Oeuvres et Critiques
oec
0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2008
332
Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie
121
2008
Isabelle Degauque
oec3320063
Œuvres & Critiques, XXXIII, 2 (2008) Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie. Étude de L’Écosseuse de Poinsinet et Anseaume, parodie de L’Écossaise de Voltaire Isabelle Degauque Après une première mémorable le 25 juillet 1760 à la Comédie-Française, L’Écossaise de Voltaire suscite la rédaction de deux parodies, toutes deux représentées à l’Opéra-Comique de la Foire Saint-Laurent en septembre 1760 : L’Écosseuse 1 de Poinsinet et Anseaume, le 4 septembre 1760, et Les Nouveaux Calotins d’Harny de Guerville, le 19 septembre 1760 2 . Il s’agit pour ces auteurs de profiter de la publicité occasionnée par le conflit ouvert entre philosophes et anti-philosophes, cristallisé par la comédie Les Philosophes de Palissot (mai 1760), et, sur un plan plus personnel, entre Voltaire et Fréron, le directeur de L’Année littéraire : la représentation de L’Écossaise coïncide avec le début de la campagne de Voltaire pour « écraser l’infâme » 3 . L’auteur de L’Écossaise joue sur la lecture à clés et transforme, comme on le sait, le patronyme de son ennemi en un sobriquet facilement reconnaissable : « Frélon » ; Poinsinet et Anseaume se réfèrent à cette première transformation en baptisant leur malhonnête journaliste « Moucheron ». Lors de 1 Le titre de cette parodie est éclairci à la scène 16 par l’héroïne elle-même sur l’air « Joli-cœur n’est point volage » : « Sans un seul sou dans ma bourse, / Pour fuir les derniers abois, / Il m’a fallu pour ressource / Écosser la nuit des pois ». 2 Nous indiquons les références des deux parodies de L’Écossaise que nous avons pu trouver : L’Écosseuse de Poinsinet et Anseaume, 4 septembre 1760, Foire Saint-Laurent, Opéra-Comique, Paris, Prault, 1760 (BnF : ThB-2980) ; Les Nouveaux Calotins d’Harny de Guerville, 19 septembre 1760, Foire Saint-Laurent, Opéra-Comique, Paris, Cuissart, 1760 (BnF : 8-YTH-12820, 8-YTH-12821). Nous n’avons pu localiser La Petite Écosseuse de Taconet (1760). Les Nouveaux Calotins s’inspirent largement du Régiment de la Calotte de Lesage, Fuzelier et d’Orneval, donné dès septembre 1721 à la Foire Saint-Laurent (dans Lesage et d’Orneval, Le Théâtre de la Foire ou l’Opéra-Comique, contenant les meilleures pièces qui ont été représentées aux Foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent, Paris, 1737, 10 vol., t. 5 ; Genève, Slatkine, 1968, 2 vol., t. 2). 3 Sur le contexte de L’Écossaise, voir Voltaire en son temps, éd. R. Pomeau, Oxford, Voltaire Foundation, 1994, t. 4, « Écrasez l’Infâme » (1759-1770), ch. 6, « Une offensive antiphilosophique ». 64 Isabelle Degauque la création de L’Écossaise, Fréron doit subir une humiliation publique, le parterre ne manquant jamais de relever la moindre pique lancée contre son double théâtral. La fièvre polémique ne pouvait manquer de s’emparer des parodistes qui trouvent avec la comédie de Voltaire une belle occasion d’attirer à l’Opéra-Comique de la Foire Saint-Laurent un public qui s’est pressé quelques mois auparavant à la Comédie-Française pour arbitrer les différends idéologiques et s’en amuser. Ainsi, Harny de Guerville se fait-il l’écho du déchaînement des passions à la scène 6 de sa pièce à revue : un poète se présente, l’air hagard, devant la Folie et réclame sa protection en empruntant au Cid les vers célèbres de Don Diègue (acte I, scène 4) : « ô rage, ô désespoir, ô fortune ennemie ! ». Suit aussitôt un long récit des échauffourées lors de la création de « l’orgueilleuse Écossaise » et de la cabale menée par « Archifrelon », nouveau nom dont Fréron se trouve ici affublé 4 . Malgré leurs efforts pour faire tomber la pièce honnie, les ennemis de Voltaire doivent battre en retraite : Mais au fort du combat, un cri se fait entendre, Un cri par qui nos chants sont d’abord étouffés : « Meurent tous les Frélons ! Abeilles, triomphez ! » Vous eussiez vu soudain la peur et le carnage, Dans nos rangs éclaircis, se frayer un passage. L’épopée burlesque obtient finalement une juste récompense sous la forme d’un brevet de la Folie décerné à Archifrelon, nommé secrétaire de l’ordre de la Calotte. Poinsinet et Anseaume vont plus loin dans l’écho parodique à L’Écossaise de Voltaire et en interrogent l’exploration des frontières entre tragédie et comédie que Diderot a commencé à contester avec ses deux drames bourgeois (Le Fils naturel, 1757, et Le Père de Famille, 1758). Si L’Écossaise est traditionnellement rangée parmi les comédies de Voltaire, elle ne repose pas sur un franc comique, de sorte que Sylvain Menant l’a qualifiée de « comédie sérieuse et sentimentale » 5 . Il est vrai que les aventures touchantes de la pauvre Lindane, sans soutien paternel et exposée aux soupçons de traîtrise envers la couronne anglaise, en raison de sa nationalité écossaise et des poursuites dont son père fait l’objet, inciteraient même à y voir une comédie larmoyante, selon la définition que Gustave Lanson donne du genre lancé par Nivelle de la Chaussée 6 . Pourtant, Voltaire veut préserver la veine 4 Les Nouveaux Calotins, scène 6, le Poète fait ainsi parler Archifrelon qui excite ses compagnons : « Au Théâtre-Français, amis, allons combattre, / On y prépare un trône, et moi, je veux l’abattre. / Toussez, sifflez, criez, ne faites qu’une voix ». 5 Sylvain Menant, L’Esthétique de Voltaire, Paris, SEDES, 1995, p. 49. 6 Gustave Lanson, Nivelle de La Chaussée et la comédie larmoyante, Paris, Hachette, 1887, p. 1 : « un genre intermédiaire entre la comédie et la tragédie, qui introduit Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 65 comique dans L’Écossaise, malgré son intensité pathétique et ses intentions moralisatrices, et ainsi se démarquer « des essais de tragédie bourgeoise » 7 que sont à ses yeux les essais dramatiques de Diderot. Cette vigilance du dramaturge pousse ainsi Russell Goulbourne à contester l’idée, encore souvent admise, d’une filiation revendiquée par rapport au concepteur du drame bourgeois, pour défendre celle d’une véritable expérimentation théâtrale qui mêlerait la comédie et la sentimentalité 8 . Diderot ne reconnaît d’ailleurs pas comme l’un des siens l’auteur de L’Écossaise : dans une lettre à Mme d’Épinay, citée par R. Goulbourne, datée de juillet 1760, il s’emporte contre son « petit pathétique, mince et chétif » 9 . Or, il semble que Poinsinet et Anseaume aient été sensibles au « mélange de bouffonneries et de pathétique », tel que Fréron résumait L’Écossaise dans L’Année littéraire en 1760 10 . Cette confusion inhabituelle des genres offre ainsi à l’historien du théâtre une opportunité pour étudier la réception parodique au dix-huitième siècle : L’Écosseuse est-elle une gardienne paradoxale de l’orthodoxie littéraire comme se sont révélées l’être les parodies dramatiques prenant pour cible les tragédies de Voltaire 11 ? Outre le brouillage générique opéré dans L’Écossaise, comment Poinsinet et Anseaume accueillent-ils la nouvelle distribution de la parole sur scène que permet le café, choisi en souvenir de Goldoni ? Haut lieu de sociabilité, cet espace urbain autorise le dramaturge à des essais de conversations simultanées et d’assouplissement de l’unité de lieu : les auteurs forains n’adoptent-ils pas alors une position plus nuancée ? Ne saisissent-ils pas le prétexte d’une parodie de L’Écossaise pour proposer leur propre mise en scène de la parole, fluide et changeante, et célébrer ainsi les vertus de l’opéra-comique ? Livrant à Mme du Deffand ses impressions après la lecture du second drame bourgeois de Diderot, dans une lettre de décembre 1758, Voltaire en critique le manque de gaieté : « Vous êtes-vous fait lire le Père de famille ? Cela n’est-il des personnages de condition privée ou tout près de l’être, dans une action sérieuse, grave, parfois pathétique, et qui nous excite à la vertu en nous attendrissant sur ses infortunes et en nous faisant applaudir à son triomphe ». 7 Voltaire, art. « Art dramatique » des Questions sur l’Encyclopédie, dans Œuvres complètes de Voltaire, éd. Louis Moland, Paris, Garnier, 1877-1885, 52 vol., t. 17, p. 419. 8 Russell Goulbourne, Voltaire comic dramatist, SVEC, 2006: 03, p. 187 : « In opposition to the uniform seriousness of the drame, he defends combining comedy and sentimentality » (nous traduisons : « en opposition au sérieux uniforme du drame, il défend la combinaison de la comédie et de la sentimentalité »). 9 Ibid., p. 215. 10 L’Année littéraire, 1760, t. 5, p. 286. 11 Voir Isabelle Degauque, Les Tragédies de Voltaire au miroir de leurs parodies dramatiques : d’Œdipe (1718) à Tancrède (1760), Paris, Champion, 2007, p. 159-269. 66 Isabelle Degauque pas bien comique ? Par ma foi, notre siècle est un pauvre siècle après celui de Louis XIV » 12 . Or, Poinsinet et Anseaume vont retourner ce sévère reproche contre l’auteur de L’Écossaise lui-même à la scène 8 de leur opéra-comique, donné le 4 septembre 1760 à la Foire Saint-Laurent. S’attaquant à l’entretien tendu entre lady Alton et sa rivale, Lindane (II, 2), les deux parodistes de L’Écosseuse opposent à la véhémence de la grand’Jeann’ton (fruitière de son état et double parodique de lady Alton) la douceur de Marianne (double de l’héroïne de Voltaire). Afin de persuader cette dernière qu’elle ne doit rien espérer de Furet (lord Murray), « commis de barrière », Jeann’ton lui tend des gages de sa tendresse, occasion pour les deux parodistes forains de surenchérir sur les lettres et le portrait qui suffisaient seuls, chez Voltaire, à jeter le trouble dans l’esprit de Lindane : JEANN’TON Vous aimez Furet, dites-vous, et vous croyez qu’il vous aime ? Pauvre sotte, vous me faites pitié. Voulez-vous des preuves de sa perfidie ? Tenez, regardez ces gages de l’amitié qu’il m’a jurée : v’là sa boîte à tabac, son écritoire d’argent, sa belle sonde qui lui a tant servi pendant qu’il était rat de cave 13 … V’là ses lettres. AIR : Hé, marions-nous donc En est-ce assez pour vous apprendre À quel point il sut vous surprendre ? MARIANNE Ô ciel, mes vœux seraient déçus ? Non, je ne l’aime plus. JEANN’TON Courage, oubliez un parjure, Une âme noire, fière et dure 14 . 12 Correspondence and related documents, éd. Th. Besterman, dans Les Œuvres complètes de Voltaire [par la suite : OCV], Genève et Oxford, Voltaire Foundation, 1968-, t. 85-135, D8004. 13 Rat de cave : « on appelle ironiquement rat des caves un commis aux aides qui va visiter et marquer les tonneaux des cabaretiers pour en faire payer le gros et huitième » (Furetière, Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690). 14 Cf. Lady Alton (L’Écossaise, II, 2) : « Gardez votre résolution et votre promesse : sachez que c’est un homme inconstant, dur, orgueilleux, que c’est le plus mauvais caractère[…] ». Les extraits de L’Écossaise sont tous cités d’après l’édition de Colin Duckworth, dans OCV, t. 50, p. 221-469. Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 67 MARIANNE Si vous m’apaisez ce transport, Je vais l’aimer encor 15 . JEANN’TON AIR du Prévôt des marchands L’aimez-vous, ne l’aimez-vous pas ? Cessez donc ce galimatias. Car ce n’est que dans le tragique Qu’on déraisonne impunément. MARIANNE Me trouvez-vous donc si comique ? JEANN’TON Non, ma mignonne, assurément. Si l’étonnement de Marianne et l’excitation de sa douleur par sa rivale sont directement inspirés de la scène 2 de l’acte II de L’Écossaise, l’impatience de Jeann’ton face aux atermoiements amoureux de l’héroïne est de la seule invention de Poinsinet et Anseaume. Ces derniers recourent ici à la métalepse théâtrale pour stigmatiser le mélange des genres auquel obéit la comédie de Voltaire. Le dramaturge enfreindrait les lois du franc comique par le développement trop appuyé de l’intrigue sentimentale, et le personnage de Lindane en serait largement responsable. Les réserves de Poinsinet et Anseaume face à L’Écossaise trouvent leur cause première dans l’intégration de scènes touchantes au sein d’une comédie : s’ils ont bien perçu le projet de Voltaire, ils ne l’ont, semble-t-il, pas approuvé. Alors que Lindane provoquait l’admiration de tous par la noblesse de ses manières, malgré des conditions de vie misérable, son double parodique s’obstine à n’accepter aucune aide au risque de paraître insensée. Selon un procédé comique habituel dans les parodies dramatiques, l’héroïne est confrontée à des besoins matériels qu’elle nie farouchement, et c’est à la suivante que reviennent, à la scène 7 de L’Écosseuse, des paroles pleines de bon sens : PAULINE AIR : Tu croyais en aimant Colette Avez-vous déjeuné, ma chère ? MARIANNE Tu parles toujours de manger, C’est avoir l’âme trop grossière, Tu devrais bien te corriger. 15 Cf. Lindane (L’Écossaise, II, 2) : « Arrêtez, madame ; si vous continuiez à en dire du mal, je l’aimerais peut-être encore ». 68 Isabelle Degauque PAULINE AIR : Tout roule aujourd’hui Quoique vous fassiez tant la fière, Croyez-vous donc qu’on ne sait pas Que plus d’une fois par misère Vous vous dérobez un repas ? MARIANNE Que ce discours est pitoyable ! Crois-moi, Pauline, en ces instants Où le plus grand chagrin m’accable, De tels détails sont rebutants. Poinsinet et Anseaume reprennent ici très librement la conversation entre Lindane et Polly, qui s’inquiète de voir sa maîtresse dépérir à la scène 5 du premier acte de L’Écossaise : l’écart social entre les deux femmes recouvre, chez Voltaire, une différence de force de caractère, et la détermination de Lindane est résumée dans une phrase aux allures de maxime : « Ce n’est point la pauvreté qui est intolérable, c’est le mépris ». La suivante joue alors le relais sur scène du spectateur, selon une recherche maximale de l’empathie, et célèbre la grandeur d’âme de Lindane, réduite à vendre de petits ouvrages de broderie pour assurer leur subsistance : « Laissez-moi baiser, laissez-moi arroser de mes larmes ces belles mains qui ont fait ce travail précieux. Oui, madame, j’aimerais mieux mourir auprès de vous dans l’indigence, que de servir des reines. Que ne puis-je vous consoler ! » Point de convergence des pensées et des désirs, Lindane provoque autrui à faire le bien, et le tableau émouvant de Polly embrassant les mains de sa maîtresse anticipe le juste tribut que tous lui rendront à la fin de L’Écossaise. Or, cette émulation vertueuse ne se produit pas à la scène 7 de L’Écosseuse : non seulement Poinsinet et Anseaume retranchent du texte-source le tableau formé par la confidente, mais la sublimation de la pauvreté devient ici supercherie morale 16 . D’une façon générale, les deux parodistes mettent à nu tout ce que la pièce de Voltaire peut comporter de convenu pour mieux en ruiner le 16 A la scène 6 de Marotte (parodie de la Mérope de Voltaire par Gallet, Pannard, Pontau et Laffichard jouée le 16 mars 1743 à la Foire Saint-Germain, BnF, ms. f. fr. 9319), l’affirmation de détails prosaïques empêche tout élan admiratif. De Polyclète, Mérope n’apprenait que peu de choses dans ces vers inspirés à Voltaire par la Mérope de Maffei : « Sous ses rustiques toits, mon père vertueux / Fait le bien, suit les lois, et ne craint que les dieux » (II, 2). En revanche, les auteurs de Marotte insistent sur les conditions de vie difficiles que le jeune prisonnier a autrefois connues avec son père : « AIR [inconnu] : Jamais l’argent, l’or ni l’azur / N’ont orné son réduit obscur. / Des nattes tapissaient son mur, / Son habillement est impur. / Son lit très dur […] ». Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 69 pathétique : si la force d’âme est attendue d’une héroïne vertueuse, les instants où le cœur met en déroute la raison sont tout aussi prisés d’un public qui a « le goût des larmes » 17 . Pour qu’elle émeuve, Lindane ne peut lutter contre un sort contraire sans jamais faillir, et Voltaire prend soin de jouer sur l’accumulation de déconvenues et de malentendus pour créer un effet d’attente chez les spectateurs, tendus vers un dénouement hautement moral : les retrouvailles entre le père et la fille, la réconciliation des amants, la fin des haines familiales, et l’expulsion des méchants (lady Alton, Frélon). Avant de trouver la quiétude, Lindane connaît d’abord l’égarement de la pensée, ainsi que s’en amusent Poinsinet et Anseaume à la scène 7 étudiée précédemment. Le retour incessant de la déploration « Hélas ! milord Murray n’est point venu » (I, 5) et de ses variantes est relevé avec une feinte irritation grâce à une nouvelle exploitation métacritique du personnage de la confidente : MARIANNE AIR des Triolets Mais monsieur Furet ne vient point. PAULINE Quelque autre affaire ailleurs le presse. Tranquillisez-vous sur ce point. MARIANNE Mais monsieur Furet ne vient point. Il ne vient point, il ne vient point. PAULINE De grâce, ma chère maîtresse. MARIANNE Mais tu vois bien qu’il ne vient point ! PAULINE Faut-il le redire sans cesse 18 ? MARIANNE AIR : Je ferai mon devoir C’est que je suis au désespoir. 17 Anne Coudreuse, Le Goût des larmes au XVIII e siècle, Paris, PUF, 1999. 18 Cette remarque est aussi liée à l’emploi de l’air des Triolets et à la structure même de la poésie en triolet : « nom d’une petite pièce de poésie française, qui consiste en un couplet de huit vers, dont le premier se répète après le troisième, et le premier et le second après le sixième » (Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, Hachette, 1875-1877). Le dernier vers devrait être ici : « Quelque autre affaire ailleurs le presse ». 70 Isabelle Degauque PAULINE Vous le faites bien voir. (bis) Mais si vous perdez l’appétit Ne perdez pas l’esprit. À l’exemple de Voltaire, Poinsinet et Anseaume traduisent l’intensité du combat personnel de Marianne par le retour d’une idée fixe qui parasite le discours rationnel, mais en soulignent également la lourdeur symbolique par la remarque de Pauline : « Vous le faites bien voir ». Les incertitudes de l’héroïne deviennent à la scène suivante, comme on l’a vu, un facteur discriminant entre ce qui relève du tragique et ce qui appartient au comique : « Car ce n’est que dans le tragique / Qu’on déraisonne impunément ». Telle est la règle tacite qu’aurait oubliée Voltaire dans L’Écossaise. Enfin, le constat obsessionnel de l’absence de lord Murray fait peser sur l’histoire de Lindane le risque d’ennuyer le spectateur le plus enclin à s’attendrir, ainsi que le suggèrent Poinsinet et Anseaume à la scène 16 de L’Écosseuse. Prenant pour cible la scène 7 du deuxième acte où Lindane se résout à mourir, persuadée que « milord ne [l’]aime plus », ils soulignent l’attachement en pensée à l’absent (sc. 16) : MARIANNE AIR : La mort de mon chère père L’inconstant que j’adore Ne vient donc plus chez nous. PAULINE Combien de fois encore Le répéterez-vous ? MARIANNE C’est que cela m’afflige, Chacun sent ce qu’il sent. PAULINE Mais cet amour, vous dis-je, N’a rien d’intéressant. Que vous aimiez à la folie le fils d’un homme qui vous a ruiné, vous et votre famille, je n’y vois rien d’extraordinaire, et cela ressemble à toutes les histoires que j’ai lues quand j’étais petite fille 19 . 19 À la scène 7 de l’acte II de L’Écossaise, Lindane révèle à Polly les méfaits du père de lord Murray : « Oui, ce fut lui-même qui persécuta mon père, qui le fit condamner à mort, qui nous a dégradés de noblesse, qui nous a ravi notre existence. Sans père, sans mère, sans bien, je n’ai que ma gloire et mon fatal amour. Je devais détester le fils de Murray ; la fortune qui me poursuit me l’a fait connaître ; je l’ai aimé, et je dois m’en punir ». Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 71 La réponse de Marianne frappe ici par l’équivalence suggérée une fois encore entre les dysfonctionnements de la parole (hésitations, répétitions) et l’expression théâtrale de l’affliction. Le pathétique culmine dans L’Écossaise avec la confrontation de Lindane et de son père (lord Monrose), à la scène 6 de l’acte IV. De même que les parodistes s’attaquent généralement aux scènes de reconnaissance très nombreuses dans les tragédies de Voltaire 20 , de même Poinsinet et Anseaume font une réécriture comique de la scène sensible de L’Écossaise. Les retrouvailles, plusieurs fois différées, sont préparées chez Voltaire par un trouble inexplicable qui s’empare de Monrose (III, 6) : On arrête une jeune Écossaise, une personne qui vit retirée, qui se cache, qui est suspecte au gouvernement ! Je ne sais… mais cette aventure me jette dans de profondes réflexions… Tout réveille l’idée de mes malheurs, mes afflictions, mon attendrissement, mes fureurs. Si les liens du sang commandent cet élan du cœur dans L’Écossaise 21 , la « fantaisie » est la seule raison, bien superficielle, qui justifie la brusque envie du « vieux contrebandier » La Rose de parler à Marianne, à la scène 21 de l’opéra-comique forain 22 : Diable, cela devient sérieux. Mais à présent qu’il faut que je parte, il me prend fantaisie de rester. Je veux parler à cette jeune fille. Il me passe par la tête que je pourrais bien avoir quelque chose à lui dire. Et lorsque Propice, marchand de bière et gargotier, lui fait valoir le danger d’être arrêté « dans un cabaret », La Rose rétorque : Mais, dame, on se cache comme on peut. Je connais bien un milord anglais d’Écosse, à qui on devait couper le cou, qui s’est caché finement pendant toute une journée, dans un café, où il venait plus de six cents personnes. 20 Voir I. Degauque, Les Tragédies de Voltaire au miroir de leurs parodies dramatiques, p. 308-335. 21 Sur le « cri du sang » récurrent dans les tragédies de Voltaire, voir Clifton Cherpack, The Call of the blood in French classical tragedy, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1958, p. 102-115. 22 La scène 21 de L’Écosseuse est construite à l’imitation de la scène 8 du troisième acte de L’Écossaise, où Fabrice presse Monrose de partir pour se mettre hors de danger. Elle fait aussi la synthèse du monologue du lord écossais (III, 6) et de sa conversation avec Polly (III, 7), au cours de laquelle il apprend l’âge de Lindane et s’en trouve bouleversé : « Dix-huit ans, et née dans ma patrie ! et elle veut être inconnue ! Je ne me possède plus ; il faut avec votre permission que je la voie, que je lui parle tout à l’heure ». 72 Isabelle Degauque Grâce au jeu parodique de renvois à la pièce-source, Poinsinet et Anseaume s’amusent aux dépens de leur personnage qui invoque un précédent très contestable pour défendre sa tocade, mais c’est bien, par contrecoup, lord Monrose qui se trouve ici raillé pour sa chance improbable. Omettant les cinq premières scènes de l’acte IV de L’Écossaise 23 , les auteurs de L’Écosseuse s’attaquent à la scène de reconnaissance à la scène 22 en choisissant l’air adéquat « Un certain je ne sais quoi », souvent exploité dans les parodies pour se moquer des attirances irrépressibles. L’air suivant, « Le tout par nature », a lui aussi déjà valeur de critique d’un tel topos. Suivant la construction même de la grande scène de Voltaire, Poinsinet et Anseaume passent de l’aveu de l’attirance aux interrogations devant la consolider : LA ROSE AIR : Mariez, mariez-moi Connaissez-vous vot’papa ? MARIANNE Non, je n’ai connu que ma mère ; Y a quinze ans qu’il s’en alla Pour fuir une mauvaise affaire. LA ROSE Contez-moi, contez-moi, contez-moi ça. MARIANNE Là-dessus, je dois me taire. LA ROSE Contez-moi, contez-moi, contez-moi ça, Et ça vous soulagera. Les parodistes condensent en un seul vers le vœu de silence formulé par Lindane pour protéger son père 24 . Son mutisme renvoie d’ailleurs, chez Voltaire, à celui d’autres héroïnes qui préfèrent perdre la vie plutôt que de laisser échapper une parole imprudente : dans Quand parlera-t-elle ? de Ricco- 23 Poinsinet et Anseaume laissent de côté la dispute de Fabrice et de Frélon qui ouvre le quatrième acte, ainsi que les scènes 2 à 5 au cours desquelles lord Murray explique son absence à Polly, provoque la colère de Lady Alton, et part trouver le ministre pour obtenir le salut de sa maîtresse. Dans un souci de simplification de l’intrigue, les parodistes suppriment ces allées et venues de lord Murray, et reprochent ainsi à Voltaire le retardement artificiel des retrouvailles entre les amants. 24 Lindane (L’Écossaise, IV, 6) : « Ce que je dois à mon père, me force au silence ; il est proscrit lui-même ; on le cherche, je l’exposerais peut-être si je le nommais ; vous m’inspirez du respect et de l’attendrissement ; mais je ne vous connais pas ; je dois tout craindre. Vous voyez que je suis suspecte moi-même, que je suis arrêtée et prisonnière ; un mot peut me perdre ». Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 73 boni, parodie de Tancrède donnée à la Comédie-Italienne le 4 avril 1761 25 , Lamentaïde (double d’Aménaïde) refuse de révéler le mariage secret qui l’unit à Tancrède et le véritable destinataire de la lettre interceptée par son père, qui la rend coupable de trahison. À la scène 6 du premier acte, Lamentaïde recommande à sa confidente (Finette) le silence, sans la convaincre : « Mais dans le cas présent l’excuse serait bonne / Arrogant d’un refus serait moins offensé ! ». À ce propos plein de bon sens, l’héroïne répond : « Eh ! si je m’expliquais tout serait renversé ». C’est dire que la tragédie de Voltaire ne repose que sur le dévoilement sans cesse repoussé de ce secret. L’Écossaise n’est pas exempte d’un tel reproche, et les aveux tardifs de Lindane à la scène 6 de l’acte IV n’ont aucune explication logique. Outre l’appel de la Nature et la libération soudaine de la parole, un troisième élément renforce la proximité générique entre L’Écossaise et les tragédies de Voltaire, à savoir le recours au portrait pour donner un gage matériel aux soupçons : MARIANNE AIR : Là-haut sur ces montagnes J’avais, lorsque mon père Partit, nous laissant mal, Cinq ans, et quand ma mère Mourut à l’hôpital, J’en avais dix 26 … LA ROSE Qu’entends-je ? Comme tout ça s’arrange ; Montrons-lui ce portrait Que feu monsieur Jérôme, Grand peintre en jeu de Paume, Nous fit au cabaret. (Il lui montre un portrait noir et blanc.) AIR : Attendez-moi sous l’orme Voyez c’portrait de famille. 25 Riccoboni, Quand parlera-t-elle ? , 4 avril 1761, Comédie-Italienne, BnF, Département de musique, TH-1833. 26 Poinsinet et Anseaume condensent ici deux répliques de Lindane : la première, très brève (« Je n’avais que cinq ans »), répond à l’interrogation de Monrose sur l’âge auquel elle fut séparée de son père, et la seconde lui révèle celui auquel elle perdit sa mère (« J’avais dix ans quand elle mourut dans mes bras de douleur et de misère, et que mon frère fut tué dans une bataille »). 74 Isabelle Degauque MARIANNE En croirai-je mes yeux ? C’est ma mère 27 . LA ROSE Ah ! ma fille 28 . MARIANNE Ah ! mon père. LA ROSE Ah ! grands dieux. MARIANNE Certain trouble me presse, Natur’se fait sentir. LA ROSE J’en pleure de tendresse, Et j’en ris de plaisir. Grâce à cet accessoire dramatique, la Nature trouve la pleine confirmation de sa puissance, selon un schéma archétypal des tragédies au dix-huitième siècle 29 . Poinsinet et Anseaume accentuent le caractère convenu des effusions entre Lindane et Monrose qui soulignent elles-mêmes, dans L’Écossaise, la traduction physique de leurs émotions. À la création de la comédie de Voltaire en juillet 1760, l’hypotypose trouve sa concrétisation immédiate sur scène et l’échange entre le père et la fille vient redoubler le plaisir pris au spectacle des larmes. En choisissant des interjections éculées, les parodistes forains raillent en la dénaturant l’esthétique du tableau à laquelle s’essaie Voltaire, à l’exemple de Diderot. L’empiètement de L’Écossaise sur la tragédie se trouve pleinement confirmé par Poinsinet et Anseaume à la fin de la scène 22. Alors que Voltaire imagine une nouvelle crise après les embrassades 30 , les parodistes 27 Cf. Lindane (L’Écossaise, IV, 6) : « Que vois-je ? est-ce un songe ? c’est le portrait même de ma mère ; mes larmes l’arrosent, et mon cœur qui se fend, s’échappe vers vous ». 28 Cf. Monrose (ibid.) : « Oui, c’est là votre mère, et je suis ce père infortuné dont la tête est proscrite, et dont les mains tremblantes vous embrassent ». 29 Voir Isabelle Degauque, « Le topos de la preuve dans la littérature dramatique au XVIII e siècle », dans La Preuve, éd. Gérard Emptoz, Nantes, Maison des sciences de l’homme Ange-Guépin, 2003, p. 61-73. 30 Lindane découvre que son père veut tuer lord Murray ; elle le persuade de fuir ensemble pour l’éloigner de son amant. Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 75 coupent court à d’énièmes explications, sur l’air très populaire du « Menuet d’Exaudet » 31 : MARIANNE Ah ! conservez votre vie. LA ROSE Soit, c’est bien là mon envie. Vous pleurez, Vous montrez Des principes. Finissons donc ce caquet, Troussez votre paquet, Mettez sur un haquet 32 Vos nippes. Abrégeons, Délogeons, Sans rien dire. Car tandis qu’en barguignant, Je fais le Rusignan 33 , Vous, la belle Zaïre, On pourrait Au Chât’let Nous conduire. Si nous étions là, parbieu, Tous deux, je n’aurions pas lieu De rire. Le rapprochement de la scène de reconnaissance de L’Écossaise avec celle de Zaïre (II, 3), où le chevalier Lusignan retrouve chez un sultan ottoman ses enfants arrachés en bas âge (Nérestan et l’héroïne éponyme), montre à quel point Poinsinet et Anseaume ont perçu la ressemblance profonde entre la comédie de Voltaire et l’une de ses plus grandes tragédies donnée presque trente ans auparavant, le 13 août 1732. Les revers de fortune supportés avec patience par Lindane, les angoisses renouvelées de l’exilé Monrose, les affres de lord Murray sont autant de moyens efficaces pour exciter chez le spectateur de L’Écossaise de tendres émotions, voire d’étreindre fortement son 31 Après avoir intégré l’Académie Royale de musique en 1749, le violoniste André- Joseph Exaudet (1710-1762) entre au Concert Spirituel en 1751 et se fait connaître par un menuet qui porte son nom. Le « Menuet d’Exaudet », tiré des Six sonates en trio à deux violons et basse opus 2 (Paris, 1751) et chorégraphié par Claude Magny en 1765, a servi de timbre à plus de deux cents chansons. 32 Haquet : « petite charrette à voiturer du vin, des ballots de marchandise, etc. » (Dictionnaire de l’Académie française, Paris, J. B. Coignard, 1694). 33 Sic. « Rusignan » mis pour « Lusignan ». 76 Isabelle Degauque cœur. La nouveauté d’une telle pièce tient à son mélange entre des scènes pathétiques et d’autres suscitant un rire franc. Aussi, lorsqu’ils s’attaquent à la veine sentimentale de L’Écossaise, Poinsinet et Anseaume peuvent-ils utiliser les mêmes techniques parodiques que s’ils prenaient pour cible une tragédie de Voltaire. Le choix d’« un café et [de] chambres sur les ailes » pour cadre de L’Écossaise permet à Poinsinet et Anseaume de l’examiner également sous l’angle de la stricte comédie. Il s’agit d’un lieu hautement dramatique qui autorise tous les imprévus et, surtout, familier aux parodistes : il suffit de penser notamment à la boutique de M. Canarie, limonadier à la Foire Saint-Laurent, où se rendent les dieux Amour et Bacchus, respectivement déguisés en « petite bohémienne » et en « commis des aides », afin de juger la conduite de leurs sujets : les amants et les marchands de vin 34 . C’est donc en connaisseurs de ce lieu de convivialité et de réjouissance que les auteurs de L’Écosseuse vont apprécier la comédie de Voltaire. On sait tout d’abord que Voltaire a voulu faire de l’auberge de L’Écossaise un espace théâtral qui s’affranchisse de l’unité de lieu, comme l’atteste la didascalie liminaire : « La scène représente un café et des chambres sur les ailes, de façon qu’on peut entrer de plain-pied des appartements dans le café ». Poinsinet et Anseaume, tout comme leurs confrères parodistes, vigilants envers le respect des règles classiques, pointent la liberté prise par le dramaturge : à la scène 7 de L’Écosseuse, la confidente de Marianne s’étonne de voir sa maîtresse quitter la chambre où elle vit retirée : PAULINE Quoi ! vous venez ici, ma chère maîtresse ? 35 MARIANNE Il m’est bien plus aisé d’y venir que d’y faire venir ma chambre. PAULINE Oui, cela est plus commode et moins coûteux. MARIANNE Et plus dans les règles, il faut bien que quelqu’un les défende ; car on les viole assez impunément partout. Ces répliques sont accompagnées d’une note explicative : « On a vu pour la première fois dans L’Écossaise changer de décoration même au milieu d’un acte ». Or, lors de la création à la Comédie-Française, le vœu du dramaturge n’est pas exaucé et, dans l’édition de sa comédie, il fait part en note de 34 L’Amour et Bacchus à la Foire, 13 juillet 1726, Foire Saint-Laurent, BnF, ms. f. fr. 9336, f° 225-230. 35 Cf. L’Écossaise (I, 5) : « Lindane sortant dans un déshabillé des plus simples ». Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 77 son regret : « On a fait hausser et baisser une toile au théâtre de Paris, pour marquer le passage d’une chambre à une autre ; la vraisemblance et la décence ont été bien mieux observées à Lyon, à Marseille et ailleurs. Il y avait sur le théâtre un cabinet à côté du café. C’est ainsi qu’on aurait dû en user à Paris ». Poinsinet et Anseaume se font ici l’écho de l’assouplissement de l’unité de lieu tenté dans L’Écossaise pour aussitôt en souligner l’avortement et, dans le même temps, en contester la pertinence. Autre défi dramatique, Voltaire cherche à transcrire la liberté de ton et l’interférence constante des conversations régnant dans un café, en particulier à la scène 3 du premier acte. Après une ouverture sur le soliloque désespéré de Monrose et le spectacle de Frélon assis à une table, il fait entrer plusieurs habitués des lieux et construit leurs échanges sous la forme de brèves répliques, où s’immisce parfois le journaliste malveillant. Quant à l’exilé écossais, il ne se mêle pas aux autres et ne fait entendre sa voix que pour se plaindre du « sabbat » ou de la « cohue ». Ces deux termes révèlent l’ambition première de Voltaire : plonger le spectateur dans un tableau vivant et jouer sur l’effet de réel pour remporter son adhésion. À son exemple, Poinsinet et Anseaume mettent en scène, dès le début de L’Écosseuse, un « trio de buveurs » qui hèlent le garçon de café pour se faire servir les premiers, mais ils font entendre des bribes de dialogue sur un ton moins bridé que celui des clients commentant, chez Voltaire, l’actualité : TRIO DE BUVEURS LES FEMMES LES HOMMES LE GARÇON Garçon, garçon ! Hé, garçon ! On y va, on y va. Arrive donc. Hé, mon demi-poisson ! Voyez un peu ce maraud-là. Hé, mon garçon ! Votre affaire Encor un coup de va se faire. S’il entendra, c’t’affaire. S’il répondra. M’entend-on ? Viens-çà, viens-çà. Viendra-t-on ? Apporte encore un Mon demi-poisson ! Pourquoi tant crier ? verre, La maison, Votre affaire Et donne-nous [une] pinte Encor un coup de va se faire. de bière, c’t’affaire. Des échaudés 36 et de la bière. 36 Échaudé : pâtisserie qui remonte au Moyen-Âge, faite de pâte au beurre avec levain, parfumée à l’anis, découpée en couronnes pochées à l’eau bouillante, rafraîchies à l’eau froide, égouttées et séchées. Avant de les servir, on les passe au four. 78 Isabelle Degauque AUTRE BUVEUR Hé bien, entendra-t-on ? A moi, un d’mistier 37 . Pourquoi tant crier ? Hé bien, arrive donc, A moi, un d’mistier, Apporte-nous un verre, Une pinte de bière. La stratégie des parodistes forains consiste à abandonner les conversations de commerce et à accentuer le parler familier des habitués de la gargote de M. Propice (double parodique de Fabrice). Ce ne sont donc plus des bourgeois préoccupés par la dernière polémique théâtrale parisienne ou les affaires du pays, mais des gens du peuple venus au café pour boire avant tout. Chez Voltaire, l’un des premiers convives à prendre la parole regrettait amèrement la trop grande prospérité ambiante, nuisible à son enrichissement personnel en temps de disette : Je me soucie bien d’une pièce nouvelle. Les affaires publiques me désespèrent ; toutes les denrées sont à bon marché ; on nage dans une abondance pernicieuse ; je suis perdu, je suis ruiné. Poinsinet et Anseaume y font écho en la personne d’un savetier qui, lui aussi, observe la marche des « affaires d’l’Europe », mais donne son avis avec une diction relâchée, caractéristique d’un certain parler populaire : Tiens, je te dis not’commerce, et tu le verras… à ta santé, j’m’y connais moi, ça n’peut pas durer, faut qu’il s’fasse du tracassement dans les affaires d’l’Europe. Sa contradictrice, une ravaudeuse, partage avec lui la même verdeur d’expression : Et morgué, Claude, tais-toi, qu’est-ce qu’ça t’fait ? Mêle-toi de tes affaires, et non pas de celles-là. Tiens, vois-tu, les grands et les petits, tout ce qu’ils disont là-d’ssus, c’est des sottises, ça n’y change pas d’un clou, et pis sait-on où c’qu’on z’est. La parodie de L’Écosseuse fait donc apparaître la plus grande aise avec laquelle Poinsinet et Anseaume, coutumiers d’une certaine décontraction 37 Il faut lire ici « un demi-setier ». Setier : « mesure de grains ou de liqueurs différente selon les lieux. Un setier de blé, un setier d’avoine, un setier de vin. Le setier de blé à Paris est de douze boisseaux, le setier de vin est de huit pintes. On appelle ordinairement demi-setier une petite mesure de liqueurs, qui contient le quart d’une pinte. Un demi-setier de vin. Il se prend aussi pour la quantité de liqueur contenue dans le demi-setier. Nous n’avons bu chacun que notre demi-setier » (Dictionnaire de l’Académie française, 1694). Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 79 stylistique, croquent comme sur le vif le portrait d’une scène de la vie quotidienne 38 . Cependant, Poinsinet et Anseaume omettent La Rose dans leur scène d’ouverture et s’écartent alors de la pièce-source : Voltaire prend soin de surimposer aux débats entre les consommateurs de courtes interventions de Monrose et joue sur le contraste entre la joyeuse cacophonie et le drame intérieur de son personnage. La voix du proscrit se perd parmi les autres et lorsqu’elle se fait entendre, c’est sur le mode de la déploration. Seul Fabrice tient compte de sa présence, sans pouvoir l’arracher à sa solitude 39 . Les parodistes forains n’introduisent La Rose qu’à la scène 4 de L’Écosseuse qui détourne le premier entretien entre Monrose et l’aubergiste chez Voltaire (acte I, sc. 2) : LA ROSE AIR : J’veux être un chien Je viens chez vous comme étranger, Avez-vous de quoi me loger ? PROPICE Aisément, cela se peut croire. LA ROSE On dit qu’ici, je serai bien 40 . PROPICE Oui, tout au mieux. LA ROSE, à part Oh ! si je l’tiens. 38 Jean-Pierre Sarrazac émet les mêmes réserves au sujet de la comédie de Voltaire que Poinsinet et Anseaume : « Rien, dans ce lieu conçu par Voltaire, ni la rumeur du café, ni d’astucieuses conversations parallèles, ni les incessantes entrées et sorties, ni même la présence d’un gros négociant débonnaire, Freeport, qui traite des affaires avec le monde entier, ne parvient à déloger les protagonistes de leur solipsisme. Ces derniers, au lieu d’avoir des échanges avec leur milieu, continuent à vivre en autarcie, à la façon des héros, héroïnes et confidentes dans l’antichambre racinien » (« Le drame selon les moralistes et les philosophes », dans Le Théâtre en France, éd. Jacqueline de Jomaron, Paris, Armand Colin, 1992, 2 vol., t. 1, p. 331-402, p. 370 pour la citation). 39 L’Écossaise (I, 3) : « FABRICE . Monsieur veut-il nous faire l’honneur de venir dîner avec nous ? MONROSE . Avec cette cohue ? non, mon ami ; faites-moi apporter à manger dans ma chambre ». 40 Cf. Monrose (L’Écossaise, I, 2) : « On m’a dit que je serais mieux chez vous qu’ailleurs, que vous êtes un bon et honnête homme ». 80 Isabelle Degauque PROPICE Jolie chambre au grenier, des draps blancs tous les six mois, bien nourris votre cheval et vous, table d’hôte à six sols par repas 41 . LA ROSE, toujours à part et tapant du pied J’veux être un chien, À coups d’pied, à coups d’poing, J’l’y casserai la gueule et la mâchoire. AIR : Ah ! si t’en tâte Corbleu, sambleu, ce maudit contrôleur, Il me l’payera. PROPICE Qu’avez-vous donc, monsieur ? Vous parlez seul. LA ROSE Rien, rien ; n’ayez pas peur, De temps en temps, je me mets en fureur, Je suis pourtant bonhomme au fond du cœur. Poinsinet et Anseaume jouent sur la connivence musicale créée avec le public par la reconnaissance d’un premier air programmatique « J’veux être un chien » : ils diffèrent les éclats de colère attendus et font débuter la scène 4 par un échange poli entre l’hôte et son client, avant de le transformer, de manière comiquement abrupte, en un dialogue de sourds entre La Rose, qui songe à son infortune, et Propice, incapable de comprendre des propos aussi incohérents. L’air « Ah ! si t’en tâte » suggère lui aussi que l’irritation s’emparant soudain de La Rose trahit une possible maladie mentale. Quant aux didascalies, elles renvoient certes à l’indication que Voltaire donne à la scène 2 de l’acte I : « Monrose, en se promenant », et surenchérissent sur la manifestation du désarroi (« tapant du pied »), mais elles exploitent aussi les codes propres au théâtre. Poinsinet et Anseaume s’amusent du caractère profondément artificiel de l’a parte : feignant de croire que Monrose, chez Voltaire, ne parle que pour lui-même, sans souci du public, les auteurs de L’Écosseuse y voient la preuve d’un dérangement mental. Ils répètent pareil diagnostic à la scène 12 où Propice présente, à l’intention du « marchand de bœufs » Francport, les différents occupants de son auberge : 41 Cf. Fabrice (L’Écossaise, I, 2) : « Vous trouverez ici, monsieur, toutes les commodités de la vie, un appartement assez propre, une table d’hôte si vous daignez me faire cet honneur, liberté de manger chez vous, l’amusement de la conversation dans le café ». Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 81 AIR : Je suis pour les dames, moi Un vieux bourgeois qui parle seul sans cesse ; On ne sait trop pourquoi. Vous causerez tous deux sur la tristesse. FRANCPORT Oh ! nenni par ma foi. Je laisse en paix radoter la vieillesse, J’aime la jeunesse, Moi, J’aime la jeunesse. Venu s’informer tardivement du « tapage » entendu, La Rose doit encore supporter les remarques sarcastiques de Francport à la scène 18 : FRANCPORT […] Tout cela vous est égal à vous ; car on dit que vous n’aimez rien, que vous faites vos conversations tout seul. LA ROSE C’est que j’ai beaucoup de choses à me dire. FRANCPORT Ma foi, tant pis pour vous. Je ne cause avec moi-même que le matin, et si je me parle le soir, c’est pour me faire des reproches d’en avoir trop dit dans la journée. À la décharge de Voltaire, les bouffées d’inquiétude de Monrose ne présentent pas seulement un intérêt psychologique, mais aussi dramaturgique : son statut d’exilé écossais n’autorise le personnage qu’à une participation intermittente à l’intrigue et ne lui permet qu’un accès restreint aux informations sur le sort de sa fille et les poursuites du gouvernement anglais. Pour exciter l’intérêt, Voltaire alterne donc retrait et engagement partiel de Monrose dans les événements du café : l’un des enjeux forts de L’Écossaise tient précisément à la sortie de son isolement, imposé à l’origine puis devenu volontaire. En caricaturant Monrose sous les traits d’un vieux radoteur, Poinsinet et Anseaume gagnent ainsi les rires du public. Derrière la stigmatisation moqueuse de l’a parte, Poinsinet et Anseaume interrogent la convention dramatique au nom de laquelle un personnage s’écarte des autres pour partager avec le public ses émotions ou ses réflexions les plus intimes. À l’opposé de ce retrait scénique, la retranscription vivante des conversations simultanées d’un café joue sur la libre circulation de la parole. D’une manière générale, Poinsinet et Anseaume paraissent inspirés par le cadre dramatique choisi par Voltaire : le café, lieu emblématique des valeurs de sociabilité et de fraternité que célèbrent sans cesse les parodies 82 Isabelle Degauque dramatiques. Or, un personnage incarne tout particulièrement le pouvoir de la parole, appuyé sur la diffusion des informations : Frélon, devenu Moucheron dans L’Écosseuse. Ainsi, les parodistes forains retiennent du modèle voltairien l’envie et le plaisir de nuire, mais substituent aux cibles des récriminations de Frélon (« un bas officier », « l’inventeur d’une machine qui ne sert qu’à soulager des ouvriers », « un pilote », « des gens de lettres ») des emplois ayant trait à la circulation des nouvelles dans le Paris du dixhuitième siècle : Je n’peux plus ni fumer ni boire, c’est inutile, le cœur me crève, je suis plus furieux qu’un César. Quoi ! un graveur d’estampes à douze sols le cent, un écrivain des charniers, un marchand de mirlitons f’ront leur magot, et moi, morbleu, j’mourrai de faim. Ah ! si j’m’en croyais, j’irais me pendre. Moucheron partage avec le savetier et la ravaudeuse qui l’ont précédé dans la première scène de L’Écosseuse le même relâchement verbal. Autre signe de dégradation sociale, le double parodique de Frélon se focalise sur des petits métiers que les spectateurs peuvent retrouver à la Foire Saint-Laurent : si la gravure d’estampes, très en vogue au dix-huitième siècle à Paris comme à Londres, n’est pas une activité exclusive des marchands qui ouvrent boutique le temps de la Foire, en revanche, la vente de « mirlitons » renvoie directement aux chansonniers du Pont-Neuf. Hans Mattauch analyse le glissement sémantique de « mirliton » 42 : dès son apparition en 1723 pour désigner une « coiffure de gaze » à la mode, le terme connaît un vif succès, et les compositeurs de vaudevilles se l’approprient pour ridiculiser la nouvelle coiffure dont les femmes sont entichées, et pour s’en prendre aussi aux mœurs libertines de la cour. Piron et d’autres auteurs forains vont inventer des couplets mirlitonesques, satiriques ou grivois, pendant plus d’une décennie. Le mot « mirliton » n’a pas disparu du langage forain en 1760, année de la création de L’Écosseuse, et il participe à la création d’une complicité forte avec le public venu assister à cette parodie. Quant à l’« écrivain des charniers », jalousé par Moucheron, il désigne ces écrivains publics exerçant leur activité dans l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale : celui du charnier des Saints-Innocents, étudié par Christine Métayer 43 . À travers ces professions tout à la fois enviées et dénigrées ici, Poinsinet et Anseaume célèbrent autant de moyens de diffuser rumeurs et mots d’esprit. 42 Hans Mattauch, « Le Mirliton enchanteur : historique d’un mot à la mode en 1723 », Revue d’histoire littéraire de la France, 101 (2001), p. 1255-1267. 43 Christine Métayer, Au tombeau des secrets : les écrivains publics du Paris populaire, cimetière des Saints-Innocents, XVI e -XVIII e siècles, Paris, Albin Michel, 2000. Un cas singulier : la parodie dramatique d’une comédie 83 L’éloge paradoxal s’étend in fine à l’opéra-comique lui-même : le succès escompté par Moucheron en devenant chansonnier 44 dit combien les deux parodistes forains tiennent en haute estime des vaudevilles qui peuvent assurer à L’Écosseuse une publicité rémunératrice. Loin d’entacher la réputation du Pont-Neuf, le journaliste dévoyé fonctionne comme une figurerepoussoir du véritable chansonnier : la scène 2 ridiculise les prétentions excessives de Moucheron, « chant[ant] entre ses dents », qui rêve déjà d’airs à succès : « Là, là, là. Bon cela, c’est de l’or en barre », et entame deux couplets fielleux, sur l’air « De tous les capucins du monde » 45 . Mais tout le monde ne peut improviser des vaudevilles, et le fat personnage doit essuyer une vexation comique à la scène 5 : MOUCHERON Si vous pouviez par vos amis m’obtenir la permission de mettre en vaudevilles les nouvelles à la main, je dédierais… LA ROSE Si j’avais du crédit, je l’emploierais pour… Adieu, je vais voir si ma chambre est prête. Le refus de ses services révèle l’existence, à la Foire, de mécanismes pour départager les auteurs de vaudevilles, selon deux critères essentiels : le plaisir de l’auditeur et, par conséquent, l’argent qu’il est prêt à donner pour le satisfaire, et le refus de la malveillance. Ainsi, alors que la parodie dramatique est fréquemment accusée au dix-huitième siècle de tomber dans la satire 46 , Poinsinet et Anseaume font ici entendre le credo du bon chansonnier, qui cherche à divertir sans jamais nuire à autrui. La dernière scène de L’Écosseuse écarte symboliquement Moucheron du vaudeville final : sa fuite avec Jeann’ton pour éviter d’être jeté par la fenêtre 47 est saluée par Francport : « Ah ! ah ! faisons-lui grâce ; un chien aboie, une puce pique, et Moucheron 44 Moucheron (L’Écosseuse, I, 1) : « Ah ! si j’avais assez d’génie pour faire un dictionnaire… Garçon, encore un coup… Oui, c’est décidé, les chanteurs du Pont-Neuf ont toujours d’la vogue, prenons courage, j’m’en vais faire une chanson contre tous les honnêtes gens qui en savent plus que moi, ça m’fra connaître ». 45 Avec ces couplets qui croquent le portrait de deux femmes vénales, Moucheron exerce sa médisance sur son proche entourage, ainsi qu’il le confie à son ami dans la première scène de L’Écosseuse, malgré la menace de coups de bâton : « Eh bien, ne faut-il pas se faire à tout ? Laisse faire, j’ai commencé déjà un chef d’œuvre contre les filles du quartier ». 46 Voir Ahmad Gunny, « Pour une théorie de la satire au XVIII e siècle », Dix-huitième siècle, 10 (1978), p. 345-361. 47 Les propos menaçants de Furet, sur l’air « Il faut l’envoyer à l’école », renvoient aux derniers mots adressés par lord Murray à Frélon (L’Écossaise, IV, 2) : « mais si vous vous avisez jamais de prononcer le nom de cet homme et de Mlle Lindane, je vous ferai jeter par les fenêtres de votre grenier ». Le journaliste prend ici congé, pour ne 84 Isabelle Degauque fait son métier. C’est dans l’ordre ». La charge est d’autant plus sévère que le ton est bonhomme : le félon devient quantité négligeable, à proportion de l’insecte dont il a pris le nom. En comparaison des trente-sept parodies de tragédies recensées pour le compte du seul Voltaire, les parodies de comédies sont peu fréquentes. Cette rareté peut s’expliquer par les enjeux propres à la parodie dramatique, à savoir rabaisser rois et reines, tourner en dérision ce qui ferait pleurer dans d’autres circonstances, stigmatiser certains topoi comme la scène de reconnaissance. La comédie, elle, présente une gageure pour tout parodiste dans la mesure où les procédés d’exagération suscitent déjà le rire. Pourquoi se moquer de pièces qui cultivent la gaieté ? Corinne Pré arrive à la même conclusion en remarquant que sur 170 parodies en vaudevilles, quatre seulement prennent pour cible la comédie et trois la comédie mêlée d’ariettes 48 . Pourquoi Poinsinet et Anseaume choisissent-ils alors de s’attaquer à L’Écossaise ? Dans cette pièce, Voltaire brouille le partage entre la franche comédie et la comédie sentimentale au point de susciter, chez les parodistes, une certaine perplexité, et le personnage de Lindane, offert en exemple aux spectateurs, cristallise l’essentiel de leurs reproches. De même que les parodistes prenant pour cible les tragédies de Voltaire désapprouvent la dérive du genre tragique vers le spectaculaire et le pathétique outré, Poinsinet et Anseaume semblent ici blâmer l’altération de la comédie par l’exploitation du goût des larmes. Cette convergence des critiques explique l’identité des moyens pour ruiner les effets les plus touchants suscités par Voltaire tant dans ses tragédies que dans cette comédie si singulière qu’est L’Écossaise. Or, l’emploi de techniques similaires, en dépit de la cible retenue, ne traduit-il pas chez Poinsinet et Anseaume une hésitation générique (est-ce une comédie ? est-ce une tragédie sur un mode mineur ? ) qui nie la possibilité d’un mixte entre le comique et le sensible ? Enfin, les auteurs forains de L’Écosseuse ne se contentent pas de relever les écueils sentimentaux de la comédie de Voltaire, mais ils passent au crible de leurs critiques les tentatives, manquées ou non, de mettre en scène différemment la parole dans l’un des théâtres de la vie urbaine : le café. Rivalisant avec Voltaire dans la liberté des échanges entre clients et la transcription du brouhaha permanent, Poinsinet et Anseaume exaltent les vertus dramatiques de l’opéra-comique. plus jamais réapparaître dans la comédie de Voltaire, contrairement à la parodie dramatique de Poinsinet et Anseaume. 48 Corinne Pré, « La parodie dramatique en vaudevilles de 1715 à 1789 », dans Burlesque et formes parodiques, éd. I. Landy-Houillon et M. Ménard, Paris-Seattle- Tubingen, Biblio 17, 1987, p. 265-281 (p. 266).
