eJournals Oeuvres et Critiques 32/2

Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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2007
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Les études sur le baroque dans la revue Studi francesi

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Cecilia Rizza
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Œuvres & Critiques, XXXII, 2 (2007) Les études sur le baroque dans la revue Studi francesi Cecilia Rizza Le 13 et le 14 novembre 2006 on a fêté à Turin le cinquantième anniversaire de la fondation de Studi Francesi dont le premier numéro portait la date de janvier - avril 1957. Ce qui, dès le début, a caractérisé cette revue, qui dans les intentions de son Fondateur et premier Directeur, Franco Simone, se proposait d’offrir aux spécialistes italiens l’occasion de participer au renouveau des études sur la littérature française, et aux étrangers un contact direct avec les tendances de la critique présentes à ce moment-là en Italie, étaient les pages consacrées à la Rassegna bibliografica, qui publiait des fiches bibliographiques sur les volumes et les articles récemment parus dans les différents pays. Ces brefs comptes-rendus dont la rédaction était confiée souvent à des jeunes, sous la supervision de spécialistes affirmés, étaient ordonnés par siècles, ou, comme pour le XIX e , par demi-siècles. Seule exception le XVII e siècle qui était divisé en deux sections : Baroque et Classicisme. Ce choix soulignait la volonté du Directeur et de toute la Rédaction de prendre nettement position face aux problèmes que les études sur la littérature française du XVII e siècle avaient rendus de grande actualité. On sait bien que c’est dans l’après-guerre, autour des années cinquante du siècle dernier, que le thème du Baroque littéraire en France a été envisagé de façon plus nette ; il suffit de rappeler les articles de la Revue des sciences humaines publiés en 1949, les travaux de Raymond Lebègue sur la poésie et sur la tragédie du début du XVII e siècle, ceux de Alan Boase sur Sponde, de Victor L. Tapié sur le Préclassicisme français et surtout la thèse de Jean Rousset sur La littérature de l’âge baroque en France. Tous ces spécialistes se proposaient dans leurs études non pas d’aller à la recherche d’un certain goût ou d’un style qu’on aurait pu définir comme baroque en opposition à classique selon les principes établis par Wölfflin pour les beaux-arts, mais d’identifier sous le nom de Baroque une époque historiquement précise, où ces caractères auraient trouvé, en France comme dans d’autres pays de l’Europe, leur cohérente manifestation. À la révision de ce schéma historiographique, typiquement et exclusivement français, qui faisait coïncider le XVII e siècle avec le règne de Louis XIV et celui-ci avec le Classicisme, Franco Simone avait contribué avec toute une 38 Cecilia Rizza série d’articles publiés dans les années 1953-54. Il faut citer en particulier La storia letteraria francese : formazione e dissoluzione dello schema storiografico classico, 1 où, après avoir analysé les conditions politiques et culturelles de la naissance du schéma classique, Franco Simone indiquait la nécessité « di scrivere la storia letteraria di un periodo che due luminose grandezze, il Rinascimento e il Classicismo, avevano completamente oscurato ». Il ne se cachait pas toutefois que l’identification d’une époque baroque dans la culture française serait possible « soltanto quando si sarà indicato per quali vie gli studiosi d’oltr’Alpe avranno assimilato alcune moderne tendenze della storiografia europea » 2 . Dans ce cadre renouvelé, il était persuadé en outre qu’un rôle important aurait pourtant pu être joué par les travaux des critiques qui avaient contribué à mieux définir dans sa spécificité le Baroque littéraire en Europe 3 . En même temps il privilégiait les recherches sur la poésie du début du XVII e siècle, notamment celle d’inspiration religieuse, qui à son avis permettaient d’identifier les caractères propres du Baroque français 4 . L’attention de Studi Francesi se concrétisa bientôt dans un certain nombre d’articles concernant la notion même de Baroque au niveau théorique. Dans le numéro d’avril 1961, la revue publiait une étude de Marcel Raymond sur l’état de la question qui se qualifiait par son équilibre et sa justesse 5 . Le critique genevois envisageait avec beaucoup de finesse les différents moments du Baroque littéraire par rapport aussi aux beaux-arts, sans pourtant en sous-estimer les limites, et il concluait : « L’idée de baroque n’est pas un éon, une hypostase, un x transcendant. Inventée à partir de la réalité, c’est à partir de cette réalité qu’elle doit avoir sa justification. Elle perdra sans doute de son utilité, son pouvoir d’explication s’affaiblira à mesure que nous avancerons plus loin dans la connaissance des œuvres singulières. Alors elle aura pleinement accompli son office » 6 . En 1963 la revue publiait un Supplément (n. 21 sett.-dic.) où étaient recueillies trois conférences présentées à l’occasion de la grande exposition 1 Rivista di letterature moderne a. IV, n. 1, (gennaio - marzo) 1953 et n. 3 (luglio - settembre) 1953. 2 Ibid., n. 3, p. 8. 3 « I contributi europei all’identificazione del barocco francese », dans Comparative Literature, n. VI, pp. 1-25. 4 Attualità della disputa sulla poesia francese dell’età barocca, Università di Messina, n. II, 1953, pp. 125-138. Quelques-uns de ces articles ont été ensuite recueillis dans la troisième partie du volume Umanesimo, Rinascimento Barocco (Milano, Mursia, 1968) où l’on peut lire d’autres textes critiques de Franco Simone sur le Baroque (pp. 257-390). 5 M. Raymond, Le Baroque littéraire français, n. 13 (gennaio-aprile) 1961, pp. 23-39. 6 Ibid., p. 39. Les études sur le baroque dans la revue Studi francesi 39 sur le Baroque, organisée par la ville de Turin. Après une Présentation de Franco Simone qui parcourait le chemin suivi par la critique dans l’identification du Baroque littéraire en France, à partir de sa définition par rapport ou en opposition au Classicisme (pp. 1-26), on pouvait lire l’article de V.-L. Tapié qui en fixant son attention sur les beaux-arts, mettait en question « le tenace préjugé d’une antinomie entre les valeurs baroques et le génie français » pour souligner l’influence de l’Italie, de l’Espagne et des Pays Bas encore évidente dans les retables grâce auxquels, dans les églises françaises, « ces tendances que nous appelons baroques » ont été préservées 7 . Le problème du Baroque littéraire et de son état présent et futur attire de nouveau l’attention de Jean Rousset. Il insiste en particulier sur « le rôle utile joué par la notion de Baroque depuis un quart de siècle environ, un peu moins en France, un peu plus à l’étranger ». Non seulement « elle a provoqué ou favorisé la découverte et la réévaluation de toute une littérature du XVII e siècle », mais elle a permis aussi de reconnaître toute sorte d’affinité entre cette époque et le XX e siècle. Au XVII e siècle cependant « l’inconstance et la dispersion sont éprouvées en fonction d’un sentiment de la permanence et de l’unité », tandis que l’art et l’homme du XX e siècle ignorent le plus souvent ce sentiment de l’unité et la référence à un centre 8 . Le rapport entre poésie baroque et poésie classique est encore une fois étudié par Odette de Mourgues : elle se dit persuadée que « même si en France l’époque baroque a provoqué chez les poètes une sensibilité poétique d’une puissance et d’une variété remarquables, elle n’a pas comporté la création d’une esthétique baroque » 9 . Quelques années plus tard, Daniela Dalla Valle essayait de donner au Baroque littéraire français un fondement qui permît d’ancrer cette poétique à des principes culturels précis ; elle établissait un intéressant rapport entre Baroque et Néo-stoïcisme, à travers l’analyse d’un texte d’Urbain Chevreau, dans lequel les thèmes de l’instabilité, de la précarité et la hantise de la mort typiques de la sensibilité baroque, s’inscrivent parfaitement dans l’idéologie neo-stoïcienne 10 . On peut remarquer, dans tous ces articles, l’équilibre et je dirais même la prudence avec laquelle le Baroque était identifié du point de vue historique et idéologique, par rapport surtout à la situation de la France au XVII e siècle. Ce sont plutôt les problèmes que la nouvelle perspective critique avait mis à l’ordre du jour dans l’étude des différents domaines de la production 7 V.-L. Tapié, « Le Baroque français », dans Suppl. cit., pp. 37 et 39. 8 J. Rousset, « Le problème du Baroque littéraire français », dans Suppl. cit., pp. 50 et 58. 9 O. de Mourgues, « Poésie baroque, poésie classique », dans Suppl. cit., p. 74. 10 D. Dalla Valle, « Neo-stoicismo e Barocco. A proposito del Tableau de la fortune d’Urbain Chevreau », n. 28 (gennaio - aprile) 1966, pp. 30-53. 40 Cecilia Rizza littéraire qui intéressent les collaborateurs de la revue, c’est-à-dire la fonction heuristique que la notion du Baroque pouvait exercer. Il s’agit parfois de lire, selon un point de vue nouveau, les romans de la première moitié du siècle, un genre littéraire que l’historiographie traditionnelle avait longtemps négligé. Ainsi Massimo Romano, à travers l’analyse d’environ soixante-dix romans français conservés dans la Biblioteca Nazionale de Turin et arrivés dans la ville piémontaise au XVII e siècle, grâce aux rapports privilégiés entre la Maison de Savoie et la Cour du Roi de France, identifie toute une série de thèmes communs aussi à la peinture baroque, notamment celui de la lumière qui éclaire les ténèbres. Dans son analyse il ne néglige pas, toutefois, de mettre en valeur aussi les liens qui persistent entre ces ouvrages et la tradition des romans courtois dans la mesure où « la favolosa e fiabesca mitologia cortese della letteratura cavalleresca diventa gioco intellettualistico di figure retoriche nella narrativa barocca » 11 . Au Baroque renvoie, déjà par son titre, l’ouvrage de J.P. Camus auquel s’intéresse A. Vaucher Gravili dans un article de 1976 : « Loi et transgression dans Les Spectacles d’horreur de J.P. Camus ». Malgré le cadre didactique de ses histoires et ses intentions moralisantes, l’Evêque de Belley exprimerait, dans une langue riche en métaphores (images de l’eau, de la tempête, du naufrage, du frêle vaisseau, du vent et des nuages) des thèmes typiques de la sensibilité baroque, à savoir « la mortelle faiblesse de l’homme, son angoisse de vivre, son inconstance et la fatalité qui le pousse à l’erreur » 12 . Plusieurs années plus tard, ce sera un thème particulier, celui de Narcisse, dans Le Berger extravagant de Sorel, qui retiendra l’attention de Laura Rescia comme expression symbolique de la dialectique baroque entre réalité et illusion représentée par le miroir. De sorte que « lo specchio assolve alla duplice funzione di assecondare l’illusione e di riportare alla realtà ; l’esperienza visiva, tipicamente barocca, fa convergere due istanze apparentemente antitetiche » 13 . Encore aux romans de la première moitié du siècle, lus d’après une perspective baroque, est consacrée une partie d’un numéro monothématique plus récent de la revue qui traite des Stratégies narratives : XVII e -XIX e siècles. Si Chiara Rolla voit dans Le Tombeau des Romans de Fancan publié en 1626, c’est-à-dire bien avant Huet, outre l’éloge du genre narratif, la discussion du rapport entre vérité et divertissement et l’affirmation des exigences de 11 M. Romano, « Tematica barocca nel romanzo francese del Seicento », n. 37 (gennaio - aprile) 1969, pp. 26-43. 12 A. Vaucher Gravili, « Loi et transgression dans Les Spectacles d’horreur de J.P. Camus », n. 76, pp. 20-31. 13 L. Rescia, « Il mito di Narciso nel Berger extravagant di Charles Sorel », n. 117 (settembre - dicembre) 1995, pp. 457-466. Les études sur le baroque dans la revue Studi francesi 41 l’imagination 14 , Rosa Galli Pellegrini, reconnaît encore dans L’Illustre Bassa de Scudéry, d’une part « toutes les caractéristiques composites du genre baroque », d’autre part, une transformation de ces éléments baroques qui désormais « côtoient la tendance vers l’unité classique qui est en train de se donner des règles » 15 . Quant aux Nouvelles de Mme de La Calprenède qui font l’objet de l’étude de Sergio Poli, elles sont jugées, en opposition à l’œuvre de Segrais, aussi bien du point de vue thématique qu’au niveau de la structure. Chez Segrais « Dans la structure du recueil encadré, tout est ordre annoncé » ; chez Mme de La Calprenède « tout est détour imprévu ; là tout est clair, car on connaît, dès le début, grâce aux commentaires des devisants, aussi bien le sujet que le sens de la nouvelle ; ici tout est surprise, méprise, incertitude » 16 . Mais peut-être au-delà de ses intentions, « en exaltant les artifices baroques Mme de La Calprenède innove, bizarrement à la baroque […] » 17 . De l’analyse comparative des paratextes des Nouvelles de Segrais et des Nouvelles de Mme de La Calprenède ressort donc le caractère dialectique de l’œuvre de celle-ci et c’est de cette dialectique qu’il faut partir pour comprendre toute l’œuvre de Mme de La Calprenède 18 . Le théâtre baroque occupe une place importante dans la revue depuis l’étude de Francesco Orlando sur Rotrou. En analysant le thème de la mort dans les tragi-comédies de cet auteur, à partir d’une comparaison entre Mélite de Corneille et L’Hypocondriaque, le critique y envisage la présence d’un monde irrationnel et pathétique, qu’il qualifie comme baroque et qu’il rapproche de la production dramatique espagnole et anglaise contemporaine 19 . Un autre thème révèlerait la sensibilité et l’idéologie baroques, celui de la folie dont traite un article de F. D’Angelo ; dans son analyse détaillée, outre Rotrou, trouvent place Hardy, Tristan, Schélandre et Regnault. La disparition de ce thème dans les tragédies françaises marquerait le passage du Baroque au Classicisme 20 . 14 Ch. Rolla, « Stratégies narratives selon Fancan », n. 131 (maggio - agosto) 2000, pp. 245-254. 15 R. Galli Pellegrini, « Stratégies du ‹tragique› dans Ibrahim ou l’Illustre Bassa », dans n. cit., pp. 261 et 275. 16 S. Poli, « Stratégies d’écriture et polémique littéraire : les Nouvelles de Mme de La Calprenède », dans n. cit., p. 293. 17 Ibid., p. 296. 18 Ibid. 19 F. Orlando, « La morte falsa e vera nel teatro di Rotrou », n. 16 (gennaio - aprile) 1966, pp. 31-50. 20 F. D’Angelo, « La follia del tiranno nella tragedia francese del Seicento », n. 131 (gennaio - aprile) 2000, pp. 3-24. 42 Cecilia Rizza Mais c’est un autre genre de théâtre qui caractérise à la fois la production littéraire baroque et l’influence que, dans ce domaine, exerce l’Italie en ce début du siècle. Daniela Dalla Valle consacre, à distance de quelques années, deux articles sur la fortune du Pastor fido en France. Le premier établit un rapport direct entre cette pastorale dramatique et un texte peu connu de Tristan dans le cadre d’une sensibilité, d’une thématique et d’un style qui s’inscrivent parfaitement dans le Baroque 21 . Le deuxième, fixant l’attention sur l’œuvre de Boyer, Troterel, Guerin de Bouscal, Urfé, Mairet, N. de Montreux, se propose de vérifier jusqu’à quel point l’influence sur ces auteurs du texte de Guarini qu’on peut considérer comme exemplaire de la civilisation baroque, montre la présence en France de certains aspects typiques de l’esthétique baroque européenne 22 . On a sans doute déjà remarqué que la plupart des articles que l’on vient de citer sont écrits par des Italiens, et que souvent ils concernent directement les rapports entre l’Italie et la France ; l’Italie occupe en effet une place importante, je dirais même fondamentale, car elle est présente dans toutes les études sur le Baroque littéraire, et non seulement par rapport aux beaux-arts selon la leçon de Jean Rousset. L’influence de la littérature italienne sur la littérature française du début du XVII e constitue donc dans la revue un domaine de recherche privilégié, digne d’être approfondi. Plusieurs travaux envisagent le problème d’un point de vue général. C’est dans les tout premiers numéros de la revue qu’on peut lire une note sur l’influence italienne dans la poésie lyrique où la présence et le prestige durables de la poésie italienne sont documentés à travers la lecture des textes de poètes français de la première moitié du siècle et de leurs prises de position théoriques 23 . Deux articles de Marziano Guglielminetti étudient plus en détail la présence de G.B. Marino en France 24 . Il y a, d’une part, les œuvres que le poète italien écrit à la louange de Henri IV et de Marie de Médicis, ses dédicaces à Concino Concini pour les Epitalami et à Louis XIII pour La sferza, le grand poème d’Adone, publié à Paris avec la Préface de Chapelain et La Galeria, dont l’exemple sera suivi par Scudéry qui témoignent de la considération dont le poète italien était entouré et de ses rapports avec la Cour avant et pendant son séjour en France. D’autre part, apparaît en toute 21 D. Dalla Valle, « La fortuna francese del Pastor fido ; un testo ignorato di Tristan l’Hermite », n. 24 (settembre - dicembre) 1964, pp. 459-469. 22 D. Dalla Valle, « L’eroe pastorale barocco », n. 43 (gennaio - aprile) 1971, pp. 36-56. 23 C. Rizza, « L’influenza italiana sulla lirica francese del primo Seicento », n. 2 (maggio - agosto) 1957, pp. 264-270 et n. 3 (settembre - dicembre) 1957, pp. 432-436. 24 M. Guglielminetti, « Ricerche sull’italianismo nella Francia dell’età barocca. Il Marino e la società francese del suo tempo », n. 22 (gennaio - aprile) 1964, pp. 16- 33 et « Il Marino e la società francese del suo tempo », n. 23 (maggio - agosto) 1964, pp. 214-228. Les études sur le baroque dans la revue Studi francesi 43 évidence le rôle joué par Marino dans l’évolution de la poésie française de la Renaissance au Baroque. En 1968 la revue publie un Supplément de son numéro 35 où sont recueillis les Actes d’un Colloque de littérature Comparée sur L’italianisme en France au XVII e siècle. Parmi les nombreux travaux présentés, quelques-uns seulement intéressent de façon directe ou indirecte le Baroque. Le répertoire dressé par Maurice Javion sur les traductions françaises de la Gerusalemme liberata de T. Tasso 25 ne dépasse pas les limites d’un simple inventaire qui complète l’étude bien plus approfondie de Simpson sur le poète italien 26 ; par contre, le commentaire de Joseph Venturini à une lettre de Tommaso Stigliani permet de saisir quelques aspects dans l’œuvre des marinistes italiens qui se rencontrent aussi chez les poètes français de la même époque 27 . Mais c’est surtout l’article de Daniela Dalla Valle sur l’influence exercée par l’Aminta sur les tragi-comédies françaises du début du XVII e siècle qui permet de saisir à la fois la fortune du Tasse en France et son importance pour la définition même du Baroque. D. Dalla Valle est en effet persuadée « que la diffusion et la fortune de la pastorale baroque ont tiré leur origine d’un climat spirituel bien précis, qu’elles ont répondu, au moins à leurs débuts, à des réelles exigences intellectuelles, et qu’elles se sont conformées dans leur développement, aux caractères les plus typiques de la nouvelle civilisation ; et le fait que, pour en arriver là, il a fallu remonter jusqu’à l’Aminta, est une autre preuve de l’importance vitale de l’italianisme dans la France baroque » 28 . Quelques années plus tard C.M. Grisé s’occupera dans une note des sources italiennes de la poésie de Tristan, tandis que, d’une façon plus générale, Ch. Rolfe identifiera, d’un point de vue thématique et stylistique, d’incontestables affinités entre la poésie de Saint-Amant et la peinture baroque et M. Clément analysera les images qui caractérisent la poésie religieuse baroque 29 . 25 M. Javion, « Les traductions françaises de la Gerusalemme liberata au XVII e siècle », dans Suppl. au n. 35 (maggio - agosto) 1968, pp. 79-93. 26 Joyce G. Simpson, Le Tasse et la littérature et l’Art baroques en France, Paris, Nizet, 1962. 27 J. Venturini, « Réflexions sur les poètes marinistes à propos d’une lettre de Tommaso Stigliani », dans Suppl. cit., pp. 136-144. 28 D. Dalla Valle, « La pastorale dramatique baroque et l’influence de l’Aminta », dans Suppl. cit., pp. 95-108. 29 C.M. Grisé, « Italian sources of Tristan l’Hermithe’s Poetry », n. 41 (maggio-agosto), 1970, pp. 285-296 ; Ch.D. Rolfe, « The Flemish Connection : Saint-Amant and the Genre-Painters », n. 51 (settembre - dicembre) 1973, pp. 476-481 ; M. Clément, « L’impossible représentation. L’image chez quelques poètes baroques », n. 107 (maggio - agosto) 1992, pp. 297-300. 44 Cecilia Rizza Marino reviendra encore au centre de l’attention de S.A. Warman qui, dans un article de 1994, traitera des rapports entre le théâtre de Scudéry et certains textes du poète italien, ce qui prouve à son avis « La fidélité de Scudéry à Marino, révélatrice d’une véritable affinité esthétique entre les deux poètes » 30 . Souvent les articles que nous venons de citer ont été ensuite recueillis dans des volumes ; ils ont représenté, en effet, une sorte d’anticipation par rapport à des études in fieri qui trouveront ensuite une forme plus achevée. C’est le cas de l’article de F. Orlando sur Rotrou, de M. Guglielminetti sur Marino, de D. Dalla Valle sur Il Pastor fido et l’Aminta. Cette remarque n’enlève aucun intérêt à la revue ; au contraire, on voit par là quelle fonction Studi francesi a exercée, même à propos du Baroque, mettant au courant, en temps utile, les spécialistes sur les recherches en cours. À ce rôle s’ajoute celui dont on a parlé au début de notre mise à point : c’est le service rendu par la Rassegna bibliografica. À partir de 1958 on a renoncé à diviser le XVII e siècle dans les deux sections de Baroque et Classicisme et, par uniformité avec les autres siècles, on a adopté la séparation chronologique du XVII e en deux demi-siècles : 1600-1650 et 1650-1700. On ne jugeait plus nécessaire, peut-être, de prendre position sur le problème du Baroque littéraire en France, le vieux schéma historiographique théorisé par Voltaire dans son Siècle de Louis XIV étant désormais, non seulement mis en question, mais tout à fait périmé. Le Baroque littéraire français restait quand même présent dans les fiches bibliographiques de la Rassegna où les études concernant ce domaine de recherche étaient régulièrement signalées et ponctuellement commentées. De 1957 à 1966 on compte environ soixante fiches critiques consacrées directement au Baroque. Elles sont moins nombreuses dans les années suivantes, ce qui révèle un moindre intérêt de la critique pour ce problème particulier, dont la revue ne fait qu’enregistrer les effets. Elles atteignent, cependant, au total, le chiffre important d’environ deux cents. Même à travers ces données on peut mesurer la place que les études sur le Baroque littéraire français occupent dans Studi francesi et parcourir le chemin suivi par la critique au cours des cinquante dernières années. La revue a été ainsi fidèle, me semble-t-il, aux intentions de son Fondateur et son premier Directeur qui se proposait (comme on peut lire encore dans sa présentation en quatrième de couverture) de contribuer non seulement à une connaissance plus approfondie et mieux informée de la littérature et de la civilisation de la France, mais aussi « à la formation d’une conscience critique moderne plus éclairée ». 30 S.A. Warman, « Deux adaptations de Marino dans le théâtre de Scudéry », n. 114 (settembre-dicembre) 1994, pp. 445-456.