eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 35/68

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
61
2008
3568

Discussion

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PFSCL XXXV, 68 (2008) Discussion Alain Niderst : C’est sur un élément chronologique contenu dans la communication d’Emmanuel Bury que je voulais intervenir : tout le monde dit que le texte du Journal de Trévoux est de Fontenelle, je pense que Fontenelle a dû donner des mémoires, mais je ne suis pas sûr qu’il l’ait lui-même rédigé. Enfin, cela dit, dans ce texte il est dit, comme tout le monde le sait, que c’est l’échec de Pertharite qui a poussé Corneille à traduire L’Imitation et cela permet d’éliminer tout rapport entre L’Occasion perdue recouvrée, ce poème grivois que le Carpenteriana attribuait à Corneille, et cette traduction qui aurait été pour lui comme une pénitence. Mais cela ne tient pas debout, Corneille avait traduit plusieurs livres de l’Imitation dès le mois de juin 1651, et Pertharite n’a été créé qu’en décembre 1651, donc que ce soit Fontenelle ou un autre qui ait écrit cet article, c’est un autre problème, mais ce qui est certain, c’est que ce n’est pas un argument sérieux pour récuser l’attribution de L’Occasion perdue recouvrée, cela ne prouve pas non plus que ce soit de Corneille, évidemment, mais l’argument est sans aucune valeur. Emmanuel Bury : On retrouve dans cet article des expressions qui se rencontrent dans la Vie de M. Corneille, qui est assurément de Fontenelle. Alain Niderst : Oui, il en avait donné une première version juste après la mort de son oncle, dans les Nouvelles de la République des Lettres de janvier 1685, puis il l’a rhabillée, rapetassée, comme on disait à l’époque, c’està-dire arrangée, étoffée. En 1742, je crois... Emmanuel Bury : Oui c’est cela. Alain Niderst : Oui, c’est en 1724 dans les Mémoires de Trévoux qu’on a récusé l’attribution de L’Occasion perdue recouvrée, qui était donnée dans le Carpenteriana. Emmanuel Bury : Oui. Discussion 264 Alain Niderst : Les journalistes n’ont pas perdu une minute d’ailleurs, le texte du Carpenteriana est paru au milieu de l’année 1724... Emmanuel Bury : Oui, c’est cela, c’est une réaction à chaud... Alain Niderst : Et quelques mois après, le Journal de Trévoux, le journal des Jésuites, récuse. Et comme je voulais le démontrer, mais ce n’est même pas une démonstration, c’est l’évidence même, l’argument ne tient pas debout, puisque l’échec de Pertharite est postérieur à la traduction de l’Imitation. Emmanuel Bury : Merci de ces précisions. Yves Giraud : Je crois que l’attribution de L’Occasion perdue à Corneille ne tient pas, on sait en toute certitude qu’elle est l’œuvre de Jean Benech de Cantenac, la première publication est simplement signée d’un C, ce qui explique peut-être cette incertitude ou cette erreur. Mais je voulais juste demander à Emmanuel Bury pourquoi dans son répertoire, dans son examen des ana, le Vigneul-Marvilliana n’apparaît pas, qui est quand même un des recueils les plus importants aussi de cette époque-là, donc du chartreux, je crois, Bonaventure d’Argonne. Emmanuel Bury : Oui c’est cela. En fait, j’avais privilégié parmi les ana ceux qui mettaient en scène des personnes ayant connu Corneille, c’est la raison pour laquelle j’avais retenu Ménage et même Huet : il dit qu’il a croisé, qu’il a rencontré, Corneille : bien qu’il le juge sévèrement, il est très fier de l’avoir rencontré très tôt à Paris. Liliane Picciola : Je voudrais dire combien j’étais contente que les deux communications se succèdent dans la mesure où on a vraiment pu voir que c’était le Corneille théoricien qui avait le plus marqué. C’est assez frappant. En ce qui concerne Menéndez y Pelayo, on reconnaît tout à fait chez lui cette attitude un peu post-romantique parce que, quand on lit le Cours d’art dramatique de Schlegel, c’est tout à fait la même chose. Donc ce qu’il dit, est peut-être novateur en Espagne, mais non au plan de la littérature européenne comme réaction à l’œuvre de Corneille. Il vise évidemment à une réhabilitation de la littérature espagnole. Un petit détail, je crois, il me semble inexact de dire (je pense qu’en tant qu’hispanisante Danièle Becker, ne dirait pas autre chose) que Diamante introduit un gracioso, parce que chez Guilhem de Castro il y en a quand même déjà un : c’est le berger qui assiste au combat, juché sur une colline, il est lui-même mort de peur et commente le combat en disant, si je ne m’abuse, « Fils de pute, il écrabouille Discussion 265 les Maures comme des melons », et c’est dans un épisode extrêmement important, et puis il y a aussi cette espèce de fascination devant la piété de Rodrigue... Alors par rapport à la communication d’Emmanuel, je suis frappée dans les diverses réactions au théâtre de Corneille par le fait que - je suis tout à fait de ton avis - on ne peut pas considérer comme fondamental un auteur qui est un contemporain, c’est trop tôt ; d’un autre côté, il me semble qu’il y a un autre facteur qui intervient, c’est que l’on considère encore beaucoup le théâtre comme de la poésie et qu’à ce titre-là, Corneille a des défauts. On considère ces défauts et jamais on ne considère la vertu dramatique du vers cornélien, cela me frappe énormément, je suis tout à fait d’accord bien sûr avec le côté histoire de la littérature française de la littérature dramatique, mais que le vers en lui-même puisse servir à autre chose qu’à la poésie, dans un autre sens, ce n’est pas encore l’époque. Emmanuel Bury : C’est vrai, dans Baillet, Corneille est parmi les poètes modernes, c’est-à-dire que c’est presque secondaire qu’il ait fait du théâtre, il est rangé dans les poètes et c’est vrai que dans les jugements qu’on trouve dans les anas et même dans les journaux, dans les périodiques, l’idée qu’il soit un mauvais versificateur ou que son vers soit maladroit, revient assez souvent, et on a le sentiment que son souci essentiel n’a pas forcément été le vers. Il y a une critique à l’égard de ses vers, et je crois que cette critique vient du fait qu’on admire la versification de Racine. De même, je me souviens d’avoir vu il y a quelques années dans une librairie en Italie une traduction de la Phèdre de Racine qui était au rayon poésie et non pas au rayon théâtre. Donc il y a quand même un statut très spécifique de cette versification. Danièle Becker : Une petite chose, pour Diamante : Mme Dumas s’est étonnée qu’il ait repris Le Cid si peu de temps après Guilhem de Castro. Mais Guilhem de Castro, il est mort, le pauvre, cela fait déjà un moment, donc si on veut réactiver Le Cid, soit on reprend le texte de Guilhem mais on considère à cette époque que sa langue a vieilli et que ce n’est plus la même esthétique, soit on fait autre chose. Mais l’ennui, c’est qu’effectivement après Diamante, plus personne ne va se lancer ; vu ce qu’a écrit Diamante, ce n’est pas étonnant, parce que c’est extrêmement mauvais. On peut se plaindre des vers de Corneille, mais Diamante, c’est pire : c’est de la prose écrite en romances, il n’y a aucun des octosyllabes qui fonctionne comme un vrai octosyllabe, c’est une espèce de prosification, donc un échec complet.