Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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2015
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Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets
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2015
Stephanie Bung
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Œuvres & Critiques, XL, 1 (2015) Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets Stephanie Bung Université de Duisburg-Essen La querelle du Cid inaugure la tradition des querelles dramatiques à l’âge classique. On l’a également comparée à la querelle qui tournait autour des Lettres de Balzac. 1 Mais on ne l’a jamais mise en parallèle avec une querelle qui avait eu lieu en 1649 et que les contemporains désignaient comme « la guerre des sonnets ». Cette omission est tout à fait compréhensible, vu que les deux querelles se déroulaient dans des contextes sociaux différents : celui de l’Académie française d’un côté, représentante d’une autonomie naissante du fait littéraire, celui du « Parnasse galant » de l’autre, espace mondain dont Delphine Denis a montré la logique ludique, signe d’une imbrication inextricable entre la pratique sociale de la haute aristocratie et les activités des hommes de lettres. 2 La guerre des sonnets relève effectivement de cette scénographie du jeu ; ce qui explique probablement pourquoi personne ne l’a jamais liée à la querelle du Cid. Or, tout en étant profondément « autre », l’agôn galant dont témoignent les sonnets n’est pas exempt de liens avec la fameuse décision de l’Académie française en 1637 3 et il permet d’élucider une dimension très peu connue de l’impact social de la querelle du Cid. Dans cette contribution, nous avancerons l’hypothèse suivante : la mise en parallèle de la querelle du Cid avec celle des sonnets, au sein même d’un champ littéraire en voie de formation, permet de différencier davantage les espaces socioculturels dont l’imbrication peut être plus ou moins étroite. Situer la guerre des sonnets dans le cadre des querelles littéraires de l’époque aide à mieux comprendre tout d’abord ce qu’elle n’est pas : à la différence de la querelle du Cid, dont la répercussion académique contribue à la gestion d’une politique culturelle concertée, la guerre des sonnets, relevant 1 Cf. Jean-Marc Civardi, La querelle du Cid (1637-1638). Édition critique intégrale, Paris, Honoré Champion, 2004, p.-62-71. 2 Cf. Delphine Denis, Le Parnasse galant. Institution d’une catégorie littéraire au XVII e -siècle, Paris, Honoré Champion 2001. 3 Le privilège des Sentimens de l’académie françoise sur la tragi-comédie du Cid est daté du 26 novembre 1637 (cf. Civardi, op.-cit., p.-927). 118 Stephanie Bung entièrement de la logique du patronage individuel, n’est pas censée régler le goût d’un public anonyme et hétérogène. Elle est, en revanche, tout à fait redevable au dernier combat de la haute aristocratie dont l’autonomie s’évapore sous les auspices de l’absolutisme. Dans ce qui suit, nous verrons donc comment la mise en parallèle de ces querelles fait ressortir leur divergence ainsi que leurs singularités respectives. Après une présentation de la guerre des sonnets, nous en étudierons deux caractéristiques qui permettent de la confronter à la querelle du Cid : le masque galant et une intervention « académique ». Dans la mesure où elles illustrent l’incommensurabilité des deux querelles en question, ces caractéristiques nous ramèneront - en guise de conclusion - à notre observation de l’éclosion du champ littéraire à l’époque de la Fronde. 1. La guerre des sonnets Sur la contestation entre le Sonnet d’Uranie et de Job Demeurez en repos, frondeurs et mazarins, Vous ne méritez pas de partager la France : Laissez-en tout l’honneur aux partis d’importance Qui mettent sur les rangs de plus nobles mutins. Nos Uranins ligués contre nos Jobelins Portent bien au combat une autre véhémence ; Et s’il doit s’achever de même qu’il commence, Ce sont Guelfes nouveaux, et nouveaux Gibelins. Vaine démangeaison de la guerre civile, Qui partagiez naguère et la cour et la ville, Et dont la paix éteint les cuisantes ardeurs, Que vous avez de peine à demeurer oisive, Puisqu’au même moment qu’on voit bas les frondeurs, Pour deux méchants sonnets on demande : « Qui vive ? » 4 4 Albert Mennung, « Der Sonettenstreit und seine Quellen », dans Zeitschrift für französische Sprache und Literatur, XXIV, 1902, p.- 275-356, p.- 288. Bien qu’elle soit écrite au début du siècle dernier, cette étude est toujours ce qu’on trouve de mieux sur cette « guerre des sonnets ». En dehors d’une reconstruction minutieuse et d’une analyse conclusive, Mennung - qui à l’époque ne pouvait accéder aux manuscrits et aux publications qu’avec difficulté - rassemble pour la première fois tous les textes dont est constituée la querelle. Dans ce qui suit, les citations s’y référant renvoient à son étude. Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets 119 Ce sonnet de Corneille, tout en étant un bel exemple du ton ironique dont témoigne la guerre des sonnets dans son ensemble, permet aussi de la dater : elle bat son plein en 1649, entre la Fronde parlementaire et la Fronde des princes. 5 La paix dont il est question au premier tercet ne peut être que celle du 11 mars 1649, car, dès novembre 1650, la querelle des sonnets est mentionnée comme un événement du passé dans La muze historique de Jean Loret. 6 En 1653, dans son premier recueil galant, l’éditeur Charles de Sercy se souvient aussi de la querelle qu’il évoque de la manière suivante : Le soin que i’ay pris de recueillir toutes les Pieces suivantes ne vous sera pas desagreable, et ie m’asseure que toute la Cour s’estant partagée en faveur du Sonnet d’Uranie, que ie nomme le premier à cause de sa naissance, et de celuy de Job, on sera bien aise de voir les divers sentimens que plusieurs personnes de naissance illustre, de condition et de merite ont fait paroistre sur ce sujet. Cette querelle a fait tant de bruit, que les pensées toutes ingenieuses qu’elle a fait naistre, ne servent pas peu de relever la gloire de l’un et de l’autre. Si ie ne les ay pas imprimez dans ce Recueil, c’est qu’ils sont si communs, et qu’ils ont esté mis au iour en tant d’endroits, qu’il n’y a personne qui ne les sçache, ou ne les ait veus. 7 Sercy annonce ainsi trente-quatre poèmes issus de la querelle, réunis pour la première fois dans son recueil. En bon commerçant qui fait de la publicité pour son produit, il assure que « toute la Cour » était impliquée dans l’affaire. Or, la Cour n’étant retournée à Paris qu’en août 1649, il est peu probable que la querelle ait eu lieu avant cette date. 8 5 Cf. Mennung, op.-cit., p.-288. 6 Cf. La Muze Historique ou recueil des lettres en vers contenant les nouvelles du temps […], par Jean Loret, tome I (1650-1665), Paris 1857, p.-56 : « […] le beau Monsieur de Benserade / qu’on prit peine aussi de voler / Dont il ne se peut consoler. / À la clairté de la bougie / Il avoit fait une élégie / Que l’on tira de son gousset […] On luy pris aussi tout de gob / Son ravissant sonnet de Job, / Que, par raison ou par manie, / Pluzieurs aimoient mieux qu’Uranie ; [c’est moi qui souligne, S.B.] / Quelques vers pour la Saint-Mégrin, / d’autres pour monsieur Mazarin […] / ‘Pourtant, dit-il à ses valets / On ne m’a point pris mes poulets ; […]. » Même sans avoir lu tous les vers de cette anecdote, il est clair que Loret se moque ici de Benserade, victime d’un vol. Si l’on considère que Loret avait dédicacé sa Muze Historique à la duchesse de Longueville, qui à l’époque avait favorisé le sonnet de Voiture sur Uranie, cette prise de position n’est pas étonnante. Nous y reviendrons. 7 Poésies choisies de […], vol. I, Paris, chez Charles de Sercy 1653, p.-416. 8 Le phénomène « querelle » est toujours difficile à dater. Mennung - tout en restant très prudent - avance l’hypothèse que les premiers textes surgissent dès l’été 1648 (cf. Mennung, op.- cit., p.- 284-288 ; cette datation est reprise, mais sans que d’autres documents ne soient consultés : cf. Renate Kroll, Femme poète. Madeleine de Scudéry und die ‘poésie précieuse’, Tübingen, Niemeyer, 1996, p.-136 ; Alain Génetiot, Poétique du loisir mondain, de Voiture à La Fontaine, Paris, Honoré 120 Stephanie Bung Mais l’annonce de Sercy témoigne aussi du rôle important que jouent les pièces de circonstance dans le champ de la galanterie : en 1653, plusieurs années après l’événement et juste après la Fronde des princes, on est censé connaître les deux sonnets qui avaient déclenché la querelle, à savoir celui de Voiture, dit le sonnet d’Uranie, et celui de Benserade, dit le sonnet de Job. 9 Ces textes sont si connus qu’il suffit d’en citer les incipits et de renvoyer le lecteur du recueil aux œuvres respectives de leurs auteurs. 10 En revanche, la querelle même est documentée avec soin : encore aujourd’hui, ce premier volume des fameux « recueils de Sercy » constitue notre source principale de la guerre des sonnets. 11 Celle-ci est constituée d’un ensemble textuel cohérent dont la genèse collective signale son appartenance au régime galant. 12 Parmi les auteurs figurent en dehors de Corneille : Georges de Scudéry et sa sœur, Madeleine de Scudéry, Isaac de Benserade, l’auteur du sonnet de Job, Jean Chapelain, le marquis de Montausier, Jean-François Sarrazin ou Paul Scarron. D’autres poèmes sont anonymes, mais beaucoup de ces pièces sont dédicacées, la plupart d’entre elles à la duchesse de Lon- Champion, 1997, p.- 196). Or, nous n’avons que très peu d’informations sur ce qu’aurait pu déclencher la querelle (cf. la note en bas de la page suivante). Vu le sujet galant, la véhémence des textes ainsi que l’annonce de Sercy, il nous semble plus probable que la querelle est un produit de la trêve, et qu’elle s’est déroulée plus précisément entre le mois d’août 1649 et la fin de l’année. 9 On ne sait pas comment ces deux sonnets se sont retrouvés face à face pour initier la querelle : Voiture est mort en 1648, et il avait écrit le sonnet d’Uranie probablement dans les années trente. Le sonnet de Benserade est plus jeune ; on dit qu’il s’agit d’une dédicace galante pour un livre sur Job que l’auteur aurait envoyé à une dame de la haute société (cf. Mennung, op.- cit., p.-278-283). C’est possible, mais ils ne nous restent ni traces de l’exemplaire dédicacé, ni explication sur la raison pour laquelle cette dédicace a été mise en parallèle avec le sonnet de Voiture. 10 « Les Sonnets rivaux. / Uranie & Iob. / Uranie / Il faut finir mes iours en l’amour d’Uranie, / L’absence, &c. / Est imprimé dans les œuvres de Voiture, p.-52 de la dernière édition. / Iob / Iob de mille tourmens atteint, / Vous rendra &c. / Est en la page 417, dans la Glose sur le Sonnet, en lettres italiques. » (Poésies choisies de […], op.- cit., p. 417). 11 Une autre source importante est exploitée par Mennung : Antonii Hallaei, regii eloquentiae professoris et musei sylvani gymnasiarchae in academia Cadomensi Opuscula miscellanea. Caen 1675. 12 Le phénomène de la poésie galante est inextricablement lié à la mode des recueils collectifs. Cf. Denis, op.- cit., p.- 15 : « À la question centrale de l’auteur au XVII e - siècle, nos galants apportent une solution nuancée, mais périlleuse : ‘auteurs sans autorité’, selon la formule de l’un d’entre eux, c’est sur fond de sociabilité qu’ils prétendent énoncer. Le groupe semble ainsi garantir la parole galante - au risque de sa dilution, de sa dispersion, voire de son usurpation. » Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets 121 gueville. Notons aussi la présence dans ce corpus des trois protagonistes de la querelle du Cid, Corneille, Scudéry et Chapelain. Dans son annonce, Sercy parle d’une « querelle ». Le caractère querelleur de l’ensemble s’affirme, car la majorité des poèmes prend partie, soit pour le sonnet d’Uranie, soit pour le sonnet de Job. Certes, il y en a qui se contentent de commenter cette compétition, tel le sonnet de Corneille, mais ce n’est pas pour autant que l’impression d’une confrontation véhémente s’estompe, bien au contraire. Dans les vers cités plus haut, le vocabulaire relève directement du conflit militaire. Au niveau lexical, on trouve les mots « combat », « liguer », « qui vive » ; au niveau métaphorique est évoquée l’une des plus illustres guerres civiles de l’histoire : « Ce sont Guelfes nouveaux, & nouveaux Gibelins ». La comparaison la plus importante est pourtant la Fronde parlementaire dont l’expérience est encore toute récente. Bien entendu, elle est évoquée pour ironiser sur la querelle des sonnets, mais son évocation suggère aussi une certaine inquiétude. C’est comme si Corneille voulait dire : « Ne rallumez pas la guerre civile ! » Car, en 1649, l’atmosphère est explosive, les nerfs sont tendus, surtout au moment de la trêve. En témoigne la duchesse de Nemours qui écrit dans ses mémoires : « […] dans ce temps-là tout faisait de l’émotion. » 13 S’il est donc vrai que, dans les vers de Corneille, la situation historique et la querelle des sonnets s’accordent, l’imaginaire de la guerre relève aussi d’un topique. Les querelles savantes et littéraires des années précédentes puisaient déjà amplement dans une rhétorique extrêmement agressive. 14 Comme l’a montré Hélène Merlin, c’est le cas notamment pour la querelle du Cid. Après avoir analysé la polémique de Mairet, qui a recours à une métaphore guerrière, Merlin conclue : La métaphore filée est redoutable : elle assimile la querelle aux guerres de religion et Corneille au chef des protestants. Non seulement par là Mairet participe à la représentation guerrière de la querelle, mais il intervient lui-même comme acteur politique sur une scène de guerre civile, passant de l’argument critique au coup politique. » 15 La guerre des sonnets s’en souvient et ses métaphores militantes peuvent être considérées comme l’actualisation d’un lieu commun ; ce qui n’exclut pas - bien entendu - la lecture référentielle. Or, le balancement entre le topique et le référentiel est justement ce qui est constitutif de toute la que- 13 Mémoires de Marie d’Orléans, duchesse de Nemours (1625-1707) […], introduction, notes et index de Micheline Cuénin, Paris, Gallimard, 1990, p.-111. 14 Cf. Civardi, op.-cit., p.-63. 15 Hélène Merlin, Public et littérature en France au XVII e - siècle, Paris, Belles Lettres, 1994, p.-200 [c’est l’auteur qui souligne]. 122 Stephanie Bung relle des sonnets. Cette oscillation est au cœur d’un jeu galant dont relève la grande majorité des sonnets en question. 2. Le masque galant 16 La galanterie est la raison d’être de la guerre des sonnets. Elle empreigne les sonnets qui sont à son origine : l’amour inassouvi pour une certaine Uranie déclenche le chant de Voiture, tandis que Benserade actualise le même topique du mal-aimé en se servant du masque de Job. À la différence de Voiture, décédé en 1648, Benserade peut reprendre ce masque pour intervenir lui-même dans la querelle dont son sonnet de Job est l’enjeu. Plainte de Job à Madame de Longueville Vous m’avez donc mis le dernier, Un autre a sur moy la victoire ; Moy qui m’en faisois tant à croire, C’est assez pour m’humilier. Ce malheur me va décrier Par tout le Temple de Mémoire, Et décheu d’une haute gloire, Je m’en retourne à mon fumier. J’avois pour moy de grands suffrages ; Mais à quoy bon ces avantages, Puis que ie n’ay point vostre voix ? Sur elle seule ie me fonde ; Et si je vous mens, que je sois Le plus meschant Sonnet du Monde. 17 Ce sonnet montre très bien comment, dans notre cas, l’acte de juger - au cœur d’une querelle littéraire - peut être mis au service de la galanterie. Le poème s’adresse à une dame qui, après avoir été le juge du sonnet de Job, est à l’origine des tourments de celui qui parle dans le sonnet actuel. Or, « Job », en tant que lieu d’énonciation, implique une double fiction. Plus précisé- 16 Le jeu de rôles est au cœur de la galanterie européenne du XVII e - siècle (cf. Jörn Steigerwald, Galanterie. Die Fabrikation einer natürlichen Ethik der höfischen Gesellschaft (1650-1710), Heidelberg, Winter, 2011 ; voir notamment p.- 90-96). Pour mon propos, j’emprunte l’expression « masque galant » - dans le sens de persona - à Delphine Denis pour désigner un rapport complexe du référentiel à la fiction (cf. Denis, op.-cit., p.-218). 17 Mennung, op. cit., p.-326. Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets 123 ment, il s’agit d’une figure qui oscille entre deux niveaux de fiction. D’un côté, elle fait référence à l’Ancien Testament, en s’appropriant notamment les emblèmes de Job : sa souffrance, l’humiliation et le fumier. De l’autre côté, la figure parle aussi en tant que sonnet, notamment au premier vers, où elle se présente comme le texte auquel on en avait préféré un autre. Le dernier tercet reprend ce rôle, mais en le transformant sensiblement. Ici, le texte joue avec son propre statut fictionnel : tandis que le premier vers du tercet implique une soumission (« je ne suis rien sans votre admiration »), les vers suivants impliquent la possibilité d’un mensonge (« je n’ai pas besoin de votre admiration pour être beau »). La fin du sonnet suggère ainsi de retirer la louange dont il est tributaire, débouchant sur une oscillation permanente entre la fiction galante et le message politique, car le poème est adressé à la duchesse de Longueville. Le message provocateur - surtout à l’époque de la Fronde - ne serait donc pas seulement « mon sonnet n’a pas besoin de votre admiration pour être beau », mais aussi « son auteur (Benserade) n’a pas besoin de votre protection ». 18 La métamorphose du texte, de l’éloge de la dame à sa dénonciation, reste pourtant inachevée : le ton de celui qui s’attribue la qualité de « plus meschant Sonnet du Monde » ne cesse jamais d’être ludique, et si provocation il y a, il ne faut pourtant pas surestimer l’intention politique du poème. 19 Car ce jeu de l’entre-deux est justement ce qu’on attend d’un poète galant, et Benserade est un excellent joueur. Charles Perrault, dans ses Hommes illustres, le caractérise de la manière suivante : Ces vers sont d’une espèce toute nouvelle, et dont il a été le premier inventeur. Avant lui les vers d’un ballet ne parlaient que des personnages que l’on y faisait entrer, et point du tout des personnes qui les représentaient. M. de Benserade tournait ses vers d’une manière qu’ils s’entendaient également et des uns et des autres : et comme le roi représentait tantôt Jupiter et tantôt Neptune, quelquefois le dieu Mars, d’autrefois le Soleil, rien n’était plus agréable ni plus admirable tout ensemble, que la finesse des louanges qu’il lui donnait sans s’adresser à lui. Le coup portait sur le personnage, et le contrecoup sur la personne ; ce qui donnait un double plaisir en donnant à entendre deux choses à la fois, qui belles séparément, devenaient encore plus belles étant jointes ensemble. 20 18 Selon Alain Génetiot, Benserade, de tous les poètes mondains de l’époque, est « assurément le plus proche de la cour, le plus lié à ses intrigues, mais aussi le plus fidèle à la reine et à Mazarin. » (cf. Génetiot, op.-cit., p.-530). 19 S’il est vrai qu’à partir de 1650, l’auteur travaillera sous la protection de la famille royale - il est notamment l’auteur d’un grand nombre de ballets d’inspiration mythologique (cf. Marie-Françoise Christout, Le Ballet de cour de Louis XIV, Paris, Picard, 1967) -, le sonnet en question n’en est certainement pas la cause. 20 Charles Perrault, Les hommes illustres, Genève, Slatkine Reprints, 1970, p.-80. 124 Stephanie Bung Cette louange montre bien que, aux yeux des contemporains déjà, l’art de Benserade fait entendre « deux choses à la fois », visant et le personnage et la personne (« Le coup portait sur le personnage, et le contrecoup sur la personne »). La scénographie de la galanterie consiste justement dans ce télescopage de la fiction et de la réalité, 21 pratiqué non seulement par Benserade, mais aussi par la plupart des auteurs de la guerre de sonnets. Ainsi, le marquis de Montausier écrit-il par exemple à la duchesse de Longueville : Permettez, Princesse adorable, Que pour Job ie sois aujourd’huy, Car chacun aime son semblable, Et ie suis, loin de vous, malheureux comme luy. 22 D’autres poèmes sont dédicacés à d’autres personnes et il y en a qui ne portent pas de dédicace du tout. Cependant, c’est la duchesse de Longueville que les poètes choisissent le plus souvent comme cible galante, au point que le corpus entier semble être agencé autour de sa personne. Qu’en est-il de la querelle du Cid ? La galanterie y joue-t-elle un rôle comparable ? On dirait que non. Certes, le jeu galant n’est pas exclu du corpus hétérogène dont les textes d’une diversité extrême constituent cette affaire. Corneille même, dans sa fameuse Excuse à Ariste se sert du « masque galant ». Et le champion (anonyme) des dames qui écrit « L’Innocence et le véritable amour de Chimène », ne joue-t-il pas sur une oscillation analogue entre la fiction historique et le public actuel ? 23 Mais cette analogie n’est qu’apparente. Car même si ce geste galant n’était pas lié à un texte relativement marginal de la querelle du Cid, toujours serait-il qu’il n’a pas la même fonction, qu’il ne vise pas le même but. Il n’y a justement personne dans la querelle du Cid qui pourrait remplir le rôle que joue la duchesse de 21 Delphine Denis l’a montré à partir du nom à clef, « embrayeur référentiel, ouvrant - et non repliant - l’œuvre sur le monde, […]. » (op.-cit., p.-218). Le même télescopage galant peut être observé dans la Chronique du samedi, livre-manuscrit du cercle qui, en 1654, se forme autour de Madeleine de Scudéry (cf. Stephanie Bung, Spiele und Ziele. Französische Salonkulturen des 17. Jahrhunderts zwischen Elitendistinktion und belles lettres, Tübingen, Narr, 2013, p.-266-350). 22 Mennung, op.- cit., p.- 333. Georges de Scudéry écrit le poème suivant pour la duchesse : « Job perdit enfans et troupeaux, / Ce Job que l’Histoire renomme ; / Job vit flamber tous ses Chasteaux, / Job souffrit mille et mille maux, / Et les souffrit en galant homme, / Mais estre condamné par vous, / Objet aussi puissant que doux, / Princesse, ornement de la France, / C’est un si grand malheur, que lors qu’il le sçaura, / Malgré toute sa patience, / Je croy que Job enragera. » (Mennung, op.-cit., p.-345). 23 Pour Jean-Marc Civardi, par exemple, il s’agit d’un « libelle galant » (cf. Civardi, op.-cit., p.-1113). Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets 125 Longueville dans la guerre des sonnets. Or, ce rôle, il convient de l’étudier d’une manière plus approfondie ; ce que nous nous proposons de faire dans ce qui suit à partir de la fin des querelles respectives. 3. L’intervention « académique » Dans ses Mémoires, la duchesse de Nemours, fille adoptive de la duchesse de Longueville, dessine le « portrait » suivant de celle-ci : M. le Prince [le Grand Condé ; S.B.], depuis la guerre de Paris, voyant que madame de Longueville gouvernait M. le prince de Conty, qu’elle avait du crédit auprès de monsieur son mari, et qu’elle était comme à la tête d’un gros parti, jugea qu’elle lui pourrait être utile, et avec la même facilité se porta à un accommodement avec cette princesse, pour qui il parut toujours depuis avoir bien de la considération. Il la fit entrer dans toutes les affaires les plus importantes, et ils n’agirent plus tous les deux que de concert. 24 Dans sa description des rapports entre le Grand Condé et la duchesse de Longueville au moment de la trêve, la duchesse de Nemours prend soin de montrer l’unanimité qui règne entre le frère et la sœur. Celle-ci, après avoir été dans le camp des frondeurs, s’était assez vite raccommodée avec son frère aîné qui - pendant la Fronde parlementaire - s’était solidarisé avec l’autorité royale. Ce témoignage est particulièrement précieux pour comprendre un poème anonyme qui figure dans le corpus de la guerre des sonnets. Car si la duchesse de Longueville se lie avec le Grand Condé dont les troupes viennent de libérer Paris, elle se range du côté du pouvoir. Et c’est ce que fait aussi l’auteur du poème en question, optant pour le sonnet de Voiture après avoir laissé entendre que la poésie en soi ne l’intéresse pas : C’est à faire à nos beaux esprits A décider par escriture, Si c’est Bensserade ou Voiture, Qui merite d’avoir le prix : Pour moy, qui ne fais point l’habile, Je seray tousiours du party De Madame de Longueville, Contre le Prince de Conty. 25 Certes, il s’agit toujours d’un poème galant destiné à la louange de la duchesse de Longueville. Mais à la différence des autres poèmes et d’une 24 Mémoires de Marie d’Orléans […], op.-cit., p.-103. 25 Mennung, op.-cit., p.-335. 126 Stephanie Bung manière très explicite, ces vers découvrent la logique fondamentale de cette querelle. Ce n’est pas un hasard si la majorité des poèmes est dédiée à la sœur du Grand Condé ! Elle a beau figurer dans le rôle d’un critique d’art, derrière ce masque, on apercevra toujours son statut social ainsi que son pouvoir. Et ce sont eux - le statut social et le pouvoir de la maison Condé / Longueville - qui représentent l’enjeu véritable de cette querelle. Le petit poème - ainsi que la compétition figurée dans son ensemble-- ne se laissent pourtant pas concevoir en dehors du « loisir mondain », expression empruntée à Alain Génetiot pour désigner non seulement le caractère ludique de la poésie galante, mais aussi un certain caractère exclusif du public premier : On peut dès lors définir le public comme une série de cercles concentriques autour de l’auteur : le public premier, celui de la mondanité, c’està-dire les amis et les relations à l’intérieur d’un même réseau de sociabilité (salon, académie ou clientèle), y compris les Grands avec lesquels les auteurs se trouvent dans cet espace dans un rapport de familiarité […]. 26 Le dernier vers du poème cité plus haut illustre cette structure autoréférentielle de la guerre des sonnets : Certes, dans l’arène politique de 1649, le prince de Conty, frère cadet de la duchesse de Longueville et censé représenter la cabale des Jobelins, ne représente peut-être pas autant que sa sœur un pôle d’attraction. 27 C’est pourquoi l’auteur de notre poème ne se range pas de son côté. Mais la différence n’est que graduelle : les protagonistes appartiennent (de nouveau) au même clan politique. La duchesse de Nemours, dans le passage cité de ses mémoires, l’affirme : « depuis la guerre de Paris », le Grand Condé, s’étant réconcilié avec sa sœur dont l’influence sur leur frère cadet peut lui être utile, se retrouve à la tête d’une famille réunie à la Cour. Jobelins ou Uranins ? Le plus important, c’est d’être impliqué dans un jeu patronné par celui qui peut offrir de la protection. Dans ces conditions, il est permis à tout le monde de se divertir et la querelle des sonnets peut ainsi être comprise comme une pièce galante, représentée au théâtre du patronage aristocratique. À la différence du Cid, pièce de théâtre dont le succès avait engendré une querelle au-delà du cadre fictionnel, la guerre des sonnets se déroule dans un espace clos, limité par la scénographie galante. Dès lors, il n’est pas nécessaire qu’on fasse appel à une instance extérieure pour la terminer. 26 Génetiot, op.-cit., p.-358-359. 27 Dans une lettre de Mazarin au Grand Condé, datée du 23. VI. 1649, le prince de Conty apparaît comme toujours un peu frondeur, peu enclin à se réconcilier avec le pouvoir royal (cf. Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, édité par Adolphe Chéruel, vol. III, Paris 1883, p.-354). Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets 127 Or, c’est justement ce que fait la duchesse de Longueville : elle suscite une intervention qui ressemble étrangement à celle de l’Académie française dans le cas du Cid. Probablement à la fin de l’année 1649, elle s’adresse à une petite « académie » de province pour qu’elle décide de son cas. 28 Albert Mennung cite la lettre que l’aumônier de la duchesse avait écrit en son nom. 29 Le destinataire est Antoine Halley (1595-1676), poète néolatin et professeur à l’Université de Caen, qui, à plusieurs reprises, avait été couronné par les Puys de Palinods de sa ville. Certes, ces Puys ne sont pas exactement une académie dans le sens où nous l’entendons. 30 Cependant, à une époque où l’Académie française est encore jeune, ces concours de belles-lettres peuvent être considérés comme ses précurseurs, aptes à la remplacer le cas échéant. Du moins, c’est ce que suggère la lettre que la duchesse de Longueville fait écrire à Antoine Halley : Je ne sçay si je dois me conjoür avec vous de l’honneur qu’on vous fait, ou s’il est expedient de plaindre l’embarras que ie vous vay donner de la part de Madame […]. Il s’agit de sçavoir lequel est le plus beau des deux Sonnets cy-joints ; la plûpart de nos Poëtes en ont dit leurs pensées, et les plus beaux Esprit s’y trouvent empeschez. L’Académie française en a voulu connoître, mais au lieu d’un Arrest, elle n’a qu’appointé les Parties à écrire. 31 La dernière phrase suggère que la duchesse de Longueville ait fait appel à l’Académie française. Mais l’avait-elle fait vraiment ? Il est permis d’en douter. D’abord, parce que Pellisson, dans son Histoire de l’Académie française, n’en parle pas. Ensuite, le style de la lettre laisse songeur : la dernière phrase citée est composée de termes techniques qui disent en langue de droit que l’Académie avait ajourné de prononcer un jugement. Or, le début de la lettre et cette phrase n’ayant rien en commun du point de vue stylistique ainsi que, ces termes techniques semblent relever de l’ironie, d’autant plus que la lettre se termine d’une manière assez remarquable : elle a recours, elle 28 La lettre même est sans date, mais l’académie envoie son jugement le 25. XII. 1649 (cf. Mennung, op.-cit., p.-324). 29 Mennung, op.-cit., p.-320. 30 Le problème de savoir ce qu’une « académie » avant 1635 est loin d’être résolu. Au XVI e - siècle, en France ainsi qu’en Espagne, l’expression peut effectivement désigner et une réunion périodique et un événement ponctuel comme un concours poétique (cf. Christine Bierbach, “Todos maestros, todos discípolos : Spanische Akademien vor 1700”, dans Karl Garber, Heinz Wismann (ed.), Europäische Sozietätsbewegung und demokratische Tradition. Die europäischen Akademien der Frühen Neuzeit zwischen Frührenaissance und Spätaufklärung. Bd. I. Tübingen, Niemeyer, 1996, pp.-513-533, p.-518). 31 Mennung, op.-cit., p.-320. 128 Stephanie Bung aussi, au topique de la guerre civile dont la « guerre des sonnets » serait une amplification. C’est pourquoi par son ordre [de la duchesse de Longueville] ie vous prie de vouloir, avec Messieurs vos Poëtes, et autres bons Esprits de Caën, les bien examiner [les sonnets], et de décider le fait ou en Vers ou en Prose, si bien que nul ne doute qu’elle n’ait eu raison de faire choix de vous, pour assoupir un Schisme qui trouble plus la Cour que nos dernières Guerres. Il y va de l’honneur de notre Nation, outre que son Altesse y est engagée ; ainsi ie me promets que vous agréerez tous ensemble ce travail, et que vous me croirés toujours comme ie suis, Monsieur, votre très-humble […]. 32 Ici, la guerre des sonnets est évoquée en termes de « Schisme qui trouble plus la Cour que nos dernières Guerres », on affirme, qu’il « y va de l’honneur de notre Nation ». Ces mots, ainsi que la requête dans son ensemble, sont clairement hyperboliques. La lettre de la duchesse de Longueville au jury des Puys de Palinods peut être considérée comme une partie intégrante du jeu qu’est pour elle la guerre des sonnets. Ce n’est certainement pas un hasard si la duchesse fait écrire cette lettre à une sorte d’académie normande, située à Caen, vu que son mari est le gouverneur de cette province. Et ce n’est pas non plus un hasard si cette académie « décide » en faveur du sonnet d’Uranie, le texte favorisé par la duchesse. À la différence du cas précédent, à savoir la querelle du Cid, cette intervention n’est justement pas située en dehors de la querelle. Elle en fait partie, tout en conduisant à un jugement définitif, mais d’un mode ludique. Le jugement de l’Académie française dans le cas du Cid considéré comme spectaculaire, la duchesse de Longueville - peut-être en guise de couronnement - englobe ainsi dans son jeu galant une intervention « académique ». C’est comme si, en réduisant la querelle du Cid à une citation, elle voulait « aromatiser » sa propre querelle. 4. Conclusion « Il y va de ma gloire ! » Ces mots célèbres de Chimène auraient pu être prononcés par la duchesse de Longueville, luttant avec opiniâtreté pour sa cause dans la guerre des sonnets dont il convient de préciser la qualité de « jeu » : jouer, se divertir dans le cadre du loisir mondain n’est pas un passetemps insignifiant. Le caractère ludique de la galanterie n’empêche pas que celle-ci soit pratiquée avec un acharnement sérieux. En fait, la dichotomie 32 Ibid. Une querelle à l’époque de la Fronde. Du Cid à la guerre des sonnets 129 ludique / sérieux ne s’applique pas à l’analyse de ces pratiques. 33 Si la guerre des sonnets n’est certainement pas une étape dans l’évolution de la Fronde, du moins pas au même titre que l’arrestation du Grand Condé et de son frère le 18 janvier 1650, 34 elle aurait très bien pu déclencher de nouveau les hostilités. La situation est fragile pendant la trêve, et le sonnet de Corneille le dit : « ne jouez pas avec le feu ! » Mais ce qui est plus important peut-être, c’est que l’enjeu d’une compétition figurée n’est jamais anodin : pour les protagonistes, il y va toujours de leur « capital social », comme dirait Pierre Bourdieu. La guerre des sonnets permet d’actualiser ce capital, celui des membres de la maison de France aussi bien que celui des hommes de lettres. Elle fonctionne selon une logique de patronage plutôt traditionnel tandis que la querelle du Cid indique une autre logique dont l’Académie française, cette nouvelle corporation au cœur d’un champs littéraire en voie de formation, sera l’emblème. Ces deux logiques existent pourtant l’une à côté de l’autre. Car n’oublions pas que la querelle du Cid devance la guerre des sonnets. Corneille et Scudéry - après s’être confrontés dans l’arène de l’Académie française - se retrouvent dix ans plus tard dans une autre arène, patronnée par une maison de la haute aristocratie. La mise en parallèle des deux querelles, tout en montrant la chronologie inverse des événements plus ou moins « modernes », a permis de différencier ces deux arènes. Dans cette perspective, il faut souligner la publication des sources : Il n’est pas sans importance de constater que la source principale de la querelle des sonnets, le premier volume des recueils de Sercy, date de 1653 seulement. Quand les textes sont donnés au public, la guerre des sonnets est déjà terminée. La querelle du Cid, au contraire, se déroule sous les yeux et avec la participation du grand public. L’hétérogénéité du corpus en est la conséquence, ainsi que l’intervention de l’Académie française. Selon Hélène Merlin, la querelle du Cid témoigne d’une solution inédite d’un problème fondamental : les limites qui séparent le public du particulier se déplacent, et c’est ainsi qu’une question d’ordre esthétique peut gagner en autonomie. 35 Comme Merlin l’a montré, « c’est à cette zone de turbulence que l’Académie va prêter le secours 33 C’est pourquoi la notion de « salon », dont la tendance à indiquer un espace irénique, situé en dehors de la sphère politique est très problématique, n’a pas été employée ici. Cf. Bung, op.-cit., p.-26-100. 34 L’interprétation d’Albert Mennung semble pointer dans cette direction : « In den darauf folgenden Monaten wurde der Hass durch neue Übergriffe Condés und seiner Partei mehr und mehr geschürt, bis die Katastrophe am 18. Januar 1650 erfolgte. Eine Welle dieser politischen Brandung ist der Sonettenstreit. Wer wollte da nachgeben ? » (Mennung, op.-cit., p.-318-319). 35 Cf. Hélène Merlin-Kajman, L’excentricité académique : littérature, institution, société, Paris, Belles Lettres 2001, p.-169-188. 130 Stephanie Bung d’une institution. » 36 La guerre des sonnets, en revanche, relevant du zèle ludique d’un particulier qui l’avait orchestrée, la duchesse de Longueville en l’occurrence, n’est jamais entrée dans cette zone de turbulence. 36 Ibid., p.-178.
