Oeuvres et Critiques
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Narr Verlag Tübingen
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"À qui étrusque disait peu de chose..." Étrusques perdus et retrouvés à travers Ruskin et la Recherche
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2017
Maurizio Harari
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Œuvres & Critiques, XLII, 1 (2017) « À qui étrusque disait peu de chose… » Étrusques perdus et retrouvés à travers Ruskin et la Recherche Maurizio Harari « […] à qui étrusque disait peu de chose. » La dame à laquelle les Étrusques disaient peu de chose, c’est la princesse de Parme qui, lors du déjeuner des Guermantes, converse avec Oriane sur les intérieurs de style Empire 1 . La duchesse en a à peine évoqué un exemple en termes sauvagement hallucinatoires, faisant allusion à la demeure des Iéna : « Cette espèce, comment vous dire, de … reflux de l’expédition d’Égypte […] les Sphinx qui viennent se mettre aux pieds des fauteuils, les serpents qui s’enroulent aux candélabres, une Muse énorme qui vous tend un petit flambeau pour jouer à la bouillotte […] et puis toutes les lampes pompéiennes, les petits lits en bateau qui ont l’air d’avoir été trouvés sur le Nil et d’où on s’attend à voir sortir Moïse ». Pour ne pas parler, après tout, de cette « grande gredine de Victoire peinte à fresque sur le mur » et, surtout, de cette néfaste « longue Sirène allongée, ravissante, avec une queue en nacre » qui, posée là à côté du jeune maître de maison, tout sauf charmant et, par sa malchance supplémentaire, maladif, avait l’air de matérialiser avec un écart stylistique imprévu et incongru en tout digne de l’esprit Guermantes (mais débiteur, comme d’habitude, d’une suggestion de Charles Swann) un tableau de Gustave Moreau. Les Étrusques (ou plutôt l’adjectif ‘étrusque’) émergent peu après, lorsqu’Oriane se souvient d’une « salle de jeu Empire », qu’elle avait possédée il y a belle lurette, comme d’« une chose de toute beauté, moitié étrusque, moitié égyptienne… ». Étrusque ou, plus précisément, demi-étrusque (parce que l’autre moitié était égyptienne) était alors l’ameublement de la salle de jeu. La princesse de Parme ne réussit pas à en comprendre grand-chose, et alors la Guermantes lui explique - plus ou moins comme elle avait été éclairée par Swann - que « l’Égypte du style Empire n’a aucun rapport avec la vraie Égypte, ni leurs Romains avec les Romains, ni leur Étrurie… » Il semble évident qu’Oriane non plus n’avait guère saisi le sens du commentaire de Swann, terminant cette espèce de réflexion critique par une comparaison qui est également typiquement Guermantes : « […] l’Olympia 1 Par commodité, je me réfère à l’édition suivante : Paris, Gallimard, 1946-47, consultable sur internet : Proust, Marcel. À la recherche du temps perdu, VIII (Le côté de Guermantes, 3 ème -partie), pp.-282-289. 304 Maurizio Harari de Manet. Maintenant personne ne s’en étonne plus. Ç’a l’air d’une chose d’Ingres ! » Naïveté d’une élégance suprême, inimitable : comment faire pour ne pas partager l’infatuation de Marcel ? Selon le modèle Swann (guermantisé), le style néoclassique, particulièrement dans sa déclinaison Empire, réunissait donc l’art égyptien et l’art étrusque, mais - et c’est précisément ce que devait avoir voulu dire Swann - d’une manière conventionnelle, éclectique, moderne : essentiellement décorative. Rien qui nous surprenne : comme il a été souligné à plusieurs reprises, nonobstant l’engagement important et positif en faveur de l’édition et du catalogage des monuments, au passage du XIX e au XX e siècle la perception de l’art étrusque était encore bloquée par les thèses du XVIII e siècle, de Winckelmann (et de ses interlocuteurs, tels que Heyne ou Lanzi) 2 , pour qui la connotation préhellénique de cette culture, liée à ses légendaires origines pélasgiennes, ne pouvait se configurer que dans une quelconque relation avec le contexte général et dominant que la civilisation égyptienne représentait. « Lo studio dell’arte etrusca era fermo al volume di Jules Martha » est une citation de Bianchi Bandinelli (qui regrettait ce retard critique), devenue titre d’un essai de Marcello Barbanera 3 : et le volume de Martha, c’est naturellement cet Art étrusque, qui avait reçu le prix de l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres et qui avait été publié par Firmin Didot en 1889, que nous pouvons certainement nous figurer dans la bibliothèque de Swann 4 . Or au-delà de la synthèse banalisante d’Oriane, nous semble intéressante la précision qui exclut toute valeur historique - ainsi pouvons-nous paraphraser - des catégories ethniques soustraites à leur contexte culturel d’origine et refonctionnalisées en terminologie de styles. Il y a un aspect d’exactitude philologique dans cela, mais il y a peut-être aussi l’idée d’une substantielle insaisissabilité ‘historique’ de cette antiquité, qui resurgit dans la bavarderie et dans le décor et se masque dans le jeu de mots : comme il arrive dans cette proposition d’Oriane (encore elle), à travers le surnom Taquin le Superbe donné, à cause de son manque de respect quasiment proverbial, au baron de Charlus, son beau-frère 5 . 2 Pour une brève synthèse, je me permets de renvoyer à Harari, Maurizio. « Storia degli studi », dans Gilda Bartoloni (dir.), Introduzione all’etruscologia, Milano, Hoepli, 2012, pp.-24-28. 3 Barbanera, Marcello. « Lo studio dell’arte etrusca era fermo al volume di Jules Martha. Le ricerche sugli Etruschi nel primo trentennio del ’900 », dans id. (dir.), L’occhio dell’archeologo. Bianchi Bandinelli nella Siena del primo ’900, Cinisello Balsamo, Silvana, 2009, pp.-17-29. 4 Martha, Jules. L’Art étrusque, Paris, Firmin-Didot, 1889. 5 Op.-cit. (note 1), pp.-172-173. Étrusques perdus et retrouvés à travers Ruskin et la Recherche 305 L’évocation de Charlus conduit à un autre lieu de la Recherche, où l’adjectif ‘étrusque’ revient de nouveau dans une acception décontextualisée et à première vue surprenante. Cela se produit dans la deuxième partie de Sodome et Gomorrhe 6 , là où le chef d’étage du Grand Hôtel de Balbec, Aimé, est décrit comme l’exemplaire typique (mais pas du tout isolé) d’« une race plus ancienne que celle du prince [Charlus], donc plus noble » ; avec le commentaire éclairant, quelques lignes avant : « de ce genre étrusque roux […] un peu vieilli par les excès de champagne et voyant venir l’heure nécessaire de l’eau de Contrexéville ». La mention chromatique roux n’y a rien à voir avec la couleur des cheveux - dans laquelle on ne saurait qu’assez difficilement reconnaître une connotation spécifiquement étrusque -, mais se réfère plutôt à l’incarnat, rendu tel par les beuveries et tel à dénoncer désormais l’urgence de recourir à la propriété salubre d’une bonne eau minérale. Que telle est l’interprétation correcte est indiqué par la note intéressante du cahier n o -60 de la Bibliothèque Nationale, où à la mélancholie « israélite » de Nissim Bernard (le grand-oncle de Bloch) s’offre, sans succès, la « beauté plus solide et mûrie, aux tons cuivrés de poterie » des habituels serveurs gigantesques « à la race étrusque » 7 : d’où se déduit que le coloris rougeâtre, ou plutôt ‘cuivré’ de ces néo-Étrusques robustes avait quelque chose de la terracotta et plus précisément de la céramique. Serveurs à figures rouges, pourrions-nous dire : à figures rouges comme les silhouettes de ces vases qui, dérobés en grande quantité des nécropoles d’Étrurie et imités de diverses manières en Italie et au-delà des Alpes, motivaient, par leur présence immanquable, cet adjectif ‘étrusque’, attribué dès la fin du XVIII e siècle à tant d’intérieurs de demeures prestigieuses. Mais je voudrais donner pour le coloris brun-rouge des Étrusques deux références spécifiques qui, dans ce cas, me paraissent décisives. En admettant que le volume de Martha que nous venons de rappeler fût familier à Proust, il vaut la peine d’observer que la dernière de ses quatre planches coloriées, celle qui est, en-dehors du texte, insérée à la page 428, reproduit les célébrissimes plaques de terre cuite peintes du Musée du Louvre, sur lesquelles la chair masculine ressort ostensiblement bronzée, selon la convention bien connue de marquer le sexe, propre à l’archaïsme. Et, du reste, Proust put voir au Louvre même, en-dehors des plaques Campana, aussi le célèbre sarcophage des Époux (y exposé depuis 1863) qui, par rapport à son ‘jumeau’ à la Villa Giulia, se caractérise par un état de conservation des 6 Proust, À la recherche, op.-cit., X (Sodome et Gomorrhe, 2 ème partie), pp.-261-262. 7 Mauriac Dyer, Nathalie. « Primitive and primitive arts in the Recherche », dans Christie McDonald et François Proulx (dir.), Proust and the Arts, Cambridge, University Press, 2015, pp.-18-19. 306 Maurizio Harari couleurs nettement meilleur, de sorte que l’incarnat ‘cuivré’ du personnage masculin y ressort à plein 8 . Une autre icône étrusque se cache dans la Recherche - que je dirai emblématique de l’ambigüité d’un antique à tel point déguisé en moderne, qu’il en ressort défiguré ; nous la trouvons sur le secrétaire de Swann, dans le second volume de l’œuvre 9 . Icône fameuse, sur laquelle Cynthia Gamble a présenté des réflexions importantes et à laquelle est aussi revenue dernièrement Francesca Orestano 10 : il s’agit de la « reproduction de la fille de Jéthro » peinte par Sandro Botticelli dans la Chapelle Sixtine, que Swann regarde comme un portrait photographique d’Odette de Crécy, tant qu’à se donner l’illusion, « approchant de lui la photographie de Zéphora », de serrer contre lui la cocotte aux grands yeux « fatigués et maussades ». La perception de cette étrange ressemblance naît en premier lieu de l’habillement d’Odette, à l’occasion de la deuxième visite de Swann, et essentiellement de sa robe de chambre, un « peignoir de crêpe de Chine mauve » qui se clôt sur la poitrine en diagonale, avec un bord gonflé et richement décoré : il s’y ajoute la posture relâchée, la tête inclinée- à regarder une gravure, les blondes mèches désinvoltes aux côtés du visage : quelque chose de très fugitif et de très musical comme « une attitude légèrement dansante ». Il ne s’agit pas de parenté physionomique, mais d’une espèce de rythme ou de résonance. On comprend que Swann cherche, ou plutôt est obligé de trouver l’image d’Odette dans la peinture de Botticelli, pour restituer à la norme irrépréhensible de son goût esthétique et de ses choix de connaisseur aussi les imperfections séduisantes de cette femme réelle et tellement répréhensible. Mais l’histoire de cette image est un peu compliquée et inclut aussi un chapitre quelque part étrusque. Il est en effet presque certain que la Zéphora évoquée en effigie sur le bureau de Swann fut celle qui apparaît au frontispice (Figure 1) du XXIII e -tome des Complete Works de John Ruskin, édités en 1906 par Edward 8 Cf. le catalogue de l’exposition Les Étrusques et l’Europe, éd. Massimo Pallottino, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 1992, pp.-352-357. Il nous paraît suggestif que ce sarcophage justement ait été reproduit dans une aquatinte d’Edgar Degas datée 1878-80. 9 Proust, À la recherche, op.-cit., II (Du côté de chez Swann, 2 ème partie), pp.-11-17. 10 Gamble, Cynthia J. « Zipporah : A Ruskinian Enigma Appropriated by Marcel Proust », Word and Image XV, 4 (Oct.-Dec. 1999), pp.- 381-394. Orestano, Francesca. « Gli Etruschi nella memoria culturale britannica, tra Otto e Novecento : ovvero il sublime fascino di un braccialetto », dans Giovanna Bagnasco Gianni (dir.), Fascino etrusco nel primo Novecento, conversando di arti e di storia delle arti (Aristonothos. Scritti per il Mediterraneo antico, XI), Milano, Ledizioni, 2016, pp.-145-176. Étrusques perdus et retrouvés à travers Ruskin et la Recherche 307 Cook et Alexander Wedderburn, dans la Library Edition que Proust avait reçue par sa mère. Dans la description de Proust manque toute référence à d’autres détails de la fresque et à ses couleurs, ce qui correspond exactement au découpage et à la nature de l’illustration éditoriale, en noir et blanc et limitée à la seule figure de la fille de Jéthro. La reproduction, avec une telle découpure, avait été réalisée en aquarelle par Ruskin lui-même en mai 1874 (Figure 2), ensemble avec trois autres scènes du cycle de fresques dédié aux Épreuves de Moïse, et puis analysée dans une conférence oxfordienne du mois de décembre de la même année (publiée dans le même tome des Works), pour être finalement présentée dans le cadre d’une exposition à Brighton, au printemps de l’année 1876 (avec une fiche de commentaire, également insérée dans le XXIII e tome 11 ). La raison de l’intérêt particulier accordé par Ruskin à la Zéphora de Botticelli ne peut être comprise qu’à la lumière de son approche plus générale de l’histoire de l’art toscan médiéval et de la Première Renaissance. Selon une conception de la continuité ethnico-culturelle typiquement romantique et, sous plusieurs rapports, déterministe, cet art lui apparut comme rien d’autre que l’expression christianisée uniquement par son contenu d’un langage formel en permanence étrusque. Les pages les plus instructives à cet égard se trouvent dans des essais tels que The Aesthetic and Mathematic Schools of Art et Mornings in Florence, originairement publiés entre 1874 et 1877 (et tous les deux présents à Proust dans la Library Edition de 1906). On peut y lire sur l’échangeabilité réciproque des figures de la Madonna et de l’Athéna, ou sur la grécité et l’étrusquité génétique de Cimabue et Giotto 12 : le second est directement représenté comme un potier grec, qui aurait regardé une chapelle gothique comme un cratère renversé ! Dans une perspective si curieuse - qui fut pourtant largement partagée par d’autres historiens de l’art médiéval du XIX e siècle finissant, même en Italie, et jusque dans les premières décennies du XX e siècle - la Zéphora du Florentin Sandro di Mariano - comme Swann préférait l’appeler - aurait également cachée, sous une mascarade biblique, une identité étrusque à mettre au jour. Pour Ruskin, cette identité cachée appartenait à la déesse Athéna : une « Etruscan Athena, becoming queen of a household in Christian humility ». À cette thèse manifestement préjudicielle se plie dans son intégralité l’exégèse : de sorte qu’au châle orange, qui semble retomber en 11 Ruskin, John. Library Edition, XXIII (Val d’Arno. The Schools of Florence. Mornings in Florence. The Shepherd’s Tower), éd. Edward T. Cook et Alexander Wedderburn, London/ New York, Allen et Longmans-Green, 1906, pp.- 478-479. Cf. le catalogue de l’exposition Corporation of Brighton. The Exhibition of Pictures lent by Professor Ruskin […] and the Arundel Society (Royal Pavilion Gallery, April 6, 1876), Brighton, Infield, 1876, pp.-9-10, n° 163. 12 Op.-cit. (note précédente), passim, particulièrement pp.-200 et suivantes et p.-342. 308 Maurizio Harari diagonale sur le thorax de la belle Bergère, se superpose l’himation d’une Pallas en chiton talaris, avec d’autres coups de force iconographiques qui mettent en parallèle l’égide et une présumée bandoulière de peau de chèvre, ou la lance et le bâton de canne. La comparaison avec une Athène du Peintre de Berlin 13 , suggérée sur la fiche de Brighton, ne peut avoir à nos yeux aucune pertinence et donne mesure d’une opération en tout conceptuelle, d’une construction symbolique qui visait à aligner les personnifications féminines d’un présumé Spirit of wisdom, à travers les cultures païenne et chrétienne enracinées dans le territoire de la Toscane. Gamble observe que la même obstination intellectuelle et sentimentale avec laquelle Swann avait cherché l’image d’Odette dans celle de la Zéphora, se retrouve chez Ruskin qui y était aller chercher Athéna 14 . Mais pour l’érudit des choses étrusques, il reste un point tout à fait obscur. S’il fallait montrer que Botticelli fut « trained in the great Etruscan Classic School », pour quelle raison comparer avec une Athéna athénienne, celle du Peintre de Berlin (bien que postdatée en l’époque de Phidias) ? À Florence, Ruskin avait bien eu sous les yeux les grands bronzes médicéens, aussi connaissait-il assurément cette Pallas authentiquement étrusque - la Minerve d’Arezzo, bien sûr 15 … La question est d’autant plus intrigante, en tant que la Minerve d’Arezzo, avec l’éloquence savante de son ample panneggio, saurait se prêter beaucoup mieux que celle stylisée sur l’amphore londonienne à la lecture du manteau de Zéphora, par une sorte de transcription classique tardive. Et pourtant Ruskin ne la mentionne jamais. Puis il y a le détail des « mystic golden letters on the blue ground », dont il lui semblait qu’il les avait entrevues - aussi sur la suggestion d’un jeune Charles Fairfax Murray - juste sur le bord du manteau de Zéphora, mais qui cependant ne sont pas tout à fait clairement distinguable sur la reproduction de son aquarelle. C’est une conjecture de Gamble, reprise avec beaucoup de précaution par Orestano, que les signes d’écriture énigmatiques fussent étrusques ou plutôt ‘pensés’ comme étrusques par Ruskin 16 , en stricte cohérence avec le modèle d’une continuité toscane à laquelle Botticelli même devait être reconduit. L’hypothèse est très frêle, mais dans le cas où on l’encourage, la pensée courra subitement vers un 13 British Museum E 268, neck-amphora attique à figures rouges. Une reproduction xylographique en fut présentée à l’exposition de 1876 et figure dans le tome XX (1905) des Complete Works de Ruskin (Lectures on Art and Aratra Pentelici with Lectures and Notes on Greek Art and Mythology 1870), pp.-242-243, pl. IV (inversée gauche-droite). 14 Gamble, art. cit. (note 10). 15 Dernièrement (après la restauration) : La Minerva di Arezzo, éd. Mario Cygielman, Firenze, Polistampa, 2010. 16 Orestano, art. cit., p.-159, note 27, citant précisément Gamble. Étrusques perdus et retrouvés à travers Ruskin et la Recherche 309 autre des grands bronzes médicéens, l’Arringatore - ou Metellino, comme Winckelmann 17 l’avait affectueusement appelé -, qui exhibe la dédicace épigraphique justement sur le bord tape-à-l’œil de sa tebenna. Ce sont de puissantes suggestions florentines et, ce qui compte davantage, étrusques pour de bon, que Ruskin semble avoir présentes, mais ne veut pas expliciter. D’autre part, une revue de ses essais des années soixante-dix sur l’art florentin (mentionnés en haut) dénonce un vide surprenant de véritables comparaisons antiquaires, dans le développement d’un modèle interprétatif qui, cependant, se révèle instamment axé sur le thème de la permanence de l’étrusquité chez ses héritiers du Moyen Âge et de la Renaissance. L’étrusquité est là, en somme, mais pas vue : c’est une catégorie mentale, non une représentation historique. En conséquence, il n’y a pas de réponse satisfaisante. Ou peut-être la duchesse de Guermantes, que nous avons injustement sous-estimée, l’avait, résumant à sa manière les leçons de Swann : où étaient, enfin, ces Étrusques, en-dehors du mobilier à l’étrusque ou de ces vases étrusques, qui, après, ne l’étaient pas ? Taquin le Superbe - qui au fond était, dans tous les sens, de leur étrange race - essayait de les chercher parmi les serveurs de Balbec. Traduction : René Sternke 17 Justement un accent adéquat a été mis sur le Metellino lors de la récente exposition winckelmannienne à Florence : Fancelli, Maria, Camporeale, Giovannangelo, Kunze, Max et Bruni, Stefano (dir.). Winckelmann, Firenze e gli Etruschi. Il padre dell’archeologia in Toscana, Pisa, ETS, 2016. 310 Maurizio Harari Annexe : Illustrations Fig. 1 La Zéphora apparaissant au frontispice du XXIII e tome des Complete Works de John Ruskin, édité en 1906 par Edward Cook et Alexander Wedderburn, London, George Allen/ New York, Longmans, Green, and Co., 1906 Reproduit avec la permission de la Ruskin Foundation (Ruskin Library, Lancaster University) Étrusques perdus et retrouvés à travers Ruskin et la Recherche 311 Fig. 2 Aquarelle réalisée par Ruskin Reproduit avec la permission de la Ruskin Foundation (Ruskin Library, Lancaster University)
