eJournals

Oeuvres et Critiques
0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
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2007
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XXX II , 1 Marc Fumaroli Rayonnement d’une œuvre 200 7 Gunter Narr Verlag Tübingen Abonnements 1 an: € 66,- (+ frais de port) (zuzügl. Portokosten) © éditions Narr Francke Attempto · B.P. 2567 · D-72015 Tübingen Fax: +49 (70 71) 97 97 11 · e-mail: <info@narr.de> ISSN 0338-1900 À la mémoire de Wolfgang Leiner, instigateur de ce projet Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Sommaire R OXANNE R OY Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 V OLKER K APP Paris et Rome, capitales de la République européenne des Lettres dans l’œuvre de Marc Fumaroli. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 C ECILIA R IZZA Marc Fumaroli et l’Italie : un rapport de culture, de collaboration et d’amitié . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 M ARIE -O DILE S WEETSER Marc Fumaroli, interprète de Corneille, dramaturge et poète de l’humanisme chrétien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 C LAIRE C ARLIN Marc Fumaroli et la dramaturgie cornélienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 C LAUDE L A C HARITÉ L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 J EAN -M ARIE C ONSTANT Le rôle pionnier de Marc Fumaroli dans l’histoire du XVII e siècle. . . . . . 73 É TIENNE B EAULIEU Banalité de la terreur. Chateaubriand et l’âge de la prose . . . . . . . . . . . . 85 A NNE -M ARIE L ECOQ « Séduisant, passionnant, agaçant ». Marc Fumaroli chez les historiens de l’art (surtout français) . . . . . . . . . . 91 M YLÈNE D ESROSIERS ET R OXANNE R OY Éléments de bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 2 Sommaire Livres reçus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Adresses des auteurs de ce numéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Présentation Roxanne Roy Marc Fumaroli a été élu professeur au Collège de France en 1986 dans la chaire intitulée « Rhétorique et société en Europe (XVI e -XVII e siècles) », à l’Académie française en 1995 où il occupe le 6 e fauteuil (laissé vacant par Eugène Ionesco), et à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1998 où il succéda alors à Georges Duby. Il a été récipiendaire de nombreux prix, qu’il s’agisse du Prix Monseigneur Marcel de l’Académie française en 1982, du Prix de la critique de l’Académie française en 1992, du Prix Balzan en 2001, du Prix du Mémorial et du Prix Combourg en 2004. Mentionnons, entre autres honneurs, les doctorats honoris causa qui lui ont été décernés par les universités de Münster en 1992, Naples en 1994, Bologne en 1999, Gênes en 2004 et Madrid en 2005. Si les titres publiés sont impressionnants, Marc Fumaroli est surtout et avant tout un magistrat de cet État transnational et invisible qu’est encore aujourd’hui la République des Lettres. Il a été l’un des fondateurs de la Société internationale pour l’histoire de la rhétorique (1977), le directeur de la revue XVII e siècle (1976-1986), un membre du conseil de rédaction de la revue Commentaire (1978-1995) et brièvement, dans une période de mutation, le Président du Conseil scientifique de la Bibliothèque Nationale. Il préside la Société des amis du Louvre depuis 1996, la Société d’histoire littéraire de la France depuis 1999 et fait partie du conseil de rédaction de la Revue d’histoire littéraire de la France. Au titre de membre de l’Académie française, il préside la Commission générale de terminologie et de néologie. Sur la scène internationale, on retiendra qu’il a prononcé des conférences et dirigés des séminaires dans plusieurs universités américaines (Harvard, Princeton, Columbia, Johns Hopkins, Chicago, New York, Houston et Los Angeles), anglaises (Oxford et Londres), et italiennes (Rome, Venise, Pise, Naples, Bologne, Gênes, Sienne). Il est également membre de plusieurs sociétés savantes américaines, anglaises et italiennes. On le voit, Marc Fumaroli contribue activement à la vie littéraire, intellectuelle et internationale. Il était temps de consacrer un dossier qui souligne la portée et le rayonnement de son œuvre. Le choix même des collaborateurs, issus de différents milieux universitaires, illustre l’influence qu’ont exercée les travaux de Marc Fumaroli, et ce, tant chez les professeurs 4 Roxanne Roy émérites que chez les jeunes chercheurs. C’est sous le sceau de l’amitié, de l’estime et de l’affinité intellectuelle que nous avons souhaité réunir ici les études et les témoignages. Marc Fumaroli est d’abord un éminent dix-septiémiste, un spécialiste de la littérature et de la civilisation d’Ancien Régime, mais il s’intéresse tout autant au XIX e siècle. Il a de plus en plus souvent écrit sur les arts visuels, et il est intervenu en polémiste à propos de ce que l’on appelle en France la politique culturelle. Lors d’une entrevue accordée à Catherine Argand (Lire, juillet - août 1999), au sujet du recueil Chateaubriand et les arts, il résume ainsi son parcours intellectuel : « J’ai commencé par m’intéresser au XVII e siècle parce que cela me permettait d’appréhender les assises à la fois médiévales, latines et grecques de la littérature européenne. Puis, tout naturellement, parce que la littérature pour moi est un phénomène ininterrompu, je me suis plongé dans le devenir de la littérature après la Révolution. » Il a pris pour épigraphe de son livre L’école du silence le mot d’Horace : Ut pictura poesis, élargissant ainsi son enquête du monde des mots à celui des images. Les enquêtes érudites de Marc Fumaroli sur l’art de persuader ancien et moderne, ont profondément marqué la recherche littéraire. Il a été l’un des premiers à réhabiliter dans les études contemporaines la rhétorique, cette sœur ennemie de l’histoire littéraire, à en démontrer l’importance pour la lecture et la compréhension des textes classiques, et à en faire un nouveau cadre d’interprétation littéraire. Sa thèse de doctorat d’État, L’âge de l’éloquence (1980), « dresse un panorama de l’art oratoire pour mettre en évidence ses métamorphoses depuis l’Antiquité gréco-romaine jusqu’au seuil du Grand Siècle français », écrit V. Kapp. En 1990, Fumaroli publie Héros et orateurs, ouvrage qui rassemble diverses études sur la dramaturgie cornélienne, dans lequel on découvre que l’orateur jésuite et le héros cornélien partagent une même éthique et qu’ils ont recours aux mêmes stratégies rhétoriques. Ajoutons encore la direction de l’Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne (1450-1950) ; parue en 1999, cette somme encyclopédique s’est rapidement imposée comme une référence incontournable. Marc Fumaroli a un intérêt soutenu pour l’histoire des idées (La diplomatie de l’esprit [1994]), l’histoire des institutions civilisatrices telles que l’Académie, la conversation et le loisir lettré (Trois institutions littéraires [1994], Quand l’Europe parlait français [2001]). Les crises politiques qui ébranlent profondément la culture et la littérature sont aussi au cœur de sa pensée, que l’on pense à son essai « Les abeilles et les araignées » (2001) sur la Querelle des Anciens et des Modernes, ou à son Chateaubriand. Poésie et terreur (2003). Déjà, dans Le poète et le roi. Jean de La Fontaine en son siècle (1997), il décrivait « avec talent le conflit d’un esprit libre avec les principes Présentation 5 d’une monarchie absolue 1 ». Il a également publié un essai-pamphlet contre la bureaucratisation et massification de la culture, L’État culturel. Essai sur une religion moderne (1991), qui a eu un écho retentissant en France. N’oublions pas ses travaux consacrés aux arts visuels (L’école du silence, 1994), ses essais sur l’art et ses collaborations très prisées à la rédaction de catalogues d’expositions (L’inspiration du poète, de Poussin, [1989], Nicolas Poussin : Sainte Françoise Romaine annonçant à Rome la fin de la peste, [2001]). D’ailleurs, l’une des leçons qu’ont retenue de lui les chercheurs littéraires aussi bien que les historiens de l’art, est certainement sa méthode d’analyse pluridisciplinaire qui convoque et fait interagir l’histoire, le droit, la religion, la littérature et les arts, faisant ressortir l’unité de la culture. Ainsi que le remarque Anne-Marie Lecoq dans ces pages, Marc Fumaroli cherche toujours à comprendre une œuvre en utilisant les outils intellectuels de son auteur/ créateur et de ses destinataires ; il nous convie à restituer le contexte moral, idéologique, culturel et politique de l’époque, afin de saisir ce qu’une œuvre pouvait représenter pour un public qui partageait la même culture, la même éducation et les mêmes références. Les articles réunis dans ce dossier soulignent justement le rôle capital des travaux de Marc Fumaroli dans des domaines diversifiés mais complémentaires, qui conduisent à une saisie compréhensive de l’Histoire, soit l’histoire littéraire, l’histoire des idées, l’histoire de l’art, l’histoire de la rhétorique, qu’il a fait concourir dans ses monographies sur Corneille et sur Chateaubriand, et dans sa réhabilitation du genre des mémoires. Le fil conducteur pourrait bien être l’importance de l’Antiquité gréco-latine dans la tradition littéraire et morale de l’Europe. En effet, Marc Fumaroli n’a de cesse de rappeler l’importance vitale du passé dans le monde actuel, de mettre en relief la nécessité pour l’Europe d’une mémoire qui de Pétrarque à Montaigne, à Goethe et à Chateaubriand construit en profondeur son identité, ainsi que le formule Cecilia Rizza. C’est d’ailleurs parce que ses recherches « ont profondément renouvelé notre compréhension de la culture européenne » qu’elles lui ont valu le Prix Balzan en 2001. Les contributions s’articulent autour de quatre principaux volets : 1) l’influence italienne sur la France ; 2) les études cornéliennes ; 3) l’histoire, l’histoire littéraire et l’histoire de la rhétorique ; 4) Chateaubriand mémorialiste et ami des arts. Ce dossier s’ouvre sur le rôle séminal que l’Italie (sa culture, ses écrivains, ses artistes) se voit attribué dans la pensée de Marc Fumaroli. Pour Volker Kapp, le concept de la République des lettres, où Rome puis Paris occupent successivement le rôle de capitale, est une notion clé qui traverse l’ensemble 1 http: / / www.balzan.it/ premiati_fra.aspx? codice=0000000718&cod=0000000722 (page consultée le 3 juillet 2006). 6 Roxanne Roy de l’œuvre de Fumaroli. Tandis que c’est « l’apport de Marc Fumaroli pour une meilleure connaissance et une revalorisation convaincante de la vie culturelle italienne du XVI e et du XVII e siècle, et en particulier de son influence durable et de son prestige en France et en Europe », qui a retenu l’attention de Cecilia Rizza. Deux articles sont consacrés aux études cornéliennes en raison de la postérité des travaux de Fumaroli dans ce domaine. D’abord, celui de Marie- Odile Sweetser, pour qui « la nouveauté et l’originalité de la position adoptée par Marc Fumaroli consiste à avoir voulu interpréter l’œuvre cornélienne en replaçant son auteur dans le milieu qui l’avait nourri, celui de l’humanisme chrétien de la Contre-Réforme ». Claire Carlin, pour sa part, met l’accent sur les échos que connaissent les recherches de Fumaroli auprès de la critique cornélienne actuelle. Les contributions suivantes ont ceci en commun qu’elles mettent en évidence les liens très étroits qui se tissent chez Marc Fumaroli entre la littérature et l’histoire. Jean-Marie Constant, en retenant trois textes de Marc Fumaroli (les Mémoires d’Henri Campion, les Entretiens de Nicolas de Campion, et Le siècle de Marie de Médicis), montre en quoi ce dernier a contribué au renouvellement et à une meilleure connaissance de l’histoire du premier XVII e siècle. Quant à Claude La Charité, il a choisi le paradigme de la rhétorique pour étudier les filiations intellectuelles entre Marc Fumaroli et la recherche sur la littérature de la Renaissance. Ce faisant, c’est aux noces de Mercure et de Clio qu’il nous convie. Et puisque les travaux de Marc Fumaroli s’inscrivent dans la durée et dépassent largement le seul XVII e siècle, nous avons voulu élargir notre champ d’exploration du côté du XIX e siècle et de l’histoire de l’art, en interrogeant les rapports qui unissent esthétique et politique. Dans son article, Étienne Beaulieu note le caractère résolument novateur de la pensée de Fumaroli à propos de Chateaubriand, étudiant son style à la lumière des bouleversements politiques dont il est témoin. Ayant fait l’expérience de « cette découverte de la modernité comme banalisation de la Terreur », Chateaubriand serait alors passé de la poésie à la prose du monde. L’invention de cet « instrument nouveau » se situe dans une perspective historique où l’effondrement de la monarchie correspond à la fin de l’âge poétique, et la venue de la modernité à l’âge de la prose. Pour Anne-Marie Lecoq, l’intérêt de Marc Fumaroli pour les arts et leur histoire n’est pas si éloigné de la littérature qu’il y paraît. On constate avec elle à quel point la méthode d’interprétation de Fumaroli, qui se sert « des catégories rhétoriques à la fois comme clef de lecture des œuvres […] plastiques, et comme sociologie historique de leur milieu générateur et réceptif 2 » 2 http: / / www.balzan.it/ premiati_fra.aspx? codice=0000000718&cod=0000000724 (page consultée le 3 juillet 2006). Présentation 7 est féconde pour les historiens de l’art. Des éléments de bibliographie qui rendent compte de la richesse de l’œuvre de M. Fumaroli complètent le dossier. Un regret en terminant, et sans doute on pourra nous le reprocher, celui de n’avoir pu joindre à ce dossier des contributions témoignant de l’importance des travaux de Marc Fumaroli sur l’art de la conversation, les institutions littéraires, la Querelle des Anciens et des Modernes, les études sur La Fontaine, et celles sur La diplomatie de l’esprit. Mais peut-être faut-il voir là une invite à un autre recueil … Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Paris et Rome, capitales de la République européenne des Lettres dans l’œuvre de Marc Fumaroli Volker Kapp, Université de Kiel Le concept de la République des Lettres joue un rôle capital dans l’œuvre de Marc Fumaroli. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à consulter l’Annuaire du Collège de France des années 1988-1996 témoignant de sa préoccupation permanente concernant ce thème dans ses cours. Pendant l’année académique 1995-1996, il profite du nouveau statut du Collège de France et se déplace de Paris à Rome pour y reprendre et approfondir ses recherches sur ce sujet 1 . Échanger le Collège de France contre l’Université de la Sapienza, c’est un acte hautement symbolique pour ce professeur qui ne cesse d’insister sur la signification des deux villes en tant que centres de gravité de toute la civilisation européenne 2 . Il revient souvent sur leur rivalité qui se manifeste dans le désir d’obtenir ou de garder l’hégémonie dans la République européenne des Lettres. Selon lui, ni Madrid ni Londres, et encore moins aucun des centres des Pays Bas ou de l’Allemagne ne peuvent briguer le titre d’honneur de capitale de cette République. Florence et Bologne, Madrid ou Londres ont effectivement leurs moments de splendeur, mais l’axe Paris - Rome détermine l’Europe depuis le Moyen Âge. Aussi, pour Fumaroli, sert-il de pivot à toute l’interprétation de la République des Lettres, notion qui, elle-même, constitue une pierre angulaire de sa vision de l’Europe ainsi que du rôle que la civilisation française y joue aussi bien depuis le XVII e siècle que dans les temps à venir. Étudier la problématique de Paris et Rome, capitales de la République européenne des Lettres, c’est donc viser le cœur de la pensée de Marc Fumaroli tant dans ses travaux d’universitaire que dans ses publications adressées, ces derniers temps, au grand public et même dans ses pamphlets qui se succèdent depuis 1982. Quand on suit les méandres de sa réflexion, on est surpris des découvertes que Fumaroli sait faire sur les pistes que bien d’autres avant lui ont fréquen- 1 Voir le résumé de ce cours dans : Marc Fumaroli, Rome et Paris. Capitales de la République européenne des Lettres, préface de Volker Kapp et postface de Giovanni Pozzi, Hambourg, Lit, coll. « Ars rhetorica », 1999, p. 21-40. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle RP suivi de la page. 2 Voir Marc Fumaroli, « Rome dans l’imagination et la mémoire de l’Europe », RP, 135-144. 10 Volker Kapp tées sans y remarquer les grandes lignes ou les liens multiples qu’il s’adonne à mettre en évidence. Tout lecteur averti de ses livres ou de ses multiples articles est frappé par le recours incessant à quelques points de repère, formant une espèce de grille de ses interprétations. Contentons-nous d’en énumérer un certain nombre en guise d’exemples : ce sont des personnages comme Cicéron ou Montaigne, des institutions comme l’académie ou le salon, des principes comme l’atticisme ou la conversation. Tous ces éléments s’insèrent dans un vaste panorama de l’histoire des idées et des institutions illustrant l’antagonisme entre les deux capitales. Ce sont des marques d’orientation auxquelles il renvoie sans cesse, marques qui, loin de se réduire selon lui à de simples redites, servent de fil conducteur pour maîtriser une réalité dont la diversité risque d’égarer et de décourager l’interprète. Leur évocation permet à Fumaroli des rapprochements souvent inattendus. L’œil vigilant de cet analyste s’acharne à décrypter les vestiges de la République des Lettres et de l’antagonisme entre les deux capitales au cours des temps. Il les évoque pour cautionner d’un grand capital symbolique le défi qu’il lance à l’oubli contemporain de l’histoire. Parfois, surtout dans ses pamphlets, il insiste sur ces idées afin d’irriter ceux qui se contentent de suivre les larges voies d’une pensée sclérosée, soit-elle traditionaliste ou progressiste, car Fumaroli s’amuse à diagnostiquer chez les tenants du progressisme un penchant rétrograde. Cette démarche présuppose une richesse de connaissances, mais aussi la capacité d’interpréter les données dans une perspective peu commune et le courage d’oser des suggestions dont se désiste une érudition trop scrupuleuse. Certes, l’existence d’une République européenne des Lettres n’a jamais été véritablement mise en doute par l’historiographie mais ni l’envergure de ce phénomène ni son impact sur le destin futur de l’Europe n’ont auparavant préoccupé les chercheurs autant que lui. On pourrait ériger la problématique qui nous occupe ici en fil d’Ariane de l’œuvre de Fumaroli puisque ce brillant professeur d’université dresse dans sa thèse L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique (1980) un panorama de l’art oratoire pour mettre en évidence que ses métamorphoses depuis l’Antiquité gréco-romaine jusqu’au seuil du Grand Siècle français sont liées à l’émergence de la République des Lettres et au déplacement de sa capitale de Rome à Paris, déplacement qui correspond à un glissement de la sphère cléricale vers les cercles laïcs et mondains. Réagissant au penchant à l’hermétisme du jargon d’un certain milieu intellectuel parisien, il érige l’Académie française en symbole de l’idéal selon lequel « la vérité doit savoir renoncer à l’orgueil de sa spécialité pour se faire éloquence. Ce qui suppose le choix de mots attestés et trempés par un usage reconnu de tous, une élégance et une clarté heureuses qui rendent la vérité séduisante et transparente à tous, un pathétique et une Paris et Rome, capitales de la République européenne des lettres 11 force d’imagination qui sachent faire aller la vérité jusqu’au cœur de tout 3 ». Ce texte ne recourt pas au terme de la République des Lettres, mais il qualifie cette idée de « cicéronienne et romaine 4 ». Cet essai est publié originairement dans la série éditée par Pierre Nora, Les lieux de mémoire. Au moment de le réunir aux deux autres études parues dans cette série, il écrit une introduction qui exalte Pétrarque, « prototype 5 » de l’homme de lettres. D’après Fumaroli, grâce à l’Académie, « [l]a France est […] pourvue d’un Parnasse où le couronnement de Pétrarque sur le Capitole peut devenir un rite national. Ce Parnasse a puissamment contribué à anoblir en France la profession d’homme de lettres 6 ». Cette image de la France lui inspire la thèse hardie : « Aucune nation européenne, depuis l’Antiquité, peut-être parce qu’aucune autre n’a autant que le royaume de France oscillé entre le désordre absolu et l’ordre absolu, n’a aussi étroitement lié la quête du bon gouvernement à celle du meilleur style du dire poétique 7 ». Cette phrase, située au début du chapitre intitulé « La République des Lettres et le royaume » du livre sur Chateaubriand, a son corollaire dans la critique passionnée « du marché moderne des loisirs » au nom de « la tradition ininterrompue et vivante de l’Europe de l’esprit, dans l’Église avec ses clercs, dans la République des Lettres avec ses érudits, ses essayistes, ses poètes » qui cultivent l’entente avec « cette tradition des langues et des textes-mères qui, dans chaque génération, a trouvé des interprètes nouveaux et originaux 8 ». Cette élite se caractérise selon lui par son indépendance qui permet de corriger par un travail nocturne de Pénélope la folie des modes qui occupe le premier plan, celui du jour, des différentes époques. Marc Fumaroli, essayiste et pamphlétaire, assume décidément ce rôle. Si l’on ose inclure dans notre propos une dimension biographique, il n’est peut-être pas téméraire de soutenir que, depuis son élection à l’Académie française, Fumaroli préfère la vocation d’homme de lettres à celle de professeur d’université. Selon lui, les membres de la République des Lettres possèdent une aversion contre tout ce qui sent le pédant. Son penchant va dans le même sens et il oppose « la Respublica literaria française » à l’Université, tournée en dérision par Montaigne ou Guez 3 Marc Fumaroli, Trois institutions littéraires, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 1994, p. 108. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle TI suivi de la page. 4 TI, 107. 5 TI, XXIV. 6 TI, XXVII. 7 Marc Fumaroli, Chateaubriand. Poésie et terreur, Paris, de Fallois, 2003, p. 161. 8 Marc Fumaroli, « Préface : loisirs et loisir », dans Le loisir lettré à l’âge classique, essais réunis par Marc Fumaroli, Philippe-Joseph Salazar et Emmanuel Bury, Genève, Droz, 1996, p. 21. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle LL suivi de la page. 12 Volker Kapp de Balzac qui retrouvent dans les universitaires « la triste vérité sociale de l’emploi burlesque de “Docteur” dans la Commedia dell’Arte 9 ». Nous allons étudier quatre facettes de ce concept : 1. son impact sur la vision du classicisme français ; 2. son importance pour caractériser l’identité française ; 3. les liens entre la République des Lettres et l’histoire de la rhétorique ; 4. le statut du concept de la République des Lettres. Ces quatre points de vue permettront d’évaluer, selon Fumaroli, la supériorité de la France sur l’Italie et les raisons qui permettent d’expliquer pourquoi finalement Paris a remporté sur Rome la victoire dans la compétition du titre de la capitale de la République européenne des Lettres. I La mise en relief de la République des Lettres est, d’après Fumaroli, intimement liée à la réhabilitation de l’art oratoire. Ce programme prend ses distances vis-à-vis des options enracinées dans les études littéraires de l’époque où le jeune universitaire rédigea sa thèse de doctorat, qui entraîne un changement complet des repères bibliographiques sur lesquels se basait jusqu’alors la lecture des textes. Le but primordial de L’âge de l’éloquence, à savoir la réhabilitation de la rhétorique et de la littérature jésuites, ne nécessite pas forcément la vaste perspective qui caractérise ce livre, devenu l’ouvrage de référence pour toute une génération de jeunes chercheurs du monde entier. Le concept du classicisme français s’y modifie radicalement par la mise en relief de la République européenne des Lettres pour laquelle l’axe Rome-Paris est déterminant. Le classicisme, qui est, à l’époque, une des bases de la conscience nationale, reste toujours pour Fumaroli un point de repère pour bien discuter des problèmes de la France contemporaine. Revenant à Boileau et aux grands critiques du XVII e siècle qui prirent leur distance vis-à-vis de l’Italie, Fumaroli rappelle les dettes contractées par la France envers la civilisation italienne, dettes qui incitent proprement à se distancier des Italiens. Ce fait devient incompréhensible à partir de l’hégémonie culturelle de la France au XVIII e siècle. Héritée du XIX e siècle, la vision de l’identité française, après la Deuxième Guerre mondiale, admet tout au plus une certaine correspondance entre la France et l’Italie de la Renaissance tandis que Fumaroli oppose à cette interprétation réductionniste de ce qu’on aime nommer le siècle de Louis XIV la concurrence entre la Rome du pape Urbain VIII et le Paris des rois Louis XIII et Louis XIV. À la suite de Guez de Balzac, il découvre dans la Rome moderne « un lieu central 9 Marc Fumaroli, « La République des Lettres, l’université et la grammaire », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 104, n° 2, 2004, p. 464. Paris et Rome, capitales de la République européenne des lettres 13 et médiateur, où s’entrelacent, dans une sorte d’“oisiveté” supérieure et contemplative, la mémoire de l’Antiquité héroïque et les rêves de fortune de la jeunesse moderne, la sainteté d’une Église rappelant à elle la foi de l’Antiquité chrétienne, et la corruption de l’humanité abandonnée à ses passions immédiates 10 ». Comme à l’auteur du Discours […] de la conversation des Romains, la Chambre bleue de la Marquise lui semble « le lieu d’initiation à l’art de vivre civilisé dans une grande capitale, à l’urbanitas romaine que Mme de Rambouillet a traduite en français et introduite à Paris sous le nom d’“honnêteté” 11 ». De même que Roger Zuber 12 , Fumaroli revient à Guez de Balzac pour rappeler « la médiation que son œuvre a exercée entre la culture littéraire latine, qui connaît son dernier “grand siècle” dans la Rome pontificale des années 1620-1640, et les Lettres françaises 13 ». C’est une gageure d’opposer au cliché répandu de la Rome « baroque », dominée par les Barberini, tant de fois vilipendés au cours des siècles, un chapitre intitulé « Cicéron Pape : Urbain VIII Barberini et la seconde Renaissance romaine 14 ». Loin d’être aux antipodes du classicisme français, la Rome des Barberini porte les traits d’une seconde Renaissance dès qu’on explique la profusion d’images et le côté spectaculaire dans le domaine des beaux-arts, à la lumière de la littérature néo-latine et de la culture oratoire dont ils sont issus. Cette vision de la Rome pontificale du XVII e siècle présuppose une interprétation radicalement nouvelle de la rhétorique jésuite et de la Réforme catholique après le Concile de Trente. C’est par cette révision des jugements sur la rhétorique jésuite que Fumaroli a renouvelé complètement le concept du classicisme français. Fumaroli dresse une fresque bien différenciée des grands courants de la vie littéraire et intellectuelle. L’antagonisme des gallicans et des jansénistes français vis-à-vis de la Société de Jésus, accusée d’être ultramontaine, se dédouble d’une divergence entre les jésuites de Rome et ceux de Paris. Dans les jugements de valeur, la sympathie de notre historien penche pour les jésuites romains tout en gardant beaucoup de respect pour leurs adversaires gallicans, parce qu’eux, ils constituent en France la République des Lettres qui réunit les esprits indépendants par un lien d’affinités intellectuelle, 10 RP, 42. 11 RP, 42. 12 Voir Roger Zuber, Les «belles infidèles» et la formation du goût classique, postface d’Emmanuel Bury, Paris, Albin Michel, 1995 ; Jean-Louis Guez de Balzac, Œuvres diverses (1644), édition établie et commentée par Roger Zuber, Paris, Champion, coll. « Sources classiques », 1995. 13 RP, 42. 14 Marc Fumaroli, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 2002, p. 202-226. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle AE suivi de la page. 14 Volker Kapp morale et sociale. Ces idéaux marquent profondément la civilisation française de l’Ancien Régime et assurent son rayonnement en Europe. Cela vaut particulièrement pour la civilité des mœurs et son corollaire oratoire. La conversation, qui imprègne la vie du grand monde à Paris, a « conquis pacifiquement l’Europe des cours et des bonnes “compagnies”, y créant une société par-delà les frontières, où chaque citoyen, parlant notre langue, trouvait une patrie supérieure 15 ». Ce phénomène qui fascine notre analyste à tel point qu’il élargit son domaine de recherche au siècle des Lumières, présuppose, au XVII e siècle, l’émergence d’une alliance, spécifiquement française, entre certains tenants de la République des Lettres et la société mondaine. C’est cette alliance qui produit le phénomène unique que l’Europe parle français au siècle des Lumières 16 . Paris triomphe alors définitivement en tant que capitale de la République des Lettres européenne. II La France profite de tout ce que l’Europe doit à l’Italie pour le métamorphoser selon ses propres besoins. Pétrarque introduit « dans l’univers néo-latin, […] un je lyrique, d’origine provençale : il y fait sa jonction avec le je d’orateur de Cicéron et le je dévotionnel d’Augustin 17 ». Il existe une différence fondamentale entre les artes dictaminis médiévaux et la subjectivité rhétorique de Pétrarque pour qui « la parole et ses formes ne sont pas un donné, qu’il faut correctement mettre en œuvre, mais une découverte qui va de pair avec la découverte de soi et le dialogue avec les autres, une aventure inventive dont le principe est intérieur et les formes imprévisibles 18 ». Fumaroli qualifie Pétrarque de « [f]ondateur de la République des Lettres 19 », dénomination « forgée à Venise par Francesco Barbaro, dans une lettre à Poggio Bracciolini, en 1417 20 ». Le « mystère fondateur et fécondateur » de cette République est « la participation grave et passionnée à une société secrète […] dont la plupart des membres sont invisibles, les auteurs morts et la postérité 21 ». Étant donné qu’elle reprend l’ancien concept de translatio studii, elle n’est « pour les héritiers de Pétrarque […] rien d’autre que l’agent collectif du retour et de la concentration du Studium en Italie. En ce sens, c’est une idée 15 TI, 120. 16 Voir Marc Fumaroli, Quand l’Europe parlait français, Paris, de Fallois, 2001. 17 RP, 24. 18 RP, 25. 19 RP, 27. 20 RP, 21. 21 RP, 29. Paris et Rome, capitales de la République européenne des lettres 15 neuve en Europe 22 ». Les savants du Collège Royal et de la République des Lettres française ont le même programme que l’humanisme italien, mais l’humanisme érudit français « trouve dans Cicéron même des arguments pour ne pas épouser son art oratoire, et dans le mythe pédagogique aulique du cicéronianisme italien des arguments supplémentaires pour ne pas adopter l’imitatio ciceroniana 23 ». Cette divergence importe beaucoup pour caractériser les spécificités de la civilisation française. La « dimension oratoire, cette extériorité forique de la parole italienne » se heurte en France à la puissance royale, mais « le loisir lettré, l’otium literatum 24 » de Pétrarque peut y fleurir dans les salons ou dans les cercles amicaux. Fumaroli reconnaît le loisir lettré dans l’influence du cercle de la Table Ronde, grâce auquel La Fontaine se métamorphose « en poète de Paris, c’est-à-dire en poète de vocation universelle 25 ». Il y revient en ce qui concerne Madame de La Sablière, appelée par La Fontaine du nom de Parnasse d’Iris d’où notre admirateur du poète déduit le titre d’honneur d’« l’Iris de la République parisienne des Lettres 26 ». Madame de Rambouillet crée autour d’elle un « univers de conversation […], “privé”, désintéressé, de l’otium compatible avec une retraite intérieure et secrète : la récréation en société, mais en société choisie et tenue en respect, d’une âme qui s’est souciée de se maintenir dans l’eutrapélie salésienne 27 ». Notre interprète y reconnaît « l’empire des femmes » dont les hommes de lettres sont les « complices naturels, eux qui savaient ce qu’est l’otium studiosum » et il le qualifie de « cette grande œuvre de civilisation qui a donné le goût de la conversation à des gentilshommes qui ne connaissaient que les camps et la Cour » 28 . Cette conversation ne se réduit pas à la société mondaine de Paris, elle se retrouve également « entre érudits, purement masculins, excluant les nobles d’épée tout simplement parce qu’ils ne sont pas savants 29 ». Le cercle des frères Dupuy qui incarne cet idéal est « le centre nerveux de la République des Lettres savantes de l’Europe 30 » et les Essais de Montaigne, « vaste 22 RP, 21. 23 AE, 663. 24 RP, 27. 25 Marc Fumaroli, Le poète et le roi. Jean de La Fontaine en son siècle, Paris, de Fallois, 1997, p. 156. 26 Ibid., p. 393. 27 Marc Fumaroli, La diplomatie de l’esprit. De Montaigne à La Fontaine, Paris, Hermann, 1994, p. 328. Il explique ailleurs que l’eutrapélie, terme provenant de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote, est « le nom théologique de la bonne humeur » (LL, 17). 28 La diplomatie de l’esprit, ouvr. cité, p. 328. 29 TI, 136. 30 TI, 136s. 16 Volker Kapp improvisation dictée ou écrite 31 », en forment le modèle littéraire. La variété des Essais marque « la dimension d’un sermo convivalis français. […] Les Essais bruissent d’un incessant dialogue dans lequel les lecteurs sont emportés, et qui fait de la librairie solitaire de Montaigne une des compagnies les plus animées et choisies que l’on ait vues depuis les temps socratiques 32 ». Les gentilshommes et les femmes du XVII e siècle fréquentent les Essais. Quand Paris devient, par une « superposition » de la capitale de la monarchie française, « dans une même cité […] la capitale de la République internationale des Lettres », ce public « qui devient le tribunal international des livres, au lieu du public international des doctes lisant, écrivant et publiant en latin […] n’entretient que des rapports lointains et indirects avec les sources latines et grecques 33 ». Ainsi se constitue un modèle purement français de conversation et de littérature. Et l’Italie ? Stefano Guazzo ne compte pas parmi les auteurs préférés de Fumaroli. Est-ce qu’il tombe sous son verdict parce qu’à l’arrière-plan des traités italiens de civilité figure, selon lui, « un néo-platonisme affadi par le pétrarquisme, plus propre à former des petits-maîtres que des hommes libres 34 » ? Ce jugement sévère frappe Della Casa qui est vivement critiqué « de régler les gestes et les propos, les formes et les manières, de telle sorte que rien ne heurte jamais autrui, et qu’une harmonie douce et contagieuse préside à tous les rapports sociaux 35 ». Fumaroli éreinte ainsi un des pères de la civilité européenne, éminent poète qui compte parmi les meilleurs du pétrarquisme italien. Les partisans de Della Casa peuvent se consoler avec la remarque que « la tradition que maintient du Perron, liée à “l’air de Cour” des Académies des Valois, a pour référence l’Italie la plus raffinée, celle de Bembo, de Castiglione, de Della Casa, de Caro 36 ». Il s’agit d’une « forme française de cicéronianisme de Cour 37 ». Cette notion est appliquée ailleurs à Castiglione, qui figure dans un autre passage parmi les maîtres humanistes de la douceur française : « Mais du même mouvement, prose et poésie françaises ouvrées par d’experts humanistes allaient au devant du goût traditionnel des gens de Cour pour la “douceur”, celle du pétrarquisme et celle de la conversation “civile” à la Castiglione 38 ». Cette fois-ci, le pétrarquisme 31 TI, 133. 32 LL, 42-43. 33 Marc Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », dans La Querelle des Anciens et des Modernes XVII e - XVIII e siècles, édition établie et annotée par Anne-Marie Lecocq, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2001, p. 16-17. 34 LL, 44. 35 LL, 45. 36 AE, 523. 37 AE, 523. 38 AE, 701. Paris et Rome, capitales de la République européenne des lettres 17 est mieux vu et la « conversation civile », qu’indique l’intitulé du traité de Guazzo La civil conversazione, est évoquée pour fêter l’auteur du Courtisan. Il Cortegiano de Baldassarre Castiglione passe pour une « variante de l’Orator cicéronien 39 ». Une distinction de deux types de rhétorique importe dans ce contexte : Cicéron « reconnaît à la conversation (sermo), le statut d’une institution de droit naturel, par opposition à l’éloquence (eloquentia) qui suppose des institutions de droit civil et public 40 ». Fumaroli rattache les trois genres de l’éloquence politique, judiciaire, démonstrative à « l’autorité de la loi » tandis que la conversation témoigne « du jaillissement d’une parole plus originelle […] la parole qui socialise à la fois raison et oraison 41 ». Que signifie alors la notion de « cicéronianisme des Cours 42 » appliquée à la doctrine oratoire de Castiglione ? Dans l’optique de notre interprète, la cour d’Urbin, selon Castiglione, est une des « inflexions » de l’otium studiosum de Pétrarque. Elle partage ce privilège avec la cour de Florence, dont le mérite mentionné est d’avoir permis à Galilée de poursuivre en paix ses recherches. Les petites cours italiennes ressemblent, de ce point de vue, à « la “libre Venise” selon l’Arétin ou Boccalini […]. Ils légitiment ce “genre de vie” désintéressé, et ils favorisent l’apparition de petites sociétés appropriées à son exercice en commun, voire d’une République des Lettres qui fédère ces académies et leur permette de coopérer 43 ». Fumaroli, qui distingue nettement la République des Lettres de la Cour des rois de France, souligne les affinités des cours italiennes avec les académies, lieux associés à l’Arcadie et au Parnasse mythiques. Le polycentrisme italien des cours et des académies est comparable aux salons et aux cercles érudits de Paris, qui profitent pourtant de la splendeur d’une monarchie centraliste dont l’éclat relègue l’Italie au second plan. Fumaroli ne cesse de mettre en évidence le correctif que les « institutions » et les représentants de la République française des Lettres apportent à la magnificence royale, mais il prise également la splendeur que le soutien du roi confère à l’Académie et à la vie culturelle dans la capitale. Fort de l’opinion de Kant, pour qui Paris est l’Athènes des Modernes, et de Madame de Staël, selon laquelle Paris est le lieu d’élection de l’esprit et du goût de la conversation 44 , Fumaroli soutient que la conversation a « sa patrie en France » parce que la République européenne de la conversation lettrée « se réunissait de préférence à Paris ». Elle est « un mythe […] enraciné dans 39 AE, 90. 40 LL, 31. 41 LL, 31. 42 AE, 90. 43 Marc Fumaroli, L’école du silence. Le sentiment des images au XVII e siècle, Paris, Flammarion, coll. « Idées et recherches », 1994, p. 35. 44 Voir TI, 116-119. 18 Volker Kapp la nature et dans la raison […], un luxe de l’esprit inséparable du génie de certains lieux 45 ». Le modèle français de la conversation profite du génie du lieu et sur ce plan, Rome ne peut pas véritablement entrer en compétition avec Paris. III Le concept de la République européenne des Lettres s’intègre parfaitement dans la vision de la grandeur française à l’intérieur de la multiplicité des civilisations de l’Europe unie. Cette insistance sur le rôle privilégié de la France va de pair avec le rappel constant des origines transnationales des idéaux de la République des Lettres 46 . L’Antiquité gréco-romaine sert de base à cette République, l’Italie en est un terrain de prédilection tandis que l’Espagne figure plutôt comme repoussoir, malgré les dettes évidentes contractées par La France envers le Siècle d’or espagnol. La cour de France est aux antipodes de la cour d’Espagne 47 . Préfaçant en 1979 la réédition de Baroque et classicisme de Victor Lucien Tapié, Fumaroli approuve l’opinion de cet historien de l’art qu’à Rome revient « de droit […] la fonction de représenter le système de cour catholique » et à Paris de le transposer « dans des termes non pas antithétiques, mais différents au point d’être méconnaissables 48 ». Pourquoi Rome, mais ni Vienne ni Madrid ? La réponse à cette question vient du concept de la rhétorique que Fumaroli développe dans L’âge de l’éloquence. Rome cultive la rhétorique depuis la Renaissance et connaît une « seconde Renaissance », notion que Fumaroli combine avec le qualificatif de « cicéronienne » qu’il préfère à celle plus répandue du baroque, lié, lui, à la Contre-Réforme, terme à connotation négative qu’il remplace par celui de « Réforme catholique 49 ». C’est à Rome que le cicéronianisme connaît au « siècle de Léon X 50 » son essor, terminé d’une manière brutale par le Sac de Rome et par l’ironie mordante du Ciceronianus d’Erasme. L’Italie reste la patrie du cicéronianisme 45 TI, 210. 46 Fumaroli souligne dans « La République des Lettres, l’université et la grammaire » que la République des Lettres « se donnait pour lien social l’amitié, vertu privée, et pour bien commun l’honnêteté dans les choses de l’esprit. Cette confraternité d’abeilles cooptées se voulait trans-nationale et trans-confessionnelle ; elle voulait ignorer les frontières de naissance et de rang de la société d’ordres », (Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 104, n° 2, 2004, p. 463). 47 Voir AE, 90. 48 Préface de Marc Fumaroli à Victor Lucien Tapié, Baroque et classicisme, Paris, Le Livre de poche, 1980, p. 33. 49 Voir AE, 122. 50 AE, 92. Paris et Rome, capitales de la République européenne des lettres 19 tandis que l’Espagne penche vers l’anti-cicéronianisme. L’Académie des Nuits Vaticanes cultive ce type de rhétorique, qui se modifie sous l’influence de Charles Borromée, lorsque celui-ci se transforme en propagateur des canons du Concile de Trente sur la rhétorique ecclésiastique et encourage la rédaction de manuels du prédicateur. Fumaroli admet l’existence d’une « menace d’un asservissement au docere dévot, et d’une hégémonie intolérante du rhetor ecclesiasticus 51 », mais il juge l’anti-cicéronianisme, qui s’affiche dans la « rhétorique borroméenne », comme « tout relatif 52 » et souligne l’importance de l’humanisme néo-latin de la Réforme catholique pour la littérature française sous Henri IV et la Régente Marie de Médicis dont la cour est « littéralement arrosée d’éloquence sacrée française par des prédicateurs “réformés” pour que l’essor d’une prose oratoire “cicéronienne” en langue française devînt possible 53 ». D’après lui, « il suffira au cardinal de Richelieu de verser au crédit de la royauté française le prestige que lui valaient sa dignité de prélat réformé et son autorité d’orateur ecclésiastique, pour révéler que l’eloquentia borroméenne, créée pour servir les législateurs de Trente, pouvait aussi bien, dans l’ordre de la société civile, […] travailler à recréer en France un consensus politique, social et moral 54 ». Pour l’historien de la rhétorique, la France des Rois Très-Chrétiens révèle une affinité élective avec la Rome pontificale, mais le point de comparaison est moins la conviction religieuse qu’une structure oratoire, chère à notre interprète qui en détecte une autre dans la pédagogie des jésuites : « Du cicéronisme dévot des collèges, à la “douceur de conversation” pastorale découverte dans L’Astrée et la fréquentation des femmes qui en sont pénétrées, la transition est aisée 55 ». La cour d’Urbain VIII est « une sorte d’acmé 56 » de la civilisation de cour d’Ancien Régime. « La rhétorique, comme art de plaire, encore plus que comme art de persuader, est chez elle à la Cour de Rome 57 ». Elle est aux antipodes de la Cour du Roi-Soleil, avec laquelle elle partage cependant le trait caractéristique de fonder son autorité « sur le magnétisme des formes 58 », autre pôle d’attraction pour Fumaroli, enthousiasmé des beaux-arts dont il se fait de plus en plus l’interprète sans quitter véritablement le domaine de l’art oratoire. 51 AE, 139. 52 AE, 139. 53 AE, 140. 54 AE, 141-142. 55 Marc Fumaroli, « Sous le signe de Protée 1594-1630 », dans Jean Mesnard (dir.), Précis de littérature française du XVII e siècle, Paris, PUF, 1990, p. 70. 56 AE, 204 57 AE, 205. 58 RP, 55. 20 Volker Kapp IV La victoire sur Rome est entérinée dès le XVII e siècle si l’on en croit aux thuriféraires du Roi-Soleil, mais Fumaroli innove dans le domaine des recherches sur la Querelle des Anciens et des Modernes, un des moments culminants de l’affirmation de l’hégémonie française dans la République des Lettres, quand il intègre les Ragguagli del Parnasso de Trajano Boccalini, les Pensieri d’Alessandro Tassoni e L’hoggidí de Secondo Lancellotti parmi les ancêtres de cette Querelle 59 . Ces rapprochements surprenants s’autorisent comme d’habitude chez notre interprète de la relecture d’un texte méconnu par les historiens de la Querelle, L’Erreur combattue de Nicolas de Rampalle. Inclure ces trois hommes de lettres italiens dans une analyse de la Querelle française ne signifie pas forcément vouloir détecter, à la manière des chercheurs imbus de positivisme, des « sources » qui ont échappé aux spécialistes. Fumaroli se met sur le plan des modèles d’une certaine manière de pensée et de la transmission des idées par différentes formes littéraires. Il aime cette méthode d’analyse et y recourt régulièrement quand il évoque la République des Lettres européennes. C’est la même démarche qui érige les deux tragédies du Père Bernardino Stefonio en « emblèmes 60 » de l’humanisme jésuite pour signaler non seulement la typologie du théâtre de leurs collèges, mais pour y reconnaître également l’impact d’un modèle littéraire dans la vie théâtrale de l’époque. Fumaroli quitte l’optique de la chronologie quand il attribue au successeur de Stefonio à la chaire de rhétorique du collège romain, Tarquinio Galluzzi, « la tâche de tirer, pour l’ensemble de l’ordre et pour la République des Lettres, les conséquences théoriques du succès européen remporté par le Crispus et la Flavia 61 ». C’est le même Galluzzi qui définit « l’idéal du héros profane de la Réforme catholique 62 », et son commentaire à L’Éthique à Nicomaque est présenté par notre connaisseur de la Seconde Renaissance romaine afin d’expliquer l’idéal cornélien de la magnanimité. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’attention aux structures prévaut sur la recherche des sources. Stefonio, étoile de la tragédie humaniste édifiante, est mis en corrélation avec la Rappresentazione sacra en musique. Les deux traditions du théâtre dévotionnel romain sont censées trouver « un prolongement en France 63 ». Une des preuves en est fournie par l’échec de Théodore, vierge et martyre, 59 Marc Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », ouvr. cité, p. 29-91. 60 Marc Fumaroli, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Droz, 1990, p. 142. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle HO suivi de la page. 61 HO, 150. 62 HO, 338. 63 HO, 169. Paris et Rome, capitales de la République européenne des lettres 21 « un des chefs-d’œuvres méconnus 64 » de Pierre Corneille, du moins selon Fumaroli qui utilise dans cette étude le terme de « sources italiennes 65 ». Quelles sont ces « sources » de Corneille, qui lui-même n’avoue que celle De Virginibus de saint Ambroise dans son Epître dédicatoire et son Examen ? Il y en a beaucoup puisque l’interprète évoque l’hagiographie chrétienne, la Sacra Rappresentazione di santa Theodora datant du XVI e siècle, les tragédies d’Agostino Faustini, auteur d’une vaste production de livrets d’opéra, Girolamo Bartolommei et Giovanni Gottardi ainsi que I Santi Didimo e Theodora, mélodrame de Giulio Rospigliosi, datant du XVII e siècle. Fumaroli développe abondamment la question de savoir comment les Italiens ont traité les sources hagiographiques concernant Théodore (et Didyme) et trouve des parallèles dans Los dos amantes del cielo de Calderón et dans l’épisode d’Olinde et de Sophronie dans le chant II de La Jérusalen délivrée du Tasse. Reste à savoir par quelle voie ce traitement italien du thème peut devenir la « source » de la pièce de Corneille. Fumaroli attire une attention particulière sur le mélodrame de Rospigliosi, auteur connu dans la République française des Lettres dont les textes, en grand nombre inédits à l’époque, ne peuvent probablement pas être lus à Paris où ne se trouve aucun manuscrit de ce mélodrame 66 . Mais la Théodore de Rospigliosi est commentée par Agostino Mascardi dans ses Ethicae Prolusiones, publiées en 1639 à Paris par Cramoisy, « et ce texte publié à Paris suffisait à éclairer Corneille sur ce point 67 ». Voici un exemple illustrant la circulation des idées dans la République européenne des Lettres ! Ce témoignage suffit à notre interprète pour insister sur le fait que « Corneille ne pouvait ignorer qu’il rivalisait avec le Tasse et son épisode d’Olinde et Sophronie, mais aussi avec une véritable pléiade de dramaturges italiens, parmi lesquels, digne de sa propre gloire, le dramaturge officiel de la cour de Rome, le secrétaire aux brefs d’Urbain VIII, Mgr. Giulio Rospigliosi 68 ». Ce parallèle renvoie à la dimension symbolique des deux capitales antagonistes de la République européenne des Lettres. Le catalogue Nicolas Poussin : Sainte Françoise Romaine annonçant à Rome la fin de la peste revient sur ce parallèle en mettant en évidence l’idée directrice de l’interprétation de la Théodore cornélienne. Fumaroli s’y range du côté de ceux qui acceptent l’hypothèse saisissante selon laquelle ce tableau a été commandé à Poussin par Rospigliosi, hypothèse qui invite à réfléchir 64 HO, 223. 65 HO, 223. 66 Voir notre contribution : « Le thème de l’héroïsme d’une sainte à Rome et à Paris : la Théodore de Rospigliosi et de Corneille », dans Nicole Ferrier-Caverivière (éd.), Thèmes et genres littéraires aux XVII e et XVIII e siècles, Paris, Presses universitaires de France; 1992, p. 407-412. 67 HO, 245. 68 HO, 247. 22 Volker Kapp sur les divergences entre l’art romain issu de la Réforme catholique et l’art religieux français. L’échec de la Théodore cornélienne s’explique par « une rébellion générale des rigoristes et des libertins parisiens contre ces “impurs mélanges” méditerranéens [s]ymptôme de la profonde différence d’optique entre Paris, capitale royale, et Rome, capitale pontificale 69 ». Le théâtre des Barberini constitue également un haut lieu symbolique : « Chacune de ces fêtes théâtrales sur les libretti de Rospigliosi avait été une “exposition universelle” de la Renaissance des lettres et des arts à Rome sous Urbain VIII, et une démonstration de l’harmonie entre cette seconde Renaissance et la Réforme catholique, dont Rome avait été l’origine et dont elle entendait bien rester le principe irradiateur 70 », formulation élégante qui englobe tous les éléments essentiels grâce auxquels Paris profite de la translatio studii pour devenir l’héritière de la ville pontificale. La Leçon inaugurale au Collège de France montre que la rhétorique « a réintroduit, à l’école de Cicéron et de Quintilien, un ferment d’unité dans la civilisation européenne [et] comment elle a pu en favoriser l’extrême diversité 71 ». Selon notre professeur, « le secret du style français » consiste à « filtrer, simplifier, clarifier, mais sans le trahir, le paradigme rhétorique qui vivifiait l’Europe des humanistes » et à « accomplir jusqu’au bout les vœux de Quintilien et d’Horace 72 ». L’orateur rappelle la double formation des précepteurs de la société mondaine parisienne, Montaigne, Malherbe, Voiture, doctes latinistes dont la langue brillante et toute moderne « recueille, tout en les dissimulant, les ressorts et les valeurs de la rhétorique savante 73 ». La rhétorique gréco-romaine et néo-latine fournissent les ressorts dissimulés de la civilisation et de la littérature européennes, et Fumaroli s’efforce de les mettre en évidence par ses vastes connaissances de la « res literaria » et fustige les erreurs causées par l’ignorance de ces valeurs. La recherche érudite débouche ainsi sur un engagement de moraliste en faveur d’un certain programme politique visant l’actualité de la France et l’avenir de l’Europe unie. Le pamphlétaire qui se manifeste dès L’État culturel (1991) fulmine les hommes politiques en renvoyant aux idéaux de la République des Lettres. Il évoque l’époque lointaine du XII e siècle où la France, Paris, la colline Sainte- Geneviève eurent le privilège « viager » d’être reconnus « pour les hôtes par excellence du Studium de la Chrétienté », et cela grâce à « l’universalité 69 Marc Fumaroli, Nicolas Poussin : Sainte Françoise Romaine annonçant la fin de la peste, Paris, Réunion des musées nationaux, 2001, p. 87. 70 Ibid., p. 72. 71 Collège de France Chaire de rhétorique et société en Europe (XVI e -XVII e siècles), Leçon inaugurale faite le mercredi 29 avril 1987 par M. Marc Fumaroli, professeur, Collège de France, 1987, p. 25. 72 Ibid., p. 32. 73 Ibid., p. 33. Paris et Rome, capitales de la République européenne des lettres 23 latine et européenne de sa science 74 ». L’universalité de l’Université de Paris se perd à la suite de l’affirmation de « l’Imperium des rois de France 75 », mais la fondation du Collège royal apporte un « remède 76 » au défi lancé par Pétrarque « au nom d’un humanisme universaliste qui conquiert rapidement l’Italie et l’Europe 77 ». Le professeur du Collège de France en appelle ainsi au programme fondateur de l’institution où il enseigne. N’est-ce pas une entreprise utopique de convoquer ce passé prestigieux de Paris ? L’auteur de L’État culturel se pose à lui-même cette question et y répond par une réflexion sur l’impact de l’imaginaire sur l’histoire. Préfaçant les actes du colloque sur Les origines du Collège de France (1500-1560), Fumaroli se réfère au dernier livre d’André Chastel Fables, Formes, Figures pour soutenir que : « Tout ce qui est humain, tout ce qui est sujet d’une histoire, tout ce qui est susceptible d’histoire, même la science, même les institutions savantes, participe de l’imaginaire et vit d’imaginaire 78 ». La « Renaissance des bonnes lettres » en France sous François I er est, selon Fumaroli, « un bien commun de la République des Lettres qui s’est ainsi représenté son acte de naissance 79 ». Il existe une « légende fondatrice » du Collège de France dont « l’autorité » a servi pour adresser aux successeurs du « roi idéalisé de la Renaissance » des « remontrances 80 ». Jacques Toussain, un des professeurs du Collège et « citoyen d’une République européenne des Lettres » sert de témoin de ce que « le Collège royal était bel et bien devenu, dès la première génération, un des organes français 81 » de cette République. Est-ce que cette interprétation prétend isoler « la pure “vérité” factuelle de la langue des affects et des images 82 » ? Une telle prétention tomberait sous le verdict de Fumaroli à savoir que ce serait « une illusion […] nuisible à la connaissance des choses humaines 83 ». L’idée de Paris et Rome capitales de la République européenne des Lettres est une vérité factuelle parce qu’elle a inspiré aux gens de Lettres du passé et 74 Marc Fumaroli, L’État culturel. Essai sur une religion moderne, Paris, de Fallois, 1991, p. 296. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle EC suivi de la page. 75 EC, 296. 76 EC, 296. 77 EC, 296. 78 Marc Fumaroli (dir.), Les origines du Collège de France (1500-1560), Paris, Klincksieck, 1998, p. XIII. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle OCF suivi de la page. 79 OCF, IX. 80 OCF, XII. 81 OCF, XXVI. 82 OCF, XIII. 83 OCF, XIII. 24 Volker Kapp à leur interprète contemporain des visions et des programmes qui eux, relèvent cependant de la narration mythique. Marc Fumaroli exploite ces deux dimensions du mythe afin de restituer au passé la diversité des imaginaires français et italien, et pour cautionner de l’autorité du mythe fondateur nullement dépassé ses interventions dans le débat sur l’avenir de la France et de l’Europe. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Marc Fumaroli et l’Italie : un rapport de culture, de collaboration et d’amitié Cecilia Rizza Dans le profil que Marc Fumaroli trace de son activité passée, en rappelant ses études et ses projets de recherche à l’occasion de la remise du prix Balzan, on peut lire les mots suivants qui révèlent une des sources de sa vocation : « Rome, Florence, Venise, Bologne, Parme, leurs palais, leurs églises, leurs musées, incarnèrent les images et les figures que la clarté des lampes avait fait entrer dans ma mémoire ». Et encore : « Avec le grec, le latin et le français, l’italien était le quatrième porche de l’esprit » 1 . Si on analyse aujourd’hui attentivement ses ouvrages, on s’aperçoit jusqu’à quel point cette déclaration correspond à une réalité peut-être encore plus importante et complexe, quel rôle l’Italie, sa culture, ses écrivains, ses artistes occupent dans l’élaboration de la pensée de Marc Fumaroli. Déjà dans la première partie de sa grande thèse sur L’âge de l’éloquence (1980), en étudiant « l’essor et le désastre de la première Renaissance cicéronienne », Marc Fumaroli consacre des pages fondamentales à l’évolution en Italie des rapports avec l’antiquité latine, à partir de Pétrarque et jusqu’à Bembo, sans négliger les querelles qui opposent Florence à Rome 2 . En soulignant ensuite la persistance de l’exemple italien chez les théoriciens du style classique en langue vulgaire, qui reconnaissent dans Gli Asolani de Bembo et dans Il Cortegiano de Baldassarre Castiglione les meilleures réussites de la prose italienne, il en conclut que c’est chez ces auteurs que « Le Classicisme français, qui voudra faire du siècle de Louis XIV une répétition du siècle d’Auguste et du siècle de Léon X, retrouvera l’essentiel de sa doctrine » 3 . Plus tard, l’influence de la Contre-Réforme et du Concile de Trente sur le cicéronianisme italien et en particulier l’apport des Jésuites Carlo Reggio 1 Marc Fumaroli, « Panorama ». Texte consultable en ligne à l’adresse suivante : http: / / www.balzan.it/ Premiati.aspx? Codice=0000000134&cod=0000000159. Le prix de la Fondazione Internazionale Balzan lui a été remis en 2001 pour ses travaux sur l’histoire et la critique littéraire du XVI e siècle à nos jours. 2 Marc Fumaroli, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980, p. 77-99. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle AE suivi de la page. 3 AE, 84-88. 26 Cecilia Rizza et Famiano Strada verront leur accomplissement dans l’œuvre de Maffeo Barberini, Pape sous le nom d’Urbano VIII. Les pages de notre auteur sur ce personnage et sur le prestige dont il jouit directement ou indirectement auprès des gens de lettres et des savants de toute l’Europe confirment, de façon décisive et éclatante, la place que l’Italie occupe au niveau international bien après la Renaissance. L’humanisme curial, écrit Marc Fumaroli, est sans doute d’essence savante, à la fois par ses sources et par sa langue, le latin. Mais il sut aussi se traduire dans le langage lisible pour tous, des arts plastiques et de la fête publique. Sous Urbain VIII le théâtre […] se répand dans les cérémonies, les fêtes, le décor urbain pour faire entendre à la foule un discours persuasif à sa portée 4 . En suivant cette voie « L’Église romaine enveloppait son docere, devenu moins impérieux et combatif, d’un delectare emprunté aux ressources de la rhétorique et de la poésie païenne, où l’humanisme européen, par delà toutes ses divisions, reconnaissait une patrie commune ». En ce qui concerne plus particulièrement la France, il est certain que l’œuvre de Maffeo Barberini « appuie indirectement de l’autorité pontificale les efforts de Richelieu et de l’Académie française pour susciter en France, et en langue française, une Renaissance des Lettres à la fois classique et chrétienne au service de la Monarchie ». La politique culturelle qui caractérise l’action de Richelieu et de son entourage, et sa volonté de créer autour du trône Très-Chrétien un art de célébration et de propagande doivent beaucoup à l’exemple de la Cour romaine 5 . Les rapports entre l’Italie et la France dans cette première moitié du XVII e siècle entraient également en jeu dans l’article sur Bernardino Stefonio, publié d’abord dans les Actes du colloque de l’Association Guillaume Budé en 1973 6 , et recueilli en 1990 dans le volume Héros et orateurs. L’exemple de ce jésuite dans la transformation de la dramaturgie traditionnelle de la sacra rappresentazione en tragédie moderne, accompagnée de la création du drame en musique de Giulio Rospiglioni a sans doute été décisif pour la naissance de ce genre de théâtre « régulier » qui rencontrera la faveur de Richelieu et sa protection. Sans parler de l’influence certaine de la Flavia et du Crispus dont témoignent leurs nombreuses éditions en France et, pour cette deuxième 4 AE, 203. 5 AE, 227-232. 6 Marc Fumaroli, « Théâtre, humanisme et Contre-Réforme à Rome (1597-1642) : l’œuvre de P. Bernadino Stefonio et son influence », Actes du IX Congrès, Association Guillaume Budé, Rome, 13-18 avril 1973, Paris, Belles Lettres, 1975, p. 399-412. Étude reprise dans Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Droz, 1990. Marc Fumaroli et l’Italie 27 tragédie, son imitation dans L’innocent malheureux de Grenaille et, de façon moins directe, dans La mort de Chrispe de Tristan 7 . De la dette que le théâtre français aurait envers la tradition religieuse italienne et son théâtre traite encore un article publié en 1981 dans les Mélanges à la mémoire de Franco Simone 8 . À propos de la tragédie de Corneille Théodore, vierge et martyre et de son échec sur les scènes françaises, Marc Fumaroli parcourt tout un itinéraire qui, de Saint Ambroise, arrive jusqu’aux œuvres de Girolamo Bartolomei et de Fra Giovanni Gottardi, sans négliger aussi ce que le poète français doit à la Jérusalem délivrée du Tasse. Plusieurs années plus tard, en reprenant un sujet qui lui est particulièrement cher, celui de la naissance du Classicisme français par rapport aux théories qui se développent en Italie entre Renaissance et Baroque, Marc Fumaroli destine aux Ragguagli del Parnaso de Traiano Boccalini et à La secchia rapita et aux Pensieri de Tassoni une partie importante de son introduction au recueil de textes de la Querelle des Anciens et des Modernes. Il y propose une analyse fine et nuancée de ces ouvrages où la mise en valeur de la tradition classique s’accompagne de la prise de conscience des qualités positives de la culture moderne. À son avis, seul L’hoggidì de Secondo Lancellotti peut être considéré comme un véritable ancêtre du Parallèle de Charles Perrault 9 . Fumaroli citera en outre dans son anthologie, à côté des textes français et de deux anglais, deux textes italiens : La méthode des études de notre temps de Gian Battista Vico et la lettre d’Antonio Conti à Scipione Maffei 10 . Son attention s’ouvre ainsi à des perspectives qui concernent la pensée italienne du XVIII e siècle et dont la portée durera tout au long du XIX e et du XX e siècle. Ce ne sont pas seulement les théories sur l’elocutio et sur la rhétorique en général, ni même le théâtre qui intéressent notre auteur : son approche à la culture italienne l’amène aussi à étudier la poésie, celle de la première moitié du XVII e siècle en particulier. Déjà dans L’âge de l’éloquence, à propos 7 Marc Fumaroli, « Corneille disciple de la dramaturgie jésuite : le Crispus et le Flavia du P. Bernardino Stefonio, s.j. ». Étude parue dans La Fête de la Renaissance, t. III, Paris, CNRS, 1975, p. 504-524. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 138-170. 8 Marc Fumaroli, « Classicisme français et culture italienne : réflexions sur l’échec de Théodore », Mélanges à la mémoire de Franco Simone, France et Italie dans la culture européenne II, Genève, Slatkine, 1981, p. 205-238. Étude reprise dans Héros et orateurs, « Théodore, vierge et martyre : ses sources italiennes et les raisons de son échec à Paris », p. 223-259. 9 Marc Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », dans La Querelle des Anciens et des Modernes XVII e - XVIII e siècles, édition établie et annotée par Anne-Marie Lecocq, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2001, p. 24-91. 10 La Querelle des Anciens et des Modernes XVII e - XVIII e siècles, ouvr. cité, p. 720-744. 28 Cecilia Rizza de l’asianisme et de cette tendance à mettre les sujets religieux au service d’une virtuosité de rhéteur, Marc Fumaroli avait cité Giambattista Marino et ses Dicerie sacre 11 . Il s’intéresse plus tard surtout au poète auquel il consacre plusieurs articles. Il étudie d’abord les rapports entre Marino et La Fontaine à propos de l’Adonis qu’il considère comme « un raccourci éblouissant » de l’Adone. Il avance en outre l’hypothèse que c’est le poète italien, ce « certain auteur » auquel La Fontaine fait allusion comme « mon maître » dans son Épître à Huet 12 . Il est vrai que tout de suite après La Fontaine prend ses distances en avouant l’avoir bientôt abandonné : L’auteur avait du bon, du meilleur ; et la France Estimait de ses vers le tour et la cadence Qui ne les eût prisés ? J’en demeurai ravi. Mais ses traits ont perdu quiconque l’a suivi, Son trop d’esprit s’épand en trop de belles choses. Tous métaux y sont d’or, toutes fleurs y sont roses. Par là, on le voit bien, La Fontaine épouserait ce changement dans le goût et la façon même d’envisager l’art qui caractérise le Classicisme français par rapport à l’Italianisme du début du XVII e siècle et donc au Baroque. Sur Marino, Marc Fumaroli reviendra encore à propos de la Galeria, un recueil de poèmes qu’il juge : « le plus célèbre exemple d’une production d’épigrammes relatifs à des œuvres d’art 13 ». En 1986, dans sa célèbre conférence au Colloque organisé par l’École française de Rome, dont on peut lire aujourd’hui le texte dans le volume L’école du silence, il établit un parallèle entre la Galleria Farnese peinte par Annibale Carracci et le recueil de Marino pour reconnaître dans « cette salle transfigurée par les fresques […] une poétique silencieuse de l’esprit profane affranchi de la vie dévote » et conclure : « C’est en ce sens que la Galerie Farnese plus encore que la Galeria préfigure l’Adone de Giambattiste Marino, scherzo mythologique ininterrompu qui en 1623 révèlera à l’Europe étonnée la lassitude secrète de la Réforme catholique et l’aspiration de la foi italienne à une trêve pour jouir, dans l’instant éphémère de la volupté des arts et des sciences 14 ». Et d’ailleurs, comment séparer la littérature de la peinture en parlant de Marino, du moment que déjà ses Diceiri sont « un des plus grands textes à la gloire de la peinture, 11 AE, 214. 12 Marc Fumaroli, « Politique et poétique de Vénus : l’Adone de Marino et l’Adonis de La Fontaine », dans La guirlande de Cecilia. Studi in onore di Cecilia Rizza, Bari / Paris, Schena / Nizet, 1996, p. 135-146. 13 Marc Fumaroli, L’école du silence. Le sentiment des images au XVII e siècle, Paris, Flammarion, coll. « Idées et recherches », 1994, p. 39. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle ES suivi de la page. 14 ES, 51. Marc Fumaroli et l’Italie 29 miroir du divin 15 » ? Si, d’une part, ces œuvres de Marino « nous font connaître, justement parce qu’elles n’ont de prétention que profane et littéraire, les cadres théologiques à l’intérieur desquels l’expérience de la peinture et de ses diverses manières était comprise même par un laïc dans l’Italie du XVII e siècle », il ne faut pas oublier que, d’autre part, il est « le poète qui dans son chef-d’œuvre l’Adone avait multiplié les “tableaux” comptant sur l’imagination entraînée de ses lecteurs et sur leur familiarité avec les œuvres d’art pour que ces tableaux poétiques vivent dans l’esprit et s’y fixent 16 ». Ces dernières observations nous invitent à considérer un autre aspect du rapport entre Marc Fumaroli et l’Italie qui dépasse le domaine de la littérature et de l’éloquence : son intérêt pour la peinture et pour les beauxarts, vus cependant toujours en rapport avec la vie religieuse. Car tout se tient dans la vision que Marc Fumaroli propose de la vie culturelle de l’Italie entre le XV e et le XVII e siècle. S’il est vrai, comme il l’écrit, que « Le génie du lieu dans les arts visuels comme dans l’éloquence est déterminant » et que « l’Italie est alors la patrie européenne des images », il ne faut pas oublier qu’« on manque l’essentiel du génie italien, si divers, si fécond, manifesté dans la pluralité de ses cités et de ses ordres religieux, si l’on ne voit pas, soutenant et vivifiant son humanisme rhétorique, la profondeur de sa prière et la générosité de son éloquence sacrée » 17 . Je ne citerai pas les nombreux travaux que, depuis longtemps et aujourd’hui encore, Marc Fumaroli a consacrés à l’œuvre de Poussin. Plusieurs articles publiés entre 1981 et 1987 sont maintenant recueillis dans le volume qui a pour titre L’école du silence. Je me limiterai à rappeler que le séjour à Rome de ce peintre, l’accueil qu’il y reçut dans les milieux cultivés de la Capitale du Catholicisme, la leçon que lui donna l’exemple des artistes italiens du passé et de son temps, ont fait l’objet d’études détaillées et approfondies qui révèlent des liens importants et durables encore au XVII e siècle, entre l’Italie et la France. Il ne faut pas oublier, cependant, telle est la thèse de Marc Fumaroli, que ces liens s’appuient sur des valeurs qu’on aurait tort de négliger, et sur lesquelles notre critique revient de façon cohérente dans tous ses écrits. Je signalerai par contre et plus particulièrement les pages sur Guido Reni qui occupent maintenant la partie centrale du volume déjà cité : elles méritent d’attirer toute notre attention non seulement parce qu’elles concernent directement le sujet que nous avons choisi d’étudier ici, mais aussi par l’originalité de l’interprétation que Marc Fumaroli propose de l’art du peintre bolognais, qui s’inscrit parfaitement dans sa vision de toute la vie culturelle 15 ES, 213-214. 16 ES, 216. 17 « Préface », ES, 13. 30 Cecilia Rizza italienne, ou mieux encore romaine, du XVII e siècle. Déjà dans l’article paru en 1987 dans les Mélanges André Chastel 18 , sur le tableau Atalanta e Ippomene, notre critique avait interprété cette peinture de Guido Reni qui s’inspire du livre X des Métamorphoses comme « un lieu de méditation chrétienne, superposé au sens littéral de la fable ovidienne, revivifié par le zèle de la Réforme catholique 19 ». Ensuite, sous le titre de Vision et prière, à partir de la biographie écrite par Carlo Cesare Malvasia dans ses Vite dei pittori bolognesi, Marc Fumaroli procède à l’étude de l’œuvre de ce « peintre dévot », en analysant en particulier ses différentes représentations de Saint Jean-Baptiste qu’il compare à d’autres images du saint, peintes notamment par les Carracci, et qu’il met en rapport aussi avec la peinture espagnole de ces mêmes années. Le culte de Saint Jean-Baptiste et de la Vierge qui caractérise l’Italie comme tous les pays catholiques en opposition à la Réforme protestante et dont témoigne une longue tradition, trouve son expression dans la peinture non moins que dans l’éloquence religieuse. Selon cette perspective, Marc Fumaroli lit le tableau de Guido Reni qui représente la rencontre de Saint Jean-Baptiste avec Jésus, et il y voit un symbole de la vie religieuse de l’Europe au XVII e siècle que le peintre résume et exalte à sa façon 20 . L’apport de Marc Fumaroli à une meilleure connaissance et une revalorisation convaincante de la vie culturelle italienne du XVI e et du XVII e siècle, et en particulier de son influence durable et de son prestige en France et en Europe, est reconnu et l’intérêt avec lequel ses travaux ont été lus et appréciés en Italie en témoignent. Rien que dans la Rassegna bibliografica de la revue Studi francesi on peut lire, à partir de l’année 1964, une cinquantaine de fiches critiques souvent confiées à la plume d’éminents spécialistes comme Franco Simone ou Corrado Rosso. Mais ce sont surtout les traductions de ses livres qui prouvent avec quelle attention, non seulement les universitaires et les savants, mais aussi un plus grand nombre de lecteurs suivent les différentes étapes de sa carrière. En 1990 paraît aux éditions Il Mulino de Bologne la traduction de Héros et orateurs 21 ; en 2000 l’éditeur Liguori de Naples publie les études recueillies par Marc Fumaroli, Philippe-Joseph Salazar et Emmanuel Bury dans Le loisir lettré à l’âge classique. Ce sera ensuite à l’éditeur Adelphi de Milan que revient le mérite de faire connaître aux lecteurs italiens la plupart des œuvres de Marc Fumaroli : en 1993 Lo Stato 18 Marc Fumaroli, « Une peinture de méditation. À propos de l’Hippomène et Atalante du Guide », « Il se rendit en Italie ». Études offertes à André Chastel, Roma, Edizioni dell’Elefante, 1987, p. 337-358. 19 ES, 191. On peut lire tout l’article aux pages 183-201 du volume. 20 Voir « Guido Reni : vocation et destin d’un peintre dévot », ES, 217-254. 21 Marc Fumaroli, Eroi e oratori, Retorica e drammaturgia nel Seicento, Bologna, Il Mulino, 1990. Marc Fumaroli et l’Italie 31 culturale 22 , en 1995 La scuola del silenzio 23 , en 2001 Il salotto, l’accademia, la lingua 24 , en 2002 L’età dell’eloquenza 25 , en 2005 Le api e i ragni. La disputa degli Antichi e dei Moderni 26 . On remarquera dans les textes cités un ouvrage, Lo Stato culturale, qui dépasse les bornes de la pure recherche littéraire ou de la critique d’art pour concerner directement les problèmes d’ordre politique, ou, pour mieux dire, les rapports entre politique et culture, et qui vise en particulier la France mais, plus en général, toute l’Europe. Il y a donc, chez Marc Fumaroli et son idée de la République des Lettres, un intérêt de plus en plus marqué pour l’actualité, toujours mise en rapport avec les racines de notre civilisation, dans laquelle, à son avis, Athènes, Rome et l’Italie de la Renaissance occuperaient une place et un rôle privilégiés. On ne peut pas parler d’une évolution pour les travaux de Marc Fumaroli, mais plutôt de la transposition et de la défense dans le présent des valeurs qu’il avait reconnues et identifiées dans le passé. Ainsi s’explique, d’une part, sa collaboration à des publications italiennes de haut niveau culturel, destinées à des spécialistes, comme Saggi e ricerche di letteratura francese, Rivista di Letterature moderne e comparate, Il giornale dell’arte ou Lettere italiane, la prestigieuse revue fondée par Giovanni Getto et Vittore Branca où, à partir de l’année 2005, il partagera la direction avec Carlo Ossola ; d’autre part les nombreux articles qu’il donne aux pages culturelles des plus importants journaux comme Il Corriere della Sera, Il Sole 24 ore, et La Repubblica. Ce sont des quotidiens qui ont la plus grande diffusion dans tout le pays et qui se caractérisent par leur indépendance et leur ouverture à toutes les expressions de la vie culturelle, bien que, surtout aujourd’hui, leurs directeurs ne cachent pas leur sympathie pour les instances réformistes du centre-gauche. Évidemment, les différents lecteurs auxquels il s’adresse justifient le ton de ses articles : les premiers auront un caractère spécifiquement savant et ils seront orientés selon les intérêts particuliers de la revue ; les autres exerceront une fonction d’information, souvent suggérée par l’actualité. Mais, comme on pourra le constater par la suite, il n’y a pas de véritable différence dans le fond. 22 Marc Fumaroli, Lo Stato culturale, una religione moderna, Milano, Adelphi, 1993. 23 Marc Fumaroli, La scuola del silenzio, il senso delle immagini del XVII secolo, Milano, Adelphi, 1995. 24 Marc Fumaroli, Il salotto, l’accademia, la lingua. Tre istituzioni letterarie, Milano, Adelphi, 2001. 25 Marc Fumaroli, L’età dell’eloquenza, Milano, Adelphi, 2002. 26 Marc Fumaroli, Le api e i ragni. La disputa degli Antichi e dei Moderni, Milano, Adelphi, 2005. 32 Cecilia Rizza Une des premières collaborations de Marc Fumaroli à une revue italienne date de 1975 : il s’agit d’un article « Barbari » publié dans le sixième numéro de Cultura. En 1980 c’est son étude sur Médée et Phèdre ensuite recueillie dans Héros et orateurs que l’on peut lire dans Saggi e ricerche di letteratura francese n o 19. D’autres collaborations sont présentes dans la revue Arte (« L’arte s’impara a Roma ») en 1982, dans La rivista dei libri en 1991 (« La cattiva scelta : cultura contro università ») qui reproduit un article déjà publié par La Revue des Deux Mondes ; et dans Leggere en 1992 (« Il Balzac prossimo venturo »). En cette même année 1992, on trouve Marc Fumaroli dans Lettere italiane avec un article sur un thème qui revient souvent dans ses écrits, celui du rapport entre rhétorique et poétique. Il y souligne, encore une fois, la continuité, aux yeux de l’Europe, entre Grèce, Rome et l’Italie, et l’opposition entre Rome et Paris du moment que « L’Italie tridentine a bien été le théâtre d’une renaissance catholique du Verbe, en polémique contre la religion pédagogique hérétique de l’Écriture seule 27 ». Dans la perspective de ces études on doit inscrire aussi la collaboration de Marc Fumaroli à l’Enciclopedia Italiana pour laquelle il écrit « Retorica » qui sera publiée en 1994. Toujours dans Lettere italiane on peut lire, à la date de janvier-mars 1998 (p. 3-18), sous le titre « Fecondità e fallimento della retorica rinascimentale : il caso dei Gesuiti », la prolusion au Colloque International « The Gesuits » de Boston en 1997. Quelques années auparavant Marc Fumaroli avait donné à la Rivista di letterature moderne e comparate (janvier-mars 1996, p. 39-62) un article sur Nicolas Fabri de Peiresc où il était question de cette « République des Lettres dont les origines remontent à Pétrarque » et où il traçait un éloge de Gian Vincenzo Pinelli, cet érudit de Padoue qu’il considère, avec Juste Lipse et Jules-César Scaliger, comme l’un des princes de cette idéale assemblée. Ce thème sera repris, toujours dans Lettere italiane en 2004 (n o 1, p. 3-11), sous le titre de « La République des Lettres et les Académies ». Après avoir tracé l’histoire de ces groupes de savants qui comme Francesco Barbaro ou Poggio Bracciolini ont entretenus des rapports suivis entre eux, se tenant au courant de leurs recherches et de leurs curiosités intellectuelles, Marc Fumaroli concluait son étude par ces mots : « Il importe à la conscience européenne actuelle de se souvenir non seulement de ce corps unique qu’a été la République des Lettres, et des centres nerveux qu’ont été les Académies, mais aussi du “public” qui a fournit l’atmosphère propice aux mouvements d’un tel corps ». Et sur l’identité culturelle de l’Europe, qui a son fondement 27 Marc Fumaroli, « Rhétorique et poétique », Lettere italiane, vol. 44, gennaio - marzo, 1992, p. 23. Marc Fumaroli et l’Italie 33 dans la communauté transnationale et transconfessionnelle du savoir et de l’invention et qui a son origine toute italienne dans l’œuvre d’un Della Casa et d’un Guazzo, il revient en 2005 dans un article, « Les premiers siècles de la République des Lettres », publié encore par la revue Lettere italiane (n o 1, p. 5-16). Les articles de Marc Fumaroli dans les journaux italiens peuvent se grouper sous plusieurs titres différents qui tous, cependant, se rapportent, de façon directe ou indirecte, à l’ensemble de son activité. Il y en a qui naissent d’une circonstance particulière : une exposition, un colloque savant, une publication, et qui intéressent l’art, la littérature, la culture plus en général. Ainsi, un premier article dans La Repubblica (23 juillet 1995) donne des informations sur la petite exposition de peintures, dessins et sculptures organisée à Lille dans le Musée de la ville ; quelques années plus tard dans ce même journal (7 février 2001) c’est à propos d’un tableau du Louvre que Marc Fumaroli parlera de Poussin, un peintre qu’il aime beaucoup et dont le séjour à Rome, nous l’avons déjà vu, l’a toujours intéressé ; il l’avait encore étudié avec une attention particulière et des résultats de grande importance à propos des rapports avec l’église de Santa Francesca Romana. Plus tard (17 février 2006) il consacrera un grand article à l’exposition Ingres qui va être inaugurée au Louvre le 24 février et tout récemment (15 mars 2006) il donnera, toujours à La Repubblica, sous le titre « E in Francia trionfa l’antico » le texte de sa communication « Caylus, David e la pittura di storia » présentée au Colloque organisé à Rome par le Centro di studi italo-francesi et les Musei Capitolini. D’autres articles sont liés à l’actualité littéraire. Ainsi La Repubblica (16 juillet 1992) publie un article (« La Fontaine ? Era figlio dell’Adone ») qui reprend en quelque façon les études sur les rapports Marino-La Fontaine et Il sole 24 ore (1 er décembre 1996) reproduit la préface à l’ouvrage Le loisir lettré à l’âge classique 28 dont il a été question au Colloque de Cérisy en septembre 1993. Dans Il Corriere della Sera du 29 octobre 2000, on peut lire un essai qui a pour titre « Montaigne per pesare e pensare 29 » extrait du volume L’arte del confronto 30 publié cette même année par l’éditeur Liguori de Naples. À l’occasion de l’exposition sur Cassiano del Pozzo organisée par Francesco Solinas à Palazzo sort dans La Repubblica l’article de Marc Fumaroli sur ce savant protagoniste de la République des Lettres, dont l’amitié avec Peiresc, Bouchard, 28 Le loisir lettré à l’âge classique, essais réunis par Marc Fumaroli, Philippe-Joseph Salazar et Emmanuel Bury, Genève, Droz, 1996. 29 Texte consultable en ligne à l’adresse suivante : http: / / lgxserver.uniba.it/ lei/ rassegna/ 001029a.htm. 30 Michel de Montaigne, L’arte del confronto, introduzione di Marc Fumaroli, testo francese a fronte, traduzione e note di Stefano U. Baldassarri, Napoli, Liguori, 2000. 34 Cecilia Rizza Naudé, Poussin caractérise une étape fondamentale des rapports entre la France et l’Italie au XVII e siècle. En 2003 (27 mars) encore La Repubblica publie « Maria de Medici. Le regina italiana ripudiata dai Francesi », compte rendu des Actes du Colloque qui avait eu lieu du 21 au 23 janvier au Collège de France 31 ; en même temps on y annonçait l’exposition d’œuvres d’art liées au mécénat de la Reine qu’on allait admirer bientôt à Tours et ensuite à Florence. Le 27 juin 2004, Il Sole 24 ore donne une relation sur le Colloque organisé par le Collège de France « Pétrarque et l’Europe », pour célébrer le VII e centenaire de la naissance du poète italien, pendant lequel on avait pu écouter, outre les communications de Marc Fumaroli et de Carlo Ossola, la lecture par Yves Bonnefoy de ses traductions des poèmes du Canzoniere. Mais ce sont surtout les problèmes que pose dans le monde actuel l’interprétation de la culture, selon sa valeur et sa signification la plus ample, qui font l’objet de la plupart des articles de Marc Fumaroli dans les journaux italiens, à partir notamment de 1997. Notre écrivain enrôle les lecteurs italiens pour cette bataille contre une fausse idée de « modernité » qu’il a entreprise depuis son ouvrage sur L’État culturel 32 ; il y attaquait, comme on sait, la politique culturelle de Mitterand, de Malraux, de Fritz Lang pour dénoncer cette idée de culture qui la réduit à une manipulation des mentalités, une version actualisée de la propagande politique et pour lui opposer la cultura animi. Deux peintures, le portrait du Doge Loredano peint par Giovanni Bellini et les fresques du salon de Ca’Rezzonico où figurent des représentants de la noblesse vénitienne du XVIII e siècle symbolisent parfaitement, le premier, les splendeurs de la Serenissima à son apogée, les autres, sa décadence. On y reconnaît deux façons opposées de concevoir le rapport entre la politique et la culture. À la fin du XV e siècle, Venise est gouvernée par une aristocratie qui, tout en favorisant les commerces, garde un profond respect pour la tradition culturelle et religieuse ; les nobles vénitiens peints sur les murs de Ca’Rezzonico, les yeux éteints, les joues bouffies, annoncent, malgré leurs vêtements richement brodés, la fin d’une glorieuse saison 33 . C’est en pleine cohérence avec ce livre, qui a souvent le ton et la violence d’un pamphlet, que Marc Fumaroli écrit plusieurs articles pour les journaux italiens. Il s’agit parfois d’un réquisitoire contre l’art contemporain en général (Il giornale dell’arte, juillet - août 1997) et plus précisément de mettre en discussion une façon de concevoir l’art qui oublie que l’artiste est surtout 31 Le siècle de Marie de Médicis, Actes du séminaire de la Chaire rhétorique et société en Europe (XVI e - XVII e siècles) sous la direction de Marc Fumaroli de l’Académie Française, Collège de France (21-23 janvier 2000), études réunies par Françoise Graziani et Francesco Solinas, Torino, Edizioni dell’Orso, 2003. 32 Marc Fumaroli, L’État culturel. Essai sur une religion moderne, Paris, de Fallois, 1991. 33 Marc Fumaroli, Lo Stato culturale, una religione moderna, ouvr. cité, p. 338-343. Marc Fumaroli et l’Italie 35 « l’educatore di un’intelligenza dei sensi, dell’immaginario e del gusto ». Il y a l’art et puis l’emploi intéressé qu’en font les marchands, les publicitaires, les petits Machiavelli de la politique culturelle (Il giornale dell’arte, mars 1998). Très souvent aussi, Marc Fumaroli intervient pour critiquer ce qu’il appelle « la naïve religion technologique » qui règne aujourd’hui dans le monde entier et qui dénie toute valeur à l’individu et au riche héritage du passé (Il sole 24 ore, 15 décembre 1996). Et en citant Tocqueville qui avait mis en garde contre le pouvoir d’un régime majoritaire qui mène au conformisme, il invite les Européens à ne pas oublier leur ancienne identité. À son avis, dans cette bataille contre le danger qui dérive de la volonté de privilégier « la cultura di massa », l’Europe est destinée à jouer un rôle fondamental (La Repubblica, 4 décembre 2001). À propos d’un Colloque international sur la République des Lettres, cette espèce de Collège européen invisible, il insiste sur la nécessité pour l’Europe d’une mémoire qui de Pétrarque à Francesco Barbaro, à Goethe et à Chateaubriand l’aide à construire son identité culturelle, du moment qu’il est persuadé que la création d’une Europe politiquement unie ne conduit pas à « homogénéiser » les différences, mais au contraire, qu’elle vise plutôt à les garder et à les exalter (Il Sole 24 ore, 17 mars 2002). Au lendemain de la signature de la Carte Constitutionnelle de l’Europe (que bientôt la France et la Hollande vont malheureusement rejeter), Marc Fumaroli lance encore une fois son appel à l’âme commune de l’Europe, à cet humanisme, qui est la source de notre civilisation et qui caractérise un certain type d’éducation, la culture européenne ayant ses solides racines dans le passé car à sa formation ont contribué à la fois le christianisme, la philosophie, la rhétorique et les mœurs de l’ancienne civilisation grecque et latine ( Il Corriere della Sera, 24 octobre 2004). Et cette idée il ne cessera de la souligner avec insistance comme on peut le constater en lisant l’interview qu’il a donnée au Secolo XIX quand, en janvier 2005, il vint à Gênes pour recevoir de l’Université de cette ville la laurea honoris causa in Lingue e letterature straniere moderne. La volonté de participer activement à un débat qui ne concerne pas seulement les rapports entre l’Italie et la France mais dont ces rapports constituent une sorte de pivot exemplaire et nécessaire, se réalise aussi dans les leçons que Marc Fumaroli a données et donne dans plusieurs institutions italiennes d’enseignement de haut niveau. Ce sont les cours et les conférences qu’il tient régulièrement à la Scuola Normale Superiore de Pise, à la Fondazione Cini de Venise, à l’Université La Sapienza de Rome, à l’Istituto Italiano per gli Studi Filosofici de Naples. Et sa constante présence dans la vie culturelle de l’Italie trouve sa juste récompense dans la laurea honoris causa que plusieurs Universités italiennes, entre autres Bologne, Naples, Florence, Gênes, lui ont attribuée et dans sa réception aux Lincei, l’ancienne Académie fondée par Federico Cesi en 1603 qui compta, parmi ses premiers 36 Cecilia Rizza élus, Galileo Galilei. Pour ne pas parler des nombreux congrès auxquels il a participé : outre ceux qu’indirectement j’ai déjà cités, on doit au moins mentionner son active présence aux colloques organisés par l’École Française de Rome et l’Académie de France à Rome, par la plupart des Universités Italiennes et toujours dans la Capitale à l’occasion des Célébrations « in Campidoglio » pour le cinquantième anniversaire de l’Unione degli Istituti di Archeologia, Storia e Storia dell’Arte. Et comment oublier les rapports d’estime et d’amitié que Marc Fumaroli a entretenus et entretient avec plusieurs représentants de la vie culturelle italienne ? La liste en serait assez longue et elle risquerait d’être largement incomplète. Parmi les plus anciens, je citerai Franco Simone, professeur à l’Université de Turin et aux Etats-Unis, grand spécialiste de la littérature française, bien connu et apprécié dans le monde entier pour ses études sur la Renaissance et le Baroque, qui fut aussi fondateur de la revue Studi francesi ; Corrado Rosso autrefois professeur à l’Université de Bologne et auteur de nombreux travaux sur les moralistes français auxquels Marc Fumaroli consacra plusieurs comptes rendus dans la revue XVII e siècle ; et Eugenio Garin, un des pères de la philosophie contemporaine et historien de la pensée du XV e et du XVI e siècle de niveau international. À côté de ces personnages désormais disparus, il faut mentionner Tullio Gregory ancien professeur d’Histoire de la philosophie à l’Université de Rome La Sapienza, fondateur et directeur du Lessico intellettuale europeo e storia delle idee, membre du Consiglio scientifico dell’Enciclopedia Italiana et auteur de nombreuses publications parmi lesquelles ses travaux sur Giovanni Scoto Eriugena, sur le Platonisme au Moyen Âge, sur la littérature libertine et clandestine au XVII e siècle. Et on doit citer aussi au moins les noms de Gerardo Marotta, fondateur de l’Istituto Italiano per gli Studi Filosofici, lauréat honoris causa de l’Université de Rotterdam, de l’Université de Bielefeld et de la Sorbonne, de Benedetta Craveri à laquelle on doit plusieurs comptes rendus des livres de Marc Fumaroli et dont celui-ci écrivit la Préface à l’édition française de son étude sur Madame du Deffand 34 , et enfin Carlo Ossola, auteur de plusieurs œuvres fondamentales sur L’automne de la Renaissance 35 (1971), Figurato e rimosso : Icone e interni del testo 36 (1988), L’avenir de nos origines 37 (2003), que Marc Fumaroli a appelé au Collège de France dans la Chaire de Littératures modernes de l’Europe néolatine. 34 Benedetta Craveri, Madame du Deffand et son monde, traduit de l’italien par Sibylle Zavriew, préface de Marc Fumaroli, Paris, Seuil, coll. « Points. Essais », 1999. 35 Carlo Ossola, Autunno del Rinascimento : « Idea del Tempio » dell’arte nell’ultimo Cinquecento, Firenze, L.S. Olschki, coll. « Biblioteca di Lettere italiane », 1971. 36 Carlo Ossola, Figurato e rimosso : Icone e interni del testo, Bologne, Il Mulino, 1988. 37 Carlo Ossola, L’avenir de nos origines : le copiste et le prophète, traduit en partie de l’italien par Nadine Le Lirzin, Grenoble, J. Millon, coll. « Nomina », 2004. Marc Fumaroli et l’Italie 37 Ce panorama ne prétend pas être exhaustif et un lecteur attentif ne manquera pas d’y trouver des lacunes et de trop rapides notations. J’espère, toutefois, qu’il pourra contribuer à tracer un portrait fidèle de ce maître, savant et illustre membre de la République des Lettres d’aujourd’hui, et du rôle qu’il a joué, non seulement dans les rapports entre l’Italie, la France et l’Europe, mais aussi, de façon plus générale, dans la vie culturelle de notre temps. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Marc Fumaroli, interprète de Corneille, dramaturge et poète de l’humanisme chrétien Marie-Odile Sweetser La nouveauté et l’originalité de la position adoptée par Marc Fumaroli consistent à avoir voulu interpréter l’œuvre cornélienne en replaçant son auteur dans le milieu qui l’avait nourri, celui de l’humanisme chrétien de la Contre-Réforme, absorbé au cours des années qui comptent, celles de sa formation au collège des jésuites de Rouen. On peut affirmer que le jeune Corneille avait participé à ce renouveau caractéristique de la pensée et de la foi grâce à l’enseignement de ses maîtres humanistes, pédagogues de profession, conscients de leur tâche et de leur vocation, celle de former les élites de la France monarchique. Le fondateur de la dynastie des Bourbons, Henri IV, avait rappelé les jésuites en France car, selon le grand historien de ce monarque, « il reconnaît en eux les maîtres incontestés de la spiritualité et de la pédagogie. Or un demi-siècle de guerres civiles en France a laissé l’Université et l’Église dans un effroyable état de désolation, d’incurie et d’ignorance. Seuls les Pères sont capables de relever le niveau du clergé et des enseignants par la force de la contagion et de l’émulation 1 ». Dans un clairvoyant essai, Marc Fumaroli a magistralement évoqué cette formation au collège des jésuites de Rouen où le jeune élève bénéficia du programme établi, la Ratio Studiorum et où il eut d’excellents maîtres 2 , en particulier le Père Claude Delidel auquel il exprima plus tard sa vive gratitude 3 . Ses maîtres lui avaient dispensé une solide formation d’huma- 1 Jean-Pierre Babelon, Henri IV, Paris, Fayard, 1982, p. 697. Voir aussi p. 803-804. 2 Marc Fumaroli, « Pierre Corneille, fils de son œuvre. Aspects d’une biographie d’écrivain », Histoire littéraire de la France, 1975, t. III, p. 367-423. Étude reprise dans Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornélienne, Genève, Droz, 1990 (2 e édition revue et corrigée, 1996). Ce volume regroupe la majorité des études publiées au cours des décennies précédentes. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle HO, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte. 3 Marc Fumaroli, « Rhétorique, Dramaturgie et Spiritualité : Pierre Corneille et Claude Delidel, S.J. » dans Mélanges offerts à Georges Couton, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1981, p. 272-287. Étude reprise dans Héros et orateurs, « Corneille et la société de Jésus », 4 e partie (section). 40 Marie-Odile Sweetser niste : auteurs latins, prosateurs et poètes, historiens. Sur le plan rhétorique, Aristote et Quintilien ; sur le plan théologique, saint Thomas sans toutefois négliger la Cité de Dieu de saint Augustin ; chez les contemporains, saint Ignace de Loyola et saint François de Sales. Après avoir suivi la mode galante en attribuant sa vocation d’écrivain à un amour de jeunesse dans la célèbre Excuse à Ariste, Corneille reconnut plus tard tout ce qu’il devait au Père Delidel et à la Société de Jésus, à sa vision ouverte, unificatrice, optimiste d’une nature humaine douée de jugement et de liberté, à laquelle la grâce ne manque pas à ceux qui la sollicitent (HO, 115). Il est évident que les pères jésuites préparant leurs élèves à des carrières dans le monde, ne cherchaient pas à faire d’eux des philologues ou des érudits 4 . Pour un écrivain tel que Corneille, un paragraphe, un court chapitre, voire une simple phrase pouvaient déclencher dans son imagination créatrice toute une action dramatique : le récit succinct de Tite-Live donne naissance à la tragédie d’Horace, celui du martyrologe ou de Baronius à celle de Polyeucte. Marc Fumaroli, désireux d’étayer sa vision d’ensemble, s’est livré à une enquête érudite approfondie et fructueuse dans les œuvres jésuites auxquelles Corneille avait dû avoir accès par l’intermédiaire de ses maîtres : traités de rhétorique et de poétique, de théologie morale et spirituelle, drames représentés dans divers collèges, surtout au Collège romain 5 . Son maître, le Père Delidel, auteur d’une Théologie des saints, influencée par le Père Lallemant « combat pour la spiritualité moliniste contre l’augustinisme de Port-Royal » (HO, 65). La position des jésuites sur le théâtre se voit défendue par le Père Louis Cellot qui avait fait jouer à Rouen un Sanctus Adrianus, reconnu comme une des sources de Polyeucte et du Saint Genest de Rotrou. Le P. Cellot, dans ses Discours soutient la valeur morale du théâtre, doctrine qui sera celle de Corneille, « conforme d’ailleurs à celle de saint Thomas d’Aquin » ; il conçoit « son œuvre de réformateur de la comédie et de la tragédie françaises » comme étant « en parfaite concordance, dans l’ordre 4 Voir l’article « Jésuites » par Christian-Philippe Chanut, dans François Bluche (dir.), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990, p. 790 : « Sans jamais perdre de vue que leurs élèves seront bientôt des adultes en position dans le monde, les jésuites veillent à la construction de l’équilibre de leurs personnes, basé sur l’affinement du jugement et du goût conjugués avec la maîtrise de soi et la curiosité universelle. Il s’agit moins d’érudition que de compréhension … Il s’agit bien de former l’honnête homme chrétien, capable de se mouvoir dans le monde et d’y tenir les responsabilités de son état ». 5 Marc Fumaroli, « Corneille et le Collège des jésuites de Rouen », conférence publiée dans le Précis analytique des travaux de l’Académie des Sciences, Belles-lettres, et Arts de Rouen, 1984, et reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 63-78. Marc Fumaroli, interprète de Corneille 41 laïc et profane, avec l’esprit du concile de Trente tel que l’interprétaient les jésuites » (HO, 71). Deux tragédies du jésuite italien, le Père Bernardino Stefonio ont retenu l’attention de l’érudit : le Crispus, version christianisée du mythe de Phèdre, et la Flavia 6 . Ce martyre de deux frères chrétiens sous Domitien a pu servir de modèle à Corneille pour les frères de Rodogune (HO, 149). On pourrait également y voir un modèle pour les deux amis, Polyeucte et Néarque, unis dans le martyre : « C’est au plus cher disciple du P. Stefonio, le P. Galluzzi que revînt la tâche de tirer […] les conséquences théoriques du succès européen remporté par le Crispus et la Flavia, dans sa Rinovazione dell’antica tragedia » où il interprète la poétique aristotélicienne de façon très souple, mettant en valeur la liberté des héros (HO, 150) : là encore ces vues correspondent à celles que Corneille défendra. Marc Fumaroli souligne aussi l’influence des dramaturges italiens à l’échelle européenne, en particulier de la comédie pastorale du comte Guidobaldo Bonarelli della Rovere, ancien élève des jésuites, La Filli di Sciro, adaptée pour la scène par Pichou et traduite 7 . Le thème d’un double amour chez Pauline, inspiré par la pastorale était fait pour toucher le public mondain et créer un intérêt amoureux dans une tragédie chrétienne. La solution romanesque, venue d’une reconnaissance, de l’extérieur, est bien différente de celle adoptée par Corneille qui « a tout fait pour mettre en relief, sur ce lieu commun soutenu par la tradition, son originalité créatrice » (HO, 218). L’amour de Pauline se situe dans le passé, celui qu’elle éprouve pour Polyeucte est un amour conjugal dans le présent, soutenu par le sens de son devoir, « [l]a libération de Pauline ne lui viendra que d’elle-même par un approfondissement de son amour légitime, mais mondain en amour divin » (HO, 219) estime l’exégète. Une autre variation sur ce thème prendra place dans Rodogune, où les deux frères, de naissance et de mérite identiques, tombent amoureux de la même femme. « Une mystérieuse élection ôte à Rodogune toute hésitation et lui fait choisir invinciblement l’un d’entre eux » par « un signe d’En haut […] une sorte de sacre du cœur » (HO, 221). Les thèmes et situations venus de la pastorale sont donc utilisés par Corneille jusque dans ses tragédies chrétiennes, Polyeucte et Théodore. Une enquête érudite permet à l’exégète de retracer le succès de l’histoire de cette 6 Marc Fumaroli, « Corneille disciple de la dramaturgie jésuite : le Crispus et le Flavia du P. Bernardino Stefonio, s.j. ». Étude parue dans La Fête de la Renaissance, t. III, Paris, CNRS, 1975, p. 504-524. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 138-170. 7 Marc Fumaroli, « Corneille lecteur de la Filli di Sciro » Étude publiée dans Mélanges historiques et littéraires sur le XVII e siècle : offerts à Georges Mongrédien par ses amis, Paris, Société d’études du XVII e siècle, 1974, p. 313-326. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 209-223. 42 Marie-Odile Sweetser dernière dans la tradition hagiographique et à se concentrer sur la façon dont deux célèbres auteurs italiens l’avaient traitée, le Tasse dans un épisode de sa Jérusalem délivrée (chant II), et au théâtre la Santa Teodora de Mgr. Rospigliosi, qui appartenait au cercle d’Urbain VIII et des Barberini, devenu plus tard le pape Clément IX 8 : « C’est à cette culture conciliatrice, fondée sur la moderazione cristiana entre le profane et le sacré, la double fidélité à Trente et à l’humanisme de la Renaissance qu’appartient l’auteur de Santa Teodora » (HO, 242). C’est à un durcissement de la position gallicane et augustinienne à Paris au moment de la représentation de Théodore (1645-1646) que l’exégète attribue son échec à Paris, alors que cette très belle pièce est bien accueillie en province. Pourtant Corneille avait pris la précaution de mettre en avant la source sacrée, le De Virginibus de saint Ambroise et de conserver à l’amour humain de Didyme pour l’héroïne un caractère chaste en le transformant au dénouement en une union mystique dans le martyre partagé. Après avoir établi les sources de la culture qui a servi de base à l’œuvre cornélienne, Marc Fumaroli s’est tourné vers les pièces elles-mêmes et en propose une interprétation personnelle et neuve. C’est ainsi qu’il a démontré dans l’Illusion Comique la présence d’un « rapport étroit et complexe, d’une double référence à la rhétorique et à la dramaturgie 9 » (HO, 262). Le mage Alcandre utilise des procédés rhétoriques bien connus pour persuader le père éploré à la recherche d’un fils qui l’a quitté que ce dernier n’est pas vraiment coupable, mais surtout qu’en choisissant la voie du théâtre, il est entré dans une carrière honorable et lucrative, contrairement aux préjugés courants dans la société du temps, où le métier d’acteur est estimé « infâme ». Il s’emploie au contraire à présenter le théâtre comme une institution légitime, un art noble (HO, 267) avant de persuader le père que son fils n’a pas dérogé en embrassant cette profession. L’apparition de Clindor en personne dans les rôles qu’il a dû assumer indique son « goût pour la liberté », son refus de la vie « bourgeoise », pour suivre « une vocation déguisée et irrésistible pour le théâtre » (HO, 276). Marc Fumaroli relève un épichérème en quatre parties dans la démonstration d’Alcandre, « à partir d’une réflexion sur le bonheur » : « Le bonheur d’un être exige qu’il réalise sa vocation ; et un père ne peut que vouloir le bonheur de son fils ; la vocation de Clindor est 8 Marc Fumaroli, « Classicisme français et culture italienne : réflexions sur l’échec de Théodore », Mélanges à la mémoire de Franco Simone, France et Italie dans la culture européenne II, Genève, Slatkine, 1981, p. 205-238. Étude reprise dans Héros et orateurs, « Théodore, vierge et martyre : ses sources italiennes et les raisons de son échec à Paris », p. 223-259. 9 Marc Fumaroli, « Rhétorique et dramaturgie dans l’Illusion comique », étude parue dans XVII e siècle, n° 80-81, 1968, p. 108-132. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 261-287. Marc Fumaroli, interprète de Corneille 43 celle d’un comédien. Donc Pridamant doit approuver la condition choisie par son fils, condition de son bonheur » (HO, 276-277). Le talent naturel d’acteur amène Clindor à encourager les fantaisies de Matamore, à séduire deux femmes, Isabelle et Lise : sa conduite pourrait bien lui valoir l’accusation d’hypocrisie, d’amoralité. Toutefois l’épreuve du danger de mort va susciter une expérience cathartique, une conversion. Elle lui révèle son véritable amour, celui qu’il éprouve pour Isabelle et qui soutiendra la tragédie insérée dans le dernier acte. Il y a donc une ascension morale chez Clindor, doublée d’une ascension sociale car : « la comédie est aujourd’hui un fief, c’est-à-dire un moyen d’accès à l’aristocratie … La comédie aujourd’hui est devenue l’affaire de la noblesse et du roi à sa tête. Par la comédie, il est possible de vivre dans la faveur et la proximité des grands, dans leur sphère morale et sociale » (HO, 283). Le parcours d’Isabelle est symétrique : elle échappe au monde platement bourgeois de son père par son amour pour Clindor et pour une vie partagée dans le théâtre. On remarque ici les prémices d’un principe qui deviendra essentiel dans la dramaturgie cornélienne, celle du couple, relié à une mystique chrétienne, selon M. Fumaroli : « La confiance sacramentelle du couple, amis, amants ou époux est le centre rédempteur de l’univers cornélien : … L’amour humain, l’amour qui rend humain, est ainsi chez Corneille la figure de l’union mystique » (HO, 77-78). Cette conviction se retrouve à travers tout le théâtre, du Cid à Suréna. L’exégète souligne qu’ « il est donc capital d’isoler, à son origine, le noyau pastoral » qui réapparaît dans Suréna, en effet : « Commencée par une comédie pastorale, l’œuvre s’achève par une tragédie pastorale » (HO, 36-37). Dans Le Cid « un paradis pastoral est comme frappé par la foudre, et un couple d’élus en est chassé » (HO, 43), mais « cette tragi-comédie épique nous montre une nouvelle Genèse du couple élu, par l’heureuse collaboration de la Grâce amoureuse qui veille sur le couple et de la liberté héroïque de l’élu » (HO, 43-44). Ainsi, « Né avec Mélite, sous le signe de l’amour pastoral, le théâtre de Corneille semble naître une seconde fois avec Le Cid, sous le signe de la conciliation entre l’ordre de l’amour et celui de la cité » (HO, 44). Dans Horace, le conflit entre l’amour et la politique est incarné dans l’affrontement Horace-Camille ; le jugement du roi Tulle « en graciant Horace lui ouvre une chance de renouer avec Sabine le couple heureux qu’ils formaient avant la tragédie … Son intention est la même lorsqu’il canonise, pour ainsi dire, le couple des amants réunis par la mort, Curiace et Camille ». Rome, en période de paix « a besoin de l’amitié et de l’amour pour donner des assises naturelles et durables à son ordre politique » (HO, 46). Dans une savante étude, l’exégète a replacé la tragédie d’Horace dans le contexte historique de la lutte entre Rome et Albe, et dans le contexte théologique de l’époque : La Cité de Dieu de saint Augustin est évoquée, les 44 Marie-Odile Sweetser œuvres d’Yves de Paris et de saint François de Sales sur les rapports entre action politique et valeurs religieuses : « le roi Tulle est investi d’une dignité sacrée … Le mystère de la Raison d’État dissimule un mystère plus profond que la Révélation dévoilera lorsque les temps seront venus : celui de la Volonté divine agissant dans l’Histoire 10 ». L’originalité de Corneille - et celle de son interprète - réside dans l’acceptation et la conciliation de différents ordres, l’ordre de la loi, de la Raison d’État, celui de l’amour et des sentiments humains sont reconnus tour à tour : « Plus qu’Horace en effet, qui n’incarne après tout qu’un des aspects et un des moments de ce destin, c’est Rome elle-même qui est le sujet et qui fait l’unité de la pièce 11 », réflexion et interprétation qui renversent la vieille objection de « duplicité d’action ». Le recours au contexte historique, monarchique et théologique associé à l’humanisme chrétien permet à de nouvelles vues de s’affirmer et de disperser d’anciens problèmes dramaturgiques étroitement conçus : « Le sens d’Horace dès lors s’éclaire : métaphore du génie littéraire sur le plan de l’héroïsme d’action, le sauveur de Rome et le meurtrier de Camille, violant la loi de la patrie pour mieux servir la Patrie, devient l’allégorie du dramaturge violant les règles de l’art pour donner à l’art un nouveau chef-d’œuvre » (HO, 365-366) et atteindre ainsi le sublime. Dans le même sens, la création des deux couples dans Cinna, Auguste- Livie, Émilie-Cinna, permet une heureuse réconciliation et une consécration du destin providentiel de l’empire romain. « Le retour à l’ordre ne peut venir que d’une double conversion à la magnanimité. Celle d’Auguste, préparée par l’âge et la sagesse se manifeste par le signe le plus indubitable : la clémence. Celle qu’il accorde à Émilie et à Cinna est exactement celle que décrit Aristote dans L’Éthique à Nicomaque et après lui Sénèque dans la De Clementia 12 ». « Les deux conjurés ayant reçu, après tant de bienfaits, la vie des mains d’Auguste, ne peuvent s’acquitter qu’en la lui offrant. La dynamique du don entre âmes généreuses joue ici, comme elle jouera à la fin de Polyeucte, sur le plan supérieur. » (HO, 343-344) Corneille a profondément médité sur l’amour conçu dans la ligne de pensée de saint François de Sales comme l’alliance indissoluble de « vrays 10 Marc Fumaroli, « La tragédie de la cité terrestre dans Horace », dans « Diversité, c’est ma devise ». Studien zur Französischen Literatur des 17. Jahrhunderts, Festschrift für Jürgen Grimm, Biblio 17, 86, Paris / Seattle / Tübingen, PFSCL, 1994, p. 183. Étude reprise et développée dans Marc Fumaroli, Exercices de lecture. De Rabelais à Paul Valéry, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 2006, p. 189-224. 11 Ibid., p. 189. 12 Marc Fumaroli, « L’héroïsme cornélien et l’éthique de la magnanimité », dans Héroïsme et création littéraire, Paris, Klincksieck, 1974, p. 53-76. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 323-345. Citation p. 343-344. Marc Fumaroli, interprète de Corneille 45 amis », liés par une fidélité de caractère sacramentel 13 , car « c’est toujours le couple qui est investi de la vocation fondatrice » (HO, 410). Dans Polyeucte « se joue dans toute sa grandeur le drame de la fin du paganisme et de la naissance du christianisme » (HO, 411). La présence et la force motrice d’une dramaturgie du couple se retrouvent dans Rodogune, à laquelle M. Fumaroli a consacré une étude particulière, montrant que Corneille s’est attaché à une conception moderne de la tragédie 14 . Le sujet aurait pu se prêter à une adaptation modernisée du mythe des Atrides, mais la dramaturgie s’attache à mettre en œuvre la doctrine qu’il présentera dans ses propres Discours : faire aimer le principal acteur, conclure par la défaite des persécuteurs, la punition des mauvaises actions et la récompense des bonnes (HO, 178). Corneille avait voulu éviter l’horreur du matricide et présente la mort de Cléopâtre comme un suicide. Il désirait aussi conserver la sympathie et l’admiration de son public pour les jeunes protagonistes, les deux frères très unis formant un couple, pour Rodogune qui transmet aux jeunes princes l’appel de leur père à le venger, cet appel n’étant de sa part qu’une stratégie d’évasion. Elle reconnaît le caractère vertueux d’Antiochus qui avait refusé d’accomplir la vengeance réclamée par son père et est amenée à lui avouer son amour. L’union du couple est ainsi fondée. C’est Rodogune qui arrêtera Antiochus au moment où il allait saisir la coupe empoisonnée par sa mère. Rodogune sauve la vie du prince qu’elle aime et avec lequel elle va fonder une nouvelle dynastie, voulue par la Providence. Le mystère de l’amour « est aussi celui de la liberté humaine, car la préférence de Rodogune s’identifie avec celle de la Providence qui manifestera de plus en plus clairement par la suite des évènements, qu’elle destine Antiochus à régner » (HO, 189). La métamorphose de l’amour humain en union spirituelle a lieu dans la tragédie chrétienne de Théodore. L’héroïne touchée par l’amour de Didyme, résiste à cet attrait pour se consacrer au Christ. Didyme, ayant sauvé celle qu’il aime du supplice de la prostitution voit son amour se transformer et leur union consacrée par le martyre partagé. L’utilisation de sources italiennes montre en Corneille « le représentant français d’une culture internationale », celle d’un humanisme dévot (HO, 259). Enfin, c’est dans Suréna que la dramaturgie du couple trouve sans doute son expression la plus poignante. Le critique souligne dans le couple Suréna - 13 Marc Fumaroli, « Du Cid à Polyeucte : une dramaturgie du couple », Colloque Corneille 1984, publiée dans Convegno di Studi su Pierre Corneille nel 3° centenario della morte, a cura del Prof. Mario Richter, Vicenza, Academia Olimpica, 1988. Étude reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 399-413. 14 Marc Fumaroli, « Une dramaturgie de la liberté : Tragique païen et tragique chrétien dans Rodogune », Revue des sciences humaines, XXVIII, n° 152, oct.-déc. 1973, p. 600-631. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 170-208. 46 Marie-Odile Sweetser Eurydice, en contraste avec « les jeux sinistres et sordides de la politique », « l’amoureuse confiance, d’une transparence parfaite, qu’ils se font l’un à l’autre, figure profane de la confiance de l’âme en la loyauté de Dieu, préfiguration de l’union de l’âme à Dieu » (HO, 77). La présence d’une dramaturgie du couple a été soutenue à travers l’œuvre, comme Marc Fumaroli l’a démontré. Celle d’une dramaturgie de la liberté reçoit un dernier examen dans l’essai où l’interprète distingue Médée comme l’une des déclarations les plus radicales de la position de Corneille sur son art 15 . Cette œuvre constitue un véritable défi à l’orthodoxie néo-aristotélicienne soutenue par les doctes. Le dramaturge met en scène un personnage criminel comme protagoniste : Médée est tout à fait méchante et triomphe au dénouement, comme Corneille l’avoue dans l’Épître dédicatoire où il déclare avec une intrépidité notoire à propos du but que l’art se propose : Celui de la Poésie dramatique est de plaire, et les règles qu’elle nous prescrit ne sont que des adresses pour en faciliter les moyens au Poète … ici vous trouverez le crime en son char de triomphe, et peu de personnages sur la scène dont les mœurs ne soient plus mauvaises que bonnes ; mais la peinture et la Poésie ont cela de commun entre beaucoup de choses, que l’une fait souvent de beaux portraits d’une femme laide, et l’autre de belles imitations d’une action qu’il ne faut pas imiter 16 . L’exégète commente : « On ne saurait affirmer plus brutalement la complicité du théâtre avec le principe du plaisir, et son éloignement pour une poétique de l’utilité » (HO, 501). Cette position radicale représente sans doute une réaction tardive aux objections d’immoralité émises à propos du Cid. En général, Corneille se montre prudent et tente toujours un compromis entre plaisir théâtral et moralité. Ici, il paraît vouloir faire admettre une autonomie de l’art : l’art et la morale sont deux domaines séparés, appartiennent à des ordres différents, vues très modernes. Ce rapide survol de l’immense panorama établi avec science, intelligence critique et enthousiasme pour son sujet par Marc Fumaroli a révélé aux lecteurs et amateurs de théâtre des dernières décennies un nouveau Corneille redécouvert et vivifié par une enquête approfondie et érudite sur la formation du poète, sur l’héritage commun et les rapports culturels et spirituels entre Rome et Paris. Comme le remarque à juste titre Volker Kapp, 15 Marc Fumaroli, « Melpomène du miroir. La tragédie comme héroïne dans Médée et Phèdre », Saggi e ricerche di letteratura francese, Roma, vol. 19, 1980, p. 173-205. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 493-518. Les vues pertinentes de Marc Fumaroli ont été citées dans mon essai « Refus de la culpabilité : Médée et Corneille », Travaux de littérature VIII, 1995, p. 113-123. 16 Pierre Corneille, « Épître à Monsieur P.T.N.G. » (1639), dans Œuvres complètes I, éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1980, p. 535. Marc Fumaroli, interprète de Corneille 47 cette interprétation a permis aussi de surmonter « l’incompréhension envers le sentiment religieux qui a soutenu en France comme en Italie le réveil par l’humanisme d’une romanitas associée et non opposée à la christianitas 17 ». Corneille appartient à cette République européenne des Lettres qui se développe dans la mouvance du renouveau promu par le catholicisme tridentin, ouvert et confiant dans les possibilités de l’être humain, soutenu par une vue providentielle de l’histoire. Au cours de ses exposés, le diligent interprète nous fait part des travaux de ses prédécesseurs qui ont œuvré dans des voix parallèles aux siennes, de Georges Couton à André Stegmann en passant par Paul Bénichou, René Bray, Robert Garapon, Louis Herland, Jacques Morel, Octave Nadal, Louis Rivaille parmi les plus marquants. Ce très riche bouillon de culture a assuré la croissance d’une interprétation cohérente et soutenue de l’œuvre cornélienne, dépourvue des préjugés qui tendaient à l’amoindrir. Elle va de la mise en valeur de la séparation de l’art et de la morale dans Médée, de celle du théâtre comme un art légitime dans l’Illusion comique, de la création de personnages capables de s’élever à la grandeur par l’exercice de leur liberté, de même que le poète dans une œuvre qui reflète son autonomie 18 . 17 Volker Kapp, « Préface » à Marc Fumaroli, Rome et Paris. Capitales de la République européenne des Lettres, Hambourg, Lit, coll. « Ars rhetorica », 1999, p. 8. 18 C’est précisément cet esprit de liberté que Marc Fumaroli a souligné chez les écrivains qui l’avaient précédés, dans son Discours de réception à l’Académie française. Et Réponse de Jean-Denis Bredin. Suivis des allocutions prononcées à l’occasion de la remise de l’épée, Paris, Gallimard, 1996, p. 12. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Marc Fumaroli et la dramaturgie cornélienne Claire Carlin La pédagogie, le code de la conduite mondaine, l’art de l’acteur et du dramaturge, la littérature, la peinture, la philosophie et même, à y regarder de plus près, la théologie et la spiritualité, ont reçu de la rhétorique cicéronienne et quintilianiste une impulsion et une modification décisives. Marc Fumaroli, Héros et orateurs 1 Héros et orateurs : le beau titre de ce recueil d’articles résume en lui seul l’ampleur et l’orientation du volume. Grâce à sa formation en rhétorique, le dramaturge s’identifie à l’orateur et, tout en créant le « héros cornélien », se fait lui-même héros sur la scène littéraire. Le périple qui mène du collège jésuite de Rouen au triomphe dans la République des Lettres est tracé dans dix-huit études 2 qui contribuent chacune à l’élaboration en profondeur des liens entre la rhétorique latine selon les jésuites et « une éthique de la magnanimité et une théologie de la volonté libre » qui tentent de purifier (plutôt que d’humilier) l’expérience laïque et de faire de la littérature un « complément à la théologie morale » (HO, 8). Si Pierre Corneille insiste pour souligner la dignité naturelle à l’homme, à l’image de Dieu, il faut toutefois retenir la notion que « la grandeur cornélienne n’est pas “surhumaine”, même dans le mal, et sa représentation n’est pas une incitation à se prendre pour Dieu : elle allume l’étincelle divine qui est au fond de l’homme […] » (HO, 12). Garder intacte cette « étincelle divine » est le fondement de la mission poursuivie par Corneille tout au long de sa carrière. Marc Fumaroli explique dans ces études détaillées les obstacles que notre dramaturge rencontre aussi bien que ses conquêtes glorieuses : la fortune de la rhétorique antique revue par les jésuites est aussi la fortune du genre tragique au XVII e siècle. 1 Marc Fumaroli, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, 1990 ; rééd. coll. « Titre courant », Genève, Droz, 1996, p. 288. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle HO suivi de la page. 2 Publiées entre 1968 et 1991, ces enquêtes sont divisées en cinq parties : I. Pierre Corneille, fils de son œuvre ; II. Corneille et la Société de Jésus ; III. Corneille et l’Italie de la Réforme catholique ; IV. Corneille dramaturge et la rhétorique de l’humanisme chrétien ; V. De Pierre Corneille à Jean Racine. 50 Claire Carlin Il n’est pas surprenant de constater que le rayonnement des arguments construits avec soin sur plus de 500 pages se fait sentir tout d’abord dans les enquêtes biographiques, étant donné que la formation de Corneille et ses relations avec les jésuites pendant toute sa vie représentent la clé de voûte de sa biographie intellectuelle. Il faut aussi noter l’importance accordée à Corneille « homme de théâtre » ; sans être au centre des préoccupations du volume, cet aspect des recherches cornéliennes y occupe une place importante, signalée à la fin de l’introduction : « […] ce recueil invite à concevoir que l’approfondissement du sens des drames cornéliens est inséparable de la question : “Comment jouer du Corneille” […] 3 ». Nous reviendrons sur cette question dans la conclusion de la présente étude. En ce qui concerne la critique du corpus cornélien, les échos du travail de M. Fumaroli sont évidents dans les nombreuses citations qui illustrent la pénétration de son optique, sur laquelle les chercheurs ont tendance à appuyer des hypothèses d’une grande diversité - souvent sans pouvoir tenir pleinement compte de la complexité des contextes élaborés par lui. Une tentative de rendre justice en quelques lignes au contenu de Héros et orateurs est en effet vouée à l’échec, mais cet exercice est néanmoins nécessaire si nous voulons commencer à comprendre la nature de son influence à la fois diffuse et incontournable. Docere, delectare, movere Son expérience de l’humanisme jésuite permet à Corneille de procéder à la légitimation morale d’un théâtre empreint de la culture mondaine. La querelle de la moralité du théâtre laïc n’est pas introduite en France par les jansénistes : « l’unanimité des statuts synodaux publiés par les évêques après le concile de Trente réaffirme […] la norme chrétienne : le théâtre mimétique est un crime contre la foi […] 4 ». De nombreux théologiens jésuites se joignent à ce combat, distinguant entre la tragédie latine représentée dans les collèges et le théâtre profane ; toujours est-il que, d’abord en Italie, une stratégie de transformation par l’intérieur est prônée par l’ordre, un accommodement qui sera évidemment mal reçu par la sévérité gallicane. Mais tant que le débat reste ouvert en France, Corneille peut promouvoir une éthique 3 HO, 15. Voir les biographies publiées pour le quadricentenaire de la naissance de Corneille en 2006 : Christian Biet, Moi, Pierre Corneille, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Littératures » 484, 2005 ; André Le Gall, Pierre Corneille en son temps et en son œuvre : Enquête sur un poète de théâtre au XVII e siècle, 1997 ; rééd. Paris, Flammarion, 2006 ; Alain Niderst, Pierre Corneille, Paris, Fayard, 2006. 4 HO, 453. Voir le chapitre en entier, « Sacerdos sive rhetor, orator sive histrio : rhétorique, théologie, et “moralité du théâtre” en France de Corneille à Molière », p. 449-491. Marc Fumaroli et la dramaturgie cornélienne 51 fondée sur une conception de la liberté humaine, soutenue par ses maîtres jésuites. Grâce aux analyses réunies dans Héros et orateurs, nous pouvons retourner aux sources de cette opération de légitimation. À titre d’exemple, la Rinovazione dell’antica tragedia du P. Tarquinio Galluzzi (1633) interprète la Poétique d’Aristote de façon à assigner à la tragédie non pas la fin aristotélicienne de terreur et de pitié (qui enseigne la prudence et l’acceptation de la servitude) mais la fin « originelle » de la tragédie grecque : celle de faire haïr les tyrans et de faire aimer et admirer les héros. La liberté chrétienne […] trouvera dans la tragédie (revenue à ses sources et régénérée par le dramaturge chrétien) une nourriture et un sujet d’exaltation 5 . Liberté, admiration, exaltation : les trois notions se rejoignent dans la relation entre poétique, rhétorique et éthique qui sous-tendent l’héroïsme cornélien. Le héros convainc son auditeur grâce à son éloquence, et il n’y a « [p]oint de grande éloquence sans une grande âme qui en soit la source » (HO, 324), une idée énoncée par Quintilien et par Cicéron comme dans L’éthique à Nicomaque et la Rhétorique d’Aristote. C’est dans l’idéal de la magnanimité où l’on trouve la démonstration de cette grandeur d’âme, élaborée par le P. Galluzi dans son commentaire sur L’éthique à Nicomaque : « la magnanimité méritera le titre d’héroïque lorsqu’elle aura atteint la plénitude de sa propre perfection, et se sera élevée à un degré tel qu’elle apparaisse supérieure à l’humaine condition » (HO, 340). Sacrifice, dépassement, don total de soi, voilà les éléments caractéristiques de l’héroïsme cornélien, qui reprend également de Galluzi l’idée de la magnanimité « masque de la grandeur posé sur un intérieur mortifié » (HO, 344). Fumaroli montre l’humilité foncière derrière le sacrifice des affections particulières, faisant d’Horace, d’Auguste, de Polyeucte, de Nicomède des héros conformes à l’idéal de l’humanisme catholique. La rhétorique employée pour communiquer cette magnanimité christianisée entre dans le domaine du sublime, « la trace dans le style d’une âme visitée par le divin 6 ». Comme l’orateur jésuite, le héros cornélien connaît une inspiration exceptionnelle qui lui permet de dépasser les limites imposées aux « ames ordinaires » : « Le privilège du sublime, par plus d’un trait analogue à l’illumination mystique, c’est qu’il trouve sa forme par un 5 HO, 150-151. Voir aussi les pages 72-73. Galluzi était « un des maîtres du collège romain sous Urbain VIII, à la fois poète, critique littéraire et théologien jouissant d’un prestige unanime dans la République des Lettres européenne » (HO, 325). 6 HO, 346. Fumaroli dévoile l’influence qu’exerçait le Traité du sublime du Pseudo- Longin bien avant Boileau (HO, 381). Voir les p. 384-385 et 396-397 ainsi que les autres remarques de Fumaroli au sujet du De Erroribus magnorum virorum in dicendo, dissertatio rhetorica du P. Leone Allaci (1635), p. 355-377. 52 Claire Carlin chemin court, en dépit des règles éprouvées des prudences méthodologiques […] » (HO, 366). Une « poétique de l’admiration » découle naturellement du spectacle de ces âmes supérieures dans leur exaltation (HO, 73, 384). Cependant, l’essor que connaît cet enthousiasme poétique, rhétorique et éthique de la part des théologiens jésuites ne durera pas face au gallicanisme de l’époque de Louis XIV. La Rhetorica du P. Pierre Josset, qui date de 1650, fournit un excellent exemple tardif du genre de traité qui fait appel à l’imagination et aux passions, dont aucune n’est condamnable ; au contraire, ce sont des sources de fécondité oratoire et de figures brillantes. M. Fumaroli a raison de qualifier de baroque cette rhétorique imaginative, sensuelle, fiévreuse, dont la métaphore filée est la figure préférée : elle « fait littéralement bourgeonner le lieu de définition en une fête de l’invention rhétorique, et engendre abondance, variété, agrément » (HO, 102). Le rationalisme augustinien, le goût « Moderne » et la doctrine classique qui auront droit de cité à Paris obligent les jésuites à faire évoluer leur rhétorique 7 . La retraite de Corneille après l’échec de Pertharite en 1651 montre à quel point le dramaturge est touché lui aussi par le refus du style baroque qu’il a si habilement exploité, tout en s’efforçant, comme ses maîtres jésuites, de répondre aux attentes de son public. Fumaroli constate qu’un appel à la sensibilité augustinienne peut se déceler dans le théâtre de Corneille depuis Horace, mais cette sévérité est « trop composite, trop mêlée de dramatisme sénéquien et de sensibilité pastorale à la Tasso, pour être simple, unie et sincère » (HO, 259). En effet, la présence de la pastorale dans la dramaturgie cornélienne est constante, de Mélite à Suréna : les couples amoureux luttent pour conquérir le bonheur dans un contexte où la famille, l’État, la cité (terrestre ou divine) exigent d’eux des sacrifices avant d’arriver à une conciliation (normalement glorieuse) des deux ordres - ou, dans le cas de Suréna, à « une aporie tragique jusqu’alors voilée sous “la tragédie à fin heureuse” » : L’œuvre de Corneille ne se termine pas seulement par une apothéose funèbre du couple d’élus qui n’a jamais cessé d’être le véritable sujet de son œuvre, et de l’amour pastoral, signe de reconnaissance et d’élection d’une aristocratie humaine ; elle réaffirme une dernière fois, sur le mode de l’avertissement angoissé, ce qui n’a jamais cessé d’être son credo politique libéral : l’ordre politique, sous peine de tourner en enfer tyrannique, a pour limite infranchissable la liberté intérieure d’une aristocratie de grandes âmes 8 . 7 HO, 100-111 (sur Josset) ; voir aussi p. 257, p. 319 et surtout le chapitre « Crépuscule de l’enthousiasme au XVII e siècle », p. 349-377 (en particulier les p. 351-352). 8 HO, 61 ; voir les p. 36-61. À la p. 37, Marc Fumaroli souligne la contribution d’Octave Nadal à cette optique sur la pastorale cornélienne. Marc Fumaroli et la dramaturgie cornélienne 53 La dimension politique du corpus rejoint l’éthique de la liberté et de la dignité humaines, le noyau dur de l’humanisme jésuite comme de la dramaturgie cornélienne. Or, en insistant également sur l’importance de la pastorale comme principe structurant du théâtre de Corneille, Fumaroli ne nous permet pas d’oublier la part de délectation dans l’entreprise dramatique. Même si Corneille définit la tragédie comme le genre où « quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour 9 » doit entrer en jeu, il prône aussi le plaisir que procure le théâtre 10 , un plaisir qui se fonde en grande partie sur le spectacle des relations entre les sexes. C’est la notion de la douceur qui capte à la fois le contenu et le style de la dynamique du couple dans son œuvre 11 . L’art de plaire entre amants est fondamentalement une question de style, de la réussite d’une rhétorique amoureuse. Et comme les amants, le spectateur de la pièce de théâtre ou l’auditeur devant un prédicateur de talent subit une opération de séduction. Une illustration de la « douceur efficace » selon l’optique jésuite paraît en 1668 lors de la publication de La théologie des saints du P. Claude Delidel ; une ode de Corneille fait partie de ses pièces liminaires. Le texte a tout pour gagner l’adhésion du dramaturge : Le caractère ordinaire du style de la grâce est « la douceur et suavité ». Parmi les trois finalités de l’éloquence, delectare, movere, docere, elle privilégie la première. Car son premier mouvement n’est pas de forcer […] les âmes libres : elle préfère, avec « adresse et condescendance », « s’insinuer dans les cœurs » et savoir « s’ajuster à leur commodité », « connaissant leur fort et leur faible ». (HO, 132) Mais « qu’est-ce qui sépare l’homme du théâtre du prédicateur éloquent » (HO, 475) dans le cas où les deux se servent des mêmes stratégies rhétoriques et d’une même éthique de la liberté ? Comme le débat avec Port-Royal le montre, la perception d’un manque de séparation laisse les jésuites ouverts à des critiques sévères de leur insertion dans un monde laïc, là où selon les jansénistes il faut que le sacerdoce se distancie du bourbier terrestre. 9 Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique (1660) dans les Œuvres complètes de Pierre Coreille, t. III, éd. G. Couton, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1987, p. 124. 10 Épître de La suite du Menteur, Œuvres complètes, éd. cit., t. II, p. 95 ; ce texte date de 1645. Voir aussi la Dédicace de Médée, Œuvres complètes, t. I, p. 535, qui date de 1639. 11 Pour une considération de la notion de la douceur, voir Le doux aux XVI e et XVII e siècles : Écriture, esthétique, politique, spiritualité, dir. M.-H. Prat et P. Servet, Cahiers des Gadges n° 1, Centre Jean Prévost, Université Jean Moulin-Lyon 3, 2003. 54 Claire Carlin Les dernières pages du volume 12 servent à illustrer l’impossibilité de la tentative jésuite - et cornélienne - de réconcilier théologie et théâtre (HO, 501). L’idée d’une « modération chrétienne » s’avère illusoire dans un monde où le discours ecclésiastique n’est plus supérieur à la rhétorique universelle, et où le théâtre représente l’espace laïc public par excellence, un espace qui dépend de l’autorité du prince plutôt que de celle de l’Église. Le triomphe de l’opéra et son appel direct aux sens, ainsi que la retraite de Racine après Phèdre signalent l’échec définitif du « compromis cornélien » d’une tragédie « reconnue par les doctes, admise par les jésuites, réglée par une poétique savante, fidèle à la vraisemblance historique, unissant le plaisir à l’instruction morale […] » (HO, 505). Et pourtant, « comment peut-on prétendre “modérer chrétiennement” l’intérêt d’amour qui est le ressort essentiel de la tragédie cornélienne, même lorsque celle-ci prend saints et martyrs pour héros ? » (HO, 509). Phèdre rend invraisemblable tout effort pour nier les pulsions érotiques à la base du théâtre classique. La rhétorique de l’orateur héroïque sur la scène tragique ne convainc plus aux années 1670 13 , mais comme Marc Fumaroli le montre, la vision du monde de Pierre Corneille ne perd rien de sa beauté pour autant : la quête de la dignité humaine reste un projet glorieux. La critique cornélienne L’influence de Marc Fumaroli sur la critique cornélienne des 35 dernières années est à la fois rétrospective et axée sur l’actualité et l’avenir des développements dans le domaine. Il cite dans Héros et orateurs la plupart d’entre les travaux les plus importants publiés jusqu’en 1991 14 , ce qui s’avère extrêmement utile dans la mesure où M. Fumaroli enrichit les contributions de ses collègues en les situant par rapport à la mouvance jésuite et les débats philosophiques, théologiques et esthétiques dont il a pleinement 12 Dans les chapitres « Sacerdos sive rhetor, orator sive histrio » (déjà cité, note 3) et « De Médée à Phèdre : naissance et mise à mort de la tragédie cornélienne », p. 493-518. 13 Héros et orateurs se termine sur des remarques au sujet de Suréna : « […] après avoir revendiqué, une dernière fois, avec l’audace retrouvée de sa jeunesse, l’autonomie de l’art par rapport à la morale, et son enracinement dans le désir tout terrestre de bonheur amoureux », Corneille jette sur son œuvre « la lumière dépitée des concessions inutiles […] » (p. 517-518). 14 M. Fumaroli a publié depuis une autre contribution, « La tragédie de la cité terrestre dans Horace » dans « Diversité, c’est ma devise. » Festschrift für Jürgen Grimm, éd. F.-R. Hausmann, C. Miething et M. Zimmermann, Biblio 17, vol. 86, Paris / Seattle / Tübingen, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1994, p. 157-190, reprise récemment dans son recueil, Exercices de lecture. De Rabelais à Paul Valéry, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 2006. Marc Fumaroli et la dramaturgie cornélienne 55 révélé la pertinence pour le théâtre cornélien. Parmi les études qui ont eu elles-mêmes un grand rayonnement dans la communauté des spécialistes du théâtre de Corneille, M. Fumaroli cite celles de Louis Rivaille, Octave Nadal, Georges Couton, Louis Herland, Serge Doubrovsky, Jacques Maurens, André Stegmann et Robert Garapon (pour ne retenir que les auteurs de livres sur Corneille) 15 ; chaque ouvrage bénéficie de son insertion dans le contexte élaboré dans le volume. Les enquêtes sur le corpus cornélien depuis la première publication du volume en 1990 ont également subi l’influence des recherches de Marc Fumaroli. Parmi les plus récentes, on peut citer par exemple deux études présentées lors du colloque « Pratiques de Corneille » en juin 2006 pour fêter le quadricentenaire de la naissance du dramaturge, celles de Jean-Vincent Blanchard et d’Anne-Élisabeth Spica, toutes les deux ancrées dans l’humanisme jésuite selon la perspective développée dans Héros et orateurs 16 . Le critique qui s’est le plus engagé dans un débat avec la critique cornélienne de M. Fumaroli est Georges Forestier, dont l’Essai de génétique théâtrale : Corneille à l’œuvre accorde le rôle essentiel à la forme des pièces et au processus de travail du dramaturge, plutôt qu’aux questions d’ordre éthique, politique, théologique ou rhétorique 17 . Georges Forestier a pour but d’« appréhender les conditions de la “fabrique de l’œuvre” » à partir d’un texte source ; le travail créateur du dramaturge « consiste à dégager de l’histoire non pas un ensemble, mais un seul élément fondamental - le dénouement, qui est en même temps sujet de l’œuvre - à partir duquel est reconstruit à rebours un enchaînement de causes et d’effets 15 L. Rivaille, Les débuts de Pierre Corneille, Paris, Boivin, 1936 (HO, 261-262, 324) ; O. Nadal, Le sentiment de l’amour dans l’œuvre de Pierre Corneille, Paris, Gallimard, 1948 (HO, 37, 223, 262) ; G. Couton, La vieillesse de Corneille, Paris, 1949 (HO, 65- 66, 116, 119, 223-224) ; L. Herland, Horace ou la naissance de l’homme, 1952 ; rééd. Toulouse, Centre de recherche « Idées, thèmes et formes », 1986 ; S. Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros, Paris, Gallimard, 1963 (HO, 507) ; J. Maurens, La tragédie sans tragique, Paris, Armand Colin, 1966 (HO, 261) ; A. Stegmann, L’héroïsme cornélien : Genèse et signification, Paris, Armand Colin, 1968 (HO, 42, 139) ; R. Garapon, Le premier Corneille : De « Mélite » à « L’illusion comique », Paris, SEDES, 1982 (HO, 169, 209, 219, 262). Il ne s’agit que de livres publiés en français, bien que des articles en anglais, en italien et en allemand soient cités, aussi bien que maints ouvrages en dehors du domaine des études cornéliennes. 16 « Emblèmes du sang, ou la visibilité politique du martyre. Sur La peinture spirituelle de Richeome et Polyeucte de Corneille » ; « Corneille et le théâtre des jésuites ». 17 Georges Forestier, Essai de génétique théâtrale : Corneille à l’œuvre, 1996 ; rééd. coll. « Titre courant », Genève, Droz, 2004. Notons la réimpression de cet ouvrage comme de Héros et orateurs dans la collection « Titre courant », une indication de leur importance pour les chercheurs actuels. 56 Claire Carlin […] » 18 . Cette perspective axée sur la structure dramatique a l’avantage d’expliquer les anomalies du théâtre de Corneille qui sont à l’origine des conflits d’interprétation suscités par l’œuvre depuis sa création ; le pouvoir explicatif d’un tel modèle est incontestable. Il est intéressant de noter que Marc Fumaroli est le critique contemporain le plus cité par G. Forestier (23 fois, deux fois plus que les autres spécialistes cités), la moitié d’entre les citations étant favorables aux interprétations de Fumaroli. Leur optique est fondamentalement différente, mais ce qu’il faut retenir de leurs désaccords est la manière dont les analyses de Fumaroli s’avèrent stimulantes pour son collègue, jusqu’au point où Fumaroli fait l’objet de commentaires aux deux dernières pages de l’Essai de génétique théâtrale. Si dans les toutes dernières lignes de son livre, G. Forestier semble renier l’effort contextuel insistant de M. Fumaroli, il est possible de voir au contraire le point de rencontre entre les deux ouvrages : […] le dévot Corneille, élève des jésuites, lecteur, spectateur - et même peut-être dans sa jeunesse acteur - de leur théâtre, est parallèlement un « poète dramatique » qui cherche à contribuer à l’élaboration d’un théâtre profane moderne susceptible de rivaliser avec - voire de l’emporter sur - le théâtre des Anciens, laissant au théâtre scolaire sa vocation d’édification 19 . L’ensemble des études de M. Fumaroli montre non pas un dramaturge voué uniquement à sa religion, mais un vrai homme de théâtre qui cherche à réussir dans l’espace laïc du théâtre profane en faisant appel aux préoccupations mondaines de ses spectateurs. L’érudition et la subtilité des arguments développés par Marc Fumaroli dans Héros et orateurs et ailleurs 20 continueront sans doute à influencer (et à provoquer) la critique. La richesse de sa contribution aux études cornéliennes est inestimable. 18 Nous citons l’édition originale, Paris, Klincksieck, 1996, p. 13 et p. 15. 19 Ouvr. cité, p. 358. 20 Trois d’entre les articles de Marc Fumaroli au sujet (au moins en partie) de l’œuvre de Corneille n’ont pas été publiés dans Héros et orateurs : « Critique et création littéraire : Jean-Louis Guez de Balzac et Pierre Corneille (1637-1645) », Mélanges de littérature offerts à René Pintard. Travaux de linguistique et de littérature, Strasbourg, Centre de Philologie et de Littératures Romanes, vol. 13, n o 2, 1975, p. 73-89 ; « La querelle de la moralité au théâtre avant Nicole et Bossuet », Revue d’histoire littéraire de la France, 70, 1970, p. 1007-1030 ; « “Apprends, ma confidente, apprends à me connaître” : Les Mémoires de Retz et le traité Du sublime », Versants, n° 1, automne 1981, p. 27-56. Toutes ces contributions considèrent l’évolution de la tradition humaniste, laïque et/ ou catholique. Notons aussi l’importance pour un plus grand approfondissement de cette matière de L’âge de l’éloquence : Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, 1980 ; rééd. coll. « Titre courant », Genève, Droz, 2002. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renaissance Claude La Charité On trouvera sans doute paradoxal le projet même de cet article, à savoir de chercher à mesurer l’incidence de L’âge de l’éloquence (1980) de Marc Fumaroli sur la recherche seiziémiste, tant il est évident que cet ouvrage, tout en embrassant les XVI e et XVII e siècles, se propose surtout de rendre compte de l’éloquence française sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, au « seuil de l’époque classique 1 ». Et pourtant, il est tout aussi évident que la pensée de Fumaroli ne se laisse pas enfermer dans le libellé réducteur de « dix-septiémiste » en raison de sa « répugnance pour la “périodisation” » et de son « goût certain pour les continuités » (AE, 32), ce que démontrent à l’envi ses récents Exercices de lecture. De Rabelais à Paul Valéry (2006) 2 . C’est que cette pensée, loin d’être téléologique et de prendre la Renaissance comme faire-valoir du XVII e siècle, est nourrie par l’encyclopédisme et la longue durée. Les nombreuses incursions de Fumaroli, par delà L’âge de l’éloquence, dans la littérature de la Renaissance témoignent d’ailleurs de son intérêt persistant pour cette période 3 . 1 Pour reprendre le sous-titre du livre, publié d’abord à Genève, chez Droz, en 1980 : Marc Fumaroli, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque de l’Évolution de l’Humanité », n o 4, 1994. Même si, depuis, l’ouvrage a été republié en 2004 dans la collection « Titre courant » (n o 24) toujours chez Droz, toutes les références ultérieures, mentionnées dans le corps du texte entre parenthèses et précédées du sigle AE, renverront à l’édition Albin Michel dont la préface, écrite en avril 1994 et reprise dans la troisième édition, est riche d’enseignements en raison de son caractère critique et programmatique. 2 Marc Fumaroli, Exercices de lecture. De Rabelais à Paul Valéry, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 2006. En fait, ce recueil réunit des articles rédigés sur « une quarantaine d’années » (p. 7). Toutes les références ultérieures à cet ouvrage seront données dans le corps du texte entre parenthèses, précédées du sigle EL. 3 À titre d’exemple, dans le seul recueil La diplomatie de l’esprit. De Montaigne à La Fontaine, Paris, Gallimard, 2001 (1 re éd. Paris, Hermann, 1994), près du tiers de l’ouvrage est consacré en tout ou en partie à la Renaissance, que l’on pense aux études sur Blaise de Vigenère, Charles Paschal, Montaigne, la lettre familière ou les mémoires. 58 Claude La Charité Le paradigme rhétorique qu’expose L’âge de l’éloquence est si central qu’il éclaire en fait la majeure partie de la littérature et de la culture de l’Ancien Régime 4 . C’est d’ailleurs à la lumière de ce paradigme rhétorique que je voudrais tenter d’esquisser ici la filiation intellectuelle entre Fumaroli et la recherche sur la littérature de la Renaissance depuis 1980. L’on s’interrogera d’abord sur les raisons qui ont fait qu’avant L’âge de l’éloquence l’histoire littéraire et la rhétorique étaient mutuellement exclusives, même lorsqu’il était question de l’Ancien Régime. Il s’agira ensuite de voir en quoi L’âge de l’éloquence constitue une sorte de discours de la méthode, ce qui explique en partie la richesse et l’ampleur de sa postérité. Enfin, je voudrais suggérer que l’un des points nodaux des travaux sur la littérature de la Renaissance depuis L’âge de l’éloquence est l’ « art Rhetoricale 5 », sorte de fil d’Ariane dans l’histoire des litterae humaniores. 1. Les noces de Mercure et Clio C’est à juste titre que, dès les premières lignes de L’âge de l’éloquence, Fumaroli revendiquait le caractère inédit de son projet, à savoir mettre l’épaule à la roue d’une « histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne » (AE, 1). De fait, ses quelques rares devanciers en ce domaine appartenaient à d’autres aires culturelles, en particulier le monde anglo-saxon dont Fumaroli recense les travaux pionniers, par exemple la monographie de 1974 de Margaret McGowan sur l’art de persuader dans les Essais de Montaigne 6 . On pourrait ajouter une autre étude, passée sous silence, qui démontre aussi cet intérêt du monde anglophone pour l’éloquence avant même 1980 et qui se rapporte directement à notre propos : Ronsard et la rhétorique (1970) d’Alex Gordon 7 . S’il n’est pas non plus fait mention du travail pionnier de Cesare Vasoli, La dialettica e la retorica dell’Umanesimo 8 (1968), il est cependant indéniable 4 L’aversion des historiens de la littérature pour la rhétorique, du romantisme jusqu’à tout récemment, a entraîné, selon Fumaroli, « pour la littérature d’Ancien Régime, une méconnaissance de sa véritable fonction » (AE, IX). 5 L’expression est empruntée à la dédicace de la traduction du treizième livre d’Amadis de Gaule par Jacques Gohory publiée en 1571 et que Fumaroli étudie dans « L’“héritage d’Amyot”. La critique du roman de chevalerie et les origines du roman moderne » (dans Exercices de lecture, ouvr. cité, p. 29-61.) 6 Margaret McGowan, Montaigne’s deceits, the art of persuasion in the « Essais », Londres, University of London Press, 1974. 7 Alex L. Gordon, Ronsard et la rhétorique, Genève, Droz, 1970. 8 Cesare Vasoli, La dialettica e la retorica dell’Umanesimo. « Invenzione » e « Metodo » nella cultura del XV et XVI secolo, Milan, Feltrinelli, 1968. L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renanissance 59 que la rhétorique de l’Ancien Régime était alors un territoire largement en friche. Il n’est peut-être pas inutile de revenir ici sur les raisons qui ont fait de l’histoire de la rhétorique « un point aveugle de l’histoire littéraire » (AE, 17) jusqu’à Fumaroli. C’est au XIX e siècle que la littérature, au prix d’une réduction à la seule fiction et d’un cloisonnement national 9 , acquiert son autonomie et sa légitimité comme discipline de savoir autonome enseigné à l’université, sous l’impulsion du romantisme et de la philosophie de l’histoire. C’est alors aussi que l’histoire littéraire déloge la rhétorique comme approche dominante du phénomène littéraire. En ce sens, ce n’est pas un hasard si la naissance de la Revue d’histoire littéraire de la France, créée en 1894, coïncide presque exactement avec la disparition de la rhétorique des programmes de l’Éducation nationale. Mais le désintérêt de l’histoire littéraire pour la rhétorique ne s’explique pas seulement par le fait qu’elle a construit sa légitimité sur le discrédit de celle-ci. Il tient peut-être surtout à la manière dont l’histoire littéraire et la rhétorique appréhendaient le rapport au temps du phénomène littéraire. Bien que soucieuse d’adaptation à l’interlocuteur et aux circonstances du discours en vertu du decorum, la rhétorique comme approche pédagogique entretenait une perspective atemporelle de la littérature. Le plus souvent, dans l’enseignement, la littérature servait de réservoir de procédés de style ou d’argumentation, comme si les principes sous-jacents de l’ars bene dicendi avaient existé, sans variation, de tout temps. En plus de traiter la littérature comme une simple science auxiliaire, la rhétorique mettait ainsi l’accent davantage sur « la transcendance d’une forme quasi pythagoricienne » que sur « l’immanence quasi biologique d’un organisme vivant » (AE, II). Même si les exemples de beau style ou d’argumentation pouvaient être puisés indifféremment dans la littérature du siècle de Périclès, d’Auguste ou de Louis XIV, l’écart temporel séparant ces différentes époques de la littérature comptait moins que son « classicisme », c’est-à-dire, pour reprendre la définition de Gadamer, « la conscience de sa permanence, de sa signification impérissable, indépendante de toute circonstance temporelle - dans une sorte de présence intemporelle, contemporaine de tout présent 10 ». Bien évidemment, l’approche rhétorique n’était pas pour autant dénuée de toute perception 9 Avant la Révolution, le terme de littérature a le plus souvent un sens encyclopédique qui, comme chez Dom Rivet (AE, 18), englobe tout ce qui s’était écrit, quels qu’en soient le sujet ou la forme. La littérature est alors par ailleurs un phénomène européen qui transcende les frontières politiques et nationales, comme le suggère l’expression « République des Lettres ». 10 Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode : les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, trad. Pierre Fruchon, Jean Grondin et Gilbert Merlio, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1996, p. 309. 60 Claude La Charité historique, mais ce temps était perçu selon les modalités de l’éternel retour du schème historiographique qui s’est maintenu de l’Antiquité jusqu’à Vico, à savoir l’immuable succession des âges (or, argent, airain, fer), ce que Fumaroli a bien analysé dans les Poetices libri septem (1560) de Jules-César Scaliger 11 . L’histoire littéraire romantique cherchera à en finir avec cette appréhension cosmopolite, classique et atemporelle de la littérature. Désormais affranchie du mythe des âges grâce à la philosophie de l’histoire de Hegel, l’histoire littéraire pense la littérature comme objet d’étude autonome et lieu par excellence de l’expression de l’identité nationale à la manière des frères Schlegel. Il n’est désormais plus possible d’aborder indifféremment Homère, Virgile ou Racine, tant s’impose le cloisonnement national dans cette histoire littéraire dont le but suprême est, selon Jauss, de « représenter, à travers l’histoire des produits de sa littérature, l’essence d’une entité nationale en quête d’elle-même 12 ». L’histoire littéraire positiviste qui succédera à l’histoire littéraire romantique 13 adoptera la même hostilité de principe à l’égard de la rhétorique mais pour des raisons différentes. Alors que le romantisme jugeait la rhétorique et ses conventions impropres à l’expression de la subjectivité individuelle, Gustave Lanson considérera la rhétorique tout juste bonne à former des rentiers, des officiers, des magistrats, des médecins et des professeurs, et donc propre à inspirer le dégoût du commerce et de l’industrie. Le cas de l’Histoire de la clarté française (1929) de Daniel Mornet 14 , sur lequel Fumaroli s’attarde dans l’introduction de L’âge de l’éloquence, est de fait symptomatique de l’histoire littéraire pratiquée sous la III e République. On y décèle à la fois une volonté d’objectivité qui amène l’auteur à s’intéresser, malgré qu’il en ait, à la rhétorique (en raison de son importance sous l’Ancien Régime), mais aussi la persistance de la quête romantique d’une essence nationale, fondée, selon Mornet, sur la clarté 15 . 11 Marc Fumaroli, « Jules-César Scaliger et le “schème historiographique” dans la Poétique », dans Claudie Balavoine et Pierre Laurens (sous la dir. de), La statue et l’empreinte. La poétique de Scaliger, Paris, Vrin, coll. « L’oiseau de Minerve », 1986, p. 7-17. 12 Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, traduit de l’allemand par Claude Maillard, préface de Jean Starobinski, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1990, p. 23. 13 La perspective téléologique et orientée de l’histoire littéraire romantique appellera, en réaction, le positivisme qui se refusera à toute totalisation du passé, découpera l’histoire en périodes sans continuité entre elles et sans rapport avec le présent, en prônant l’effacement total de l’historien littéraire derrière son objet d’étude. 14 Daniel Mornet, Histoire de la clarté française, ses origines, son évolution, sa valeur, Paris, Payot, 1929. 15 Cette valorisation de la clarté comme expression de l’identité française est liée à une nébuleuse dans laquelle on trouve également le cartésianisme, le bon goût, le L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renanissance 61 Il revient à Marc Fumaroli d’avoir été l’un des premiers à réconcilier les jumeaux ennemis que sont la rhétorique et l’histoire littéraire à une époque, celle de l’apogée du structuralisme, où l’une et l’autre étaient tombées dans un relatif discrédit. Le renouveau méthodologique de l’histoire littéraire, grâce notamment aux théories de l’École de Constance, rendait possibles ces noces de Mercure et Clio 16 , jusqu’alors inconcevables. 2. L’âge de l’éloquence, un discours de la méthode Si L’âge de l’éloquence a marqué les études littéraires, c’est peut-être d’abord et avant tout en raison de ses considérations méthodologiques et, plus particulièrement, du fait que Fumaroli envisage la rhétorique comme une « structure mère » (l’expression est de Paulhan) (AE, II). Au delà de la beauté de l’oxymore, le concept rend pensables une histoire de la rhétorique et, plus largement, une histoire littéraire sous l’angle de la rhétorique. Cette structure mère bifrons permet à la fois de tirer parti des acquis du structuralisme, puisque L’âge de l’éloquence, sans être structuraliste, est néanmoins « d’inspiration “structurale” » (AE, I), mais également de renouer avec le paradigme rhétorique qui avait innervé le phénomène littéraire (de sa production jusqu’à sa réception, en passant par son enseignement) de l’Antiquité à la Révolution et qui supposait une permanence à travers le temps, ce que Fumaroli appelle la « transcendance d’une forme quasi pythagoricienne ». Par ailleurs, et c’est là que la rhétorique peut enfin se concilier avec l’histoire littéraire, la structure mère suppose également l’ « immanence quasi biologique d’un organisme vivant capable de s’adapter aux changements de décor, de moment et de partenaires », c’est-à-dire sujet aux variations, aux recompositions et aux métamorphoses dans le temps (AE, II). D’une certaine façon, Fumaroli répondait ainsi à l’invitation de Roland Barthes (« une histoire de la Rhétorique […] est aujourd’hui nécessaire 17 »), tout en ne partageant pas les a priori marxistes de ce dernier qui voyait dans la rhétorique, née avec les procès de propriétaires spoliés dans la Sicile du V e siècle avant J.-C. et prétendument disparue avec le triomphe de la bourgeoisie au XIX e siècle, une institution foncièrement « bourgeoise ». juste milieu. Cette construction de l’identité nationale française explique la place prépondérante de la littérature du siècle de Louis XIV dans l’enseignement d’alors, car elle est sentie comme la meilleure expression de cette essence nationale. 16 Il s’agit évidemment d’une allusion au traité du V e siècle de Martianus Capella, De nuptiis Mercurii et Philologiae. 17 Roland Barthes, « L’ancienne rhétorique. Aide-mémoires », Communications, Paris, n o 16, 1970, p. 223 (repris dans L’aventure sémiologique, Paris, Seuil, 1985). 62 Claude La Charité Par ailleurs, la méthodologie de L’âge de l’éloquence a également fait florès en raison de l’interdisciplinarité « naturelle » du paradigme rhétorique 18 . Il faut dire que le renouveau de l’histoire littéraire a notamment procédé de cette volonté de dépasser les approches biographique et sociopolitique, de même que la Quellenforschung qui étaient l’apanage de l’ancienne histoire littéraire positiviste. D’une certaine manière, L’âge de l’éloquence apparaît comme l’application réussie et probante d’une méthodologie qui ne sera formalisée que plus tard sous le nom de « polysystème » par Clément Moisan 19 . La fécondité de l’interdisciplinarité inhérente à l’approche rhétorique vient de ce que la rhétorique touche naturellement à la sociologie, à la psychologie, à la religion, au droit, à la politique, à la grammaire, à la poétique, etc. Cette interdisciplinarité naturelle s’oppose évidemment à celle beaucoup moins légitime qui s’est imposée depuis les années 1960 et que Fumaroli décrit à juste titre comme une « juxtaposition hasardeuse de savoirs essentiellement autistes » (AE, X). Outre l’interdisciplinarité, un autre aspect innovant de la méthode de L’âge de l’éloquence a été à coup sûr le parti pris sans cesse réaffirmé de tenter de comprendre les œuvres du passé sans leur imposer de grille anachronique, comme à l’époque triomphante des théories littéraires qui les instrumentalisaient pour qu’elles servent d’illustration et de caution : « J’ai donc demandé aux formes du passé elles-mêmes leur principe vital et générateur, et j’ai tenté de les comprendre sans leur faire violence, comme elles souhaitaient elles-mêmes d’être comprises » (AE, XI). Principe réaffirmé dans la préface programmatique de ses Exercices de lecture : Dans mes exercices critiques, je me suis toujours attaché à la compréhension des auteurs et des textes anciens selon leurs propres termes, en commençant par les écouter attentivement, embrassant provisoirement leurs présupposés sans projeter sur eux des grilles ou des critères d’interprétation qui n’étaient pas les leurs. C’est la moindre des politesses, mais c’est aussi à cette condition que dialoguer avec ces amis d’autrefois, entendus selon leur sens à eux et non selon le nôtre, devient fécond pour ce que j’appelle l’intelligence littéraire. (EL, 21) 18 À ce propos, Fumaroli écrit : « En adoptant la rhétorique ainsi entendue comme méthode de compréhension du phénomène littéraire, retrouvé dans son extension véritable, je me suis découvert tout naturellement “pluridisciplinaire”, sans avoir à me livrer à des exercices arbitraires » (AE, X). 19 Clément Moisan, Qu’est-ce que l’histoire littéraire ? , Paris, Presses universitaires de France, coll. « Littératures modernes », 1987. Le polysystème de l’histoire littéraire suppose de croiser les données de différentes séries (histoire de l’institution littéraire, histoire des formes littéraires, histoire des idées, histoire de l’art, etc.) qui permettent de démultiplier les points de vue sur le phénomène littéraire. L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renanissance 63 On pourrait voir à juste titre dans ce souci d’apprécier les œuvres du passé à l’aune des critères des premiers lecteurs une mise en œuvre du concept particulièrement fécond d’horizon d’attente du premier public dans l’esthétique de la réception de Jauss, sans que, par ailleurs, jamais le terme ne soit utilisé 20 . Pour autant, Fumaroli ne cède pas à l’illusion historiciste de l’histoire littéraire positiviste. En cela, il est l’héritier de la phénoménologie de Husserl et de l’herméneutique de Gadamer. Il est conscient que l’interprétation que propose l’historien littéraire, même lorsqu’il veut éviter de faire violence au passé, est toujours façonnée par son propre horizon d’interprète. De ce point de vue, la perception qu’a Fumaroli de sa propre époque et de ses enjeux est particulièrement aiguisée. Sa propre démarche participe entre autres d’une critique raisonnée à la fois du marxisme et du structuralisme. Déjà dans la préface de 1994 à L’âge de l’éloquence, Fumaroli, comme nous l’avons vu, précisait en quoi son étude était d’inspiration structurale, sans être structuraliste. Dans la préface aux Exercices de lecture, il revient sur certains éléments implicites de sa démarche. S’il critique sans ambages l’approche marxiste et ses projets hasardeux 21 (on pourra penser à l’utopie profondément idéologique de parvenir à une « écriture » non marquée idéologiquement, écriture blanche ou degré zéro), il dénonce tout particulièrement les effets néfastes du structuralisme barthésien sur toute une génération de lecteurs, d’interprètes et de professeurs : Mais il y a bien pis cependant que « travaux » : la haine de la littérature, tenue pour le plumage trompeur de la bourgeoisie ou de l’aristocratie, a fait inventer la notion d’ « écriture », qui déleste l’écrivain de son « moi » bourgeois, le réduisant à l’emploi de greffier, ou encore celle, plus radicale, de « producteur de textes », expression et conception qui, au fond, envoient l’écrivain, avec les professeurs de littérature et leurs élèves, dans des camps de travail forcé. (EL, 12) Cette réflexion méthodologique de Fumaroli montre comment la littérature de l’âge classique (entendu au sens large d’Ancien Régime et même de l’Antiquité) peut être non seulement un objet d’étude, mais également une inspiration toujours d’actualité pour notre propre culture, en dehors de toute nostalgie passéiste. Dans les premières pages de L’âge de l’éloquence, Fumaroli a montré que l’extension sémantique de la littérature sous l’Ancien Régime 20 Fumaroli lui-même reconnaît cependant la grande complémentarité des théories de l’École de Constance et de ses travaux, par exemple dans l’introduction de son article « Les sanglots d’Ulysse » (La diplomatie de l’esprit, ouvr. cité, p. 1-22). 21 À ce propos, Fumaroli écrit : « Plusieurs générations lettrées ont pataugé dans une marée noire, “engagées” qu’elles étaient pour une “cause du peuple” où les lettres et le peuple avaient tout à perdre. » (EL, 11). 64 Claude La Charité (désignée par l’expression bonae literae ou Belles-Lettres) était beaucoup plus extensive que la nôtre au point de désigner le plus souvent la totalité de l’encyclopédie du savoir. À telle enseigne que, dans une telle perspective, l’opposition simpliste qui a malheureusement toujours cours de nos jours et qui divise certains départements entre créateurs et critiques (ou théoriciens ou analystes ou historiens selon les cas) est profondément factice. C’est là au fond à la fois tirer les leçons de l’humanisme et prolonger la réflexion d’Albert Thibaudet sur la critique inspirée : Anch’io sono pittore. Vanité, s’écrieront les heureux génies qui, résumant la littérature au roman, se réservent le grand nom de « créateurs ». Vanité, murmureront, dans l’autre camp, les gardiens d’une science des objets littéraires. Ce partage de la littérature en deux camps m’a toujours paru arbitraire, même si je ne conteste pas la hiérarchie d’un auteur à l’autre, d’un interprète à un autre. (EL, 9-10) De la même manière que Fumaroli prône un décloisonnement des « spécialités » littéraires, sa méthode nous invite à dépasser le cadre national étroit hérité du romantisme, là encore suivant le précédent de la République des Lettres de l’Ancien Régime, cette « société supranationale où coopèrent les athlètes du loisir studieux » (EL, 24). C’est ainsi qu’apparaît clairement la vocation universelle (sans la connotation impérialiste dont le terme est trop souvent investi) de cette littérature d’Ancien Régime étrangère aux frontières : On trouve des graines françaises répandues partout où ont levé, en Europe de l’est, au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique du Sud et au Québec, des littératures nationales modernes et inversement, la dette française envers les autres littératures nationales n’a d’égale que celle que nous avons ensemble contractée envers les littératures mères, la grecque et la latine. (EL, 21-22) Ce constat se vérifie notamment dans le renouveau d’intérêt marqué pour la littérature de l’Ancien Régime au Québec, qui a donné lieu, entre autres, à la création de la Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire, de la Chaire de recherche du Canada en rhétorique et du Cercle interuniversitaire d’étude sur la République des Lettres 22 . 22 Je suis moi-même titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire à l’Université du Québec à Rimouski (http: / / www.histoirelitteraire.org) depuis juin 2005. Marc André Bernier est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en rhétorique à l’Université du Québec à Trois-Rivières depuis septembre 2004. Le Cercle interuniversitaire d’étude sur la République des Lettres regroupe plus de 15 professeurs et une quarantaine d’étudiants aux 2 e et 3 e cycles (http: / / www.cierl.org). L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renanissance 65 Par ailleurs, la méthode de Fumaroli s’inscrit dans la volonté délibérée d’arrimer histoire littéraire et histoire : Si le seul résultat que j’ai obtenu est de montrer que l’histoire littéraire peut être harmonisée à l’histoire générale, et qu’elle contribue à comprendre l’Évolution de l’humanité, je me résigne volontiers à voir L’âge de l’éloquence révisé et même bouleversé par des recherches ultérieures[.] (AE, XVIII) Une fois de plus, dans ce projet d’harmonisation, se lisent à la fois la critique raisonnée du marxisme (qui faisait de l’histoire littéraire un épiphonème et donc un reflet de l’histoire sociopolitique) et du structuralisme (qui coupait la littérature de l’histoire) et une affinité évidente avec l’École de Constance dont l’ambition ultime était de voir en quoi la littérature est façonnée par l’histoire et, en même temps, en quoi elle contribue à façonner cette histoire. 3. La rhétorique comme fil d’Ariane de la littérature de la Renaissance L’une des retombées les plus immédiatement perceptibles de L’âge de l’éloquence sur la recherche en littérature française de la Renaissance est la place prééminente accordée à la rhétorique. D’une certaine manière, tous les travaux rhétoriques sur les litterae humaniores postérieurs à 1980 sont directement ou indirectement redevables à la méthode de Fumaroli et à son paradigme rhétorique, même lorsqu’ils remettent en cause certaines analyses de L’âge de l’éloquence. Bien évidemment, les limites de cet article empêchent l’exhaustivité, et on se contentera donc d’esquisser un panorama (forcément partiel et partial 23 ), en cherchant à dégager certaines tendances de fond. Commençons cependant par la définition que donne Fumaroli lui-même de la Renaissance italienne, exemplaire par sa brièveté et son caractère synthétique, que l’on pourrait aisément étendre à l’ensemble de la Renaissance européenne : Les lettrés italiens avaient en fait procédé à une vigoureuse synthèse, originale et neuve, à partir d’éléments restés épars dans la tradition grecque et latine qu’ils remettaient au jour. Les litterae humaniores désignaient un programme d’éducation inspiré par la paideïa grecque et l’institutio oratoria romaine, mais du même mouvement, programme de vie inspiré par la médecine antique des humeurs et par l’idéal aristotélicien-cicéronien du loisir lettré et studieux. (EL, 22) 23 Pour un survol (forcément partial, mais plus développé) des travaux sur la rhétorique au XVI e siècle depuis Fumaroli, voir l’article de Francis Goyet dans Laurent Pernot (sous la dir. de), Actualité de la rhétorique, Paris, Klincksieck, 2002, p. 71-87. 66 Claude La Charité L’une des pierres d’attente de L’âge de l’éloquence est évidemment la rhétorique en langue vernaculaire, presque complètement évacuée par Fumaroli aussi bien en italien qu’en français. Il s’agit pourtant d’un domaine important (bien qu’il ne s’agisse que de la partie émergée de l’iceberg néolatin) en raison du fait que le français déclassera le latin comme langue principale de l’imprimerie dès le milieu du XVI e siècle. Là comme en néolatin, la réflexion française est souvent à la remorque des traités italiens dont elle n’est bien souvent que la transposition au contexte français. On connaît l’exemple emblématique de la Deffence et Illustration de la langue françoyse (1549) de Joachim Du Bellay qui, tout en plaidant pour la dignité sinon la supériorité du français, n’en décalque pas moins, souvent presque littéralement, le Dialogo delle lingue (1542) de Sperone Speroni 24 . C’est à cette lacune que chercheront à remédier certains travaux dès les années 1980, en particulier la monographie (qui constitue encore à ce jour la référence incontournable) de Kees Meerhoff, Rhétorique et poétique au XVI e siècle (1986 25 ), centrée sur Du Bellay et Ramus. On lui doit, entre autres, une compréhension beaucoup plus nuancée de la révolution ramiste qui, loin de s’assimiler à une rhétorique restreinte 26 , tend plutôt, dans le sillage de l’héritage d’Agricola et de Melanchthon, à « rhétoriciser » la dialectique 27 . Dans le prolongement de cette étude pionnière, paraîtront deux collectifs, Autour de Ramus. Texte, théorie et commentaire (1997) et Autour de Ramus. Le combat (2005 28 ), qui montreront le caractère protéiforme, international et durable (notamment en pays protestants) de la réforme rhétorique proposée par Ramus. Dans le domaine de la rhétorique protestante que Fumaroli n’aborde jamais directement, on compte de nombreuses études dont l’une des plus marquantes est certainement Calvin et la dynamique de la parole (1992 29 ) d’Olivier Millet. 24 Pierre Villey, Les sources italiennes de la « Défense et illustration de la langue française » de Joachim Du Bellay, Paris, Honoré Champion, 1969. 25 Kees Meerhoff, Rhétorique et poétique au XVI e siècle : Du Bellay, Ramus et les autres, Leyde, E. J. Brill, 1986. 26 L’article de Gérard Genette qui fera florès est cependant historiquement inexact à bien des points de vue : « La rhétorique restreinte », Communications, Paris, n o 16, 1970, p. 158-171 (repris dans Figures III, Paris, Seuil, 1972). 27 À ce propos, voir Benoît Timmermans, « Chapitre 4 : le XVI e siècle ou l’opposition entre ethos et pathos - 4. Ramus (1515-1572) ou l’élargissement de la rhétorique », dans Michel Meyer (sous la dir. de), Histoire de la rhétorique des Grecs à nos jours, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Biblio essais », 1999, p. 135-142. 28 Kees Meerhoff et Jean-Claude Moisan (sous la dir. de), Autour de Ramus. Texte, théorie et commentaire, Québec, Nota bene, 1997 et Kees Meerhoff, Jean-Claude Moisan et Michel Magnien (sous la dir. de), Autour de Ramus. Le combat, Paris, Honoré Champion, 2005. 29 Olivier Millet, Calvin et la dynamique de la parole, Genève, Slatkine, 1992. L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renanissance 67 Toujours dans ce domaine de la rhétorique vernaculaire, Francis Goyet procurera en 1990 une anthologie au format poche fort utile mais très lacunaire, Traités de rhétorique et de poétique de la Renaissance 30 qui ne réunit que cinq traités 31 d’un corpus beaucoup plus vaste qui compte au moins une trentaine de titres. En outre, l’introduction très générale n’aborde pratiquement pas l’histoire de la rhétorique et de la poétique proprement dite. Le Grant et vray art de pleine rhetorique (1521) de Pierre Fabri, traité de rhétorique et de rhétorique seconde (c’est-à-dire de poétique) en est singulièrement absent. C’est d’ailleurs pour compléter cette anthologie que nous avons entrepris, avec une équipe de recherche, la constitution d’une base de données réunissant la majeure partie des traités de rhétorique et de poétique du XVI e siècle en langue française, partiellement accessible en ligne, HERCULE-XVI 32 . Enfin et surtout, le vaste projet d’une histoire rhétorique de l’Europe moderne, déjà annoncée dans l’introduction de L’âge de l’éloquence, sera en partie concrétisé par l’ambitieux collectif paru sous la direction de Fumaroli en 1999 33 . La multiplicité des collaborateurs et des points de vue, l’approche à la fois résolument transnationale et interdisciplinaire en font un ouvrage de référence incontournable. Le chapitre de Jean-Claude Margolin sur l’influence d’Érasme sur la rhétorique humaniste, celui de Michel Magnien qui porte sur la période comprise entre la mort d’Érasme et celle de Ramus, et celui d’Alain Pons 34 sur la rhétorique et les traités de savoir-vivre à la fin du XVI e siècle, complètent, sans bien sûr l’épuiser, le vaste tableau de la rhétorique à la Renaissance. Un autre pan de la recherche sur la rhétorique au XVI e siècle découle directement des travaux pionniers de Fumaroli. Il s’agit de la rhétorique 30 Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. Francis Goyet, Paris, Livre de Poche, 1990. 31 Il s’agit de l’Art Poëtique Françoys (1548) de Thomas Sebillet, du Quintil horatian (1551) de Barthelemy Aneau, de l’Art poëtique (1555) de Jacques Peletier du Mans, de la Rhetorique françoise (1555) d’Antoine Fouquelin et de l’Abbregé de l’Art poetique françoys (1565) de Ronsard. 32 Cette base de données, financée par la Faculté des arts de l’Université du Manitoba (2001-2002), puis par le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (2004-2007), sera partiellement accessible en ligne à partir de l’automne 2006 sous la rubrique « HERCULE-XVI » du site de la Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire (http: / / www.histoirelitteraire.org). 33 Marc Fumaroli (sous la dir. de), Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne 1450-1950, Paris, PUF, 1999. 34 Il s’agit, dans l’ordre, du chapitre 4 « L’apogée de la rhétorique humaniste (1500- 1536) » (p. 191-257), du chapitre 7 « D’une mort, l’autre (1536-1572) : la rhétorique reconsidérée » (p. 341-409) et du chapitre 8 « La rhétorique des manières au XVI e siècle en Italie » (p. 411-430). 68 Claude La Charité épistolaire que L’âge de l’éloquence, mais également son article « Genèse de l’épistolographie classique : rhétorique humaniste de la lettre, de Pétrarque à Juste Lipse » de 1978 35 ont mise en lumière. Par delà les études de cas portant sur la pratique effective d’épistoliers de la Renaissance, par exemple Hélisenne de Crenne ou Jean Bouchet 36 , la rhétorique épistolaire a donné lieu à au moins trois sommes, La lettre familière au XVI e siècle (2003) de Luc Vaillancourt, L’art de la lettre humaniste (2004) de Guy Gueudet et El arte epistolar en el Renacimiento europeo 1400-1600 (2005) de Pedro Martín Baños 37 . Vaillancourt et Baños mettent bien en valeur ce qui constituera rapidement la spécificité de la rhétorique épistolaire humaniste, à savoir la définition du style épistolaire selon Démétrios (réintroduit en Occident par Filelfo en 1427) comme style simple et propre à l’expression d’un ethos. Même si la lettre est pour Érasme un poulpe susceptible de s’adapter à tous les sujets, tous les destinataires et toutes les circonstances, il n’en demeure pas moins qu’à ses yeux la vraie lettre ressortit au genre familier qu’il introduit aux côtés du délibératif, de l’épidictique et du judiciaire (hérités d’Aristote). Vivès reprendra et accentuera ce constat, en faisant du sermo (le style de la conversation, comparable à la sobriété et au dépouillement d’une puella plebeia) la marque de commerce de la lettre. Certains travaux prolongent cette réflexion 38 , en faisant du sermo (la parole vive, spontanée), l’un des fils conducteurs de la littérature humaniste, que l’on retrouvera dans la conversation, mais aussi dans des genres nouveaux comme l’essai à la Montaigne 35 Marc Fumaroli, « Genèse de l’épistolographie classique : rhétorique humaniste de la lettre, de Pétrarque à Juste Lipse », Revue d’histoire littéraire de la France, 78 e année, n o 6, novembre - décembre 1978, p. 886-900. 36 Voir, notamment, Claude La Charité, « L’émergence de la lettre familière érasmienne : le cas de Jean Bouchet et d’Hélisenne de Crenne », Littératures, Montréal, n o 18, 1998, numéro thématique consacré à l’écriture des femmes à la Renaissance sous la direction de Diane Desrosiers-Bonin, p. 65-87; et Claude La Charité, « Les Epistres morales et familieres (1545) de Jean Bouchet : de la hiérarchie médiévale au dialogue humaniste », Études françaises, Montréal, XXVIII, n o 3, décembre 2002, numéro thématique consacré à la disposition du recueil à la Renaissance sous la direction de Jean-Philippe Beaulieu, p. 25-42. 37 Luc Vaillancourt, La lettre familière au XVI e siècle. Rhétorique humaniste de l’épistolaire, Paris, Honoré Champion, 2003 ; Guy Gueudet, L’art de la lettre humaniste, textes réunis par Francine Wild, Paris, Honoré Champion, 2004 ; et Pedro Martín Baños, El arte epistolar en el Renacimiento europeo 1400-1600, Bilbao, Universidad de Deusto, 2005. Pour un compte rendu de ce dernier ouvrage, voir Claude La Charité, « L’art épistolaire dans l’Europe de la Renaissance. Compte rendu d’El arte epistolar en el Renacimiento europeo 1400-1600 de Pedro Martín Baños », Spirale, Montréal, n o 203, juillet - août 2005, p. 15-16. 38 Voir, notamment, Luc Vaillancourt, « Topologie du registre conversationnel chez Érasme et Guazzo », Tangence, Rimouski, n o 79, automne 2005, p. 75-86. L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renanissance 69 ou les mémoires tels qu’ils ont été pratiqués par Marguerite de Valois, selon la formule d’Érasme dans son Ecclesiastes (1535) : « Qualis est sermo noster, talis est spiritus noster. » Par delà la théorie des traités, il restait, et reste encore dans bien des cas, à voir comment les auteurs de la Renaissance pratiquent la rhétorique. Fumaroli a d’ailleurs esquissé ce à quoi pareille étude pourrait ressembler dans L’âge de l’éloquence. Ainsi, il fait valoir que Rabelais est à la fois érasmien « par son goût du comique et de l’ironie » et budéien par son « inspiration enthousiaste » « féconde en métaphores et en allégories qui enveloppent la richesse, cachée au vulgaire, des “choses” ultimes de la sagesse » (AE, 450-451). Il fait de Montaigne un budéien en raison de son enthousiasme socratique qui force « le français à prêter sa voix à Socrate, à Caton, à Sénèque », sans toutefois qu’il soit oublieux de « la leçon d’ironie érasmienne » (AE, 451). Même si une étude d’ensemble sur la rhétorique de Rabelais est encore à venir, et par-delà l’étude de Cave sur l’influence de la copia érasmienne 39 (antérieure à L’âge de l’éloquence), il existe des études ponctuelles qui mettent en valeur l’influence tant d’Érasme que de Budé dans sa pratique de la lettre (en particulier ma Rhétorique épistolaire de Rabelais parue en 2003 40 ). Anna Ogino a proposé, quant à elle, une lecture rhétorique des déclamations rabelaisiennes dans son livre Les éloges paradoxaux dans le Tiers et le Quart livres de Rabelais (1989 41 ). Certains articles de Guy Demerson, de Paul J. Smith ou de moi-même abordent des questions plus larges comme les liens entre la rhétorique et la création rabelaisienne ou plus spécifiques comme la dispositio épidictique, la prosopopée, le lieu de l’antécédent, l’actio oratoire 42 , etc. 39 Terence Cave, The Cornucopian Text. Problems of Writing in the French Renaissance, Cambridge, Clarendon Press, 1979. Ce livre a été traduit en français par Ginette Morel sous le titre de Cornucopia : figures de l’abondance au XVI e siècle, Paris, Macula, 1997. 40 Claude La Charité, La Rhétorique épistolaire de Rabelais, Québec, Nota bene, coll. « Littérature(s) », 2003. 41 Anna Ogino, Les éloges paradoxaux dans le Tiers et le Quart livres de Rabelais. Enquête sur le comique et le cosmique à la Renaissance, Tokyo, Tosho, 1989. 42 Guy Demerson, « Tradition rhétorique et création littéraire chez Rabelais », Études de lettres, Lausanne, n o 2, avril - juin 1984, p. 3-23 ; Paul J. Smith, « Aspects de la rhétorique rabelaisienne », Neophilologus, Amsterdam, vol. 67, n o 2, avril 1983, p. 175-185 ; Paul J. Smith, « Fable ésopique et dispositio épidictique. Pour une approche rhétorique du Pantagruel », dans Michel Simonin (sous la dir. de), Rabelais pour le XXI e siècle. Actes du colloque du Centre d’études supérieures de la Renaissance (Chinon-Tours 1994), Genève, Droz, coll. « Études rabelaisiennes », XXXIII, 1998, p. 91-104 ; Claude La Charité, « La prosopopée chez Rabelais », dans Annie Cloutier, Catherine Dubeau et Pierre-Marc Gendron (sous la dir. de), Savoirs et fins de la représentation sous l’Ancien Régime, Québec, Presses de l’Université Laval, 70 Claude La Charité La question de la rhétorique chez Montaigne a été beaucoup plus étudiée et a donné lieu à la tenue de deux colloques dont les actes ont été publiés. Il s’agit de la Rhétorique de Montaigne (1985) sous la direction de Frank Lestringant et de Montaigne et la rhétorique (1995 43 ) sous la direction de John O’Brien, Malcolm Quainton et James J. Supple. Même s’il est à souhaiter que des analyses rhétoriques soient également menées sur d’autres auteurs de la Renaissance française, notamment Marguerite de Navarre (à laquelle une thèse a récemment été consacrée dans cette perspective 44 ), les études d’ensemble sur la rhétorique et la littérature au XVI e siècle sont encore rares. On peut toutefois relever la remarquable monographie de Jean Lecointe sur la persona littéraire à la Renaissance, L’idéal et la différence (1993 45 ), et l’ouvrage de Francis Goyet sur le lieu commun 46 . * * * L’exhaustivité dans l’inventaire de la postérité de L’âge de l’éloquence, et plus largement du paradigme rhétorique inauguré par Fumaroli, est évidemment exclue, tant cet héritage est abondant et protéiforme. Il est évident que, dans les décennies à venir, de nombreux travaux viendront encore approfondir, développer et nuancer les intuitions fécondes peu ou pas explorées que coll. « Cahiers du CIÉRL », n o 1, 2005, p. 9-19 ; Claude La Charité, « De Architectura Orbis et De l’excellence et immortalité de l’ame (ca 1532) d’Amaury Bouchard : l’expression figurée et le lieu de l’antécédent », dans Marie-Luce Demonet (sous la dir. de), Les Grands Jours de Rabelais en Poitou, Genève, Droz, collection « Études rabelaisiennes », 2006, p. 133-143 ; Claude La Charité, « La disputation par signes et la “philochirosophie” », dans Jean Céard et de Marie-Luce Demonet (sous la dir. de), actes du colloque international de Cerisy : Rabelais la question du sens, Genève, Droz, collection « Études rabelaisiennes », à paraître. 43 Frank Lestringant (sous la dir. de), Rhétorique de Montaigne, Paris, Honoré Champion, 1985 ; et John O’Brien, Malcolm Quainton et James J. Supple (sous la dir. de), Montaigne et la rhétorique. Actes du colloque de St. Andrews, Paris, Honoré Champion, 1995. 44 Véronique Montagne, « Ceste tant aymée rhétorique » : dialogue et dialectique dans l’Heptaméron de Marguerite de Navarre, thèse de doctorat soutenue à l’Université de Paris-IV-Sorbonne en 2000, sous la direction de Mireille Huchon. Voir également Claude La Charité, « Rhetorical Augustinianism in Marguerite de Navarre’s Heptaméron », Allegorica, Saint-Louis (Missouri), numéro thématique consacré à Augustin à la Renaissance sous la direction de Richard Keatley, volume XXIII, 2002, p. 55-88. 45 Jean Lecointe, L’idéal et la différence. La perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Genève, Droz, 1993. 46 Francis Goyet, Le sublime du « lieu commun ». L’invention rhétorique dans l’Antiquité et à la Renaissance, Paris, Honoré Champion, 1996. L’âge de l’éloquence et l’angle mort de l’histoire littéraire de la Renanissance 71 recèle toujours le maître livre de Fumaroli plus d’un quart de siècle après sa première édition. Par exemple, il n’est pas certain que l’entrée dans la « lice délibérative » d’Henri III ait été aussi scandaleuse que l’affirme Fumaroli (AE, 494-495). Des trois rhétoriques écrites à l’usage du dernier des Valois, deux au moins semblent envisager favorablement que le roi puisse recourir à la toute-puissance de la parole, au plus fort de la tourmente des guerres civiles, non seulement dans le cas de réponses impromptues à des ambassadeurs, mais aussi dans des assemblées délibératives comme les États généraux 47 . Par delà les points de détail et même les considérations méthodologiques qui ont pu contribuer à l’émergence de l’histoire de la rhétorique et à la refondation de l’histoire littéraire sur de nouvelles bases, le legs le plus important de Fumaroli reste sans doute la volonté sans cesse réaffirmée de rétablir la transmission, interrompue par la guerre, le marxisme et le structuralisme, de cette culture littéraire millénaire et de l’intelligence littéraire classique dont elle est porteuse, qui fait sourire l’homme de l’homme et qui est un puissant antidote à la peur diffuse véhiculée par l’intelligence littéraire moderne. On ne pourra que lui être reconnaissant de ce que, après des décennies de table rase, nous ayons désormais le luxe d’aller et venir entre ces deux formes d’intelligence littéraire et de féconder l’une par l’autre. 47 Seul le traité de Jacques Amyot a fait l’objet d’une édition moderne : Jacques Amyot, Projet d’éloquence royale, préface de Philippe-Joseph Salazar, Paris, Belles Lettres, coll. « Le corps éloquent », 1992. Il existe par ailleurs un Avant-discours de rhetorique, ou Traitté de l’eloquence de Jacques Davy Du Perron et une certaine Rhetorique françoise faicte particulierement pour le roy Henry 3 d’un auteur anonyme. Une séance réunissant Marilyne Audet, Roxanne Roy et moi-même sera d’ailleurs consacrée à « Henri III rhéteur » à l’occasion du prochain congrès bisannuel de la Société internationale d’histoire de la rhétorique qui se tiendra en juillet 2007 à l’Université Marc-Bloch de Strasbourg. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Le rôle pionnier de Marc Fumaroli dans l’histoire du XVII e siècle Jean-Marie Constant Dans l’œuvre considérable de Marc Fumaroli, les historiens n’ont que l’embarras du choix pour puiser des idées nouvelles, qui les entraînent vers des paysages transformés du XVII e siècle. En effet, ses ouvrages ont souvent une dimension pluridisciplinaire, qui apporte au grand siècle, une couleur originale et un éclat particulier. J’ai choisi, de façon très subjective, des publications, qui ont eu une très grande influence sur les travaux que j’ai pu mener. Le premier ouvrage, que j’ai rencontré, est la publication des Mémoires d’Henri Campion, qui sont suivis par les Entretiens d’histoire, de politique et de morale. Je vais m’attarder à montrer l’importance de ce livre, pour la connaissance de cette première moitié du XVII e siècle, que j’oserai qualifier de baroque, par rapport à la période qui a suivi, à qui toutes les qualités, du classicisme du règne de Louis XIV, sont attribuées. Puisqu’il est nécessaire de choisir, je me pencherai ensuite sur le séminaire du Collège de France, qui a été consacré à Marie de Médicis. Cette reine est poursuivie par une légende noire, qu’elle est loin de mériter. Ce beau livre consacré à une Reine qui a été une mécène et a joué un rôle important, me paraît être aussi une œuvre entièrement pionnière. En conséquence, je choisirai d’évoquer l’édition, avec présentation et annotations des Mémoires d’Henri de Campion, puis son activité politique à travers son témoignage et les Entretiens, enfin le siècle de Marie de Médicis, qui représente une initiative majeure, pour le renouvellement de l’histoire du XVII e siècle. Les Mémoires d’Henri de Campion Les Mémoires d’Henri de Campion représentent une mine d’informations pour un historien du XVII e siècle. Alors qu’il était un jeune universitaire, Marc Fumaroli a compris toute l’importance de ces textes émanant des frères Campion, pour la compréhension de l’histoire de la première moitié du XVII e siècle. Henri est un gentilhomme de Normandie, cadet d’ancienne 74 Jean-Marie Constant noblesse. Né en 1613, issu d’une famille amie de Corneille, il a sans doute écrit la plus grande partie de son texte, après la Fronde, dès août 1654. Très touché par la mort de sa fille, âgée de quatre ans, il sort très marqué par cette épreuve qui constitue une profonde rupture dans sa vie. Il se tourne alors vers l’écriture avec le désir de raconter les rapports, qu’il a entretenus avec la Maison de Vendôme et notamment de dire ce qu’il a sur le cœur contre le duc de Beaufort, héros de la Cabale des Importants et de la Fronde. En même temps, il estime qu’après la mort de Mazarin, en 1661, il peut témoigner en toute liberté. Il écrit : « Le Cardinal de Mazarin étant mort, il n’y a plus à craindre de lui nuire, ni à personne en disant les choses comme elles sont ». Le texte a été complété à plusieurs reprises, notamment après la mort de sa femme en 1659. Sa vie, racontée par lui-même, ressemble à un modèle, celui du gentilhomme baroque. Comme ses compagnons d’armes, il partage la passion du point d’honneur, celle du jeu, de l’ambition, de la réussite. Les nobles de l’époque sont des joueurs invétérés, qui méprisent tous les dangers, lors des duels ou dans d’interminables parties au cours desquelles ils risquent le peu d’argent qu’ils possèdent et s’endettent. Ils s’engagent avec facilité et sans trop réfléchir dans des complots qui les conduisent facilement en prison ou à l’échafaud. Henri de Campion est comme les autres gentilshommes, au centre des contradictions entre le comportement de groupe, auquel il est difficile de se soustraire et l’obéissance au Roi et à l’Eglise, qui condamnent ces pratiques. Cette culture noble, qui glorifie le geste individuel du gentilhomme, se heurte à celle de l’État, qui veut imposer sa norme et à celle de la réforme catholique, soucieuse d’autres idéaux. Néanmoins, tout en étant un gentilhomme baroque typique, par sa culture et son néo-stoïcisme, Henri de Campion est une personnalité originale, dont l’itinéraire politique, militaire et social est particulièrement riche, puisqu’il a posé le pied dans l’opposition à la monarchie absolue avant de rallier Mazarin. Il est aussi un homme libre qui place la conscience individuelle et sa propre réflexion au-dessus de l’esprit partisan de groupe ou de famille. Il n’hésite pas à exprimer la profonde douleur qu’il ressent à la mort de sa fille, alors que l’époque n’éprouve souvent que du mépris pour les enfants. Par bien des côtés, comme un certain nombre de baroques tel Racan, il annonce la sensibilité romantique de Vigny et de Victor Hugo. La contemplation de la nature lorsqu’il est en exil à Jersey, pendant deux ans, en est une preuve supplémentaire. Henri de Campion a aussi une autre particularité : il est un cadet de noblesse qui porte le nom de sa terre Feuguerais. Alexandre, l’aîné et le chef de la famille après la mort du père, a été élève des Jésuites alors qu’Henri a dû se contenter d’une éducation moins coûteuse, étudier chez un oncle maternel. Subordonné à son aîné, comme la tradition l’exige, il en souffre et Le rôle pionnier de Marc Fumaroli dans l’histoire du XVII e siècle 75 désirerait volontiers une vie plus libre et plus indépendante. Un autre frère, plus jeune que lui, Nicolas, prieur de Vert-sur-Avre, a été voué à l’Église. Entre Alexandre, expert en intrigue, et en contestation politique, qui a été l’un des hommes du comte de Soissons puis des Vendôme, sans se poser trop de problèmes de conscience et Nicolas, l’homme de Dieu, Henri évolue. Attiré d’abord par l’engagement d’Alexandre, mais affolé par les débordements de sa vie, il retrouve la paix de l’âme, proche de son idéal, auprès de son cadet, contemplatif et conciliant. Henri a reçu, en effet, de son oncle Edme de Pilliers, un enseignement moral et littéraire bien supérieur à celui de la moyenne des gentilshommes de son temps. Il indique ses lectures : Sénèque, Plutarque, Montaigne et son disciple Charron. Il est tellement passionné par cette culture, qu’à l’armée, il transporte une charrette avec ses livres et organise des discussions morales et philosophiques avec ses camarades, forum qui ressemble fort à un séminaire aux armées et qui rencontre un gros succès. Marc Fumaroli a admirablement su faire le parallèle entre cette éducation et le destin d’Henri de Campion, soupçonnant qu’entre la culture de ces nobles et l’action qui est leur lot quotidien, il existait une relation subtile, qui est une des marques secrètes du mouvement de l’histoire. Il montre que Plutarque, qui a été son livre de chevet, a enflammé l’imagination du jeune cadet, sans fortune, avide de conquérir la gloire, tout en restant fidèle à la noblesse de son âme. En même temps, cette éducation stoïcienne lui fait prendre conscience des désordres du monde et des passions. Il emploie le mot, dit Marc Fumaroli, dans « le sens d’une quête harassante de la poursuite du faux bien qui échappe toujours à la prise jusqu’au jour où il se dissipe comme un vain mirage ». Marc Fumaroli a compris à quel point le XVII e siècle est plein de cette contradiction : la passion de la gloire et parallèlement une aspiration au repos ou à la retraite. Le retrait, à l’écart du monde, pour un retour sur soi ou vers Dieu, se retrouve dans nombre de trajectoires. On peut citer Racan, Guez de Balzac, la Grande Mademoiselle, Madame de Chevreuse, Madame de Longueville, Madame de Sablé et bien d’autres. Cet univers impitoyable de la vie nobiliaire du cadet, qui aspire à la liberté et doit se soumettre à la tradition, l’oblige à renoncer à l’amour de sa vie, Mlle de Fontaine, à cause de l’opposition de son frère aîné à cette union car il trouve ce parti trop bon, pour son cadet. Mais à propos de cet amour très fort d’Henri, qui ressemble à celui des personnages de l’Astrée, un des livres, qui a eu le plus de succès au XVII e siècle, chez les élites, Marc Fumaroli montre à quel point la double culture littéraire et historique est nécessaire. En 1634, Corneille, très lié aux Campion, sur le plan familial et amical, est l’auteur d’une comédie, La Place Royale, publiée en 1637, l’année précisément où commence l’idylle d’Henri de Campion avec Mlle de Fontaine. Ce jeu, entre la vie réelle et la littérature, est certainement un trait 76 Jean-Marie Constant essentiel, pour saisir le comportement des gens de ce premier dix-septième siècle. Après cet échec matrimonial, il épouse Mlle de Martinville, jeune fille d’une « douceur merveilleuse » qui lui apporte « une honnête affection ». On comprend que la mort de la petite Louise-Marie dans le manoir de Boscferei, loin des agitations du monde, lui soit apparue comme un incompréhensible coup du destin. Henri de Campion, ses frères, ses amis et la politique Si Henri s’est résigné à obéir à la décision de son aîné, concernant son mariage avec Mlle Fontaine, il ne s’inclinera pas devant sa volonté, à propos du complot contre Mazarin. Au départ, convaincu comme son frère, de la nécessité de lutter contre la tyrannie de Richelieu, il entre au service du comte de Soissons, puis après la mort de ce dernier, en 1641, il se voue au duc de Beaufort, qui a cru, après la mort de Louis XIII, qu’il allait être le maître des affaires de l’Etat, auprès de la régente Anne d’Autriche. Là encore, le double regard littéraire et historique de Marc Fumaroli, éclaire singulièrement cet épisode qu’il voit comme une tragédie. L’historien le plus traditionnel, commentant ces faits, aurait bien souligné l’influence de la duchesse de Montbazon, qui inspire une passion dévorante à Beaufort et celle de la duchesse de Chevreuse, pour exiger l’assassinat de Mazarin. Marc Fumaroli va plus loin car sa culture pluridisciplinaire lui apporte les vraies clés de cette histoire. Lorsqu’il compare le chantage exercé par la belle Émilie sur Cinna (1640), au récit d’Henri de Campion, il se place au cœur du discours baroque et de l’action, qui l’accompagne. Cette imbrication, de la réalité politique et de la tragédie, du comportement de ces baroques, par rapport à des modèles littéraires, influencés eux-mêmes, par la réalité observée, est certainement la meilleure opportunité pour la compréhension des événements. Les historiens du temps passé, imperméables à des regards croisés et aux comparaisons, ont souvent été surpris, voire interloqués par les attitudes politiques de l’époque, parce qu’ils ne croyaient pas à l’influence de la culture et notamment du théâtre, sur la stratégie des hommes et des femmes du temps. Henri de Campion a été choisi pour devenir le bras de ce qu’il considère comme un crime et il refuse ce geste en disant qu’il se tuerait « plutôt que de faire une action de cette nature ». Entre la fidélité au duc de Beaufort, selon les canons de la morale nobiliaire traditionnelle et sa conscience, Henri a choisi sa liberté. On voit ainsi l’importance d’un tel texte sur le plan politique, car il met en avant une évolution de la sensibilité d’une partie de la noblesse en voie d’acculturation. Le Comte de Montrésor, grand opposant à Richelieu, prend son autonomie vis-à-vis du duc d’Orléans, au cours de Le rôle pionnier de Marc Fumaroli dans l’histoire du XVII e siècle 77 la même période, pour d’autres raisons. Les mouvements nobiliaires, qui accompagnent la Fronde, comme l’assemblée de noblesse de 1651, ou la révolte de 1658-1659, montrent qu’il s’agit là d’une tendance certes minoritaire, mais riche d’avenir. Ces milieux nobles d’opposition, imprégnés des idées de liberté, que Quentin Skinner a qualifiées de néo-romaines, sont à la recherche d’un modèle politique nouveau, pour remplacer la monarchie absolue. Ces débats, qui agitent les milieux nobles, sont admirablement reflétés dans les Entretiens. Ce document exceptionnel, que Marc Fumaroli a sorti de l’ombre, permet de connaître les motivations des opposants à la dictature de guerre de Richelieu. Alexandre Campion, sous le pseudonyme d’Ericrate (expert en intrigues), est le responsable de ce petit groupe de réflexion. Henri, surnommé Phronimon (le sage) est aussi enthousiaste que son aîné. Le troisième, Nicolas, Agathiste (le plus accompli), représente le pôle ecclésiastique comme Monsieur de la Ferté, évêque du Mans, Zénopompe (le messager de Zeus), qui doit son bénéfice à Louis XIII lui-même, contre la volonté, selon Tallemant des Réaux, de Richelieu. Il faut y ajouter : Monsieur de Troncé, Apiste (le sceptique) grand voyageur en Turquie et aux Indes, qui fait parade de son esprit libertin, Monsieur de Bailleul, Cristobule (celui qui est d’excellent conseil), fils d’un militaire, maréchal de camp, Monsieur de Beauregard, Hédomène (l’enjoué), attaché au comte de Soissons et Nosophile (l’ami des malades) qui est un médecin de Dreux. Ces travestissements, dans des rôles qui sont pratiquement ceux du théâtre, renforcent l’idée énoncée plus haut, d’une relation forte entre les arts et la politique. Ces entretiens, rédigés par Nicolas Campion, relatent des débats, qui se sont déroulés dans les premiers mois de 1641, l’année précisément de la révolte du Comte de Soissons et sans doute avant sa victoire militaire et sa mort. D’abord, tous ces hommes ont conscience de constituer une arche de liberté semblable à celle de Noé au moment du déluge. Ensuite, leur objectif est de parler en toute liberté pour préparer une sorte de réforme de l’Etat. Enfin, grâce à ces Entretiens, la définition de la liberté, selon l’opposition nobiliaire à Richelieu, est mise à jour. Alexandre Campion déclare : quand je fais réflexion, sur la pleine liberté que les Français ont toujours prise de murmurer et de se plaindre, sous les règnes les plus doux, je ne dis pas chez eux, à la campagne, mais dans les villes et à la cour même et que je vois maintenant qu’à peine on ose parler de sa propre misère dans sa maison et avec sa famille : j’ai peine à reconnaître la France dans un État si réformé. Il présente ainsi la liberté de façon originale en la plaçant dans un domaine spatial. Il distingue trois espaces où la liberté peut s’exprimer. Le principal est, à la campagne, dans la maison noble, où le gentilhomme vit entre ses 78 Jean-Marie Constant parents et ses amis. Le deuxième se situe à la ville, centre de relations de pouvoir et de richesse, univers beaucoup plus surveillé et civilisé que le plat pays. Enfin, la cour, le lieu de résidence du roi et de tous ceux qui se voulaient ses proches, est celui où se font et se défont toutes les carrières. L’entourage du souverain, comme le monde urbain devenaient, pour les opposants, des endroits où ils ne se sentaient plus en sécurité. Néanmoins, pour eux, Richelieu a franchi une étape décisive, en exerçant sa surveillance jusqu’au cadre privé, jusque-là préservé. Henri le reconnaissait de façon plus politique et plus historique en disant : « je trouve beaucoup de rigueur à priver un si grand peuple d’une liberté dont il a joui pendant douze cents ans ». Il y avait, dans tout le groupe, le sentiment d’une rupture avec une tradition séculaire de liberté. Pour eux, La France était passée de la liberté à la tyrannie. La brutalité de ce changement les incitait à la lutte et à la mobilisation. Le plus grave, pour eux, virtuoses du discours, était la privation de la liberté d’expression. Ils incriminaient le régime de guerre de Richelieu et militaient pour la paix, soupçonnant le cardinal de faire durer les combats pour mieux s’accrocher au gouvernement. Leur néo-stoïcisme les incitait à considérer, que le principal ministre était victime de sa passion pour le pouvoir. Il était donc condamnable. À partir de ce constat, la discussion s’organise autour de quelques thèmes et leurs arguments étaient alimentés par des exemples pris dans le monde romain, l’histoire de France ou l’actualité, qui leur était familière, en France, en Angleterre ou en Espagne. Leur inspiration philosophique se trouvait dans la religion catholique, la culture romaine, le stoïcisme et Machiavel. L’idée de Machiavel, selon laquelle, il faut gouverner par la crainte ou par l’amour, est révélatrice de leur état d’esprit : pour eux, le pouvoir est centré, sur la personne du Roi, qui doit faire preuve à la fois de volonté et de prudence. Le modèle du souverain restent Auguste, Tibère, avec réserves, Septime-Sévère et Aurélien. L’action de Louis XI est vantée alors que celle de Louis XII, monarque trop bon et trop tendre, est critiquée. La monarchie, à l’anglaise, ne semble pas non plus avoir leurs faveurs, puisque Beauregard prend parti pour Charles I°, en disant, qu’il aurait dû supprimer le parlement, usurpateur du pouvoir royal. Ainsi dans l’entourage du comte de Soissons, la réflexion ne dépassait pas le cadre de la monarchie capétienne. Pour eux, tout était question d’équilibre, entre sévérité et douceur, l’harmonie étant le maître-mot d’un projet politique. Ainsi, Alexandre Campion exalte la sagesse de Romulus, en déclarant qu’il a établi un Sénat, rempart de la liberté contre la tyrannie. Le Sénat, la religion et la loi sont des garanties qui protègent le peuple contre toute forme de despotisme, l’idéal étant bien sûr d’allier monarchie, aristocratie et démocratie, selon la tradition. On comprend alors les raisons de l’échec de l’opposition à Richelieu et à Mazarin. Sa vision aristotélicienne du monde, sa conception biologique Le rôle pionnier de Marc Fumaroli dans l’histoire du XVII e siècle 79 de la société, ne lui permettent pas d’envisager les nouveaux concepts qui apparaîtront, avec Locke, lors de la glorieuse révolution anglaise de 1688-1689. La séparation entre le pouvoir législatif et l’exécutif, ne peut se concevoir qu’avec le triomphe de la philosophie nouvelle du XVII e . En 1641, ceux, qui réfléchissent à une alternative à la monarchie absolue, ne sont pas armés conceptuellement, pour imaginer un autre régime. C’est pourquoi l’importance de ces textes, publiés par Marc Fumaroli, dès 1967, est si grande, car ils renseignent sur les aspirations des nobles les plus critiques, face au développement de la monarchie absolue. Ils sont révélateurs des blocages psychologiques dont ils sont les victimes ou les acteurs. Même si les débats sont factices, puisque les protagonistes jouent un jeu de rôle, certains d’entre eux interprétant le rôle de Richelieu, pour donner plus de vie aux Entretiens et surtout pour mieux accabler le cardinal. Un autre problème rencontré par l’opposition et révélé par ces textes, est son extrême division en clans, qui se déterminent en fonction de leurs affections, liens d’amitié, de fidélité ou de clientèle. Autour des Campion, le travail se fait pour le bénéfice du comte de Soissons, plus tard pour les Vendôme. Aucune allusion n’est faite à Marie de Médicis alors que La Rochefoucauld détermine ses idées et ses réflexions, par rapport à la régence. Il écrit dans ses Mémoires : « Tant de sang répandu et tant de fortunes renversées avaient rendu odieux le Ministère du Cardinal de Richelieu, la douceur de la régence de Marie de Médicis était encore présente et tous les grands du royaume qui se voyaient abattus, croyaient avoir passé de la liberté à la servitude ». Or, La Rochefoucauld est né en 1613, comme Henri de Campion. De la même génération, pratiquant le même combat avec le même objectif, ils évoluent dans des univers qui ne communiquent pas entre eux. L’une des différences est que Soissons ou Vendôme n’ont jamais exercé le pouvoir alors que les régentes, soutenues par Rochefoucauld, ont joué un rôle fondamental dans l’histoire du XVII e siècle. C’est justement à propos de Marie de Médicis que Marc Fumaroli a exercé aussi sa perspicacité et son sens de l’innovation en allant à contre-courant de la tradition historiographique. En effet, la régente est poursuivie par une légende noire, qui l’accable sous la critique ou l’indifférence. Il est vrai qu’elle a eu la malchance de se trouver entre deux mythes nationaux, Henri IV et Richelieu. Le siècle de Marie de Médicis Dans la préface des Actes du séminaire du Collège de France, de l’an 2000, Marc Fumaroli raconte comment l’idée de consacrer à Marie de Médicis, un 80 Jean-Marie Constant ouvrage d’une telle ampleur, lui est venue. Feuilletant un magnifique livre, provenant de la bibliothèque de « Madame Elisabeth, sœur et compagne de martyre de Louis XVI », il s’est aperçu que cette histoire de France, datée de 1774, composée par un précepteur de la princesse, oubliait d’évoquer Marie de Médicis et passait directement d’Henri IV au règne personnel de Louis XIII. Or, Marie de Médicis a gouverné la France de 1610 à 1617 puis a partagé le pouvoir avec son fils de 1622 à 1630. Effectivement, les historiens ont, dès le XVIII e siècle, effacé son nom. Michelet a été le premier à juger sévèrement la régence dans son Histoire de France. Il a été suivi par beaucoup d’autres. Le sommet a sans doute été atteint par le grand historien Henri Hauser qui écrit dans La prépondérance espagnole (1559-1660) dans la prestigieuse collection Peuples et civilisations que : Marie de Médicis … était la proie de ses conseillers florentins … Concini, figure aussi enigmatique, dont l’histoire ne peut dire s’il était un simple coureur d’aventure, avide d’honneurs et d’argent ou s’il avait en lui l’étoffe d’un homme d’état selon Machiavel … Marie mère d’un enfant de neuf ans qu’elle semble avoir maintenu à dessein dans un état d’hébétude intellectuelle, entendait bien liquider la politique d’Henri IV, disgracier le gênant et grognant Sully, gouverner avec les plus catholiques débris du précédent règne (Villeroy, Sillery, Jeannin) avec le père Cotton et le nonce Ubaldini. Hubert Méthivier, dans son petit chef d’œuvre, Le siècle de Louis XIII et de Richelieu, de la collection Que sais-je ? , n’est pas plus tendre qu’Henri Hauser, mais il lui reconnaît le mérite d’avoir choisi Richelieu comme ministre. Dans l’Ancienne Clio, Edmond Préclin est beaucoup plus prudent et s’efforce de s’en tenir aux faits, sans jugements de valeur et sans commentaires désobligeants. Victor Lucien Tapié dans La France de Louis XIII et de Richelieu, est aussi très mesuré, s’efforçant de faire la part des événements en essayant de juger avec objectivité. Michel Carmona, dans sa biographie de Marie de Médicis a osé des circonstances atténuantes, mais demeure dans la tradition historiographique. Dans le Dictionnaire du Grand Siècle, j’avais prudemment esquissé quelques pistes de réflexion en soulignant que le règne de Marie de Médicis, incarnait « une autre conception de l’État moderne, plus soucieuse du respect des traditions monarchiques, plus conservatrice sur le plan institutionnel et désireuse d’améliorer le sort matériel des peuples ». En 1991, Hélène Duccini publiait une biographie de Concini, dans laquelle elle abandonnait les vieux clichés des pamphlets polémiques de l’époque, pour analyser la politique du favori en le replaçant entre Sully et Richelieu, dans la continuité des grands ministres de la monarchie. Dans un second livre sur l’opinion publique, elle montrait le rôle éminent des médias de l’époque et comment on pouvait fabriquer l’opinion publique. Le rôle pionnier de Marc Fumaroli dans l’histoire du XVII e siècle 81 Cependant il faut attendre le livre d’Yves Marie Bercé, La naissance dramatique de l’absolutisme (1598-1661), pour qu’un véritable tournant s’amorce : Si l’on juge l’arbre à son fruit, la période de son gouvernement fut l’une des plus prospères et brillantes de l’âge moderne. Les jugements péjoratifs portés à l’encontre de son gouvernement, se sont arrêtés à la surface des événements, aux agitations confuses des actions princières et des intrigues de cabinet qui semblaient peser sur les destinées du pays. La réévaluation était en marche. Le séminaire du Collège de France comme l’exposition au château de Blois de 2003-2004, s’inscrivent dans ce mouvement en apportant une note glorieuse et prestigieuse pour évoquer Le siècle de Marie de Médicis. La formule pourrait réveiller les vénérables historiens de la III e république, qui croyaient avoir enterré définitivement cette reine de France, qui n’était pas à leur goût et ne répondait pas à leurs aspirations du moment. Il fallait donc un certain courage à Marc Fumaroli pour lancer une telle contre-offensive, en se plaçant résolument sur le terrain de la culture et de la civilisation. Dans la préface, il explique d’abord que la formule « le siècle » n’a rien d’hyperbolique. Il écrit : ce que l’on entend au XVII e et XVIII e siècle par siècle (siècle de Périclès, d’Auguste, de Léon X, de Louis XIV) ne désigne pas une période de cent ans, mais un règne qui a fait époque dans l’histoire de ce que les lumières ont nommé civilisation (….) la notion classique de siècle s’applique moins à une réussite politique qu’à un éclat de la civilisation. Sur ce terme, il nous a paru possible et souhaitable de réhabiliter Marie. Il souligne la dette contractée par Richelieu vis-à-vis d’elle : Avec Marie et ses Italiens, c’était l’expérience brillante de la cour de Toscane et de la curie romaine post-tridentine, qui s’était transportée à Paris en 1600. La chose reste latente jusqu’à la mort d’Henri IV. La régente, Reine-Mère, s’est alors trouvée à même de déployer, à l’échelle de la cour de France, ce qu’elle avait appris, à Florence, du gouvernement par les arts. Etroitement associé à cette tentative, Richelieu a eu tout le temps d’en méditer pour sa propre gouverne, le fort et le faible. Certes, les historiens avaient retenu des relations de Richelieu et de Marie de Médicis la rupture de la journée des Dupes de 1630, qu’il est toujours aussi difficile d’interpréter, l’éloignement de Rubens, qui devait réaliser une grande série de tableaux de l’histoire d’Henri IV qui aurait dû faire pendant à la somptueuse série achevée de Marie de Médicis. Selon Marc Fumaroli, Rubens et la Reine Mère symbolisaient l’Europe des Habsbourg dont Richelieu voulait éloigner la France. Par la même occasion, il s’interroge sur des phénomènes 82 Jean-Marie Constant de longue durée. Pourquoi sous Marie de Médicis ou Anne d’Autriche, le gouvernement à l’italienne par les arts, qui avait si bien réussi aux pontifes romains et aux grands ducs de Florence, n’a pu prendre tel quel à Paris ou à Londres. Il souligne, que Richelieu et Louis XIV ont dû « dessiner par étapes, une version résolument française (…) pour que la greffe prît durablement dans le royaume ». Il insiste sur un trait anthropologique de la société française. Bien que sous le patronage direct ou indirect de Marie de Médicis, des poètes et des comédiens italiens viennent s’installer en France, que des tableaux et des objets de vertu affluent dans le royaume, l’accueil réservé par les Français à ces richesses italiennes n’est pas facile. La société française, selon l’expression de Marc Fumaroli, est jalouse et marquée par « la sévérité calviniste et gallicane ». Il incrimine les guerres de religion en remarquant que l’influence italienne s’imposait plus facilement sous François I er et Catherine de Médicis, marquant par là que les quarante années de guerres civiles ont profondément transformé et même acculturé les sensibilités des élites. Il conclut ce paragraphe, qui ouvre de nombreuses pistes de recherche, en écrivant : On ne peut cependant sous-estimer, ni la qualité de ce que l’Italie des lettres et des arts, dans le sillage de Marie, offrit aux Français de la génération de Théophile et de Vouet, ni le mérite qu’ont eu la reine et son entourage : ils ont largement contribué à faire rentrer la France - après un demi-siècle de guerres civiles et d’iconoclasme protestant - dans le concert des arts européens, dont l’Italie était le Parnasse. En même temps, il souligne l’universalité de la culture de Marie de Médicis, qui a passé commande non seulement aux Italiens et en Italie, mais à des grands peintres flamands comme Rubens ou Fourbus ou à des Français comme Philippe de Champaigne. Il rappelle, qu’en 1615, elle a fait pourvoir le jeune Simon Vouet, d’une bourse, pour lui permettre d’achever sa formation en Italie, « inaugurant le principe de l’Académie de France à Rome, qui deviendra cinquante ans plus tard, par la volonté de Colbert et pour trois siècles, la souche mère des arts français ». On sait que Simon Vouet, après son retour en France, va former dans son atelier, à partir de 1628, La Hire et Le Sueur. Elle a aussi fait venir en France, le plus grand poète florentin vivant, Marino, auteur de l’Adone. Il prendra en amitié Nicolas Poussin, qui pourra ainsi parfaire sa formation à Rome. Parallèlement, elle manifeste une ouverture d’esprit extraordinaire, en choisissant comme architecte de son Palais du Luxembourg, Salomon de Brosse, français et calviniste, et non un Italien. Elle perpétue ainsi le souvenir d’une vraie Reine de France, soucieuse de répondre aux vœux des élites de sa nouvelle nation. Elle n’a pas reproduit le Palais Pitti, de sa jeunesse, Le rôle pionnier de Marc Fumaroli dans l’histoire du XVII e siècle 83 comme on aurait pu l’imaginer, mais elle paraît désireuse de réaliser la synthèse entre château à la française et le modèle florentin. Ce très beau volume, très neuf dans sa conception, comprend trois parties, l’une concerne la reine florentine, la seconde les rapports de Marie et des artistes et la troisième, le dialogue des lettres italiennes et françaises. Une riche iconographie l’accompagne et on peut dire que Marc Fumaroli, par l’organisation de ce séminaire et de cette publication, contribue à la réhabilitation d’une reine mal regardée par une historiographie française ancienne relativement fermée, mais aussi à annoncer de nouvelles perspectives pour la recherche sur un XVII e siècle, plus européen et plus international qu’on ne le soupçonnait. Conclusion Choisir deux ouvrages de Marc Fumaroli peut paraître dérisoire lorsqu’on connaît l’ampleur et la richesse de son œuvre. Certes, le choix que j’ai opéré est très subjectif et aurait pu se porter sur d’autres livres. Il s’explique par mon métier d’historien du XVI e siècle et de la première moitié du XVII e et par une sensibilité particulière, à des problèmes sur lesquels je me sens en harmonie avec Marc Fumaroli. De plus, il existe une cohérence interne aux trois thèmes développés, qui concernent des personnages, que l’histoire a laissés de côté. En effet, Henri de Campion semble suivre un destin hors norme, mais, en fait, il symbolise un type de gentilhomme d’opposition particulièrement représentatif des itinéraires d’un grand nombre de nobles. Les Entretiens complètent ce portrait, en découvrant les sensibilités, les idées et les débats qui agitaient la noblesse sous Richelieu. Enfin, Marie de Médicis a incarné une autre politique que celle de Louis XIII et de Richelieu. Elle n’a jamais été comprise en France et il est de bon ton de n’en point parler ou de la dénigrer. Réévaluer l’œuvre de la régence de Marie de Médicis et les idées des opposants à la monarchie absolue, est une entreprise, qui mérite d’être tentée, même si elle rencontre encore beaucoup de scepticisme. Un autre point commun aux trois thèmes choisis, pour évoquer l’œuvre de Marc Fumaroli, réside dans ses méthodes d’analyse, qui emportent la conviction, car il sait mêler diverses méthodologies disciplinaires complémentaires. Or, le XVII e siècle ne peut se laisser enfermer dans un système trop simple d’investigation. Les interactions, entre les gestes historiques, les événements, les caractères des personnages, acteurs de l’histoire, les religions, les cultures, les littératures et les arts, sont telles, qu’il faut recourir à des méthodes nouvelles pour percer les secrets de cette époque. Le siècle de Marie de Médicis s’inscrit dans une démarche semblable, mais elle concerne la grande histoire, celle de l’Europe, alors que les itinéraires des 84 Jean-Marie Constant Campion appartiennent à des univers du quotidien nobiliaire, qui n’est pas sans influence sur le cours des événements, mais de façon plus indirecte. Le siècle de Marie de Médicis est là pour démentir près de trois siècles de silence ou de répétitions de jugements hâtifs, fondés sur des polémiques répandues par des pamphlets. L’ouvrage collectif, issu d’un séminaire du Collège de France, fait exploser les idées reçues, en plaçant au cœur de la régence de Marie, son mécénat et ses engagements internationaux en matière culturelle et artistique. À la lecture de ces ouvrages de Marc Fumaroli, l’historien a le sentiment que le premier dix-septième siècle demeure profondément européen et que la culture est une sorte de melting pot, fondateur d’une modernité, qui rencontre bien des réticences dues à des enfermements déjà nationaux, conséquences du traumatisme des guerres de religion et de ses corollaires, la guerre de trente ans et la rivalité séculaire entre les Hasbourg et les Rois de France. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Banalité de la terreur. Chateaubriand et l’âge de la prose Étienne Beaulieu Une sympathie certaine guide la lecture de Chateaubriand par Marc Fumaroli. La critique d’accompagnement se profilant dans le style indirect libre donne à cet ouvrage d’histoire littéraire une ampleur de vue qui permet d’apprécier la surprenante actualité de Chateaubriand, nageur entre deux rives, inventeur littéraire d’un « instrument nouveau 1 », la prose si particulière de l’auteur des Mémoires d’outre-tombe, qui constitue l’héritage singulier laissé par les Belles- Lettres à la littérature naissante et permet d’entrevoir en quoi Chateaubriand se trouve en décalage par rapport à son époque et « appartient à un tout autre monde, qui est déjà le nôtre 2 ». Cette transformation de l’entente de la chose littéraire, survenant au beau milieu de l’œuvre de l’ « Enchanteur » et comme malgré lui, est l’une des mille voies d’entrée possibles dans l’ouvrage de Marc Fumaroli, qui déploie sur la longue durée les origines classiques et les conséquences modernes de ce bouleversement dont les écrivains ultérieurs, de Flaubert à Céline en passant par Proust, ont subi et cartographié les secousses sismiques provenant de l’épicentre de la Terreur. Suivant Chateaubriand lui-même, qui, malgré les apparences, n’a jamais écrit d’autobiographie, pas même dans ses Mémoires d’outre-tombe, mais a plutôt « élevé sa vie au rang d’interprétant d’une Histoire de France 3 », l’ouvrage de Fumaroli fait à son tour de Chateaubriand un interprétant de l’histoire littéraire et procède ainsi à l’inverse d’un biographe en laissant se mirer « l’âme à facettes de Chateaubriand 4 » dans les œuvres et les vies de ses devanciers (Fénelon, Rousseau, Milton) et de ses contemporains (Fontanes, Ballanche, Juliette de Récamier, Tocqueville). Dans le parcours sinueux de la prose qu’il cherche à retracer, le Chateaubriand de Fumaroli ne progresse pas selon une ligne droite, mais dans la recherche « d’un point de fuite qui 1 Marc Fumaroli, Chateaubriand. Poésie et Terreur, Paris, de Fallois, 2003, p. 170. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle CPT suivi de la page. 2 CPT, 97. 3 CPT, 703. 4 CPT, 148. 86 Étienne Beaulieu change sans cesse de direction 5 », rejouant dans l’espace critique l’invention par l’auteur des Mémoires d’outre-tombe « d’une sorte de cubisme du récit, où les perspectives à facettes sur l’événement historique contribuent à le faire saisir de l’intérieur 6 ». De la même manière, la critique littéraire « cubiste » de Marc Fumaroli se déploie en plusieurs volets distincts en apparence mais liés en profondeur. Si les événements et personnages de la vie de Chateaubriand sont répartis, selon un plan classique, en regard « d’un imaginaire de la Terreur, qui fit couler un fleuve de sang entre les temps d’avant et les temps d’après 7 », la prose de Fumaroli travaille cependant, à partir de chacun des tableaux choisis (la période anglaise, l’exil américain, l’Empire, l’engagement dans la Restauration ou le retrait final de l’histoire sous la Monarchie de Juillet), dans la perspective d’une interprétation globale de l’œuvre selon l’un de ces points de vue pris séparément et successivement, que ce soit en regard de son archéologie dans l’œuvre de Chateaubriand ou de ses effets ultérieurs sur une prose qui n’a cessé de se réinventer jusqu’à la toute fin 8 . Comme dans l’effet d’optique d’une cathédrale, qui crée un bougé par une transformation de l’ensemble selon que l’observateur se trouve dans l’axe du transept ou de la nef centrale, la prose de Fumaroli suit le parcours de Chateaubriand dans un lent travelling historique le long duquel s’ajoutent de façon oblique, sous formes de références directes ou d’allusions, les éclairages successifs et inattendus de Joyce 9 , Heidegger 10 ou Kantorowicz 11 . Ce dispositif permet à Fumaroli de redéployer la pensée de Chateaubriand sur plusieurs plans temporels traités simultanément, de Combourg à l’Abbaye-aux-Bois en passant par la Vallée-aux-Loups, les années d’Ancien Régime se superposant à celles vécues au plus fort du siècle des révolutions. Les différentes « sections » de la pensée de Chateaubriand retrouvent aussi par 5 CPT, 351. 6 CPT, 641. 7 CPT, 240. 8 Il est à noter qu’en regard de la densité des références aux textes de Chateaubriand, que ce soit à l’Essai sur les révolutions, au Génie du Christianisme, à l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, ou aux Mémoires d’outre-tombe, les deux seules mentions de la Vie de Rancé (CPT, 538 et 665), dernière œuvre de Chateaubriand, ajoutent à l’énigme que constitue cette plaquette de prose dans laquelle se donne à lire un nouveau type de métaphore qui a tant secoué Julien Gracq, pour qui « la langue de la Vie de Rancé enfonce vers l’avenir une pointe plus mystérieuse : ses messages en morse, saccadés, déphasés, qui coupent la narration tout à trac comme s’ils étaient captés d’une autre planète, bégayent déjà des nouvelles de la contrée où va s’éveiller Rimbaud » (Julien Gracq, Le grand paon, p. XVII ; cité dans « La mort de l’autre », postface de Georges Condominas, Vie de Rancé, Paris, Flammarion, 1991, p. 218). 9 CPT, 355. 10 CPT, 619, 712. 11 CPT, 717. Chateaubriand et l’âge de la prose 87 ce procédé critique « l’unité profonde de sa conception formelle comme de sa visée autobiographique, historique et poétique 12 ». Une liaison constante de l’esthétique et du politique tente de contrer ce que Fumaroli dénonce explicitement comme une compréhension restreinte de la littérature. Chateaubriand « écrivain », même bénéficiant du sacre dont Paul Bénichou l’a crédité, souffre de la conception restreinte que l’on se fait aujourd’hui de la littérature […], tant l’émiettement des spécialités modernes rend difficiles à ressaisir l’unité de visée d’un grand esprit poétique et la cohérence d’une pensée vivante qui se meut sur plusieurs registres à la fois 13 . Il n’y a pas deux Chateaubriand, dont l’un serait le romancier d’Atala et de René et l’autre l’intrigant politique de la Restauration, mais une seule et même pensée aux prises avec le déchirement historique de son temps : « Il faut bien voir que René et le candidat Premier ministre de la Restauration sont le revers et l’avers de la même expérience et du même projet : comprendre sous toutes ses faces l’étrange monde enfanté par la décadence d’Ancien Régime, la Terreur, et si possible le dompter 14 ». La politique légitimiste et libérale de Chateaubriand, de même que sa poésie en prose, seraient les deux faces d’une même réaction aux égarements aussi bien de la royauté que de la Révolution, des poètes romantiques du sublime que des prosateurs de son temps. Le paradoxe réside cependant dans le fait qu’il ne s’agit pas chez Chateaubriand d’une vision du juste milieu, analogue à celle de la Monarchie de Juillet, mais bien d’une tentative de réponse à une expérience inédite s’enracinant pourtant dans la longue durée de l’histoire de France : « Robespierre et Bonaparte, la Terreur et l’Empire, apposant sur le visage autoritaire des Rois-Soleil le masque sidérant de Méduse, ont achevé de dessécher la poétique du royaume, substituant à sa puissance de créer de nouvelles sociétés avec les anciennes des mécanismes de contraction et de répression 15 ». Anticipant les analyses de Tocqueville, selon lesquelles la Révolution n’a été possible que grâce aux institutions centralisatrices d’Ancien Régime, Chateaubriand n’aura de cesse de méditer « le face-à-face de 1792-1794 avec la Terreur d’un petit chevalier breton ombrageux et rêveur 16 », qui n’est autre que lui-même mais rendu étranger à soi, ce lui-même médusé par une puissance de destruction sans précédent et mis à distance de la vie qu’il avait connue jusqu’alors par un bouleversement qui le laisse dans une « situation 12 CPT, 94. 13 CPT, 720. 14 CPT, 681. 15 CPT, 61. 16 CPT, 41. 88 Étienne Beaulieu historique de rupture qui expose désormais la France, l’Europe, le monde à une perte générale d’identité et à une défaillance universelle d’humanité 17 ». Ayant cru un moment dans la Révolution, mais effrayé par la Terreur, ayant espéré une rémission possible grâce à Bonaparte, mais vite détrompé par l’assassinat du duc d’Enghien en 1804, ayant tenté d’imposer ses vues de poète législateur à la Restauration, mais mis à l’écart dès 1824, d’horreurs en désillusions, Chateaubriand voit arriver 1830 comme une perpétuation sous d’autres formes de son expérience traumatisante et originelle de la Terreur : « L’interrègne qu’inaugure “Philippe” signifie que la Terreur n’était pas l’exception, mais la norme. 1793 continue par d’autres moyens 18 ». D’où la thèse centrale de Fumaroli, qui, paraphrasant les formules sur la banalité du mal de l’Hannah Arendt d’Eichmann à Jérusalem, veut que l’expérience de Chateaubriand se résume dans « cette découverte de la modernité comme banalisation de la Terreur 19 ». Un passage s’effectue de la Terreur à la prose du monde pour cet écrivain que Fumaroli ne cesse de présenter, tout au long de l’ouvrage, comme un « poète », soulignant à maintes reprises, selon un paradoxe apparent, que « dans ses œuvres d’imagination, comme dans sa vie, [Chateaubriand] s’était montré plus poète que romancier 20 ». Pourquoi, dès lors, écrire en prose, malgré les exhortations de ses proches à ne pas délaisser le vers ? Que signifient cet abandon et cet acharnement à mettre au jour un rythme nouveau ? Cela signifie que les temps ne sont plus à la « musique savante » du vers, aristocratique comme celle de l’opéra tel que le concevait Rameau, ou de la tragédie sacrée telle que la conçut Racine. Dans l’âge démocratique inauguré par la Révolution, la foule a remplacé le roi, la presse la cour, l’urgence le loisir, l’orchestre la lyre, la prose le vers. Interprète de son siècle, même pour mieux résister à sa pente, il a dû s’adresser à lui dans le langage qui lui convenait. « Le canon hiératique du vers », pour reprendre une définition de Mallarmé, n’était plus de saison 21 . 17 CPT, 38. 18 CPT, 481. Que la pensée d’un état d’exception devenu norme puisse exister déjà chez Chateaubriand laisse songeur - et d’autant plus si l’on pense à tout le sousentendu qui semble informer ici la prose de Fumaroli, à savoir les hypothèses audacieuses qu’a pu proposer récemment la philosophie contemporaine, par exemple Giorgio Agamben dans L’État d’exception (traduit de l’italien par Joël Gayraud, Paris, Seuil, 2003) qui, à partir d’une lecture de Carl Schmitt, découvre la même face de la Gorgone dans l’expérience des camps de la mort. Voir aussi les deux autres volets de cette trilogie : Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, traduit de l’italien par Marilène Raiola, Paris, Seuil, 1997 ; et Ce qui reste d’Auschwitz, traduit de l’italien par Pierre Alféri, Paris, Payot, 1999. 19 CPT, 479. 20 CPT, 567. 21 CPT, 448. Chateaubriand et l’âge de la prose 89 Pour l’un des mentors de Chateaubriand, Joseph Joubert, cela allait de soi : « la monarchie est poétique 22 » et, en conséquence, l’interrègne qu’ouvre l’ère démocratique se déroulera en prose. Chateaubriand est ainsi l’un des premiers écrivains français à faire l’expérience de l’impossibilité de plus en plus manifeste du sublime à l’âge de la prose, par exemple dans sa description des Alpes, sujet de morceaux de bravoure romantiques depuis que tout ce que contenait le Traité du sublime de Boileau s’était déversé dans la prose descriptive d’un Rousseau. Pour Chateaubriand, déjà, les Alpes ont perdu de leur sublimité : « La grandeur des Alpes, attaquée sur ses flancs par la technique et le confort, est devenue un reproche vivant. Elle parle, comme le ferait un Indien d’Amérique, d’une liberté en voie de disparition 23 ». De la même façon, le décalage entre les descriptions de L’itinéraire de Paris à Jérusalem par Chateaubriand donne un signal clair sur le sens de l’histoire : « L’avenir est à Julien [le scribe-valet de L’itinéraire, Julien Potelin], au degré zéro de sa prose. L’écrêtement inévitable de l’antique hiérarchie des styles, l’impossibilité prochaine du grand style et même du style moyen en prose, sont des symptômes analogues à la menace qui pèse désormais sur l’ancien métier du vers français 24 ». L’expérience de la Terreur, qui a décimé l’arbre ancestral de la monarchie, a rendu par le fait même le sublime désuet avant même qu’il n’explose dans la génération d’Hugo pour ensuite refluer au mitan du siècle. En ce sens, « Chateaubriand, que la Terreur a condamné à l’exil et à la prose, est l’un des premiers interprètes majeurs en 1797 de cette désillusion et de ce désarroi 25 ». La fameuse école du désenchantement est l’héritière en ligne directe de ce Chateaubriand-là, qu’a saisi la stupeur d’un événement sans mesure et qui est « passé à la prose pour combattre d’urgence la Terreur 26 », qui est, pour ainsi dire, « descendu à la prose, et cela, “pour exprimer plus rapidement des vérités [qu’il] croyait utiles” 27 », qui s’est accordé malgré tout à l’accélération de ce temps de « la modernité [qui] fait vivre les hommes dans un temps public artificiellement précipité, selon un rythme brutal qui bouscule le temps naturel et le temps intime 28 », qui, en un mot, lègue à la littérature la tâche de retrouver ce temps perdu. 22 Joseph Joubert, Carnets, t. I, édition de Jean-Paul Corsetti, Paris, Gallimard, 1994, p. 318. 23 CPT, 479. 24 CPT, 436. 25 CPT, 16. 26 CPT, 180. 27 CPT, 447. 28 CPT, 137. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) « Séduisant, passionnant, agaçant ». Marc Fumaroli chez les historiens de l’art (surtout français) Anne-Marie Lecoq En mai 2006, à l’Art Institute de Chicago et au musée des Beaux-Arts de Montréal, Marc Fumaroli a donné une conférence intitulée « Girodet entre Athènes et Rome ». En septembre, à Paris, il a inauguré le cycle de conférences accompagnant l’exposition internationale Portraits publics, portraits privés, 1770-1830. En octobre, au musée d’Aix-en-Provence, il a ouvert le colloque organisé par Denis Coutagne en complément de l’exposition sur Cézanne et la Provence et parlé de « Cézanne moderne et antimoderne ». Cette petite liste, limitée à la seule année 2006, pourrait dessiner une sorte de papillonnage mondain, rendu possible par un effet de mode en France et par divers réseaux d’amitiés en Amérique du Nord. On pourrait aussi invoquer la persistance d’une vieille habitude française : dans ce pays, la notoriété dans les lettres - surtout si elle est officialisée par l’appartenance à l’Académie - signifie de facto capacité à parler d’art. Cela nous a valu autrefois le meilleur, le Claudel de L’œil écoute ou le Gide des réflexions sur Poussin, par exemple, et nous vaut souvent aujourd’hui de fâcheux exemples de l’art de discourir avec facilité mais à bonne distance des faits avérés et des documents incontestables que l’histoire de l’art, dans les musées et les universités, s’efforce péniblement de mettre au jour. Et pourtant il ne s’agit nullement ici d’un sautillement superficiel d’un sujet à l’autre, au gré des expositions et des commémorations. L’intérêt de Marc Fumaroli pour Girodet remonte à ses travaux sur Chateaubriand et s’était manifesté dès le colloque de 1997 sur Chateaubriand et les arts, avant de reparaître en 2005 dans son essai introductif à la grande exposition rétrospective du peintre. Sa réflexion sur le portrait est liée à l’importance qu’il attache depuis toujours (un livre est en préparation) à l’« autoportrait » du Christ et à la tradition chrétienne de l’image divine « non faite de main d’homme », un thème qui déborde largement la légende de sainte Véronique et qu’on retrouve, par exemple, jusque dans l’autoportrait christomorphique, pourrait-on dire, de Dürer. Quant à Cézanne, qui déclarait vouloir « faire du Poussin d’après nature », il figure depuis longtemps, au chapitre des arts, dans les dossiers de l’historien de la Querelle des Anciens et des Modernes. 92 Anne-Marie Lecoq L’intérêt de Marc Fumaroli pour les arts visuels et pour leur histoire s’est manifesté très tôt et s’est nourri de rencontres successives. Ce fut d’abord, en 1964 et 1965, à la Fondation Thiers, la rencontre avec Jacques Thuillier, pensionnaire lui aussi, et un amour partagé pour l’Italie et l’art italien, renforcé par des voyages dans la péninsule. La visite du musée de Sienne en compagnie de celui qui était alors un brillant disciple d’André Chastel, reste un des grands souvenirs de Marc Fumaroli. André Chastel lui-même commença à s’intéresser au jeune historien de la rhétorique lorsque parut en 1975 dans le Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français l’article « Sur quelques frontispices gravés d’ouvrages de rhétorique et d’éloquence (1594-1641) ». On était dans le domaine mitoyen du mot et de l’image, sur lequel Chastel réfléchissait et faisait réfléchir dans ses séminaires du Collège de France, et l’étude de Marc Fumaroli concernait aussi les fêtes et les entrées royales - un thème très chastélien - puisqu’elle mettait en évidence l’influence initiale des décors d’arcs de triomphe, suivie, à partir des années 1630, de leur effacement au profit du tableau ou de la scène de théâtre à l’italienne dotés d’un espace unifié. Publié chez Droz en 1980, L’âge de l’éloquence 1 , ce « samizdat savant » comme l’appelle son auteur, acheva de prévenir Chastel en faveur d’un travailleur acharné et d’un esprit libre, indemne des carcans idéologiques de l’université française d’alors. De surcroît, cet insomniaque totalement pris par la passion de ses études, en possession d’une impressionnante culture littéraire, amateur et collectionneur d’art du XX e siècle aussi bien que d’art ancien, lui ressemblait quelque peu. L’histoire de la rhétorique opérait alors son grand bon en avant, marqué par la fondation, en 1977, de la Société internationale consacrée à cette discipline, autour de la revue Rhetorica. Dans ce cadre, John Eliott invita Marc Fumaroli à Princeton. À l’Institute for Advanced Studies, il se lia d’amitié avec Irving Lavin et Marilyn Aronberg Lavin. Les deux anciens élèves de Panofsky avaient matière à dialoguer avec le nouvel arrivant. Ces Américains du Middle West, d’origine juive, connaissaient mieux le catholicisme et ses fondements romains que 95% des catholiques européens et pour eux, si l’on voulait comprendre l’art de la Renaissance ou le Bernin, il était indispensable de connaître les écrits des Pères de l’Église, par exemple, ou encore ceux des grands théologiens de la Contre-Réforme. Cette conviction de deux historiens de l’art reconnus confirmait le bien fondé du projet de Marc Fumaroli : faire parler l’éloquence muette des images en utilisant les outils intellectuels qui avaient été ceux de leurs créateurs et de leurs destinataires et en restituant autant que possible le « climat », mental et moral, généralement distillé par des écrits, qui les avait environnés. 1 Marc Fumaroli, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980. Marc Fumaroli chez les historiens de l’art 93 C’est sous l’égide d’André Chastel qu’eut lieu, en 1986, la première intrusion publique de Marc Fumaroli dans le domaine de l’histoire de l’art : il le fit inviter à Rome pour le colloque international sur Les Carrache et les décors profanes, et c’est là sans doute que beaucoup d’historiens de l’art non Italiens apprirent l’existence d’un poète nommé Marino, grâce à une communication sur « La Galeria de Marino et la galerie Farnèse 2 » … À la même époque, Marc Fumaroli fut appelé par le comité d’organisation à contribuer au volume de mélanges offerts à André Chastel qui devait être publié à Rome et à Paris en 1987. Son étude, intitulée : « Une peinture de méditation. À propos de l’Atalante et Hippomène du Guide 3 », suscita autant de réticences que d’adhésions. Mais l’année suivante, la copieuse « introduction » au catalogue de l’exposition de La peinture française du XVII e siècle dans les collections américaines au Grand Palais à Paris fit l’effet d’un coup de canon par la nouveauté du point de vue et la force entraînante de l’expression. L’audace des Musées nationaux, qui avaient mis en vedette un étranger au sérail, se révélait payante et en 1989, Pierre Rosenberg et Jean-Pierre Cuzin confièrent à Marc Fumaroli le 36 e « Dossier du Département des peintures » du Louvre, autour de L’inspiration du poète de Poussin. Ce fut une nouvelle fois Poussin, la figure d’élection de Marc Fumaroli, qui attira sur lui l’attention des historiens de l’art. Devenu président de la Société des Amis du Louvre, il eut la satisfaction de pouvoir contribuer, à la tête des soixante douze mille membres de cette vénérable association, gloire de la « société civile », à l’achat par l’État français d’un tableau disparu, redécouvert en 1998 : Sainte Françoise-Romaine annonçant à Rome la fin de la peste. Publiée en 2001 par la Réunion des Musées nationaux, son étude, où l’histoire de l’art, l’iconographie, l’histoire religieuse et celle des milieux érudits romains du XVII e siècle collaborent pour faire de nous des contemporains lettrés du tableau, a fait l’objet d’une recension enthousiaste de Charles Dempsey dans le Burlington Magazine. Auparavant, en 1994, était paru aux éditions Flammarion L’école du silence 4 , un recueil des essais déjà publiés de Marc Fumaroli sur des sujets concernant la peinture et la gravure du XVII e siècle. Même si une réédition au format de poche fut jugée nécessaire quelques années plus tard, dans 2 Marc Fumaroli, « La Galeria de Marino et la Galerie Farnese. Épigrammes et œuvres d’art profanes vers 1600 », Carrache et les décors profanes. Actes du colloque organisé par l’École française de Rome (2-4 octobre 1986), Rome, École Française de Rome, 1988, p. 163-182. 3 Marc Fumaroli, « Une peinture de méditation. À propos de l’Hippomène et Atalante du Guide », « Il se rendit en Italie ». Études offertes à André Chastel, Roma, Edizioni dell’ Elefante, 1987, p. 337-358. 4 Marc Fumaroli, L’école du silence. Le sentiment des images au XVII e siècle, Paris, Flammarion, coll. « Idées et recherches », 1994. 94 Anne-Marie Lecoq la presse artistique, les recensions, peu nombreuses, témoignèrent des réactions partagées des universitaires. Dans Beaux-Arts Magazine (juin 1994), Alain Mérot se dit convaincu par les exemples présentés, propres à mettre en valeur, à contre-courant des préférences de notre époque, « un académisme au sens plein et bénéfique du terme ». Dans le Journal des Arts (octobre 1994), Véronique Gérard Powell, spécialiste du domaine hispanique, signa une critique dont le sous-titre résumait les sentiments mêlés de la lectrice : « Séduisant, passionnant, agaçant ». Un agacement né de certains rapprochements jugés hasardeux et d’interprétations considérées comme trop audacieuses. L’intervention de Marc Fumaroli dans le domaine de l’histoire de l’art a pourtant un effet bénéfique dont les historiens de l’art « professionnels » devraient lui être reconnaissants - en France surtout. Cet effet explique à la fois l’accueil favorable de bon nombre d’universitaires et de jeunes chercheurs aux États-Unis et plus encore en Italie, et les réticences françaises (en dépit du succès rencontré, dans ce pays, auprès d’un large public cultivé). Un mot peut, me semble-t-il, le résumer, celui de rééquilibrage. Ce rééquilibrage se fait d’abord au profit de l’intérêt porté à ce que représentent les tableaux. Il faut savoir qu’en France, les études iconographiques consacrées aux œuvres « modernes », c’est-à-dire datant de l’époque comprise entre la Renaissance et le XIX e siècle, ont attiré relativement peu de chercheurs. Ce n’est que tardivement qu’on a découvert dans ce pays Aby Warburg et son école. André Chastel, parce qu’il avait séjourné et étudié à Londres, a longtemps été l’un des seuls à connaître les travaux de Fritz Saxl, Edgar Wind, Ernst H. Gombrich, William S. Heckscher, Erwin Panofsky etc., et n’en a pas vraiment répandu la connaissance en dehors du cercle de ses étudiants avancés. Même Panofsky est resté longtemps peu connu car il n’était pas traduit et ses livres ne se trouvaient pas en librairie (pas plus que ceux de Gombrich). Le fameux Dürers Melencolia I, par exemple, dont la première version date de 1923, n’est paru en français que dans les années 1970 ! En 2005 pourtant, la grande exposition sur le thème de la mélancolie préparée par Jean Clair et Jean Starobinski, a connu un énorme succès à Paris, ce qui montre que le public est demandeur de ce type d’approche. Mais très peu d’expositions thématiques sont organisées en France, et encore moins à Paris qu’en province. Une des raisons de cet éloignement tient sans doute à la place dominante occupée en France par les musées. L’histoire de l’art est absente de l’école (tous les combats pour l’y faire entrer ont échoué). Pour les éditeurs, échaudés par l’expérience, le livre d’art n’est à peu près rentable que sous la forme du « beau livre » bien illustré, sur un sujet « vendeur », destiné aux cadeaux du Jour de l’An, et les universités, comme le C.N.R.S., publient peu et diffusent mal des publications souvent austères. C’est donc avant tout sur les musées Marc Fumaroli chez les historiens de l’art 95 et leurs expositions que repose la charge de faire découvrir au public français la peinture et la sculpture des siècles passés. Or l’institution muséale, dont la tâche est d’abord la conservation, l’acquisition et la présentation en salle des œuvres d’art, est forcément orientée vers la monographie d’artiste et éventuellement vers l’étude d’un groupe, d’une « école », d’un style. L’attribution et la datation sont ses tâches fondamentales, auxquelles s’ajoute la traçabilité, si l’on peut dire, des œuvres, c’est-à-dire la recherche de leurs localisations successives. Dans ces conditions, le « catalogue raisonné » est le nec plus ultra des études, y compris à l’université. Tous ces travaux sont absolument nécessaires et même indispensables avant toute tentative pour faire jouer sur l’œuvre tel ou tel éclairage. Mais ils ont tendance, en France, à être considérés comme suffisants. Peut-être y a-t-il une raison plus profonde à ce relatif désintérêt pour l’étude de ce que représente le tableau : la supériorité depuis longtemps attribuée à la forme. Le fameux mot d’ordre du théoricien des Nabis, Maurice Denis, en 1890 : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées », ce mot d’ordre a été fort bien suivi. Il l’a même été jusqu’à la caricature, avec les « analyses morphologiques » du tableau, souvent réduites à la recherche du « nombre d’or » et au tracé de divers triangles, cercles et carrés censés révéler la structure cachée de l’œuvre, chères aux professeurs de dessin (devenus professeurs « d’arts plastiques ») dans les lycées et collèges et même, à une certaine époque, aux enseignants de première année d’université. Il s’agit d’une longue histoire. Baudelaire écrit en 1846 : « La peinture n’est intéressante que par la couleur et par la forme ; elle ne ressemble à la poésie qu’autant que celle-ci éveille dans le lecteur des idées de peinture 5 ». La rupture avec la grande tradition de l’ut pictura poesis était consommée et désormais « la désastreuse influence de la littérature sur la peinture », comme disaient les Goncourt 6 , ne cessera d’être dénoncée. Car si les écrivains peuvent sans ridicule parler des tableaux, les artistes - à l’exception des illustrateurs, mais ils pratiquent un genre mineur - ne sont pas censés lire. « Le modernisme », écrit Marc Fumaroli, « a posé en axiome que rien n’est plus corrupteur pour l’essence des arts plastiques que la “littérature”. L’histoire récente de l’art, qui vise à la scientificité, fait grand état de la “littérature d’art”, des “théories de l’art”, elle ne veut plus entendre parler sur sa droite de littérature, cette séductrice ignorante et bavarde. Elle s’expose d’ailleurs par là même à se laisser parasiter sur sa gauche par ce que le XX e siècle finissant s’est imaginé 5 Charles Baudelaire, Salon de 1846, Paris, 1962, p. 171. 6 Edmond et Jules de Goncourt, Manette Salomon, Paris, Union générale d’éditions, 1979, p. 28-29. 96 Anne-Marie Lecoq plus scientifique que la littérature : la psychanalyse, la sociologie, l’anthropologie, les études féministes, le multiculturel … 7 ». Dans l’introduction au dossier sur L’inspiration du poète, Marc Fumaroli accorde une valeur de manifeste pour sa propre entreprise à un texte bien oublié d’André Gide - un auteur totalement démodé. En 1945, dans une préface écrite pour un recueil de reproductions de tableaux du peintre, l’écrivain défendait l’idée que Poussin est de tous les peintres français celui dont les œuvres ont été le plus « habitées par la pensée ». Marc Fumaroli fait sien l’emportement de Gide contre la moderne réduction de la peinture au seul métier, contre le « repliement d’un art sur sa matière ». « Ce qui ne me plaît pas », écrivait alors Gide, « c’est d’entendre déclarer péremptoirement : ceci est de la vraie peinture, en raison de l’absence même du sujet ; c’est de voir dépouiller la peinture de toute vertu spirituelle, pour ne plus attacher de prix qu’aux seules qualités du métier ; c’est de voir nos plus grands peintres d’aujourd’hui prendre soin de ne s’adresser plus qu’à nos sens, n’être qu’œil et pinceau … » 8 . Or ce repli, cette négation de « toute vertu spirituelle » chez les praticiens et les théoriciens de la majeure partie de l’art du XX e siècle a certainement beaucoup influencé la façon même de percevoir la peinture des siècles passés, du siècle de Poussin en particulier, et d’en faire l’histoire. Les études de Marc Fumaroli ne relèvent pas de l’enquête iconographique au premier degré. Les tableaux auxquels il s’est intéressé jusqu’ici ont des sujets bien connus : la Rencontre de Jésus et de saint Jean-Baptiste, Atalante et Hippomène …, ou globalement identifiés : Sainte Françoise-Romaine … Mais la nouveauté réside dans l’analyse des détails, y compris de ceux qu’un spectateur distrait (ou adepte de « l’art pour l’art ») aurait rangés du côté de la pure recherche formelle et esthétique. La « lecture » du tableau attribué à Michel Dorigny, Polymnie, muse de l’Eloquence (Louvre), placée en exergue de l’édition de poche de 1994 de L’âge de l’éloquence, constitue un modèle du genre. Y compris par les points d’interrogation qu’il peut faire naître. D’abord, tous les détails sont-ils « parlants » ? C’est là, on le sait, une des difficultés majeures des études d’iconographie et de symbolique. Mais celles de Marc Fumaroli ont ceci de particulier que leur but n’est pas de savoir ce que le tableau représente (car on le sait déjà), mais ce qu’il pouvait « représenter » pour son commanditaire, pour le cercle de celui-ci et pour tous les spectateurs qui possédaient peu ou prou la même culture. Cette culture, on a l’impression que Marc Fumaroli la possède comme eux, qu’il a fréquenté 7 Marc Fumaroli, « Ut pictura poesis : Chateaubriand et les arts », dans Chateaubriand et les arts (actes du colloque de 1997), Paris, de Fallois, 1999, p. 11. 8 André Gide, cité par Marc Fumaroli, « L’inspiration du poète de Poussin, essai sur l’allégorie du Parnasse », Revue du Louvre et des musées de France, Réunion des musées nationaux, vol. 39, n o 3, 1989, p. 19-20. Marc Fumaroli chez les historiens de l’art 97 les mêmes bibliothèques, qu’il a en mémoire les mêmes textes et les mêmes références, et c’est ce qui lui permet, en historien visionnaire, de prendre la place des pédagogues du XVI e ou du XVII e siècle et, à leur façon, d’utiliser les détails des tableaux (y compris les détails de forme ou de couleur) pour des exercices destinés à instruire le catéchumène catholique, le sujet du roi de France, ou le citoyen de la République des Lettres. Le second point d’interrogation concerne le rôle des peintres. Dans l’établissement de ces « peintures de méditation », qu’est-ce qui leur revient et qu’est-ce qui revient à leurs commanditaires ? Poussin, peintre lettré, est un cas particulier, et même pour lui il est difficile de se prononcer. Le cardinal Rospigliosi, commanditaire de la Sainte Françoise-Romaine, a-t-il seulement « goûté » les choix de Poussin, pour la représentation de Rome, par exemple, ou pour d’autres traits originaux de la composition, ou bien (ce qui est fort différent) les a-t-il « souhaités » ? 9 Ce qui est sûr en tous cas - et cette certitude doit beaucoup aux travaux de Marc Fumaroli -, c’est que les peintres, à partir de la Renaissance, ont partagé plus ou moins, ne fût-ce que par leurs fréquentations, une culture pour laquelle il n’y avait pas de « frontières », contrairement à ce que soutiendra Lessing, entre la pensée et la forme visible. Dans cette culture, la formation des élèves dans les classes de rhétorique était très présente. Or la rhétorique pouvait intervenir aussi bien dans l’élaboration des théories artistiques que dans la façon de regarder les œuvres d’art, en raison de l’importance conférée à l’« image mentale » dans les processus de connaissance et de persuasion décrits par les traités de rhétorique antiques. L’importance de ceux-ci pour l’histoire de l’art a d’abord été mise en évidence par les spécialistes de la Renaissance. Pour les siècles suivants, Marc Fumaroli est de ceux qui ont le plus insisté sur sa prégnance. Même en France, où « rhétorique » a longtemps signifié « mensonge » et « duplicité », les historiens de l’art ont fini par lui faire place, comme le prouvent, par exemple, la tenue du colloque Peinture et rhétorique à l’Académie de France à Rome en 1993, et quelques années auparavant la publication du livre de Jacqueline Lichtenstein, La couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l’âge classique, où la réflexion de Roger de Piles lui-même, la figure emblématique française des Modernes en peinture, est directement liée au chapitre des « effets » dans les traités d’art oratoire. C’était aussi une culture dans laquelle la spiritualité chrétienne était toujours très active. On a manifestement eu un peu trop tendance à l’oublier au 9 Marc Fumaroli, Nicolas Poussin : Sainte François Romaine annonçant à Rome la fin de la peste, Paris, Réunion des musées nationaux, 2001, p. 57, à propos de la figure féminine représentant Rome : « tout ce que nous savons de Giulio Rospigliosi, futur pape, mais aussi poète et moraliste dévot, laisse croire qu’il goûta et même souhaita ce choix ». 98 Anne-Marie Lecoq cours du XX e siècle, et en France tout particulièrement. Les Français, ayant la tête essentiellement politique, ont ressenti assez tôt la nécessité de prendre en compte les théories monarchiques pour le déchiffrement de certaines images, de préciser le rôle du cérémonial et de la liturgie développée autour de la personne du roi pour comprendre certaines particularités architecturales, etc. Mais la part religieuse de la culture de l’Europe après le Moyen Âge reste largement sous-estimée ou mise sous le boisseau par les historiens de l’art français. En Italie, L’école du silence a connu un vif succès. Un certain nombre de chercheurs italiens travaillent sur la rhétorique et sur ce qu’en a fait la réforme catholique des images en se réclamant de Marc Fumaroli, à qui ils dédient leurs ouvrages. On n’en est pas là en France, et d’autant moins que le visage officiel et romain de l’Église catholique entre le XVI e et le XIX e siècle, avec ses prélats et ses pompes, ses jésuites et ses éminences grises, est précisément ce que l’imaginaire national (formé par l’école laïque et républicaine) a longtemps érigé en épouvantail. L’idée même que Nicolas Poussin, peintre de superbes tableaux religieux qui constituent la plus grande part de son œuvre, et fort lié aux milieux ecclésiastiques romains, ait pu être sinon un dévot, du moins un bon chrétien à la française, a suffi il y a quelques années à susciter les protestations de Jacques Thuillier, partisan, dans la ligne d’Anthony Blunt, d’un Poussin « libertin », ne croyant ni à Dieu ni au Diable. Il s’en est suivi un débat passionné entre Marc Fumaroli et lui jusque dans la presse quotidienne (Le Figaro du 27 septembre 1994), à l’occasion de l’exposition Poussin au Grand Palais. Quelles que soient les convictions de chacun, pour le plus grand bien de la discipline historique, il est permis de penser que le rééquilibrage est, sur ce point aussi, fort heureux. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Éléments de bibliographie Mylène Desrosiers et Roxanne Roy Sans prétendre aucunement à l’exhaustivité, il nous a semblé utile de présenter aux lecteurs une bibliographie des principaux travaux de Marc Fumaroli afin de rendre compte à la fois de la diversité et de l’importance de son œuvre. Faute d’espace, nous n’avons pas retenu les ouvrages qui ont été traduits ni les rééditions, et sans doute les écrits consacrés à l’art de même que les contributions de M. Fumaroli aux différents quotidiens ou hebdomadaires français et étrangers mériteraient d’être complétés (à titre d’exemple, nous avons choisi Le Monde). Nous espérons tout de même que ces éléments de bibliographie guideront le lecteur dans ses recherches et lui fourniront des pistes pour aborder l’œuvre chatoyante de cet éminent chercheur. Dans un souci de clarté, les notices ont été regroupées selon les catégories d’usage (monographies, éditions et présentations de textes, direction d’ouvrages et de dossiers, préfaces et introductions, contributions à des ouvrages collectifs, articles et comptes rendus, actes de colloques, conférences, discours et entretiens, collaboration au quotidien Le Monde) et l’ordre chronologique a été respecté dans chacune des sections. Monographies Fumaroli, Marc, Botero. Peintures récentes, Paris, Galerie Claude Bernard, 1979. Fumaroli, Marc, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980. Fumaroli, Marc, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Paris, Droz, 1990. Fumaroli, Marc, L’État culturel. Essai sur une religion moderne, Paris, de Fallois, 1991. Fumaroli, Marc, Le genre des genres littéraires français : la conversation, Oxford, Clarendon press, 1992. Fumaroli, Marc, L’école du silence. Le sentiment des images au XVII e siècle, Paris, Flammarion, coll. « Idées et recherches », 1994. Fumaroli, Marc, La diplomatie de l’esprit. De Montaigne à La Fontaine, Paris, Hermann, 1994. 100 Mylène Desrosiers et Roxanne Roy Fumaroli, Marc, Trois institutions littéraires, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 1994. Fumaroli, Marc, Le poète et le roi. Jean de La Fontaine en son siècle, Paris, de Fallois, 1997. Fumaroli, Marc, Rome et Paris. Capitales de la République européenne des Lettres, préface de Volker Kapp et postface de Giovanni Pozzi, Hambourg, Lit, coll. « Ars rhetorica », 1999. Fumaroli, Marc, Nicolas Poussin : Sainte François, Romaine annonçant à Rome la fin de la peste, Paris, Réunion des musées nationaux, 2001. Fumaroli, Marc, Quand l’Europe parlait français, Paris, de Fallois, 2001. Fumaroli, Marc, Orgies et féeries : chroniques du théâtre à Paris autour de 1968, préface de René de Obaldia, Paris, de Fallois, 2002. Fumaroli, Marc, Chateaubriand. Poésie et terreur, Paris, de Fallois, 2003. Fumaroli, Marc, et François Lebrette, La mythologie gréco-latine à travers 100 chefs-d’œuvre de la peinture, Paris, Presses de la Renaissance, 2004. Fumaroli, Marc, Exercices de lecture. De Rabelais à Paul Valéry, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 2006. Éditions et présentations de textes Campion, Henri de, Mémoires de Henri de Campion suivis de Trois entretiens sur divers sujets d’histoire, de politique et de morale, édition présentée et annotée par Marc Fumaroli, Paris, Mercure de France, coll. « Le temps retrouvé », 1967. Corneille, Pierre, L’Illusion comique. Comédie, avec une notice biographique et des notes par Marc Fumaroli, Paris, Larousse, 1970. Goncourt, Edmond et Jules, Madame Gervaisais, édition présentée, établie et annotée par Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, 1982. Guérin, Maurice de, Poésie, édition présentée, établie et annotée par Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, 1984. Poésie. Le Centaure, La Bacchante, Le cahier Vert, Glaucus, Pages sans titre, édition présentée et annotée par Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », n o 183, 1984. La Fontaine, Jean de, Fables, texte présenté et commenté par Marc Fumaroli, ill. de Marie Hugo, 2 vol., Paris, Imprimerie nationale, 1985. Chesterfield, Philip Dormer Stanhope, Lettres de Lord Chesterfield à son fils à Paris, 1750-1752, traduit de l’anglais par Amédée Renée, préface et notes de Marc Fumaroli, Paris, Payot & Rivages, 1993. La Fontaine, Jean de, Fables, édition établie, présentée et annotée par Marc Fumaroli, avec les gravures de J.-B. Oudry, Paris, Librairie générale française, 1995. Éléments de bibliographie 101 Huysmans, J.-K., À rebours, édition présentée, établie et annotée par Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1997. L’Hermite, Tristan, Œuvres complètes, I. Prose, publié sous la dir. de Jean Serroy avec la collaboration de Bernard Bray, Amédée Carnat et Marc Fumaroli, Paris, Champion, 1999. Direction d’ouvrages et de dossiers Fumaroli, Marc (dir.), Critique et création littéraire en France au XVII e siècle, Paris, CNRS, 1977. Fumaroli, Marc (dir.), Le statut de la littérature. Mélanges offerts à Paul Bénichou, Genève, Droz, 1982. « L’histoire littéraire hier, aujourd’hui et demain, ici et ailleurs », Revue d’histoire littéraire de la France, numéro sous la direction de Claude Pichois, Marc Fumaroli et Sylvain Menant, vol. 95, n o 6, 1995. Mélanges sur l’œuvre de Paul Bénichou, textes réunis par Tzvetan Todorov et Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, 1995. 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Fumaroli, Marc, De Le Brun à David : la querelle des Anciens et des Modernes dans les arts. 3. Conférence du 10 février 2004, enregistrement sonore, Paris, BNF, 2004. Collaboration au quotidien Le Monde Fumaroli, Marc, « La mort d’André Chastel. Un prince de la république des Lettres », Le Monde, 21 juillet 1990, p. 10. Fumaroli, Marc, « Futuristes et pugilistes », Le Monde, 2 mars 1991, p. 14. Fumaroli, Marc, « Compte rendu du livre Œuvres complètes de B. Pascal », Monde. Sélection hebdomadaire, n o 2217, 25 avril 1991, p. 12. Fumaroli, Marc, « Autres parutions », Le Monde, 26 avril 1991, p. 21. Fumaroli, Marc, « Pascal dans Port-Royal », Le Monde, 26 avril 1991, p. 17. Fumaroli, Marc, « Une réplique de Marc Fumaroli, La place de l’esprit dans la cité », dans « Débats », Le Monde, 26 septembre 1991, p. 2. Fumaroli, Marc, « Référendum français sur le traité de Maastricht Oui à la nation, non au nationalisme », dans « Débats », Le Monde, 12 septembre 1992, p. 2. Fumaroli, Marc, « Débats culture pour une rupture », Le Monde, 25 mars 1993, p. 2. Fumaroli, Marc, « Retour à la bibliothèque nationale ? », dans « Débats culture », Le Monde, 25 juin 1993, p. 2. Fumaroli, Marc, « République-royaume ou République-empire ? », dans « Horizons », Le Monde, 5 avril 1995, p. 16. Fumaroli, Marc, « Marc Fumaroli reçu à l’Académie française », dans « Horizons », Le Monde, 26 janvier 1996, p. 14. Fumaroli, Marc, « L’éducation de l’imaginaire », dans « Le Monde des Livres », Le Monde, 10 janvier 1997, p. 3. Fumaroli, Marc, « Ni dictature du marché, ni empire d’un art officiel », dans « Horizons », Le Monde, 8 mars 1997, p. 18. Fumaroli, Marc, « La querelle du neutre », dans « Horizons », Le Monde, 13 juillet 1998, p. 1. 124 Mylène Desrosiers et Roxanne Roy Fumaroli, Marc, « Non, Claude Allègre, l’Amérique n’est pas le modèle idéal », dans « Horizons », Le Monde, 17 décembre 1998, p. 16. 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Fumaroli, Marc, « Pétrarque, un ancêtre pour les “honnêtes gens” », dans « Le Monde des livres », Le Monde, 21 janvier 2005, p. 4. Fumaroli, Marc, « Antoine Compagnon : la modernité, ses adversaires et ses repentis », dans « Le Monde des livres », Le Monde, 25 mars 2005, p. 4. Fumaroli, Marc, « Von Meysenbu », dans « Le Monde des livres », Le Monde, 2 décembre 2005, p. 9. Fumaroli, Marc, « Sollers, une vengeance par le bonheur », dans « Le Monde des livres », Le Monde, 6 janvier 2006, p. 5. Fumaroli, Marc, « La nature humaine mise à nu », dans « Le Monde des livres », Le Monde, 24 février 2006, p. 9. Fumaroli, Marc, « Louise Labé, une géniale imposture », dans « Le Monde des livres », Le Monde, 12 mai 2006, p. 7. Fumaroli, Marc, « Jean Starobinsky, L’ombre et les lumières », dans « Le Monde des livres », Le Monde, 21 juillet 2006, p. 15. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Livres reçus Valérie André (éd.) : Louise Fusil : Souvenirs d’une actrice. Paris : Champion, 2006 (Bibliothèque des correspondances, mémoires et journaux, 26). 432 p. Robert Baudry : Le Grand Meaulnes : un roman initiatique. Saint-Genouph : Nizet, 2006 (Préface de Claude Herzfeld). 140 p. Peter Kuon, Gérard Peylet (éds.) : Les métamorphoses du corps du romantisme à nos jours. En collaboration avec Beate Steinhauser. Heidelberg: Universitätsverlag Winter, 2006. 237 p. Atsuko Ogane : La genèse de la danse de Salomé: L’« appareil scientifique » et la symbolique polyvalente dans Hérodias de Flaubert. Tokyo: Presses Universitaires de Keio, 2006. 305 p. Gérard, Piacentini : Samuel Beckett mis à nu par ses auteurs, même. Essais sur le théâtre de Samuel Beckett. Préface d’Armand Delcampe. Saint-Genouph : Nizet, 2006. 158 p. Evert van der Starre : Curiosités de Raymond Queneau : De « l’Encyclopédie des Sciences inexactes » aux jeux de la création romanesque. Genève : Droz, 2006 (Histoire des idées et critique littéraire, 425). 158 p. Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) É TIENNE B EAULIEU University of Manitoba Dept. of French, Spanish and Italian 420 Fletcher Argue Bldg. Winnipeg, Manitoba Canada R3T 2V5 C LAIRE C ARLIN University of Victoria Department of French PO Box 3045 STN CSC Victoria, British Columbia Canada V8W 3P4 J EAN -M ARIE C ONSTANT Université du Maine au Mans Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines Avenue Olivier Messiaen F-72085 Le Mans Cedex 9 M YLÈNE D ESROSIERS Université du Québec à Rimouski Département de Lettres 300, Allée des Ursulines Rimouski, Québec Canada G5L 3A1 V OLKER K APP Universität Kiel Romanisches Seminar Leibnizstraße 10 D-24116 Kiel C LAUDE L A C HARITÉ Université du Québec à Rimouski Département de Lettres 300, Allée des Ursulines Rimouski, Québec Canada G5L 3A1 A NNE -M ARIE L ECOQ Collège de France 11, place Marcelin Berthelot F-75231 Paris Cedex 05 C ECILIA R IZZA Università di Genova Facoltà di Lingue e Letterature straniere Piazza Santa Sabina I-16125 Genova R OXANNE R OY Université du Québec à Rimouski Département de Lettres 300, Allée des Ursulines Rimouski, Québec Canada G5L 3A1 M ARIE -O DILE S WEETSER University of Illinois at Chicago Department of Spanish, French, Italian and Portuguese Chicago, Illinois 60607 USA Adresses des auteurs de ce numéro Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG Postfach 25 60 · D-72015 Tübingen · Fax (0 7071) 97 97-11 Internet: www.narr.de · E-Mail: info@narr.de L’étude du genre épistolaire est une science récente. Non seulement le contenu des lettres, leur style, leur agrément, leur originalité déterminent la qualité d’une correspondance, encore convient-il de replacer celle-ci dans un contexte social précis, évaluer les conditions dans lesquelles le courrier est envoyé (f r é quence de l ’é chang e , le t t r e s per due s , lente ur de l’acheminement), obser ver l’écriture, reconnaître la main des secrétaires, etc. On s’interroge aujourd’hui sur l’art dont fait preuve Mme de Sévigné dans les lettres qu’elle écrit à sa fille Mme de Grignan, car le «naturel» ne saurait tout expliquer: la question est ici longuement traitée. Le recueil parcourt deux siècles de correspondances, consacre des chapitres à une vingtaine d’épistoliers, et découvre ainsi pour la première fois, à l’aide d’exemples représentatifs, la concordance de certains impératifs, l’extrême diversité des tempéraments, et finalement la valeur littéraire d’un mode d’expression souvent trop mal considéré. Bernard Bray Épistoliers de l’âge classique L’art de la correspondance chez Madame de Sévigné et quelques prédécesseurs, contemporains et héritiers. Études revues, réunies et présentées avec la collaboration de Odile Richard-Pauchet études littéraires françaises, Band 71 2007, 504 Seiten, €[D] 98,00/ SFr 155,00 ISBN 978-3-8233-6280-7 Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG Postfach 25 60 · D-72015 Tübingen · Fax (0 7071) 97 97-11 Internet: www.narr.de · E-Mail: info@narr.de Au sommet de sa carrière, Molière écrivit une douzaine de pièces ornées de musique et de danse pour les plaisirs de Louis XIV. Or, ces pièces, qui constituèrent la moitié au moins de son œuvre, et les succès majeurs ainsi que les grandes commandes de la cour, ont longtemps été négligées, méprisées même par la critique. A contresens historique puisque ce sont elles justement qui valurent à leur auteur notoriété et consécration de son vivant, elles aussi où se forgea sa relation privilégiée avec le monarque, exaltée par cette même critique. D’où le projet avancé ici : faire lire les comédies-ballets dans le cadre des fêtes royales où elles furent créées pour en souligner la spécificité et pour faire saisir l’interaction des composantes textuelles, scéniques, environnementales et autres de ces spectacles inscrits dans des contextes historiques particuliers. Loin d’être cet insignifiant mélange des genres qu’on s’est trop souvent plu à y voir, elles apparaissent plutôt comme les plus marquées politiquement et idéologiquement des comédies de Molière, l’exemple même de la manière dont l’œuvre d’art dialogue avec son contexte, tout à la fois informant et réfléchissant la vie politique et culturelle d’une nation. Marie-Claude Canova-Green Ces gens-là se trémoussent bien Ebats et débats dans les comédies-ballets de Molière Biblio 17, Band 171 2007, 374 Seiten € 68,00/ SFr 107,00 ISBN 978-3-8233-6276-0 ISBN 3-8233-6276-3 Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG Postfach 25 60 · D-72015 Tübingen · Fax (0 7071) 97 97-11 Internet: www.narr.de · E-Mail: info@narr.de La colère et la vengeance sont omniprésentes dans les œuvres littéraires du XVIIe siècle. Elles font l’objet de préoccupations certaines chez les écrivains du Grand Siècle et sont au cœur de nombreux débats sur le plan de la justice, de la philosophie et de la morale, de l’amour, des lois de la civilité, et de la religion. Étudier la représentation de ces passions dans les textes, c’est donc mettre au jour les valeurs morales prédominantes de ce siècle, les règles et les pratiques qui dictent les comportements tant sociaux qu’amoureux, et ouvrir sur une topique culturelle. C’est ce que cet ouvrage se propose de faire en examinant la façon dont les nouvelles galantes et historiques thématisent ces deux passions. Roxanne Roy L’art de s’emporter Colère et vengeance dans les nouvelles françaises (1661-1690) Biblio 17, Band 169 2007, 342 Seiten, €[D] 78,00/ SFR 123,00 ISBN 978-3-8233-6260-9 ISBN 3-8233-6260-7 Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG Postfach 25 60 · D-72015 Tübingen · Fax (0 7071) 97 97-11 Internet: www.narr.de · E-Mail: info@narr.de Au seuil du XXIe siècle, Flaubert est bien vivant en Allemagne. Inventeur du roman moderne il y a cent cinquante ans, il reste un objet d’étude privilégié dans les universités. En même temps (des traductions nouvelles, des adaptations au théâtre, des expositions en témoignent) le grand public le considère comme un contemporain. Ce recueil rassemble des contributions de chercheurs allemands aux études flaubertiennes. Les éditeurs veulent se faire les médiateurs des chercheurs allemands auprès des flaubertiens non-germanophones, et plus généralement, offrir à un large public francophone un panorama représentatif des recherches actuelles sur Flaubert en Allemagne. Ils espèrent que les approches théoriques et les parcours de lecture proposés dans ce volume favorisent un fructueux dialogue interculturel. Jeanne Bem / Uwe Dethloff (Hrsg.) Nouvelles lectures de Gustave Flaubert Recherches allemandes 2006, VIII, 212 Seiten, 10 Abb., € [D] 48,00/ SFR 82,50 ISBN 13: 978-3-8233-6245-6 ISBN 10: 3-8233-6245-3 Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG Postfach 25 60 · D-72015 Tübingen · Fax (0 7071) 97 97-11 Internet: www.narr.de · E-Mail: info@narr.de Pierre Motin ist ein zu Unrecht in Vergessenheit geratener Dichter des âge baroque . Analyse und Strukturierung seines Werks, zusammen mit der detaillierten Interpretation beispielhafter Gedichte, fördern ein Werk zu Tage, das den Bogen spannt von petrarkistischer Lyrik über Psalmenparaphrasen, Enkomiastik, Etrennes, Ballets, Stances à l’Inconstance bis hin zur Tavernenlyrik. In der satirischen Dichtung der Cabarets sind zweifellos Motins dichterische Stärken zu finden. Auch durch die Vielfalt der lyrischen Gattungen (Epigramme, Sonette, Oden, Stanzen usw.) in seinem Werk wird deutlich, dass der Anwalt aus Bourges zu den führenden Dichtern seiner Zeit gehörte. Diese Arbeit schließt daher eine Forschungslücke der französischen Literaturwissenschaft. Annegret Baumert Pierre Motin Ein Dichter zwischen Petrarkismus und Libertinismus Biblio 17, Band 170 2006, 259 Seiten, € [D] 54,00/ SFR 92,00 ISBN 978-3-8233-6241-8