Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
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2014
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"Être romantique au Canada, en 1920"
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Luc Bonenfant
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Œuvres & Critiques, XXXIX, 2 (2014) « Être romantique au Canada, en 1920 » Luc Bonenfant Les écrivains canadiens du XIX e - siècle ont été attentifs aux modalités nouvelles permises par l’inscription esthétique de la Subjectivité moderne. 1 Romantiques par la tonalité, ils le sont aussi par la forme, notamment par l’assouplissement graduel du vers et, chez un poète comme Charles Lévesque, la pratique toute romantique du verset. La littérature canadienne du XIX e - siècle n’aurait ainsi rien à envier à la littérature française : si le romantisme s’y inscrit différemment c’est, comme l’écrit Maurice Lemire, « non pas parce que les Canadiens le connaissent moins bien, mais parce que, dans leur milieu, il répond moins bien à leurs besoins 2 ». Or ce « besoin » n’a peut-être jamais été aussi vif qu’au moment de la crise de la représentation qui a fait s’opposer les régionalistes et les exotiques au XX e -siècle. Car s’il est un usage critique qui consiste à rabattre le romantisme sur le XIX e - siècle, justement parce qu’il « coïncide[rait] avec les premiers pas d’une littérature chargée par plusieurs d’une fonction importante : célébrer l’âme, la langue et le passé du peuple pour construire son identité nationale 3 », les littératures régionaliste et exotique sont un indice probant de ce que le romantisme s’étend, en terre canadienne, jusqu’au moins dans le premier tiers du XX e - siècle. Par la reprise thématique et formelle d’un certain romantisme, nombreuses sont en effet les œuvres qui offrent alors une représentation idéaliste du monde. Dans ce contexte, ce qui apparaît comme une vision du monde transparaissant des œuvres se transformera même, chez les exotiques, en une attitude franche de défi qui s’apparente à celle de gilets rouges dans la littérature canadienne. Occupés à définir les assises de leur littérature, que certains veulent représentative de la collectivité alors que les autres la désirent libre de toute doctrine hétéronome, les 1 Cf. entre autres : Maurice Lemire, Le romantisme au Canada. Québec : Nuit blanche, 1993 et Marie-Frédérique Desbiens, La plume pour épée. Le premier romantisme canadien, thèse de Ph.D. : Université Laval, 2005. 2 Maurice Lemire, « Introduction », ibid., p.-10. 3 Thomas Mainguy, Poésie et ironie chez Jean-Aubert Loranger, Saint-Denys Garneau, Roland Giguère et Jacques Brault, thèse de Ph.D. : Université McGill, 2013, pp.-22-23. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 103 16.04.15 07: 37 104 Luc Bonenfant écrivains canadiens du début du XX e -siècle ne semblaient ainsi que pouvoir être romantiques, que ce soit par l’image projetée de leurs œuvres ou par l’attitude qu’ils adoptèrent. L’horizon romantique Après Nelligan, qui ne serait « pas pour les écoliers » en raison de son « tempérament romantique 4 », René Chopin agitera par exemple une nostalgie propice au déploiement d’une subjectivité lyrique évocatrice des ruines « où s’effrite [s]on cœur 5 ». Peu importe d’ailleurs qu’ils se rangent du côté des régionalistes ou de celui des exotiques : les poètes convoquent alors constamment les écrivains du siècle précédent et, au tournant des années 1920, « l’esthétique romantique imprègne encore largement l’œuvre de plusieurs poètes, surtout des jeunes en début de carrière 6 ». Tout semble ainsi se passer comme si le sujet poétique canadien insistait, au cours des premières décennies du XX e - siècle, pour se penser depuis une attitude essentiellement romantique. Dès lors que « le rythme des poèmes de Dion Lévesque reste celui de la grande poésie romantique et parnassienne 7 », celui des chansons de Louis Dantin semble emprunter à la voie populaire, ouverte au siècle précédent, d’un Béranger ou d’un Dupont. Et la désespérance dite par Desrochers rappelle Rousseau tout autant que les accents chateaubrianesques de René : « J’ai trop connu combien les hommes sont méchants,/ Pour qu’une cruauté nouvelle ne m’émeuve./ Ce que je veux subir, c’est une douleur neuve 8 ». De ce point de vue, la poésie féminine ne semble pas en reste. L’« âme émerveillée 9 » de Marthe des Serres dégage en 1924 une sensibilité tout à fait conforme à celle des œuvres poétiques qui lui sont contemporaines. L’« indomptable rêveuse 10 » de Jovette Bernier déploie la même année un fantasme intérieur dont Albert Pelletier dira que « personne encore chez 4 C.E.B., « Émile Nelligan, poésies », Le Canada Français (juillet 1946). 5 René Chopin, « Je contemple mon rêve… », Le cœur en exil. Paris : Georges Crès et cie, 1913, p.-134. 6 Maurice Lemire et Denis Saint-Jacques (dirs.), La vie littéraire au Québec. Tome VI. 1919-1933. Québec : Presses de l’Université Laval, 2010, p.-372. 7 Ibid. 8 Alfred Desrochers, « Désespérance romantique », À l’ombre de l’Orford précédé de L’offrande aux vierges folles. Édition critique par Richard Giguère. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 1993, p.-141. 9 Marthe des Serres, « Le matin descend », Opales. Montréal : G. Ducharme, 1924, p.-12. 10 Jovette Bernier, « Indomptable rêveuse », Roulades…. Rimouski : Imprimerie générale S. Vachon, 1924, p.-17. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 104 16.04.15 07: 37 « Être romantique au Canada, en 1920 » 105 nous […] n’a exploré et révélé les recoins intimes de l’âme féminine avec cette acuité 11 ». Éva Sénécal, dont le premier recueil date de 1927, ne cache pas qu’elle est une lectrice avide de Lamartine et de Musset alors que, de Medjé Vézina, le père Lamarche conclut en 1934 qu’il faut lire « son plus beau poème : Agenouillement, dont l’harmonie prenante soutient la comparaison avec les plus grands romantiques 12 ». Les renvois épigraphiques de Bleu poudre. Le credo du matin, publié en 1939, ébauchent quant à eux un univers lyrique qui assigne Hugo et Lamartine dans deux poèmes différents et Desbordes-Valmore dans trois autres. Et Michelet de les côtoyer en tant qu’observateur lyrique de la Nature plutôt que comme historien : « Ces pontifes ailés de l’hymen des fleurs… esprit embaumé des fleurs. - Michelet 13 ». Faut-il conclure de cela un romantisme suranné des œuvres, ou une propension à la naïveté sentimentale qui confirmerait ce « diagnostic de conformité, tant du point de vue des valeurs que de celui du projet esthétique 14 » que l’on pose trop souvent sur l’écriture des femmes, en oubliant que les hommes ont eux aussi usé de la référence romantique ? De fait, le foisonnement de cette référence apparaît justement trop saillant pour ne pas être autrement intelligible : si les écrivains canadiens lisent encore les écrivains romantiques européens dans le premier tiers du XX e - siècle, les traces de leurs lectures ne peuvent être réduites à la simple formulation esthétique de codes rhétoriques et figuraux homologués. Qu’elle soit tonale ou formelle, la persistance romantique semble ainsi se donner à lire comme le signe particulier d’un réinvestissement esthétique conforme à l’ethos alors constitutif de la littérature canadienne. À cet égard, les textes poétiques découvrent pratiquement tous un sujet lyrique individué qui est aussi idéaliste par la formulation qu’il offre du monde. De ce point de vue, la poésie régionaliste déploie une attitude qui ne se distingue pas toujours nettement de celle de la poésie exotique. Blanche Lamontagne-Beauregard peut donc écrire : 11 Albert Pelletier, Carquois. Montréal : Librairie d’action canadienne-française, 1931, pp.-112-117. Cité dans Daniel Chartier, L’émergence des classiques. Montréal : Fides, 2000, p.-181. 12 M.-A. Lamarche (O.P.), « Chaque heure à son visage », La Revue dominicaine (juin 1934). 13 Marie Anna Fortin, « Les abeilles », Bleu poudre. Le Credo du matin. Montréal : Impr. Le Devoir, 1939, p.- 114. Le texte de Michelet va ainsi : « Les fleurs ne sont plus solitaires ; la prairie est devenue par elle une société où tous s’entendent et tous s’aiment, initiés à l’hymen par leur petit pontife ailé ». - Jules Michelet, L’insecte. Paris : Librairie de L. Hachette et cie, 1867. 14 Chantal Savoie, « Pour une sociopoétique historique des pratiques littéraires des femmes », Lire UMR 5611, http: / / lire.ish-lyon.cnrs.fr/ IMG/ pdf/ Pour_une_socio. pdf, p.-3 (consulté le 9 juin 2014). OeC02_2014_I-116_Druck.indd 105 16.04.15 07: 37 106 Luc Bonenfant Que je te loue, et qu’à te chanter je m’enivre Ô Printemps ! Que mon cœur chante avec l’univers ! Je ne veux plus qu’aimer et que me laisser vivre Puisque la feuille s’ouvre et que les prés sont verts ! … 15 alors que Paul Morin chante : Lorsque je serai vieux, lorsque la gloire humaine Aura cessé de plaire à mon cœur assagi, […] J’irai sans un regret et sans tourner la tête, Dans l’ombre du torride et de l’âpre Orient Attendre que la mort indulgente soit prête À frapper mon corps las captif, et patient. 16 On aura tôt fait de voir les différences entourant ces deux poèmes, le second dégageant un décadentisme crépusculaire qui reste innommable au premier. Pour autant, régionaliste chez la première et exotique chez le second, le Je y concourt à découvrir les termes d’un rapport idéaliste, et foncièrement romantique, au monde. Pensé depuis ce terme, le romantisme canadien-français du début du XX e - siècle découvre un ethos partagé par les textes ou, pour le dire autrement, une attitude commune adoptée par les écrivains canadiens en vue d’envisager le monde dont il s’agit pour eux de renvoyer l’image. Le romantisme offre de la sorte un regard particulier dont le prisme donne à voir et à sentir un rapport particulier au monde. Posture existentielle donc, ou « manière d’être », qui se traduit en retour dans les termes esthétiques de l’œuvre publiée et dont l’efficacité tient à la structuration discursive qu’elle permet, cela qu’il s’agisse de défendre la thèse régionaliste ou celle, qui lui est alors opposée, du primat de l’art. * « Manière d’écrire, le romantisme est aussi manière de vivre, pensée sociale et politique 17 », comme l’écrit Marie-Frédérique Desbiens. Il n’en fallait sans doute pas plus pour que des écrivains poussent la logique de cet ethos de manière à le transformer en posture, ce que les nigoguiens feront alors que « les propos du Nigog provoqueront les querelles les plus vives 18 ». Les écri- 15 Blanche Lamontagne-Beauregard, « Bonheur printanier », La moisson nouvelle. Montréal : Librairie de l’Action française, 1926, p.-13. 16 Paul Morin, « La rose au jardin Smyrniote », Poèmes de cendre et d’or. Montréal : Éditions du Matin, 1922, pp.-207-208. 17 Marie-Frédérique Desbiens, op.-cit., p.-3. 18 Annette Hayward, La querelle du régionalisme au Québec (1904-1931). Vers l’autonomisation de la littérature québécoise. Ottawa : Nordir, 2006, p.-282. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 106 16.04.15 07: 37 « Être romantique au Canada, en 1920 » 107 vains et les intellectuels réunis autour de la revue endosseront pleinement la position qui est la leur et, ce faisant, ils développeront une posture qui s’articulera comme un geste volontaire d’affront, « sorte de mise en scène médiatique 19 » de l’ethos alors courant dans les œuvres. Et si « la ‘posture’ est la manière singulière d’occuper une ‘position’ dans le champ littéraire 20 », les nigoguiens seront donc romantiques au Canada comme un Stendhal ou un Hugo avaient pu l’être avant eux en France. Tels un Stendhal devant l’Académie… Du fait de sa marginalité au sein du champ culturel canadien-français, l’exotisme apparaît comme le lieu idéal du développement d’une posture romantique alors que les nigoguiens revendiquent explicitement la possibilité pour l’œuvre d’art d’être libre et non académique, cela dans un rapport antagoniste explicite face au public et aux autres acteurs du champ littéraire. L’ethos romantique qui imprègne alors les œuvres de pratiquement tous les poètes se transforme chez eux en une attitude plus explicite, mais aussi certainement distinctive, « la posture littéraire identifi[ant] l’auteur dans le champ et format[ant] l’horizon de réception 21 » de son œuvre. Être exotique en 1918, ce serait donc être romantique au sens où l’entendait Stendhal un siècle auparavant, « dans la revendication d’une autonomie de l’esthétique 22 ». En effet, le texte liminaire du Nigog fait penser sous plusieurs égards au premier Racine et Shakespeare. Car les nigoguiens veulent au premier chef combattre l’ignorance dans le domaine esthétique et, ce faisant, l’apathie concurrente à l’acceptation par le public de préjugés doxiques relatifs à l’art. « Il est temps, écrivent-ils, que la critique soit un sérieux enseignement général et non plus un complaisant bénissage d’œuvres puériles et inhabiles 23 ». Or cette complaisance avait justement fait l’objet de la détraction stendhalienne à l’égard du « genre niais de l’ancienne école française 24 », qui s’obstinait résolument à respecter les 19 Jérôme Meizoz, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur. Genève : Slatkine érudition, 2007, p.-15. 20 Ibid., p.-18. 21 Ibid., p.-31. 22 Michel Crouzet, « Notice », Racine et Shakespeare (1818-1825) et autres textes de théorie romantique. Paris : Honoré Champion, 2006, p.-263. 23 « Signification », Le Nigog, 1 (1918), p.-2. Toutes les citations tirées du Nigog seront dorénavant suivies de Nigog et du numéro de pages entre parenthèses dans le corps du texte. 24 Stendhal, Racine et Shakespeare. Études sur le romantisme. Paris : Garnier-Flammarion, 1970, p.-51. Désormais RS suivi du numéro de pages entre parenthèses dans le corps du texte. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 107 16.04.15 07: 37 108 Luc Bonenfant règles d’unité de la tragédie pourtant peu propices au déploiement d’œuvres qui sauraient selon Stendhal procurer un véritable « plaisir dramatique » (RS, 53 ; Stendhal souligne). Les nigoguiens tout autant que l’écrivain français n’hésitent pas à renvoyer leurs adversaires à la bêtise et à la sottise supposées de leurs perspectives. « C’est le but du Nigog de tenter une réunion des esprits cultivés et de diffuser des idées artistiques dégagées de l’ignorance et de la niaiserie » (Nigog, 3). Il ne s’agit pas de refaire ici le portrait agoniste de cette rhétorique, déjà admirablement brossé par Dominique Garand, 25 mais de montrer plutôt qu’elle découvre implicitement ses antécédences dans le diagnostic posé par Stendhal : Tout porte à croire que nous sommes à la veille d’une révolution semblable en poésie. Jusqu’au jour du succès, nous autres défenseurs du genre romantique, nous serons accablés d’injures. Enfin, ce grand jour arrivera, la jeunesse française se réveillera ; elle sera étonnée, cette noble jeunesse, d’avoir applaudi si longtemps, et avec tant de sérieux, à de si grandes niaiseries. (RS, 51-52 ; Stendhal souligne) À l’instar du romantique, l’écrivain exotique est accablé par ceux qui se rangent alors du côté du pouvoir symbolique. Nombreux sont les « Auger »-canadiens, « imbéciles et […] malveillants » (Nigog, 3), qui empêchent la jeunesse d’« augmenter cette culture dans le domaine artistique et à exalter les réputations injustement obscures » (Nigog, 4). Les nigoguiens souhaitent l’avènement d’une révolution dans les arts ; leur mot d’ordre reste à cet égard la liberté, concept central de la doctrine romantique telle que la défendait Stendhal. Récusant les embrigadements, pourfendant la facilité, l’écrivain exotique pense comme l’écrivain français selon qui le romantique, être résolu s’il en est, ne connaît pas la pusillanimité, réservée au classique et aux tenants de l’académisme : « Il faut du courage pour être romantique, car il faut hasarder. Le classique, prudent, au contraire, ne s’avance jamais sans être soutenu, en cachette, par quelque vers d’Homère, ou par une remarque philosophique de Cicéron » (RS, 72 ; Stendhal souligne). Comme le romantique, l’exotique est donc de ceux qui s’exposent en prenant le parti du Beau, « premier but des arts » (RS, 178). Et si Stendhal nous avait prévenu qu’il existe autant de formes de Beau que de « formes de nez différentes » (RS, 184), les rédacteurs du Nigog reconnaissent quant à eux que « l’Art est plus complexe qu’on imagine » et que « la seule technique, en dehors des significations supérieures, demande 25 Garand a en effet donné des analyses éclairantes des enjeux pragmatiques et énonciatifs de cette polémique dans La griffe du polémique. Le conflit entre les régionalistes et les exotiques (Montréal : L’Hexagone, 1989). OeC02_2014_I-116_Druck.indd 108 16.04.15 07: 37 « Être romantique au Canada, en 1920 » 109 des connaissances particulières » (Nigog, 3).- C’est pourquoi l’on ne saurait réduire l’Art, « seul but de notre effort [et] seul critère de notre critique » (Nigog, 3), aux formulations toutes faites d’esthétiques académiques : « en quoi voulez-vous que la brouette du fils de M. Bellemare, décrite et célébrée en poésie et en prose, parvienne jamais à nous créer une littérature originale ? » (Nigog, 254) Les nigoguiens reprennent ainsi de manière implicite une posture endossée un siècle plus tôt dans le cadre du romantisme français naissant. Comme Stendhal s’opposant énergiquement à l’Académie, ils y vont de déclarations péremptoires qui leur permettent de se situer du côté de la nouveauté et de ce qu’ils considèrent être l’intelligence. À propos de Roquebrune écrivant dans les pages du Nigog, Dominique Garand remarque ceci : […] il déclare : « Jamais nous n’en resterons à Racine et nous ne craignons pas d’affirmer qu’un Verlaine est aussi nécessaire à la littérature française que l’auteur d’un Phèdre », ce qui permet d’identifier l’Ennemi comme un tenant du classicisme, rébarbatif aux symbolistes et aux décadents. 26 Or le symbolisme n’est-il pas justement un romantisme de la fin du XIX e - siècle ? De l’un à l’autre mouvement, la rhétorique se répète presque à l’identique alors que, dans le manifeste qu’il publie en 1886, Moréas avait finalement fait du romantisme une forme nouvelle du classicisme, le déclarant périmé parce que « rangé 27 ». C’est à ce compte qu’il pût ensuite annoncer qu’une « nouvelle manifestation d’art était donc attendue, nécessaire, inévitable. Cette manifestation, couvée depuis longtemps, vient d’éclore 28 ». Au fil du XIX e siècle, se déploie donc une stratégie rhétorique de remplacement que les exotiques instaurent à leur tour dans les lettres canadiennes du début du XX e siècle. Et comme Stendhal, selon qui « ce qu’il faut imiter de ce grand homme [Shakespeare], c’est la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons » (RS, 75), les exotiques souhaitent l’émergence d’œuvres aussi impromptues qu’authentiques parce que, « en littérature, il n’y a rien comme la liberté de pensée et d’allures » (Nigog, 187). Liberté, authenticité, conviction : se joue là un ensemble d’idées relatives à la création artistique qui ont sans doute pour effet de rappeler que les régionalistes sont des écrivains académiques, mais qui soulignent aussi implicitement le caractère inédit, et conséquemment romantique, de la bataille que les nigoguiens livrent. Cette bataille, Roquebrune la comprend d’ailleurs en regard d’un lien de causalité qu’il établit entre le renouvellement artistique et la dévastation guerrière alors ressentie : 26 Ibid., p.-129. 27 Jean Moréas, « Le symbolisme », Le Figaro (18 septembre 1886), p.-1. 28 Ibid. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 109 16.04.15 07: 37 110 Luc Bonenfant La génération qui sortira du grand holocauste sera-t-elle frappée d’un signe de tristesse et de mort pour avoir assisté à tant d’horreurs et d’angoisses ? Je crois qu’elle sera, au contraire, éprise de volupté et de joie. C’est la réaction logique d’une si grande épreuve. Tous les jeunes gens de l’univers, d’ailleurs, seront ivres de pouvoir vivre, et ils respireront avec ferveur l’existence comme une chose rare et précieuse. Mais il restera sans doute peu de chose de ce qui faisait le caractère de la jeune génération d’avant 1914. Comment rattacher deux époques distinctes par un tel abîme ? (Nigog, 273) Roquebrune fait le pari que la Guerre, qui n’est pas terminée au moment où paraît son article, contribuera à changer les idées artistiques. Sa logique apparaît tout à fait romantique-en ce sens que la désolation causée par la rupture temporelle des événements historiques forme le socle propice au renouvellement artistique. On sait déjà comment le contexte révolutionnaire a influé sur l’émergence de la sensibilité romantique, contexte dont Stendhal prend d’ailleurs acte quand il écrit que, « de mémoire d’historien, jamais peuple n’a éprouvé, dans ses mœurs et ses plaisirs, de changements plus rapide et plus total que celui de 1780 à 1823 ; et l’on veut nous donner toujours la même littérature ! » (RS, 74). Les crises sociales appellent le changement esthétique, qui semble dès lors surgir des ruines du monde environnant. Or l’article de Roquebrune montre que les nigoguiens affichent le même type de sensibilité à l’égard de l’histoire sociale et politique et de ses conséquences : le monde qui émergera après la Guerre commandera une idée nouvelle de l’art qui ouvrirait en retour la possibilité (exotique) de la rénovation artistique au Canada français… Comme Hugo préfaçant Cromwell ? Si la posture des nigoguiens reprend celle de Stendhal, leur rhétorique rappelle aussi celle de la Préface de Cromwell : si les noms sonnent et résonnent fort dans le texte pamphlétaire de Hugo, il en va de même au Nigog où l’on dénombre quelque 450 noms propres différents, certains de ces noms étant au surplus répétés (Beethoven est par exemple nommé neuf fois dans six textes ; Whitman, cinq fois dans quatre textes ; Claudel, huit fois dans deux textes). Chez Hugo comme au Nigog, chaque nom offre une résonnance insoupçonnée par le contraste opéré entre le renvoi historique précis qu’il induit et la récupération qui découle de sa citation en contexte pamphlétaire, montrant que : Comme signe, le Nom propre s’offre à une exploration, à un déchiffrement ; il est à la fois un « milieu » (au sens biologique du terme), dans lequel il faut se plonger, baignant indéfiniment dans toutes les rêveries qu’il porte, OeC02_2014_I-116_Druck.indd 110 16.04.15 07: 37 « Être romantique au Canada, en 1920 » 111 et un objet précieux, comprimé, embaumé, qu’il faut ouvrir comme une fleur. Autrement dit, si le Nom […] est un signe, c’est un signe volumineux, un signe toujours gros d’une épaisseur touffue de sens, qu’aucun usage ne vient réduire, aplatir. 29 Stendhal l’avait bien compris en appelant deux noms antinomiques pour baliser son point de vue : « toute la dispute entre Racine et Shakespeare se réduit à savoir si, en observant les deux unités de lieu et de temps, on peut faire des pièces qui intéressent vivement des spectateurs du XIX e - siècle » (RS, 54). Hugo avait lui aussi saisi ce potentiel propre à la référence du nom propre, alors que [l]es interminables scansions de noms [dans la Préface de Cromwell] incarnent l’étonnant rapport de la littérature au temps et à l’histoire, à la fois sur le plan diachronique où les génies se succèdent pour porter tour à tour le « masque humain » […] et sur le plan synchronique où la figure, métaphore ou antonomase, ramène le passé dans le présent et affirme la permanence d’un inépuisable intertexte. 30 Chez Hugo comme au Nigog, nommer les autres servirait ainsi à signaler une forme inédite « d’appartenance à une communauté épistémique 31 » dont l’écrivain peut en retour délimiter les usages et les significations grâce au contexte nouveau créé par leur citation. Au Nigog, l’appel du nom s’inscrit toutefois dans une économie rhétorique dont la résonnance est d’ordre litotique. Car si l’on trouve dans les pages de la revue des antonomases et d’autres usages métaphoriques du nom (usages abondamment utilisés par Hugo, comme l’a montré Élisabeth Nardout-Lafarge), l’énumération y constitue la pratique la plus courante de citation nominale. C’est ainsi que la pléthore de noms semble participer plus largement de la quête de capital symbolique qui est celle des rédacteurs et des collaborateurs de la revue, de manière générale de jeunes intellectuels qui auront d’ailleurs plus tard recours à la sociabilité mondaine pour asseoir leur distinction et leur élégance. 32 29 Roland Barthes, « Proust et les noms », Le degré zéro de l’écriture suivi de Nouveaux essais critiques. Paris : Seuil, 1972, p.-125. 30 Élisabeth Nardout-Lafarge, « Le vertige des noms dans la Préface de Cromwell », dans Martine Léonard et Élisabeth Nardout-Lafarge (dir.), Le Texte et le Nom. Montréal : XYZ éditeur, 1996, p.-280. 31 Francis Corblin, « Noms et autres désignateurs dans la fiction », dans Martine Léonard et Élisabeth Nardout-Lafarge (dirs.), op.-cit., p.-95. 32 Cf. Michel Lacroix, « Sociopoétique des revues et l’invention collective des ‘petits genres’ : lieu commun, ironie et saugrenu au Nigog, au Quartanier et à La Nouvelle revue française », Mémoires du livre/ Studies in Book Culture, 4 : 1 (2012), http: / / www. erudit.org/ revue/ memoires/ 2012/ v4/ n1/ 1013328ar.html. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 111 16.04.15 07: 37 112 Luc Bonenfant Roquebrune s’exprimera d’ailleurs en des termes clairs bien qu’ironiques sur la question en ouvrant un de ses articles de la manière suivante : « Je voudrais avoir l’autorité d’un nom vénérable et d’un noble caractère pour trancher définitivement et de haut cette question du régionalisme dont nous sommes quelques-uns à être excédés » (Nigog, 333). Et c’est justement la résonnance du nom des autres (écrivains et artistes) qui palliera ce défaut de possession d’un nom vénérable en permettant aux rédacteurs de la revue exotique d’argumenter par annexion alors que le bagage culturel ouvert par chaque nom documente précisément leur connaissance historique et culturelle. C’est en convoquant les uns et les autres que Jane Mortier peut par exemple se permettre de poser un verdict quant à la valeur de l’œuvre de Liszt : Héritier de Bach et de Beethoven, émule de Chopin, de Berlioz et de Schumann, inspirateur et excitateur de Wagner, précurseur de Franck et même de Strauss et de certains modernes, divulgateur des rythmes slaves en même temps que Chopin, avant Borodine, Dvorak et Smétana, missionnaire d’art infatigable, Liszt aura été au cœur du XIX e - siècle, un des hommes les plus représentatifs, une force inouïe, une âme inoubliable. (Nigog, 249) Bien qu’on trouve dans Le Nigog des noms d’artistes provenant de toutes les disciplines (musique, danse, peinture, architecture…), la large part en revient toutefois à la littérature. Des noms aussi variés que ceux de Corneille, Fénelon, La Fontaine, Molière, Montaigne, Pascal ou Rabelais (mais aussi ceux de Racine et de Shakespeare…) y forment de la sorte une chaîne métonymique tissant la trame plus vaste d’une intelligence qui légitime en retour la parole des nigoguiens par l’érudition entendue qu’ils procurent. Alors qu’ils se querellent âprement avec leurs contemporains régionalistes, les nigoguiens instaurent donc, par la voie des noms d’auteurs cités, une forme d’adhésion plus large avec les écrivains du reste du monde, présents ou passés. Cela d’ailleurs sans égards aux traditions nationales : Byron, Shelley, Keats et Heine figurent dans la liste d’élection du Nigog du fait qu’ils ont été « pèlerin[s] du monde » tout en demeurant de « grandes gloires littéraires » (Nigog, 334) de leurs pays respectifs. Tous ces noms ne semblent ainsi présents que pour mieux garantir la nécessité d’un agrément face à la question de l’Art. Leur présence massive, dans les pages de la revue, signe plus largement le vœu d’une communauté qui, bien que virtuelle parce que n’existant que dans les livres lus, apparaît d’autant plus nécessaire qu’elle ouvre finalement à une conventualité, lieu privilégié d’une circulation dialogique inclusive de toute la tradition occidentale à laquelle les nigoguiens peuvent désormais prétendre appartenir, cela afin peut-être de mieux récuser leur position de dominés au sein du champ culturel canadien-français. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 112 16.04.15 07: 37 « Être romantique au Canada, en 1920 » 113 L’expérience esthétique n’est cependant d’aucune façon pensée comme une tabula rasa par les nigoguiens, qui convoquent donc le génie des ancêtres passés. Comme Hugo mandant les écrivains les plus divers pour élaborer sa posture, la sensibilité exotique cherche à s’inscrire dans une histoire qui aurait comme principale caractéristique l’amalgame des conditions esthétiques précédentes permises par les noms appelés. La communauté dès lors créée a pour effet de rabattre les noms des prédécesseurs sur l’actualité de leur posture : si Racine et Rabelais semblent encore pertinents aux yeux des nigoguiens, c’est parce que la Beauté artistique est toujours d’actualité, qu’elle ne connaît pas les âges. La formule lapidaire de Baudelaire résume sans doute mieux que toute autre l’essence de cette posture : « Pour moi, le romantisme est l’expression la plus récente, la plus actuelle du beau 33 ». La stratégie exotique apparaît ainsi doublement romantique : d’abord parce qu’elle érige, comme chez Hugo et Stendhal, la possibilité d’une signature et d’un imaginaire jusqu’alors inédits ; ensuite parce qu’elle permet l’abrogation du temps, en confondant les historicités de chaque nom dans le hic et nunc du débat opposant les rédacteurs du Nigog aux régionalistes. Le romantisme, forcément Le mot « romantisme » nomme, on le sait, une idée nouvelle de la Littérature, qui se trouvera désormais éprouvée comme une expérience subjective du Langage. Jacques Rancière l’a bien montré : à une littérature pensée dans les termes d’un régime de représentation dont la valeur repose sur des principes de convenance et de conformité succède, dans le XIX e - siècle naissant, un régime esthétique, qu’il définit comme un « mode d’être sensible propre aux produits de l’art 34 ». Avec Victor Hugo, 35 on dira même que le romantisme produit dans la littérature l’équivalent de la secousse révolutionnaire dans la société, tout se passant comme si l’ancienne perspective, rhétorique, l’avait cédé à une perspective ontologique du fait littéraire. L’idéal égalitariste propre au libéralisme naissant favorisera d’ailleurs la valorisation des idées d’individualité et de Génie créateur. Qu’il soit de gauche ou de droite, le romantisme est de fait une forme esthétique du libéralisme : « […] le romantisme naît d’une crise de la représentation littéraire […] il met en crise, c’est-à-dire en position d’instabilité féconde, la poésie et 33 Charles Baudelaire, « Qu’est-ce que le romantisme ? », Œuvres complètes. Tome II. Paris : Gallimard, 1976, p.-420. 34 Jacques Rancière, Le partage du sensible. Esthétique et politique. Paris : La fabrique, 2000, p.-31. 35 Cf. Victor Hugo, « Le dix-neuvième siècle », William Shakespeare. Paris : GF Flammarion, 2003, pp.-312-321. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 113 16.04.15 07: 37 114 Luc Bonenfant tout le système des genres 36 ». C’est à cette condition que le mythe littéraire de l’authenticité se déploiera. La rupture étant une de ses idées maîtresses, la potentialité en constitue la richesse première et, s’il peut perdurer par-delà les contingences historiques du premier mouvement qui l’a initié, c’est sans doute parce que le romantisme est finalement un concept, 37 c’est-à-dire un acte de pensée propre sur la littérature et les arts qui vise essentiellement l’autonomisation du littéraire par la souveraineté de la parole de l’artiste. On expliquera dès lors aisément sa persistance dans le premier tiers du XX e - siècle au Canada, où la pensée libérale connaît alors un essor sans précédent : « la prédominance de l’idéologie libérale est manifeste dans les discours politiques et économiques 38 ». Mais le début du XX e - siècle est aussi, dans les lettres canadiennesfrançaises, le moment où la littérature tend justement à se spécifier en se rabattant progressivement sur les formes et les genres institués de la triade aristotélicienne. Des genres pourtant historiquement considérés comme « littéraires » au siècle précédent sont alors graduellement exclus de l’espace occupé par la « littérature », laquelle est de moins en moins hétéronome. Le genre de l’histoire en est un exemple, mais aussi les écrits du champ scientifique, qui s’autonomise notamment avec les textes du Frère Marie-Victorin. 39 De ce point de vue, il est finalement peu étonnant que la référence romantique parsème les œuvres : tous semblent vouloir faire de l’« authentique » et certains, c’est-à-dire les exotiques, veulent même faire du « neuf ». C’est à ce titre que la poésie aura pu s’énoncer romantiquement, cela qu’elle soit rangée du côté des régionalistes ou des exotiques, afin de dire les impératifs de sujets poétiques cherchant à s’affirmer dans les termes esthétiques de leur authenticité. La nature de la dispute qui oppose les régionalistes aux nigoguiens n’en est d’ailleurs pas simplement une de moyen ou de manière. Elle concerne aussi plus proprement la nature même du fait littéraire, que les seconds pensent dans les termes esthétiques d’une différenciation affranchie par le langage. « La littérature, selon la logique exotique, devrait être composée d’une pluralité d’individus, chacun différent 40 ». Garand l’a bien montré dans son analyse : la littérature exotique propose de l’inédit, du « mouve- 36 Jean-Pierre Bertrand et Pascal Durand, La modernité romantique. De Lamartine à Nerval. Paris/ Bruxelles : Impressions nouvelles, 2006, p.-10. 37 Jacques Rancière, « Y a-t-il un concept du romantisme ? » dans Isabelle Bour, Éric Dayre et Patrick Née (dirs.), Modernité et romantisme. Paris : Honoré Champion, 2001, pp.-287-301. 38 Dominique Garand, op.-cit., p.-97. 39 Cf. Dominique Garand, « Situation du champ culturel québécois autour de 1900 », ibid., pp.-89-93. 40 Ibid., p.-181. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 114 16.04.15 07: 37 « Être romantique au Canada, en 1920 » 115 ment » et de l’« individuation » alors que le régionalisme fonctionne comme un classicisme en cela qu’il vise la « reproduction ». 41 L’antinomie de ces perspectives rappelle celle que Stendhal établit : Le romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir à leurs arrières-grands-pères. (RS, 71) Convaincus de ce que le régionalisme est de peu d’intérêt, les exotiques croient que la rénovation littéraire qu’ils proposent est justement conforme à l’« état actuel » du goût de leur époque : Régionalisme ! Terroir ! Ah ! que voilà de grands mots redoutables. Ceux qui craignent les influences neuves, les révolutions en art, les orientations multiples et ne veulent voir la sagesse que dans des formes consacrées professent, d’habitude, le plus violent mépris à l’égard du romantisme, du symbolisme, etc. Ils doutent, ils sourient, ont des gaîtés de petites folles au seul énoncé de ces mots en « isme ». (Nigog, 253) C’est dire que, par-delà la possibilité récurrente d’un ethos romantique concourant à dire la subjectivité des uns et des autres, c’est donc aussi l’adoption d’une posture romantique que la littérature canadienne-française du premier tiers du XX e -siècle donne à lire dans l’opposition régionalisme/ exotisme. Posture que les nigoguiens se seront chargés de porter symboliquement, en agissant comme ces gilets rouges qui leur avaient été antécédents dans l’histoire d’une littérature au sein de laquelle ils s’inscrivent paradoxalement par le biais de leurs lectures et de leurs références. 41 « À la lecture des textes régionalistes, on est frappé par la récurrence exceptionnelle du mot ‘fécondité’, de son correspondant ‘fertilité’ et de quelques autres termes concomitants (tels que ‘sève’) ». - Ibid., p.-171. OeC02_2014_I-116_Druck.indd 115 16.04.15 07: 37
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