Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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2007
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La galaxie baroque de Lacan
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2007
Michel Peterson
Nous restons leibniziens, bien que ce ne soit plus les accords qui experiment notre monde ou notre texte. Nous découvrons de nouvelles manières de plier comme de nouvelles enveloppes, mais nous restons leibniziens parce qu'il s'agit toujours de plier, déplier, replier.
Gilles Deleuze, Le pli. Leibniz et le baroque.
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Œuvres & Critiques, XXXII, 2 (2007) La galaxie baroque de Lacan Michel Peterson * Nous restons leibniziens, bien que ce ne soit plus les accords qui expriment notre monde ou notre texte. Nous découvrons de nouvelles manières de plier comme de nouvelles enveloppes, mais nous restons leibniziens parce qu’il s’agit toujours de plier, déplier, replier. Gilles Deleuze, Le pli. Leibniz et le baroque. Il y a un Lacan grec, un Lacan latin, un Lacan médiéval, un Lacan renaissant et un Lacan baroque. Au moins, sinon plus. Et à ce dernier, le baroque, nul doute qu’il convienne de s’attarder puisqu’il est celui qui fraye de son stylet la question de la demande d’amour en creusant plus avant le mythe d’Éros. Une fois plongé dans l’océan de remarques de la critique au sujet du « gongorisme » de celui qui commanda profondément le nécessaire retour à Freud, j’en suis donc venu à me laisser dériver au gré des associations, histoire de repérer quelques traits de ce que Haroldo de Campos nomme à juste titre « la violence translatante de Lacan » 1 . Je suis alors entré par un autre temps dans la leçon qu’a consacrée Lacan au baroque dans Encore, le séminaire dans lequel il pliait, dépliait, repliait une réflexion appuyée sur la topologie et laissait entrevoir le nœud de l’amour qui allait prendre force du côté du symptôme chez Joyce. Je suis entré au point de violence du rapport entre le sujet-supposé-savoir et celui qui l’aime, au point où le savoir de lalangue recoupe l’amour : « Là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien », lit-on en exergue de la leçon du 8 mai 1973 2 . Qu’est-ce que ça sait ce ça sait, celui du Es, de l’inconscient ? Qu’est-ce que ça ressasse ? Ça sait cela, qui s’entend : rien, lequel n’est pas sans faire écho à la demande impérative et séductrice de l’enfant : Encore ! Encore ! , s’exclame * L’auteur est psychanalyste, membre de l’École lacanienne de Montréal et de la Libre Association de psychanalyse de Montréal. Il est également directeur de la collection « Voix psychanalytiques » aux éditions Liber. 1 « L’afreudisiaque Lacan dans la galaxie de lalangue ». Trad. fr. Inês Oseki-Dépré. Revue du Littoral, no. 41, 1995, p. 140. 2 Jacques Lacan, Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 95. À l’avenir, je signalerai les références à ce texte par le sigle E, suivi du numéro de page. 172 Michel Peterson en effet le petit d’homme en proie au désir de répétition, de reprise, toute sa force tendue vers l’Autre, littéralement fasciné, déjà au fait du rien des tours et détours de la pensée d’amour : « Quelqu’un ici peut-être se souvient de ce que j’ai parlé d’une langue où l’on dirait - j’aime à vous, en quoi elle se modèlerait mieux qu’une autre sur le caractère indirect de cette atteinte qui s’appelle l’amour. » (E, 95) L’amour, ça ne se rapporte pas du sexuel, ça n’est pas ça, mais ceci : « Le baroque, c’est la régulation de l’âme par la scopie corporelle. » (E, 105) C’est donc là, dans cette violence translatante et pure de la scopie, que finirait par apparaître la force du baroque en tant que tel, sa perle en somme, jésuitique, irrégulière certes, mais résonnant sur les planches du théâtre ob-scène de la parole analysante : « un être sans violence, écrit Derrida à propos de Levinas, serait un être qui se produirait hors de l’étant : rien ; non-histoire ; non-production ; non-phénoménalité. » Le baroque chez Lacan étend la violence contrainte dans le temps de l’être pour en produire une prédication primordiale : « Une parole qui se produirait sans la moindre violence ne dé-terminerait rien, ne dirait rien, n’offrirait rien à l’autre : elle ne serait pas histoire et ne montrerait rien : à tous les sens de ce mot, et d’abord en son sens grec, ce serait une parole sans phrase. » 3 La parole d’amour, son énergie, sa phrase, engagent l’âme humaine et donc, la pensée de l’homme, sa jouissance : « Là où ça parle, ça jouit » (E, 104), répète Lacan de son côté, le secret et l’attente s’engrammant dans leur violence pour ouvrir à l’infini potentiel de la jouissance de lalangue et çachant un rien, celui du sujet et du savoir dé-terminant son histoire. Si le poète brésilien vient ici à point nommé orificier le baroque, c’est qu’il noue dans l’écriture ce que Lacan - dans ses pointes rhétoriques extrêmes - et Derrida - dans ses ellipses absolues - renouvellent, hors les murs de la linguistique et hors les débats parfois sévèrement bornés de la psychanalyse, à savoir l’inconscient et le réel. Lacan n’en était-il pas venu à soutenir, vers la fin de son séminaire : « Lalangue quelle qu’elle soit est une obscénité. Ce que Freud désigne de - pardonnez-moi ici l’équivoque -, l’obrescène [? ], c’est aussi bien ce qu’il appelle l’autre scène, celle que le langage occupe de ce qu’on appelle sa structure, structure élémentaire qui se résume à celle de la parenté. » 4 De fait, ce que met en scène hors scène le baroque, c’est l’autre scène. Or, cette autre scène nous oblige à sortir de la logique classique dans le cadre duquel le conscient serait le psychisme, voire l’entendement, au sens de Locke, et l’inconscient le non-psychisme. Mais justement, l’inconscient, l’autre scène, n’équivaut pas au non-conscient, ainsi que le 3 « Violence et métaphysique », dans L’écriture et la différence, Paris, Seuil, coll. « Points », 1967, p. 218. 4 Le séminaire, livre XXIV, L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre. Leçon du 19 avril 1977, Association freudienne internationale, p. 114. La galaxie baroque de Lacan 173 soutiennent Wundt puis Tarski. Pour entre-voir l’autre scène, celle que Freud dévoile constamment dans L’Interprétation des rêves, c’est celle de l’écriture du sujet ou mieux, pour reprendre les termes de Jean-Michel Vappereau, celle de « l’exercice du sujet » 5 . Voilà d’emblée ce que Haroldo de Campos, dans son petit ouvrage majeur O sequestro do barroco na formaç-o da literatura brasileira : o caso Gregório de Mattos, démontrait jadis hors de tout doute raisonnable : ladite littérature brésilienne - pour prendre cet exemple qui a tant à nous enseigner sur la question qui nous occupe ici - est née de la côte du baroque, à savoir dans la nécessité d’une écriture qui soit « exercice du sujet », ouverture anthropophagique de l’autre scène. Il assumait ainsi d’entrée de jeu que la question de ses origines constituait avec acuité, déjà avec Gregório de Mattos et le Père Vieira, un « épisode de la métaphysique occidentale de la présence » et fournissait un « chapitre à mettre en appendice du logocentrisme platonisant que Derrida, dans De la grammatologie, soumît à une lucide et révélatrice analyse, non par hasard à l’instigation de deux ex-centriques, Fenollosa, l’anti-sinologue, et Nietzsche, le pulvérisateur de certitudes. » 6 Une fois délocalisée, déterritorialisée de cette façon, re-située entre les langues, la question du baroque illustre à mon sens l’infondé de la position de Henri Meschonnic prétendant que Lacan - avec Blanchot, Barthes et Heidegger - aurait contribué à une déshistoricisation du langage de notre époque et à la construction d’une poétique sans pensée du sujet dans le langage ! 7 Charge semblable à propos de Derrida, spiralée jusqu’au ressentiment. Au contraire, interroger le baroque tel que s’y engagèrent Lacan et Derrida nous conduit précisément à une pensée du sujet dans l’histoire et le champ social, ainsi que l’indique l’incipit des Écrits : « Le style est l’homme même », aussitôt rejoué, en vue du « Séminaire sur ‹La lettre volée› », dans la formule suivante : « Le style c’est l’homme, en rallierons-nous la formule, à seulement la rallonger : l’homme à qui l’on s’adresse ? » 8 Comment encore dénier que, de son 5 Jean-Michel Vappereau a développé cette articulation dans son travail sur la loi de De Morgan. « Mort et topologie » et « Vie et mort de la subjectivité dans le discours capitaliste ». Conférences prononcées à la Faculté de Théologie de l’Université de Montréal, 14 juin 2003. 6 Haroldo de Campos, O sequestro do barroco na formaç-o da literatura brasileira : o caso Gregório de Mattos, Salvador, Fundaç-o Casa Jorge de Amado, 2 a ediç-o, 1989, pp. 7-8. 7 Poétique du traduire, Lagrasse, Verdier, 1999, p. 197. 8 Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 9. Ne serait-il pas d’ailleurs nécessaire de dégager minutieusement l’impact du matérialisme historique dans la thèse de Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Paris, Seuil, 1975. N’oublions pas, comme le rappelle Haroldo de Campos, que le jeune Marx utilisa lui aussi la maxime de Buffon pour légitimer son mode d’écriture. 174 Michel Peterson côté, Derrida se soit engagé très tôt dans une pensée radicale de l’homme historique, par exemple en demandant, dans un essai consacré à Jan Patoka, selon quelle stratégie croire à une « histoire de croyance ou de créancier » ? 9 Ou encore, justement, en conclusion d’un texte qui nous intéressera dans un instant, sur le baroque chez Jean Rousset : « Car l’autre fraternel n’est pas d’abord dans la paix de ce qu’on appelle l’inter-subjectivité, mais dans le travail et le péril de l’inter-rogation ; il n’est pas d’abord certain dans la paix de la réponse où deux affirmations s’épousent mais il est appelé dans la nuit par le travail en creux de l’interrogation. L’écriture est le moment de cette Vallée originaire de l’autre dans l’être. » 10 L’enjeu de cette inter-rogation est d’importance car il s’agit de savoir si la psychanalyse, comme le soutient encore Meschonnic dans une critique empreinte d’une violence confinant à la haine, « renforce le dualisme du signe, en se fondant sur l’opposition conceptuelle entre absence et présence, qui redouble et motive le schéma du signe. » 11 Or la pointe baroque du style de Lacan vient justement faire trembler ce dualisme d’épousailles aussi puissamment, quoique selon des modalités fort différentes, que la différance derridienne, l’une et l’autre déstabilisant vigoureusement les dichotomies du phallogocentrisme. Et elle vient le faire trembler jusqu’en ses points et ses reliures extrêmes où Lacan, même et surtout en posant l’instance insécable de la lettre et la primauté du signifiant, jouant dans sa technologie du rythme de la libido, déconstruit logiquement et topologiquement l’idéalisme philosophique. Derrida et Lacan, Lacan et Derrida - dupliquant en partie les rapports du Dupin et du Ministre dans « La lettre volée » de Poe 12 - sont l’un et l’autre 9 « Donner la mort », dans L’éthique du don. Colloque de Royaumont, décembre 1990, Paris, Métailié, 1992, p. 107. 10 « Force et signification », dans L’écriture et la différence, p. 49. 11 Critique du rythme. Anthropologie historique du langage, Lagrasse, Verdier, 1982, p. 663. 12 Je dis « en partie » parce que je n’endosse pas la thèse que François Peraldi reprend à Barbara Johnson au sujet de ce débat à sens unique auquel Lacan n’a jamais cru bon de répondre. Peraldi écrit : « […] la vengeance fratricide Lacan/ Derrida, another couple at odds, dont je ne reprendrai pas ici le conflit dont les éléments sont rapportés par Barbara Johnson en termes de duplication des rapports de Dupin et du ministre où le triomphe de l’un dépend du remplissage du point aveugle de l’autre, mais, ajouterai-je, par rapport à une autorité tierce dont les frères ennemis se font les héros contradictoires, la Reine entre Dupin et D…, Freud entre Lacan et Derrida. Et, si l’on veut remonter au mythe originaire, la couronne de Mycènes entre Atrée et Thyeste car la séduction d’Aéropé, femme d’Atrée, par Thyeste avait pour enjeu la possession du trône de Mycènes. » Voir, de François Peraldi, Le Séminaire 1982-1985. L’Autre, le temps, édité par Michel Peterson, Montréal, Liber, 2007, p. 215. De Barbara Johnson, « The Frame of Reference : Poe, Lacan, Derrida » dans The Purloined Poe. Lacan, Derrida, and Psychoanalytic Reading, edité par John P. La galaxie baroque de Lacan 175 sujets de la lettre et du « souci du style » ou de cette « occupation du style » pour reprendre les expressions de Haroldo de Campos à propos de Lacan. À un détail près : quand Lacan reprend Buffon cité par Flourens, c’est le génie de la formule de l’homme à qui l’on s’adresse qu’il pointe, en dégonflant toutefois le ballon du moi. Derrida, lui, n’oubliant jamais l’air de la femme dite pas-toute, procède autrement et vise moins le narcissisme que les modes d’essentialisme du phallogocentrisme, interrogeant de ce fait le style de/ et « la » « femme » : « La « femme » s’intéresse alors si peu à la vérité, elle y croit si peu que la vérité à son propre sujet ne la concerne même plus. C’est l’« homme » qui croit que son discours sur la femme ou sur la vérité concerne […] la femme. » 13 Pas d’essence de la femme - Derrida ; il n’y a pas la femme - Lacan. Reprendre Lacan et Derrida par la différence des sexes passe par le baroque, leurs avancées étant logiquement situables sur la surface historique d’une bande de Mœbius. Loin de s’opposer simplement selon le programme du logocentrisme, ils circulent sur une surface non-orientable, ne possédant qu’une seule face et un seul bord. Mais coupons le ruban en deux dans le sens de la longueur et nous obtiendrons… un anneau unique … vrillé … et possédant deux faces distinctes et deux bords distincts. Déconstruisons (je n’hésiterai pas à employer ici le verbe, avec tout le risque qu’il comporte dans cette situation-ci, où ce que Meschonnic appelle les « lacunes » des sciences humaines vient être colmaté par le rythme comme utopie du sens) encore et recoupons toujours dans le sens de la longueur et nous obtiendrons cette fois … deux anneaux distincts, vrillés et entortillés l’un sur l’autre. De l’amour, pour l’amour … de Derrida pour Lacan, vrillés certes, mais dans l’incalculable perspective de la métaphore topologique de l’invagination chiasmatique des bords (version Derrida) ou du cross-cap (version Lacan). Nous ne sommes pas dans la paix de l’inter-subjectivité, dans ce « module de l’intersubjectivité » ou ce « complexe intersubjectif » sur lequel Lacan, en hégélien kojévien, fonde sa pensée de l’automatisme de répétition. 14 Du moment que Lacan, dans son analyse, sort du champ de l’exactitude et propose une lecture du redoublement (scène primitive du boudoir royal et deuxième scène du bureau du ministre) de la répétition inscrite dans le conte de Poe - redoublement inscrit dans la structure même de son texte articulé en deux volets, sorte de double séance, pourrait-on dire …, pensant ici au beau texte consacré à Platon par Derrida et auquel Muller et William J. Richardson, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1988, pp. 213-251. 13 Spurs. Nietzsche’s Style. Éperons. Les styles de Nietzsche, Chicago and London, Chicago University Press, 1989, p. 62. 14 « Le séminaire sur ‹La lettre volée› ». Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 14-15. 176 Michel Peterson répondra dans un instant celui sur Rousset -, nous entrons dans le « danger absolu » de la subjectivité dans le langage, opération produite par la force, par la force de l’espacement. Le contentieux entre Lacan, le sujet-supposésavoir, et Derrida, celui qui l’aura aimé - amour qui aura été refusé par l’aimé et ses enfants, dans un aveuglement sans bornes, même, et surtout, s’il lui avait « donné raison » -, ne sera pas passé que par le chiasme de « La lettre volée », mais également, beaucoup plus tôt, par la pensée du baroque et de l’amour, autre lieu d’inter-rogation de la minutie et de la dissémination de la lettre. D’où l’intérêt, si l’on veut d’aller au-delà de l’effacement (il s’agit là, pour être plus précis, d’un disregard) posé par d’aucuns sur l’échange de legs impossibles de Derrida à Lacan, de proposer un retour au baroque. Il nous faut toutefois rappeler, pour déplier ce qui nous occupe ici 15 , de la charge menée par Georges Mounin contre le style « maniéré » de Lacan parce que ses effets continuent aujourd’hui à se faire sentir jusque chez ceux qui semblent oublier qu’avec Lacan, nous foulons le continent de la linguisterie et non celui de la linguistique. Pour François Peraldi, cette « linguisterie » est à rapprocher de la sémiotique de Peirce en ce qu’elle « ne s’aborde absolument pas par le biais de la langue […], mais par celui de sa fonction et de sa structure dans la situation de parole. » 16 Or, Mounin, comme Meschonnic, ne semble pas s’être avisé que, comme le faisait remarquer avec finesse Jean- Paul Gilson, linguistique et linguisterie sont séparées par l’amour affronté à la jouissance sur l’ob-scène du sexuel. 17 François Peraldi, lui, attaquait de son côté Mounin moins pour soutenir Lacan sur les plans théorétique et dogmatique en s’appuyant sur Freud, que pour déplacer les attaques de Mounin au nom de l’amitié et de la pulsion de différance. Pour Peraldi, la critique du linguiste est « perfide » : « Elle recouvre, ridiculise, rend caricatural, morcèle, détériore, en un mot falsifie. Elle joue dans l’aperception complète de la différence » en ne reconnaissant pas sa propre agressivité. 18 Mais qu’avance au fond Mounin ? 19 D’abord, que Lacan n’entendait rien de Saussure. Accu- 15 Une autre direction de travail, fort stimulante, est celle suivie par exemple par Matthew D. Stroud, dans The Play in the Mirror. Lacanian Perspectives on Spanish Baroque Theater, Lewisburg/ London, Bucknell University Press/ Associated University Presses, 1996. 16 Op. cit., p. 71. 17 Jean-Paul Gilson, La topologie lacanienne : une présentation du sujet, annexe IV. Thèse de doctorat présentée en psychologie. Université catholique de Louvain, Faculté de psychologie et des Sciences de l’éducation, décembre 1992, p. 48. 18 Traduire : application de quelques concepts de la sémanalyse à l’opération traduisante. Thèse de doctorat de III e cycle, École Pratique des Hautes Études, 1975, p. 2. 19 Il s’agit de l’article « Quelques traits du style de Jacques Lacan », Nouvelle Revue Française, 1 er janvier 1969, pp. 84-92. Les effets « colatéraux » de la lecture de Mounin continuent à se faire sentir. Récemment encore, Nils Gascuel réagissait La galaxie baroque de Lacan 177 sation grave, pour ne pas dire ridicule, mais dont le prévenu ne se formalisa pas outre mesure puisqu’il se situait ailleurs, du côté de Freud, du retour à sa lettre, dans l’après-coup de la découverte de l’inconscient, et déjà, du côté d’une autre théorie de la structure matérielle des mots, inaugurée dans la Contribution à la conception des aphasies. Mounin analyse donc la syntaxe et le lexique de Lacan, soutenant sans sourciller que Lacan en quelque sorte ne sait pas écrire, son usage des prépositions et du lexique étant littéralement « inapproprié », la langue se trouvant selon lui soumise à des torsions byzantines. Or jamais Mounin - pas plus que Meschonnic, d’ailleurs - ne se sera avisé de ce que la question de l’écriture (nous y revenons) se lie chez Lacan à l’amour dans le nouage de l’Un à l’Autre. D’où la nécessité (formulée comme « ce qui ne cesse pas de s’écrire ») de lire et d’entendre la réflexion de Lacan au sujet d’un autre lieu de l’inscription du sujet à l’occasion de la différance entre l’être et son penser dans la contorsion du baroque. Que Lacan nous dit-il du baroque dans Encore, L’extase de Sainte Thérèse de Bernini, de la couverture du séminaire re-produisant les propos de Bataille liant l’expérience religieuse et la jouissance dans L’Érotisme ? Prenant bien sûr son élan du don du discours analytique, savoir l’inconscient selon Freud (qui devient chez Lacan le parlêtre, c’est-à-dire « ce qui paraît toujours pour celui qui ne peut que paraître » 20 ), le voilà enté sur une science nouvelle qui rappelle à gros traits Vico. Le discours analytique nous donne en effet la science de l’amour, incommensurable à la science traditionnelle - science de l’amour se soutenant du « dialecte sauvage » du fantasme, de la débauche des limites. 21 Sitôt déplacée, cette question de la science commande ainsi celle du christianisme. Suivons la voie frayée par Lacan. D’abord, l’inconscient ne veut rien savoir du Tout, ce qui n’implique pas qu’il se suffise des parties : « L’inconscient, ce n’est pas que l’être pense, comme l’implique pourtant ce qu’on en dit dans la science traditionnelle - l’inconscient, c’est que l’être, en parlant, jouisse, et, j’ajoute, ne veuille rien en savoir de plus. J’ajoute que cela veut dire - ne rien savoir du tout. » (E, p. 95) On aura entendu que « ne rien savoir du tout » implique, entre ontologie et en soutenant que le baroquisme de Lacan, qu’il comparait à mon sens un peu abusivement à celui de Mallarmé (Haroldo de Campos faisait de même, mais avec une grande prudence, en mettant l’accent chez l’âne-à-liste sur la trace et la diagrammation phrastique), restituait au sujet ses doits à l’expressivité et lui permettait de ne pas céder sur son désir en regard de la signification. Voir « Le style du pire Lacan et Mallarmé », dans Essaim, no. 16, 2006/ 1, pp. 111-128. 20 Comme le souligne Jean-Michel Vappereau au tout début de L’amour du tout aujourd’hui, Paris, Topologie en extension, 1995, p. 11. 21 L’expression « dialecte sauvage » est bien sûr de Jakob Burckhardt et est citée par Thomas Schlesser dans son article « Baroque » du Dictionnaire de la pornographie sous la direction de Philippe Di Folco, Paris, PUF, 2005, p. 55. 178 Michel Peterson science, non seulement un déplacement du Tout aux parties, métonymique, mais le non désir de savoir de l’inconscient, de l’être. La métaphysique et la psychanalyse sont ainsi inquiétées avec Lacan et ce, même s’il nous a un instant laissé penser qu’il allait plonger tête première dans le platonisme. Il précise : « La faute de la science que je qualifie de traditionnelle pour être celle qui nous vient de la pensée d’Aristote, sa faute est d’impliquer que le pensé est à l’image de la pensée, c’est-à-dire que l’être pense. » (E, p. 96). Ce dont il est par conséquent question dans cette section sur le baroque, c’est bien du savoir, mais d’un savoir spécifique, à savoir celui qui ne se sait pas et ne trouve consistance que dans le signifiant. Après avoir pour la première fois établi le tableau complet des formules de la sexuation (au début de la leçon VII, « Une lettre d’amour », p. 73), il s’est attelé (dans la leçon suivante, « Le savoir et la vérité ») à l’élaboration d’une topologie intégrant la contingence, le nécessaire, l’impossible et le possible en tant que catégories logiques dans l’articulation des registres de l’Imaginaire, du Symbolique et du Réel afin d’interroger le savoir comme vérité. Cette « graphisisation » (E, p. 83) indique, rappelant la place inaugurale de Descartes dans cette question, que le savoir que le sujet place dans l’Autre fait retour sous la forme d’un impératif d’à-prendre : « Le sujet résulte de ce qu’il doive être appris, ce savoir, et même mis à prix, c’est-à-dire que c’est son coût qui l’évalue, non pas comme d’échange, mais comme d’usage. Le savoir vaut juste autant qu’il coûte, beau-coût, de ce qu’il faille y mettre de sa peau, de ce qu’il soit difficile, difficile de quoi ? - moins de l’acquérir que d’en jouir. » (E, p. 89) Sitôt délocalisée, cette question de la science nouvelle du corps sur laquelle on opère commande ainsi celle du christianisme. Conquérir le savoir, voilà donc ce qui est ici en jeu dans cet abord coûteux de la jouissance. Le baroque vient, non pas « illustrer » ce savoir, mais bien le faire jouer et jouir à l’occasion d’une « contorsion qui existe précisément, souligne Jean-Paul Gilson, du fait de cette pensée, entre l’être et son activité de penser. » 22 Le baroque, c’est ce qui vient comme une sorte de pointe, d’éclair, percer le christianisme et ouvrir sur la jouissance construite par lui comme abjecte et à laquelle la vérité s’objecte. Dans sa lecture minutieuse du séminaire Encore - laquelle s’inscrit dans un parcours diachronique de l’ensemble du Séminaire conçu comme auto-analyse topologique -, Gilson nous aide à entendre le fonctionnement de cette économie générale et il en identifie trois moments, lesquels 22 Op. cit., p. 64. Il y aurait ici beaucoup à développer sur la coupure majeure (au sens de Koyré), tenant au christianisme justement (Kojève), entre épistémé antique et science moderne. Voir, à ce sujet, Jean-Claude Milner, L’œuvre claire, Paris, Seuil, 1995, ainsi que la lecture qu’en propose Jean-Michel Vappereau dans « Treize et trois », http: / / gaogoa.free.fr/ jeanmichel.vappereau.free.fr/ #ouvrages. La galaxie baroque de Lacan 179 contribueraient chacun à faire entendre que dans la topologie lacanienne, le corps ne se donne, sous sa forme d’organe, que comme forme phallique, le phallus constituant ici un point imaginaire distribuant le désir du côté de la jouissance chez la femme et du côté de l’amour chez l’homme. Le premier moment, qui couvre les quatre premières leçons (« De la jouissance », « À Jakobson », « La fonction de l’écrit » et « L’amour et le signifiant »), intriquées sur le nœud borroméen, pose les « conditions » permettant d’aborder l’Autre jouissance, l’Autre étant figuré par l’autre sexe, lequel se désigne depuis la fonction du phallus, tandis que la jouissance, se trouve envisagée comme hors-utilité plutôt que comme non-utilité. Or, dans la mesure où l’amour est considéré comme « le repoussoir de la jouissance, sa topologie négative » 23 , on voit apparaître, dans cette dimension du plus, de l’excès, le baroque dont la passion pourrait bien constituer la métaphore. Au-delà et en-deçà du régime de l’offre et de la demande, du don et de la dette, de l’actif et du passif, du plaisir et du déplaisir, dans une rythmicité non-dualiste, anéconomique, amour et jouissance de l’Autre, de son corps, forment, souligne Gilson, « deux champs aimantés de l’insistance » 24 , l’un et l’autre « aimantés » donc par le désir via le signifiant, inaugurant ainsi le grand jeu baroque de l’Un et de sa faille compacte, propre à l’humain. Entre jouissance et amour s’inscrit en effet le sexuel, c’est-à-dire le désir pour autant qu’il joue la différance entre l’homme dans son rapport à l’organe phallique et la femme dans son rapport au pas-tout. L’intérêt de la lecture de Gilson vient ici de ce qu’elle démontre que Lacan articule les rapports de l’homme et de la femme en se rapportant à un point phallique en tant qu’objet imaginaire. Il peut alors indiquer qu’il y a l’espace de la jouissance sexuelle ainsi que d’autres espaces, ouverts, « capables de recouvrir celuilà ». Nous abordons là une topologie très particulière, au sens lacanien : « Ce n’est pas simplement un discours traitant du lieu (topos) sur la base de la continuité. C’est un discours qui rend compte de l’articulation du langage (logos, la synchronie que l’on appelle aussi structure) et du lieu (topos, la diachronie que l’on appelle aussi histoire) sur la base du couple différentiel dernier discontinu/ continu. Où le lien entre structure et histoire se trouve par conséquent interrogé de façon éminente. » 25 Cette topologie, c’est donc celle où le corps s’inscrit dans la mondanité du monde autrement que dans la science traditionnelle, c’est-à-dire par le clivage du sujet qui s’exerce de par le langage. 23 Jean-Paul Gilson, op. cit., p. 45. 24 Ibid. 25 Jean-Michel Vappereau, « Treize et trois ». 180 Michel Peterson La seconde partie de la leçon du séminaire porte cette fois, toujours selon Gilson, sur l’Autre jouissance. Celle-ci, figurée par le baroque, est la jouissance de l’autre sexe et du corps auquel il arrime sa symbolisation, ce qui explique qu’elle ne soit pas le signe de l’amour 26 et nous ramène directement au séminaire consacré par Lacan au transfert et à la lecture que propose Lacan du Phèdre. Jouissance interdite aux deux sexes, cette jouissance Autre intervient en-deçà du ratage « en quoi consiste le rapport sexuel ». Il y a là défaut, lequel tracasse tout être humain venant loger une demande à l’adresse d’un âne-à-liste, ne sachant pas d’emblée - il le découvrira bien assez vite - qu’il y va de ce que le réel troue en lui. En fait, ainsi que l’indique Gilson, cette Autre jouissance, c’est celle que Freud a repérée au titre de refoulement primordial ou originaire, ce qui s’accorde au fait qu’il n’y ait pas d’Autre de l’Autre. Or, la jouissance Autre ouvre à l’Autre par une inter-rogation qui passe par la jouissance féminine et son rapport à la Vérité, l’une et l’autre se nouant dans un savoir spécifique tenant à l’usage de la lettre, et met à distance le savoir de la science traditionnelle. La troisième partie identifiée par Gilson dégage ce qu’il appelle la jouissance nodale, jouissance qui s’indique comme inatteignable en ce qu’elle ne surgit pas dans la dimension de l’ontologie puisque l’être, par l’ek-stase qu’elle introduit, rencontre dans lalangue l’opacité de sa pensée. Le nœud de la jouissance fait donc en sorte que l’être ne saurait être transparent et présent à lui-même. Mais est-ce, comme Gilson l’avance, la topologie nodale qui « fait ek-sister ce savoir de l’être qui outrepasse toute possibilité pour l’être de l’appréhender, métalangage inaccessible à l’être si précisément il n’était aussi pris dans l’usage de lalangue ? » 27 Étrangement, Gilson, suivant ici Lacan à la lettre, dans une sorte d’élan qui risque de s’achever dans un « excès spéculatif », fait de la topologie une idéalité constituante de l’être. La non-présence à soi de l’être introduite par lalangue tombe par une élévation idéale dans une présence à soi transcendantale où forme et matière se retrouvent. Pourtant, la topologie n’est-elle pas toujours qu’un supplément, un délai, ne fait-elle pas ek-sister l’être en retardant sa présence, en maintenant la résistance qu’oppose ce dernier à la forme par la force » ? Quelles que soient les variétés différentielles qu’elle se donne pour tâche d’étudier, la topologie, si elle est conçue comme vérité des propriétés de l’inconscient, rayant ainsi ses frayages, court le risque théo-téléologique de suivre la voie d’Icare et de chercher à se hisser à la dignité de la Chose même, replongeant dès lors dans les eaux brûlantes de l’arché-téléologie du signifiant Un comme tel, substrat de la non-dualité. 26 Op. cit., p. 48. 27 Ibid. La galaxie baroque de Lacan 181 Dans ce parcours en trois temps de Lacan, hanté par la supplémentarité, le baroque sera donc venu servir d’étoffe au nouveau savoir généré par le signifiant. Un savoir du sujet surgit dans lalangue de la jouissance en tentant de raturer la trace, mettant par son geste en jeu sa différance dans le langage. Retour et détour du savoir à lire et donnant accès au pouvoir de la jouissance, voilà ce qu’indiquent contre le classicisme les contorsions du baroque, ouvrant la faille de la pensée et de la signifiance, l’innommable de la béance infinie entre la pensée et l’être. Que surgisse là pour Lacan, dans cette opération d’inscription du sujet, quelque chose de la vérité n’est pas fait pour surprendre puisque le baroque constitue un moment-charnière du christianisme en ce qu’il exhibe une orgie de corps tout en conservant hors-scène la copulation. 28 Mettant à contribution un épinglage emprunté à l’art, une esthétique monumentale qui le conduit d’Ignace de Loyola au rococo 29 , Lacan indique que le christianisme a rejeté dans l’abjection tout ce que Rome avait élu de la jouissance, ce qui l’amène à se pencher sur ce qui dans l’historiole du Christ appelle la dimension du salut de Dieu : « Il faut reconnaître que, pour celui qui s’est chargé de cette entreprise, le Christ nommément, il y a mis le prix, c’est le moins qu’on puisse dire. Le résultat, on doit bien s’étonner qu’il paraisse satisfaire. Que Dieu soit trois indissolublement est tout de même de nature à nous faire préjuger que le compte un-deux-trois lui préexiste. De deux choses l’une - ou il ne prend compte que de l’après-coup de la révélation christique, et c’est son être qui en prend un coup - ou si le trois lui est antérieur, c’est son unité qui écope. » (E, p. 98) Or, cette sotériologie exposant le meurtre du fils et le salut du Père - Freud et Christ se rejoignant ici dans leur petite mimesis respective -, voilà, selon Lacan, ce qui constitue l’essence même du christianisme et d’une pensée du corps dont l’âme serait l’identité supposée, c’est-à-dire d’une pensée qui dit, de l’écart entre la jouissance attendue et la jouissance reçue : ce n’est pas ça, donc ça jouit. Ça manque de ça : adequatio rei et intellectus. Ainsi, le christianisme ne chercherait pas à satisfaire la pensée de l’être, mais plutôt à effectuer la pulsion orale à travers la communion, installant au cœur même du cannibalisme le trou de l’Autre : « Ceci est mon trou, allez et baisez en paix. » D’où, dans l’art baroque, une orgie de formes, une religieuse obscénité qui « fonde la vérité, et avec elle le pacte qui supplée à l’inexistence du rapport sexuel, en tant qu’il serait pensé » (E, p. 103). Avec le baroque et la fable chrétienne, Lacan nous aura mis sur la piste d’une science ruisselante de ne rien savoir du tout, d’une science nouvelle de la jouissance. 28 Ce dont, étrangement, ne tient pas compte Paul C. Vitz dans son stimulant Sigmund Freud’s Christian Unconscious, New York/ London, Guilford Press, 1988. 29 Comme l’a montré Élisabeth Roudinesco dans Jacques Lacan. Esquisse d’une vie, histoire d’un système de pensée, Paris, Fayard, 1993. 182 Michel Peterson C’est avec cet éclairage que nous pourrons mieux entendre à quel point le travail de Jean Rousset, aussi riche soit-il, en vient à forclore la jouissance du parlêtre. Lisons l’ouverture de Forme et signification : « Ce livre a-t-il besoin d’une longue justification ? Rien de plus normal, semble-t-il, que son propos : saisir des significations à travers des formes, dégager des ordonnances et des présentations révélatrices, déceler dans les textures littéraires ces nœuds, ces figures, des reliefs inédits qui signalent l’opération simultanée d’une expérience vécue et d’une mise en œuvre. Il y a longtemps qu’on s’en doute : l’art réside dans cette solidarité d’un univers mental et d’une construction sensible, d’une vision et d’une forme. » 30 Bien sûr, Rousset n’est pas si naïf et signale immédiatement que la notion de forme pose problème, intuitionnant pour ainsi dire que la nodalité des textes est plus complexe qu’elle ne le laisse paraître. La forme ne saurait en effet être envisagée que de l’extérieur et doit être entendue dans le réseau des forces et des obsessions qui parlent l’artiste. Mais alors, quel est le sol de cette réflexion ? Derrida nous aidera maintenant à avancer sur ce terrain. Procédant à une déconstruction du baroque conçu comme géométrisme autoréflexif, Derrida s’est employé - luttant contre le concept de la science déterminé comme logique dans le philosophique - à rompre avec la topographie proposée par Rousset, topographie (reconnue chez Corneille, Marivaux, Proust et Claudel) tenant en fait à la topique aristotélicienne, à une théorie des lieux du langage refoulant la force et l’intensité de l’histoire et de la structure. On connaît la thèse soutenue par Derrida dans « Force et signification », ce texte aux accents parfois résolument blanchotiens qu’il consacre à Rousset et qui ouvre, en place stratégique, L’écriture et la différence. Cette thèse, c’est celle selon laquelle Rousset élabore une théorie de l’esthétique baroque qui traduit une métaphysique réduisant toute scorie à la dimension de l’accident, refoulant en quelque sorte la force du lapsus, réduisant au silence de la forme l’énergie et la pensée de la force. C’est à dessein que Derrida indique jusqu’en quels replis le structuralisme fut d’abord et avant tout une « aventure du regard ». Lorsqu’on accepte d’aborder l’un des plus obscurs objets du désir qui soit : la littérature, nous sommes tenus de marcher sur ce chemin qui nous sépare dès le départ de la vision, dans une césure absolue, déployant en son sein l’angoisse de l’incommensurable. Nous n’aurons pas le temps d’en produire ici la lecture, mais il faudrait montrer combien le fonctionnement même de L’Écriture et la différence, avec tous les replis et les nouages que cet ouvrage partage avec La voix et le phénomène et De la grammatologie (sans compter l’importante introduction à L’Origine de la géométrie), combien ce fonctionnement joue d’audace en travaillant d’entrée 30 Forme et signification. Essais sur les structures littéraires de Corneille à Claudel, Paris, José Corti, 1962, p. 10. La galaxie baroque de Lacan 183 de jeu la question du baroque telle que posée par Rousset sur le fond d’un exergue tiré de la préface à Un coup de dés (« le tout sans nouveauté qu’un espacement de la lecture ») d’une part et, d’autre part, dans l’anticipation de l’extraordinaire essai offert à l’écrivain libanais Gabriel Bounoure et venant clôturer le livre pour l’ouvrir à la question de la consécration du retour au Livre chez Edmond Jabès. « Leurre de l’Origine, de la fin, de la ligne, de la boucle, du volume, du centre », est-il écrit dans cet essai intitulé « Ellipse » 31 mettant en écho les excès tropologiques du baroque et l’ellipse, le blanc, la figure du trou et le trou de la figure, voire le trou du réel, le semblant des spirales et des vrilles. Revenons à Rousset qui, en leibnizien vaillant, en ultra-structuraliste, n’admet pas de trou dans la totalité, aucun ratage, aucun rêve finalement. Les lignes, boucles et vrilles se répondent et se croisent en un même mouvement téléologique. Tout est Un chez les auteurs qu’il fréquente, du moins les donne-t-il à lire ainsi, sa croyance en la représentation mathématico-spatiale s’adossant à la métaphysique dans ses enjeux les plus décisifs, ainsi que Derrida les a dégagés dans son « exergue » à De la grammatologie autour de sa mise en question du phallologocentrisme. Il y a là, dans le privilège accordé par Rousset aux modèles génétique et morphologique, parfois cinétique, la violence d’un temps constituant le fond des figures (lignes, courbes, spirales, vrilles) s’y formant. Contrairement à la topologie lacanienne, qui n’évite pas toujours les dangers de la téléologie, Rousset reste englué dans la mécanique classique et ne passe jamais à une énergétique pulsionnelle. Bref, tout se passe comme si Rousset oubliait Freud, se rendant ainsi aveugle à la jouissance et à l’amour du baroque, à ce qui ne ressortit pas à l’entéléchie et à la photologie, ainsi que le laisse croire la belle et problématique analyse proposée dans son essai consacré à Polyeucte. Il eût fallu que Rousset s’enquière de l’Esquisse de Freud pour déplacer la scène de l’écriture baroque de la topographie à la topologie 32 . Il eût fallu qu’il laisse croître l’espacement de ce que Derrida appelle « l’entre-deux du rêve » et « l’entre-deux de la veille », l’espacement de la différance entre la spatialisation et la temporalité, l’espacement produit par les frayages de l’appareil psychique qui ne peuvent pas ne pas affecter la structure du baroque, qui les déterminent même. Rousset aurait ainsi été en mesure d’apercevoir son kantisme en partie insu sur deux aspects particuliers, quoiqu’essentiels, de sa dramaturgie : la place et la fonction de l’imagination dans l’œuvre littéraire d’une part, « l’origine énigmatique de l’œuvre comme structure et unité indivisibles » (c’est la 31 L’Écriture et la différence, p. 430. 32 Dans un ouvrage en préparation, je soutiens l’hypothèse que le travail de Derrida, nommément la déconstruction, n’est pensable que depuis Freud, que comme un retour critique à Freud. 184 Michel Peterson question du schématisme sans concept) d’autre part. Son projet de « réfléchir le concept opératoire et concept thématique » 33 en eût été éclairé d’une lumière moins strictement apollinienne. Derrida pose évidemment sa thèse tout contre la phénoménologie et, plus généralement, tout contre « l’époque » de Husserl à Platon, tout contre ce qui affecte la pensée de l’écriture en général, à savoir que l’intensité et la force exigent la pulsion, le ratage, le lapsus, le rêve, la défiscience, la décomposition, toutes modalités de la dissémination qui ne se fondent pas dans une opposition lumière-obscurité, homme-femme, Apollon-Dionysos, plaisir-déplaisir, vie-mort, etc… (la liste pourrait être infinie…) : « Si cette ‹dialectique› de la force et de la faiblesse est la finitude de la pensée ellemême dans son rapport à l’être, elle ne peut se dire dans le langage de la forme, par ombre et lumière. Car la force n’est pas l’obscurité, elle n’est pas cachée sous une forme dont elle serait la substance, la matière ou la crypte. La force ne se pense pas à partir du couple d’opposition, c’est-à-dire de la complicité entre la phénoménologie et l’occultisme. Ni, à l’intérieur de la phénoménologie, comme le fait opposé au sens. » 34 C’est ici, dès les premiers moments de l’œuvre de Derrida, la stratégie même de la déconstruction qui s’esquisse à l’occasion du baroque, stratégie mettant de l’avant la force sans l’opposer à la forme : « De ce langage, il faut donc tenter de s’affranchir. Non pas tenter de s’en affranchir, car c’est impossible sans oublier notre histoire. Mais en rêver. Non pas de s’en affranchir, ce qui n’aurait aucun sens et nous priverait de la lumière du sens. Mais de lui résister le plus loin possible. » 35 Le baroque est cette résistance dans sa différance, la différance de la résistance. Suivons quelques instants encore Derrida et allons plus loin, à l’occasion de sa lecture de Rousset : la différence (le a qui affectera visuellement la différence n’a pas encore entièrement troublé le mot, différance) « ne s’efface pas dans l’histoire car elle n’est pas dans l’histoire. Elle est aussi, en un sens insolite, une structure originaire : l’ouverture de l’histoire, l’historicité elle-même. La différence n’appartient simplement ni à l’histoire ni à la structure. » 36 Rapportons cette proposition à la thèse au sujet de la culture avancée par José Antonio Maravall. Dans la mesure où tous les champs d’une culture « coïncident comme facteurs d’une situation historique et ont sur elle des répercussions », 37 ils ne deviennent ce qu’ils sont que par un jeu de combinaisons et d’actions réciproques des uns sur les autres. Pour Maravall, la question n’est pas tant de savoir si nous pouvons observer des 33 « Force et signification », pp. 16-17. 34 Ibid., p. 46. 35 Ibid. 36 Ibid., p. 47. 37 José Antonio Maravall, Culture of the Baroque. Analysis of a Historical Culture, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1986, p. 6. La galaxie baroque de Lacan 185 similitudes entre, par exemple, la peinture baroque, l’économie baroque ou l’art baroque de la guerre, que de partir du fait que s’étant développé dans une même situation, comme résultats de conditions semblables résultant des mêmes nécessités vitales, chacun des facteurs constituant « le » baroque se trouve altéré par son époque. Autrement dit, contrairement à la réduction cavalière du baroque opérée pour des motifs profondément idéologiques par Lacan, il conviendrait de réfléchir, si l’on voulait vraiment comprendre les diffractions du christianisme comme « exhibition du corps évoquant la jouissance » (E, p. 102), à leurs combinaisons avec - pour reprendre les éléments dégagés par Maravall - les guerres économiques (impliquant les transformations de la monnaie, l’insécurité du crédit, etc.), la concentration des terres, l’appauvrissement des masses et l’instabilité de la vie sociale, tous facteurs qui concourraient à un climat de répression « sous-tendant la gesticulation dramatique de l’être humain baroque et nous permettent l’usage d’un tel terme. » 38 C’est pourquoi il me semble que l’intervention de Lacan gagnerait à être située non pas simplement dans l’histoire lacanienne, mais dans la perspective extrinsèque de la transversalité et des plis de l’historicité. Nous pourrions ainsi lire avec un peu plus de rigueur qu’il n’est coutume des propos comme ceux d’Élisabeth Roudinesco qui, commentant la deuxième version de la conférence sur le stade du miroir, de 1949, écrit que Lacan nous invite « à une vision proprement tragique de l’homme, issue à la fois d’une esthétique baroque, des commentaires de Theodor Adorno et Max Horkheimer sur Auschwitz et d’une conception heideggerienne du temps. » 39 Il y a dans cette synthèse archivistique un vaste programme qui demeure à réaliser et qui nous ferait remonter à la révolution copernicienne. Entendre les résonances des mythes de Protée et de Circé chez Lacan (mythes superbement commentés par Rousset 40 ), ses échos dans la formulation de l’imaginaire (avec tous les motifs décoratifs de l’illusion, de la mobilité, de la métamorphose, de la mise en abyme, etc.), oblige, si l’on ne veut pas tomber dans l’illusion comique de la démesure du héros, à déployer avec Derrida une pensée du théâtre baroque qui prenne en compte la force pure et s’éloigne ainsi d’une perspective strictement hégélienne, photologique, au sens où celle-ci, au lieu de donner « la force comme l’autre du langage sans lequel celui-ci ne serait pas ce qu’il est, s’en tient à une faiblesse de pensée, incapable de rencontrer son origine. » 41 Il y a là, au cœur de cette interrogation critique, la contestation de la métaphore en général comme passage d’un signifié à un 38 Ibid. 39 « Le stade du miroir, concept et archive », dans Lacan, sous la direction de Jean- Michel Rabaté, Paris, Bayard, 2005, pp. 53-54. 40 Dans Circé et le paon. La littérature de l’âge baroque en France, Paris, José Corti, 1953, p. 22. 41 « Force et signification », p. 45. 186 Michel Peterson autre et l’ouverture à cette région de l’être où se rejoignent Lacan et Derrida autour de l’économie de la jouissance du sujet. Bref, la question de la force engage le Séminaire et les Écrits dans leur ensemble en les inscrivant dans la civilisation dans laquelle nous sommes encore et qui n’en finit plus de basculer en laissant surgir l’inquiétude majeure ouverte par le baroque et répercutée par le style de l’énonciation lacanienne. Lacan et Derrida se déplacent donc chacun sur leur bord dans une topologie de « la force en son dedans », pour parler comme le second 42 , la force offrant davantage que la forme : la musculature elle-même, l’organicité extensive du parlêtre. Allons plus loin : je propose de placer ici, dans cette sorte de double séance, de double scription, de double interprétation 43 , ces deux passeurs du parlêtre que furent Lacan et Derrida sur une bande de Mœbius afin de faire jouer leur différance dans une topologie modifiant la logique canonique classique et interrogeant de ce fait « la semblance de la phase phallique, de la vérité et de l’identité même du sujet », semblance procédant du renvoi de signifiant à signifiant et dévoilant l’équivocité pour Derrida et le trait unaire pour Lacan sans rester prisonnier du lien strict entre la géométrie et la mesure. La prise en considération du baroque chez l’un et l’autre permettrait ainsi de déplacer le foyer de l’étrange contentieux les ayant opposés. Au lieu de nous en tenir à la discussion au sujet de « La lettre volée », de Poe 44 , il m’apparaît en effet plus fécond de repartir de la question du baroque - et donc, de l’amour, de l’amour de transfert - 42 « Force et signification », p. 11. Faute de temps, je ne peux ici m’étendre sur le « concept » de force avec ce qu’il engage de la puissance physique, de l’intensité, de l’énergie, de ce qui fait l’essence de la matière, du principe des principes, de la capacité intellectuelle et morale, des moyens de production, voire de la contrainte de la volonté qui lui résiste. 43 Il faudrait ici - mais c’est l’objet d’un travail en cours beaucoup plus approfondi - reprendre dans l’analyse du séminaire Encore par Jean-Paul Gilson tout le motif de la doublure et du redoublement tel qu’il le dégage des avancées de Lacan en ignorant entièrement le travail de Derrida sur cette question. Parlant de la distinction entre amour et jouissance, Gilson écrit par exemple : « Nous aurions donc deux champs différents dont il faut nous demander s’ils ont - topologiquement parlant - un certain lien l’un avec l’autre, doublement même puisque cet étrange impératif à la jouissance se double - ici dans l’amour - d’une demande interminable, raison de cet ‹encore› que Lacan vient inscrire au titre de son séminaire. » 44 Je rappelle que c’est dans La carte postale (Paris, Flammarion, 1980, pp. 439-524) - dans le texte intitulé « Le facteur de la vérité », originalement publié dans Poétique, no. 21, 1975 - que Derrida s’oppose à la perspective « atomystique » de Lacan concernant la lettre (position de Lacan dans le séminaire qui ouvre les Écrits et dans le Séminaire, livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1978, leçon 16), soutenant qu’une lettre se divise et perd de cette force toute assurance de destination. La galaxie baroque de Lacan 187 si l’on veut s’atteler à la tâche, à mes yeux essentielle, d’entendre leurs écritures respectives du nœud et de la lettre pour penser la psychanalyse et la philosophie à venir - c’est-à-dire une démocratie sans alibi. Pour le moment, à ma connaissance, chez les lacaniens 45 , seul Jacques-Alain Miller, dans sa notice au séminaire de Lacan sur Joyce, a abordé, et encore très timidement, ce « débat », rejetant d’ailleurs le fardeau de la preuve sur ceux qu’il considère comme « les praticiens de la déconstruction ». Les soi-disant « déconstructionnistes » peuvent bien continuer de lire Lacan, les « lacaniens » n’ont pas de temps à perdre à lire l’un des philosophes majeurs du XX e siècle, à plus forte raison s’il a lu Lacan très tôt et réservé une attention toute particulière à Freud. Cela dit, je m’en voudrais si le chemin de traverse que j’ai commencé à emprunter ici nous conduisait à oublier une autre destination du baroque lacanien, ne précipitant alors qu’un déplacement cryptique. Si l’on peut et l’on doit entendre dans la question historique du baroque celle de la jouissance telle que la pense Lacan dans la clôture de la métaphysique, si l’on peut et l’on doit avec Derrida continuer à interroger radicalement cette epochê phallogocentrique afin d’en méditer les effets dans le champ de la psychanalyse et dans le champ plus large des sciences humaines, on doit garder en mémoire pour ce qu’elle inquiète de la pensée la rhétorique parfois absconse de l’auteur d’Encore. Cette fois encore, une extrême prudence s’avère de mise. S’il arriva à Lacan de se complaire dans un certain ésotérisme en pratiquant une illisibilité souvent relayée avec arrogance par plus d’un thuriféraire re-produisant avec dévotion la marginalisation de la pensée du dieu intouchable et assoyant du même coup un supposé savoir inaccessible au vulgaire, il proposa dans ses meilleurs moments une œuvre ouverte, scriptible, opérant la sonorisation des formations de l’inconscient, y compris dans sa traduction, en 1956, de « Logos », de Heidegger, que Jean Bollack commenta en ces termes : « Lacan fait preuve de liberté et de souveraineté dans sa manière de traduire. Il tire le texte vers la science, vers l’art et vers le langage, en privilégiant l’ouïe sur le dire. Il ajoute au texte quelque chose de mallarméen. » 46 En d’autres termes, l’écoute de la force sonore, 45 Je dis « chez les lacaniens » parce qu’il n’est pas possible de passer sous silence - comme le fait Miller - l’important livre de René Major, Lacan avec Derrida, Paris, Flammarion, 2001, coll. « Champs », de même que celui de Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe, Le titre de la lettre, Paris, Galilée, 1973. Miller ne tient pas non plus compte dans sa notice (Le séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005, pp. 232-236) de l’excellent collectif édité par John P. Muller et William J. Richardson, The Purloined Poe. Lacan, Derrida, and Psychoanalytic Reading, Baltimore and London, Johns Hopkins University Press, 1988. 46 Propos rapporté par Élisabeth Roudinesco et cité par Dominique Janicaud, Heidegger en France, tome 1, Paris, Albin Michel/ Hachette, coll. « Pluriel », 2001, p. 221. 188 Michel Peterson voire de la violence « translatente » de Lacan, contribue inévitablement à éviter l’exclusion induite par le terme de structure quand le somnambulisme nous gagne. Ou pire… quand nous serions tout au bord de soumettre la jouissance à une ultra-topologie et le baroque à un complexe de concepts morpho-logiques ou stylistiques qui s’ignorent et pourraient être répétés dans une lecture paresseuse de la culture. Heureusement, la galaxie de lalangue baroque lacanienne, tendue dans la syntaxe différantielle entre l’obscurité et la lumière, entre Apollon et Dionysos, entre Góngora et Mallarmé et Joyce, se donne à entendre dans une scopie auditive. Haroldo de Campos aura montré, dans son vaste chantier de transcréation de la tradition de la rupture à laquelle participe Lacan, que lalangue se voit sous-tendue par la fonction poétique de « l’idiomaternel ». C’est pourquoi je terminerai au rythme de la transcréation qui aura en sourdine guidé ma ponctuation et mes associations au sujet du baroque avec Lacan et Derrida. Commentant la glose herméneutique ou le « pacte d’alliance » de l’afreudisiaque litturateur avec Buffon, Haroldo de Campos microtonalise la langue : « Cet idiomaternel […] est ‹lalangue dire maternelle›, ce n’est pas pour rien - le souligne Lacan - écrite en un seul mot, puisqu’elle désigne ‹l’occupation de l’affaire de chacun de nous›, dans la mesure même où l’inconscient ‹est fait de lalangue›. Alors, je préfère LALINGUA, avec le LA préfixé, ce LA que nous utilisons habituellement pour mettre en valeur la référence à une grande actrice, à une ‹diva› (La Garbo, la Duncan, la Monroe). Lalie, lalation, dérivés du grec laléo, ont les acceptions de ‹parole›, ‹loquacité›, et aussi, par le latin lalare, verbe onomatopéïque, ‹chanter pour endormir les enfants› (Ernout/ Meillet) ; glossolalie veut dire : ‹don surnaturel de parler des langues inconnues› (Aurélio). Toute l’aire sémantique que cette agglutination convoque (et qui se trouve dans le français lalangue […]) correspond aux propos de frappe lacanienne, servant la juxtaposition emphatique pour insister sur ceci que, si ‹le langage est fait de lalangue›, s’il s’agit d’‹élucubration de savoir sur lalangue›, ‹l’inconscient est un savoir, un savoir-faire avec lalangue›, étant sûr que ce ‹savoir-faire avec lalangue dépasse de beaucoup ce dont nous pouvons rendre compte à titre de langage›. Le ‹idiomaternel› - LALANGUE nous ‹affecte› avec des ‹effets› qui sont des ‹affects› résume Lacan, montrant qu’il sait jouer avec habileté le jeu qu’il annonce. » 47 N’est-ce pas là, dans l’ouï-dire de cet idiomaternel obscène, que s’inaugure le savoir baroque de la jouissance ? 47 Op. cit., pp. 144-145.
