eJournals Oeuvres et Critiques 37/1

Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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2012
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Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous

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2012
Volker Kapp
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Œuvres & Critiques, XXXVII, 1 (2012) Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous Volker Kapp Université de Kiel Toutes les études allemandes du sublime, publiées ces derniers temps, focalisent à juste titre l’attention sur la dimension européenne de la réception du Peri hypsous en soutenant qu’avec Boileau commence en 1674 « l’histoire du sublime des temps modernes ». 1 La portée de cet événement permet le parallèle avec Aristote : « [L]e Traité du Sublime a une importance comparable à celle de la Poétique d’Aristote. […] L’Italie du milieu du XVI e siècle lance la mode européenne de la Poétique. La France de la fin du XVII e siècle lance avec Boileau celle du Sublime ». 2 Sur ce point, les spécialistes d’Outre-Rhin sont d’accord avec leurs collègues français, mais ensuite tout consensus cesse, si l’on fait exception de la donnée selon laquelle en Allemagne, Boileau figure maintenant parmi les précurseurs de Jean Lyotard, vanté d’avoir lancé la mode du sublime dans la pensée postmoderne, dont l’importance pour l’évaluation de Boileau restera, selon nous, sujette à caution. Un des problèmes cruciaux surgit, dès qu’on cherche la rubrique où ranger le Peri hypsous. Si la Poétique ressort sans aucun doute de la théorie littéraire, le Traité du Sublime pourrait concerner plusieurs domaines. Il est conçu originairement comme un traité de rhétorique, mais les lecteurs des temps modernes préfèrent se pencher sur son florilège de citations, déduire des développements sur la poésie son appartenance à la théorie littéraire ou l’aborder résolument dans l’optique de l’esthétique, tandis que la rhétorique leur sert tout au plus de tremplin rapidement délaissé. Pierre Hartmann a trouvé une formule astucieuse pour contourner la problématique surgie avec la traduction française du Peri hypsous en soutenant que « le résultat le plus tangible de la traduction et des commentaires du Traité de Longin consiste donc, sous le couvert de la plus grande fidélité, dans 1 « Die moderne Geschichte der Kategorie des Erhabenen beginnt 1674 » (Carsten Zelle, art. Das Erhabene, dans Gert Ueding (éd.), Historisches Wörterbuch der Rhetorik, vol. II, Tübingen, 1994, col. 1364). 2 Francis Goyet, dans son édition de Longin, Traité du Sublime, Paris, 1995, p. 5. OeC01_2012_I-142End.indd 87 OeC01_2012_I-142End.indd 87 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 88 Volker Kapp une réorientation subreptice de la théorie du sublime dans une direction originale, qui sera largement explorée au siècle suivant ». 3 La « fidélité » et « la réorientation » ne s’excluent-elles pas mutuellement et ne rendent-elle pas suspecte l’évocation « de la plus grande fidélité » ? Dès le siècle des Lumières, la « direction originale » de la théorie du sublime s’éloigne de plus en plus de la rhétorique, fondement du Peri hypsous et des idées qu’on en a déduit pendant les deux siècles précédents. Il serait vain de nier ces faits historiques ou de les déplorer, mais ce décalage ne nous dispense pas de remonter au débat rhétorique des XVI e et XVII e siècles. Nos développements s’opposent à la thèse affirmant que « l’originalité de Boileau est d’arracher explicitement le sublime aux catégories de la rhétorique » en finissant « par caricaturer la pensée de Longin » 4 . Ils cherchent à cerner dans un premier temps le passage du domaine rhétorique aux domaines poétique et esthétique pour identifier, dans un deuxième point, la dimension oratoire du débat et pour conclure par une évocation des liens entre rhétorique et poétique à la fin du XVII e siècle. La mise en évidence de ce point de vue nécessite un changement de cap : au lieu d’envisager l’importance du Peri hypsous rétrospectivement à partir du siècle des Lumières, perspective prédominante de nos jours, nous l’envisageons prospectivement en prenant notre base dans l’humanisme européen. I Silvain, un contemporain de Boileau, qui lui dédicaça même son traité, prend sa contrepartie en soutenant, dès 1708, que Longin « a confondu le Sublime avec le stile sublime ». 5 De là aux efforts de faire sortir le Peri hypsous du domaine de la rhétorique, il n’y a qu’un petit pas, franchi par Johann Jakob Bodmer et Johann Jakob Breitinger quand ils reprochent à l’auteur du Peri hypsous que sa vision du sublime est trop imbue de l’art oratoire. Ils 3 Pierre Hartmann, Du Sublime (de Boileau à Schiller), Strasbourg, 1997, p. 31. 4 Baldine Saint-Girons, « Le ‘surplomb aveuglant’ du sublime. De l’adjectif au substantif », dans Patrick Marot (dir.), La littérature et le sublime, Toulouse, 2007, p. 54. « Boileau a su saisir l’originalité profonde du traité : non pas tant un manuel de rhétorique qu’un essai sur l’esthétique » (Pierre Laurens/ Florence Vuillemier in Jean Bessière et autres (dir.), Histoire des poétiques, Paris, 1997, p. 197). 5 Traité du Sublime, à Monsieur Despreaux, Où l’on fait voir ce que c’est que le Sublime et ses differentes especes ; quel en doit être le stile ; s’il y a un Art du Sublime, & des raisons pourquoi il est rare (1732), réimpr. Genève 1971, p. 415. Le Traité de Silvain passe presqu’inaperçu jusqu’en 1857 quand Alfred Michiels l’érige en précurseur de Kant (voir Baldine Saint-Girons, Esthétique du XVIII e siècle. Le modèle français, Paris, 1990, p. 42, qui relativise cette affirmation). OeC01_2012_I-142End.indd 88 OeC01_2012_I-142End.indd 88 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 89 contestent le bien-fondé d’un concept du sublime focalisé sur le langage. 6 Le sublime se métamorphose alors en adversaire des règles de la rhétorique et Boileau par suite en précurseur ou héraut de l’esthétique philosophique, opinion qu’il faut contredire en focalisant l’attention sur les doctrines propagées par le Peri hypsous ou discutées jusqu’au siècle des Lumières à son propos. Il existe un mythe du sublime selon Longin, que Fénelon transmet en comparant Aristote et Longin dans ses Dialogues sur l’éloquence en général, et sur celle de la chaire en particulier. La Rhétorique, « quoique très belle, a beaucoup de préceptes secs et plus curieux qu’utiles dans la pratique », tandis que l’auteur du Peri hypsous « échauffe l’imagination, il élève l‘esprit du lecteur, il lui forme le goût ». 7 Un écho de cet éloge se trouve chez Jackie Pigeaud, pour lequel le Peri hypsous est « le seul livre de rhétorique qui bouleverse d’émotion », et il ajoute : « Si l’on devait donner en un mot le ton de ce traité, je choisirais, dans tous les sens, celui d’exigence. C’est ce qui donne à l’œuvre cette tension, cette énergie, cette détermination à être, elle aussi, sublime ». 8 Souscrivons à ce panégyrique, mais tenons-nous plutôt à la traduction du Peri hypsous par Pigeaud mettant en relief la terminologie rhétorique précise dont la technicité est occultée volontairement par Boileau pour ne pas dégoûter les mondains, lecteurs présumés de l’Art poétique et du Traité du sublime. Après avoir beaucoup contribué à l’émergence de ce mythe, Boileau en est la première victime, dès qu’on vante son mérite en tant que traducteur du Peri hypsous aux dépens de l’Art poétique et « de cet autre Boileau, poète de la critique, trop peu connu ». 9 Puisque la traduction du Peri hypsous passe pour le passage décisif de la rhétorique à l’esthétique, Carsten Zelle peut recourir au terme de « paradoxe » dans l’article « sublime » de l’Encyclopédie historique de la rhétorique en prétendant que la doctrine du Traité du 6 « Es ist mir nicht unbekannt, was vor prächtige Sachen Longinus von der Erhabenheit in der Sprache und dem Ausdruck gesagt hat ; und ich habe in etlichen Stellen desselben genugsam gesehen, daß er den blossen Wörtern und deren geschickten Zusammensetzung eine beinahe magische Kraft zuschreibt. Aber sage ich zu viel, daß seine Ausdrücke zum Lob der Ausdrücke nach dem oratorischen Firnisse schmecken ? » (Johann Jacob Bodmer/ Johann Jakob Breitinger, Critische Briefe (1746) réimpr. Hildesheim, 1969, p. 104 ; voir à ce propos Carsten Zelle, Angenehmes Grauen. Literaturhistorische Beiträge zur Ästhetik im achtzehnten Jahrhundert, Hamburg, 1987, p. 282 suiv.). 7 Fénelon, Œuvres. Édition établie par Jacques Le Brun, vol. I, Paris, 1983, p. 9. 8 Introduction de sa traduction remarquable de Longin, Du sublime, Paris, 2 1993, p. 7. 9 Jules Brody, « Boileau et la critique poétique », dans Marc Fumaroli (dir.), Critique et création littéraires en France au XVII e siècle, Paris, 1977, p. 247. OeC01_2012_I-142End.indd 89 OeC01_2012_I-142End.indd 89 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 90 Volker Kapp sublime rétablit ce que la « poétique classiciste » de l’Art poétique avait expulsé de la doctrine du beau. 10 Le classicisme français est dévalorisé en tant que « classiciste », afin d’accuser la régularité d’entraver le libre essor du génie en rabaissant le beau à la conformité avec une régularité arbitraire ou pédante. Cette mésaventure du siècle classique se prolonge jusqu’au siècle des Lumières, puisque, selon Zelle, tout au plus la Querelle des Anciens et des Modernes et Diderot ont apporté quelques éléments nouveaux à la doctrine du sublime. Cette thèse correspond à une pétition de principe si elle mesure les Français à l’aune des philosophes anglais et allemand. Le cliché d’un Boileau s’autorisant de Longin pour s’émanciper de la tutelle de l’art oratoire se retrouve chez des érudits où on ne l’attendrait pas. La conclusion de La littérature européenne et le Moyen Age latin se termine par un éloge enthousiaste du pseudo-Longin, victime déplorable des aléas de la fortune, dont Ernst Robert Curtius qualifie l’un de « grotesque », à savoir le fait qu’un « Magister », c’est-à-dire Boileau, le pédant, a révélé son nom aux temps modernes. 11 Passons sur la simplification d’un Boileau révélant le Peri hypsous, ignoré depuis l’Antiquité, 12 et attaquons les conclusions qu’on tire de cette erreur. Selon cette vision, Boileau, « législateur du Parnasse », est partisan d’un concept de Belles Lettres basé sur « un commerce assidu et intime avec les poètes et les orateurs de l’Antiquité », 13 mais ce programme de la critique érudite, dont l’Art poétique perpétue le dégât « classiciste », devient anachronique grâce à la traduction du Peri hypsous qui initie le passage de la rhétorique à l’esthétique. Karl Maurer suit Curtius, sans vouloir 10 « […] als N. Boileau-Despréaux der paradox erscheinende Coup gelingt […], die Charta der doctrine classique und zugleich den Hebel zu ihrer Beseitigung vorzulegen […], da die Ausbildung einer Ästhetik des Erhabenen die Wiederkehr dessen ist, was aus der klassizistischen Poetik des Schönen verdrängt wurde. […] Durch Boileau wird <Longin> zum antiken Begründer der modernen Ästhetik » (Historisches Wörterbuch der Rhetorik, vol. II, col. 1364-1365). 11 Ernst Robert Curtius, Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter, Bern 4 1969, p. 402 (trad. française 1956). Brody soutient par contre : « Boileau’s dogmatism is not that of a rule-bond pedant, but, rather, a faith in own critical responses » (Boileau and Longinus, Genève, 1958, p. 78). 12 Dietmar Till résume des travaux prouvant le contraire (Das doppelte Erhabene. Eine Argumentationsfigur von der Antike bis zum Beginn des 19. Jahrhunderts, Tübingen, 2006, p. 48-98). Il semble ignorer Daniel Morhof qui énumère un grand nombre d’éditions et de commentaires en notant à propos de l’édition bilingue de Tollius : « […] adjuncta quoque est nitidissima Gallica versio celeb. Boileavii » (Polyhistor literarius, philosophicus et practicus ( 4 1747), réimpr. Aalen, 1970, vol. I, p. 945). 13 Marc Fumaroli, L’Age de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, 1980, p. 25. OeC01_2012_I-142End.indd 90 OeC01_2012_I-142End.indd 90 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 91 vraiment opposer le Traité du sublime à l’Art poétique, 14 mais le type de lien entre les deux volets des Œuvres diverses lui échappe parce qu’il est dérouté par la distinction de Boileau entre le grand style et le sublime selon Longin. Cette dichotomie est interprétée par Dietmar Till comme une « duplicité », qui dissocie la grandeur de la pensée et la magnificence de la parole dans le sublime. 15 Till l’intègre dans le paradigme de Michel Foucault opposant les mots et les choses, en substituant l’histoire du discours selon Foucault à l’histoire de la rhétorique. 16 Si légitime que soit une telle transposition, elle marginalise la problématique des glissements de la rhétorique à la poétique dans les théories du sublime sans en éclairer l’enjeu. La catégorie du sublime acquiert une signification nouvelle dans le domaine littéraire lorsqu’on fait abstraction de son enracinement dans la rhétorique. Un exemple révélateur en est fourni par Robert Lowth, qui donna un cours de sacra poesi Hebraeorum en tant que professeur de poésie à Oxford et le publia en 1753 à Londres où il devint évêque en 1777. Ce livre, salué avec enthousiasme par Moses Mendelssohn ou Herder et commenté abondamment par l’Allemagne protestante, passe de nos jours pour la lecture de l’Ancien Testament, ouvrant, grâce au Peri hypsous, des perspectives prometteuses à l’herméneutique biblique. Lowth s’autorise en effet à plusieurs reprises de « Longin » en écartant toutefois l’art oratoire. Il oppose la poésie à la prose en affirmant que l’orateur ne transmet un message clair qu’en renonçant au moindre ornement, reprouvé par la raison, tandis que le poète s’en sert pour faire appel aux passions et susciter les émotions. 17 Les ornements sont surajoutés et donc inutiles dans la prose. L’hébreu se 14 « Überhaupt kann von einem prinzipiellen Gegensatz von Art poétique und Traité du sublime nicht die Rede sein » (« Boileaus Übersetzung der Schrift Peri hypsous als Text des französischen 17. Jahrhunderts », dans Hellmut Flashar (éd.), Le classicisme à Rome aux I ers siècles avant et après J.-C., Genève, 1979, p. 251). 15 Till, Das doppelte Erhabene, p. 42-98. 16 Till se réfère à L’ordre du discours de Foucault (Das doppelte Erhabene, p. 6). 17 « Habet poesis, quaecumque utatur lingua, proprium quoddam ac suum dictionis genus […] Loquitur ratio remisse, temperate, leniter […] Affectionibus vero nihil horum admodum curae est […] ut verbo dicam, mero sermone utitur ratio, affectus loquuntur poetice » (Ugolino Blasio, Thesaurus antiquitatum sacrarum complectens selectissime clarissimorum virorum opuscula, in quibus veterum Hebraeorum mores, leges, instituta, ritus sacri, et civiles illustrantur : Opus ad illustrationem utriusque Testamenti, et ad Philologiam sacram, et profanam utilissimum, maximeque necessarium, Venetiis, 1744-1769, 34 vols. in folio, vol. 31 (1766), col. CCCXIV. Les Praelectiones de Lowth avec les commentaires de J. D. Michaelis (Göttingen 1758) se trouvent col. CXXXIV-DLXXXIII. Nous citons d’après cette édition parce que ce volume publie en outre 12 ouvrages sur la poésie des Hébreux et révèle par là la tradition dans laquelle les réflexions de Lowth s’inscrivent). OeC01_2012_I-142End.indd 91 OeC01_2012_I-142End.indd 91 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 92 Volker Kapp distingue par sa « simplicité » ; le langage de l’Ancien Testament est « sincère » et dépourvu de l’art de la période, principe que les rhétoriciens cherchaient sans cesse à codifier. 18 C’est un renversement complet de l’idée qui préoccupait les interprètes dès l’Antiquité chrétienne, gênés par l’altérité des écrits bibliques par rapport à une civilisation profondément marquée par la culture oratoire des Grecs et des Romains. Claude Fleury ajoute en 1682 à ses Mœurs des Israélites (1681) un paragraphe où il fait l’apologie du « génie » de l’hébreu en tant que langue qui fait « suivre les propositions les unes aux autres, sans suspendre le sens, ni s’embarrasser dans de grandes périodes, ce qui rend le style extrêmement clair ». Il reconnaît que cela « fait d’abord trouver plat et grossier le style de l’Écriture », 19 verdict justifié dans l’optique de la culture rhétorique de son époque. Le principe oratoire de cacher l’art, dont les règles pourraient nuire à l’efficacité du discours, quand l’auditeur s’en aperçoit, se transforme chez Lowth en éloge de la sincérité, qui met à nu l’intériorité de l’auteur. 20 Une telle vision du sublime biblique dans la poésie est plutôt un prélude au romantisme qu’une reprise de l’ancienne rhétorique. Si l’on subordonne l’ancienne rhétorique à l’esthétique émergeant au siècle des Lumières, Burke et Kant éclipsent l’importance de Boileau et de la rhétorique. Signalons deux exemples typiques pour illustrer cette démarche. Martin Fritz commence sa présentation de « la renaissance du sublime aux temps modernes » par une analyse des « constellations au XVIII e siècle », dans lesquelles il insère « la redécouverte de Longin par Nicolas Boileau », 21 comme si les années soixante-dix du XVII e siècle relevaient déjà des Lumières. Cette étude d’un théologien protestant a son corollaire dans celle du critique François Trémolières, qui s’inspire des deux philosophes 18 « Nihil vulgari Hebraeorum sermone simplicius et inornatius concipi potest : nuda, recta, sana, atque sincera sunt omnia ; voces nec exquisitae, nec lectae ; periodorum nulla cura, ac ne cogitatio quidem » (ibid., col. CCCXV). 19 Claude Fleury, Opuscules, Nîmes 1780, vol. I, p. 52. Il qualifie la poésie biblique de « sublime » (ibid., p. 59). 20 « Tota denique oratio cernitur eo ordine disposita, eaque partium continuatione colligata, ut plane aequabilem ipsius scriptoris habitum demonstret, animique sedati et tranquilli imaginem quandam exhibeat. […] ut quasi velo detracto omnes animi status motusque, subitos impulsus, celeresque impetus, et multiples flexiones, palam intueri videamur » (ibid., col. CCCXVI). 21 Martin Fritz, Vom Erhabenen. Der Traktat « Peri Hypsous » und seine ästhetischreligiöse Renaissance im 18. Jahrhundert, Tübingen, 2011, p. 160-195. L’auteur qui souligne l’importance de Lowth pour l’herméneutique biblique allemande : « […] Lowths longinisch instruierte Lektüre des Alten Testaments wegweisende Perspektiven für die Bibelhermeneutik eröffnet hat » (ibid., p. 198), intitule ce chapitre « Ästhetische Dechiffrierung des Alten Testaments : Robert Lowth » (p. 395-464). OeC01_2012_I-142End.indd 92 OeC01_2012_I-142End.indd 92 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 93 pour expliquer les riches occurrences du sublime, qu’il a le mérite d’avoir détecté chez Fénelon. 22 Faut-il vraiment confirmer le rang de l’archevêque de Cambrai en en faisant un précurseur à la nouvelle discipline de l’esthétique ? Fénelon argumente en rhétoricien quand il affirme que le Peri hypsous « apprend à distinguer judicieusement le bien et le mal dans les orateurs célèbres de l’Antiquité », 23 Sa Lettre à l’Académie évoque Longin dans le chapitre sur la rhétorique en préférant à sa suite Démosthène à Cicéron. 24 Comme les bases philosophiques et théologiques de l’œuvre fénelonienne s’éclipsent quand on interprète sa doctrine du sublime dans le cadre de la pensée d’un philosophe anglais ou allemand, ainsi la réflexion de Boileau perd sa spécificité lorsqu’on mesure sa traduction du traité grec et ses paratextes à l’aune de la philosophie des Lumières. Pour éviter cette impasse, il faudra substituer au regard rétrospectif du siècle des Lumières vers l’époque de Boileau le regard prospectif du XVI e au XVII e siècle. II Lowth s’autorise de Longin pour distinguer le sublime, qui suscite les affections sans le moindre ornement, du style sublime orné de grandes images et expressions. 25 A la fin du XVII e siècle, la distinction - alors courante - entre le style sublime et le sublime restait inopérante pour les différentes attaques contre la rhétorique. L’antagonisme entre les deux types du sublime permet à Rapin de dévaluer Ronsard et Du Bartas qui « ne furent pas assez habiles pour mettre le genre sublime du vers héroïque dans les choses plutôt que dans les paroles ». 26 Ce jugement du père jésuite, qui s’accorde avec Boileau, 27 nous 22 François Trémolières, Fénelon et le sublime. Littérature, anthropologie, spiritualité, Paris, 2009. 23 Œuvres vol. I, p. 9. 24 « Mais j’avoue que je suis moins touché de l’art infini, et de la magnifique éloquence de Cicéron, que de la rapide simplicité de Démosthène » (Fénelon, Œuvres, vol. II, Paris 1997, p. 1152). Le concept de simplicité renvient chez Huet pour critiquer Boileau. 25 « Sublimitatem autem hic intellego sensu latissimo sumptam ; non eam modo quae res grandes magnifico imaginum et verborum apparatu effert ; sed illam quaecumque sit orationis vim, quae mentem ferit et percellit, quae movet affectus […] nihil pensi habens, simplici an ornata, exquisita an vulgari dictione utatur : in quo Longinum sequor, gravissimum in hoc argumento et intelligendi et dicendi autorem » (ibid., col. CCCXIV). 26 René Rapin, Les réflexions sur la poétique et sur les ouvrages des poètes anciens et modernes (1684). Édition critique et présentation par Pascale Thouvenin, Paris, 2011, p. 527. 27 Le texte cité date de 1674. Sur la traduction du Peri hypsous dans Les réflexions voir ibid., p. 318-319. OeC01_2012_I-142End.indd 93 OeC01_2012_I-142End.indd 93 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 94 Volker Kapp ramène aux paradigmes oratoires du débat sur le sublime à la fin du XVII e siècle, où la grandiloquence d’un certain style élevé est expliquée comme une application maladroite des règles ou comme une erreur de jugement. Daniel Morhof, qui cite Les réflexions sur la poétique de Rapin en français et Longin en latin, présuppose dans De eloquentia in tacendo (1684) la nécessité du respect des règles pour parvenir au sommet de l’art de la prose et de la poésie et récuse le mirage d’un génie poétique s’épanouissant grâce aux seuls dons de la nature. 28 Boileau reste exclu de cette dissertation, qui circonscrit toutefois parfaitement les coordonnées dans lesquelles s’inscrit sa doctrine du sublime. Morhof rattachait auparavant cette idée au Treatise concerning Enthusiasm (1654) de Meric Casaubon, dans son Dissertatio de enthusiasmo seu furore poetico (1665) où il ignore Longin auquel il reproche dans De eloquentia in tacendo de n’avoir pas toujours bien distingué les défauts de la grandiloquence. 29 Il s’autorise de Cicéron pour situer le sublime rhétorique dans le contexte de la copia et de l’amplificatio et soutient que ces deux procédés rhétoriques accèdent au sublime à condition d’appliquer le principe du celare artem. 30 Il est donc conscient de l’importance des lieux communs pour le sublime rhétorique, 31 aspect que Francis Goyet a redécouvert. 32 Tant Rapin que Morhof préviennent contre les efforts de vouloir identifier les discussions sur le style sublime à une « transformation » de la rhétorique à la fin du XVII e siècle. 33 28 « Quae in soluta eloquentia leges Oratori positae, eae quoque in ligata Poëtis praescribunter. Neque enim ita quidlibet iis fingendi, et audendi potestas est, ut illa sine lege modoque feretur » (Daniel Morhof, Dissertationes Academicae et Epistolae, Hamburgi 1699, p. 458). 29 « […] inepta fit oratio, vel frigida evadit, qualis cum magnificis et sententiis et verbis res exiles ornantur : aut puerilis, cum ex adverso res magnas minutis sententiis et verbis effert. Quae duo vitia Longinus interdum confundit » (Morhof, Dissertationes Academciae, p. 449). 30 « Non officit huic Eloquentiae nostrae copia, et sermonis amplificatio, quae in oratione necessaria est. Etsi enim teste Cicerone, eloquentia est copiose loquens sapientia, amplificatio rem augent et majorem argumentis et verbis, efficere studet ; tamen nihil hic nimium est, cui suus quidem modus ex ipsa arte est praescriptus » (Dissertationes Academicae, p. 449). 31 « Quod ad Logica sive docentia argumenta attinet, ea vel e locis Oratori et Dialectico communibus, vel e propriis Rhetorum desumuntur. Communes loci cum a Dialecticis principiis arcessantur, Oratorem Dialectices peritum requirunt. Nisi enim ejus peritia munitus Orator sit, tota oratione ineptum esse necessum est » (Dissertationes Academicae, p. 451). 32 Voir Francis Goyet, Le sublime du « lieu commun ». L’invention rhétorique dans l’Antiquité et à la Renaissance, Paris, 1996. 33 Voir Dietmar Till, Transformationen der Rhetorik. Untersuchungen zum Wandel der Rhetoriktheorie im 17. und 18. Jahrhundert, Tübingen, 2004, p. 339. OeC01_2012_I-142End.indd 94 OeC01_2012_I-142End.indd 94 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 95 Ces dernières décennies, les critiques méconnaissent l’enracinement de Boileau dans la rhétorique de son époque en s’appuyant sur une remarque de sa Préface à la traduction : « […] par Sublime, Longin n’entend pas ce que les Orateurs appellent le stile sublime : mais cet extraordinaire et ce merveilleux qui frape dans le discours, et qui fait qu’un ouvrage enleve, ravit, transporte ». 34 Sa Réflexion XII formule la définition du terme, absente dans le Peri hypsous : « Le Sublime est une certaine force de discours, propre à eslever et à ravir l’Ame ». 35 C’est évidement l’enthousiasme qu’il envisage ou même l’extase que l’esthétique du sublime ne cesse d’exalter, mais ces mouvements des passions n’étaient pas inconnus à l’ancienne rhétorique. Sa doctrine n’est donc pas nouvelle si l’on excepte qu’il transforme l’adjectif « sublime » en substantif et crée ainsi « un néologisme », 36 qui se prête aux interprétations opposées les unes aux autres. 37 La plupart de celles-ci sont invalidées par sa Préface qui se termine en 1674 par l’annonce de la traduction de la Rhétorique d’Aristote par François Cassandre. 38 L’éloge de cette Rhétorique et la traduction du Peri hypsous s’accordent donc parfaitement. Une confirmation supplémentaire de notre hypothèse est fournie par la structure du volume des Œuvres diverses dont les implications ont échappé à la plupart des critiques. Le titre d’Œuvres diverses semble un « écho lointain mais sans doute volontaire » des Œuvres diverses (1644) de Guez de Balzac, 39 rapport intertextuel d’autant plus vraisemblable que Balzac, avant Boileau, avait pris en charge le concept du sublime, « notion cruciale pour toute conception féconde de la création littéraire ». 40 Morhof confirme cette thèse d’Emmanuel Bury, quand il évoque dans De eloquentia in tacendo la longue tradition d’opposer le sublime de la grande éloquence à la grandiloquence 34 Nous citons d’après Boileau, Œuvres complètes. Textes établis et annotés par Françoise Escal, Paris, 1966, ici p. 338. Saint-Girons cite cet énoncé (« Le ‘surplomb aveuglant’ du sublime », dans Marot (dir.), La littérature et le sublime, p. 54). 35 Œuvres complètes, p. 562. 36 Roger Zuber, Les émerveillements de la raison, Paris, 1997, p. 232. 37 Voir Jules Brody, Boileau and Longinus, p. 36-38. 38 « […] je suis bien aise d’avertir icy le Lecteur amoureux des matieres de Rhetorique, que dans peu il doit paroistre une nouvelle traduction du chef d‘œuvre de l’Art, je veux dire de la Rhetorique d’Aristote. Elle est de M. Cassandre […] j’avoue franchement que sa lecture m’a plus profité que tout ce que j’ai jamais lû dans ma vie » (Œuvres complètes, p. 1071). 39 Voir l’édition établie et commentée par Roger Zuber, Paris, 1995. 40 Emmanuel Bury, « Balzac et Boileau », dans Fortunes de Guez de Balzac, littératures classiques 33 (1998), p. 80 et p. 86. Bury souligne que Boileau « ne semble pas reconnaître tout ce qu’il doit à Balzac » (p. 89). Une des raisons du silence de Boileau est certainement la chute sans appel de Balzac, auteur à grand succès dans un passé récent. OeC01_2012_I-142End.indd 95 OeC01_2012_I-142End.indd 95 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 96 Volker Kapp des sophistes. Il y recommande la lecture de deux ouvrages d’auteurs ressortissant de la France, le Theatrum veterum rhetorum (1620) du jésuite Louis de Cressolles et les Œuvres diverses de Balzac, 41 afin de se libérer des risques du grand style asianiste, que les adversaires de Balzac évoquaient, quant à eux, pour le mettre du côté des sophistes et condamner son style. Boileau ne pouvait pas ignorer le rôle du sublime selon Longin dans les disputes autour de l’œuvre de Balzac, rôle dont la pertinence a été tirée de l’oubli par Jean Jehasse et Roger Zuber. 42 Aussi bien lui que Balzac ont lu pseudo-Longin « en pensant avoir affaire à une technique du genre grand », 43 mais son néologisme oppose à « l’abondance d’ornements et de figure qui caractérise le grand style […] la densité optimale qui inclut un maximum de sens dans un minimum de mots ». 44 Les meilleurs orateurs savent surmonter cette tension ; selon le Peri hypsous, c’est la spécificité de Démosthène, mais selon Quintilien ou Morhof, Cicéron ne cède en rien à son concurrent grec. Les traités de rhétorique ne cessent d’aborder cette problématique, à propos de laquelle Marc Fumaroli inventa la belle formule de « rhétorique adulte », 45 qu’il oppose à la « rhétorique d’école », sachant toutefois, et mettant en évidence par ses publications, que cette dernière reste toujours la base de la théorie du sublime, chez Boileau, chez ses prédécesseurs et ses contemporains. 46 Il souscrirait par conséquent la thèse suivant laquelle « Traité du Sublime et Art poétique partagent une seule et même vision de la littérature en général, de la poésie en particulier. Le Traité [le] confirme […] avec l’autorité supplémentaire de l’Antiquité ». 47 Ce n’est donc pas un préjugé « classiciste » que de souligner la complémentarité des deux volets des Œuvres diverses de 41 « Non immerito ergo a Socrate sapientioribus irrisi sunt Sophistae, quorum volaticam et inanem eloquentiam plenissime in suo theatro Rhetorum detexit Cresolius. Operae pretium est legere, quam graphice Vir elegantissimus Balzacus Œuvres divers. disc. de la grande Eloquence utriusque, tam Regiae, quam Sophisticae eloquentiae characterem dipingat » (Dissertationes Academicae, p. 451). 42 Voir la présentation des disputes au XVII e siècle et des travaux de Jehasse et de Zuber dans Sophie Hache, La Langue du ciel. Le sublime en France au XVII e siècle, Paris, 2000, p. 28-128. 43 Zuber, Les émerveillements de la raison, p. 232. 44 Alain Génetiot, Le classicisme, Paris, 2005, p. 416-417. 45 Marc Fumaroli, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève, 1990, p. 377. 46 C’est pourquoi il avance ses réserves vis-à-vis de la conclusion « qui semble se dégager de l’ouvrage, si remarquable par ailleurs, de J. Brody […] ce n’est pas le traducteur français du Traité du sublime qui révéla à l’Europe cultivée la distinction entre « grand style », au sens scolaire des rhétoriques, et « sublime » (Héros et orateurs, p. 362). 47 Francis Goyet, Les Audaces de la prudence. Littérature et politique aux XVI e et XVII e siècles, Paris, 2009, p. 184. OeC01_2012_I-142End.indd 96 OeC01_2012_I-142End.indd 96 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 97 Boileau, mais un retour à son enracinement dans l’humanisme européen et à la culture oratoire dont il s’inspire. L’opposition entre poésie et prose, que Lowth s’est ingénié à fonder sur la poésie des Hébreux, ne passa pas inaperçue dans l’humanisme européen, mais elle s’intègre aisément dans les paradigmes rhétoriques. La poésie tient dans la hiérarchie un rang plus haut que la prose, mais l’art de la prose s’inspire des réussites dans le domaine poétique, et la rhétorique leur sert de cadre commun. C’est dans cette optique que le Peri hypsous permet d’évaluer l’Art poétique dont il accentue tout au plus quelques nuances sans en contredire le fond de la doctrine. III Le Peri hypsous se distingue évidemment du plus grand nombre des manuels de rhétorique par son florilège de textes littéraires. C’était un défi redoutable que de traduire « un superbe corpus de morceaux bien choisis » 48 dont le Peri hypsous est truffé. Boileau y a bien réussi, quoique André Dacier ne l‘épargne pas de ses critiques. 49 La réussite de son entreprise de traducteur n’est pas entravée par les libertés qu’il a prises selon le principe des ‘belles infidèles’. Ni cette liberté ni le respect du goût mondain ne nous autorisent à isoler le Peri hypsous de la rhétorique d’école, qui a ses titres de noblesse dans la longue liste de traités depuis Aristote ou Cicéron. Quintilien, cet éducateur incontournable de l’élite culturelle européenne, préfère ce dernier à Démosthène, exalté par le Peri hypsous, manuel que l’Institution oratoire ne juge pas digne d’être mentionné. Les thuriféraires du sublime selon Boileau écartent Rollin, qualifié à juste titre d’ « un Quintilien » 50 français. Ernst Robert Curtius n’oublie pas de mentionner que le jeune Goethe relève à Strasbourg des extraits de l’Institution oratoire, à une époque donc où Kant avoue, dans sa Critique de la faculté de juger, son incapacité de goûter l’art de la prose dans un discours. 51 Curtius y rend justice à Quintilien, déprécie toutefois l’Orator de Cicéron, qui fournit à Joachim Du Bellay la base pour accorder les deux exigences antagonistes que le Peri hypsous intègre dans sa conception du sublime : le génie et l’art, le don ou la natura de l’auteur 48 Zuber, Les émerveillements de la raison, p. 256. 49 On ne connaissait ses remarques que par le filtre du traducteur qui en inséra et commenta un certain nombre dans ses Réflexions. Jean-Philippe Grosperin a finalement transcrit le manuscrit de la BnF et l’a publié : « André Dacier, Notes sur la traduction par Boileau du Traité du sublime de Longin », dans Les époux Davier, Littératures classiques 72 (2010), p. 195-244. 50 Goyet dans Longin, Traité du sublime, p. 10. 51 Curtius, Europäische Literatur und lateinisches Mittelalter, p. 71-72. OeC01_2012_I-142End.indd 97 OeC01_2012_I-142End.indd 97 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 98 Volker Kapp et les règles ou la doctrina. La lecture de l’Orator par Du Bellay nous donne accès à la dimension rhétorique présupposée par la vision du sublime chez Boileau. Du Bellay s’autorise de l’Orator de Cicéron pour mettre sur le même plan, dans le premier livre de La Deffense, et illustration de la langue françoyse, Cicéron et Virgile, l’un en tant que grand prosateur, l’autre en tant que grand poète. Le deuxième livre focalise ensuite l’attention sur Virgile, « pas seulement l’antistrophe de Cicéron, son égal et son répondant, mais bien son supérieur, en poésie, ce qui élève la prose ». 52 La supériorité de la poésie sur la prose n’est pas à interpréter selon les paramètres de l’esthétique des Lumières comme une excellence du génie, dont l’extase créatrice s’affranchirait des règles de l’art, mais comme un triomphe des exigences caractérisant l’art. Morhof, qui insiste sur cet aspect dans De eloquentia in tacendo, analyse dans De patavinitate Liviana (1685) les spécificités linguistiques de Paris et de la cour pour exorciser « les dangers de l’atticisme : toute élégance extrême du vocabulaire et de la prononciation porte en elle le risque de l’affectation ». 53 Il y évoque l’entretien de Guez de Balzac de la conversation des Romains pour propager un idéal d’urbanité linguistique, dont il ne connaît pas la métamorphose en galanterie. 54 Il s’aperçoit du moins de l’impact du salon de M me de Rambouillet sur les données littéraires en documentant que « le « lieu » rhétorique n’est pas seulement un magasin ; c’est un morceau de la création, une part de l’invention ». 55 Ce principe se vérifie dans l’Art poétique, et nous pouvons nous contenter de n’évoquer que quelques exemples pour illustrer cette hypothèse. Le premier chant de l’Art poétique exige pour le sublime que « le Bon sens s’accorde avec la Rime », en présupposant que « la Rime est une esclave, et ne doit qu’obéir ». 56 Cette règle s’accorde parfaitement avec la doctrine du Peri hypsous, puisque Boileau attribue la difficulté de dominer la rime aux débutants pour lesquels la versification n’est pas encore un habitus « ce que Quintilien appelle une ‘firma facilitas’, une facilité affermie ». 57 Le poète associe cette facilité à l’esprit créateur grâce auquel « Au joug de 52 Francis Goyet dans son édition commentée de Joachim du Bellay, Œuvres complètes, vol. I. Préparé par Francis Goyet et Olivier Millet, Paris, 2003, p. 295. 53 Roger Zuber, « Lieux de mémoire et Littérature », dans Volker Kapp (éd.), Les lieux de mémoire et la fabrique de l’œuvre, Paris-Seattle-Tübingen, 1993, p. 23. Voir également de Zuber, « Littérature et urbanité », dans Marc Fumaroli (éd.), Le statut de la littérature, Genève, 1982, p. 87-96. 54 Voir Delphine Denis, Le Parnasse galant. Institution d’une catégorie littéraire au XVII e siècle, Paris, 2001. 55 Zuber, « Lieu de mémoire et Littérature », p. 25. 56 Œuvres complètes, p. 157. 57 Goyet, Les Audaces de la prudence, p. 200. OeC01_2012_I-142End.indd 98 OeC01_2012_I-142End.indd 98 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 99 la Raison sans peine elle (= la rime) fléchit ». 58 Cette occurrence du terme « raison » contredit les nombreux interprètes qui l’assimilent platement à la raison cartésienne en réduisant Boileau en adepte sans verve poétique du cartésianisme ou d’un rationalisme ‘scientifique’. La belle formule des « émerveillements de la raison » 59 révèle en revanche la riche gamme des significations du terme. Ceux qui s’autorisent des sympathies de Boileau pour Port-Royal, pensent invoquer la Logique de Port-Royal pour valider leur thèse d’un cartésianisme du Législateur du Parnasse. Cette interprétation est contredite par l’étude fascinante de Delphine Reguig-Naya démontrant que la Satire XII « Sur l’équivoque » entretient des liens subtils avec les penseurs de Port-Royal de sorte que le « poète présente ce défaut de parole comme un obstacle tout-puissant à l’accès du sens » et place ainsi « sa critique à un niveau spirituel et religieux, pour ne pas dire théologique ». 60 Boileau et ses amis de Port-Royal se disputent sur la légitimité religieuse de la fiction littéraire au service du divertissement, mais ils perpétuent cet humanisme chrétien dont le concept est très controversé au XX e siècle. 61 Écarter cet humanisme chrétien, c’est ériger un obstacle supplémentaire pour comprendre le sublime selon Boileau. S’il est vrai que la querelle du merveilleux chrétien lui a inspiré l’opposition nette des domaines de la fiction et de la foi, 62 on ne peut pas s’attendre à une réflexion expresse des implications religieuses du sublime dans les paratextes de la traduction du Peri hypsous. Faut-il en déduire l’absence totale ? Nous ne le pensons pas, et nous nous autorisons sur ce point de Theodor W. Adorno, qui relança la réflexion sur le concept du sublime et auquel Lyotard doit beaucoup. Adorno récuse les idées de Schelling ou de Sulzer pour se distancier résolument d’une conception du sublime, dominée par la théologie ou rattachée à celle-ci. 63 Il aborde par là une problématique qui passe au premier plan à la fin du XVII e siècle à propos de l’enthousiasme dans la rhétorique et de l’inspiration poétique. La méfiance des théologiens vis-à-vis des concepts d’inspiration hors du contexte religieux se métamorphose alors en refus de toute dimension religieuse dans l’univers des lettres profanes. Cette dissociation des deux sphères est évidente quand Thomasius 58 Œuvres complètes, p. 157. 59 Zuber, Les émerveillements de la raison, p. 225-238. 60 Delphine Reguig-Naya, Le Corps des idées. Pensées et poétiques du langage dans l’augustinisme de Port-Royal. Arnauld, Nicole, Pascal, M me de La Fayette, Racine, Paris, 2007, p. 203. 61 Voir Henri de Lubac, Pic de la Mirandole. Études et discussions, Paris 1974, p. 143-227. 62 « […] n’allons pas dans nos songes,/ Du Dieu de verité, faire un Dieu de mensonges » (Œuvres complètes, p. 174). 63 « Das Erhabene markiert die unmittelbare Okkupation des Kunstwerks durch Theologie » (Theodor W. Adorno, Ästhetische Theorie, Frankfurt, 1970, p. 295). OeC01_2012_I-142End.indd 99 OeC01_2012_I-142End.indd 99 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 100 Volker Kapp réplique à la dissertation De enthusiamo de Morhof en niant fermement, dans sa revue des Monatsgesprächen, la présence du divin dans l’art oratoire profane. 64 Ce contraste manifeste une rupture avec une valeur traditionnelle de l’humanisme, rupture dont le débat sur le sublime selon Boileau permet de saisir les implications métaphysique et religieuse. La Préface à la traduction du Peri hypsous approuve expressément la lecture du Fiat lux de la Genèse du chapitre VII, 9 en attestant au verset d’être « véritablement sublime ». 65 Morhof vante également cette interprétation du Peri hypsous sans se référer à Boileau. 66 Malgré la divergence des confessions religieuses, ces deux lecteurs de pseudo-Longin se situent à l’intérieur du même paradigme humaniste, que Le Maistre de Sacy rattache, à la suite de Boileau, au Peri hypsous. 67 La question reste toutefois controversée dans le monde universitaire allemand du XVIII e siècle, 68 qui penche plutôt du côté de Pierre-Daniel Huet contestant la lecture réclamant ce verset pour le sublime au nom des données linguistiques de l’hébreu. La dispute avec Boileau, qui résulte de la prise de position de Huet, met en doute « la culture classique défendue par Boileau […] en tant que culture profane », 69 elle révèle toutefois en même temps un des présupposés tacites de sa lecture du Peri hypsous, symbiose entre humanisme et religion. Tant Huet que Boileau font valoir la séparation entre le profane et le sacré. Les deux antagonistes de cette querelle partagent le souci de préserver l’altérité du sacré des prétentions de la culture profane. Huet érige « la simplicité » en « antonyme du sublime » 70 et le définit par le manque de tout ornement oratoire, concept qui se retrouve sous une autre forme chez Lowth. Silvain conteste la vision rhétorique du sublime dans le Peri hypsous par « une théorie morale du sublime et [il] ancre celui-ci dans le champ de la religion, ou plus précisément de l’apologétique » ? 71 Comme Huet s’autorise de son érudition dans le domaine de l’hébreu pour contester l’affirmation de Boileau qui se contente de la version latine de la Bible, Silvain, lui, s’appuie sur des idées, qu’on retrouve chez La Bruyère, 72 pour dissocier l’èthos du 64 Voir Till, Transformationen der Rhetorik, p. 431, où il présente le débat allemand sur la fureur poétique. 65 Œuvres complètes, p. 338. 66 Dissertationes Academicae, p. 470. 67 Voir Gilles Declercq, « Boileau - Huet : la querelle du Fiat lux », dans Suzanne Guellouz (éd.), Pierre-Daniel Huet (1630-1721), Paris-Seattle-Tübingen, 1994, p. 259. 68 Voir Till, Das doppelte Erhabene, p. 209-224. 69 Declercq, « Boileau - Huet : la querelle du Fiat lux », p. 257. 70 Declercq, ibid., p. 247. 71 Saint-Girons, Esthétique du XVIII e siècle, p 43. 72 Voir notre article « Le sublime est ‘une chose de sentiment’. Silvain, lecteur de Boileau et critique de Longin », dans Alain Cullière (éd.), Aspects du classicisme et de OeC01_2012_I-142End.indd 100 OeC01_2012_I-142End.indd 100 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 101 discours afin de faire dériver le sublime des « sentiments » ou des « images », du « cœur de l’homme » ou des « objets animés ou inanimés de la nature » 73 et non de l’art oratoire ou des règles de la poétique. Cet adversaire de la rhétorique gréco-latine ne désire pas quitter le cadre de l’humanisme chrétien puisqu’il recommande l’imitation de ceux « qui ont le mieux réussi à cette sorte du Sublime, comme Moïse, David, Homère, Corneille et quelques autres ». 74 Cette liste de modèles illustre bien la synthèse entre l’Antiquité grecque et l’Ancien Testament, synthèse que combat Richard Simon, dont la méthode de lecture critique de la Bible est à l’opposé de l’érudition de Huet. Les développements de Huet sont récupérés et publiés avec des commentaires interpolés par Jean Leclerc, qui exploite le débat du sublime pour invalider toute lecture rhétorique de la Bible et pour lui substituer une lecture linguistique modifiant fondamentalement le statut de la connaissance de Dieu. Tous ces auteurs soutiennent, la plupart sans y penser, un processus de laïcisation, qui se manifeste dans la récupération du sublime pour une lecture esthétique de l’Ancien Testament par Robert Lowth. Les études récentes du sublime présentent Lowth sans mentionner les entreprises analogues que la documentation immense d’Ugolino Blasio met à notre disposition. Le volume 31, d’après lequel nous avons cité Lowth, commence par une Poetica Hebraica, Harmonica, Metrica (Leipzig 1628) de Theodor Ebert. Cet ouvrage, aujourd’hui tombé dans un oubli absolu, du professeur d’hébreu à l’université de Frankfurt/ Oder cherche à identifier la spécificité métrique de l’Ancien Testament dans l’optique de la critique érudite, écartée par Lowth et ignorée par Fritz dans son analyse de Lowth. Blasio y inclut une version latine du Discours sur la poésie des Hébreux de Claude Fleury, publié en 1731 Pierre-Nicolas Desmolets et connu dans une autre version dès 1713 à travers l’édition commentée des Psaumes par Dom Calmet. 75 Une Dissertatio de Poesi Hebraeorum de Jean Leclerc ignore dans le volume de Blasio la dispute de Boileau et de Huet puisque le professeur de philosophie d’Amsterdam se contente de réfuter, dans l’optique de la méthode de Richard Simon, la critique humaniste de Theodor Ebert ou de Franciscus Gomarus cherchant à décrire les formes métriques de la poésie biblique. L’analyse des nombreux ouvrages réunis par Blasio dépasserait largement le cadre de cet article, mais il faudra l’entreprendre un jour afin la spiritualité. Mélanges en l’honneur de Jacques Hennequin, Paris, 1996, p. 109-126, particulièrement p. 117-119. 73 Silvain, Traité du sublime, p. 24-25. 74 Ibid., p. 480. 75 Nous préparons une édition critique des Mœurs des Israélites de Claude Fleury où ces deux textes seront intégrés. Nous avons découvert dans le Ms fr 9519 de la BnF le fragment d’une Histoire de la poésie daté de 28 janvier 1673 où figure une grande partie du texte publié par Calmet. OeC01_2012_I-142End.indd 101 OeC01_2012_I-142End.indd 101 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 102 Volker Kapp d’évaluer le cadre dans lequel s’inscrit la prise en charge du Peri hypsous dans la République des lettres. Contentons-nous de quelques remarques sur Fleury pour éclairer succinctement l’état de la problématique au moment de la publication de sa traduction française. Aucun des développements de Fleury sur la poésie des Hébreux n’évoque le Peri hypsous, on pourrait donc écarter Fleury de notre propos si André Dacier ne le nommait en abordant les origines - mythiques - de la poésie chez les Grecs et les Hébreux. 76 Dacier ne se réfère toutefois pas à Longin, mais à Platon, ce qui est une manière détournée d’évoquer le Peri hypsous. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à rappeler de Erroribus magnorum vivorum in dicendo (1635) de Leone Allacci qui « recourt au Traité du sublime pour combattre l’étroit rationalisme de la critique scaligérienne ». 77 Allacci connaît et utilise le Peri hypsous dont il récuse pourtant la préférence de Démosthène par rapport à Cicéron, 78 refus qui confirme la lecture du traité par Francis Goyet. 79 Allacci n’est pas l’unique Italien à profiter au XVII e siècle du Peri hypsous, dont l’impact ne reste pas restreint aux érudits, mais se répercute aussi dans la littérature vernaculaire. Pour s’en convaincre, il faut dépoussiérer un document malheureusement peu exploré, qui répond à Boileau et contrebalance les affirmations de Dominique Bouhours. Ce jésuite s‘autorise du sublime selon Boileau pour attaquer le Tasse, qualifié d’ « affecté », et même tous les poètes italiens, auxquels il reproche qu’ils « ne sont guéres naturels, ils fardent tout ». 80 Benedetto Menzini réplique à l’Art poétique par son Dell’arte poetica (168l), poésie qui souffre des préjugés mis en circulation dès le XVIII e siècle par les adversaires de l’Académie arcadienne. Menzini n’est pas un pédant transformant la poésie mondaine de Boileau en exercice 76 Voir notre article « Poésie, imitation et morale : André Dacier et le P. Le Bossu », dans Les époux Dacier, p. 123-144, surtout p. 133-139. 77 Fumaroli, Héros et orateurs, p. 356. Selon Fumaroli, Chapelain « s’emploie à conférer à la poétique de Scaliger une sorte de légitimité officielle » (ibid.). 78 « Demostheni proximè inter Latinis accedit Cicero, cuius copiosum ingenium, vires in dicendo diuinas, acumen, splendorem, lepores quis non est admiratus ? […] ridiculi sunt, quit Demosthenem anteponant, Ciceroni offensi insultant : quemadmodum et qui Ciceronem ita extollunt, vt Demosteni praeferant » (Leo Allatius, De erroribus magnorum vivorum in dicendo dissertatione historica, Romae 1635, p. 46). Morhof pense que De erroribus « plane elegans argumentum e Rhetoricis pertractandum sumsit (Polyhistor, vol. I, p. 955). 79 « Longin oppose donc Démosthène et Cicéron. […] D’un point de vue théorique aussi bien que pratique, l’opposition est indue » (Goyet in Longin, Traité du sublime, p. 27). 80 La manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit (1705), éd. Suzanne Guellouz, 1988, p. 234-236. OeC01_2012_I-142End.indd 102 OeC01_2012_I-142End.indd 102 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 Le sublime selon Boileau et la réception européenne du Peri hypsous 103 scolaire, 81 mais un rhétoricien qui fait valoir le Parnasse italien pour invalider la prédominance réclamée par Boileau pour le Parnasse français. Le sublime est un des critères essentiels pour discriminer les poétiques française et italienne. Aux quatre chants de l’Art poétique français succède un cinquième livre consacré au sublime dans Dell’arte poetica. Menzini transforme l’hypertexte français dès le premier livre dans l’optique du sublime en insistant sur la complémentarité de la nature et du génie. 82 Il en déduit une belle image de l’art de la rime. 83 Le cinquième livre évoque le Peri hypsous et en tire des leçons importantes. Les esprits sublimes ont un don du Ciel 84 et le sublime provoque la merveille. 85 Rien de plus conforme aux convictions propagées par l’Art poétique et confirmées par les paratextes de la traduction du Peri hypsous. Mais Menzini trouve dans les meilleurs poètes italiens de Dante et Pétrarque au Tasse des preuves à l’appui de ses affirmations. En plus, il fait valoir le point de vue rhétorique en soumettant l’enthousiasme au jugement, 86 puisque la fureur poétique, qu’on égale à l’extase du Peri hypsous, ne dispense pas, selon notre poète italien, du bon sens et de la prudence. 87 Pour conclure, il faut avouer humblement l’insuffisance de ce tour d’horizon dont l’immensité des matériaux, qu’il fallait prendre en considération, empêche d’approfondir les détails. Cette vaste perspective nous semble exigée pour retourner à la dimension rhétorique du sublime à l’époque de Boileau. Nous espérons avoir mis en évidence la nécessité de scruter la problématique du sublime dans le cadre de la République des lettres européenne où la manière d’aborder le Peri hypsous est déterminée par la pratique de lire 81 Voir notre article « Das Erhabene in Menzinis Dell’arte poetica und Boileaus Deutung von Longinos Peri hypsous », dans Werner Helmich/ Helmut Meter/ Astrid Poier-Bernhard (éd.), Poetologische Umbrüche. Romanistische Studien zu Ehren von Ulrich Schulz-Buschhaus, München 2002, p. 224-239. 82 « […] la Natura […] sovrasta/ Qual nobile Regina, e l’Arte aggiunge/ Un tal contegno, che beltà non guasta » (Dell’Opere di Benedetto Menzini, tomo II, Venezia 1769, p. 120). 83 « A te ubbidir debbe la Rima appunto/ Quel buon destrier, ch’all’ombra una verga/ Volge, senz’esser battuto, e punto » (ibid., p. 123). Il ajoute qu’un long exercice « viene a trovarti in larga vena/ La Rima, e ‘l Verso andante e naturale » (ibid., p. 124). 84 « […] al Ciel la lor beata sorte/ Debbon Spirti sublimi ; e quello è pregio,/ Che sol per grazia è fatto altrui consorte./ Esser l’ingegno in Nobiltade egregio/ Mal può per Arte ; […] / Pur non fia, che del tutto invan si affanni/ L’Ingegno […] suda/ Pur di Natura a ristorare i danni. » (ibid., p. 241). 85 « Sublime è quel, ch‘ altri leggendo desta/ Ad ammirarlo/ […] l’Alma […] empie di se stesso, e la circonda/ D’una meravigliosa luce » (ibid., p. 243). 86 « Ma con l’Entusiasmo anco sen viene/ Pur da Natura il buon Giudizio » (ibid., p. 46). 87 « […] consiglier fedeli/ Senno, e Prudenza ognor stannogli accanto » (ibid.). OeC01_2012_I-142End.indd 103 OeC01_2012_I-142End.indd 103 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21 104 Volker Kapp et de commenter les litterae sur la base d’un humanisme chrétien. L’impulsion donnée par Boileau en traduisant et commentant le Traité, attribué alors à Longin, ne se réduit donc nullement à un épisode de la préhistoire de l’esthétique du siècle des Lumières, elle possède sa signification propre. OeC01_2012_I-142End.indd 104 OeC01_2012_I-142End.indd 104 09.05.12 12: 21 09.05.12 12: 21