Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
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2013
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La tentation de la croix
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2013
Sébastien Drouin
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Œuvres & Critiques, XXXVIII, 1 (2013) La tentation de la croix. Abus de la chair et amours mystiques chez Marie-Françoise Loquet Sébastien Drouin University of Toronto Scarborough D’autres fois je me sens dans de si violents transports d’amour de Dieu, & pressée d’un desir si ardent de mourir pour lui, que je ne sais que devenir : je jette des cris, & ne pouvant résister à des mouvements si vifs et impatients, je l’appelle à mon secours. Thérèse d’Ávila 1 . « L’amour divin s’exprime en paroles discrettes / Et ne se traite pas comme des amourettes » 2 : tel est l’un des griefs qu’adressa Esprit Fléchier aux quiétistes. La lecture « mystique » du Cantique des cantiques prend une ampleur inédite dans la première moitié du XVII e siècle avec les œuvres de saint Jean de la Croix et de Thérèse d’Ávila. Cette tradition tant étudiée par Henri Bremond, Jean Orcibal, Jacques Le Brun et, plus récemment, par Sophie Houdard, ne cesse pourtant pas avec le XVII e siècle, et ce, malgré les condamnations qui frappèrent Fénelon et Madame Guyon 3 . Le « pur amour » demeure toujours soupçonné de nourrir une lascivité mondaine essentiellement en raison du genre littéraire dans lequel il s’exprime souvent : la littérature 1 Thérèse d’Ávila, L’esprit de sainte Thérèse, recueilli de ses œuvres et de ses lettres, avec ses opuscules. Lyon : Pierre Bruyset-Ponthus, 1775, p. 267. 2 Esprit Fléchier, « Dialogues quatrieme sur le quiétisme », Œuvres mêlées de M. Fléchier. Lyon : Par la Société, 1712, p. 392. 3 La littérature consacrée à ces questions est fort vaste. Voir entre autres les études essentielles de Jean Orcibal, Jean de la Croix et les mystiques rhéno-flamands. Paris : Desclée de Brouwer, 1966 ; Jacques Le Brun, « Le quiétisme, entre modernité et archaïsme » et « Madame Guyon et la Bible », dans La jouissance et le trouble. Genève : Droz, 2004, pp. 475-495 et pp. 247-268 ; Sophie Houdard, Les invasions mystiques. Spiritualité, hétérodoxies et censures au début de l’époque moderne. Paris : Les Belles Lettres, 2010. Voir aussi Bernhard Teuber, Sacrificium litteræ. Allegorische Rede und mystische Erfahrung in der Dichtung des heiligen Johannes von Kreuz. München : Wilhelm Fink, 2003 ainsi que Cornelia Helfrich, Die Rezeption von Gestalt und Werk der heiligen Therese von Ávila in der französischen Literatur des 19./ 20. Jahrhunderts. Bern : Peter Lang, 2000. OeC01_2013_I-160End.indd 117 10.12.13 16: 17 118 Sébastien Drouin amoureuse. Le roman libertin ne s’y trompera d’ailleurs pas : les expressions « mystiques » lancées par de fausses saintes aux prises avec de vigoureux directeurs abondent dans la littérature érotique du siècle des Lumières. Dès lors, comment peut-on évaluer la pertinence apologétique du recours au thème de « l’amante de la croix » dans la littérature religieuse féminine du XVIII e siècle ? Le cas que nous envisageons ici d’étudier, celui de Marie-Françoise Loquet, auteure notamment de Cruzamante ou la Sainte amante de la croix (1786) et du Voyage de Sophie et d’Eulalie au palais du vrai bonheur (1781), permet de mettre en évidence la mémoire apologétique et théologique dans laquelle ses œuvres s’inscrivent, mais aussi les formes traditionnelles de mise en image de l’amour divin : l’allégorisme, l’emblématique, l’oraison, etc. C’est de cette littérature dont Madame Loquet s’inspire, alors que Cruzamante imite son Sauveur « représenté sous l’emblème de l’amour souffrant ». L’intérêt de ce type de texte, surtout dans les dernières décennies du XVIII e siècle, réside enfin dans le fait que les expressions de la littérature quiétiste se trouvent fréquemment dans les romans libertins mettant en scène des religieux et des religieuses : Ô croix, ô heureuse croix, […] ô lit douloureux, sur lequel mon Sauveur a rendu le dernier soupir, recevez moi entre vos bras, & unissez moi à mon Epoux crucifié […] 4 . L’emblème libertin, voire sadien de cette supplication, on le devine, n’aurait rien de très saint, et on peut voir dans Cruzamante, avec Jean Deprun, « un pendant anticipé aux Infortunes de la vertu, tant l’héroïne, Jeanne de la Croix d’Oliva […] rencontre sur son chemin d’obstacles, d’embûches et d’adversaires » 5 . C’est à ce titre que l’on se propose, dans cette brève étude, d’analyser les différentes traditions d’apologétique classique dont s’inspire 4 Marie-Françoise Loquet, Cruzamante ou la Sainte-Amante de la croix. Paris : Benoît Morin, 1786, pp. 74-75. 5 Sur Loquet, voir Jean Deprun, La philosophie de l’inquiétude en France au XVIII e siècle. Paris : Librairie philosophique J. Vrin, 1979, pp. 165-166 (Annexe E). L’auteur (p. 166) évoque Mademoiselle Loquet sous les traits d’une « hyper-Justine ». Voir, dans Les infortunes de la vertu, l’un des malheurs de Justine chez les moines (Paris : Jean-Jacques Pauvert, 1959, p. 137) : « Il fallait que les affreux exemples du vice récompensé se soutinssent encore dans cette circonstance, comme ils l’avaient toujours été à mes yeux à chaque événement de ma vie ; il était écrit que ceux qui m’avaient tourmentée, humiliée, tenue dans les fers, recevraient sans cesse à mes regards le prix de leurs forfaits, comme si la providence eût pris à tâche de me monter l’inutilité de la vertu ; funeste leçon qui ne me corrigea point et qui, dussé-je échapper encore au glaive suspendu sur ma tête, ne m’empêchera point d’être toujours l’esclave de cette divinité de mon cœur ». OeC01_2013_I-160End.indd 118 10.12.13 16: 17 La tentation de la croix 119 Madame Loquet que l’on pourrait, sans doute à tort, considérer comme un exemple original d’apologétique féminine dans le dernier quart du XVIII e siècle. De Marie-Françoise Loquet, on ne sait presque rien : les informations dont on dispose sur elle se résumant pratiquement à la liste de ses œuvres et à quelques renseignements qu’elle laisse filtrer dans les dédicaces et les avertissements de ses livres 6 . Elle aurait été près de la paroisse de Saint- Nicolas-du-Chardonnet, puisqu’elle dédie Cruzamante à un certain Monsieur Gros, curé de cette paroisse, « pasteur tendre & charitable », de même que le Voyage de Sophie et d’Eulalie est offert « aux dames miramionnes » qu’elle avait sans doute côtoyées dès l’enfance et dont les « vertus firent impression sur [son] cœur », alors qu’elle affirme pouvoir maintenant « considérer de plus près & […] être témoin des services [qu’elles rendent] à la Religion & à l’humanité » : Et à qui puis-je mieux offrir le récit d’un Voyage fait au Palais du Vrai Bonheur qu’à celles qui en connoissent si bien la route, & dont j’ai tracé ici la fidelle histoire sous les couleurs empruntées de la fiction & de l’allégorie ? Puissé-je suivre moi-même des guides si sûrs, &, pour marcher plus constamment sur vos pas […] 7 . Ses ouvrages les plus connus sont sans nul doute Cruzamante ou la Sainte- Amante de la croix (1786) et le Voyage de Sophie et d’Eulalie au palais du vrai bonheur (1781), deux livres qui puisent à même une riche tradition d’ouvrages apologétiques et de dévotion, bien que Madame Loquet se défende d’avoir en aucun cas emprunté ses idées à des auteurs l’ayant précédée. C’est ce qu’elle affirme dans l’avertissement de Cruzamante, alors qu’elle prétend ne pas avoir lu Le chemin royal de la croix (Regia via crucis, 1635) du bénédictin Benoît Haeften qui met en scène des dialogues entre Staurophile (du grec stauros, croix) et Jésus-Christ : Rien de plus vrai que je ne connoissois point Staurophile, lorsque j’ai inventé & composé Cruzamante. Quoique les Auteurs de ces deux Ouvrages se proposent à-peu-près le même but, leur marche, pour y arriver, est si différente, que ces deux ouvrages n’ont point le moindre trait de ressemblance. Staurophile n’est presque qu’un simple entretien de l’ame avec JESUS-CHRIST, & Cruzamante est un enchaînement d’événemens, qui deviennent de plus en plus intéressans. L’une est une 6 Voir la notice lui étant consacrée dans Fortunée Briquet, Dictionnaire historique, biographique et littéraire des Françaises et étrangères naturalisées en France. Paris : Treuttel et Würtz, 1804, pp. 212-213. 7 Marie-Françoise Loquet, Voyage de Sophie et d’Eulalie au palais du vrai bonheur. Paris : Charles-Pierre Berton, 1784 (2 de éd.), p. X. OeC01_2013_I-160End.indd 119 10.12.13 16: 17 120 Sébastien Drouin jeune personne, que son divin Maître est obligé d’instruire, de reprendre, de corriger, & l’autre est une ame privilégiée, prévenue dès son enfance d’une grace toute particulière, & saintement affamée de souffrances. Staurophile est une fille foible & timide, qu’il faut toujours encourager dans le sentier de la croix, & Cruzamante est une femme forte & courageuse, qui n’apaise le feu, qui la dévore, qu’en imitant parfaitement son Sauveur, représenté sous l’emblême de l’AMOUR-SOUFFRANT. Dans Staurophile, le discours est peu orné de figures, & le plan de l’Auteur ne le demandoit pas ; mais dans Cruzamante tout y est fiction, allégorie. Les Vertus y sont peintes avec des couleurs, qui les caractérisent au naturel ; & qui peuvent apprendre aux ames affligées, à trouver des douceurs dans les rigueurs mêmes de la croix 8 . Défendre des choix esthétiques motivés par un goût pour le docere et le delectare en prenant comme repoussoir Le chemin royal de la croix d’Haeften, qui renferme pourtant une succession de poésies et d’emblèmes mystiques (en taille-douce et en vers), montre de toute évidence l’importance qu’ont prise, au XVIII e siècle, le roman et le dialogue dans la littérature apologétique 9 . On se souvient du Magasin des dévotes de Madame Leprince de Beaumont, qui mettait en scène des dialogues et des mises en situation survenant entre dix personnages, dont neuf sont des femmes 10 . Cruzamante se veut pour sa part un « enchaînement d’événemens, qui deviennent de plus en plus intéressans » et l’on pourrait, à première vue, imaginer le texte comme un roman pédagogique à saveur religieuse. Cela est en partie vrai, puisque l’on assiste à la naissance et à l’éducation de Cruzamante chez les « Dames de la Passion » puis à son « dessein de demeurer sur le Monte-Doloroso », mais, à vrai dire, le poids de toute une tradition de littérature mystique et de dévotion semble peser sur Mademoiselle Loquet, qui n’a pas su entièrement se défaire des personnifications allégoriques et des représentations emblématiques qui caractérisent cette littérature depuis le XVI e siècle 11 . Mais avant d’en venir là, penchons-nous un moment sur les aventures extraordinaires de Cruzamante, cette « héroïne de la Croix », née « à la Vera- Cruz, un Vendredi-Saint » : 8 Loquet, Cruzamante, op. cit., pp. VII-VIII. 9 Sur ces questions, voir notamment Nicolas Brucker, Une réception chrétienne des Lumières. « Le Comte de Valmont » de l’abbé Gérard. Paris : Honoré Champion, 2006. 10 Madame Leprince de Beaumont, La dévotion éclairée ou le magasin des dévotes. Lyon : Pierre Bruyset-Ponthus, 1781. 11 Sur la question de l’emblématique, du moins en langue française, les travaux d’Anne-Élisabeth Spica ne sont plus à présenter. Voir entre autres sa monographie Symbolique et emblématique humaniste. L’évolution et les genres. Paris : Honoré Champion, 1996. OeC01_2013_I-160End.indd 120 10.12.13 16: 17 La tentation de la croix 121 Tout annonçoit la glorieuse destinée de cet enfant. Son état d’infirmité, le nom de sa ville, le jour de sa naissance, les épreuves que le Ciel envoya à sa famille, furent autant de présages, qu’une nouvelle Amante d’un Homme-Dieu crucifié paroissoit sur la terre 12 . Comme Rousseau (! ), Cruzamante donna la mort en naissant et elle vint au monde n’étant elle-même plus qu’un « squelette animé d’un soufle de vie. Toute la malignité de la maladie de sa mere s’étoit jettée sur son bras droit, & y avoit formé un abcès des plus dangereux » 13 . Grâce aux prières du comte d’Oliva, son père, et surtout aux bons soins des médecins, on ouvrit l’abcès « & on en fit l’opération en forme de croix, dont la cicatrice parut, au bras de l’enfant, le reste de ses jours ». Le comte d’Oliva entend donner à sa sœur ce petit enfant frêle né d’une union qu’il pleurera toujours. On la baptise enfin : En effet, cette enfant de la Croix étoit dans un état si pitoyable, qu’on désespéroit déjà de sa vie. Sa tante ne voulut pas qu’on différât son baptême, & elle la tint sur les sacrés fonts avec le Gouverneur de la ville. Tout fut affligeant dans cette sainte cérémonie. La foiblesse de cette enfant, les préparatifs des funérailles de sa mère, le noir chagrin qui consumoit son père, changèrent ce jour de joie en un jour de tristesse. Le nom qui lui fut imposé, répondit parfaitement aux circonstances ; on la nomma Jeanne de la Croix. On verra avec plaisir dans la suite de cette Histoire, avec quelle fidélité elle imita son illustre Patron ; tout contribua à la rendre une véritable crucifiée 14 . Mais la petite Jeanne, après diverses maladies et autres fluxions de poitrine, « étoit toujours sérieuse, triste & mélancolique » 15 . Elle déteste parures et bijoux jusqu’au jour béni où elle aperçut sa tante en train de fixer à son cou un collier portant une croix de diamants : Bientôt elle eut en sa disposition des croix en or, en argent, en ivoire, & sur-tout en bois, de toutes grandeurs : elle sut très-bien distinguer celles qui étoient ornées de l’image du Rédempteur des hommes, & celles qui ne l’étoient point. Cette différence lui fit faire des réflexions au-dessus de son âge ; en regardant une des grandes croix sans Christ, elle dit à sa tante avec naïveté : « Ma chère tante, voilà ma place sur cette croix ; mon divin Sauveur me l’a cédée, afin que j’y sois attachée, comme il est attaché sur les autres » 16 . 12 Loquet, Cruzamante, op. cit., pp. 1-2. 13 Idem, p. 3. 14 Idem, pp. 7-8. 15 Idem, p. 12. 16 Idem, p. 14. OeC01_2013_I-160End.indd 121 10.12.13 16: 17 122 Sébastien Drouin Ici commence l’éducation de cette « hyper-Justine », pour répéter le bon mot de Jean Deprun, alors que les lubies de l’amante de la croix ne font que croître. « Ses lectures favorites étoient la Passion des quatre Evangélistes » : Un jour, Cruzamante trouva un livre de Méditations sur les souffrances de Jesus-Christ ; ce livre eut beaucoup d’attraits pour elle, & lui fit trouver du goût au saint exercice de l’Oraison mentale 17 . Jeanne devient toujours plus attirée par les croix : Sa récréation la plus agréable, ou plutôt son seul délassement, étoit de considérer ses croix, de les embrasser, de les arroser de ses pleurs, & de s’y tenir attachée, comme si elle eût dû ne s’en jamais séparer 18 . Enfin, elle a comme dessein de joindre les Dames de la Passion, « en grande réputation pour élever les jeunes demoiselles » 19 . Au premier cloître qu’elle visite, voilà Jeanne de la Croix prête, contrairement à sainte Suzanne dans La religieuse, à demeurer au « Monastère de la Passion ». L’épisode de la communion de Cruzamante, qui comporte plusieurs passages imités des Cantiques spirituels de Jean de la Croix, ne peut, en cette fin de XVIII e siècle, que trop faire penser à d’innombrables passages de romans libertins qui imitent souvent l’écriture pleine d’onction de la littérature de dévotion. Levons un voile pudique : Dans ces intimes communications, elle s’écrioit souvent : « Que vous êtes beau, mon Bien-aimé, que vous êtes aimable, que vous êtes digne de toute ma tendresse ! Non, je n’aurais plus d’affection que pour vous ; vous seul serez mon guide, & je suivrai en tout vos impressions ». Ce fut dans cet océan de lumières, & dans ce fleuve de feu, que cette docile élève passa le reste de ses jours 20 . Vint enfin le séjour sur le Monte-Doloroso, où l’Époux lui demande de se fixer avec trente-deux demoiselles ; ces trente-trois personnes représentent l’âge de la mort du Christ, sans aucun doute. C’est à l’arrivée de cette légion de vierges soumises à l’Amour Souffrant que Mademoiselle Loquet fait, un peu curieusement, intervenir plusieurs personnages allégoriques : la Religion, la Foi, l’Espérance, la Charité, mais aussi, la Tiédeur, la Pusillanimité, l’Attrait du Plaisir, la Coquetterie, etc. 17 Idem, p. 17. Il s’agit sans doute des Méditations sur la passion de Jésus-Christ notre seigneur de Denis-Xavier Clément, Paris : H. L. Guekin - L. F. Delatour, 1762. 18 Idem, pp. 15-16. 19 Idem, p. 19. 20 Idem, p. 41. OeC01_2013_I-160End.indd 122 10.12.13 16: 17 La tentation de la croix 123 À quoi doit-on l’apparition subite de ces personnifications allégoriques ? Tout d’abord, à l’autorité, encore tenace, de la personnification de vices et de vertus héritée de la Psychomachie de Prudence dont l’influence sur l’art religieux médiéval et moderne est plus que considérable. Ce rassemblement de personnifications morales met aussi en évidence la plus importante des allégories ou des emblèmes autour de laquelle s’assemblent les disciples de Cruzamante, soit l’Amour souffrant : Ces jeunes Vierges admiroient en silence de si rares merveilles, lorsqu’un objet encore plus fappant se présenta à leurs regards. Des rayons, plus éclatans que ceux du soleil, sortirent tout à coup du visage de la Charité ; ces rayons se répandirent, d’une manière surprenante, sur les cœurs de Cruzamante & de Béatrice, & leur imprimèrent fortement les plaies de l’AMOUR SOUFFRANT. Ces cœurs, ainsi blessés, sentirent à l’instant, une partie des douleurs de leur Sauveur ; ils éprouvèrent ses ennuis, ses dégoûts, ses craintes & ses perplexités 21 . Mais l’Amour Souffrant, le vrai, le voici : Cruzamante, dont l’amour plus généreux rendoit les regards plus perçans, l’apperçut la première ; elle vit le plus beau des hommes, devenu l’Homme de douleurs. Ses cheveux étoient trempés d’une sueur de sang ; ses yeux versoient des larmes, & c’étoit des larmes de sang ; il marchoit nuds pieds sur des épines ; un ruisseau de sang couloit de toutes ses veines, & inondoit toute la montagne ; une croix sur ses épaules l’accabloit par sa pesanteur. Mais au milieu de l’excès de ses souffrances, son ame tressailloit d’allégresse ; son cœur étoit de tout feu, il en sortoit des flammes vives & pures, qui s’élevoient jusqu’au ciel, & dont plusieurs s’étendoient jusques sur la terre 22 . Ce mélange de représentation allégorique, de description convenue du Christ de douleurs et de quête du pur amour n’est pas sans rappeler toute la littérature dite « quiétiste » représentée de façon éloquente par les activités de Madame Guyon, dont on réédite les œuvres à plusieurs reprises au XVIII e siècle. On lui doit notamment une réédition, en 1717, des Emblèmes du jésuite Hugo Hermann et d’Otton Vænius relus notamment à la lumière de la 21 Loquet, Cruzamante, op. cit., p. 115. Sur le thème du Christ crucifié dans l’art et la littérature, voir l’article de Robert Ricard « Le thème du Jésus crucifié chez quelques auteurs espagnols du XVI e et du XVII e siècle », Bulletin hispanique, 57 (1955), pp. 45-55. 22 Idem, pp. 108-109. OeC01_2013_I-160End.indd 123 10.12.13 16: 17 124 Sébastien Drouin mystique aviléenne et cruzéenne 23 dans laquelle elle explique l’importance et la fonction des ouvrages d’emblèmes « spirituels » : [...] sous le voile de diverses figures, [ils] essayent pieusement de tourner nos ames vers Dieu, les uns en nous imprimant à l’esprit certaines idées ou considérations qui nous menent à penser à lui, les autres en réveillant dans notre CŒUR des mouvemens affectifs qui nous portent à l’ AIMER & à rechercher saintement son union & sa possession parfaite & éternelle ; méthode qui est incomparablement préférable à celle de la simple spéculation […] 24 . Madame Guyon explique bien la fonction propédeutique de l’emblème dont le mariage de poésie et d’illustration est davantage susceptible de toucher ceux qui ne sont pas capables « de proceder par la voie de la tête & des spéculations » 25 . La liste, nombreuse, des figures en taille-douce et des vers les accompagnant constitue, à nos yeux, le modèle d’emblème de l’amour divin dont s’inspire Mademoiselle Loquet dans Cruzamante. Les liens qu’entretient le « roman » de Loquet avec la tradition de la littérature emblématique s’observent en cette pléthore de descriptions de personnages allégoriques et de représentations « emblématiques » de l’amour divin et de l’amour souffrant. Il s’agit sans doute d’une de ces nombreuses manifestations de perte du sens anagogique de l’emblématique humaniste qui, en voyant sa signification vidée de sa portée herméneutique et théologique, se retrouve réduite à un ornement, voire même à une simple description. Cette apparition de l’emblématique des jésuites flamands du XVI e siècle venant éclairer les effets d’hypotypose d’un livre de dévotion de la fin du XVIII e siècle peut surprendre. On sera dès lors peut-être encore plus surpris de constater qu’il n’est pas impossible que Mademoiselle Loquet, dans une autre de ses œuvres, le Voyage de Sophie et d’Eulalie au palais du vrai bonheur, se soit inspirée d’un autre type de littérature religieuse encore une fois intimement associé à saint Jean de la Croix et à Thérèse d’Ávila : celle du voyage allégorique de dévotion. 23 Voir Jeanne-Marie Guyon, L’Âme amante de son dieu, représentée dans les Emblêmes d’Hermannus Hugo sur ses pieux désirs et dans ceux d’Othon Vænius sur l’amour divin. Avec des figures nouvelles, accompagnées de vers qui en font l’application aux dispositions les plus essentielles de la Vie intérieure. Cologne : Jean de La Pierre, 1717. L’auteure y évoque Thérèse d’Ávila : « Une grande Sainte des derniers siécles nous a laissé par écrit sur le sujet de sa conversion, que la vûe d’une peinture qui représentoit Jesus Chrit tout couvert de plaies, fit un tel éfet sur elle, que, dit-elle, je me sentis toute pénétrée de l’impression qu’elle fit en moi par la douleur d’avoir si mal reconnu tant de soufrances endurées par mon Sauveur pour mon salut […] » (p. IX). 24 Idem, p. XI. 25 Idem, p. X. OeC01_2013_I-160End.indd 124 10.12.13 16: 17 La tentation de la croix 125 Tout comme les épousailles mystiques de l’âme et de Jésus-Christ, le pèlerinage allégorique consiste en une tradition de littérature spirituelle fort ancienne dont il ne nous appartient pas de refaire l’histoire ici. Rappelons seulement que ce type de texte apparaît dès le Moyen Âge, notamment chez Guillaume de Digulleville, pour se poursuivre avec constance durant tout l’âge moderne 26 . Certes, le XVIII e siècle n’est pas précisément connu pour avoir produit de nombreux types de pèlerinages spirituels, alors que c’est plutôt pour Cythère que l’on préfère partir en pèlerinage. Le Voyage pour le palais du vrai bonheur publié par Mademoiselle Loquet « sous des images riantes et sensibles », comme l’indique le titre, est un de ces ouvrages de dévotion qui se présente sous la forme de pèlerinages spirituels et, conséquemment, allégoriques. « L’avis du Libraire » en atteste lorsqu’il décrit le volume comme : [Un] recueil d’instructions morales, & un enchaînement d’événemens intéressans, ou plutôt une histoire de la Piété, ornée d’emblêmes ingénieux, de figures allégoriques, de descriptions poétiques, & de discours pathétiques. C’est, dans l’ordre du spirituel, une espece de Protée qui prend toutes sortes de formes pour s’insinuer, pour plaire, pour instruire & pour toucher 27 . La table des matières, que l’on a fait figurer bien en vue dès le début de l’ouvrage, se présente plutôt sous la forme d’un répertoire des personnifications allégoriques que l’on s’attendra à voir surgir lors du voyage d’Eulalie et de Sophie. Le premier chapitre s’ouvre d’emblée sur la description de ce magnifique palais du vrai bonheur : « c’est l’éternel séjour de toutes les intelligences qui sont parvenues au comble de la sainteté » 28 ; c’est la Jérusalem céleste décrite dans l’Apocalypse : Le chemin qui y conduit en est rude & étroit. Cependant, deux Compagnes nommées Sophie & Eulalie, entreprirent, malgré la délicatesse de leur âge & de leur sexe, ce pénible voyage. Elles en soutinrent les fatigues avec un courage & une constance héroïques. A l’aide des Vertus qu’elles rencontrerent dans leur passage, elles arriverent enfin au terme, cet objet si digne de tous leurs desirs. C’est ce merveilleux voyage dont on va raconter avec naïveté l’admirable & pieuse histoire 29 . Le lecteur nous pardonnera de ne pas donner le détail de ce périple des plus édifiants. Ce que nous aimerions mettre plutôt en évidence, c’est l’intertexte 26 Guillaume de Digulleville (1295 ? -1380 ? ) est l’auteur d’un Pèlerinage de vie humaine qui fut réédité à maintes reprises aux XV e et XVI e siècles. 27 Loquet, Voyage de Sophie et d’Eulalie, op. cit., p. XI. 28 Idem, p. 2. 29 Idem, p. 4. OeC01_2013_I-160End.indd 125 10.12.13 16: 17 126 Sébastien Drouin à l’œuvre ici, car, à nos yeux, Mademoiselle Loquet s’inspire dans ce texte d’un curieux ouvrage qui est à la fois un classique de la littérature de dévotion et du pèlerinage allégorique. Le célèbre graveur Boetius Adam Bolswert fit paraître en 1627 un livre intitulé Duyfkens ende Willemynkens Pelgrimagie tot haren beminden binnen Jerusalem […] qu’il a non seulement gravé, mais aussi composé. L’on pourrait simplement croire qu’il s’agit d’une énième manifestation du chemin spirituel vers la Jérusalem céleste, mais ce pèlerinage allégorique se présente sous la forme d’un petit livre de dévotion dont le succès fut considérable aux XVII e et XVIII e siècles. Ce qui est d’autant plus intéressant pour notre propos, c’est que Bolswert, avec cet ouvrage, semble avoir lancé pour de bon la mode des pèlerinages spirituels réalisés par deux jeunes dames dont Marie-Françoise Loquet s’inspire encore à la fin du siècle des Lumières. Mademoiselle Loquet n’a évidemment pas consulté l’ouvrage tel qu’il fut publié, c’est-àdire en néerlandais, mais a vraisemblablement eu connaissance des versions françaises. Grâce à la notoriété de l’auteur, qui fut l’un des maîtres d’œuvres des célébrissimes Pia desideria - un recueil d’emblèmes dédié à Urbain VIII dont la fortune fut immense 30 -, les pérégrinations spirituelles de Bolswert furent très tôt traduites en français sous le titre de Pèlerinage de Colombelle et Volontairette vers leur bien-aimé dans Jerusalem, comme on l’apprend dans une réédition sans date publiée après 1750 : A peine cet ouvrage, destiné à l’instruction des jeunes Demoiselles, eut-il été publié, qu’on en fit une traduction française dont le style informe et grossier ne dut pas beaucoup plaire 31 . On compte d’innombrables rééditions du texte qui, au fil des décennies, est en effet réécrit et purgé du style « informe et grossier » de la première traduction, qui date sans doute de 1636 32 . N’oublions pas que ce pèlerinage spirituel devait d’abord être non seulement de nature allégorique, mais également « emblématique ». Bolswert, graveur et concepteur d’emblèmes 30 Le jésuite Hugo Hermann fut non seulement l’un des maîtres d’œuvres des Pia Desideria, mais aussi d’un autre recueil d’emblèmes publié avec Otton Vænius, qui a été mentionné plus haut, puisqu’il avait été réédité par les bons soins de Madame Guyon et de son entourage. Voir une intéressante traduction française : Les justes sentimens de la piété, exposez sous des Emblemes familiers. […] Sur l’idée d’un livre latin, qui a pour titre, Pia desideria, traduit en françois par un Missionnaire. Paris : Edme Couterot, 1684. 31 Boetius Adam Bolswert, Le pèlerinage de deux sœurs Colombelle et Volontairette. Paris : H. Nicolle, [s.d.], pp. VII-VIII. 32 Dans l’édition de 1734 (Liège : J. F. Broncart), on peut lire les mêmes remarques sur le style de la traduction de 1684 (n.n., f ° . I-II), tandis que l’ouvrage mentionne cette édition « plus pure & plus chatiée que la premiere, qui est déjà surannée ». OeC01_2013_I-160End.indd 126 10.12.13 16: 17 La tentation de la croix 127 sacrés, fait intervenir dans ses gravures des maximes religieuses, certes simples, mais qui reposent malgré tout sur le sens anagogique de l’Écriture. Ce sens, selon la tradition exégétique, convoque des interprétations associées à la quête de la vie céleste. C’est pourquoi Colombelle ira sur ce chemin en recherchant « paix & amour de son Amant en la Beatitude éternelle » 33 . Bien plus tard, dans la seconde moitié du XVIII e siècle, bien que le prestige de l’emblème et de l’allégorie se soit largement estompé, la littérature de dévotion ne craint pas de recourir à ce type d’artifice dont certains apologistes se défient toutefois : Cet ouvrage est écrit en forme de dialogue, manière si goûtée et si recherchée des anciens. Il présente une suite d’allégories ingénieuses où les événemens les plus ordinaires de la vie, comme les diverses passions qui l’agitent, sont représentées au naturel, et forment un contraste frappant avec les sentimens nobles qu’inspire la lecture des Livres Saints, aidée des exemples et des leçons salutaires des moralistes les plus vertueux. Ces allégories au reste sont aisées à comprendre, et l’explication qui y est jointe, est à la portée des personnes les moins intelligentes, sans excepter les enfants eux-mêmes dont elles piquent vivement la curiosité 34 . Même si dans l’ouvrage de Mademoiselle Loquet, on trouve un avis du libraire vantant les charmes de ces « emblèmes ingénieux », des « figures allégoriques », des « descriptions poétiques », et des « discours pathétiques », l’auteur de ce petit avertissement, quel qu’il soit, souhaite également toucher les cœurs, cela tant par la « secrète onction qui porte à réaliser dans le cœur & dans les œuvres les grandes vérités », que par le fait que Mademoiselle Loquet « parle d’après l’expérience », ce qui veut dire, ici, selon le « langage du sentiment ». Marie-Françoise s’exprime d’ailleurs avec bien plus de clarté que son libraire. Si elle a employé des figures, c’est à contrecœur : On n’a pas cherché à l’orner avec art d’images riantes, d’emblèmes ingénieux, de figures allégoriques, de charmantes descriptions. On néglige tous ces vains ornemens ; & c’est avec une espece de regret qu’ils y trouvent naturellement leurs places. On s’y attache sur-tout aux instructions morales, aux discours simples & pathétiques, qui font voir, à n’en point 33 Boetius Adam Bolswert, Pèlerinage de Volontairette et Colombelle. Anvers : Henry Aertssens, 1636, n.n., f ° . II. Il poursuit en ces termes : « D’avantage, il est plus que raison, qu’avec bien-seante civilité honneur ie vous offre ce Liuret, & principalement ce iour de May, quand vous devez estre plus politement ornées & parées avec toute sorte de vertudre, rameaux, guirlandes, & chapeaux des fleurs, & estre excitées à aimer ardemment le fidel Amant de Colombelle, qui est nommé en ce Livret ». 34 Boetius Adam Bolswert, Le pèlerinage de deux sœurs Colombelle et Volontairette. Paris : H. Nicolle, [s.d.], pp. IX-X. OeC01_2013_I-160End.indd 127 10.12.13 16: 17 128 Sébastien Drouin douter, qu’on ne souhaite que d’y exposer le langage de la vérité & la rhétorique du cœur 35 . Dans ce livre oublié de Marie-Françoise Loquet, se donne ainsi à voir une manifestation extrêmement claire, pour nous du moins, des profondes et complexes transformations que connait l’apologétique catholique à l’âge classique. Le pèlerinage allégorique de dévotion mettant en scène deux jeunes filles est un produit de la Contre-Réforme telle qu’elle s’exprime dans les milieux jésuites anversois : par l’emblématique dont l’usage s’inscrit dans une conception du langage et même de l’expérience religieuse comme devant être nécessairement au centre d’une médiation entre le croyant et l’objet de sa piété - le Christ. C’était là le projet des jésuites. Toutefois, et cela s’observe d’ailleurs dans le petit ouvrage de Bolswert que l’on qualifie parfois de « spiritualiste » 36 , l’emblème spirituel peut évidemment appartenir à d’autres sensibilités. C’est bien pour cela que Madame Guyon s’intéresse à cette question, puisque l’emblème, contrairement à la « spéculation », peut mener à une union plus directe avec Dieu. Mademoiselle Loquet, qui produit son œuvre à la fin du siècle des Lumières, ne pouvait qu’envisager l’union entre l’âme et le Christ selon une conception du langage qui, comme elle le dit si bien, s’enracine dans une « rhétorique du cœur ». Tout cela fait beaucoup pour une auteure dont plus personne ne parle et que seulement de téméraires dix-huitiémistes osent lire. La tradition quiétiste est sans aucun doute présente dans l’œuvre de Marie-Françoise Loquet ; une œuvre apologétique s’apparentant aussi à la littérature de dévotion populaire, dans la mesure où elle entend s’adresser aux jeunes filles qui encourent les dangers du « monde », mais une œuvre qui n’est certainement pas antiphilosophique. Cette littérature que l’on pourrait qualifier de néo-quiétiste n’a pas réglé la question brûlante de l’équivoque du langage amoureux dans la littérature religieuse. Nous citions à l’incipit de cet article le mot d’Esprit Fléchier : « L’amour divin s’exprime en paroles discrettes / Et ne se traite pas comme des amourettes ». Mademoiselle Loquet, pratiquement un siècle après de tels avertissements, tombe sous la férule de ce jugement. Sa propension héritée de Thérèse d’Ávila et de Jean de la Croix à peindre l’union de l’âme avec le Christ avec des expressions profanes (même si elles s’inspirent du Cantique des cantiques) est encore plus susceptible, au contraire, de se voir 35 Loquet, Le voyage de Sophie et d’Eulalie, op. cit., pp. 4-5. 36 Biographie nationale. Bruxelles : Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, 1868, p. 660. L’ouvrage y est qualifié d’« opuscule de tendance spiritualiste ». OeC01_2013_I-160End.indd 128 10.12.13 16: 17 La tentation de la croix 129 apparentée à une sorte de sexualité refoulée dont le XVIII e siècle n’a pas attendu un savant autrichien du XIX e siècle pour rendre compte. Il n’est pas rare de trouver dans la littérature libertine du siècle des Lumières des pastiches de cette littérature pleine « d’onction ». Les auteurs du XVIII e siècle, qu’ils soient d’ailleurs libertins ou non, semblent souvent vaguement scandalisés par cette dévotion pleine de fureur ayant pour but ultime d’épouser Jésus-Christ. Un bon nombre de romans libertins, on le sait bien, se déroulent dans des cloîtres, dans des monastères, dans des églises, bref dans des lieux précisément dédiés à la prière qui, selon les quiétistes, doit conduire à l’amour pur et à l’union extatique. Ces mêmes textes libertins s’amusent à pasticher cette littérature de dévotion que les contemporains n’hésitent pas à ranger sous la catégorie des fureurs hystériques. Les emblèmes spirituels deviennent avec le temps de simples hypotyposes que le temps s’est chargé de délester de ses significations par trop absconses ; la gravure libertine sert dès lors d’emblème de luxe à des descriptions qui semblent ne pouvoir se passer d’images. Qu’en est-il, enfin, de l’œuvre du « divin Marquis » dont le rapport avec la théologie dépasse largement les badinages cyniques de la plupart des romanciers libertins ? « L’amante de la croix » chez Sade est crucifiée. La douleur espérée par les macérations religieuses et la contemplation de l’amour souffrant que représentent le Christ et l’ « Amour souffrant » dans l’œuvre de Marie-Françoise Loquet trouvent un contrepoint dans l’esthétique de la profanation et de la torture que Sade, à coup sûr fort savant en religion, s’est fait un plaisir sans doute jouissif, car douloureux, à représenter à son tour. OeC01_2013_I-160End.indd 129 10.12.13 16: 17
