Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
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2017
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La poésie lyrique des Parnassiens, ou le contre-positivisme esthétique
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2017
Klaus W. Hempfer
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Œuvres & Critiques, XLII, 1 (2017) La poésie lyrique des Parnassiens, ou le contre-positivisme esthétique Klaus W. Hempfer Dans une publication récente, Henning Hufnagel a essayé de « recaractériser la poésie lyrique parnassienne dans son ensemble 1 » ; si cette tentative ne parvient pas à me convaincre, elle me donne toutefois l’opportunité de préciser dans un nouveau cadre théorique la conception que j’ai élaborée dans les années 1990. Hufnagel part du topos de l’hétérogénéité de la poésie lyrique parnassienne qu’il considère en même temps comme « un problème non résolu 2 ». Ce ‘topos’ ne peut en aucun cas constituer un problème spécifique de la recherche parnassienne, car le lieu commun de l’hétérogénéité se retrouve dans les tentatives les plus variées de groupement de textes et d’auteurs du Moyen- Âge au post-modernisme et semble être plutôt une problématique générale de la périodisation dans les études littéraires 3 . Dans mon article de 1993, j’ai déjà essayé d’établir le lien systématique entre, d’une part, le passage de la prédominance de la fonction émotive du langage à une prédominance de sa fonction référentielle et, d’autre part, la forme spécifique de cette dernière en tant que mimésis au second degré. Étant donné que Hufnagel en fait l’un des quatre clivages qu’il évoque 4 , je souhaite renouveler mon essai (1 e - partie) pour ensuite expliquer, notamment en m’appuyant sur Leconte de-Lisle, pourquoi il semble fondamentalement erroné de vouloir marquer le Parnasse de l’étiquette du « positivisme esthétique 5 » et pourquoi, en particulier, le clivage que Hufnagel essaie de mettre en évidence entre l’art pour l’art et la scientificité n’est pas per- 1 Hufnagel 2015, p.-126. 2 Ibid., p.-126 (note-13). Cf. au contraire la synthèse brillante dans Hartung 2009. 3 Cf.-à ce propos le chap.-6 dans Hempfer (à paraître). 4 « Le deuxième clivage se manifeste entre la chosité ou la suggestion de référentialité d’une part, et la problématisation de la mimésis d’autre part. » (Hufnagel 2015, p.-129 ; traduction : PFW). 5 Ibid., pp.- 124-126. En recaractérisant le Parnasse comme « positivisme esthétique », Hufnagel se rapporte explicitement à Brunetière dont on sait qu’il est, pour sa part, fortement influencé par le positivisme déterministe d’Hippolyte Taine. 280 Klaus W. Hempfer tinent (2 e - partie) 6 . Enfin, j’aurai recours au concept de la « ressemblance de famille » (Familienähnlichkeit) de Wittgenstein ainsi qu’au concept de prototype qui en découle dans les sciences cognitives, afin d’esquisser un cadre conceptuel qui permette de rendre compatible l’idée, propagée par la critique contemporaine et les auteurs eux-mêmes, d’une école parnassienne avec la diversité des auteurs et/ ou des recueils respectifs (3 e -partie), de sorte à essayer ainsi de résoudre également le ‘problème d’hétérogénéité’ de Hufnagel. 1. La construction du rare objet exquis et la mimésis au second degré Le Poème de la femme ----Marbre de Paros I Un jour, au doux rêveur qui l’aime, En train de montrer ses trésors, Elle voulut lire un poëme, 4 Le poëme de son beau corps. II D’abord, superbe et triomphante Elle vint en grand apparat, Traînant avec des airs d’infante 8 Un flot de velours nacarat : III Telle qu’au rebord de sa loge Elle brille aux Italiens, Écoutant passer son éloge 12 Dans les chants des musiciens. IV Ensuite, en sa verve d’artiste, Laissant tomber l’épais velours, Dans un nuage de batiste 16 Elle ébaucha ses fiers contours. 6 Le fait qu’il n’existe pas non plus de clivage entre la représentation d’objets (d’art) traditionnellement majeurs ou mineurs (le troisième critère de Hufnagel, ibid., pp.- 129-130) a déjà fait l’objet d’une démonstration dans Hempfer 1993, p.- 85. Comme l’explicite par exemple Gautier dans « L’Art », ce qui lui importe n’est pas la valeur du matériau, mais sa résistance : « Oui, l’œuvre sort plus belle/ D’une forme au travail/ Rebelle,/ Vers, marbre, onyx, émail. » (Gautier 1947, p.- 130, v.-1-4). Vers et marbre sont ici côte à côte ‘en harmonie’ avec émaux et camées ; et même si ces deux derniers étaient des « objets d’artisanat d’art » (Hufnagel 2015, p.- 130), ce n’est pas de l’artisanat d’art que Gautier pratique avec ses vers dans Émaux et Camées, mais bien de ‘l’art’ dont la qualité ne résulte pas du matériau en tant que tel, mais de son traitement artistique : « Sculpte, lime, ciselle […] » (« L’Art », v.-53). La poésie lyrique des Parnassiens 281 V Glissant de l’épaule à la hanche, La chemise aux plis nonchalants, Comme une tourterelle blanche 20 Vint s’abattre sur ses pieds blancs. VI Pour Apelle ou pour Cléomène, Elle semblait, marbre de chair, En Vénus Anadyomène 24 Poser nue au bord de la mer. VII De grosses perles de Venise Roulaient au lieu de gouttes d’eau, Grains laiteux qu’un rayon irise, 28 Sur le frais satin de sa peau. VIII Oh ! quelles ravissantes choses, Dans sa divine nudité, Avec les strophes de ses poses, 32 Chantait cet hymne de beauté ! IX Comme les flots baisant le sable Sous la lune aux tremblants rayons, Sa grâce était intarissable 36 En molles ondulations. X Mais bientôt, lasse d’art antique, De Phidias et de Vénus, Dans une autre stance plastique 40 Elle groupe ses charmes nus. XI Sur un tapis de Cachemire, C’est la sultane du sérail, Riant au miroir qui l’admire 44 Avec un rire de corail ; XII La Géorgienne indolente, Avec son souple narguilhé, Étalant sa hanche opulente, 48 Un pied sous l’autre replié, XIII Et comme l’odalisque d’Ingres, De ses reins cambrant les rondeurs, En dépit des vertus malingres, 52 En dépit des maigres pudeurs ! XIV Paresseuse odalisque, arrière ! Voici le tableau dans son jour, Le diamant dans sa lumière ; 56 Voici la beauté dans l’amour ! 282 Klaus W. Hempfer XV Sa tête penche et se renverse ; Haletante, dressant les seins, Aux bras du rêve qui la berce, 60 Elle tombe sur ses coussins. XVI Ses paupières battent des ailes Sur leurs globes d’argent bruni, Et l’on voit monter ses prunelles 64 Dans la nacre de l’infini. XVII D’un linceul de point d’Angleterre Que l’on recouvre sa beauté : L’extase l’a prise à la terre ; 68 Elle est morte de volupté ! XVIII Que les violettes de Parme, Au lieu des tristes fleurs des morts Où chaque perle est une larme, 72 Pleurent en bouquets sur son corps ! XIX Et que mollement on la pose Sur son lit, tombeau blanc et doux, Où le poëte, à la nuit close, 76 Ira prier à deux genoux. (Gautier 1947, pp.-7-10) Depuis la réception de l’époque jusqu’à la recherche moderne en études littéraires, on voit se dégager - pour ce qui est de l’objet typique de la représentation parnassienne de la réalité - des domaines certes divers, mais qui se répètent avec une récurrence frappante : alors que pour Gautier il est principalement question de transposition d’art, terme employé par l’auteur lui-même 7 , on attribue à Banville surtout sa prédilection pour les sujets grecs ou la mythologie antique en général 8 ; la même chose vaut pour Heredia 9 et naturellement aussi pour Leconte de- Lisle qui a initié la ‘regrécisation’ des noms de dieux antiques et de personnages mythologiques 10 , si bien que ce n’est pas un hasard si Dusolier qualifie les impassibles également de « petits néo-grecs 11 ». Certes, il est vrai qu’à côté de sa phase ‘antique’ Leconte de-Lisle en a également une ‘barbare’, puisqu’il traite dans 7 Cf. Martino 1925/ 11 1964, p.-21 et Hempfer 1997a, sur la pratique de la transposition d’art cf. Hartung 2000 et Hofmann 2000. 8 Cf. Martino 1925/ 11 1964, p.-25. 9 Cf.-ibid., p.-26. 10 Cf. ibid., p.-21 et infra à la page-293 de notre article. 11 Dusolier 1866/ 2006, p.-49. La poésie lyrique des Parnassiens 283 les Poèmes Barbares des mythologèmes issus des aires culturelles les plus diverses en dehors de l’Antiquité ; chez Banville, les Cariatides sont suivies des Stalactites dans lesquelles la Grèce est loin d’être absente, mais le recueil en tant que tel ne peut plus se qualifier de « grécisant », et Les Trophées ne sont eux aussi constitués que partiellement par recours à l’Antiquité grecque. Ainsi, pour Dusolier également, le qualificatif « néo-grecs » n’est-il que la dénomination synecdotique d’un phénomène général. En partant du constat que « le présent nous passionne », Dusolier apporte une explication à la constitution de l’objet dans la poésie des impassibles : Aussi, les Impassibles décidés à ne pas compromettre leur impassibilité, s’adressent-ils de préférence à des temps et à des pays tellement éloignés qu’on est, en les traitant, sûrement prémuni contre les « surprises du cœur ». (Dusolier 1866/ 2006, p.-49) Ce qui m’importe ici n’est pas la mise en rapport établie par Dusolier, mais la distance temporelle et spatiale qui, d’après le constat qu’il fait, caractérise généralement les objets choisis par les impassibles. De la transposition d’art, que l’on retrouve tant chez Gautier que chez Heredia 12 ou Leconte de-Lisle 13 , jusqu’à l’exotisme indien d’un Catulle Mendès 14 , en passant par les Stalactites de Banville, la poésie lyrique parnassienne semble se distinguer par une hétérogénéité des objets qui possèdent néanmoins un trait commun : la construction du rare objet exquis à travers la représentation. Ce processus de construction est formulé explicitement dans « Décor », le poème introductif des Stalactites, qui révèle ainsi le caractère méta-poétique du titre du recueil 15 ; mais cette construction trouve aussi une forme de réalisation particulièrement frappante dans la structure du texte cité de Gautier. Ce dernier n’est pas simplement fondé, en effet, sur une transposition d’art, autrement dit le transfert d’une œuvre d’art vers un autre mode de médiation artistique, mais sur le principe directeur qui caractérise la plupart des textes de Gautier et d’autres Parnassiens, à savoir que le texte poétique ne se réalise pas simplement en tant que représentation de la réalité, mais que pour sa part la réalité représentée constitue déjà un objet esthétique. Cet objet esthétique peut être une image, une sculpture, un morceau de 12 Cf. notamment « Jason et Médée », paru d’abord en 1872, puis réimprimé dans Parnasse Contemporain III 1876/ 1971, p.-171 (cf. infra à la page 297). 13 Cf. notamment « Vénus de Milo », paru d’abord en 1846, puis réimprimé dans Poèmes Antiques (1852) (cf. infra aux pages 296s.). 14 Cf. notamment « L’Enfant Kriçhna » dans Parnasse Contemporain I 1866/ 1971, pp.-56-58. 15 Cf. Les Stalactites (1846) dans Banville 1994-2009, II, 1-90, « Décor », pp.-5-7. 284 Klaus W. Hempfer musique 16 etc. ; ou bien la réalité peut être transformée explicitement en un objet esthétique, et peut être représentée ainsi en tant que réalité esthétisée. C’est cela même que nous trouvons dans notre texte, et ceci dès le sous-titre « Marbre de Paros » - l’idéal-type du matériau des statues grecques. Du fait de la juxtaposition syntactique, il est bien sûr impossible de déterminer quel élément, le « Poème de la femme » en tant que poème ou seulement « la femme » en tant que personne, est mis en analogie métaphorique avec le marbre de Paros. Dans le texte lui-même, le marbre apparaît comme métaphore de la beauté de la dame (v.-22), et c’est la formulation de la métaphore même (« marbre de chair » et non pas chair de marbre) qui exprime de nouveau l’esthétisation sur le plan de l’objet. De nombreux autres éléments de la sémantique descriptive typiquement parnassienne, tels que les coraux (v.-46), les perles (v.-25, v.-71), les pierres précieuses (v.-55) ou encore la prédominance de certaines couleurs comme le ‘blanc’ indiquent, sinon l’esthétisation de l’objet représenté, du moins la caractérisation de celui-ci comme objet rare et exquis. L’aspect déterminant réside toutefois dans le fait que le processus de rendre exquis et/ ou d’esthétiser l’objet de la représentation se trouve formulé explicitement en tant que tel : De grosses perles de Venise Roulaient au lieu de gouttes d’eau, Grains laiteux qu’un rayon irise, Sur le frais satin de sa peau. (v.-25-28) La formulation explicite du processus de faire de l’objet à représenter un objet rare et exquis se manifeste linguistiquement de manière univoque à travers le lien réalisé par « au lieu de », par lequel dans l’acte descriptif l’objet ‘proprement dit’ (« gouttes d’eau ») est remplacé par l’objet rare (« de grosses perles de Venise »). Le fait que l’objet de la représentation soit déjà esthétique en soi, c’est-àdire même avant sa représentation, est toutefois clairement mis en évidence dès la strophe initiale du texte, car la dame ne dévoile pas au « doux rêveur » tout simplement la beauté de son corps, mais Elle voulut lire un poëme, Le poëme de son beau corps. (v.-3-4) Si le beau corps est un poème avant même d’être représenté dans un poème, alors la poésie n’est pas représentation de la réalité, mais représentation de 16 Cf. à ce propos notamment « Variations sur le Carnaval de Venise » du recueil Émaux et Camées (1852) dans Gautier 1947, pp.-15-20. La poésie lyrique des Parnassiens 285 l’art. Le corps décrit constitue en lui-même une œuvre d’art, et cela n’est pas thématisé seulement dans la première strophe, mais encore à d’autres reprises. Dans la strophe-VIII, la « divine nudité » chante avec les « strophes de ses poses » un « hymne de beauté » et, dans la strophe- X, la dame prend une nouvelle pose désignée de « stance plastique ». De plus, la même strophe évoque simultanément divers modèles alternatifs de construction du rare objet exquis : Mais bientôt, lasse d’art antique De Phidias et de Vénus, Dans une autre stance plastique Elle groupe ses charmes nus. (v.-37-40) Par « lasse d’art antique », on passe du modèle antique qui a dominé jusqu’alors la représentation de la dame (voir par exemple la référence à Apelle ou bien à Vénus Anadyomène dans la strophe-VI) au modèle oriental, ce qui permet de désigner les deux modèles comme des modalités équivalentes de construction de l’objet exquis. Aussi la prédilection des impassibles pour l’éloignement temporel et spatial, remarquée par Dusolier, ne se manifeste-t-elle pas ici par le seul choix de l’objet, mais, étant donné qu’un objet somme toute familier - la beauté de la femme - se trouve ‘distancié’ et que les ‘modèles de distanciation’ alternatifs sont explicités, l’éloignement temporel et spatial est thématisé directement dans sa fonction de construction du rare objet exquis. On pourrait mettre en évidence d’autres procédés d’esthétisation de l’objet comme la comparaison de la dame à la représentation d’un personnage féminin dans L’Odalisque couchée d’Ingres, mais tel n’est pas le but de mon propos. Ce qui m’importe ici est de constater que la représentation de la réalité dans la poésie lyrique parnassienne est réductible à une structure fondamentale que je nomme la construction de la rareté exquise sur le plan de l’objet. Cette construction peut se concrétiser de manières tout à fait diverses, depuis l’‘exotisme’ temporel et spatial jusqu’à la désignation de l’objet représenté comme étant esthétique per se. Je ne fais pas ici référence au traitement des thèmes et/ ou objets traditionnellement élevés : la représentation d’une femme nue et de son excitation sexuelle est traditionnellement aussi peu ‘élevée’ que la plupart des autres ‘thèmes’ traités par Gautier dans Émaux et Camées. Par la ‘construction de la rareté exquise sur le plan de l’objet’, j’entends plutôt un processus qui rend l’objet de la représentation rare, extraordinaire ou, du moins, peu ordinaire et par conséquent exquis de sorte qu’il mérite d’être représenté. La forme la plus aboutie de cette construction est certainement atteinte lorsque l’objet de la représentation est déjà en lui-même une œuvre d’art ou bien qu’il est désigné comme telle : 286 Klaus W. Hempfer la relation mimétique à la réalité existe alors au second degré, à travers la médiation introduite par la mimésis de l’art qui, de son côté, se rapporte à la réalité. Cette réalisation-là du principe de construction du rare objet exquis prédomine justement chez Gautier, et cela n’est certainement pas tellement lié au fait qu’en tant que critique d’art il était régulièrement amené à décrire des tableaux ou se percevait comme un « peintre manqué » 17 ; c’est bien davantage la conséquence de son positionnement clair en faveur de l’art pour l’art, qu’il défend d’ailleurs dans la poésie introductive d’Émaux et Camées intitulée « Préface », et ce à double titre : d’une part, l’exclusion de la dérangeante réalité quotidienne se réalise de manière idéale lorsque l’objet de l’art est aussi un objet d’art ; d’autre part, si la spécificité de l’art est la beauté - comme le soutiennent les artistes - alors l’art est nécessairement d’une particulière beauté lorsque c’est de l’art qu’il représente. Mon esquisse de la relation nouvelle entre ‘nature’ et ‘culture’ révèle que le Parnasse n’est pas tout simplement réductible à l’art pour l’art conçu comme non-finalité de l’art, mais qu’il élabore une modification fondamentale de la conception traditionnelle de la mimésis. Stefan Hartung a retracé dans un article de fond les origines historiques de ce processus et ainsi mis en évidence l’importance cruciale du cours dispensé par Cousin en 1818/ 19 à la Sorbonne pour le transfert de l’esthétique de l’autonomie de l’idéalisme allemand vers la France et, en particulier, sa transmission à Gautier 18 . Il mentionne ainsi qu’Ody a montré dès 1933 que - contrairement à une affirmation fréquente 19 - ce n’était pas Hugo qui avait forgé la formule de l’art pour l’art 20 , mais bien Cousin dans ses cours de 1819, et que cette ‘formule’ et sa ‘doctrine’ avaient été « transmises sous une forme bien sûr modifiée à Baudelaire et aux Parnassiens » par Gautier 21 . Finalement, Anne Hofmann a élaboré, à partir d’une analyse complète des écrits de critique artistique de Gautier, le concept de « transmimésis » qui fournit le cadre théorique du texte de Gautier ici analysé 22 ; autrement 17 C’est en cela que Martino (1925/ 11 1964, p.-21) voit l’origine de l’utilisation de la transposition d’art dans les poèmes de Gautier. 18 Le cours ne fut publié qu’en 1836 (= Cousin 1836). Comme Hartung a été en mesure de le démontrer, l’affirmation de Martino selon laquelle « on […] avait oublié » Cousin après son cours en Sorbonne (Martino 1925/ 11 1964, p.- 16) est tout simplement fausse. Au contraire, Hartung parvient à « retracer le chemin exact que la théorie esthétique de Cousin a emprunté à travers le milieu des poètes parisiens » (Hartung 1997a, pp.- 179-183, citation p.- 179, traduction : PFW). 19 Martino 1925/ 11 1964, p.-16. 20 Ody 1933, p.-39 (d’après Hartung 1997a, p.-184, note-114). 21 Hartung 1997a, p.-181 (traduction : PFW). 22 Hofmann 2001, pp.-232-277. La poésie lyrique des Parnassiens 287 dit la théorie que Hofmann nomme « transmimésis » et la pratique que je caractérise de « mimésis au second degré » se correspondent parfaitement chez Gautier. Cette seule citation suffit à le prouver : C’est que l’art est plus beau, plus vrai, plus puissant que la nature, la nature est stupide, sans conscience d’elle-même, sans pensée, sans passion ; c’est quelque chose d’insensible et de morne qui a besoin, pour l’animer, que nous lui prêtions l’âme et le souffle 23 . Par cette citation, il apparaît très clairement que ce qui importe à Gautier n’est pas simplement la non-finalité de l’art, mais la conceptualisation d’une mise en relation entre nature et culture qui dépasse fondamentalement la compréhension traditionnelle de la mimésis (d’où le terme de ‘transmimésis’) : l’art ne devient pas art par le simple fait qu’il imite le plus fidèlement possible la nature, mais parce qu’il fait de la ‘nature’ elle-même de l’‘art’ en la construisant en tant qu’art à travers le processus de représentation, ce qui alors seulement la rend digne d’être représentée. C’est justement ce processus que Gautier applique dans « Le Poème de la femme » et dans plusieurs autres textes d’Émaux et Camées. Ce passage d’une représentation comme reproduction à une représentation comme construction ouvre la voie qui mène vers la poésie lyrique moderne et rend moins surprenante que généralement admis la dédicace à Gautier dans Les Fleurs du Mal de Baudelaire. J’y reviendrai plus loin 24 . Retenons toutefois que la construction esthétique du Parnasse diffère fondamentalement de celle de la ‘poésie lyrique moderne’ : elle reste essentiellement mimétique, car elle repose sur une relation de ressemblance qui nomme explicitement l’objet de la construction esthétique (« la femme ») - un aspect d’ailleurs souligné en son temps par Mallarmé 25 . 23 Gautier 1837, cité dans Hofmann 2001, p.-241. La filiation avec les formulations de Cousin est évidente : « Ainsi, le beau est une idée absolue et non une copie de la nature imparfaite, infinie et contingente. » (Cousin 1836, p.-190)-- « L’art, c’est la nature détruite et recréée, le génie, c’est le goût, non plus appréciateur du beau naturel, mais créateur du beau idéal supérieur au premier. » (Ibid., p.-264). 24 Cf. infra aux pages 297s. de notre article. 25 Cf. à ce propos le fameux passage de l’« Enquête de Jules Huret » : « les Parnassiens, eux, prennent la chose entièrement et la montrent : par là ils manquent de mystère ; ils retirent aux esprits cette joie délicieuse de croire qu’ils créent. Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poëme qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. » Mallarmé 1997-2003, t.-II, p.-700. 288 Klaus W. Hempfer 2. La réécriture de mythes antiques chez Leconte de Lisle comme construction du rare objet exquis Il a déjà été démontré par Anne Hofmann que la poétologie explicitement formulée de Leconte de-Lisle ne se recoupait pas exactement avec la ‘transmimésis’ de Gautier 26 , bien que Léon Dierx ait déjà conçu en particulier les poèmes animaliers de Leconte de- Lisle dans la perspective du principe de ‘transmimésis’ de Gautier 27 . Même si l’on perçoit une différence entre Gautier et Leconte de- Lisle, l’affirmation de Hufnagel à propos des Parnassiens paraît contestable : ainsi, selon lui, « le clivage probablement le plus caractéristique et le plus important » serait celui entre « le postulat de scientificité ou l’analogie à la science, l’érudition et la documentation d’une part ; l’autonomie de l’art, l’art pour l’art et la virtuosité poétique d’autre part 28 ». Hufnagel prétend prouver l’existence d’un tel clivage à l’aide de quelques citations isolées tirées de la préface de Leconte de- Lisle à Poèmes Antiques (1852) 29 , mais ne mentionne pas à ce propos que, de manière explicite, Leconte de Lisle se réfère également voire justement dans cette préface à l’autonomie et à la non-finalité de l’art : Ce livre est un recueil d’études, un retour réfléchi à des formes négligées ou peu connues. Les émotions personnelles n’y ont laissé que peu de traces ; les passions et les faits contemporains n’y apparaissent point. Bien que l’art puisse donner, dans une certaine mesure, un caractère de généralité à tout ce qu’il touche, il y a dans l’aveu public des angoisses du cœur et de ses voluptés non moins amères, une vanité et une profanation gratuites. D’autre part, quelque vivantes que soient les passions politiques de ce temps, elles appartiennent au monde de l’action ; le travail spéculatif leur est étranger. Ceci explique l’impersonnalité et la neutralité de ces études 30 . Dans le recueil, on distingue deux caractéristiques que Leconte de- Lisle mit en exergue et qui firent de lui l’un des principaux modèles pour les Parnassiens de la jeune génération : l’exclusion du vécu personnel de même que l’exclusion de l’engagement politique qui, tous deux, sont dans une large mesure typiques des grands représentants du mouvement romantique à cette époque - Musset d’une part et le Hugo des Châtiments (1853) de 26 Cf.-Hofmann 2001, pp.-285-296. 27 Cf. ibid., pp.-297-300, particulièrement le « Bilan » (Fazit), p.-300. 28 Hufnagel 2015, p.-130 (traduction : PFW). 29 Ibid., p.-131. 30 Leconte de-Lisle 1971, pp.-108-109 (mise en relief par moi). La poésie lyrique des Parnassiens 289 l’autre 31 . À ce stade, Leconte de-Lisle n’établit donc pas de « clivage avec l’art pour l’art », mais se déclare en faveur de l’exclusion de la réalité contemporaine et politique, tout comme le fait Gautier dans la poésie introductive d’Émaux et Camées (1852) intitulée « Préface » que Pich cite explicitement dans ses commentaires comme parallèle à la position de Leconte de-Lisle 32 : Pendant les guerres de l’empire, Goethe, au bruit du canon brutal, Fit le Divan occidental, Fraîche oasis où l’art respire. Pour Nisami quittant Shakspeare, Il se parfuma de çantal, Et sur un mètre oriental, Nota le chant qu’Hudhud soupire. Comme Goethe sur son divan À Weimar s’isolait des choses Et d’Hafiz effeuillait les roses, Sans prendre garde à l’ouragan Qui fouettait mes vitres fermées, Moi, j’ai fait Émaux et Camées 33 . Gautier n’exclut pas ici « ce que, dans les études littéraires, on nomme le ‘contexte’ 34 » ; il est bien plus précis, puisqu’il exclut l’instrumentalisation politique et actualisatrice de la poésie, ce que Leconte de-Lisle résume dans l’opposition entre ‘monde de l’action’ et ‘travail spéculatif’ 35 . Dans la suite de sa préface, Leconte de-Lisle développe une philosophie de l’Histoire qui fait de lui un auteur nettement plus ‘spéculatif’ - au sens moderne - que ne l’est Gautier, et qui repose essentiellement sur le fait qu’il conçoit l’ensemble de l’histoire de la poésie, depuis la prime époque de la Grèce antique, comme un mouvement vers la décadence : 31 Musset fut admis à l’Académie française en 1852 ; Hugo, à la suite du coup d’État mené en 1851 par le futur Napoléon-III, partit en exil d’où il écrivit ses satires au vitriol au sujet des événements politiques - en prose (Napoléon le-Petit (1852)) et en vers (Les Châtiments (1853)). 32 Cf.-Leconte de-Lisle 1971, p.-109, note-3. 33 Gautier 1947, p.- 3. L’« ouragan » fait bien sûr référence aux troubles politiques accompagnant la mise en place du Second Empire. 34 Hufnagel 2015, p.-131 (traduction : PFW). 35 L’adjectif spéculatif possède, au XIX e - siècle, une signification semblable à ‘théorique’ par opposition à ‘pratique’. Cf.- Petit Littré, à la rubrique spéculatif : « plus ordinairement, qui recherche les choses théoriques, qui s’attache à la spéculation, sans s’occuper de la pratique. Esprit, écrivain spéculatif ». 290 Klaus W. Hempfer Depuis Homère, Eschyle et Sophocle, qui représentent la Poésie dans sa vitalité, dans sa plénitude et dans son unité harmonique, la décadence et la barbarie ont envahi l’esprit humain. En fait d’art original, le monde romain est au niveau des Daces et des Sarmates, le cycle chrétien tout entier est barbare. (Leconte de Lisle 1971, pp.-113-114) Leconte de- Lisle perçoit un degré particulier de décadence dans sa propre époque, avec son subjectivisme à outrance et « cette excitation vaine à l’originalité propre aux mauvaises époques de l’art 36 ». Il cherche une planche de salut dans une nouvelle relation entre l’art et la « science ». Cela n’implique toutefois pas de ‘scientifisation’ du discours poétique, mais plutôt une utilisation de l’état des connaissances dans les disciplines historiques telles que les sciences de l’Antiquité classique ou l’indologie, afin d’élaborer sur la base de ce nouveau savoir une nouvelle poésie antiquisante - Poèmes Antiques n’étant pas par hasard le titre du premier recueil : […] l’art a perdu cette spontanéité intuitive, ou plutôt il l’a épuisée : c’est à la science de lui rappeler le sens de ses traditions oubliées, qu’il fera revivre dans les formes qui lui sont propres. (Leconte de Lisle 1971, p.-119, mise en relief par moi). Le ‘sens des traditions’ de l’art ne peut être reconstitué que par les sciences historiques (pas la physique ni la biologie 37 ), et même celles-ci sont seulement en mesure de le rappeler ; ce n’est qu’à travers les formes de l’art luimême qu’il est possible de « faire revivre » ce sens. Ce que ces dernières font revivre, ce sont les « traditions mythiques » ; néanmoins, Leconte de- Lisle vise surtout à abandonner le mélange des « théogonies grecques et latines » et à rendre aux divinités grecques leurs dénominations grecques ainsi que « l’abondance, la force, l’élévation, l’éclat d’une langue merveilleuse 38 ». 36 Leconte de-Lisle 1971, p.-115. 37 Le commentaire que fait Pich de ce passage me paraît peu pertinent : « La science dont parle ici Leconte de Lisle n’est plus seulement la science historique. C’est aussi l’étude de la ‘nature extérieure’ (physique, chimie, botanique, biologie). » (Leconte de Lisle 1971, p.-19, note-32). Leconte de Lisle commence par introduire l’opposition générale entre l’art et la science de la façon suivante : à l’origine, l’art aurait saisi spontanément l’idéal dans la réalité extérieure, alors que la science aurait rationnellement reconstruit cet idéal (pas la réalité extérieure). Les sciences qui ont procédé à la reconstruction rationnelle de cet idéal originel ne peuvent être que les sciences historiques ; elles font ainsi revivre les « traditions oubliées ». Au reste, Leconte de-Lisle ne parle, à aucun endroit de cette préface, de la physique, de la chimie, de la biologie, etc. ; à l’évidence, il semble bien identifier d’une manière toute naturelle les sciences qui l’intéressent avec les sciences historiques qui, comme on le sait, connurent un essor fulgurant au XIX e -siècle. 38 Leconte de-Lisle 1971, p.-120. La poésie lyrique des Parnassiens 291 À la lumière de ses remarques finales concernant certains poèmes, l’objectif de Leconte de- Lisle devient tout à fait clair, à savoir la réécriture de mythes issus d’une époque ancienne perçue comme idéale et opposée à la décadence de l’époque contemporaine, qui ne peut renouer avec le caractère idéal primordial, et ce partiellement, qu’à condition de procéder à ce recours délibéré. Leconte de- Lisle ne s’intéresse pas à ce recours sous l’angle du positivisme ou bien d’une épistémologie positiviste. On le voit le plus nettement dans son commentaire de « Bhagavat », texte qui, dans l’editio princeps des Poèmes Antiques, se trouve en pénultième position avant de remonter, dans la dernière édition du vivant de l’auteur (en 1881), à la troisième place, juste après deux autres textes sur l’époque primitive de la culture indienne : On a tenté d’y [=- dans « Bhagavat »] reproduire, au sein de la nature excessive et mystérieuse de l’Inde, le caractère métaphysique et mystique des Ascètes viçnuïtes, en insistant sur le lien étroit qui les rattache aux dogmes buddhistes. (Leconte de Lisle 1971, p.-121) Leconte de-Lisle cherche donc à représenter poétiquement ce qui est ‘mystérieux’, ‘métaphysique’ et ‘mystique’ - des aspects qui ne sont guère de prime importance pour quelque forme de positivisme que ce soit. Aussi n’est-ce pas un hasard si Auguste Comte n’apparaît pas dans l’index méticuleusement établi des écrits critiques de Leconte de-Lisle 39 - pas plus qu’Hippolyte Taine qui, ne serait-ce que pour des raisons chronologiques, n’eût d’ailleurs pu influencer que les recueils tardifs. Il n’est pas étonnant que les deux auteurs associés en priorité au positivisme du XIX e - siècle n’apparaissent pas dans l’index, car ni le classement systématique comtiste des sciences avec les mathématiques comme seule discipline intégralement positive, c’est-à-dire scientifique, ni la hiérarchie des disciplines (mathématiques, astronomie, physique, chimie, biologie et physique sociale ou sociologie), ni même l’idée de progrès chez Comte 40 , pas plus que le déterminisme de la race, du milieu et du moment 41 chez Taine ne permettent de faire un lien avec la philosophie de l’histoire de Leconte de-Lisle qui voit sa propre époque comme décadente et considère que la mission de la poésie consiste à surmonter son ancrage dans le siècle grâce au recours à une idéalité révolue. Ajoutons pour finir que c’est justement la poésie qui s’oriente d’après le progrès scientifique et technique que Leconte de-Lisle rejette délibérément dans la préface à son deuxième recueil (Poëmes et Poésies, 1855) : 39 Cf.-Leconte de-Lisle 1971, pp.-263-269. 40 Cf.-les lemmes ‘Comte’ et ‘positivisme (historique)’ dans Mittelstraß (dir.) 2005. 41 Cf. le lemme ‘Taine’ dans Mittelstraß (dir.) 2004. 292 Klaus W. Hempfer Les hymnes et les odes inspirées par la vapeur et la télégraphie électrique m’émeuvent médiocrement, et toutes ces périphrases didactiques, n’ayant rien de commun avec l’art, me démontreraient plutôt que les poètes deviennent d’heure en heure plus inutiles aux sociétés modernes. (Leconte de Lisle 1971, p.-127) Leconte de-Lisle fait ici allusion aux Chants modernes de Maxime du-Camp, parus également en 1855. Dans sa préface, cet auteur s’oppose fermement au regard rétrospectif de la littérature et de l’art contemporains en général 42 , ainsi qu’à sa philosophie de l’histoire fondée sur une théorie de la décadence ; au lieu de cela, il exige l’éloge du progrès scientifique et technique, ce qu’il réalise dans la partie du recueil qui s’intitule « Chants de la matière » avec des poèmes sur l’utilité de la machine à vapeur, du chloroforme, de l’électricité etc. (« La-Vapeur ») ou sur celle des chemins de fer (« La Locomotive ») ou encore du métier à tisser mécanique (« La Bobine »). Ces poèmes respectifs sont structurés sous forme de prosopopées, autrement dit la machine à vapeur, le chloroforme, la locomotive etc. font office de locuteur à la première personne, celui-ci faisant les louanges de ses propres qualités au moyen de métaphores systématiquement anthropomorphiques. « La Vapeur » commence ainsi : Je suis jeune et pourtant si belle Que chacun m’adore à genoux ; Et nul ne peut être rebelle, À mon souffle puissant et doux, Car je suis la Vapeur immense ! L’avenir m’escompte ses jours ; Avec le siècle je commence Et j’irai m’accroissant toujours ! C’est moi ! moi ! la moderne fée, Qu’on attendait depuis longtemps, Et qui donne à chaque bouffée, Des prodiges omnipotents ! J’agrandis, j’augmente, je change ; Par moi les plus forts sont aidés ; […] (Du Camp 1855/ 60, pp.-172-173) 42 Cf. notamment Du- Camp 1855/ 1860, p.- 30 : « La littérature qui a tout épuisé, l’antiquité, la barbarie, le moyen âge, la renaissance, le Louis XIV, la régence, le rococo, la révolution ; la littérature qui répugne ouvertement aux choses récentes et qui semble fuir devant la nécessité des études modernes, la littérature a dans la science un rôle magnifique à jouer. » La poésie lyrique des Parnassiens 293 Le fait que Leconte de-Lisle rejette une telle « poésie scientifique » dont Du Camp fut déjà considéré comme le représentant prototypique par Martino 43 , n’est guère surprenant, étant donné que sa « science » recouvre tout autre chose que des inventions issues des sciences naturelles et de la technique : chez Leconte de-Lisle, c’est d’érudition historique qu’il s’agit 44 . Ainsi tire-t-il par exemple la graphie des noms des divinités grecques de Handwörterbuch der griechischen und römischen Mythologie (1830-1835) d’Eduard Adolf Jacobi, traduit en français par Thalès Bernard sous le titre Dictionnaire mythologique universel (Paris 1846) 45 . Et Leconte de- Lisle s’est bien sûr renseigné sur la culture indienne ancienne, même si à ce propos les indianistes de métier constatent plutôt « les lacunes de son érudition » 46 . Quoi qu’il en soit, Leconte de-Lisle cherche tout autre chose qu’une scientifisation du discours poétique ; il transforme bien plus un savoir que lui fournissent certaines disciplines historiques de son époque en construction poétique d’un temps originel mythique dont la représentation a recours à des éléments identiques à ceux que l’on retrouve chez Gautier, mais également chez Banville ou Heredia, c’est-à-dire au procédé de la construction de la rareté exquise sur le plan de l’objet. L’évocation du dieu Bhagavat du texte éponyme des Poèmes Antiques a ici valeur d’exemple : 43 Cf. la courte note sur « La poésie scientifique vers 1850 » dans Martino 1925/ 11 1964, p.-48. 44 La responsabilité de la confusion entre ces deux domaines, dont les effets perdurent jusqu’à aujourd’hui, revient, semble-t-il, à Martino 1925/ 11 1964 ; dans son deuxième chapitre, intitulé « Positivisme et poésie. Nouvelles Curiosités historiques, philosophiques et scientifiques », il rapproche trop le positivisme d’Auguste Comte et l’essor des disciplines historiques et philologiques (cf. en particulier pp.-32-33), bien qu’il remarque également : « Ce sont les philologues surtout qui agissent directement alors sur le monde des intellectuels », avant de préciser que « ce furent les progrès de la recherche critique et historique qui permirent le poète l’exploitation de thèmes nouveaux » (p.-33). 45 Leconte de-Lisle 1971, p.-120, note-34. 46 Ainsi le résumé de Pich dans Leconte de-Lisle 1971, p.-121, note-40, avec renvoi à Carcassonne 1931a et 1931b qui montre par exemple que Leconte de- Lisle rend consciemment ‘exotique’ la transcription des noms sanscrits par l’utilisation de ‘ç’ ou ‘c’ à la place du ‘s’ usité pour les transcriptions dans les travaux scientifiques en indologie ; il accentue d’ailleurs ce procédé dans des éditions ultérieures, si bien que le « Sourya » (‘le soleil’) de la première édition des Poèmes Antiques (1852) devient par exemple « Çurya » dans les Poésies Complètes de 1858 pour prendre ensuite la forme « Sûryâ », elle aussi incorrecte, dans l’édition de 1881 des Poèmes Antiques. Cf. à ce propos Carcassonne 1931a, pp.- 429-430, qui parle d’un « emploi fantaisiste des circonflexes » (p.-430). 294 Klaus W. Hempfer Aux chants des Kinnaras, de désirs consumés, Les Brahmanes foulaient les gazons parfumés ; Et sur les bleus étangs et sous le vert feuillage 430 Cherchant de Bhagavat la glorieuse image, Ils virent, plein de grâce et plein de majesté, Un Être pur et beau comme un soleil d’été. C’était le Dieu. Sa noire et lisse chevelure, Ceinte de fleurs des bois et vierge de souillure, Tombait divinement sur son dos radieux ; Le sourire animait le lotus de ses yeux ; Et dans ses vêtements, jaunes comme la flamme, Avec son large sein où s’anéantit l’âme, Et ses bracelets d’or de joyaux enrichis, 440 Et ses ongles pourprés qu’adorent les Richis, Son nombril merveilleux, centre unique des choses, Ses lèvres de corail où fleurissent les roses, Ses éventails de cygne et son parasol blanc, Il siégeait, plus sublime et plus étincelant Qu’un nuage, unissant, dans leur splendeur commune, L’éclair et l’arc-en-ciel, le soleil et la lune. Tel était Bhagavat, visible à l’œil humain. Le nymphéa sacré s’agitait dans sa main. Comme un mont d’émeraude aux brillantes racines, 450 Aux pics d’or, embellis de guirlandes divines, Et portant pour ceinture à ses reins florissants Des lacs et des vallons et des bois verdissants Des jardins diaprés et de limpides ondes, Tel il siégeait. Son corps embrassait les trois Mondes, Et de sa propre gloire un pur rayonnement Environnait son front majestueusement. Bhagavat ! Bhagavat ! Essence des Essences, Source de la Beauté, fleuve des Renaissances, Lumière qui fais vivre et mourir à la fois ! (Leconte de Lisle 1976-78, I, pp.-24-25) Depuis les « gazons parfumés », en passant par les « bleus étangs », les « fleurs des bois », « le lotus de ses yeux » et les « bracelets d’or de joyaux enrichis » jusqu’aux « lèvres de corail où fleurissent les roses », on trouve ici les attributs de beauté typiques des Parnassiens, qui sont exacerbés par l’hyperbole de la seconde moitié de la citation, où le dieu porte en guise de ceinture à ses « reins florissants » « des lacs et des vallons et des bois verdissants » (v.-452). Bien que Leconte de- Lisle décrive ici quelque chose de complètement autre que Gautier dans « Le Poème de la femme », le texte témoigne d’un processus analogue de construction du rare objet exquis de la représentation qui n’a rien de commun avec quelque ‘scientificité’ que ce soit et ne La poésie lyrique des Parnassiens 295 suscite pas non plus de ‘clivage’ par rapport à l’autonomie de l’art. Comme Carcassonne l’a déjà remarqué en 1931, la relation n’est pas discursive - il ne s’agit pas d’un recours du discours poétique au discours scientifique - mais fonctionnelle : Le poète fait de la science un moyen et non une fin ; elle n’est dans sa main qu’une clé des portes du rêve. (Carcassonne 1931a, p.-430 47 ) Évidemment, il existe des différences entre les deux recueils parus en même temps en 1852, tout comme il y en a entre ces derniers et les recueils d’autres auteurs, et naturellement encore davantage entre les œuvres complètes d’auteurs que l’on rattache, de façon plus ou moins unanime, au Parnasse ; mais cela ne semble finalement rien de plus qu’un lieu commun, car ‘quelque part’ tout est toujours différent. Les œuvres des grands romantiques - Lamartine, Hugo, Vigny et Musset - diffèrent elles aussi ; pourtant, intuitivement, ces quatre auteurs ‘pris ensemble’ se distinguent grandement du groupe de Gautier, Banville, Leconte de- Lisle, Heredia et d’autres auteurs qui, de leur côté, étaient déjà perçus à leur époque comme ayant ‘quelque part’ des affinités. Cela dit, on peut parvenir à préciser ce ‘quelque part’ à partir d’une réinterprétation de certains concepts que je ne puis que suggérer pour terminer. 3. ‘Ressemblance de famille’ et prototypicalité L’explication de l’importance de ces deux concepts pour le dépassement d’une pensée classificatrice dans le cadre de la théorie des genres littéraires a fait l’objet de certaines de mes contributions antérieures 48 , et je crois qu’ils peuvent être utiles également eu égard au Parnasse. 47 Le lien établi à tort, à mon avis, entre la poésie lyrique parnassienne et la ‘scientificité’ me semble puiser son origine dans la prémisse évidente formulée explicitement par Hufnagel au sujet de « Récif de Corail » d’Heredia, à savoir que « la dé-subjectivation […] suggère une perspective scientifique » (Hufnagel 2015, p.-132, traduction : PFW). S’il en était ainsi, la rubrique informative des différents médias devrait donc être particulièrement scientifique. Concernant « Récif de Corail », Hufnagel évoque la popularité dont jouissait l’aquarium dans la seconde moitié du XIX e - siècle, notamment son « jeu de limitation et de transgression » dont il conclut : « Dans Récif de Corail d’Heredia […], la forme du sonnet ellemême revêt cette fonction de l’aquarium » (ibid., p.- 133). En essayant de saisir la « métrique comme icône du rare objet exquis », particulièrement ouvragée chez la plupart des Parnassiens, mon objectif était tout autre (cf. Hempfer 1993, pp.-86-89, traductions : PFW). 48 Cf. Hempfer 2010, ainsi que la version anglaise légèrement abrégée dans Hempfer 2014a. 296 Klaus W. Hempfer Ainsi est-il possible de saisir la relation entre les auteurs du Parnasse comme ‘ressemblance de famille’, plus ou moins fortement marquée, au sens de Wittgenstein 49 . Cela ne suppose pas, justement, que tous les auteurs ou toutes les œuvres que l’on rattache au Parnasse partagent au moins un trait commun qui leur corresponde en propre et les distingue de tous les autres ‘groupements’. Grâce au concept de la ‘ressemblance de famille’, on peut ainsi conceptualiser le fait que le critère de ‘dé-subjectivation’ fut déjà attribué par la critique contemporaine tout particulièrement à Leconte de-Lisle 50 , et qu’il a son importance également chez Gautier, alors que chez Banville c’est souvent un locuteur à la première personne qui s’exprime, quoiqu’avec une fonction totalement différente de celle qu’il remplit chez Hugo ou Musset. D’autre part, la transposition d’art, en tant que mode de réalisation le plus notoire de la mimésis au second degré, joue un rôle central chez Gautier et Banville jusque dans le choix des titres des recueils (de manière exemplaire dans Émaux et Camées de Gautier ou Cariatides de Banville) ; de plus, les recueils portant des titres évoquant la nature, comme Stalactites de Banville (1846) dont le poème introductif est intitulé « Décor », ‘transposent’ de manière tout à fait explicite la nature en art : Dans les grottes sans fin brillent les Stalactites. Du cyprès gigantesque aux fleurs les plus petites, Un clair jardin s’accroche au rocher spongieux, Lys de glace, roseaux, lianes, clématites. Des thyrses pâlissants, bouquets prestigieux, Naissent, et leur éclat mystique divinise Des villes de féerie au vol prodigieux. Voici les Alhambras où Grenade éternise Le trèfle pur ; voici les palais aux plafonds En feu, d’où pendent clairs les lustres de Venise 51 . Certes, on trouve aussi chez Leconte de-Lisle des poèmes relevant de la plus pure transposition d’art comme « Vénus de Milo » dans les Poèmes Antiques, texte dans lequel l’auteur va même jusqu’à établir un lien explicite entre l’impassibilité et la beauté idéale de la statue de marbre : 49 Cf.-Wittgenstein 2001, notamment §§-65-67. 50 Cf.-par exemple Dusolier 1866/ 2006. Pour une problématisation de ce critère cf. Lindner 2000. 51 Banville 1994-2009, t.-II, pp.-5-7, citation p.-5. La poésie lyrique des Parnassiens 297 Du bonheur impassible ô symbole adorable, Calme comme la Mer en sa sérénité, Nul sanglot n’a brisé ton sein inaltérable, Jamais les pleurs humains n’ont terni ta beauté 52 . Bien que chez Leconte de- Lisle les textes de pure transposition d’art n’aient pas la même signification que chez Gautier ou Banville, sa manière d’écrire constamment sur des choses déjà écrites aboutit également à une mimésis au second degré, quoiqu’avec une fonction fondamentalement différente : si Gautier et Banville s’attachent en priorité à montrer la supériorité de l’art sur la nature et donc à essayer de représenter la nature comme art, Leconte de-Lisle quant à lui cherche à raviver l’idéal d’un art verbal révolu à travers une verbalité qui s’y réfère. Dans ses Trophées (qui ne sont pas dédiés à Leconte de-Lisle par hasard 53 ), Heredia associe directement cette tendance à la réécriture de la mythologie antique avec la transposition d’art, notamment dans la partie formée par le cycle « La Grèce et la Sicile », quand il évoque, par exemple dans « Jason et Médée », les personnages mythologiques à travers leur représentation sur un tableau de Gustave Moreau en explicitant cette référence par une dédicace de son texte au peintre 54 ; de même lorsque, dans « Le Tepidarium », l’évocation de la culture romaine des bains se rapporte clairement au tableau éponyme de Théodore Chassériau qui eut un grand succès au Salon de 1853 et compte parmi les œuvres les plus connues de Chassériau 55 . On pourrait multiplier les exemples ad libitum. Ce qui m’importe est de constater que les quatre auteurs - Gautier, Banville, Heredia et Leconte de-Lisle - qui ouvrirent dans cet ordre-là le premier Parnasse Contemporain de 1866, sont liés en dépit des différences par un réseau de relations de ressemblance qui permet de comprendre pourquoi justement ces quatre auteurs firent école parmi des auteurs plus jeunes, conduisant ces derniers de manières diverses à élaborer ce que l’on désigne, depuis Struktur der 52 Leconte de Lisle 1976-1978, t.-I, pp.-132-134, citation p.-133. 53 Cf. la préface de la première édition, imprimée dans toutes les éditions successives, dans Heredia 1984, t.-I, p.-22. 54 Cf. ibid., I, 36. En s’appuyant sur les variantes successives reproduites dans l’édition critique, on pourrait retracer en détail le processus par lequel, à partir de 1861/ 1862, Heredia a profondément remanié ses esquisses manuscrites par rapport au tableau de Moreau (Heredia 1984, I, 242-244 et II, pp.-40-41). Dans l’une des versions manuscrites précédentes, Heredia thématise explicitement sa référence à Moreau : « Enfin dans le dernier sonnet, peindre d’après le Jason de Moreau [sic, souligné] » (ibid., t.-II, p.-41). Ce sonnet devait initialement constituer une partie d’un « poème en sonnets » qui eût porté le titre « Les Argonautes » (ibid., t.-II, p.-40). 55 Cf. les notes dans Heredia 1981, pp.-285-286. 298 Klaus W. Hempfer modernen Lyrik d’Hugo Friedrich (première édition en 1956), par le terme de ‘poésie lyrique moderne’ 56 . Le concept wittgensteinien de la ‘ressemblance de famille’ permet donc de construire un paradigme dont font partie certains auteurs parce que la ressemblance entre eux est plus grande qu’avec d’autres auteurs, sans que tous les auteurs du paradigme ne doivent pour autant disposer d’au moins un trait commun. En regard de cela, on peut établir le noyau prototypique de la poésie parnassienne à partir de la quantité de caractéristiques qui lient entre eux de manières variées les auteurs ou les textes respectifs. L’ensemble des caractéristiques en lui-même détermine alors la différence par rapport à d’autres paradigmes, par exemple celui de la poésie ‘romantique’ ou celui de la poésie lyrique ‘moderne’, pendant que l’attribution ou non de textes et/ ou d’auteurs particuliers au Parnasse s’effectue par le biais de « judgments of degree of prototypicality 57 » autorisant un échelonnement, autrement dit : pris individuellement, les auteurs peuvent être plus ou moins parnassiens. Par son double caractère, en tant que concept de type à la fois classificateur et comparatif (=- scalaire), le concept de prototype permet d’une part la différenciation de paradigmes littéraires, courants ou autres mouvements distincts, et d’autre part l’attribution différenciée de tels ou tels textes ou auteurs à un paradigme en fonction de leur degré de prototypicalité respective ; ce faisant, il convient évidemment de garder toujours à l’esprit le ‘mélange’ de différents paradigmes et, tout compte fait, l’indécidabilité d’attribuer certains textes ou auteurs à tel ou tel paradigme. Ce cadre conceptuel ne fournit naturellement pas la possibilité de décider des critères qui doivent déterminer le prototype parnassien, mais il évite néanmoins d’une part le postulat peu satisfaisant de ‘clivages’ sur le plan descriptif, c’est-à-dire entre les caractéristiques distinctives du Parnasse, et permet d’autre part la résolution d’une contradiction, déjà apparue à l’époque, entre la thèse de l’existence d’une ‘école’ parnassienne d’un côté et la diversité des auteurs attribués à cette ‘école’ de l’autre. Par là même, une tentative d’homogénéisation comme celle du « positivisme esthétique » de Brunetière se révèle inutile du point de vue théorique. Bien plus, elle me paraît en contradiction aussi bien avec les textes eux-mêmes qu’avec leur horizon poétologique. Et si l’on souhaitait absolument ramener la poésie lyrique parnassienne à un dénominateur commun sur le plan épistémolo- 56 À propos du rôle important, longtemps sous-estimé, que le Parnasse a joué pour la formation de la poésie lyrique ‘moderne’ cf. Hempfer 1997b (pour Baudelaire), Hartung 1997b (pour les Odes funambulesques de Banville), Whidden 2007 (pour Verlaine et Rimbaud), Riedel 1982 (pour Rimbaud), Hempfer 2002 (pour Mallarmé). 57 Rosch 1978, p.-40. Sur l’applicabilité du concept de prototype à des objets historiques cf. Hempfer 2010, Hempfer 2014a et Hempfer 2014b, pp.-68-70. La poésie lyrique des Parnassiens 299 gique, alors il s’agirait sans doute plutôt d’un contre-positivisme. Afin d’aller plus loin, il faudrait bien sûr préciser d’abord le noyau prototypique de la poésie parnassienne, de sorte à pouvoir distinguer celle-ci par rapport à d’autres paradigmes ; alors seulement il serait possible de se demander si ces divers paradigmes sont réductibles à une seule et même configuration épistémologique. Compte tenu d’une « coprésence de paradigmes différents », comme j’ai essayé de le développer ailleurs 58 , cela semble plutôt improbable. Traduction : Pierre-Frédéric Weber Bibliographie Banville, Théodore de, Œuvres poétiques complètes. Édition critique, publiée sous la direction de Peter Edwards, 9 vol., Paris, Champion, 1994-2009. Carcassonne, Élie. « Notes sur l’indianisme de Leconte de Lisle », Revue d’histoire littéraire de la France 38,3 (1931), pp.-429-434 (Carcassonne 1931a). Carcassonne, Élie. « Leconte de Lisle et la philosophie indienne », Revue de littérature comparée 35 (1931), pp.-618-646 (Carcassonne 1931b). Cousin, Victor. Cours de philosophie professé à la Faculté de Lettres pendant l’année 1818 par M.V. Cousin, sur le fondement des idées absolues du vrai, du beau et du bien ; publié avec son autorisation et d’après les meilleures rédactions de ce cours par M. Adolphe Garnier, maître de conférences à l’École Normale, Paris, L. Hachette, 1836. Du Camp, Maxime. Les Chants Modernes. Nouvelle Édition revue et corrigée, Paris, Bourdilliat, 1860 ( 1 1855). Dusolier, Alexis. « Les Impassibles », Figaro, 29 avril 1866, p.-3, réimprimé dans Le Parnasse. Textes réunis, préfacés et annotés par Yann Mortelette, Paris, PUPS, 2006, pp.-47-52. Gautier, Théophile. « Salon de 1837. - Paysages », La Presse, 14 mars 1837. Gautier, Théophile. Émaux et Camées. Introduction de Jean Pommier ; notes et lexique de Georges Matoré. Genève, Droz, 1947. Hartung, Stefan. « Victor Cousins ästhetische Theorie. 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