eJournals Oeuvres et Critiques 37/1

Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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2012
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Boileau, fabuliste malgré lui: la fable dans les satires et les épîtres

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2012
Sophie Tonolo
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Œuvres & Critiques, XXXVII, 1 (2012) Boileau, fabuliste malgré lui : la fable dans les satires et les épîtres Sophie Tonolo Université de Versailles En 1670, Boileau place la fable de l’huître et des plaideurs à la conclusion de son épître au roi. En 1672, alors que La Fontaine, un an plus tôt, a publié la sienne, il la retire et lui substitue un dithyrambe 1 . Interprétés, les faits donnent naissance à une idée tenace : dépité par la supériorité du fabuliste, vaincu dans ce duel littéraire, Boileau renoncerait au petit genre de la fable, qu’il abandonnerait définitivement au Champenois ; la fable 2 ne tiendrait aucun rôle dans sa poétique. À plusieurs égards, la tradition critique a nourri et renforcé cette vision des choses. Combien de fois a-t-on souligné que Boileau ne fait pas même mention de l’apologue dans son Art poétique 3 : au nom d’une prévention à l’égard d’un genre trop modeste, le Boileau théoricien de la littérature aurait tué le Boileau fabuliste ; le fameux « Muse, abaisse ta voix », qui servait initialement de transition entre l’éloge du roi et le récit de l’huître et des plaideurs, en serait la preuve. Enfin, venue de loin et longtemps en vogue 4 , l’image d’un Boileau, homme de raison et 1 Voir la présentation de M. Fumaroli, dans l’édition des Fables, Paris, Imprimerie nationale, Pochothèque, 1985, p. 924. De même, la fable « La Mort et le Bûcheron » (note p. 824) aurait fait l’objet d’un concours littéraire entre les deux poètes. 2 On entendra par là, en accord avec la définition fort simple qu’en donne G. Parussa, dans « La Fable en France au XVII e siècle » (in Fables et fabulistes. Variations autour de La Fontaine, éd. M. Bideaux, J.-C. Brunon, M.-M. Fragonard, J.-N. Pascal, Mont-de-Marsan, éd. interuniversitaires, 1992, introduction, p. 14) un bref récit, le plus souvent composé au passé simple, qui met en scène animaux, dieux, êtres humains et objets et, contrairement au conte, comporte une morale exprimée. 3 Cette conception se trouve encore dans l’article de M. Lafouge, « Le Bestiaire des genres au XVII e siècle », Seventeenth-Century French Studies, London, Maney Publishing, 2011, vol. 33, p. 80-92, qui livre pourtant une assez longue analyse du bestiaire de Boileau. 4 Sainte-Beuve (Port-Royal, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1955, p. 444) s’est beaucoup moqué de certaines images des épîtres, pointant notamment les derniers vers de l’épître III (« À peine du limon où le vice m’engage/ J’arrache un pied timide, et sors en m’agitant,/ Que l’autre m’y reporte et s’embourbe à l’instant. ») et les retournant contre son auteur, embourbé dans ses efforts d’imagination. OeC01_2012_I-142End.indd 39 OeC01_2012_I-142End.indd 39 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 40 Sophie Tonolo non d’imagination, poète maladroit dans le maniement de la métaphore et ennemi du mélange des genres, s’imposait et renforçait cette hypothèse. Plusieurs éléments, cependant, nous engagent aujourd’hui à considérer autrement ces données. Des travaux 5 ont montré la très forte représentation du genre de la fable, dans la seconde moitié du XVII e siècle, et plus généralement sa pratique continue depuis la littérature humaniste jusqu’au siècle des Lumières. Comment Boileau aurait-il pu échapper à ce qui, à l’époque classique, ne relève pas seulement d’un engouement mais d’une pratique diffuse, fondatrice, imprégnant le monde des lettres ? On aurait quelque difficulté à croire que l’auteur qui a choisi d’investir les genres courus de la satire et de l’épître, certes pourfendeur des effets de modes littéraires et enclin à se distinguer, aurait eu un désir d’originalité absolue en la matière. De même, comment imaginer que le lettré appelé à devenir historiographe du roi ait été imperméable au « seul genre d’écrire qui a servi également à instruire les peuples et les rois » 6 ? Bien plus, dans la querelle qui l’oppose à Desmarets et le conduit à défendre la fable païenne contre le merveilleux chrétien 7 , Boileau n’est-il pas celui qui, au nom du sublime qui seul frappe et saisit le lecteur, enjoint au poète de plaire sans jamais lasser, et d’être « vif et pressé » dans ses narrations ? En d’autres termes, ne pose-t-il pas le principe d’une synthèse de la grande fable - le mythe - et de la petite fable - l’apologue 8 ? En outre, à la faveur d’études plus récentes, on voit se dessiner un autre Boileau, enclin à la causerie, épris même de conversation, qui aime S’il reconnaît au poète un goût pour l’apologue, E. Cuvelier, dans La Fontaine et Boileau sur le terrain de la fable, Lille, Tallandier, 1906, accrédite cette thèse d’un Boileau qui se défie du mélange des genres et est persuadé des pouvoirs de la raison. Enfin, dans le commentaire de la fable « La Mort et Le Bucheron », A. Adam (Boileau, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1966) cite Brossette récapitulant les griefs de Boileau à l’égard de La Fontaine. Il est vrai qu’on trouve, disséminées dans l’œuvre du poète, des marques de défiance à l’égard de la « fable », mais prise au sens de « fiction », de « figure de rhétorique » ou de « mythologie ». 5 M. Fumaroli, « Les Fables et la tradition humaniste de l’apologue ésopique », op. cit., p. LXXIX ; G. Parussa, op. cit., p. 9-25, note une intensification de la production dans les dix dernières années du siècle et relève 121 parutions dans le Mercure galant entre 1672 et 1701. 6 Furetière, Fables morales et nouvelles, 1671, cité par M. Fumaroli, Introduction, op. cit., p. XVIII. 7 « Art poétique », chant III, vers 237-257, citation v. 257, in Boileau, Satires, Épîtres, Art poétique, éd. J.-P. Collinet, Paris, Gallimard, 1985, p. 246 ; voir également la note 16 p. 339. Tout au long de notre article, nous citerons les textes dans cette édition. 8 C’est la thèse d’A. Gaillard, dans Fables, Mythes, Contes. L’esthétique de la fable et du fabuleux (1660-1724), Paris, H. Champion, 1996, en particulier p. 114-117. OeC01_2012_I-142End.indd 40 OeC01_2012_I-142End.indd 40 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Boileau, fabuliste malgré lui: la fable dans les satires et les épîtres 41 à raconter, à se raconter, un Boileau dont la dimension sensible n’est plus éludée 9 . Des articles sur le rôle de l’animal, sujet central de la fable, dans l’esthétique classique, ont permis de réconcilier le fabuliste et le poète, et par là de rapprocher Boileau de La Fontaine 10 . Enfin, une lecture attentive des œuvres du poète fait apparaître comme une évidence le goût de celui-ci pour la fable : certes seulement deux fables constituées ont fait l’objet d’une publication 11 ; mais le genre s’est insinué partout dans ses vers, dans les satires en premier lieu, dans les épîtres aussi, et même dans l’Art poétique ou Le Lutrin 12 . Observer les aspects et le rôle de la fable dans ces œuvres, ce que nous nous attacherons à faire dans une première partie, c’est aussi s’interroger sur la place qu’y tiennent l’imagination et le plaisir ; car nous voudrions montrer, dans un deuxième temps, que Boileau possédait un tempérament de conteur et, qu’en dépit de certaines réticences, il se saisit des pouvoirs de la fable et l’infléchit dans deux sens distincts, qui sont comme les deux facettes de son tempérament. Le bigot, l’héritier et les avares : présences de la fable dans l’œuvre de Boileau La première impression que l’on retire de la lecture de l’œuvre n’est pas démentie par la suite : c’est la satire qui se montre, sous la plume de Boileau, la plus accueillante pour l’apologue. Ayant une valeur exemplaire, proposant un divertissement plaisant, celui-ci est doublement efficace, servant l’entreprise morale et édifiante ainsi que le ton comique du genre. Robert E. Colton a souligné l’importance de Juvénal et de Perse dans les sources de Boileau. Il retrouve par exemple la présence de Perse dans la fable de l’Avarice qui est insérée dans la huitième satire et reprise dans la dixième satire, 9 Nous pensons notamment à un article de J. Brody, « La Métaphore érotique dans la critique de Boileau », in La Cohérence intérieure. Études sur la littérature française du XVII e siècle, en hommage à Judd D. Hubert, Paris, coll. « Œuvres critiques », 1977, p. 223-233 ; voir également notre article, « Boileau, praticien de l’épître en vers », PFSCL, XXXI, 61, 2004, p. 555-572. 10 L’introduction de J.-P. Collinet, op. cit., propose un travail en ce sens ; voir aussi le recueil L’Animal au XVII e siècle, Tübingen, Biblio 17, n° 146, 2003, en particulier l’article de D. Lopez, « Peut-être d’autres héros/ M’auraient acquis moins de gloire : du statut des animaux dans la poésie du XVII e siècle », p. 39-73. 11 « La Mort et le Bûcheron » et « L’Huître et les plaideurs » sont publiées en 1701, dans les Œuvres diverses. 12 Nous ne reviendrons pas sur cette présence de la fable dans Le Lutrin, préférant nous concentrer sur les satires et les épîtres. À titre d’exemples dans L’Art poétique, nous signalons la fable du perruquier et de son épouse dans le chant II, et le combat des allégories de la Paix et de la Discorde dans le chant I. OeC01_2012_I-142End.indd 41 OeC01_2012_I-142End.indd 41 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 42 Sophie Tonolo ou encore dans la fable du riche beau-père figurant dans la cinquième épître, dont Boileau avoue dès les premiers vers qu’elle est une satire déguisée 13 . Dans les deux cas, Boileau a considérablement développé les vers du modèle latin : on voit ici se nuancer l’image d’un fabuliste qui, contrairement à un La Fontaine gloseur, ornementeur et conteur, opterait pour un apologue sec, allégorique et abstrait. D’un simple exemplum, il sait tirer une véritable fable. Dans la satire VIII 14 , les quatre vers de Perse sont d’abord transformés en un récit allégorique ; encore celui-ci est-il rendu extrêmement plaisant par sa forme de vif dialogue et actualisé par l’insertion de détails contemporains, dont l’énumération des biens - porcelaine du Japon, épices de Goa - par lesquels l’Avarice tente l’homme et l’invite à courir la fortune ; on reconnaîtra dans cette dernière allusion, comme l’a relevé J.-P. Collinet, un clin d’œil à La Fontaine. Mais Perse est doublement glosé, puisque Boileau donne une variante de ce récit, cette fois-ci concrète, dans la satire X 15 : « ce magistrat de hideuse mémoire », qui trouve femme plus avare que lui et correspond à un personnage bien connu de la scène parisienne, donne lieu à une fable monumentale par sa longueur et par sa structure. Non seulement Boileau puise dans l’anecdote réelle 16 pour revivifier le schéma antique - et illustrer la première version, plus conceptuelle, qu’il avait conçue sur le modèle de la fable grandiloquente humaniste 17 - mais il compose son apologue selon un schéma assez complexe, en quatre parties : récit de la chute et de la déchéance du magistrat, avant et après la femme, tableau au présent descriptif du vieux couple de misérables, repris, v. 326, comme l’indique le passé simple, par le dynamisme plaisant du récit, intervention du narrateur-témoin qui atteste la véracité des faits narrés et délivre la morale, enfin nouveau soubresaut du récit - v. 337-340 - qui achève, littéralement, l’histoire et les personnages, assassinés dans leur maison vide. Le Boileau qui conclut en disant « Ce récit passe un peu l’ordinaire mesure » est bien fabuliste malgré lui. Robert E. 13 Robert E. Colton, Studies of classical Influence in Boileau and La Fontaine, New York, George Olms Verlag, 1996, p. 64-76 : il s’agit de la satire V, v. 132-136, et de la satire II, v. 9-10, de Perse. 14 Boileau, op. cit., p. 99, v. 70-89. Nous revenons dans la deuxième partie sur l’importance de cette satire, en réalité imprégnée d’éléments venus de la fable antique et des apologues de La Fontaine, et qui confronte d’emblée la condition animale et la condition humaine. 15 Boileau, ibid., p. 129-132, v. 253-340 ; le modèle réel est le lieutenant criminel Tardieu. 16 Boileau insiste sur cette dimension réelle du récit v. 332-333 « … Je l’ai vu/ Vingt ans j’ai vu ce couple » et nie avoir inventé une « fable frivole » (v. 329). 17 Voir M. Fumaroli, op. cit., p. LXXXIX : « Pour trouver un équivalent français de cette conception « anoblie » de l’apologue [l’éloquence monumentale tenue au XVI e siècle par Gabriel Faërne], il faut se reporter à la version française que Boileau a donnée de « La Mort et le Mourant » ou de « L’Huître et les Plaideurs » ». OeC01_2012_I-142End.indd 42 OeC01_2012_I-142End.indd 42 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Boileau, fabuliste malgré lui: la fable dans les satires et les épîtres 43 Colton repère un travail identique de développement dans l’épître V, dans la fable de l’héritier. Remarquons au passage que cette fable vient compléter la précédente : le poète, en effet, y décrie la course effrénée de l’homme après la fortune, aveuglement qui le conduit à rechercher ce dont il a le moins besoin, dans des pays lointains tels le Pérou, ou dans son entourage ; le jeune homme qui souhaite la mort de son beau-père, espère l’héritage et, en jouissant enfin, n’est pourtant point content, en est la parfaite illustration. À la suite de cette histoire exemplaire, le narrateur passe en revue les discours communs sur l’argent 18 , avant de délivrer sa propre conception des choses, qui fait de l’esprit et du savoir les valeurs primordiales ; deux vers plus loin, cette vision se révèle être celle de Boileau lui-même. Ainsi, loin de délivrer une fable illustrative et univoque, le poète s’empare de l’apologue en exploitant ses subtilités narratives, énonciatives et divertissantes. À diverses reprises, le lecteur sera en effet sensible aux vertus plaisantes et même fantaisistes du récit : traits comiques du verbe « étendre » v. 63 et de la locution « encor blanc du moulin » v. 75, ironie des vers 69-70, rêverie poétique des vers 78-79, enfin discrète allusion intertextuelle à l’humble savetier de La Fontaine, v. 82. Si la lecture de ces apologues incrustés dans les satires et les épîtres ne suffisait pas à prouver que Boileau connaît les pouvoirs de la fable, on serait définitivement convaincu en considérant le traitement qu’il réserve à sa principale source, Horace 19 . En effet, les histoires glosées dans les satires ou les épîtres sont également puisées dans les Sermons, les Épîtres ou l’Ars poetica de son aîné ; remarquons au passage que par la diversité de ses inspirateurs, Boileau prouve, contrairement aux idées reçues, qu’il ne se soucie guère en tant que poète du mélange des genres. Ainsi, au début de la satire VIII, l’image de l’homme, le plus fou des animaux, et l’exemple de la fourmi proviennent des Sermons 20 . La morale qui sert de point de départ à la parabole du père et du fils, un peu plus loin, à savoir une existence fondée sur la course aux biens et leur accumulation, est tirée à la fois d’une des épîtres et d’un sermon du poète latin 21 ; la parabole, qui s’étend vers 181 et suivants, sort tout droit de l’Ars poetica. Dans l’épître V, le bref discours du financier 18 Boileau, op. cit., p. 186-188 : la thèse est d’abord énoncée v. 51-60, le récit de l’héritier prend place, sous la forme d’un dialogue ex abrupto v. 61-82, le narrateur examine les lieux communs sur l’argent v. 83-94, donnant la parole tour à tour à la doxa, au fourbe et au financier, avant de délivrer sa propre vision, v. 95-97. 19 On aura soin encore de se reporter aux travaux de Robert E. Colton, op. cit. Si Horace nourrit en premier lieu la verve satirique de Boileau et sert directement de modèle à ses épîtres, il constitue également un vivier dans lequel le poète puise des idées de fables, qu’il développe et dissémine au sein de ses textes. 20 Selon Robert E. Colton, op. cit., p. 16, Sermones, 1, 1, v. 33-38. 21 Ibid., Epistulae, 1, 1, v. 97-100 et Sermones, 2, 3, v. 111-121. OeC01_2012_I-142End.indd 43 OeC01_2012_I-142End.indd 43 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 44 Sophie Tonolo v. 84-94 est inspiré par les vers qu’Horace consacre à un riche athénien 22 ; là encore, Robert E. Colton remarque que Boileau les a étendus, sans toutefois leur donner une forme aboutie puisque ce passage n’est qu’une amorce de fable. Ainsi, contrairement aux cas étudiés précédemment, ces exemples prouvent que Boileau ne propose pas toujours des formes achevées de fables ; il peut se contenter d’amorces ou d’esquisses, qui servent un propos et une réflexion plus larges 23 à moins qu’elles ne donnent à voir le fabuliste à l’œuvre, invitant le lecteur à une réflexion sur le genre de la fable. De la même façon, Boileau diffuse un peu partout dans ses textes les animaux du bestiaire de la fable et distribue, sur le mode du contrepoint ou de l’allusion furtive, des références aux fables de La Fontaine 24 . Dans la poétique de la satire ou de l’épître, les dispositifs de l’apologue adoptés par Boileau sont si variés qu’ils semblent proposer au lecteur, en quelque sorte, un atelier de la fable 25 . Interrogeant le genre dans ses limites, Boileau ouvre une réflexion sur la spécificité de la fable. Qu’est-ce qui enclenche l’apologue ? Un simple marqueur temporel, « Jadis », un adjectif indéfini, « certain bigot », renvoyant à l’imaginaire du conte, comme on les trouve dans le récit du bigot et du médecin charlatan, dans la satire IV ? Comment distinguer l’apologue de l’exemplum, lieu commun de la satire ? Les portraits rencontrés dans l’épître IX, de l’importun, v. 75-80, et du marquis qui a travesti sa nature, v. 91 à 101, sont-ils autres choses que des exempla, puisqu’ils sont composés dans un présent de description et de 22 Ibid., Sermones, 1, 1, v. 64-67. 23 Comparaison de l’homme et de l’animal et définition de l’âme humaine, des conditions du bonheur, critique de l’ambition matérialiste de l’homme, etc. : nous revenons sur ces points dans la deuxième partie. 24 Sur ce sujet, lire les analyses de J.-P. Collinet, op. cit., p. 9-19 : celui-ci cite par exemple le motif du personnage guéri contre son gré, présent chez La Fontaine dans les apologues « La Mort et le Bûcheron », ou « Le Loup et la Cigogne », qui est aussi un schéma prisé de Boileau (voir la fable du même nom ou celle du bigot dans la satire IV) ; pour les animaux, il établit le parallèle avec « Les Animaux malades de la Peste » (dont nous retrouvons un écho au détour du vers 53 de l’épître III), « L’Homme et la Couleuvre » et « Les Compagnons d’Ulysse ». De notre côté, nous relevons une fine intertextualité sous la forme d’une parodie du « Savetier et du Financier », dans l’épître V, v. 239 : ce qui maintient Boileau éveillé, n’est pas ici l’argent mais ses doutes de créateur. 25 Il y a souvent, chez Boileau, une dimension métadiscursive ou métalinguistique : poète qui se fait critique poétique, poète en prise avec le langage, comme l’ont montré S. Menant (préface de Boileau, Art poétique, épîtres, odes, poésies diverses et épigrammes, Paris, G.F., 1969), J. Brody (« Boileau et la critique poétique », Lectures classiques, Charlotesville, Rockwood Press, 1996, p. 149-168) ou R. Zuber (Les Émerveillements de la Raison, Paris, Klincksieck, 1997), Boileau serait également un fabuliste qui ne s’avoue pas comme tel, et pourtant réfléchit au genre de la fable. OeC01_2012_I-142End.indd 44 OeC01_2012_I-142End.indd 44 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Boileau, fabuliste malgré lui: la fable dans les satires et les épîtres 45 généralité ? Pourtant, chacun est suivi d’une morale qui semble tout droit sortie d’un apologue. Il suffit parfois d’un détail pour signaler au lecteur qu’on est entré dans le corps d’une fable. Ainsi, dans le récit de l’usurier qui enseigne à son fils tous les vices du monde, le glissement énonciatif est à peine perceptible, puisque précédemment, tout comme le père à son fils, le narrateur de la satire s’adressait au lecteur en le tutoyant 26 ; c’est en lisant le vers suivant et la mention comique « à son fils dont le poil va fleurir » que le lecteur a l’assurance d’être dans une fiction. Nous rencontrons un exemple similaire au début de l’épître III, qui repose en outre sur l’ambiguïté foncière de la morale précédant l’histoire. Croirait-on que c’est l’asservissement de l’homme au jugement d’autrui que vise Boileau ? Ou plus largement sa propension à dépendre du monde extérieur, et non de sa seule intériorité, pour être heureux ? Ou tout simplement la vanité humaine ? Du pronom « nous », qui englobe la communauté humaine, on glisse au pronom « vous », qui prend à témoin les lecteurs, puis désigne l’interlocuteur du malade de la fable, avant de revenir au « nous » et au « je », qui délivrent une nouvelle morale aux allures plus épicuriennes que chrétiennes : « Hâtons-nous ; le temps fuit, et nous traîne avec soi,/ Le moment où je parle est déjà loin de moi ». On comprend que cette sentence - encore inspirée de Perse, ainsi amenée, ait suscité l’admiration d’Antoine Arnauld. Boileau révèle là un goût certain de la fable, une compréhension intime des jeux possibles qu’elle offre en matière de disposition, notamment entre le récit et la morale, et d’énonciation, en particulier dans la dissociation possible entre le conteur et le fabuliste 27 . L’ensemble de ces exemples montre d’une part, que Boileau avait une connaissance du genre de l’apologue, d’autre part, que tout en s’en défendant, il éprouvait le plaisir du mensonge, de l’invention, de la fiction. Tandis que La Fontaine choisit le petit genre de la fable et en fait le creuset de tous les autres genres, Boileau dissémine la fable dans son œuvre ; il la fond dans l’épître et la satire et, ce faisant, lui confère un rôle de révélateur. « Le Lion devenu vieux » : les pouvoirs de la fable chez Boileau Conscient des pouvoirs de la fable, Boileau lui confère un double rôle. La fable, en effet, sert chez lui deux entreprises de connaissance : une connaissance de l’humanité et une connaissance de soi. Dans ces deux démarches, 26 Boileau, op. cit., satire VIII, p. 101-102, v. 179-181. 27 M. Fumaroli, op. cit., p. XLIX, a analysé ce potentiel de la fable chez La Fontaine. On en trouve un exemple flagrant dans l’épître I, lorsque le narrateur, v. 87-90, commente la fable - la vie de Pyrrhus - qui l’a entraîné dans un véritable voyage, et revient sur les morales qui ont été données au cours du dialogue v. 85-86 (Boileau, op. cit., p. 69). OeC01_2012_I-142End.indd 45 OeC01_2012_I-142End.indd 45 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 46 Sophie Tonolo présentes tant dans la satire que dans l’épître, Boileau réinvente deux formes de fables, une fable collective, et une fable personnelle, qui s’apparente à un petit roman familial. Nous avons déjà signalé l’importance de la satire VIII pour notre sujet. Revenons à ce texte, qui s’ouvre par les vers fameux : De tous les animaux qui s’élèvent dans l’air, Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer, De Paris au Pérou, du Japon jusqu’à Rome, Le plus sot animal, à mon avis, c’est l’homme. 28 Cette satire, dont Boileau disait malicieusement qu’elle ne s’adressait à personne, est en réalité destinée à tous. Mais des pièces que le poète a composées entre 1656 et 1678, c’est aussi celle qui dialogue le plus étroitement avec l’univers lafontainien 29 . Le bestiaire très abondant qui y figure et va de la fourmi à l’âne, est même enrichi d’espèces étrangères à ce dernier, tels les crocodiles et les panthères. Il est le point de départ d’une réflexion sur la nature humaine, sur son inconstance et sa sottise, sur l’orgueilleuse prétention de l’homme à régir la Nature, ses ambitions démesurées, son avidité de biens matériels ; enfin et surtout il soutient un questionnement sur le caractère éminent de la raison. Le bestiaire permet donc, en ouverture de la satire et entre la fable de l’avarice et celle de l’usurier, une comparaison avec l’homme ; en clôture de la satire, à partir du vers 262, les animaux servent d’amorces à des pseudo-apologues humiliant l’homme et soulignant ses comportements superstitieux, aveugles, absurdes. Conformément à une technique que nous avons repérée, Boileau ne fait pas du bestiaire de la fable la matière de ses apologues, qu’il préfère peupler de personnages humains et développer longuement au cœur de sa satire. Le bestiaire fabuleux sert littéralement d’expérimentation, fournissant des ébauches de fables et des exemples a contrario ; il tend un miroir éclaté aux hommes, qui eux sont les centres d’apologues soigneusement élaborés. On voit comment, tout en fustigeant l’orgueilleuse raison humaine dans son discours, Boileau en restitue la cohérence et la souveraineté par la forme qu’il adopte, en particulier par le traitement qu’il fait de l’apologue. 28 Boileau, op. cit., p. 97, v. 1-4. 29 Et fait affirmer à J.-P. Collinet qu’elle constitue un hommage indirect au fabuliste champenois : « On voit que le silence qu’on reproche parfois à Boileau d’avoir gardé sur le chef-d’œuvre de La Fontaine dans son Art poétique ne suppose de sa part ni méconnaissance, ni mépris, ni mesquine jalousie. Le délicat hommage… », op. cit., p. 18 ; pour le détail, voir les notes p. 302-304. Composée en 1668, la satire s’inscrit dans la querelle sur l’animal, ravivée par Cureau de la Chambre et Descartes. OeC01_2012_I-142End.indd 46 OeC01_2012_I-142End.indd 46 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Boileau, fabuliste malgré lui: la fable dans les satires et les épîtres 47 Dans l’ensemble des satires et des épîtres, la fable sert aussi de support à une réflexion sur l’histoire de l’humanité et la notion de progrès ; elle prend alors la forme d’un récit des origines, une histoire de la collectivité des hommes. Cet aspect a déjà été mis en exergue 30 ; nous n’y revenons que brièvement pour montrer comment il illustre une certaine pratique de la fable chez Boileau. Loin de répudier la fable, le Boileau historien se prend au jeu du récit des origines, qui alimente ses réflexions sur « la grandeur et les servitudes de l’homo faber » et ses doutes sur le progrès de l’humanité. Mais ce récit, que l’on trouve dans les satires V et XI ainsi que dans les épîtres III et IX 31 et qui ne constitue, somme toute, qu’un prolongement du mythe de l’âge d’or des Antiques et une ébauche des vues de Fontenelle ou de Rousseau, conduit à une interrogation centrale chez Boileau, encore cruciale pour le lecteur contemporain : la valeur éthique du travail et, par là, de l’activité culturelle humaine. L’épître que Boileau adresse à son jardinier, dans laquelle l’apologue n’a plus de raison d’être puisque le texte tout entier est fable, au sens d’analogie totale entre le jardinage et la création poétique, constitue le point culminant de cette réflexion. Au terme de vers parmi les plus originaux qui soient, le lecteur est confronté à une double morale, en apparence irréconciliable, dont l’une énonce que le travail est aux hommes nécessaire et l’autre « qu’il n’est point de coupable en repos » 32 . C’est que pour Boileau, le repos, bien que source du plus parfait bonheur, n’est pas 30 Voir notamment P. Joret, Nicolas Boileau Despréaux, révolutionnaire et conformiste, Paris, Seattle, Tübingen, Biblio 17, 1989, en particulier p. 64-86 ; citation suivante p. 83. 31 De ce récit, Boileau donne en effet plusieurs versions. Dans la satire V, la fable sert de conclusion pédagogique, v. 85 à 122 ; elle livre une sorte de morale ironique, v. 123-124 (« Car si l’éclat de l’or ne relève le sang,/ En vain on fait briller la splendeur de son rang. »). Le corps de l’apologue illustre comment on est passé d’un monde égalitaire à un monde corrompu, et comment les fausses valeurs éclipsent la seule vraie valeur, le mérite ; Boileau se pose en historien de la noblesse et dialogue avec le Molière de Dom Juan. Dans la satire XI, la fable, située v. 139 à 206, sert également de conclusion ; elle est l’un des rares exemples de récit mythologique et allégorique : réflexion sur le véritable honneur, elle débouche aussi sur une morale ambiguë, que Boileau impute au faux honneur (« Mais, en fût-il l’auteur, je conclus de sa fable,/ Que ce n’est qu’en Dieu seul qu’est l’honneur véritable »). L’épître III accueille, v. 51 à 84, un récit empreint du mythe de la chute et revivifié par une réflexion sur le travail et l’utilité de l’exploitation de la nature (v. 65-66) ; le scepticisme projeté sur le mythe de l’homo faber trouve son accomplissement dans une morale humoristique, mettant en scène le poète lui-même, touché par le péché originel et tremblant de peur qu’on ne juge ses vers. Enfin, dans l’épître IX, la réflexion se centre nettement sur la création poétique : le récit des origines y est développé v. 117 à 146, et débouche sur une morale cette fois sans aucun soupçon d’ironie, qui fustige l’imposture littéraire. 32 Boileau, op. cit., p. 217, v. 108 et 111. OeC01_2012_I-142End.indd 47 OeC01_2012_I-142End.indd 47 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 48 Sophie Tonolo absence de travail : tel ce poète qui déambule à loisir entre les rangs de melons où œuvre son jardinier, mais dont le cerveau est usé, tant il s’exerce, laboure, coupe, tond, aplanit, palisse la matière du langage. Boileau élit la fable pour révéler ses fictions intérieures et les affres du travail poétique ; l’épître à son jardinier constitue un exemple frappant de transformation qu’il fait subir au genre. Somme toute, ce qui intéresse Boileau est donc moins l’histoire et le monde extérieur que l’intériorité humaine, qu’elle soit celle de tout homme ou la sienne propre. Nous en trouvons une preuve ultime dans la façon dont il s’approprie l’apologue et le transforme en fable personnelle. Dans les épîtres surtout, la fable prend une place importante dans la construction et la connaissance de soi ; pour Boileau, elle sert de révélateur. Indirectement, d’abord, puisque le poète se plaît parfois à se métamorphoser en animal. Équidé qui prend le mors et s’emballe 33 , il s’assimile surtout à un vieux lion aux griffes émoussées par l’âge 34 : le dialogue avec La Fontaine produit alors un effet de mise en abîme, car tel le vieux fauve piégé par l’homme, Boileau se définit volontiers comme un homme abattu par ses semblables, en butte perpétuelle à leurs attaques. Plus largement, les apologues insérés dans les satires et les épîtres révèlent une vivacité foncière et un goût affirmé pour la conversation : traversés de dialogues vifs et heurtés, gouvernés par des retournements et des rebonds, ces apologues disent beaucoup de leur auteur et de son tempérament d’artiste. Enfin, d’un texte à l’autre, Boileau met au point une fable familiale qui fixe sa propre histoire et lui permet de se construire. C’est en 1674, dans l’épître à M. de Guilleragues, que Boileau met en place ce récit, qu’il nourrit des procédés de la fable : réel et fiction se trouvent ainsi mêlés, et le seront encore davantage par la suite. Ponctué par une morale très épicurienne - le bonheur n’est affaire que d’intériorité - qui referme l’épître, un apologue singulier retrace le parcours du jeune Boileau et narre comment celui-ci s’arracha au déterminisme familial pour affirmer sa vocation de poète. Les vers situés au cœur du récit sont parmi les plus réussis du genre et témoignent d’une grande liberté de vues : sous la forme d’une petite comédie familiale (v. 111-117), Boileau pointe le carcan conservateur inhérent aux sociétés patriarcales et consacre la liberté, la sincérité et le mérite comme véritables vertus. Dans la satire X, publiée en 1694, Boileau travaille différemment le matériau de la fable. Il mêle le schéma de l’apologue de l’héritier, présent dans l’épître précédente, avec celui du vieil avare de la satire VIII, et en vérifie la pertinence pour sa propre histoire : ainsi, il se figure en vieil oncle entouré de neveux avides 33 Boileau, op. cit., p. 101, v. 161 ; curieusement, d’ailleurs, ses adversaires retourneront l’image contre lui, l’assimilant par exemple à l’âne de la satire VIII. 34 Ibid., p. 105, v. 18-19. OeC01_2012_I-142End.indd 48 OeC01_2012_I-142End.indd 48 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Boileau, fabuliste malgré lui: la fable dans les satires et les épîtres 49 de ses biens, en vieillard apeuré dans un Paris où prospèrent les vices, craignant constamment d’être dépouillé. Le récit, qui permet à Boileau de mettre à distance sa propre expérience, aboutit bien à un enseignement ; l’apologue révèle une stratégie existentielle faite d’autodérision et d’ironie 35 : le bigot de la satire IV, le bûcheron de « La Mort et le Bûcheron » et l’aïeul de Boileau ne font plus qu’un, personnages de fables et personnages de la vie sont interchangeables. En 1698, dans l’une de ses dernières compositions, l’épître X à ses vers, Boileau reprend une ultime fois la fable de ses origines : il la peaufine, livrant une sorte de roman d’initiation, optant définitivement pour le mythe d’une vie heureuse 36 . En demandant à ses vers d’aller, auprès du lecteur, rectifier son image et effacer les déformations de son portrait qu’ont pu produire interprétations faussées et critiques iniques, le poète use d’un verbe éloquent, « Contez-lui » 37 . Celui qui semblait venir à la fable malgré lui n’a pas d’autre testament que d’en reconnaître les pouvoirs. En guise de conclusion, nous voudrions exprimer quelques regrets : regret de n’avoir pu fouiller davantage le sujet des échanges entre Boileau et La Fontaine, regret d’avoir laissé de côté la question, jamais approfondie, du possible modèle que Patru constitue pour Boileau 38 et de l’influence manifeste qu’exerce la poésie de Perse sur ses vers, regret surtout d’avoir survolé des pièces qui mériteraient des études littéraires véritables. Du moins peut-on constater que la vision de deux poètes se tournant le dos, l’un fabuliste reconnu, l’autre ennemi de la fable, n’est désormais plus tenable. Au terme de cette étude, rien ne permet objectivement d’affirmer que l’esthétique du récit constitue pour Boileau le centre de sa poétique, comme elle l’est chez La Fontaine. Mais il est impossible de ne pas reconnaître chez le poète un tempérament de conteur, et un intérêt marqué pour les stratégies dont ce conteur dispose ; comme La Fontaine, le Boileau praticien de la fable 35 Boileau, op. cit., p. 126 : le récit se développe v. 79 et suivants, la morale v. 99 à 106 : « Dépouillons-nous ici d’une vaine fierté : / Nous naissons, nous vivons pour la société./ À nous-mêmes livrés dans une solitude,/ Notre bonheur fait bientôt notre inquiétude ; / Et, si durant un jour notre premier aïeul,/ Plus riche d’une côte, avait vécu tout seul,/ Je doute, en sa demeure alors si fortunée,/ S’il n’eût point prié Dieu d’abréger sa journée ». 36 Démonstration, si besoin était encore, qu’il croit aux pouvoirs de la fiction. Boileau, op. cit., p. 212 : le roman familial apparaît v. 97-98 (« Dès le berceau perdant une fort jeune mère,/ Réduit seize ans après à pleurer mon vieux père »), les aspects initiatiques v. 100 et suivants dans les participes « guidé », « entraîné », « secondé », les verbes « j’allai », « je sus » et dans la mention finale de la transmission de l’expérience. 37 Ibid., v. 95 : « Contez-lui qu’allié d’assez hauts magistrats » ; nous soulignons. 38 Patru, Lettres à Olinde, 1659, qui a inspiré Boileau pour sa fable « La Mort et le Bûcheron ». OeC01_2012_I-142End.indd 49 OeC01_2012_I-142End.indd 49 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 50 Sophie Tonolo sait délivrer des enseignements obliques et ironiques, et pas seulement des morales sèches et grandiloquentes. Si son intérêt pour l’apologue est plus conceptuel et moins épicurien que chez La Fontaine, il n’exclut pas certaines réussites esthétiques : la fable des fictions intérieures que constitue l’épître à son jardinier et les petits romans familiaux qui se glissent au sein des épîtres sont de celles-là. OeC01_2012_I-142End.indd 50 OeC01_2012_I-142End.indd 50 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21