Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
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2008
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Corneille et les romantiques allemands : modèle classique et contre-modèle espagnol
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2008
Bernard Franco
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PFSCL XXXV, 68 (2008) Corneille et les romantiques allemands : modèle classique et contre-modèle espagnol BERNARD FRANCO (Université de Paris IV-Sorbonne) Au tournant du XVIII e au XIX e siècle, dans les années du classicisme de Weimar et du romantisme d’Iéna, Racine reste, accompagné de Voltaire, la figure de la dramaturgie classique, celle en fonction de laquelle se renouvelle le tragique. Tandis que Goethe traduisait Mahomet et Tancrède, Schiller proposait une Phädra, peu de temps avant sa mort. Sa traduction a donné lieu à une vive polémique sur les mérites de la dramaturgie de Weimar par rapport à ceux du classicisme français. Le Journal de Paris en effet, dans son numéro du 8 mars 1806, s’était indigné de ce que l’éditeur allemand ait pu estimer la traduction supérieure à l’original. L’idée est d’ailleurs reprise dans le Freimüthig, et rediscutée dans les Archives littéraires de l’Europe, qui se veulent ouvertes aux nouveautés représentées par les littératures étrangères. Le débat est relancé en 1807 par la Comparaison de la Phèdre de Racine et de celle d’Euripide, publié en français par A. W. Schlegel. Lui aussi comparait deux dramaturgies classiques, celle du théâtre français du XVII e siècle et celle de la tragédie grecque. Le point de départ était révélateur de sa position polémique : en affirmant démontrer la supériorité de l’Hippolyte d’Euripide sur la Phèdre de Racine, il mettait en question l’ensemble des deux systèmes dramatiques. Car l’une était la pièce la plus accomplie du plus grand des classiques français, tandis que l’autre n’était pas la pièce la plus réussie d’Euripide, lui-même tragédien inférieur à Sophocle et Eschyle. Racine, que ce soit pour être réécrit ou critiqué, reste donc la référence du classicisme français, ce dont témoigne le Cours de littérature dramatique. Au contraire, la réception de Corneille dans le romantisme allemand a pu faire apparaître une frontière du classicisme, et conduire à l’envisager soit comme représentant de la dramaturgie classique, soit comme expression française d’une dramaturgie espagnole au travers du Cid. Cette ambivalence se manifeste notamment dans la critique d’A. W. Schlegel, qui distingue Bernard Franco 354 Corneille de Racine et souligne, pour le premier, les marques d’un classicisme contraint : « Au fond, Corneille avait été romantique, et seul le fouet de l’Académie française l’a renvoyé dans le camp classique » 1 Schlegel se démarque ici d’une tradition initiée par Lessing, d’abord dans ses Lettres sur la littérature moderne, puis, en 1768, dans sa Dramaturgie de Hambourg 2 . Son point de départ est double et dessine à la fois les présupposés et les intentions de sa critique. D’une part il se propose de faire le tableau chronologique des théâtres de toutes les nations, depuis l’Antiquité jusqu’à sa propre époque. Mais ce tableau se construit autour de deux types de théâtres, qui forment les deux parties de son ouvrage : les théâtres classiques et les théâtres romantiques, qu’il définit, schématiquement, comme Anciens et Modernes. D’autre part il rend compte de cette coupure opérée par l’introduction du christianisme par un présupposé critique : le lien indissoluble entre création littéraire et contexte historique et culturel, lequel éclaire l’œuvre par la spiritualité et le système de croyance dont elle émane. La tragédie grecque, qui est au départ une célébration religieuse, illustre parfaitement ce postulat. L’ensemble des productions du beau forme donc un système qui peut être examiné à la lumière de cette vision historique, distinguant un art classique issu d’une civilisation païenne et un art romantique correspondant à la culture chrétienne. Car c’est dans la nature même du système de croyance que réside l’esprit de toute esthétique : avec l’introduction du christianisme dans l’Europe moderne, « toute l’activité des forces morales prend une nouvelle direction » 3 . La clé de voûte de tout système esthétique est donc la religion, « la racine véritable de notre être » 4 , qui explique les formes esthétiques et leur donne leur sens. La métaphore organique souligne à la fois la totale homogénéité du système religieux et du système des arts, l’un étant la « racine » de l’autre, mais aussi la dimension vivante d’une esthétique, que l’on ne peut donc reproduire par simple imitation. Le lien établi par Schlegel entre formes esthétiques et spiritualité tient aussi à cette nature vivante de l’œuvre que l’on ne peut appréhender seulement par ses formes extérieures. L’image de la racine de l’œuvre formée par la religion est ici employée pour 1 V. W. Leiner, « La réception de Corneille en Allemagne », dans A. Niderst (éd.), Pierre Corneille, Paris : PUF, 1985, p. 69. Sauf indication contraire, les traductions sont personnelles. 2 Voir J.-M. Valentin, « Une représentation inconnue de Polyeucte. Corneille, le théâtre des jésuites et le théâtre allemand au milieu du XVIII e siècle », Revue de Littérature comparée, XLII, 4, oct.-déc. 1968, p. 570. 3 Cours de littérature dramatique, Genève : Slatkine, 1971, t. I, p. 44. 4 Ibid., p. 43. Corneille et les romantiques allemands 355 mettre en avant le « germe de vie », qui définit l’œuvre bien plus que la régularité de la forme 5 . L’implication concernant la critique du théâtre classique français est double et touche à la fois aux règles formelles et au principe de l’imitation des Anciens. Schlegel récuse en effet une critique des pièces par la forme extérieure, qui ne rend pas compte de la vraie nature de l’œuvre. L’organisme esthétique est ici le point de départ de sa contestation des unités. Dans une note de sa Comparaison de la Phèdre de Racine et de celle d’Euripide, il recourt à cette boutade pour souligner l’arbitraire de règles qui ne font que fixer des formes extérieures : « Trois unités, cinq actes, pourquoi pas sept personnages ? » 6 La question des règles fait ici apparaître l’ambivalence de Corneille à l’égard du classicisme. Au premier abord, comme le constate Schlegel dans le premier des deux chapitres consacrés au classicisme français, une pièce comme Le Cid ne peut être tenue pour classique, quoiqu’elle inaugure l’époque classique : le Cid, est, comme on sait, une pièce d’origine espagnole, où l’unité de temps est à peine observée, où celle de lieu ne l’est point du tout, et où les sentiments chevaleresques d’amour et d’honneur sont l’âme de la poésie 7 . Ce jugement semble rapprocher la pièce de la définition du romantisme que donnait Schlegel dans la première de ses leçons. Cette définition avait un caractère historique : le romantisme était né du mélange « de l’héroïsme grossier, mais loyal, des conquérants du nord avec les sentiments du christianisme, mélange d’où est née elle-même la chevalerie ». Or, cette vertu chevaleresque s’associe selon lui à une nouvelle conception de l’amour 8 . Schlegel lie donc, dans cette première lecture du Cid, transgression des règles classiques et esprit chevaleresque. Du reste, lorsqu’il commente le Discours sur le poème dramatique de Corneille, il souligne sa souplesse à l’égard des unités, celles de temps, mais surtout d’action, définie de façon peu restrictive comme « l’enchaînement des causes et des effets » 9 . Or, c’est en effet selon ce principe qu’est construit le récit, nulle part interrompu, des Mille et une nuits 10 . 5 Ibid., pp. 33-34. 6 Comparaison de la Phèdre de Racine et de celle d’Euripide, Paris : Tourneisen, 1807, p. 372, n. 7 Cours de littérature dramatique, t. I, p. 349. 8 Vorlesungen über dramatische Kunst und Literatur, in : Sämmtliche Werke, hrsg. v. E. Böcking, Hildesheim, New York : G. Olms, 1971, t. V, p. 14. 9 Ibid., t. VI, p. 19. 10 Ibid. Bernard Franco 356 A travers la notion de « classiques modernes » par laquelle Schlegel désigne les tragédiens français, imitateurs sans esprit, distincts des « véritables continuateurs des Anciens » 11 , l’ensemble d’une dramaturgie se trouve mise en question. La métaphore végétale est reprise pour opposer le jardin d’un enfant, qui rassemble artificiellement des fleurs sans racines, à l’immensité de la forêt naturelle. Les classiques français sont ces enfants jardiniers, marchant au milieu de plantes sans racines 12 . L’introduction du christianisme provoque donc un clivage dans l’histoire de la littérature et des arts en Europe. Ce clivage, reproduit dans la composition même de l’essai de Schlegel, fait apparaître, derrière un présupposé esthétique, un parti pris polémique. Car les deux parties du plan ne laissent elles-mêmes aucune place au classicisme français. Celui-ci appartient bien à l’époque moderne et chrétienne, mais se trouve rangé dans les théâtres classiques. L’ambivalence apparaît dans la construction même de l’ouvrage, puisque le classicisme français occupe le dernier chapitre de la première partie et le premier chapitre de la seconde. Au milieu, la conclusion de la première partie est consacrée à Shakespeare, comparée à un météore qui annonce une ère nouvelle, couvrant « la moitié du ciel du panache menaçant de [ses] vapeurs enflammées » 13 . Ce panache est menaçant en particulier pour le système classique, de même que la moitié du firmament est constituée par la seconde partie de l’ouvrage, consacrée aux théâtres romantiques. Au moment où Schlegel le fait paraître, en 1809-11, son intention polémique est au premier plan. Mais on sait qu’il a retravaillé son texte toute sa vie. La version finale, publiée par Böcking dans l’édition des œuvres complètes, en 1846, a modifié la composition et multiplié les chapitres de manière à donner plus de clarté à la conduite de la démonstration. Or, cette phrase cesse d’y être une conclusion du premier volume pour glisser dans le second. La construction devient donc moins frappante, mais les deux chapitres consacrés au classicisme français figurent dans ce même second volume, pourtant consacré aux théâtres modernes. Dans ces deux chapitres consacrés aux pièces classiques françaises, l’analyse du Cid vise donc à isoler une exception, une pièce ambivalente qui ne cède que de mauvais gré à la convention classique, tout en illustrant un esprit profondément romantique, par les valeurs chevaleresques qu’elle représente comme par le rapport vivant qu’elle établit entre ses formes et son contexte. A partir de cet exemple, Schlegel envisage une histoire vir- 11 Vorlesungen über dramatische Kunst und Literatur, t. V, p. 8. 12 Cours de littérature dramatique, t. I, p. 34. 13 Ibid., pp. 382-383. Corneille et les romantiques allemands 357 tuelle du théâtre français, l’histoire d’un théâtre qui aurait puisé à ce modèle. Paradoxalement, c’est en suivant le modèle espagnol que la tragédie française aurait trouvé un caractère national et « véritablement romantique » 14 . L’univers médiéval et chevaleresque mis en scène, la célébration de l’amour et de l’honneur, auraient effacé de la dramaturgie française le « cérémonial tragique ». Cette image romantique du Cid, développée dans un ouvrage dont le considérable retentissement a traversé l’Europe, a ainsi trouvé des échos, et Hugo, en 1830, peut être vu comme ce successeur de Corneille dont Schlegel, vingt ans plus tôt, déplorait l’absence. C’est ce qu’ont du reste considéré les critiques du temps. Un article du Mercure de France semble répondre à la conclusion de Schlegel selon laquelle Le Cid a formé un modèle dramaturgique demeuré sans filiation : « L’Académie jadis a voulu écraser Corneille […] souhaitons qu’on reprenne le génie au point où elle l’a interrompu » 15 . Le Globe revient à l’idée de l’héritage de Corneille repris par Hugo, qui « essaie à sa manière de reprendre l’art au point où l’ont laissé Le Cid, Don Sanche et Nicomède » 16 . Le critique ne fait que répéter le projet exposé par Hugo lui-même, qui, dans sa préface, « prierait volontiers les personnes que cet ouvrage a pu choquer de relire Le Cid, Don Sanche, Nicomède ». Il inscrit donc sa pièce dans la lignée des trois pièces cornéliennes qui exaltent l’héroïsme. Du reste, la pièce revient sur le modèle du Cid en plusieurs occurrences, qu’il s’agisse de la pièce de Corneille ou du modèle héroïque en général. Mais le paradoxe est que ce modèle est utilisé en contrepoint. Lors de sa première apparition sur scène, Don Ruy Gomez, qui surprend chez lui, auprès de Dona Sol, Don Carlos et Hernani, dont il ignore l’identité, oppose leur légèreté aux anciennes figures héroïques, « le Cid et Bernard » (I, 3, v. 222-3). Plus loin, dans la célèbre scène des portraits (III, 6, v. 1135), il présente à Don Carlos ses ancêtres, dont le second est « don Galceran de Silva, l’autre Cid ! ». Dans cette comparaison, le déclin présent est opposé à la grandeur passée, et ces répliques sont aussi un métadiscours. Hugo considère en effet une façon d’inscrire son projet par rapport à celui de Corneille : Hernani doit, comme le Cid, venger son père. Mais, contrairement à son modèle, il abandonne son projet de vengeance au profit de son amour pour Dona Sol. Vigny avait souligné la force symbolique de l’épée du Cid, identifiée à l’histoire même du personnage : « Corneille, l’immortel avait donné au Cid cette véritable épée moderne d’Othello, dont la lame 14 Vorlesungen über dramatische Kunst und Literatur, t. VI, p. 48. 15 Mercure de France, t. XXIV, 1829, p. 475 16 Le Globe, 29 mars 1830. Bernard Franco 358 espagnole est dans l’Ebre trempée » 17 . L’épée symbolise à la fois l’honneur chevaleresque et cette esthétique dramatique moderne dont Shakespeare est le modèle. Or, lorsque Don Carlos refuse le duel (II, 3) il regarde ensuite (III, 3) « avec désespoir sa ceinture dégarnie et désarmée », selon la didascalie, et s’exclame : « Oh ! pas même un couteau ! » (v. 892). Enfin dans le dénouement, lorsque le duc lui demande de mourir par le fer ou le poison, c’est le poison qu’il choisit, et qu’il tarde d’ailleurs à avaler, ainsi que le lui fait remarquer Don Ruy Gomez. Hernani peut donc être lu comme une version moderne du Cid, une version presque dépourvue d’héroïsme, teintée, du moins, de l’irrésolution d’Hamlet auquel il fait écho, justement, aussi bien par son irrésolution à mourir que par cette fin associée au fer et au poison. Ce jeu complexe de réécriture, d’hommage et de décalage en même temps, n’est cependant pas une création du romantisme tardif. Dès 1811, dans son Prince de Hombourg, Kleist joue avec l’intertexte cornélien. Mais il ne se rapporte pas à cette pièce atypique qu’est Le Cid. C’est le Corneille classique qu’il envisage pour sa part, lorsqu’il fait de façon équivoque allusion à Horace. Comme dans Horace qui, conformément à une tradition rhétorique, présente un cas juridique, la structure du Prince de Hombourg est clivée et distingue le cinquième acte, acte de jugement qui dédouble l’action. Le sujet traité par Kleist est la bataille de Fehrbellin, au cours de laquelle le Brandebourg défait l’ennemi suédois. Mais le Prince ne remporte la victoire qu’en transgressant les ordres, et il est donc jugé. L’intrigue est donc double aussi, ce qui prend un sens particulier ici, sous la forme d’une sorte d’intériorisation du combat : à l’acte V, scène 7, le Prince oppose à la victoire militaire celle qu’il aura « glorieusement remportée sur l’ennemi intérieur » 18 . La place de l’intertexte cornélien chez Kleist est ici encore ambiguë : Kleist se rapporte à un modèle français dans un drame qu’il appelle luimême, dans une lettre fameuse adressée à Reimer, en mars 1811, « un drame patriotique ». Il reprend une pièce classique, mais il y choisit ce qui, dans la composition de la pièce, transgresse le dogme classique de l’unité d’action. Enfin, le modèle éclate, car la relation complexe entre le Prince et l’Electeur, qui structure la pièce de Kleist, fait penser à une autre pièce de Corneille, Cinna, toute entière centrée sur le couple de personnages formé par Auguste et Cinna. Kleist trouve dans cette pièce une nouvelle conception du tragique, celle qui peut s’exprimer sans la mort finale du héros. Dans le 17 Cité par R. Amonoo, « Corneille et les romantiques », dans A. Niderst (éd.), Pierre Corneille, op. cit., p. 31. 18 Trad. A. Robert, Paris : Aubier, 1986, pp. 218-219 (v. 1753-1758). Corneille et les romantiques allemands 359 rapport du héros à l’ordre du monde, qui donne forme au destin tragique, le conflit peut être déplacé. Or chez Corneille, le tragique ne prend pas la forme d’une force qui écrase le héros ou le pousse au reniement de soi. Le dénouement n’est ni la mort, ni l’aliénation du héros. De même chez Kleist, la mort du Prince est exposée à diverses reprises, mais elle est transposée sur un mode symbolique, soit quand il passe devant la fosse qui doit l’accueillir, soit lorsqu’il s’évanouit, dans la dernière scène de la pièce. La réconciliation (Versöhnung) dont parle Schelling se passe de la mort effective du héros, et la purification prend la forme, au contraire, de l’apprentissage. Mais peut-on conclure, comme le fait Ayrault 19 , que l’évitement de la mort s’accompagne de la préservation des valeurs du héros ? Le Prince, qui incarnait l’individualisme, l’improvisation et l’amour de la patrie, se rallie dans ce dénouement aux valeurs de la discipline et de l’obéissance. Significativement, la dernière réplique de la pièce, « Dans la poussière, tous les ennemis du Brandebourg ! », est prononcée par tous, comme si le héros individuel réclamé par le tragique était remplacé par un héros collectif, la nation. Là encore, la reprise de l’intertexte cornélien s’accompagne d’une ambivalence. La réécriture est bien cette forme composite, qui permet de dégager deux niveaux de lecture. Elle est d’une part hommage et reconnaissance d’un modèle. Mais tout autant que du modèle, elle est exhibition de la distance prise à son égard, de la transformation opérée sur lui. Ces différents exemples montrent comment la création, sous la forme d’effets de réécriture, rejoint la critique, notamment celle de Schlegel. Ils manifestent en particulier le parcours opéré par le romantisme allemand par rapport à un Gottsched, pour qui Corneille était considéré comme l’achèvement du classicisme 20 . Ce parcours est également représenté par Goethe, qui a produit deux jugements fameux sur Corneille. Le premier figure dans sa Rede zum Schäkspears Tag, et a été formulé en 1771 ; Corneille y est condamné pour la mesquinerie des unités et se voit opposé à la grandeur de Sophocle 21 . Le second, bien plus tardif, se trouve dans sa grande autobiographie Poésie et vérité, et Corneille y est au contraire célébré pour « l’effet le plus merveilleux » produit par Le Cid 22 . 19 Heinrich von Kleist, Paris : Aubier-Montaigne, 1966, p. 427. 20 V. W. Leiner, « La réception de Corneille en Allemagne », art. cit., p. 64 ; J.-M. Valentin, « La diffusion de Corneille en Allemagne au XVIII e siècle à travers les poétiques jésuites », Arcadia. Zeitschrift für Vergleichende Literaturwissenschaft, 1972, VII, 2/ 3, p. 172. 21 V. C. Hammer, Jr., « Re-examining Goethe’s View of Corneille », art. cit., p. 262. 22 Ibid., p. 261. Bernard Franco 360 Les hésitations du discours critique comme les ambivalences des entreprises de réécriture manifestent essentiellement la difficulté à circonscrire Corneille et à le conformer à une image homogène. Contrairement à Racine, qui est le modèle du classicisme et qui se trouve systématiquement opposé à Shakespeare, Corneille échappe à une lecture monolithique. Dans la Vocation théâtrale de Wilhelm Meister de Goethe, Wilhelm loue dans Le Cid « la composition générale si singulière, si simple et belle », conforme à l’idéal classique. Mais il ajoute immédiatement : « Cela est si grand et paraît si naturel » 23 , renvoyant au sublime et surtout à l’idée de nature par laquelle le XVIII e siècle a rejeté le modèle classique. L’ambivalence ne concerne donc pas seulement le jugement porté sur le modèle cornélien ; plus profondément, elle touche à la définition même d’un modèle cornélien. 23 « Im Ganzen so sonderbar, so einfach und schön ? » ; « Es ist so groß und scheint so natürlich ». Cité par Carl Hammer, Jr., art. cit., p. 265.