen se constitue précisément à partir de ses différences linguistiques, culturelles, juridiques, sociales ou politiques. Comme dans un double mouvement de systole et de diastole, les mouvements qui séparent et réunissent sont mis en rapport de façon particulièrement convaincante avec une relationalité interne et externe dans laquelle une relative logique particulière et une législation particulière d’îles particulières ne conduisent pas à une analyse séparée pour chacune d’entre elles, mais à une réflexion complexe sur ce qui est différent (par exemple au sein d’une plantation basée sur l’esclavage). Humboldt ne fait pas de divisions selon les différents empires coloniaux, les différents systèmes légaux, les procès en justice qui se déroulent différemment ou les divers domaines linguistiques. Son univers discursif comme son écriture archipélique conçoivent la complexité de façon relationnelle et plurilogique. Cette miniaturisation obtenue avec cette écriture courte permet la construction d’un modèle qui ne vise pas la simplification, mais une haute complexification. Les contextes de vie et d’expérience sont toujours parallèlement pris en compte. Comment aurait-on pu mieux rendre la répression barbare de la terreur blanche à Saint- Domingue que dans cet extrait: J’ai entendu dire: Mr, Vous êtes un Jean-foutre ─ ─ un Philantrope! On donnait 200-300 coups de fouets aux Nègres avant de les fusiller; on fusilloit tous les Prisonniers, 50-80 à la fois. Le 20 Dossier Terrorisme régnait en 1803 aux Colonies. Le Général Rochambeau fit fusiller un Habitant parce que il ne lui paya pas la Contribution de 6000 pesos (IC fol. 141v). Isle de Cube. Antilles en général constitue ainsi non seulement un modèle d’écriture, mais bien plus un modèle de pensée pour l’île de Cuba et, au-delà, pour le monde insulaire des Antilles en général. On retrouve dans ce modèle des aspects aussi bien géologiques, botaniques et géographiques, historiographiques et relevant des théories culturelles que des aspects climatiques, de géographie économique, de l’histoire globale, ou encore économiques, sociologiques, politologiques, spécifiques à l’esclavage ou à la stratégie militaire. Ils sont introduits dans le texte comme des îles et le transposent dans une dimension de multirelationalité: Alles ist Wechselwirkung. La dimension politique de cet Essai politique en miniature englobe aussi bien la politique que le politique dans leur multirelationalité. La science en réseau humboldtienne crée un modèle 14 pour une compréhension scientifique de la Caraïbe basée sur l’axiome suivant: celui qui veut comprendre l’île de Cuba ne doit pas se concentrer uniquement sur Cuba, mais rassembler le plus de connaissances possibles sur Saint-Domingue ou Haïti ou la Jamaïque, la Martinique, la Barbade, Puerto Rico ou la Guadeloupe, les Bermudes, Antigua ou Curaçao. Un spécialiste de Cuba n’est donc précisément pas celui qui ne se concentre que sur Cuba. C’est ce que nous indique déjà de façon évidente le titre du texte Isle de Cube. Antilles en général, formulé au travers de cette écriture densifiée si caractéristique de Humboldt. Dans une telle compréhension relationnelle de la Caraïbe qui repose sur l’idée que tous les éléments sont en interaction dans une structuration ouverte la base d’une démarche plurilogique ne peut pas être une histoire statique de l’espace. Dans ce texte qui se trouve à la fin du voyage américain d’Alexander von Humboldt, les contours de la science humboldtienne sont éminemment reconnaissables. Ce n’est pas une histoire de l’espace, mais une histoire du mouvement qui relie de façon dynamique les éléments d’un monde dans lequel tout est mouvement: de la situation géologique et volcanique précaire en passant par la migration des plantes jusqu’à la migration (forcée) des hommes, soumis à des facteurs de domination qui, sous le signe d’un système économique mondial centré sur les relations transatlantiques, les transforment en objets asservis à des intérêts globaux. Dans les Journaux de Voyage Américains cependant, ce ne sont pas seulement la géologie ou l’écologie qui apparaissent comme précaires mais aussi, tout particulièrement, l’économie, qui, suite à la victoire de la révolution à Saint-Domingue et au plus tard depuis 1804, lors du deuxième séjour de Humboldt et Bonpland à Cuba, est soumise au danger éminent de transformations radicales. Humboldt a bien sûr mis cela en rapport avec l’ensemble de l’espace caribéen comme avec les pourtours continentaux circumcaribéens comprenant les États-Unis d’Amérique, dont il n’oublia pas de mentionner peu de temps avant son départ les évolutions concernant la population et l’esclavage. Les Antilles françaises se trouvaient au centre d’un commerce transatlantique dont l’économie basée sur l’esclavage était bouleversée. 21 Dossier Isle de Cube. Antilles en général ne propose pas seulement une écriture archipélique dont la miniaturisation, dans le contexte d’une multirelationalité plurilogique, développe de façon transaréale le modèle de l’aire caribéenne traitée ici. Ce modèle configure aussi la fractale d’une compréhension scientifique qu’Alexander von Humboldt allait développer dans les décennies suivantes. La fractale de la science humboldtienne repose sur une épistémologie et une écriture scientifique et littéraire qui n’ont rien perdu de leur importance pour relever les défis actuels. Traduit de l’allemand par Sylvie Mutet Carpentier, Alejo, La ciudad de las columnas, La Habana, Editorial Letras Cubanas, 1982. Ette, Ottmar, ZwischenWeltenSchreiben. Literaturen ohne festen Wohnsitz (ÜberLebenswissen II), Berlin, Kadmos, 2005. —, „Europa transarchipelisch denken. Entwürfe für eine neue Landschaft der Theorie (und Praxis)“, in: Lendemains, 39 (154/ 155), 2014, 228-242. —, TransArea. A Literary History of Globalization, trad. Mark W. Person, Berlin/ Boston, de Gruyter, 2016. Humboldt, Alexander von, Amerikanische Reisetagebücher / Journaux de Voyage Americains, 9 vol., Tagebuch IX / Journal IX, accessible comme collection digitalisée de la Staatsbibliothek zu Berlin sous le titre „Tagebücher der Amerikanischen Reise“, http: / / digital.staatsbibliothek-berlin. de/ werkansicht? PPN=PPN779884841&PHYSID=PHYS_0001&view=overview-tiles&DMDID= DMDLOG_0001 (dernière consultation: 28/ 01/ 18) —, Essai politique sur l’île de Cuba. Avec une carte et un supplément qui renferme des considérations sur la population, la richesse territoriale et le commerce de l’Archipel des Antilles et de Colombia, 1-2, Paris, Librairie de Gide fils, 1826. —, Relation historique du Voyage aux Régions équinoxiales du Nouveau Continent… Nachdruck des 1814 - 1825 in Paris erschienenen vollständigen Originals, ed. Hanno Beck, 3, Stuttgart, Brockhaus, 1970. —, Political Essay on the Island of Cuba. A Critical Edition, ed. Vera M. Kutzinski / Ottmar Ette, trad. J. Bradford Anderson / Vera M. Kutzinski / Anja Becker, annot. Tobias Kraft / Anja Becker / Giorleny D. Altamirano Rayo, Chicago/ London, The University of Chicago Press, 2011. —, „Isle de Cube. Antilles en général“, ed. Ulrike Leitner / Piotr Tylus / Michael Zeuske, in: edition humboldt digital, ed. Ottmar Ette, Berlin, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, version actualisée du 10/ 05/ 2017, http: / / edition-humboldt.de/ v1/ H0002922 (dernière consultation: 28/ 01/ 18). Kutzinski, Vera M. / Ette, Ottmar, „Inventories and Inventions: Alexander von Humboldt’s Cuban Landscapes“, in: Alexander von Humboldt, Political Essay on the Island of Cuba. A Critical Edition. ed. Vera M. Kutzinski / Ottmar Ette, trad. J. Bradford Anderson / Vera M. Kutzinski / Anja Becker, annot. Tobias Kraft / Anja Becker / Giorleny D. Altamirano Rayo, Chicago/ London, The University of Chicago Press, 2011, 7-23. Leitner, Ulrike, „Vorwort“, in: edition humboldt digital, ed. Ottmar Ette, Berlin, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, version actualisée du 10/ 05/ 2017, http: / / edition-hum boldt.de/ v1/ H0002927 (dernière consultation: 28/ 01/ 18). Lévi-Strauss, Claude, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962. Libro di Benedetto Bordone. Nel qual si ragiona de tutte l’Isole del mondo…, Vinegria, Zoppino, 1528. Mikolajczyk, Aniela, „Alexander von Humboldts Manuskript ‚Isle de Cube. Antilles en général‘ in der Biblioteka Jagiellonska als Vorstufe des ‚Essai politique sur l’île de Cuba‘“, in: HiN - Alexander 22 Dossier von Humboldt im Netz. Internationale Zeitschrift für Humboldt-Studien (Potsdam-Berlin), 18 (34), 2017, http: / / hin-online.de, DOI: 10.18443/ 248 (dernière consultation: 28/ 01/ 18). Mittelstraß, Jürgen / Trabant, Jürgen / Fröhlicher, Peter, Wissenschaftssprache. Ein Plädoyer für Mehrsprachigkeit in der Wissenschaft, Stuttgart, Metzler, 2016. Zeuske, Michael, „Alexander von Humboldt, die Sklavereien in den Amerikas und das ‚Tagebuch Havanna 1804‘“, in: edition humboldt digital, ed. Ottmar Ette, Berlin, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, version actualisée du 10/ 05/ 2017, http: / / edition-humboldt.de/ v1/ H0012105 (dernière consultation: 28/ 01/ 18). 1 Cf. le chapitre 5 de „Inkubationen: Eine Nationalliteratur ohne festen Wohnsitz? “, in: Ette 2005: 157-180. 2 Cf. Carpentier 1982. 3 Pour le concept de ‚paysage de la théorie‘ cf. Ette 2014. 4 Pour ces différentes phases cf. Ette 2016. 5 Libro di Benedetto Bordone. Nel qual si ragiona de tutte l’Isole del mondo..., Vinegria, Zoppino, 1528. 6 Humboldt 1826. Pour cet ouvrage et les cartes jointes cf. aussi l’édition critique de la traduction anglaise (Humboldt 2011). 7 Humboldt, Isle de Cube. Antilles en général... Dans ce qui suit sous le sigle IC. 8 Cf. Leitner 2017. 9 NDT: expression rendue en français par: Tout est interaction. 10 Cf. Mittelstraß/ Trabant/ Fröhlicher 2016. 11 Cf. Zeuske 2017. 12 Ibid. En ce qui concerne l’esclavage cf. aussi Mikolajczyk 2017. 13 Cf. Kutzinski/ Ette 2011. 14 Sur les rapports entre miniaturisation et modélisation dans le champ de tension entre science, art et bricolage cf. Lévi-Strauss 1962.