Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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2016
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Les « signes » du classicisme
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2016
Delphine Reguig
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Œuvres & Critiques, XLI, 1 (2016) Les « signes » du classicisme : langue morte, langue vivante Delphine Reguig Université Paris IV-Sorbonne, CELLF - UMR 8599 Dans un texte de jeunesse bien connu, « Plaisir aux Classiques », Roland Barthes-évoque les écrivains phares du classicisme en affectant leur mention d’un certain nombre d’opérations sémantiques et logiques-remarquables. Il cite ainsi « […] les Corneille, Racine, Boileau, etc., dont la guirlande un peu rêche a bordé la trame de nos études ou orné le fronton poussiéreux d’un amphithéâtre de Sorbonne » et écrit qu’ « ils sont aussi les signes déformés mais nécessaires d’un événement général, le Classicisme 1 ». À la lecture de la première formulation, on retient la pluralisation des noms propres par laquelle les identités d’auteurs se voient confondues dans une identité collective et pourvues d’une autorité commune : l’auteur classique n’existe pas pour lui-même parce que son nom est immédiatement pris dans un fonctionnement paradigmatique. L’image de la « guirlande » déplace le regard vers l’univers de l’architecture et construit la classe des classiques comme un monument scolaire : c’est le contexte pédagogique qui enchaîne les noms des classiques entre eux pour en fantasmer l’unité et la continuité. Le jugement de valeur n’est pas absent d’une telle représentation, même s’il est discret ; il se manifeste dans les qualificatifs- - « un peu rêche », « poussiéreux » - qui privent l’univers des classiques de lumière, de mouvement et d’actualité. Cette existence immobile permet l’adjonction paradoxale (aussi) d’une énergie particulière : une force symbolique attachée à un surgissement historique. Ces noms figés en succession contrainte signalent la rupture installée par un fait aux conséquences importantes : en qualifiant le classicisme d’« événement », Barthes rapporte un phénomène historique long à une durée courte et lui confère l’effet d’une apparition ponctuelle. 1 « Plaisir aux Classiques », Œuvres complètes, éd. É. Marty, Paris, Seuil, 1993, t.- I, p.-60 ; toutes nos références renverront désormais à cette édition notée OC. Sur le rapport de R. Barthes au classicisme, nous renvoyons à la thèse de Lise Forment, L’Invention du post-classicisme de Barthes à Racine. L’idée de littérature dans les querelles entre Anciens et Modernes, soutenue le 5 décembre 2015 à l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle sous la direction d’Hélène Merlin-Kajman. 60 Delphine Reguig Là encore, le geste va dans le sens d’une unification, d’une intégration immédiate des individus à une réalité abstraite qui les renferme. Sans doute cette intégration est-elle la source et la cause de la force symbolique de ces « signes » dont Barthes écrit qu’ils sont à la fois « déformés » et « nécessaires ». Quelle « déformation » se trouve-t-elle en jeu ? De quelle « nécessité » s’agitil ? Et comment cette description nous permet-elle de réfléchir aujourd’hui aux enjeux engagés par la notion de « classicisme » ? Afin de creuser ces questions, nous proposons de nous interroger sur la permanence du vocabulaire métalinguistique dans la réflexion de Barthes sur le classicisme 2 . Cet usage critique est en soi fortement signifiant. D’abord parce que les auteurs concernés par le propos du critique ont eux-mêmes été contemporains d’une lecture renouvelée de la sémiotique augustinienne, ce qui intériorise la qualification de Barthes à son propre objet : parler du classicisme comme d’une langue, c’est parler le langage même du classicisme. Ensuite parce qu’il est possible que nous puissions en tirer quelque profit pour notre lecture actuelle du classicisme. L’exploration du lien entre le classicisme comme système et la langue du classicisme, relation trouble, nécessaire et contraignante, est un élément précisément indispensable pour réévaluer le classicisme aujourd’hui, c’est-à-dire le convertir du vocable quasi mort qu’il est devenu à un signe véritablement relationnel et en usage. Le classicisme, langue morte Pour évoquer le classicisme comme « événement général », Barthes use donc du terme de « signe » ; il use aussi de celui de « nom » et, plus tard, de « monème 3 ». Si nous tentions une glose, nous pourrions écrire que les individus intégrés dans le classicisme le sont au titre d’unités minimales porteuses de sens au sein d’un système de signification global. Lorsqu’il écrit « Plaisir aux Classiques », Barthes n’est certes pas encore le sémiologue qu’il sera 4 . C’est vingt ans plus tard, dans les Éléments de sémiologie, qu’il définit le signe par sa situation imprécise et sa capacité de relation : 2 Comme l’explique Philippe Roger, le terme s’impose malgré les difficultés qu’il soulève : « Reste que cette terminologie qu’il récuse : classique, classiques, classicisme, Barthes ne s’en défait pas, il la conserve et la perpétue. », « Barthes post-classique », RHLF, 2007/ 2, vol.-107, p.-276. 3 Réflexions sur un manuel, OC, t.-III, p.-945. 4 Gilles Philippe explique que Barthes est « emblématique d’une époque qui, en substituant la question “quand y a-t-il littérature ? ” à la question “qu’est-ce que la littérature ? ”, a opposé une méthodologie d’inspiration sémiotique à une interrogation grammaticale sur les textes. » Il ajoute néanmoins qu’ « on trouve en effet dans l’œuvre de Barthes deux conceptions concurrentes de la littérarité : la définition strictement sémiotique qu’il a pu occasionnellement avancer (est lit- Les « signes » du classicisme : langue morte, langue vivante 61 Or, ce terme de signe, présent dans des vocabulaires très différents (de la théologie à la médecine) et dont l’histoire est très riche (de l’Évangile à la cybernétique), ce terme est, par là même, très ambigu ; aussi, avant d’en revenir à l’acception saussurrienne, il faut dire un mot du champ notionnel où il occupe une place, d’ailleurs, comme on va le voir, flottante. Signe s’insère en effet, au gré des auteurs, dans une série de termes affinitaires et dissemblables : signal, indice, icône, symbole, allégorie sont les principaux rivaux du signe. Posons d’abord l’élément commun à tous ces termes : ils renvoient tous nécessairement à une relation entre deux relata ; ce trait ne saurait donc distinguer aucun des termes de la série. 5 Cette définition du signe comme « composé de signifiant et de signifié » et donc comme « relation », est clairement référée à Augustin dans une note qui le cite ainsi : « Ce qu’a exprimé très clairement saint Augustin : Un signe est une chose qui, outre l’espèce ingérée par les sens, fait venir d’elle-même à la pensée quelque autre chose. » Barthes - qui invoque Augustin à plusieurs reprises dans son œuvre -, glose ici un passage capital du De Doctrina christiana 6 dont l’intérêt est de synthétiser le rôle articulatoire du signe 7 . Cette articulation entre deux ordres hétérogènes (corps et esprit) fonde seule la langue en raison et Augustin dénie toute légitimité à une parole qui la négligerait : « Mais quand nous n’avons rien à signifier, c'est pure sottise que de proférer un mot 8 ». Le maniement de toute langue implique toujours le risque de voir se défaire l’articulation entre son et sens et par téraire un texte qui donne les signes conventionnels de la littérature) a toujours été concurrencée par une définition sémantique (le texte littéraire correspond à un mode particulier, indirect, de signification), qui autoriserait, voire exigerait, le retour à une description grammaticale des textes. », Sujet, verbe, complément.-Le Moment grammatical de la littérature française, Paris, Gallimard, 2002, p.-196-197. 5 OC, t.- II, p.- 655. Julien Piat présente Barthes comme la figure privilégiée d’un « moment linguistique »- où le Cours de Saussure est devenu le modèle heuristique dominant, « Roland Barthes et la langue littéraire vers 1960 », La Langue littéraire. Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon, dir. G. Philippe et J. Piat, Paris, Fayard, 2009, p.-491-534. 6 « Le signe est une chose qui, outre l’impression qu’elle produit sur les sens, fait qu’à partir d’elle quelque chose d’autre vient à la pensée », « Bibliothèque augustinienne », Paris, Institut d’Études Augustiniennes, Desclée de Brouwer, II, I, 1, « B.A. » 11/ 2, 1997, p.-136-137 : « Signum est […] res præter speciem, quam ingerit sensibus, aliud aliquid ex se faciens in cogitationem venire ». 7 Dans le De Magistro, Augustin écrit encore que « le mot [est] ce qui est proféré comme un son de voix articulé avec une signification », De Magistro, « B.A. », 4, 8, 6, 1976, p.- 62-63 : « ut verbum sit quod cum aliquo significatu articulata voce profertur ». 8 « Sed quando non habemus quid significemus, amonino stulte verbum aliquod promimus » (ibid., 2, 3, p.-50-51). 62 Delphine Reguig conséquent se détruire le processus de signification. Convoquer Augustin avant Saussure- permet d’intégrer à la notion de signe la dialectique entre présence et absence que Barthes applique à la notion même de classicisme. La classicisation 9 des auteurs est une opération pragmatique qui consiste à faire d’eux des signes et, du même coup, à interposer entre leurs textes et leurs lecteurs un système de signification second. Que le classicisme soit représenté - fantasmé -, comme un système de signes, une langue où des signes mettent en place des relations symboliques et activent en réseau des énergies sémantiques, engage une lecture particulièrement déterminée 10 . On l’a vu, il n’est pas question, dans une telle optique, de dissocier Corneille de Racine, ni de Boileau : « ils forment entre eux une confrérie 11 ». Et, paradoxalement, une telle lecture du classicisme comme chaîne continue engage à fragmenter les œuvres en formules : le classicisme est à la fois une liste suivie et un corpus de morceaux choisis. En somme, concevoir le classicisme comme système de signes entraîne qu’on ne puisse - ou révèle qu’on ne peut -, lire le classicisme que si l’on renonce à lire les textes classiques. Plus les auteurs se trouvent dépendre les uns des autres pour former un ensemble où la valeur de chacun retentit sur celle des autres, plus leurs œuvres cessent de dépendre d’eux-mêmes pour vivre autrement, dans l’éclatement isolé de fragments dont l’anthologie qui ferme « Plaisir aux Classiques » est exemplaire et qui sont voués à devenir des lieux de mémoire. Dans ce système à la fois clos et ouvert, organisé et rompu, les noms d’auteurs constituent autant d’emblèmes et c’est parce qu’ils possèdent ce statut iconique 12 qu’ils font sens. Le classicisme ainsi s’indexe pour se montrer : l’énergie des noms d’auteurs constitués en signes se reverse entièrement à la catégorie qui se met à exister, du point de vue sémantique, aux dépens d’eux. D’où le fait que ces signes soient à la fois « déformés » et « nécessaires » : leur potentiel relationnel a, en quelque sorte, été dévoyé, détourné de leur signifié immédiat vers un signifié médiat, celui du mot « classicisme » lui-même, qui fait désormais l’économie des référents premiers des signes, c’est-à-dire des textes, pour participer à l’élaboration d’un 9 Sur ce terme, voir l’article d’Alain Viala, « Qu’est-ce qu’un classique ? », Littératures classiques, n°19, 1993, p.-11-31. 10 Claude Coste propose cette formulation éclairante : « Un pont s’établit ainsi entre la rhétorique classique et le structuralisme linguistique pour faire de la langue à la fois un modèle et une praxis. », « Roland Barthes ou la hantise du XVII e -siècle », Postérités du Grand Siècle, dir. S. Guellouz, Elseneur, 15/ 16 (2000), p.-393. 11 « Plaisir aux Classiques », op.-cit., p.-60. 12 Sur cette notion d’icône, voir les analyses de Frédéric Briot, « Boileau ou la voie libre », Postérités du Grand Siècle, dir. S. Guellouz, Elseneur, 15/ 16 (2000), p.-137-147. Les « signes » du classicisme : langue morte, langue vivante 63 signifié global. Pour que cette diversion soit possible, il a fallu l’intervention d’une force d’annexion, celle de l’institution. L’opération insiste toujours sur la nature scolaire du cadre dans lequel elle est menée : on s’initie au classicisme qui s’apprend, on se trouve « introduit » « dans cet art ancien » aux « arcanes étranges, ignorés de beaucoup 13 », un peu comme l’on apprend une langue étrangère. La clôture joue comme réserve et comme exigence. Le classicisme est un système de signes parce qu’il est le produit de la culture scolaire qui l’a construit comme un objet à enseigner. La relation causale s’expose dans la conférence - prononcée en 1969 et publiée en 1971 - que Barthes consacre à l’examen d’un manuel à l’usage de l’enseignement secondaire, le Lagarde et Michard. C’est dans ce texte que Barthes assume explicitement le procédé qui consiste à assimiler une discipline particulière, l’histoire littéraire tout entière, au maniement d’une langue : l’historien de la littérature utilise des « objets qui se répètent, qui reviennent tout le temps, qu’on pourrait presque appeler monèmes de la langue méta-littéraire ou de la langue de l’histoire de la littérature ; ces objets, ce sont bien sûr les auteurs, les écoles, les mouvements, les genres et les siècles 14 ». Le propre de cette langue est d’être tautologique : elle ne parle que d’elle-même, en quelque sorte, son pouvoir signifiant est entièrement retourné vers la manifestation de sa propre existence : les « monèmes » de l’histoire littéraire renvoient à une réalité qui est celle que fabrique l’histoire littéraire elle-même. Barthes analyse ces mécanismes d’autoproduction en soulignant les effets de combinaison et de fixation « de traits ou de prédicats 15 » pour structurer des paradigmes constants que les manuels d’histoire de la littérature se contentent d’opposer en couples aussi simples que rigides dans leur structure. Ainsi « le paradigme archétypique de toute notre littérature » est l’opposition romantisme-classicisme, paradigme « parfois à peine compliqué en romantisme-réalisme-symbolisme, pour le XIX e -siècle 16 ». L’analogie linguistique est encore une fois remarquable : l’histoire littéraire parle en signes disjoints, distincts, qui se combinent et se substituent les uns aux autres du point de vue de la fonction qu’ils remplissent dans le système dont dépend leur existence en tant qu’« individus littéraires 17 ». Dans ce système de signification, l’énergie relationnelle est limitée tant elle est close sur elle-même. Car l’usage de cette langue s’est substitué à l’expérience de la littérature : c’est, aux yeux de Barthes, une habitude spécifiquement fran- 13 « Plaisir aux Classiques », op.-cit., p.-57. 14 Réflexions sur un manuel, OC, t.-III, p.-945. 15 Ibid., p.-946. 16 Ibid. 17 Ibid. Comme exemple de ces unités de sens, Barthes prend les siècles littéraires, chacun associé à un trait sémantique : « le XVI e , c’est la vie débordante ; le XVII e , c’est l’unité ; le XVIII e , c’est le mouvement, et le XIX e , c’est la complexité ». 64 Delphine Reguig çaise que d’« assimiler la littérature à l’histoire de la littérature », c’est-à-dire à un usage médiat et scolaire des textes. L’histoire littéraire comme langue construit donc un « objet essentiellement scolaire, qui n’existe précisément que par son enseignement »-(« La littérature, c’est ce qui s’enseigne, un point c’est tout 18 »). Dans cet imaginaire critique, le classicisme organise des signes euxmêmes réduits à n’exister qu’en tant que souvenirs scolaires ; c’est en tant que langue morte, langue disparue avec l’enfance, qu’il devient l’objet privilégié du « petit programme d’exploration de cette mythologie de notre histoire de la littérature » envisagé par Barthes 19 . La démarche passe par l’étude du fonctionnement des signes comme « individuations stéréotypées », l’identification des « paradigmes mythiques », de l’utilité de ces derniers dans les processus de mémorisation et de leur « rentabilité idéologique 20 ». Le motif critique selon lequel l’écriture de l’histoire impliquerait la production d’une langue se redouble dans un autre motif, celui qui intègre la progression historique à l’usage de la langue. Il apparaît dans Le Degré zéro de l’écriture (1953), d’abord voilé par une autre notion massive, celle de Nature : « On sait que la langue est un corps de prescriptions et d’habitudes, commun à tous les écrivains d’une époque.-Cela veut dire que la langue est comme une Nature qui passe entièrement à travers la parole de l’écrivain, sans pourtant lui donner aucune forme, sans même la nourrir 21 -[…] ». Que la langue constitue « l’étendue rassurante d’une économie », qu’elle soit « un objet social par définition, non par élection », se rémunère en force de contrainte : « Nul ne peut, sans apprêts, insérer sa liberté d’écrivain dans l’opacité de la langue, parce qu’à travers elle c’est l’Histoire entière qui se tient, complète et unie à la manière d’une Nature 22 ». La comparaison filée de la Nature à l’Histoire dit cette détermination par la langue, par la nécessité de l’insertion dans la langue. Nous ne sommes pas libres de ne pas parler le classicisme parce qu’il est une langue qui nous insère dans une histoire qui agit sur nous avec la force d’une nature, parce qu’en parlant nous nous logeons « confortablement dans la servitude des signes » : « en 18 Ibid. 19 Dans sa conférence intitulée- L’Aventure sémiologique, Barthes définit rétrospectivement la sémiologie comme l’« analyse fine des processus de sens grâce auxquels la bourgeoisie convertit sa culture historique de classe en nature universelle ; la sémiologie m’est apparue alors, dans son avenir, son programme et ses tâches, comme la méthode fondamentale de la critique idéologique » ; le classicisme entre dans le cadre du « système symbolique et sémantique de notre civilisation, dans son entier », OC, t.-IV, p.-522 et 525. 20 Réflexions sur un manuel, op.-cit., p.-946. 21 OC, t.-I, p.-177. 22 Ibid. Les « signes » du classicisme : langue morte, langue vivante 65 chaque signe dort un monstre, un stéréotype : je ne puis jamais parler qu’en ramassant ce qui traîne dans la langue 23 ». Parler du classicisme comme d’un système de signes, c’est donc immédiatement renvoyer à l’occultation des œuvres ou à la mort de leur lecture. L’idée de mort est contenue dans la pratique scolaire de l’histoire littéraire telle qu’elle fonctionne de manière tautologique, en constituant « la littérature en objet culturel défini et clos, qui aurait une histoire interne à lui-même » et qui perpétuerait des « valeurs » « comme des sortes de fétiches, implantées dans nos institutions 24 ».-Dans les Éléments de sémiologie (1964), alors qu’il tire de Saussure la définition de cette science comme celle « de tous les systèmes de signes », objet qu’il s’agit de « reconstituer empiriquement », Barthes évoque la langue en des termes analogiques, comme le fruit d’une abstraction qui fait d’elle « un pur objet social, ensemble systématique des conventions nécessaires à la communication », « à la fois une institution sociale et un système de valeurs 25 ». C’est encore en ce sens que l’expression « signe du classicisme » est étonnamment productive : elle fait de la catégorie le résultat d’« un contrat collectif, auquel, si l’on veut communiquer, il faut se soumettre en bloc », un « produit social » que Barthes décrit comme « autonome, à la façon d’un jeu, qui a ses règles, car on ne peut le manier qu’à la suite d’un apprentissage 26 ». Impossible, dans une langue, de disjoindre « l’aspect institutionnel » de « l’aspect systématique » : la langue comme « système de valeurs contractuelles » échappe aux choix individuels et, à ce titre, résiste comme « institution sociale 27 ». Lire le classicisme à travers Corneille, Racine, Boileau, ce n’est précisément pas lire les textes de Corneille, Racine, Boileau ; c’est parler une langue où chaque signe renvoie à un signifié déterminé par la relation visée avec un certain nombre de valeurs ; c’est s’inscrire dans un cercle. Et ce cercle s’inscrit lui-même dans une autre structure circulaire- que décrit la leçon inaugurale au Collège de France en 1977 28 et que recouvre ce « classico-centrisme »-construit à partir de « l’idée classique de la langue » comme « idée politique 29 . Assimiler le classicisme à une langue, c’est l’assimiler à la violence symbolique-par laquelle se produit l’identification de « la littérature avec le roi », et par laquelle le pouvoir de l’un reflète celui de l’autre. Et cette « structure centrée de notre histoire de la littérature » a pour bénéfice secondaire la production d’« une identification nationale » puisqu’elle résulte d’un jugement qui promeut 23 Leçon inaugurale au Collège de France, OC, t.-V, p.-432. 24 Entretien avec L’Express, OC, t.-III, p.-674. 25 OC, t.-II, p.-637 et 639. 26 Ibid. 27 Ibid., p.-640. 28 OC, t.-V, p.-431-432. 29 Réflexions sur un manuel, op.-cit., p.-949. 66 Delphine Reguig certaines « valeurs typiquement françaises ou des tempéraments typiquement français 30 ». Nouvelle circularité symbolique dans laquelle les signes renvoient toujours à ce qui les a constitués eux-mêmes en signes 31 . Contre ces fixations, Barthes propose de « secouer une bonne fois l’idée même de littérature » en se demandant notamment « ce qu’est la littérature 32 », c’est-à-dire en posant la question du corpus concerné par cette réalité, en substituant à la manifestation des signes de l’histoire littéraire l’étude historique de l’« idée de littérature 33 », en deçà donc des images qui peuvent la représenter. L’entreprise implique de renoncer au système symbolique caché sous l’évidence des signes fabriqués par l’histoire littéraire. Refaire des classiques des textes que l’on lit, et non plus des signes que l’on apprend et manie, tel est le projet qui s’élabore à rebours de la symbolisation des classiques. L’analyse de Barthes a beau elle-même mettre en jeu un prisme en grande partie fantasmatique, elle conserve une force d’alerte et peut nous engager sur la voie d’une renaissance de la force symbolique du classicisme, par-delà son extinction comme langue. La langue vivante du classicisme L’argumentation de Barthes, en somme, rend contradictoires la représentation du classicisme comme langue et son usage vivant pour l’approche des textes classiques. De fait, comme l’explique Philippe Roger, avec d’autres, chez Barthes le « mauvais classicisme est patrimonial : il thésaurise sous le nom de “littérature classique” les “objets de son passé” national, au lieu de 30 Ibid. 31 Philippe Roger- synthétise cette position ainsi : « Telle est la ligne générale de Barthes anti-classique. Le “classicisme” sera réputé n’être ni une “école”, ni un corpus, ni même une poétique, mais un geste politique de codification autoritaire et de confiscation sociale de la langue. », art.- cit., p.- 278. Hélène Merlin-Kajman, dans La Langue est-elle fasciste ? , a procédé à un efficace examen critique du processus logique qui assimile ainsi le classicisme comme imaginaire linguistique à la domination socio-politique. Elle écrit notamment : -« La langue française inaugurée par la réforme malherbienne n’est pas marquée au sceau de l’absolutisme royal : cette légende qui enchaîne, dans une même trame narrative […], l’ordonnance de Villers-Cotterêts, Malherbe, la création de l’Académie française, Vaugelas et le bon usage, l’imposition de l’ordre de la représentation avec Port-Royal et la politique de l’éloge sous Louis XIV, et, à la fin des fins, la répression des dialectes par la Révolution française, cette légende n’a aucun fondement historique sérieux », Paris, Seuil, 2003, p.-67. 32 Entretien avec L’Express, op.-cit., p.-674. 33 Réflexions sur un manuel, op.- cit., p.- 948 : « l’histoire de la littérature devrait être conçue comme une histoire de l’idée de littérature, et cette histoire ne me semble pas exister pour le moment. » Les « signes » du classicisme : langue morte, langue vivante 67 les “décrire de nouveau pour savoir ce qu’il peut en faire 34 ” ». Cette dernière procédure, que Barthes valorise contre le discours autoréférentiel de l’histoire littéraire, peut nous servir de guide pour savoir comment remotiver les signes du classicisme et réorienter leur pouvoir relationnel. La première démarche consiste en un décentrement : le classicisme, pour effacer les noms qui le réduisent au silence et laisser place à des œuvres vivantes, ne doit plus être considéré comme le centre de l’histoire littéraire, le centre au sens de point focal « des normes et des valeurs 35 » et au sens d’origine chronologique de ces mêmes normes et valeurs. Faire du classicisme un centre, c’est forcément l’absorber dans cette fonction législatrice et normative, c’est préférer le discours systématique, encore une fois, à l’expérimentation décloisonnée, c’est faire de la diachronie une échelle de valeurs au lieu d’en faire le guide d’une lecture interne. Or, l’usage du métalangage linguistique pour évoquer le classicisme n’est pas seulement le symptôme d’un détour symbolisant : il sert aussi l’expression d’un rapport personnel avec les textes classiques qui est le fait de Barthes lui-même. Ce choix terminologique relève en effet pleinement d’une décision subjective et éclaire ce que Claude Coste nomme « l’impressionnisme barthésien » défini « comme équilibre entre le présent et le passé, la critique littéraire et la confession déguisée, la pertinence analytique et la projection personnelle 36 ». Un tel métalangage est un choix stylistique non seulement de critique mais aussi d’auteur. En décrivant le classicisme et l’histoire littéraire comme systèmes symboliques, Barthes assume, en tant qu’écrivain, la « responsabilité de la forme » qu’il analyse dans Le Degré zéro de l’écriture et qui consiste bien à trouver une écriture libre au sein d’une détermination culturelle contraignante. La proximité que Barthes laisse percevoir à l’égard des classiques est sans doute là, dans l’intensité de cette conscience qui entend bien écrire dans une langue qui se choisit. C’est pourquoi les termes de « Plaisir aux Classiques » peuvent nous orienter si l’on prend désormais ce texte comme un texte littéraire et non plus seulement métalittéraire. Les termes de ce texte dessinent l’image d’un classicisme miroir où rayonnent les signes de soi et où l’on s’approprie son propre style : il faut, écrit Barthes à propos des classiques, « les lire dans un dessein tout personnel » en cherchant, « sous la généralité de leur art, la flèche qu’à travers les siècles, ils m’ont décochée 37 ». L’image de la flèche mérite qu’on s’y arrête : elle est propre à remotiver l’énergie transactionnelle du signe linguistique. De signe tordu, le nom classique peut être transformé 34 Critique et vérité, OC, t.-II, p.-759. 35 Réflexions sur un manuel, op.-cit, p.-949-950. 36 « Roland Barthes ou la hantise du XVII e -siècle », art.-cit., p.-392. 37 Op.-cit., p.-57. 68 Delphine Reguig en flèche vibrante, traversant les siècles, transperçant les systèmes. Ce premier texte est l’antidote aux développements postérieurs sur la sclérose des signes du classicisme. Par anticipation, il substitue à la mythologie des manuels scolaires l’« adoration » en quoi consiste l’« interprétation » des classiques, « divinités » dont l’obscurité équivoque préserve la liberté d’une lecture particulièrement intime parce qu’elle est faite de « complicité flatteuse »-entre l’écrivain et le lecteur : Écho d’un Narcisse qui ne sait pas parler, c’est mon double inspiré ; sa confidence m’illumine ; mais ses révélations sont si décentes, il chante ce chant individuel avec tant d’à-propos, avec une beauté si pleine mais si modeste, que je n’ai pas à en rougir, et qu’au plaisir d’avoir été deviné, j’ajoute celui de n’être pas trahi. Plus le lecteur aura de passion, plus il se retrouvera dans les Classiques. Il ne pourra en lire une page sans y reconnaître quelque chose de lui-même, et bien que la parenté proposée par les Classiques soit entre leurs créatures et nous plutôt qu’entre nous et eux, je ne vois que des lecteurs sans cœur et sans imagination pour rester froids devant ce pur miroir enflammé par nous-mêmes. 38 Le lyrisme est puissant. Il permet, dès l’origine, de mener l’opération d’extraction des « noms propres historiques fortement personnalisés et appropriés », opération consistant à « les déproprier 39 » que Barthes évoque avec Jean Ristat dans l’entretien de 1973 au sujet du texte Le Lit de Nicolas Boileau et Jules Verne. Alors que Jean Ristat évoque sa formule limite « Boileau c’est moi » comme un « coup de force », un « cogito », Barthes renchérit : « L’entreprise ne peut être radicale que si, précisément, elle part de lieux très appropriés, comme le dénotent tous ces noms de notre littérature et de notre histoire 40 ». Ce « travail de l’écriture comme effraction ou vol »-- selon l’expression de Jean Ristat - qui est celui de l’écrivain, permet de retrouver la transitivité du signe, de s’introduire « dans un monde référent très fort et très consistant, qui est ou l’histoire de France ou l’histoire de la littérature 41 ». Cette subversion des signes permet de retrouver un objet vers lequel écrire à son tour. Les classiques en donnent eux-mêmes l’exemple, en tordant les pronoms personnels de telle sorte qu’ils deviennent susceptibles d’ouvrir le fonctionnement linguistique vers une pluralité référentielle ; les classiques « ne parlent jamais d’eux, jamais de nous. Ils ont mis leur art dans l’économie des pronoms personnels. Penser et faire penser je, mais dire ils ou on, quelle tyrannie, mais aussi quelle majesté ! On peut désormais tout 38 Ibid., p.-57-58. Nous soulignons. 39 « L’inconnu n’est pas le n’importe quoi » sur Le Lit de Nicolas Boileau et Jules Verne, OC, t.-IV, p.-401-sq. 40 Ibid., p.-402. 41 Ibid. Les « signes » du classicisme : langue morte, langue vivante 69 dire ou plutôt tout laisser entendre 42 ». Dans le silence ménagé par le texte classique, on peut faire entendre son propre monde. C’est donc être un esprit « véritablement vivant » que de « cultiver [c]e passé 43 ». Lire et écrire depuis les classiques permet d’ouvrir la référence du signe du classicisme mais sur le mode même de l’incomplétude du signe dont le propre est toujours de renvoyer à ce qu’il n’est pas. Le développement si frappant de Barthes sur l’éternité du propos classique tient à la description de cette incomplétude : La force classique repose sur cette distinction ; les Classiques furent clairs, d’une clarté terrible, mais si clairs que l’on pressent dans cette transparence des vides inquiétants dont on ne sait, à cause de leur habileté, s’ils les y ont mis ou simplement laissés. Un classique ne dit pas tout, tant s’en faut […] ; il dit un peu plus que ce qui est évident, et encore ce supplément d’inconnu, le dit-il comme s’il était évident, en sorte qu’à force de clarté, il n’y a nulle part de plus fatigante obscurité, de silence plus térébrant que la pensée classique. Mais cela fait penser, et penser indéfiniment. […] Enfermées dans les limites de la perfection, les œuvres classiques sont des objets finis, complexes et admirables ; mais elles sont aussi des trames, des ébauches, des espoirs où l’on peut indéfiniment ajouter. 44 Dans son texte sur La Bruyère (1963), le critique insiste sur les mêmes traits de « modernité 45 ». Le propos mobilise à nouveau la terminologie sémiotique pour définir l’usage littéraire du langage comme « indirect 46 », usage qui consiste à « désigner le monde comme un répertoire de signes dont on ne dit pas ce qu’ils signifient 47 ». Cette fois le point de vue est celui de l’écriture du texte classique et non plus de sa constitution en signe. Cette fois l’énergie transitive du signe est non seulement intacte mais exhibée comme telle dans une sorte d’emploi absolu. Dans Le Degré zéro de l’écriture, Barthes définissait déjà l’« économie du langage classique » comme « relationnelle » en précisant que « les mots y [étaient] abstraits le plus possible au profit des rapports » : « Aucun mot n’y est dense par lui-même, il est à peine le signe d’une chose, il est bien plus la voie d’une liaison.-Loin de plonger dans une réalité intérieure consubstantielle à son dessin, il s’étend, aussitôt proféré, vers d’autres mots, de façon à former une chaîne superficielle 42 « Plaisir aux Classiques », op.-cit., p.-58. 43 Ibid. 44 Ibid., p.-59-60. 45 OC, t.-II, p.-487. 46 Ibid., p.-483. 47 Ibid. 70 Delphine Reguig d’intentions 48 ». En séparant « la chose de sa signification », le texte classique emplit l’écriture d’énergie de signification, une énergie qui subsiste dans l’éloignement même du référent : « La plupart des caractères sont ainsi construits comme une équation sémantique : au concret, la fonction du signifiant ; à l’abstrait, celle du signifié, de l’un à l’autre un suspens, car l’on ne sait jamais à l’avance le sens final que l’auteur va tirer des choses qu’il manie 49 ». Et les Caractères « peuvent peut-être le plus nous toucher » par cette « expérience de la littérature » que mène leur auteur dans le langage 50 . Cette recherche tout empirique procède d’une « certaine réflexion sur l’être de cette parole singulière que nous appelons aujourd’hui littérature », d’un « engagement de l’écrivain dans les mots » pour assumer la « responsabilité de l’écriture 51 ». La fréquentation du texte classique permet donc de définir la littérature comme « une pensée formée par les mots, un sens issu de la forme 52 » ainsi qu’une distance à l’égard du discours complet, formé, direct ; la parole de l’écrivain, et du classique en particulier, « est seulement là pour désigner un trouble » : car la fonction de la littérature « n’est pas de répondre directement aux questions que le monde se pose, mais, à la fois plus modestement et plus mystérieusement, d’amener la question au bord de sa réponse, de construire techniquement la signification sans cependant la remplir 53 ». Cet usage des signes est aussi remarquable chez Racine dont Barthes écrit qu’il est, « sans doute » « le plus grand écrivain français », « si la littérature est essentiellement, comme [il le croit], à la fois sens posé et sens déçu ». Cet « art inégalé de la disponibilité 54 », règne du signe ouvert et dynamique 55 , permet de retrouver toute la vie de la parole : « Passent le marbre, le fleuve, les lois et les mœurs, mais la parole est la plus longue à survivre, et des civilisations mortes rayonnent encore par leur seule voix 56 ». L’aboutissement de l’itinéraire réflexif de Barthes répond précisément à cette notation inaugurale de « Plaisir aux Classiques ». Dans l’un de ses derniers textes, La Préparation du Roman, le critique appelle à renoncer à 48 OC, t.-I, p.-197. 49 OC, t.-II, p.-483. 50 Ibid. 51 Ibid., p.-487. 52 Ibid. 53 Ibid. Gilles Philippe explique qu’à ce moment précis de la réflexion de Barthes, « la littérature s’analyse en termes de signal plus que de signification. », op.- cit., p.-207. 54 Sur Racine, OC, t.-II, p.-54. 55 Barthes rattache la « spécialité » et la « très grande beauté » de la langue classique à la mobilité et à l’ambiguïté de ses métaphores « qui sont à la fois concept et objet, signe et image. », ibid., p.-103. 56 « Plaisir aux Classiques », op.-cit., p.-61. Les « signes » du classicisme : langue morte, langue vivante 71 concevoir « l’écrire-classique comme une forme qu’il faut défendre en tant que forme passée, légale, conforme, répressive, etc., mais au contraire comme une forme que le roulement et l’inversion de l’Histoire sont en train de rendre nouvelle […]. » Il en appelle au contraire à une conception actuelle de « l’Écriture classique comme déliée du Durable, dans lequel elle était embaumée […] il faut la travailler, cette Écriture classique, afin de mani fester le devenir qui est en elle 57 ». Le signe classique remplace le signe du classicisme : il abolit sa plénitude mortifère pour réactiver une insuffisance dynamique ; il répond à ce que Judith Schlanger identifie comme la nature même de l’« attente esthétique » : une « demande vitale d’événément 58 » qui est « d’abord de l’ordre de l’expérience 59 ». Cette vitalité propre à l’écriture classique - le « pouvoir explosif » de « cette admirable langue des XVII e et XVIII e -siècles, dont aucun écrivain moderne ne peut se dessouvenir 60 »-- fait que la lecture des classiques plaît à « ceux qui tiennent la vie pour intéressante-- en dehors des livres 61 ». L’éprouver et la transmettre, c’est rendre possible une lecture vivante des classiques, par-delà les signes du classicisme. * * * L’analyse de Barthes, dans ses outils mêmes, peut nous permettre de contribuer à décrisper l’approche française du corpus classique à travers la catégorie de « classicisme ». Dans la pensée de Barthes, le classicisme se trouve au carrefour de trois notions : l’histoire, la langue, la littérature. Sortir le classicisme de « l’ordre sacral des Signes écrits », celui qui « pose la Littérature comme une institution et tend évidemment à l’abstraire de l’Histoire », pour écrire « l’histoire des Signes de la Littérature 62 » doit rendre possible la collaboration d’une lecture à la fois sémiotique et sémantique des classiques. La première, à son niveau, tendrait à examiner les anciennes scléroses qui ont réduit les classiques au silence en les transformant en signes. La deuxième, à un autre niveau, veillerait à rendre aux textes classiques leur force d’adresse, à manifester l’usage vibrant qu’ils font des signes 63 . L’on pourrait alors, 57 La Préparation du Roman I et II. Cours et séminaires au Collège de France (1978-1979 et 1979-1980), Paris, Seuil, 2003, p.- 374. A. Compagnon analyse dans ce texte l’expression du regret des classiques au moment où s’installe chez Barthes l’angoisse de voir disparaître la langue française et la littérature, Les Antimodernes, p.-404-440. 58 La Mémoire des œuvres, Paris, Verdier, 2008, p.-51. 59 « Plaisir aux Classiques », op.-cit., p.-62. 60 Ibid., p.-61. 61 Ibid., p.-62. 62 Le Degré zéro de l’écriture, op.-cit., p.-171. 63 Pour prolonger cette réflexion, on se reportera aux développements de la Leçon inaugurale au Collège de France : « La littérature et la sémiologie en viennent 72 Delphine Reguig non pas reconstituer un corps de doctrine, mais éprouver un corpus de textes. Le texte originel de 1944 partait de l’intuition du classicisme comme une « promesse », d’une anthologie de textes présentés comme autant d’« amorces »- dont « l’important, c’est qu’elles promettent 64 ». La promesse elle-même est celle d’un plaisir, celui du titre et celui qui habite tout le texte dédié « aux Classiques 65 » que l’on pourrait reverser au « classicisme » luimême en rendant le terme énergiquement signifiant, c’est-à-dire vivant 66 . ainsi à se conjuguer pour se corriger l’une l’autre. […] le signe doit être pensé - ou repensé - pour être mieux déçu. », OC, t.-V, p.-441. 64 « Plaisir aux Classiques », op.-cit., p.-63. 65 Barthes présente son anthologie personnelle des « fragments de textes classiques comme ces friandises multiples qui précèdent les repas des Mille et Une Nuits, et où l’on puise au hasard pour se donner faim. » ; c’est une manière de confirmer que pour lui, la lecture des classiques est une « question de plaisir », ibid., p.-63 et 62. 66 La Leçon inaugurale au Collège de France soutient l’idée selon laquelle la sémiologie « se déploie hors de la mort » et assimile le sémiologue à un « artiste », op.-cit., p.-443.
