eJournals Oeuvres et Critiques 35/2

Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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Les Entretiens et lettres poétiques, point culminant de l’évolution poétique du Père Le Moyne

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2010
Richard G. Maber
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Œuvres & Critiques, XXXV, 2 (2010) Les Entretiens et lettres poétiques, point culminant de l’évolution poétique du Père Le Moyne Richard Maber La collection des Entretiens et lettres poétiques (1665), dernière œuvre poétique publiée du vivant de Le Moyne, contient parmi ses trente-et-un poèmes une dizaine de réussites extraordinaires qui se distinguent par leur originalité d’imagination et la vigueur de leur expression 1 : Henri Chérot l’a appelée, non sans raison, « son chef-d’œuvre en vers » 2 . Malgré leur diversité, les Entretiens gagnent à être considérés dans leur totalité, ce qui n’arrive que très rarement. Tous les poèmes contribuent à l’effet de la collection entière, inspirée comme toutes les œuvres poétiques de l’auteur par un idéal particulier et très élevé de la poésie et des devoirs du poète. Il serait impossible d’entreprendre ici une analyse détaillée des quelque 10 500 vers qui composent les Entretiens, ou même de résumer les arguments si variés de tous les poèmes. Il y a tant de vers brillants et de passages remarquables que même les citations, nécessairement courtes et peu nombreuses, risquent de donner une impression limitée de l’œuvre dans son entier. Nous nous proposons donc de donner une vue d’ensemble de l’œuvre et d’en identifier les traits les plus marquants, ses rapports avec les poésies antérieures de Le Moyne et surtout avec sa théorie poétique, avant d’aborder les autres aspects distinctifs de cette dernière phase de son évolution poétique. 1 Entretiens et lettres poëtiques, du P. Le Moyne, de la Compagnie de Jesus, Paris, E. Loyson, 1665. Quelques exemplaires portent une page de titre légèrement différente : Entretiens et lettres morales, mais à part la page de titre, tous les exemplaires sont identiques. L’œuvre fut remise en vente en 1668 avec une nouvelle page de titre : Entretiens et lettres morales du P. Le Moyne, de la Compagnie de Jesus, Paris, E. Loyson, 1668 ; le texte est identique à l’édition de 1665. Finalement, le poète a apporté de nombreuses révisions pour le texte définitif de ses Œuvres poétiques de 1671 (publication posthume) : Les Œuvres poétiques du P. Le Moyne, Paris, L. Billaine, 1671 (ou : T. Jolly et S. Benard, 1671 ; ou : T. Jolly, 1672), in-fol. Nos citations sont donc tirées de cette édition, où les Entretiens occupent les pages 237-351. Nous préparons actuellement une édition critique des Entretiens. 2 Henri Chérot, 1887, p. 338. 56 Richard Maber Le Moyne réunit dans les Entretiens toutes les lettres en vers qu’il avait écrites depuis vingt ans. Au moins dix-huit en avaient été déjà publiées séparément, ou figuraient dans ses Poésies de 1650 3 ; la date de la première publication de ces poèmes s’échelonne de 1645 (« Le Ministre sans reproche ») à 1665 (« Le Soleil politique ») 4 . La période de composition des poèmes des Entretiens a donc commencé immédiatement après la publication de la seconde partie des Peintures morales (1643), et comprend la publication de La Gallerie des femmes fortes (1647), des Poésies (1650), et des deux versions successives de Saint Louys (1653 et 1658). Il n’est pas surprenant que l’on retrouve dans les Entretiens tous les grands thèmes de l’œuvre poétique de Le Moyne, comme nous allons le voir. Mais l’auteur n’y suit pas une structure soigneusement élaborée, comme dans la plupart de ses œuvres antérieures. Il cherche plutôt à augmenter le plaisir du lecteur par la diversité des Entretiens et le mélange des thèmes qu’on y trouve. Dans cette édition collective les lettres en vers ne sont rangées ni suivant la date de leur composition, ni encore selon un groupement thématique, mais plutôt en fonction de leur destinataire. La collection est divisée en trois livres, composés respectivement de poèmes adressés à des hommes, de poèmes adressés à des femmes, et dans le troisième livre (intitulé « Lettres feintes et poétiques ») de poèmes où l’auteur supposé est une figure allégorique ou mythologique (la Nymphe du Danube, la Seine, le Tage, les Muses, le Sommeil), tandis que le destinataire est tantôt imaginaire lui aussi, tantôt un personnage véritable. La disposition du premier livre suit très approximativement la hiérarchie sociale. Dans le premier poème (« Le Soleil politique ») c’est le soleil qui s’adresse au roi d’égal à égal ; ensuite, le poète reprend sa propre voix pour s’adresser au cardinal Antoine Barberini, et aux princes du sang Condé et Conti. Le choix des autres dédicataires reflète en partie les amitiés de l’auteur, et en partie les ambitions des jésuites au XVII e siècle. Les grandes figures de la noblesse de robe, protecteurs des jésuites (Séguier, Bailleul, Lamoignon, de Mesmes), se mêlent à des nobles très en vue comme Montausier et Saint- Aignan, et à des amis comme le vieux duc d’Estrées, le marquis de Leuville, ou encore Hercule Vauquelin des Yvetaux. De même dans le second livre les lettres, parfois légères et parfois très sérieuses, sont adressées aux nièces de la duchesse d’Aiguillon, à la fille de Le Tellier, et à des amies du monde des salons (y compris la comtesse de La Suze) qui se retrouvent très souvent dans Le Dictionnaire des précieuses de Saumaize. Dans le troisième livre, les 3 Les Poesies du P. Pierre Le Moine, de la Compagnie de Jesus, Paris, A. Courbé, 1650. 4 Ce poème fut imprimé pour la première fois dans De l’art de régner, Paris, S. Cramoisy & S. Mabre-Cramoisy, 1665 ; l’achevé d’imprimer en est daté du 30 mars 1665, ce qui le situe avant la publication des Entretiens. Les Entretiens et lettres poétiques 57 sujets traités dans les « Lettres feintes » comprennent des événements publics sérieux ou joyeux 5 , ainsi que des pièces de circonstance qui concernent le poète lui-même 6 . Dans la Préface des Entretiens, Le Moyne se réclame de l’exemple d’Horace, tout en distinguant avec soin sa propre œuvre de ce qu’il présente comme les aspects moins admirables de l’œuvre du poète latin, sa prédilection pour « la Raillerie & la Satyre », et son style peu élevé : HORACE a fait autrefois ce que je fais aujourd’huy. Il s’est entretenu en Vers avec ses Amis, & a fait part au Public de ses Entretiens. Il y a neanmoins deux notables differences, entre les Entretiens d’Horace & les miens. La premiere est en la matiere, & la seconde en la forme […] (sig. [*Gg4]r) En réalité, comme Le Moyne l’indique lui-même, les Entretiens ne sont guère comparables aux Epistulae d’Horace. Ils tirent plutôt leur origine générique de la lettre en vers, fort à la mode, pratiquée occasionnellement par de nombreux poètes contemporains et surtout par Boisrobert, dont les deux recueils d’Epîtres furent publiés en 1646/ 47 et en 1659 7 . Quelques Entretiens de Le Moyne conservent encore le ton léger et mondain de la plupart des autres lettres en vers contemporaines, par exemple sa « Gazette du Parnasse », dédiée au duc de Saint-Aignan, ou le « Secret de longue vie », à la marquise de Leuville, tous deux écrits en vers octosyllabiques. Mais le plus souvent, les conventions de ce genre mineur ne servent que de point de départ au poète jésuite. Dans son Discours de la poésie de 1641, Le Moyne distingue « quatre especes de Poësie, selon quatre sortes de Matieres differentes, que le Poëte peut mettre en œuvre. La premiere est Theologique ou Divine, la seconde Heroïque, la troisiesme Morale, et la quatriesme Naturelle ». Ensuite il passe à la définition de ces « quatre especes ». Pour la première, « La Poësie divine a pour Sujet les perfections de Dieu, et les merveilles de ses Œuvres ». La seconde, la poésie héroïque, ne se borne pas à l’épopée (« l’Historique »), mais comprend aussi la « Panegyrique […] où les Vertus et les Victoires des grands Hommes sont representées avecque les plus hautes couleurs, et les 5 « La Seine à la Meuse », sur le progrès de la guerre après la bataille de Lens ; « La Nymphe du Danube », sur le mariage d’Adélaïde-Henriette de Savoye avec le duc de Bavière ; « Le Tage à la Seine », sur la naissance du Dauphin. 6 « Les Muses à trois Grâces », et « Le Sommeil, à la plus noble des Muses ». 7 Boisrobert, Épîtres, éd. M. Cauchie, Paris, Hachette, 1921-27, 2 vol. Voir Sophie Tonolo, Divertissement et profondeur. L’épître en vers et la société mondaine en France de Tristan à Boileau, Paris, H. Champion, 2005. Selon S. Tonolo, « rares sont les auteurs de séries : Boisrobert, Le Moyne et Boileau ont seuls produit un ensemble d’ampleur » (p. 12-13). 58 Richard Maber plus magnifiques Images du Caractere Poëtique ». La troisième « espèce de Poësie » est la plus diverse : « La Poësie Morale s’estend universellement à tout ce qui entre dans la Vie Humaine : elle represente les Vertus, les Vices et les Passions qui sont leur commune Matiere ; elle pare le Bien et le rend agreable pour le faire aimer ; elle oste le fard au Mal, et le represente avecque toutes ses laideurs naturelles, pour détromper ses Amans, et leur en donner de l’horreur ». Finalement, « La Poësie Naturelle qui est la derniere espece, est la plus simple, et n’est pas pourtant la plus aisée. Elle a pour Sujet toutes les Œuvres de la Nature, soit de la Celeste, soit de l’Elementaire 8 ». Ces « quatre sortes de Matieres differentes » constituent toujours l’essentiel des Entretiens, publiés vingt-quatre ans après le Discours. Certains de ces poèmes n’appartiennent de toute apparence qu’à une seule « espece » de poésie. Le principal sujet d’un grand poème comme « Le Théâtre du Sage » est bien de chanter « les perfections de Dieu, et les merveilles de ses Œuvres » 9 . Dans leur version originale, les deux poèmes dédiés à Condé s’intitulaient « Lettre héroïque » ; un groupe d’autres poèmes - « De la Fortune », « De la vie champestre », « De la paix du sage », et « Du jeu » - s’intitulaient originellement « Lettre morale » ; tandis que deux autres, « Le Speculatif » et « Miroir fidelle », portaient chacun l’appellation mixte de « Lettre héroïque et morale » 10 . D’autres encore, comme « Plaisance, ou les divertissemens de 8 Discours de la poésie, dans : Hymnes de la sagesse divine, et de l’amour divin. Avec un discours de la poésie, et d’autres pieces sur diverses matieres, Paris, S. Cramoisy, 1641, p. 31-34. Voir aussi l’excellente édition moderne d’Anne Mantero, Les Hymnes…, Paris, Le Miroir Volant, 1986, p. 21-23. 9 Comme l’indique le sommaire au commencement du poème : « Il fait une representation des principales pieces du Monde, de l’harmonie et de l’ordre des Saisons, de l’union et de la concorde des Elemens : et faisant remarquer en chaque partie de la Nature la grandeur et la bonté, la sagesse et la puissance de Dieu, il prepare l’esprit à sa connoissance, par la connoissance des choses visibles. » (p. 278). 10 Lettre heroique envoyee a Monseigneur le Prince en Catalogne, Paris, Veuve J. Camusat & P. Le Petit, 1648 ; dans les Entretiens (1665), p. 28-34, et les Œuvres poétiques (1671), p. 236-237 (pour 246-247), avec le titre d’« Avis de la France à Monseigneur le Prince ». Lettre heroïque a Monseigneur le Prince sur son retour, Paris, F. Muguet & J. Guignard, 1660 ; dans les Entretiens, p. 25-48, et les Œuvres poétiques, p. 238-242 (pour 248-252), avec le titre d’« Au Mesme ». De la Fortune lettre morale, Paris, A. Courbé, 1660 ; dans les Entretiens, p. 88-107, et les Œuvres poétiques, p. 256-273 (pour 266-273), avec le titre de « Le Palais de la Fortune ». De la vie champestre lettre morale, Paris, F. Muguet & J. Guignard, 1661 ; dans les Entretiens, p. 108-122, et les Œuvres poétiques, p. 273-278, avec le titre de « De la vie champestre ». De la paix du Sage lettre morale, Paris, F. Muguet & J. Guignard, 1662 ; dans les Entretiens, p. 146-155, et les Œuvres poétiques, p. 287-290, avec le titre de « De la paix du Sage ». Du Jeu, lettre morale, Paris, F. Muguet & J. Guignard, 1661 ; dans les Entretiens, p. 279-293, et les Œuvres poétiques, p. 333-338, avec le titre de « Du jeu ». Le Speculatif. Lettre heroique et morale, Paris, S. Cramoisy & G. Cramoisy, Les Entretiens et lettres poétiques 59 l’automne », « Jeu poetique », et « L’Hyver », semblent signaler par leur titre qu’ils appartiennent à l’espèce de la « Poésie naturelle » 11 . Mais en réalité, la pratique de Le Moyne a évolué dans la dernière phase de sa carrière poétique, et la nature des poèmes des Entretiens est sensiblement différente des catégories envisagées dans le Discours de la poésie. L’ordonnancement désormais adopté inscrit à travers tout le recueil un mélange de tons et de thèmes les plus divers : les grands thèmes politiques et religieux côtoient la satire féroce des mœurs contemporaines, tout en laissant la place à des vers légers et même badins. Ce mélange se trouve même, à de très rares exceptions près, dans chacune des lettres en vers : la structure des poèmes les plus réussis est telle qu’elle permet au poète d’évoquer une gamme d’émotions très différentes, ou de passer rapidement d’un sujet à un autre. Les descriptions et les images se succèdent comme dans une galerie, où le poète vise à impressionner son lecteur par des effets d’accumulation et de contraste ; il met ainsi à profit la technique qu’il avait déjà développée dans La Gallerie des femmes fortes et surtout dans Les Peintures morales. Beaucoup d’entre les Entretiens se composent d’une suite de descriptions variées et de leçons que le poète en tire, que ces descriptions soient de la nature (« Le Spéculatif », « De la vie champestre », « Le Théâtre du Sage », « Plaisance, ou les divertissemens de l’automne », « Jeu poétique », qui décrit l’automne à Passy, « L’Hyver »), des activités humaines (« La Carte de Paris », « De la Cour »), ou des pays allégoriques fantastiques (« Le Palais de la Fortune », « De la paix du Sage », « Gazette du Parnasse », « Carte de la Cour », « Le Sommeil, à la plus noble des Muses »). Le bref résumé en tête de chaque Entretien indique le procédé typique qu’il suit dans ces poèmes, comme pour le second Entretien, « Le Spéculatif » : Il fait une Description de la Mer et de ses Costes, meslée de considerations morales et historiques, et accompagnée par occasion des Eloges de quelques grands Hommes. (p. 240) et pour le septième, « La Carte de Paris » : 1657 ; dans les Entretiens, p. 11-27, et les Œuvres poétiques, p. 240-235 (pour 245), avec le titre de « Le Speculatif ». Lettre heroique et morale, Sur le temps, et sur l’inconstance Des choses humaines, Paris, [A. Courbé], 1657 ; dans les Entretiens, p. 190-201, et les Œuvres poétiques, p. 303-307, avec le titre de « Miroir fidelle ». 11 Plaisance, lettre poetique, Paris, F. Muguet, 1663 ; dans les Entretiens, p. 165-178, et les Œuvres poétiques, p. 293-297, avec le titre de « Plaisance, ou les divertissemens de l’automne ». Jeu poëtique, ou les veuës de Passy [s.l.n.d.] ; dans les Entretiens, p. 184-189, et les Œuvres poétiques, p. 299-301, avec le titre de « Jeu poetique ». « L’Hyver », dans les Entretiens, p. 262-271, et les Œuvres poétiques, p. 327-330. 60 Richard Maber Il fait une description de la grandeur et des richesses de Paris ; des Eglises, des Palais, et des Promenoirs : et y ajoûte, selon la diversité des choses, diverses reflexions Historiques, Morales et Chrestiennes. (p. 244, pour 255) et encore pour le neuvième, « Le Palais de la Fortune » : Il fait la description du Palais de la Fortune : et represente les perils et les travaux de ses Courtisans : les tromperies et les impostures de ses faveurs, sous diverses figures de blanques, de presens, de loteries, de festins, de jardins, et d’autres semblables images. (p. 256, pour 266) Ces résumés indiquent aussi une des principales sources de la cohésion des Entretiens, au delà de leur variété, car ils soulignent le souci qu’a le poète d’affirmer le caractère avant tout édifiant de ses œuvres. La diversité des thèmes du recueil, et les intentions de l’auteur, sont signalées par le poète dans sa Préface : Les miens [mes Entretiens] sont de matieres ou toutes Chrestiennes, ou toutes Morales : quelques-unes sont toutes Politiques : & quelques autres Composites, comme parlent les Architectes. Et dans celles-cy, le Chrestien, le Moral, & le Poëtique [sic] sont meslez selon l’exigence des Sujets, & la condition des Personnes que j’entretiens. (sig. [*Gg4]r-v) En réalité, tous les grands thèmes religieux et moraux de sa poésie s’entremêlent dans les Entretiens. La grandeur de Dieu contraste avec l’insignifiance des hommes et leur égalité devant Dieu qui apparaît dans leur insignifiance même. Le poète insiste à maintes reprises, et avec une invention intarissable, sur l’inconstance de la vie et la vanité des aspirations humaines. Il crée des tableaux inoubliables, toujours pleins de mouvement et développés avec une force d’imagination étonnante ainsi qu’une accumulation vertigineuse de détails. Parmi les plus impressionnants sont les personnifications allégoriques, comme celle de la Fortune, qui apparaît sous différents déguisements dans plusieurs poèmes outre le « Palais de la Fortune » : « la Fortune/ Estoit une Princesse à mille Amans commune » ; « La Fortune bizarre et fantasque Potiere » ; « Et la Fortune, illustre et fameuse Fripiere » ; et ainsi de suite 12 . On trouve également une personnification allégorique du Jeu, qui donne à Le Moyne l’occasion d’élaborer une vision cauchemardesque des ravages causés par la manie du jeu : Le Jeu qui vous paroist si doux, si sociable, N’est qu’une Beste avide, ardente, insatiable … (« Du Jeu », p. 337) 12 « De la paix du Sage », p. 287 (la Princesse et la Potière) ; « La Carte de Paris », p. 249, pour 259 (la Fripière). Les Entretiens et lettres poétiques 61 - ou bien l’image terrible de la Mort universelle, évocation typiquement visuelle et théâtrale : La recolte se fait par tout et chaque jour : La Mort regne au Village, elle regne à la Cour […] Quel spectacle de voir, sur de funestes chars, Les Femmes, les Maris, les Jeunes, les Vieillars, Les Artisans, les Rois, les Charlatans, les Sages, Toute sorte d’estats, de sexes, de visages ; Et la Mort au dessus, la Faux noire à la main, Qui traisne en herbe, en graine, en fleur le Genre humain ! Quel theatre de voir dans la Cave fatale, Où sans ordre, & sans choix, cette moisson s’étale, Les restes des Vivans à monceaux entassez, Et comme paille seiche, au hazard amassez ! (« Miroir fidelle », p. 303) Il n’oublie jamais que tous les destinataires de ses lettres poétiques appartiennent à la noblesse ou à la haute magistrature : les vices qui provoquent son indignation ou sa satire sont l’ambition, l’avarice et le luxe, tous mis en perspective par la mort inévitable. Mais également il n’oublie jamais non plus qu’il est entré dans ces milieux mondains comme un missionnaire jésuite, qui, caméléon de Dieu, s’adapte au monde qui l’entoure pour mieux prêcher sa dévotion aisée, et qui cherche tous les moyens de rendre agréables ses leçons morales. Comme il l’affirme dans sa Préface, la pluspart de ces Entretiens ayant esté composez à la Campagne, aux plus beaux jours de l’année, durant la joye de la Nature, & chez des Amis qui faisoient tout ce qu’ils pouvoient pour me réjouïr ; je n’ay pas crû que ma condition voulust de moy, tant de dureté envers la Nature, ni tant d’incivilité envers mes Amis, que je rejettasse la joye qu’ils m’offroient : & que je gastasse de mon chagrin des compositions faites parmi les Fleurs de leurs jardins, & à l’ombre de leurs Allées. (sig. [*Gg4]v) En effet, Le Moyne est remarquablement sensible aux beautés de la nature sous toutes ses formes. La nature apprivoisée de ses villégiatures dans les maisons de campagne de ses amis de la haute société contribue largement au charme de plusieurs d’entre les Entretiens : elle lui inspire des réminiscences littéraires et offre une source inépuisable de réflexions morales 13 . Par contraste avec ces « jeux poétiques », il voit toujours l’image de Dieu dans l’immensité de la mer et la vaste étendue du ciel, et développe le thème du psaume 18, Caeli enarrant gloriam Dei, avec une originalité impressionnante dans des poèmes comme « Le Spéculatif » et « Le Théâtre du Sage ». 13 Voir ici même l’article de V. Kapp. 62 Richard Maber Pour bien saisir les intentions et l’esthétique du poète dans les Entretiens, la caractéristique essentielle qui les distingue des autres épîtres en vers, il faut les considérer dans la perspective de l’idéal poétique de Le Moyne, qu’il a maintenu sans dévier sa vie durant 14 . Cet idéal est revendiqué dans la Préface des Entretiens, où Le Moyne souligne l’abîme qui le sépare des autres auteurs de lettres en vers : La forme en est aussi Poëtique dans les termes, dans les images, dans les fictions, dans les figures, que la mediocrité de mon Esprit me l’a pû permettre. Et en cela elle est fort éloignée de la forme qu’Horace a donnée à ses Entretiens, où il ne fait pas état de parler en Poëte, comme j’ay pretendu faire dans les miens. […] Si l’on dit que la conversation ne veut rien de si relevé, on le dira avec verité, si on le dit de celle qui se fait d’égal à égal, & de plain pied. Celles qui se font de haut en bas, ainsi que se font celles des Poëtes, qui parlent comme Personnes élevées à la plus haute Sphere des Esprits, à la Region où se font les visions & les Propheties, ne souffrent rien de commun, ni de vulgaire. (sig. [*Gg4]v) La forte personnalité du poète s’exprime dans la « hardiesse » de son invention et de son expression, par la richesse du vers et l’abondance des images. Le Moyne avait une confiance absolue dans son propre génie : il se croyait tout à fait exceptionnel, pour le moins l’égal, et probablement le supérieur, de tout poète qui ait jamais vécu. Déjà en 1639, Chapelain l’avait décrit comme « ce Père […] qui a la veine naturelle, belle et hardie, et qui a grande opinion de luy » 15 , et cette « grande opinion » n’a fait que grandir avec le temps. Vers la fin de sa vie Le Moyne écrivit un traité historique théorique d’un grand intérêt, De l’histoire 16 . Dès le commencement il imagine l’étonnement du lecteur et le désespoir des Muses de le voir ainsi abandonner la poésie : « Ne dira-t-on point encore, qu’ayant toûjours esté assez bien traité des Muses, je devois bien leur estre fidele jusques au bout : et ne leur pas donner le chagrin, de se voir abandonnées de moy, aprés les graces que j’ay receuës d’elles ? » (p. 2) ; et s’il se nomme parmi les auteurs des plus grandes 14 Ses principales œuvres de théorie poétique sont le Discours de la poésie, et le Traité du poëme heroïque qui accompagne Saint Louys dans les éditions de 1658 et 1666, et (sous le titre de Dissertation …) dans les Œuvres de 1671. Les idées qu’il y développe sont répétées partout dans ses œuvres en vers et en prose. Voir A. Aarnes, 1965, p. 32-52 ; E. Gross-Kiefer, 1968, p. 61-67 ; et R.G. Maber, 1982, p. 53-77. 15 Lettre à Balzac du 5 juin 1639, dans Lettres de Jean Chapelain, éd. P. Tamizey de Larroque, Paris, Imprimerie Nationale, 1880-83, I, p. 428-29. 16 De l’histoire, Paris, L. Billaine [ou S. Benard], 1670. Les Entretiens et lettres poétiques 63 épopées, c’est avec une expression de modestie peu caractéristique, et sans doute peu sincère : Homère en a donné le premier exemple en Grec, Virgile le second en Latin, le Tasse le troisiéme en Italien ; et s’il m’estoit permis de me compter aprés ces grands Artisans, je dirois que j’ay donné le quatriéme en François, dans mon Poëme de S. Louys. (p. 280-1) Cette confiance rayonne dans les Entretiens, comme dans toutes les œuvres de Le Moyne. Sa seconde lettre en vers à Condé (I, 4, « Au mesme ») se conclut par une invitation à peine voilée d’agréer la dédicace de Saint Louys, paru sans dédicataire en 1658 pendant l’exil de Condé. Le poète se compare favorablement à Homère, et se proclame le favori des Muses : N’en doutez point, SEIGNEUR, leurs bois vivent toûjours, Des Graces arrosez, cultivez des Amours : On y cueille en tout temps des feuïlles immortelles : Je connois les endroits, où naissent les plus belles : Et le sçavant Aveugle instruit des doctes Sœurs, Ne sceut pas mieux que moy, mettre en œuvre leurs fleurs. Ordonnez seulement ; & bien-tost la Couronne, Qui de feux eternels, sous la Lyre rayonne, Jettera moins d’éclat, aux yeux de l’Univers, Que celle qui pour vous, reluira dans mes vers. (vv. 449-58) Et dans « Les Muses à trois Graces », les Muses elles-mêmes prennent la plume pour « Cleon », nom poétique adopté par Le Moyne, et chantent longuement les louanges du poète, « La gloire de nos bois, l’honneur de nostre Nom » (p. 348) : Son estime est un Diadéme : Il fait regner tout ce qu’il aime. Du feu de son Esprit, il sort une clarté, Qui donne l’immortalité (p. 349) Son génie créateur lui permet toutes les hardiesses. Comme il l’explique dans « Le Palais de la Fortune », Les Hommes inspirez ont droit d’aller par tout : Ils courent l’Univers, de l’un à l’autre bout : Et jusqu’à ce Desert, où la Nuit est immense, Où l’espace est sans corps, comme sans existence, Il n’est point de climat, soit vray, soit fabuleux, Où ne passe l’Esprit, qui marche devant eux. (p. 268) 64 Richard Maber Dans le Discours de la poésie, Le Moyne avait exprimé sa conviction que la poésie peut traiter de toutes sortes de sujets, même les moins élevés, mais que le vrai poète les transforme par la force de son inspiration ; et la transformation s’opère avant tout au moyen de la richesse des images. Le Moyne insiste toujours sur la nécessité absolue d’un style brillant, rempli d’images hardies et extraordinaires : Il doit la [la poésie] peindre et la parfumer ; et sur tout s’il a assez de fonds, il doit avoir un grand soin de la parer d’expressions magnifiques, et d’Images nobles et illustres, qui donnent un nouvel éclat et une seconde richesse à sa Matiere. C’est le grand secret de l’Art, et la principale finesse des bons Maistres, de sçavoir bien faire ces Images : elles sont aux beaux Sujets ce que les peintures d’émail sont à l’or, et les graveures aux pierreries, elles font valoir les choses communes. (p. 28) Pour donner un exemple de la fertilité d’invention qui se manifeste à chaque page des Entretiens, il est amusant de voir comme le poète tente de persuader le marquis de Leuville vieillissant de modérer ses galanteries : J’ay changé comme vous, & cette riche source, D’où mes Vers descendoient d’une si prompte course, Et traisnoient en roulant, d’un bruit harmonieux, Perles, Or, Diamans, & Rubis avec eux ; Maintenant demy seche, & demy limonneuse, Ne me fournit qu’une eau pesante & paresseuse, Qui coule goutte à goutte, & ne traisne en coulant, Que peu de joncs chargez d’un sable froid & lent […] Et le feu qui sembloit de mon esprit s’épandre, Amorti par les ans, est reduit à la cendre. (« Avis chrestien », p. 299) - des vers qui sont à eux-mêmes leur propre démenti. Le Moyne a même développé dans les Entretiens un nouveau type d’image particulièrement hardie pour créer un effet de choc et exprimer son indignation chrétienne devant les abus des richesses, grâce au paradoxe de nature entre l’application en général du verbe et son objet précis dans le poème : Là, les salons sont peints, les meubles sont dorez Des larmes et du sang des pauvres devorez. Là le pré de la veuve, et le champ du pupile, Font, changez en buffets, une montre inutile (« La Carte de Paris », p. 247, pour 257) Les Entretiens et lettres poétiques 65 Il se sert d’expressions identiques dans plusieurs d’entre les Entretiens, toujours pour exprimer la saeva indignatio qui surgit quand le développement de son sujet le mène à considérer la cruauté égoïste des puissants 17 ; et il va sans dire que c’est à l’intention des puissants qu’il s’exprime ainsi, pour leur inspirer de la charité chrétienne : D’autre part, quelle Loy soit humaine ou divine, Quand le gros Jeu seroit sans peril de ruine, Permet qu’un homme saoul, mette en un passetemps, Le pain, le sang, le suc d’un peuple d’indigens ? Tandis que sous ses yeux, et presque sous sa table, D’un visage mourant, et d’un ton lamentable, Peres, meres, enfans, luy demandent en vain, Dequoy couvrir leur honte, et soulager leur faim. (« Du jeu », p. 337) Dans la sûreté de son expression, ce dernier exemple illustre bien la maîtrise technique qui se voit partout dans les Entretiens : Chérot a raison d’affirmer que « ses vers de la dernière période sont les meilleurs de son œuvre » 18 . En ce qui concerne leur forme, les Entretiens de Le Moyne se distinguent de la vaste majorité des lettres en vers à cette époque du fait de la prédominance marquée de l’alexandrin. Par exemple, des deux recueils d’Epistres de Boisrobert, le premier, publié en 1646/ 47, contient trente-neuf épîtres, dont dix-neuf sont écrites en octosyllabes, treize en décasyllabes, et sept en alexandrins ; tandis que le second recueil, publié en 1659, en contient cinquante, dont vingt-six sont écrites en octosyllabes, vingt-trois en décasyllabes, et une seule en alexandrins. Par contre, vingt-deux sur les trente-et-un poèmes des Entretiens sont écrits entièrement en alexandrins, seulement deux en vers octosyllabiques - le vers de la gazette rimée et des petits vers de société - et sept en vers mêlés. Le vers alexandrin chez Le Moyne est surtout comparable à l’alexandrin cornélien, tirant sa force de la nature même de ce vers, avec une césure souvent fortement marquée, propre aux répétitions et aux antithèses. Il a une prédilection marquée pour les alexandrins imposants et pompeux ; et il a pris soin d’affermir le rythme des alexandrins dans les révisions qu’il a apportées aux éditions successives des poèmes des Entretiens. Ainsi, un vers de « La Carte de Paris » dans l’édition de 1665 : Et leurs cris, à la voix de leur sang mesleront ? (Entretiens, 1665, p. 63) 17 P. ex. « Le Ministre sans reproche », p. 255 (pour 265) ; « Le Théâtre du Sage », p. 279 ; « Carte de la Cour », p. 319 et 320. 18 H. Chérot, op. cit., p. 448. 66 Richard Maber devient dans les Œuvres poétiques de 1671 : Et la voix de leur sang, à leurs cris mesleront ? (p. 247, pour 257) Par contre, il répète tout au long de sa carrière les faits de style à l’efficacité éprouvée. L’Entretien I, 4, « Au mesme », c’est-à-dire à Condé, à l’occasion de son retour en France en 1660 19 , commence avec une invocation vigoureuse : Hastez vostre retour, Seigneur, doublez le pas […] (p. 238, pour 248) Le poète a repris l’impératif redoublé de ce vers à l’une de ses premières effusions poétiques, Le Portrait du Roy de 1629, où l’invocation se distingue parmi tant d’alexandrins souvent médiocres ou mous : Hastés donc grand Esprit, hastés cette conqueste […] 20 Les variations de rythme dans l’alexandrin sont habilement maniées, comme les coupes irrégulières et les enjambements dans ces deux exemples tirés de « Le Palais de la Fortune » : Les uns, aprés avoir luté, ramé long-temps Contre les flots émeus, contre les mauvais Vents […] (p. 267) Un soudain tourbillon descendu d’un nuage Sur un Pin, qui sembloit vouloir braver l’orage, L’enleve en ma presence […] (p. 271) L’harmonie imitative est employée avec modération, mais avec beaucoup d’effet : […] l’Animal immonde, Qui se gorgeant de gland, contre le Chesne gronde. (« De la vie champestre », p. 277) [La Furie qui préside au jeu : ] Tandis que de concert, par de longs sifflemens, Les serpens de son front suivent leurs juremens 21 . (« Du jeu », p. 337) 19 La première édition du poème porte le titre de Lettre heroïque à Monseigneur le Prince sur son retour (1660). 20 Le Portrait du Roy passant les Alpes, Paris, S. Cramoisy, 1629, p. 35 ; dans les Poësies, 1650, p. 185. 21 L’onomatopée de ces deux vers, sur la chevelure serpentine de la furie, rappelle le portrait de « l’affreuse Jalousie » dans « Laïs » (Les Peintures morales, II e partie ; Œuvres, p. 415) : « Voyez le mouvement de cent serpents qui font/ Un sifflant diademe à son terrible front » ; et les vers anticipent d’une manière frappante la fameuse vision d’Oreste dans l’Andromaque de Racine, parue deux ans plus tard (1667) : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » (V, 5, v. 1638). Les Entretiens et lettres poétiques 67 Le Moyne fut parmi les premiers poètes français à s’essayer aux vers mêlés dans les lettres en vers 22 . Sept d’entre les Entretiens sont écrits en couplets composés de vers de douze, dix, huit, et même six syllabes, mélangés librement ensemble ; et comme pour tous les autres aspects des Entretiens, le poète les emploie sciemment pour en tirer les effets les plus divers, comme dans des contextes parfois légers, parfois très sérieux. Les sept poèmes écrits en vers mêlés, dont nous indiquons ici la date de première publication entre parenthèses, sont : « De la paix du sage » (1662) ; « Plaisance, ou les divertissemens de l’automne » (1663) ; « Jeu poétique » (publié à part dans un pamphlet non daté, mais datable à 1658/ 59) ; « Carte de la Cour » (1663) ; « L’Hyver » (dans les Entretiens, 1665) ; « Le Tage à la Seine » (1662) ; « Les Muses à trois Graces » (dans les Entretiens, 1665). Les vers irréguliers sont employés avec une maîtrise qui fait penser souvent à La Fontaine 23 : De ces plaisirs, à l’Espagne il ne reste, Qu’un souvenir amer, et qu’un regret funeste. Loin de Therese, avecque tout son bien, Elle croit n’avoir rien : (« Le Tage à la Seine », p. 348) Pour la vaste majorité des poètes, les vers mêlés appartiennent au domaine de la poésie légère et mondaine, et du burlesque : ils y cherchent le ton libre de la conversation ou en tirent des effets humoristiques. Le Moyne s’est servi de cette variété métrique pour évoquer, dans des vers charmants, les beautés de la nature et les plaisirs de l’amitié 24 . Cependant, le propre de l’art de Le Moyne n’est pas d’en rester là, mais d’exploiter ce trait métrique pour faire passer avec plus de facilité la portée morale des vers. Ainsi dans la « Carte de la Cour », la longueur décroissante des vers évoque l’inconstance du monde : On ne peut là cueillir, que sur des precipices, La trompeuse moisson des frivoles delices : On ne peut là monter qu’en descendant : On n’y peut gagner qu’en perdant. (p. 316) ou illustre la ruine des prétentions de la vanité humaine : 22 Voir W.Th. Elwert, 1970, p. 3-18, et S. Tonolo, Divertissement et profondeur, op. cit., p. 180-87. 23 Elwert a noté, à propos de « L’Hyver » de Le Moyne, qu’« il n’y a rien qui distingue cette forme de celle des fables de La Fontaine » (p. 18). 24 « De la paix du sage » ; « Plaisance » ; « Jeu poétique ». 68 Richard Maber Chose étrange à conter, et plus étrange à croire, Qu’un corps de quatre pieds ose affecter la gloire […] D’offusquer l’air des entreprises foles, De ses immenses tours, de ses superbes moles, Pour donner à sa vanité, Un espace moins limité ! […] Que pour estre tout seul au large dans le Monde, Ses logis, à l’étroit mettent la terre et l’onde : Et que sa fin au bout de tant de frais, Soit de pourrir entre deux ais ! (p. 319) En s’appropriant ainsi le potentiel des vers mêlés, Le Moyne fait preuve de la même originalité et la même assurance qui caractérisent tous les aspects des Entretiens. Le ton familier et le manque de contraintes formelles sont les traits définitifs de la lettre en vers, qui reste généralement dans les marges de la poésie sérieuse. Comme nous l’avons vu, le poète jésuite a apporté à ce genre mineur son imagination brillante et distinctive, son idéal très élevé de la création poétique, et ses préoccupations religieuses, morales, et sociales ; en ce faisant, il a créé dans l’ensemble des Entretiens une œuvre unique dans la poésie française du dix-septième siècle.