eJournals Oeuvres et Critiques 32/1

Oeuvres et Critiques
oec
0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/61
2007
321

Marc Fumaroli et l’Italie: un rapport de culture, de collaboration et d’amitié

61
2007
Cecilia Rizza
oec3210025
Œuvres & Critiques, XXXII, 1 (2007) Marc Fumaroli et l’Italie : un rapport de culture, de collaboration et d’amitié Cecilia Rizza Dans le profil que Marc Fumaroli trace de son activité passée, en rappelant ses études et ses projets de recherche à l’occasion de la remise du prix Balzan, on peut lire les mots suivants qui révèlent une des sources de sa vocation : « Rome, Florence, Venise, Bologne, Parme, leurs palais, leurs églises, leurs musées, incarnèrent les images et les figures que la clarté des lampes avait fait entrer dans ma mémoire ». Et encore : « Avec le grec, le latin et le français, l’italien était le quatrième porche de l’esprit » 1 . Si on analyse aujourd’hui attentivement ses ouvrages, on s’aperçoit jusqu’à quel point cette déclaration correspond à une réalité peut-être encore plus importante et complexe, quel rôle l’Italie, sa culture, ses écrivains, ses artistes occupent dans l’élaboration de la pensée de Marc Fumaroli. Déjà dans la première partie de sa grande thèse sur L’âge de l’éloquence (1980), en étudiant « l’essor et le désastre de la première Renaissance cicéronienne », Marc Fumaroli consacre des pages fondamentales à l’évolution en Italie des rapports avec l’antiquité latine, à partir de Pétrarque et jusqu’à Bembo, sans négliger les querelles qui opposent Florence à Rome 2 . En soulignant ensuite la persistance de l’exemple italien chez les théoriciens du style classique en langue vulgaire, qui reconnaissent dans Gli Asolani de Bembo et dans Il Cortegiano de Baldassarre Castiglione les meilleures réussites de la prose italienne, il en conclut que c’est chez ces auteurs que « Le Classicisme français, qui voudra faire du siècle de Louis XIV une répétition du siècle d’Auguste et du siècle de Léon X, retrouvera l’essentiel de sa doctrine » 3 . Plus tard, l’influence de la Contre-Réforme et du Concile de Trente sur le cicéronianisme italien et en particulier l’apport des Jésuites Carlo Reggio 1 Marc Fumaroli, « Panorama ». Texte consultable en ligne à l’adresse suivante : http: / / www.balzan.it/ Premiati.aspx? Codice=0000000134&cod=0000000159. Le prix de la Fondazione Internazionale Balzan lui a été remis en 2001 pour ses travaux sur l’histoire et la critique littéraire du XVI e siècle à nos jours. 2 Marc Fumaroli, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980, p. 77-99. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle AE suivi de la page. 3 AE, 84-88. 26 Cecilia Rizza et Famiano Strada verront leur accomplissement dans l’œuvre de Maffeo Barberini, Pape sous le nom d’Urbano VIII. Les pages de notre auteur sur ce personnage et sur le prestige dont il jouit directement ou indirectement auprès des gens de lettres et des savants de toute l’Europe confirment, de façon décisive et éclatante, la place que l’Italie occupe au niveau international bien après la Renaissance. L’humanisme curial, écrit Marc Fumaroli, est sans doute d’essence savante, à la fois par ses sources et par sa langue, le latin. Mais il sut aussi se traduire dans le langage lisible pour tous, des arts plastiques et de la fête publique. Sous Urbain VIII le théâtre […] se répand dans les cérémonies, les fêtes, le décor urbain pour faire entendre à la foule un discours persuasif à sa portée 4 . En suivant cette voie « L’Église romaine enveloppait son docere, devenu moins impérieux et combatif, d’un delectare emprunté aux ressources de la rhétorique et de la poésie païenne, où l’humanisme européen, par delà toutes ses divisions, reconnaissait une patrie commune ». En ce qui concerne plus particulièrement la France, il est certain que l’œuvre de Maffeo Barberini « appuie indirectement de l’autorité pontificale les efforts de Richelieu et de l’Académie française pour susciter en France, et en langue française, une Renaissance des Lettres à la fois classique et chrétienne au service de la Monarchie ». La politique culturelle qui caractérise l’action de Richelieu et de son entourage, et sa volonté de créer autour du trône Très-Chrétien un art de célébration et de propagande doivent beaucoup à l’exemple de la Cour romaine 5 . Les rapports entre l’Italie et la France dans cette première moitié du XVII e siècle entraient également en jeu dans l’article sur Bernardino Stefonio, publié d’abord dans les Actes du colloque de l’Association Guillaume Budé en 1973 6 , et recueilli en 1990 dans le volume Héros et orateurs. L’exemple de ce jésuite dans la transformation de la dramaturgie traditionnelle de la sacra rappresentazione en tragédie moderne, accompagnée de la création du drame en musique de Giulio Rospiglioni a sans doute été décisif pour la naissance de ce genre de théâtre « régulier » qui rencontrera la faveur de Richelieu et sa protection. Sans parler de l’influence certaine de la Flavia et du Crispus dont témoignent leurs nombreuses éditions en France et, pour cette deuxième 4 AE, 203. 5 AE, 227-232. 6 Marc Fumaroli, « Théâtre, humanisme et Contre-Réforme à Rome (1597-1642) : l’œuvre de P. Bernadino Stefonio et son influence », Actes du IX Congrès, Association Guillaume Budé, Rome, 13-18 avril 1973, Paris, Belles Lettres, 1975, p. 399-412. Étude reprise dans Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, Droz, 1990. Marc Fumaroli et l’Italie 27 tragédie, son imitation dans L’innocent malheureux de Grenaille et, de façon moins directe, dans La mort de Chrispe de Tristan 7 . De la dette que le théâtre français aurait envers la tradition religieuse italienne et son théâtre traite encore un article publié en 1981 dans les Mélanges à la mémoire de Franco Simone 8 . À propos de la tragédie de Corneille Théodore, vierge et martyre et de son échec sur les scènes françaises, Marc Fumaroli parcourt tout un itinéraire qui, de Saint Ambroise, arrive jusqu’aux œuvres de Girolamo Bartolomei et de Fra Giovanni Gottardi, sans négliger aussi ce que le poète français doit à la Jérusalem délivrée du Tasse. Plusieurs années plus tard, en reprenant un sujet qui lui est particulièrement cher, celui de la naissance du Classicisme français par rapport aux théories qui se développent en Italie entre Renaissance et Baroque, Marc Fumaroli destine aux Ragguagli del Parnaso de Traiano Boccalini et à La secchia rapita et aux Pensieri de Tassoni une partie importante de son introduction au recueil de textes de la Querelle des Anciens et des Modernes. Il y propose une analyse fine et nuancée de ces ouvrages où la mise en valeur de la tradition classique s’accompagne de la prise de conscience des qualités positives de la culture moderne. À son avis, seul L’hoggidì de Secondo Lancellotti peut être considéré comme un véritable ancêtre du Parallèle de Charles Perrault 9 . Fumaroli citera en outre dans son anthologie, à côté des textes français et de deux anglais, deux textes italiens : La méthode des études de notre temps de Gian Battista Vico et la lettre d’Antonio Conti à Scipione Maffei 10 . Son attention s’ouvre ainsi à des perspectives qui concernent la pensée italienne du XVIII e siècle et dont la portée durera tout au long du XIX e et du XX e siècle. Ce ne sont pas seulement les théories sur l’elocutio et sur la rhétorique en général, ni même le théâtre qui intéressent notre auteur : son approche à la culture italienne l’amène aussi à étudier la poésie, celle de la première moitié du XVII e siècle en particulier. Déjà dans L’âge de l’éloquence, à propos 7 Marc Fumaroli, « Corneille disciple de la dramaturgie jésuite : le Crispus et le Flavia du P. Bernardino Stefonio, s.j. ». Étude parue dans La Fête de la Renaissance, t. III, Paris, CNRS, 1975, p. 504-524. Reprise dans Héros et orateurs, ouvr. cité, p. 138-170. 8 Marc Fumaroli, « Classicisme français et culture italienne : réflexions sur l’échec de Théodore », Mélanges à la mémoire de Franco Simone, France et Italie dans la culture européenne II, Genève, Slatkine, 1981, p. 205-238. Étude reprise dans Héros et orateurs, « Théodore, vierge et martyre : ses sources italiennes et les raisons de son échec à Paris », p. 223-259. 9 Marc Fumaroli, « Les abeilles et les araignées », dans La Querelle des Anciens et des Modernes XVII e - XVIII e siècles, édition établie et annotée par Anne-Marie Lecocq, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2001, p. 24-91. 10 La Querelle des Anciens et des Modernes XVII e - XVIII e siècles, ouvr. cité, p. 720-744. 28 Cecilia Rizza de l’asianisme et de cette tendance à mettre les sujets religieux au service d’une virtuosité de rhéteur, Marc Fumaroli avait cité Giambattista Marino et ses Dicerie sacre 11 . Il s’intéresse plus tard surtout au poète auquel il consacre plusieurs articles. Il étudie d’abord les rapports entre Marino et La Fontaine à propos de l’Adonis qu’il considère comme « un raccourci éblouissant » de l’Adone. Il avance en outre l’hypothèse que c’est le poète italien, ce « certain auteur » auquel La Fontaine fait allusion comme « mon maître » dans son Épître à Huet 12 . Il est vrai que tout de suite après La Fontaine prend ses distances en avouant l’avoir bientôt abandonné : L’auteur avait du bon, du meilleur ; et la France Estimait de ses vers le tour et la cadence Qui ne les eût prisés ? J’en demeurai ravi. Mais ses traits ont perdu quiconque l’a suivi, Son trop d’esprit s’épand en trop de belles choses. Tous métaux y sont d’or, toutes fleurs y sont roses. Par là, on le voit bien, La Fontaine épouserait ce changement dans le goût et la façon même d’envisager l’art qui caractérise le Classicisme français par rapport à l’Italianisme du début du XVII e siècle et donc au Baroque. Sur Marino, Marc Fumaroli reviendra encore à propos de la Galeria, un recueil de poèmes qu’il juge : « le plus célèbre exemple d’une production d’épigrammes relatifs à des œuvres d’art 13 ». En 1986, dans sa célèbre conférence au Colloque organisé par l’École française de Rome, dont on peut lire aujourd’hui le texte dans le volume L’école du silence, il établit un parallèle entre la Galleria Farnese peinte par Annibale Carracci et le recueil de Marino pour reconnaître dans « cette salle transfigurée par les fresques […] une poétique silencieuse de l’esprit profane affranchi de la vie dévote » et conclure : « C’est en ce sens que la Galerie Farnese plus encore que la Galeria préfigure l’Adone de Giambattiste Marino, scherzo mythologique ininterrompu qui en 1623 révèlera à l’Europe étonnée la lassitude secrète de la Réforme catholique et l’aspiration de la foi italienne à une trêve pour jouir, dans l’instant éphémère de la volupté des arts et des sciences 14 ». Et d’ailleurs, comment séparer la littérature de la peinture en parlant de Marino, du moment que déjà ses Diceiri sont « un des plus grands textes à la gloire de la peinture, 11 AE, 214. 12 Marc Fumaroli, « Politique et poétique de Vénus : l’Adone de Marino et l’Adonis de La Fontaine », dans La guirlande de Cecilia. Studi in onore di Cecilia Rizza, Bari / Paris, Schena / Nizet, 1996, p. 135-146. 13 Marc Fumaroli, L’école du silence. Le sentiment des images au XVII e siècle, Paris, Flammarion, coll. « Idées et recherches », 1994, p. 39. Désormais, les références à cet ouvrage seront désignées par le sigle ES suivi de la page. 14 ES, 51. Marc Fumaroli et l’Italie 29 miroir du divin 15 » ? Si, d’une part, ces œuvres de Marino « nous font connaître, justement parce qu’elles n’ont de prétention que profane et littéraire, les cadres théologiques à l’intérieur desquels l’expérience de la peinture et de ses diverses manières était comprise même par un laïc dans l’Italie du XVII e siècle », il ne faut pas oublier que, d’autre part, il est « le poète qui dans son chef-d’œuvre l’Adone avait multiplié les “tableaux” comptant sur l’imagination entraînée de ses lecteurs et sur leur familiarité avec les œuvres d’art pour que ces tableaux poétiques vivent dans l’esprit et s’y fixent 16 ». Ces dernières observations nous invitent à considérer un autre aspect du rapport entre Marc Fumaroli et l’Italie qui dépasse le domaine de la littérature et de l’éloquence : son intérêt pour la peinture et pour les beauxarts, vus cependant toujours en rapport avec la vie religieuse. Car tout se tient dans la vision que Marc Fumaroli propose de la vie culturelle de l’Italie entre le XV e et le XVII e siècle. S’il est vrai, comme il l’écrit, que « Le génie du lieu dans les arts visuels comme dans l’éloquence est déterminant » et que « l’Italie est alors la patrie européenne des images », il ne faut pas oublier qu’« on manque l’essentiel du génie italien, si divers, si fécond, manifesté dans la pluralité de ses cités et de ses ordres religieux, si l’on ne voit pas, soutenant et vivifiant son humanisme rhétorique, la profondeur de sa prière et la générosité de son éloquence sacrée » 17 . Je ne citerai pas les nombreux travaux que, depuis longtemps et aujourd’hui encore, Marc Fumaroli a consacrés à l’œuvre de Poussin. Plusieurs articles publiés entre 1981 et 1987 sont maintenant recueillis dans le volume qui a pour titre L’école du silence. Je me limiterai à rappeler que le séjour à Rome de ce peintre, l’accueil qu’il y reçut dans les milieux cultivés de la Capitale du Catholicisme, la leçon que lui donna l’exemple des artistes italiens du passé et de son temps, ont fait l’objet d’études détaillées et approfondies qui révèlent des liens importants et durables encore au XVII e siècle, entre l’Italie et la France. Il ne faut pas oublier, cependant, telle est la thèse de Marc Fumaroli, que ces liens s’appuient sur des valeurs qu’on aurait tort de négliger, et sur lesquelles notre critique revient de façon cohérente dans tous ses écrits. Je signalerai par contre et plus particulièrement les pages sur Guido Reni qui occupent maintenant la partie centrale du volume déjà cité : elles méritent d’attirer toute notre attention non seulement parce qu’elles concernent directement le sujet que nous avons choisi d’étudier ici, mais aussi par l’originalité de l’interprétation que Marc Fumaroli propose de l’art du peintre bolognais, qui s’inscrit parfaitement dans sa vision de toute la vie culturelle 15 ES, 213-214. 16 ES, 216. 17 « Préface », ES, 13. 30 Cecilia Rizza italienne, ou mieux encore romaine, du XVII e siècle. Déjà dans l’article paru en 1987 dans les Mélanges André Chastel 18 , sur le tableau Atalanta e Ippomene, notre critique avait interprété cette peinture de Guido Reni qui s’inspire du livre X des Métamorphoses comme « un lieu de méditation chrétienne, superposé au sens littéral de la fable ovidienne, revivifié par le zèle de la Réforme catholique 19 ». Ensuite, sous le titre de Vision et prière, à partir de la biographie écrite par Carlo Cesare Malvasia dans ses Vite dei pittori bolognesi, Marc Fumaroli procède à l’étude de l’œuvre de ce « peintre dévot », en analysant en particulier ses différentes représentations de Saint Jean-Baptiste qu’il compare à d’autres images du saint, peintes notamment par les Carracci, et qu’il met en rapport aussi avec la peinture espagnole de ces mêmes années. Le culte de Saint Jean-Baptiste et de la Vierge qui caractérise l’Italie comme tous les pays catholiques en opposition à la Réforme protestante et dont témoigne une longue tradition, trouve son expression dans la peinture non moins que dans l’éloquence religieuse. Selon cette perspective, Marc Fumaroli lit le tableau de Guido Reni qui représente la rencontre de Saint Jean-Baptiste avec Jésus, et il y voit un symbole de la vie religieuse de l’Europe au XVII e siècle que le peintre résume et exalte à sa façon 20 . L’apport de Marc Fumaroli à une meilleure connaissance et une revalorisation convaincante de la vie culturelle italienne du XVI e et du XVII e siècle, et en particulier de son influence durable et de son prestige en France et en Europe, est reconnu et l’intérêt avec lequel ses travaux ont été lus et appréciés en Italie en témoignent. Rien que dans la Rassegna bibliografica de la revue Studi francesi on peut lire, à partir de l’année 1964, une cinquantaine de fiches critiques souvent confiées à la plume d’éminents spécialistes comme Franco Simone ou Corrado Rosso. Mais ce sont surtout les traductions de ses livres qui prouvent avec quelle attention, non seulement les universitaires et les savants, mais aussi un plus grand nombre de lecteurs suivent les différentes étapes de sa carrière. En 1990 paraît aux éditions Il Mulino de Bologne la traduction de Héros et orateurs 21 ; en 2000 l’éditeur Liguori de Naples publie les études recueillies par Marc Fumaroli, Philippe-Joseph Salazar et Emmanuel Bury dans Le loisir lettré à l’âge classique. Ce sera ensuite à l’éditeur Adelphi de Milan que revient le mérite de faire connaître aux lecteurs italiens la plupart des œuvres de Marc Fumaroli : en 1993 Lo Stato 18 Marc Fumaroli, « Une peinture de méditation. À propos de l’Hippomène et Atalante du Guide », « Il se rendit en Italie ». Études offertes à André Chastel, Roma, Edizioni dell’Elefante, 1987, p. 337-358. 19 ES, 191. On peut lire tout l’article aux pages 183-201 du volume. 20 Voir « Guido Reni : vocation et destin d’un peintre dévot », ES, 217-254. 21 Marc Fumaroli, Eroi e oratori, Retorica e drammaturgia nel Seicento, Bologna, Il Mulino, 1990. Marc Fumaroli et l’Italie 31 culturale 22 , en 1995 La scuola del silenzio 23 , en 2001 Il salotto, l’accademia, la lingua 24 , en 2002 L’età dell’eloquenza 25 , en 2005 Le api e i ragni. La disputa degli Antichi e dei Moderni 26 . On remarquera dans les textes cités un ouvrage, Lo Stato culturale, qui dépasse les bornes de la pure recherche littéraire ou de la critique d’art pour concerner directement les problèmes d’ordre politique, ou, pour mieux dire, les rapports entre politique et culture, et qui vise en particulier la France mais, plus en général, toute l’Europe. Il y a donc, chez Marc Fumaroli et son idée de la République des Lettres, un intérêt de plus en plus marqué pour l’actualité, toujours mise en rapport avec les racines de notre civilisation, dans laquelle, à son avis, Athènes, Rome et l’Italie de la Renaissance occuperaient une place et un rôle privilégiés. On ne peut pas parler d’une évolution pour les travaux de Marc Fumaroli, mais plutôt de la transposition et de la défense dans le présent des valeurs qu’il avait reconnues et identifiées dans le passé. Ainsi s’explique, d’une part, sa collaboration à des publications italiennes de haut niveau culturel, destinées à des spécialistes, comme Saggi e ricerche di letteratura francese, Rivista di Letterature moderne e comparate, Il giornale dell’arte ou Lettere italiane, la prestigieuse revue fondée par Giovanni Getto et Vittore Branca où, à partir de l’année 2005, il partagera la direction avec Carlo Ossola ; d’autre part les nombreux articles qu’il donne aux pages culturelles des plus importants journaux comme Il Corriere della Sera, Il Sole 24 ore, et La Repubblica. Ce sont des quotidiens qui ont la plus grande diffusion dans tout le pays et qui se caractérisent par leur indépendance et leur ouverture à toutes les expressions de la vie culturelle, bien que, surtout aujourd’hui, leurs directeurs ne cachent pas leur sympathie pour les instances réformistes du centre-gauche. Évidemment, les différents lecteurs auxquels il s’adresse justifient le ton de ses articles : les premiers auront un caractère spécifiquement savant et ils seront orientés selon les intérêts particuliers de la revue ; les autres exerceront une fonction d’information, souvent suggérée par l’actualité. Mais, comme on pourra le constater par la suite, il n’y a pas de véritable différence dans le fond. 22 Marc Fumaroli, Lo Stato culturale, una religione moderna, Milano, Adelphi, 1993. 23 Marc Fumaroli, La scuola del silenzio, il senso delle immagini del XVII secolo, Milano, Adelphi, 1995. 24 Marc Fumaroli, Il salotto, l’accademia, la lingua. Tre istituzioni letterarie, Milano, Adelphi, 2001. 25 Marc Fumaroli, L’età dell’eloquenza, Milano, Adelphi, 2002. 26 Marc Fumaroli, Le api e i ragni. La disputa degli Antichi e dei Moderni, Milano, Adelphi, 2005. 32 Cecilia Rizza Une des premières collaborations de Marc Fumaroli à une revue italienne date de 1975 : il s’agit d’un article « Barbari » publié dans le sixième numéro de Cultura. En 1980 c’est son étude sur Médée et Phèdre ensuite recueillie dans Héros et orateurs que l’on peut lire dans Saggi e ricerche di letteratura francese n o 19. D’autres collaborations sont présentes dans la revue Arte (« L’arte s’impara a Roma ») en 1982, dans La rivista dei libri en 1991 (« La cattiva scelta : cultura contro università ») qui reproduit un article déjà publié par La Revue des Deux Mondes ; et dans Leggere en 1992 (« Il Balzac prossimo venturo »). En cette même année 1992, on trouve Marc Fumaroli dans Lettere italiane avec un article sur un thème qui revient souvent dans ses écrits, celui du rapport entre rhétorique et poétique. Il y souligne, encore une fois, la continuité, aux yeux de l’Europe, entre Grèce, Rome et l’Italie, et l’opposition entre Rome et Paris du moment que « L’Italie tridentine a bien été le théâtre d’une renaissance catholique du Verbe, en polémique contre la religion pédagogique hérétique de l’Écriture seule 27 ». Dans la perspective de ces études on doit inscrire aussi la collaboration de Marc Fumaroli à l’Enciclopedia Italiana pour laquelle il écrit « Retorica » qui sera publiée en 1994. Toujours dans Lettere italiane on peut lire, à la date de janvier-mars 1998 (p. 3-18), sous le titre « Fecondità e fallimento della retorica rinascimentale : il caso dei Gesuiti », la prolusion au Colloque International « The Gesuits » de Boston en 1997. Quelques années auparavant Marc Fumaroli avait donné à la Rivista di letterature moderne e comparate (janvier-mars 1996, p. 39-62) un article sur Nicolas Fabri de Peiresc où il était question de cette « République des Lettres dont les origines remontent à Pétrarque » et où il traçait un éloge de Gian Vincenzo Pinelli, cet érudit de Padoue qu’il considère, avec Juste Lipse et Jules-César Scaliger, comme l’un des princes de cette idéale assemblée. Ce thème sera repris, toujours dans Lettere italiane en 2004 (n o 1, p. 3-11), sous le titre de « La République des Lettres et les Académies ». Après avoir tracé l’histoire de ces groupes de savants qui comme Francesco Barbaro ou Poggio Bracciolini ont entretenus des rapports suivis entre eux, se tenant au courant de leurs recherches et de leurs curiosités intellectuelles, Marc Fumaroli concluait son étude par ces mots : « Il importe à la conscience européenne actuelle de se souvenir non seulement de ce corps unique qu’a été la République des Lettres, et des centres nerveux qu’ont été les Académies, mais aussi du “public” qui a fournit l’atmosphère propice aux mouvements d’un tel corps ». Et sur l’identité culturelle de l’Europe, qui a son fondement 27 Marc Fumaroli, « Rhétorique et poétique », Lettere italiane, vol. 44, gennaio - marzo, 1992, p. 23. Marc Fumaroli et l’Italie 33 dans la communauté transnationale et transconfessionnelle du savoir et de l’invention et qui a son origine toute italienne dans l’œuvre d’un Della Casa et d’un Guazzo, il revient en 2005 dans un article, « Les premiers siècles de la République des Lettres », publié encore par la revue Lettere italiane (n o 1, p. 5-16). Les articles de Marc Fumaroli dans les journaux italiens peuvent se grouper sous plusieurs titres différents qui tous, cependant, se rapportent, de façon directe ou indirecte, à l’ensemble de son activité. Il y en a qui naissent d’une circonstance particulière : une exposition, un colloque savant, une publication, et qui intéressent l’art, la littérature, la culture plus en général. Ainsi, un premier article dans La Repubblica (23 juillet 1995) donne des informations sur la petite exposition de peintures, dessins et sculptures organisée à Lille dans le Musée de la ville ; quelques années plus tard dans ce même journal (7 février 2001) c’est à propos d’un tableau du Louvre que Marc Fumaroli parlera de Poussin, un peintre qu’il aime beaucoup et dont le séjour à Rome, nous l’avons déjà vu, l’a toujours intéressé ; il l’avait encore étudié avec une attention particulière et des résultats de grande importance à propos des rapports avec l’église de Santa Francesca Romana. Plus tard (17 février 2006) il consacrera un grand article à l’exposition Ingres qui va être inaugurée au Louvre le 24 février et tout récemment (15 mars 2006) il donnera, toujours à La Repubblica, sous le titre « E in Francia trionfa l’antico » le texte de sa communication « Caylus, David e la pittura di storia » présentée au Colloque organisé à Rome par le Centro di studi italo-francesi et les Musei Capitolini. D’autres articles sont liés à l’actualité littéraire. Ainsi La Repubblica (16 juillet 1992) publie un article (« La Fontaine ? Era figlio dell’Adone ») qui reprend en quelque façon les études sur les rapports Marino-La Fontaine et Il sole 24 ore (1 er décembre 1996) reproduit la préface à l’ouvrage Le loisir lettré à l’âge classique 28 dont il a été question au Colloque de Cérisy en septembre 1993. Dans Il Corriere della Sera du 29 octobre 2000, on peut lire un essai qui a pour titre « Montaigne per pesare e pensare 29 » extrait du volume L’arte del confronto 30 publié cette même année par l’éditeur Liguori de Naples. À l’occasion de l’exposition sur Cassiano del Pozzo organisée par Francesco Solinas à Palazzo sort dans La Repubblica l’article de Marc Fumaroli sur ce savant protagoniste de la République des Lettres, dont l’amitié avec Peiresc, Bouchard, 28 Le loisir lettré à l’âge classique, essais réunis par Marc Fumaroli, Philippe-Joseph Salazar et Emmanuel Bury, Genève, Droz, 1996. 29 Texte consultable en ligne à l’adresse suivante : http: / / lgxserver.uniba.it/ lei/ rassegna/ 001029a.htm. 30 Michel de Montaigne, L’arte del confronto, introduzione di Marc Fumaroli, testo francese a fronte, traduzione e note di Stefano U. Baldassarri, Napoli, Liguori, 2000. 34 Cecilia Rizza Naudé, Poussin caractérise une étape fondamentale des rapports entre la France et l’Italie au XVII e siècle. En 2003 (27 mars) encore La Repubblica publie « Maria de Medici. Le regina italiana ripudiata dai Francesi », compte rendu des Actes du Colloque qui avait eu lieu du 21 au 23 janvier au Collège de France 31 ; en même temps on y annonçait l’exposition d’œuvres d’art liées au mécénat de la Reine qu’on allait admirer bientôt à Tours et ensuite à Florence. Le 27 juin 2004, Il Sole 24 ore donne une relation sur le Colloque organisé par le Collège de France « Pétrarque et l’Europe », pour célébrer le VII e centenaire de la naissance du poète italien, pendant lequel on avait pu écouter, outre les communications de Marc Fumaroli et de Carlo Ossola, la lecture par Yves Bonnefoy de ses traductions des poèmes du Canzoniere. Mais ce sont surtout les problèmes que pose dans le monde actuel l’interprétation de la culture, selon sa valeur et sa signification la plus ample, qui font l’objet de la plupart des articles de Marc Fumaroli dans les journaux italiens, à partir notamment de 1997. Notre écrivain enrôle les lecteurs italiens pour cette bataille contre une fausse idée de « modernité » qu’il a entreprise depuis son ouvrage sur L’État culturel 32 ; il y attaquait, comme on sait, la politique culturelle de Mitterand, de Malraux, de Fritz Lang pour dénoncer cette idée de culture qui la réduit à une manipulation des mentalités, une version actualisée de la propagande politique et pour lui opposer la cultura animi. Deux peintures, le portrait du Doge Loredano peint par Giovanni Bellini et les fresques du salon de Ca’Rezzonico où figurent des représentants de la noblesse vénitienne du XVIII e siècle symbolisent parfaitement, le premier, les splendeurs de la Serenissima à son apogée, les autres, sa décadence. On y reconnaît deux façons opposées de concevoir le rapport entre la politique et la culture. À la fin du XV e siècle, Venise est gouvernée par une aristocratie qui, tout en favorisant les commerces, garde un profond respect pour la tradition culturelle et religieuse ; les nobles vénitiens peints sur les murs de Ca’Rezzonico, les yeux éteints, les joues bouffies, annoncent, malgré leurs vêtements richement brodés, la fin d’une glorieuse saison 33 . C’est en pleine cohérence avec ce livre, qui a souvent le ton et la violence d’un pamphlet, que Marc Fumaroli écrit plusieurs articles pour les journaux italiens. Il s’agit parfois d’un réquisitoire contre l’art contemporain en général (Il giornale dell’arte, juillet - août 1997) et plus précisément de mettre en discussion une façon de concevoir l’art qui oublie que l’artiste est surtout 31 Le siècle de Marie de Médicis, Actes du séminaire de la Chaire rhétorique et société en Europe (XVI e - XVII e siècles) sous la direction de Marc Fumaroli de l’Académie Française, Collège de France (21-23 janvier 2000), études réunies par Françoise Graziani et Francesco Solinas, Torino, Edizioni dell’Orso, 2003. 32 Marc Fumaroli, L’État culturel. Essai sur une religion moderne, Paris, de Fallois, 1991. 33 Marc Fumaroli, Lo Stato culturale, una religione moderna, ouvr. cité, p. 338-343. Marc Fumaroli et l’Italie 35 « l’educatore di un’intelligenza dei sensi, dell’immaginario e del gusto ». Il y a l’art et puis l’emploi intéressé qu’en font les marchands, les publicitaires, les petits Machiavelli de la politique culturelle (Il giornale dell’arte, mars 1998). Très souvent aussi, Marc Fumaroli intervient pour critiquer ce qu’il appelle « la naïve religion technologique » qui règne aujourd’hui dans le monde entier et qui dénie toute valeur à l’individu et au riche héritage du passé (Il sole 24 ore, 15 décembre 1996). Et en citant Tocqueville qui avait mis en garde contre le pouvoir d’un régime majoritaire qui mène au conformisme, il invite les Européens à ne pas oublier leur ancienne identité. À son avis, dans cette bataille contre le danger qui dérive de la volonté de privilégier « la cultura di massa », l’Europe est destinée à jouer un rôle fondamental (La Repubblica, 4 décembre 2001). À propos d’un Colloque international sur la République des Lettres, cette espèce de Collège européen invisible, il insiste sur la nécessité pour l’Europe d’une mémoire qui de Pétrarque à Francesco Barbaro, à Goethe et à Chateaubriand l’aide à construire son identité culturelle, du moment qu’il est persuadé que la création d’une Europe politiquement unie ne conduit pas à « homogénéiser » les différences, mais au contraire, qu’elle vise plutôt à les garder et à les exalter (Il Sole 24 ore, 17 mars 2002). Au lendemain de la signature de la Carte Constitutionnelle de l’Europe (que bientôt la France et la Hollande vont malheureusement rejeter), Marc Fumaroli lance encore une fois son appel à l’âme commune de l’Europe, à cet humanisme, qui est la source de notre civilisation et qui caractérise un certain type d’éducation, la culture européenne ayant ses solides racines dans le passé car à sa formation ont contribué à la fois le christianisme, la philosophie, la rhétorique et les mœurs de l’ancienne civilisation grecque et latine ( Il Corriere della Sera, 24 octobre 2004). Et cette idée il ne cessera de la souligner avec insistance comme on peut le constater en lisant l’interview qu’il a donnée au Secolo XIX quand, en janvier 2005, il vint à Gênes pour recevoir de l’Université de cette ville la laurea honoris causa in Lingue e letterature straniere moderne. La volonté de participer activement à un débat qui ne concerne pas seulement les rapports entre l’Italie et la France mais dont ces rapports constituent une sorte de pivot exemplaire et nécessaire, se réalise aussi dans les leçons que Marc Fumaroli a données et donne dans plusieurs institutions italiennes d’enseignement de haut niveau. Ce sont les cours et les conférences qu’il tient régulièrement à la Scuola Normale Superiore de Pise, à la Fondazione Cini de Venise, à l’Université La Sapienza de Rome, à l’Istituto Italiano per gli Studi Filosofici de Naples. Et sa constante présence dans la vie culturelle de l’Italie trouve sa juste récompense dans la laurea honoris causa que plusieurs Universités italiennes, entre autres Bologne, Naples, Florence, Gênes, lui ont attribuée et dans sa réception aux Lincei, l’ancienne Académie fondée par Federico Cesi en 1603 qui compta, parmi ses premiers 36 Cecilia Rizza élus, Galileo Galilei. Pour ne pas parler des nombreux congrès auxquels il a participé : outre ceux qu’indirectement j’ai déjà cités, on doit au moins mentionner son active présence aux colloques organisés par l’École Française de Rome et l’Académie de France à Rome, par la plupart des Universités Italiennes et toujours dans la Capitale à l’occasion des Célébrations « in Campidoglio » pour le cinquantième anniversaire de l’Unione degli Istituti di Archeologia, Storia e Storia dell’Arte. Et comment oublier les rapports d’estime et d’amitié que Marc Fumaroli a entretenus et entretient avec plusieurs représentants de la vie culturelle italienne ? La liste en serait assez longue et elle risquerait d’être largement incomplète. Parmi les plus anciens, je citerai Franco Simone, professeur à l’Université de Turin et aux Etats-Unis, grand spécialiste de la littérature française, bien connu et apprécié dans le monde entier pour ses études sur la Renaissance et le Baroque, qui fut aussi fondateur de la revue Studi francesi ; Corrado Rosso autrefois professeur à l’Université de Bologne et auteur de nombreux travaux sur les moralistes français auxquels Marc Fumaroli consacra plusieurs comptes rendus dans la revue XVII e siècle ; et Eugenio Garin, un des pères de la philosophie contemporaine et historien de la pensée du XV e et du XVI e siècle de niveau international. À côté de ces personnages désormais disparus, il faut mentionner Tullio Gregory ancien professeur d’Histoire de la philosophie à l’Université de Rome La Sapienza, fondateur et directeur du Lessico intellettuale europeo e storia delle idee, membre du Consiglio scientifico dell’Enciclopedia Italiana et auteur de nombreuses publications parmi lesquelles ses travaux sur Giovanni Scoto Eriugena, sur le Platonisme au Moyen Âge, sur la littérature libertine et clandestine au XVII e siècle. Et on doit citer aussi au moins les noms de Gerardo Marotta, fondateur de l’Istituto Italiano per gli Studi Filosofici, lauréat honoris causa de l’Université de Rotterdam, de l’Université de Bielefeld et de la Sorbonne, de Benedetta Craveri à laquelle on doit plusieurs comptes rendus des livres de Marc Fumaroli et dont celui-ci écrivit la Préface à l’édition française de son étude sur Madame du Deffand 34 , et enfin Carlo Ossola, auteur de plusieurs œuvres fondamentales sur L’automne de la Renaissance 35 (1971), Figurato e rimosso : Icone e interni del testo 36 (1988), L’avenir de nos origines 37 (2003), que Marc Fumaroli a appelé au Collège de France dans la Chaire de Littératures modernes de l’Europe néolatine. 34 Benedetta Craveri, Madame du Deffand et son monde, traduit de l’italien par Sibylle Zavriew, préface de Marc Fumaroli, Paris, Seuil, coll. « Points. Essais », 1999. 35 Carlo Ossola, Autunno del Rinascimento : « Idea del Tempio » dell’arte nell’ultimo Cinquecento, Firenze, L.S. Olschki, coll. « Biblioteca di Lettere italiane », 1971. 36 Carlo Ossola, Figurato e rimosso : Icone e interni del testo, Bologne, Il Mulino, 1988. 37 Carlo Ossola, L’avenir de nos origines : le copiste et le prophète, traduit en partie de l’italien par Nadine Le Lirzin, Grenoble, J. Millon, coll. « Nomina », 2004. Marc Fumaroli et l’Italie 37 Ce panorama ne prétend pas être exhaustif et un lecteur attentif ne manquera pas d’y trouver des lacunes et de trop rapides notations. J’espère, toutefois, qu’il pourra contribuer à tracer un portrait fidèle de ce maître, savant et illustre membre de la République des Lettres d’aujourd’hui, et du rôle qu’il a joué, non seulement dans les rapports entre l’Italie, la France et l’Europe, mais aussi, de façon plus générale, dans la vie culturelle de notre temps.