Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
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2009
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Jacques Domenech (sous la direction de), Censure, autocensure et art d’écrire : De l’Antiquité à nos jours. Bruxelles : Éditions Complexe, collection « Interventions », 2005. 374 p.
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2009
Yves Laberge
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Œuvres & Critiques, XXXIV, 1 (2009) Comptes rendus Jacques Domenech (sous la direction de), Censure, autocensure et art d’écrire : De l’Antiquité à nos jours. Bruxelles : Éditions Complexe, collection « Interventions », 2005. 374 p. Ouvrage collectif produit à la suite d’un séminaire de l’Université de Nice tenu entre 2001 et 2003, Censure, autocensure et art d’écrire : De l’Antiquité à nos jours propose 23 chapitres consacrés à différents aspects, principalement des analyses de cas entourant des œuvres et des auteurs, pour la plupart européens. Dans son introduction, Jacques Domenech souligne le caractère transdisciplinaire de son séminaire et rappelle pertinemment que « la véritable censure, consubstantielle à l’art d’écrire, impose des normes qui ne sont pas seulement idéologiques. Elle s’oppose à la nouveauté, à la création » (p. 22). Parmi les textes les plus savoureux, retenons celui du professeur Jean Emelina, qui étudie - non sans humour - comment certains passages plus gaillards de la Bible, et notamment de l’Ancien Testament, avaient été retranchés ou réinterprétés dans des éditions du XVII e siècle, par exemple dans la Bible du Royaumont (p. 88). Les livres visés, la Genèse, le Cantique des Cantiques, Les Juges avaient subi des modifications notables, ce que l’auteur nomme savamment « les édulcorations du texte français du XVII e siècle » (p. 97). Les passages consacrés à « Sodome et Gomorrhe » et à l’inceste deviendront plus allusifs dans cette version, au point qu’il devienne difficile de comprendre ce que les habitants de ces villes avaient fait de si condamnable. La deuxième partie touche le siècle des Lumières et débute par un article fort concis de Françoise Weil, sur le « Fonctionnement de la censure en France au XVII e siècle », dans lequel on apprend qu’un nombre relativement restreint d’ouvrages, 627, ont été interdits entre 1720 et 1770 (p. 130). Plusieurs moyens existaient alors pour « contourner » les règles de la censure. On appréciera également le style de Claudine Lavigne, qui débute son chapitre sur Voltaire en une formule efficace : « Lorsque Voltaire entreprend de lutter contre l’Infâme vers 1760, il doit adopter une écriture qui puisse à la fois rallier les lecteurs et rassurer les censeurs » (p. 165). Parmi ses nombreuses stratégies, Voltaire adopta pour signer ses livres les plus audacieux des pseudonymes d’ecclésiastiques et travestit les genres littéraires, particulièrement 102 Œuvres et Critiques pour ce qu’il nommait les homélies, les lettres, ou son Dictionnaire (pp. 169 et 171). La troisième partie contient des textes variés, mais le plus souvent descriptifs, dont quelques études de cas sur La Nausée de Sartre, Lolita de Nabokov, et même Emmanuelle : le livre et fameux le film à succès. Certains articles « transversaux », consacrés à la censure de manière plus large, méritent une attention toute particulière, et surtout l’étude du professeur Jean-Marie Seillan à propos d’un véritable petit guide la censure rédigé par l’abbé Louis Bethléem, qui connaît plusieurs rééditions à partir de 1905, sous le titre Romans à lire et romans à proscrire (p. 243). Ce classique de la censure sera vendu à 140 000 exemplaires et son auteur pourra être considéré comme un « maître de la censure » de la première moitié du XX e siècle (p. 243). L’excellente conclusion de Jacques Domenech se veut ouverte et contient l’embryon de plusieurs problèmes de recherche à explorer, particulièrement autour de l’autocensure : par exemple, à propos des hésitations de Jean- Jacques Rousseau, déjà évoquées dans un chapitre d’Andréas Pfersmann, le professeur Jacques Domenech formule la véritable question en ces termes : « Rousseau craint-il la censure ou se juge-t-il lui-même ? » (p. 370). Plus loin, on évoque à la suite de Jean Cayrol et de Claude Lanzmann l’impossibilité d’évoquer la Shoah autrement que par la littérature et le documentaire, par opposition à la fiction cinématographique (p. 370). Cet ouvrage collectif répond au-delà des attentes de ses lecteurs, car il couvre non seulement une grande variété d’époques et de cas, mais son propos touche un domaine de recherche très fréquenté dans l’édition anglosaxonne, mais trop peu abordé dans les études littéraires en France. Yves Laberge Marie-Claire Chatelain, Ovide savant, Ovide galant : Ovide en France dans la seconde moitié du XVII e siècle. Paris : Honoré Champion, Collection « Lumière classique », N o 77, 2008. 763 p. Une étude volumineuse sur un thème et une époque bien circonscrite - n’est-ce pas trop pour un demi-siècle ? Évidemment non ! Tout au contraire, l’auteur analyse un domaine particulièrement riche de la réception de ce poète en élucidant les deux volets par ailleurs inséparables : le discours critique et l’assimilation par le champ littéraire où la poésie du Romain renaît, métamorphosée, dans les formes et les genres poétiques français les plus divers. Ces analyses procurent un plaisir de lecture dû à la finesse des explications et à la clarté des développements. L’époque est bien choisie puisqu’elle innove dans la longue tradition des études savantes du poète
