eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 35/68

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
61
2008
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Les tragédies de Pierre Corneille à l'Opéra (XVIIIe -XIXe siècles)

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2008
Beatrice Didier
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PFSCL XXXV, 68 (2008) Les tragédies de Pierre Corneille à l'Opéra (XVIII e -XIX e siècles) BEATRICE DIDIER (Ecole Normale Supérieure - rue d’Ulm) Je précise dès le départ, par mon titre, les limites de mon sujet. Il s’agit donc non pas de Thomas Corneille, auteur de nombreux et remarquables livrets, mais de l’utilisation que les librettistes ont pu faire des tragédies de Pierre Corneille. Par l’importance de son théâtre Corneille constituait un élément essentiel de notre patrimoine culturel et les librettistes ont puisé dans son œuvre, comme dans les grands mythes antiques. Il sera cependant intéressant de suivre les vicissitudes de ces réincarnations des mythes cornéliens. On constatera d’abord que le choix des œuvres de Corneille se limite à celles qui sont universellement connues du public, que, d’autre part, remaniées par les librettistes, ces œuvres subissent de graves transformations dues aussi bien aux nécessités du genre de l’opéra qu’à l’influence de la mentalité de l’époque ; ces opéras constituent par eux-mêmes un élément à ajouter à l’histoire de la réception de Corneille aux XVIII e et XIX e siècles ; enfin le succès ou l’insuccès de ces opéras prolonge de façon indirecte cette analyse de réception. I Il ne faut jamais se vanter d’avoir fait un relevé exhaustif, dans quelque domaine que ce soit, et je m’excuse donc par avance des lacunes que pourra avoir mon exposé. Le Cid était particulièrement attirant pour les librettistes, toujours soucieux de mettre en relief une histoire d’amour, et on ne s’étonne pas de voir Chimène y prendre un rôle prépondérant, devenir même le rôle-titre de l’œuvre. Sacchini a écrit une Chimène ou Le Cid, opéra en trois actes, sur les paroles de Guillard ; il est joué le 9 février 1784 à l’Opéra de Paris, mais il avait connu précédemment une version italienne, Il gran Cid, exécutée à Rome en 1762 et à Londres en 1773. Le grand air « Je vois dans mon amant Béatrice Didier 404 l’assassin de mon père » eut du succès ; une sensibilité, une noblesse bien caractéristiques de l’opera seria trouvaient appui dans l’histoire même des amours du Cid et de Chimène. Un autre aspect pouvait séduire : le côté espagnol, souligné par le titre même de l’opéra italien de Farinelli, Il Cid delle Spagne (1797). Le thème inspire et l’on ne s’étonnera guère de voir que c’est Le Cid qui suscita le plus de livrets ; certains sont maintenant complètement oubliés. Citons-les cependant pour mémoire (cf. Dictionnaire des opéras, de Fabrice Clément et Pierre Larousse, éd. Larousse, 1904). Il Cid, opéra italien en trois actes, sur le livret de Jacopo Ferreti, avec la musique de Luigi Savi connut pourtant un vif succès à Parme, le 22 janvier 1834, tandis que Il Cid de Jean Paccini (paroles d’Achille de Lauzières) tomba lamentablement à la Scala le 12 mars 1853. Trente ans plus tard, le 23 septembre 1884, Raffaele Coppola à son tour donne à Crémone un Cid. Les Allemands ne sont pas de reste : mais qui se souvient de Chimène, grand opéra en trois actes, avec la musique de Charles (et non Richard) Wagner, joué à Darmstadt, en 1821 ? On peut encore citer un Cid avec musique de Weeb, à Francfort en 1857, un autre de Cornelius à Weimar en 1865, ou un Cid de N. W. Bohme, à Dessau en février 1887. De toute cette abondante production, la seule qui subsiste et soit encore, mais rarement montée, est Le Cid de Massenet (1885) sur lequel nous allons revenir plus longuement, et qui fut donné assez régulièrement jusqu’en 1921 à Paris ; il avait déjà atteint la centième représentation en 1900. Son rayonnement fut international : Anvers, Francfort, Vienne, Rome, New Orleans, Genève, New York l’ont accueilli (cf. Alfred Loewenberg, Annals of Opera, 1597-1940, 3 e éd., New Jersey, 1978). Les Horaces et Cinna ont rencontré moins de faveur. Il serait injuste cependant d’oublier tout à fait que Cimarosa, que Stendhal considérait comme un égal de Mozart, a écrit Les Horaces et les Curiaces. Salieri donne à Vienne en 1786, Les Horaces, qui, une fois le livret traduit et adapté par Guillard, est représenté à Paris, à l’Académie royale de musique, le 7 décembre 1786. Porta compose à son tour un opéra en trois actes qui fut joué à l’Opéra le 10 octobre 1800 et qui est resté célèbre surtout parce que pendant la première représentation un complot contre le Premier Consul devait éclater, mais il fut découvert à temps. Les rôles avaient été confiés à des chanteurs de grande réputation : Lays et Adrien pour Horace et le vieil Horace, Mlle Maillard pour Camille, Lainez en Curiace. Cinna semble avoir eu plus de succès sur les scènes à l’étranger qu’en France : le thème de la clémence semblait-il trop peu romanesque ? Pourtant Mozart choisit bien la clémence d’un autre empereur pour écrire un bel opera seria : La Clémence de Titus. Pour en rester à Cinna, citons celui de Ch. Crauer, paroles de Villatti, à Berlin en 1748, celui de Paër, à Padoue, en Les tragédies de Pierre Corneille à l'Opéra (XVIII e -XIX e siècles) 405 1797, celui d’Asioli, à la Scala en 1801, celui d’Antoine Portogallo à Florence en 1807. Ensuite, je ne vois guère d’œuvre inspirée par Cinna ; faut-il en conclure qu’une fois Napoléon disparu, le thème perdait de son impact ? On sera peut-être étonné de voir que c’est Polyeucte qui a suscité non pas les plus nombreux, mais peut-être les meilleurs opéras, celui de Donizetti et celui de Gounod. Ils appartiennent tous deux au XIX e siècle. Ecrire un opéra sur un sujet sacré était dangereux en France, sous l’Ancien Régime ; témoins à la fois la rareté d’œuvres bibliques (telle Jephté de Montéclair) et la censure à laquelle se heurtèrent Voltaire et Rameau pour leur Samson. Le roi de Naples prolonge encore en 1838 cette tradition de méfiance lorsqu’il interdit l’opéra de Donizetti. En France, au XIX e siècle, Polyeucte a bénéficié du renouveau du catholicisme et de l’influence des Martyrs de Chateaubriand. Il peut sembler significatif que l’opéra italien, Poliuto, de Gaetano Donizetti, sur un livret de Salvatore Cammarano, composé en mai-juin 1838, lorsqu’il est donné à Paris le 10 avril 1840, revu par Scribe pour le livret et par le musicien lui-même pour la partition, ait porté pour titre Les Martyrs. Gounod, en 1878, est plus loin de Châteaubriand et n’hésite pas à reprendre le titre qui fait référence à Corneille et se met en quelque sorte sous sa protection : Polyeucte. II Ne pouvant analyser toute cette production - il y faudrait une thèse - , je vais me contenter d’aborder quelques œuvres relativement mieux connues pour mettre en relief trois aspects de la réception de Corneille à l’Opéra au cours du XIX e siècle en France, puis de voir comment le passage de la tragédie à l’opéra entraîne des transformations importantes dans l’intrigue, la structure, la répartition des rôles. Je distinguerai, peut-être de façon un peu arbitraire, trois temps dans cette réception : l’Empire, le milieu du siècle, l’après 1870. Pour la réception sous l’Empire, je me servirai des témoignages que nous apporte Stendhal sur les représentations successives des Horaces de Cimarosa. Cet opéra tient une place importante dans les textes stendhaliens, qu’il s’agisse du Journal, de Rome, Naples et Florence, de la Vie de Rossini ou des romans (voir en appendice un relevé systématique des références). Il a eu l’occasion d’entendre plusieurs fois cet opéra, soit sur la scène, soit dans des soirées privées. Pour les représentations, il faut distinguer nettement deux séries de mises en scène. Le I er avril 1811, Stendhal rend compte dans son Journal d’une représentation par une troupe italienne, avec Barilli, Porto, Tachinardi, et il en est « content » ; tandis que la reprise du 14 août 1823 le met Béatrice Didier 406 en fureur, tant elle est « impertinente » (O.c. Cercle du Bibliophile, t. XXIII, p. 40) ; l’ouverture a été jouée avec dureté (t. XXIII, p. 40), c’est le défaut habituel des musiciens français du Louvre ; le décor était ridicule : une vue de Rome dans le style de Boucher, alors qu’il aurait fallu celui de David (t. XXIII, n. 1). Le style « Empire », prolongeant celui de la Révolution, convenait à cet opéra, et non pas le style maniéré de la Restauration. En effet, Stendhal voit dans cet opéra, « le plus beau, le plus riche, le plus original » (t. XLI, p. 143), comment un musicien peut atteindre « ce Beau idéal antique » (t. XXII, p. 67) qui d’abord l’a séduit, conformément à cette esthétique du néo-classicisme dont lui-même participe à ses débuts. Cependant d’autres tendances esthétiques se manifestent chez Stendhal qui volontiers se propose de refaire les opéras qu’il a entendus ; ainsi il referait volontiers l’air « Svenami », parce que les paroles et la musique ne lui semblent pas s’accorder, et surtout il aurait voulu un peu de « mélancolie » mozartienne dans la musique de « Quelle pupille tenere » (t. XXII, p. 49). Il se chargera de la conférer à cet air dans la Chartreuse de Parme, lorsque Fabrice ne pourra résister à l’émotion du souvenir (t. XXV, p. 221). Il suppose alors que l’air est chanté par « Mme P. », hommage à la Pasta, cantatrice qu’il aime par dessus tout et dont il signale à plusieurs reprises la sensibilité, l’étendue de la voix (elle peut, grâce à des notes de contralto, chanter le rôle de Curiazo). Je me suis un peu attardée à Stendhal car il me semble un témoin privilégié, par delà deux périodes de la mise en scène, d’une évolution esthétique qui n’est pas seulement la sienne. Le « Beau idéal antique » qui convenait à Horace n’est plus compris à partir de la Restauration et l’on se tourne avec prédilection vers d’autres œuvres de Corneille. Le renouveau du sentiment religieux en France au XIX e siècle explique que l’on privilégie Polyeucte. Non sans difficultés cependant. Nous avons dit plus haut comment une référence à Chateaubriand expliquait la transformation du titre de l’œuvre de Donizetti lorsqu’elle passe de l’Italie à la France : certes en France, elle ne rencontre pas les scrupules de la censure qui l’avait fait interdire à Naples ; est-ce parce que la France est plus libérale que ne l’était la monarchie napolitaine ? On se demandera plutôt si le sentiment religieux du public est suffisamment profond, en France, pour pouvoir être choqué du mélange du profane et du sacré. La représentation à Paris le 10 avril 1840 fut donnée avec Duprez et Dorus-Gras. On peut regretter que Nourrit pour qui le rôle de Polyeucte avait été écrit par Donizetti, n’ait plus été en mesure de l’interpréter. Il aurait donné toute sa mesure à cette œuvre. En fait, il faudra attendre 1960 et l’interprétation exceptionnelle de Maria Calas et de Franco Corelli à la Scala pour qu’il soit vraiment rendu justice à cette œuvre qui connut alors un triomphe, mais peut-être surtout à cause de la célébrité de ses interprètes. Donizetti dans Les tragédies de Pierre Corneille à l'Opéra (XVIII e -XIX e siècles) 407 une lettre à son frère se plaignait qu’il n’y avait pas assez d’amour dans Polyeucte, pas assez d’amour profane, s’entend, et c’est probablement ce qui explique le succès mitigé des adaptations de Polyeucte en France. Gounod va y revenir cependant. Avec un livret de Barbier et Carré, mais en 1878, il rencontrera un échec ; l’œuvre est décevante, malgré quelques belles mélodies. L’histoire de Polyeucte sur la scène de l’Opéra en France permet de mesurer à quel point le renouveau du catholicisme n’a pas suffi à ranimer un sentiment d’héroïsme sacré qui sous-tendait l’œuvre de Corneille. Tout n’a pu être « restauré » après la Révolution. En revanche, il est un sentiment national qui renaît après la défaite de 1870 ; et qui expliquerait, autant que le goût pour l’exotisme espagnol, un retour au Cid que marque l’œuvre de Massenet. François Lesure a même pu parler d’une « véritable compétition qui eut lieu à ce sujet entre 1873 et 1890 dans les milieux lyriques parisiens » (L'Avant-scène opéra, n°161, p. 120), compétition où Massenet et son jeune élève Debussy ont failli être rivaux. Dès 1873, Georges Bizet ébauche un Don Rodrigue, à partir d’un livret qui est aussi partiellement l’œuvre de Gallet. Citant la presse de l’époque, F. Lescure n’en relève pas moins de quatre opéras qui, dans cette période, exploitent le thème du Cid, en ne s’inspirant pas seulement de Corneille, mais aussi de Guilhem de Castro ; « le seul de ces Cid qui réussit à échapper à cet imbroglio est naturellement celui de Massenet, non sans problèmes » (p. 124). On joue Le Cid au Français en 1884, pour le bicentenaire de la mort de Corneille, et avec un grand succès, ce qui ranime l’ardeur du musicien. Dans cette résurrection du Cid, après 1870, interviennent donc divers facteurs, en particulier le désir de répondre à l’influence wagnérienne et allemande, par le recours à des mythes non germaniques, le désir de ranimer la vaillance française, en faisant appel au style héroïque du Grand Siècle, le goût de l’Espagne et le succès de Carmen de Bizet (1875). Horace, Polyeucte, Le Cid auront donc marqué successivement les trois temps essentiels de Corneille dans l’opéra français. Reste à dire un mot maintenant, faute de pouvoir faire une étude détaillée, de toutes les transformations qu’a subies le texte de Corneille dans ce passage à l’Opéra. III Dans l’« avertissement » que Scribe a rédigé en tête de l’édition du livret des Martyrs, il explique, en maître du genre, les raisons des transformations qu’il a dû faire subir à Polyeucte. Et d’abord la suppression des confidents : « l’opéra met en action ce que la tragédie met en récit ». Heureuse formule qui marque bien la différence des deux genres. Non seulement suppression Béatrice Didier 408 des confidents, mais aussi, et cela depuis le temps des débuts de l’opéra en France, liberté à l’endroit des règles du théâtre classique : l’unité de temps et de lieu auxquelles d’ailleurs Corneille eut souvent de la peine à se soumettre, n’ont pas à être respéctées et ne l’ont jamais été pour l’opéra qui accepte volontiers aussi le merveilleux ; la somptuosité des décors et ses transformations grâce aux machines font partie de ce plaisir des yeux, tout aussi important que celui des oreilles, tandis que la tragédie classique se devait d’observer une certaine sobriété. Ainsi, lors de la création du Cid de Massenet en 1885, le camp des navarrais et des castillans est représenté à grand renfort de figurants armés (voir gravure de Tilly, Avant-scène Opéra, p. 103). Autre différence fondamentale dans la structure des œuvres : l’opéra admet les chœurs, non seulement les admet, mais les réclame - il faut fournir du travail aux choristes de l’Opéra. Pour ne citer que cette scène à laquelle je viens de faire allusion (sixième tableau de Massenet), il y aura des chœurs des capitaines et des soldats. L’opéra facilite les effets de groupe que la tragédie évite souvent. Dans le Polyeucte de Gounod à l’acte V le chœur des chrétiens marchant vers le supplice aurait pu être grand, mais déçoit quelque peu. Il est surtout des effets de groupe auxquels le public des mélomanes est fort attaché : ce sont les ballets. Depuis les origines, l’opéra français a toujours privilégié la chorégraphie - la tradition de l’opéra-ballet est déterminante. Le spectateur d’opéra au XIX e siècle attend avec impatience les danseurs et les danseuses. Il est facile de lui en fournir de charmants pour le Cid, grâce au contexte espagnol. Ainsi le quatrième tableau de Massenet est particulièrement réussi ; le motif « La Castillane » aurait été « noté sur le vif », à Barcelone en 1881. Différentes danses espagnoles se succèdent : après la castillane, l’andalouse, l’aragonaise, une aubade, la catalane, la madrilène, la navarraise (cf. Avant-scène, p. 92). L’instrumentation en est riche, originale. Le Cid s’y prêtait ; mais que faire avec Polyeucte ? On peut trouver regrettable, non tant pour l’orthodoxie, que pour l’esthétique même de l’œuvre, que Gounod dans son Polyeucte ait introduit au deuxième tableau, un ballet ainsi composé : a) Le dieu Pan ; b) La déesse Bellone ; c) Vénus, valse des Néréides ; d) Vénus ; e) Bacchus ; f) Danse de Bacchus ; g) Bacchanale. Il faudra pour faire cesser ce déploiement mythologique « Peuple suspens tes jeux ». On peut juger que l’évocation du Venusberg de Wagner est plus réussie. Le modèle cornélien est à la fois un stimulant, mais aussi un écueil pour le librettiste ; se pose en particulier la question de la versification et de la citation. Il est impossible dans un opéra de reprendre fidèlement un texte de théâtre, ne fût-ce que parce que le chant prend plus de temps que la parole. Les tragédies de Pierre Corneille à l'Opéra (XVIII e -XIX e siècles) 409 Le rythme du vers ne convient pas forcément à la musique. Aucun des livrets que nous avons cités n’adopte, même partiellement la versification de Corneille. Cependant, cette versification le public la connaît, et même par cœur pour certains vers célèbres ; il les attend, en quelque sorte ; se pose donc la question de la citation, non pas la citation musicale si bien étudiée par F. Escal, mais la citation dans le livret même. Blau, Enery et Gallet ont introduit pour Massenet de nombreux vers de Corneille : « O râge, ô désespoir », ou encore « Percé jusques au fond du cœur » ; à quoi peuvent très bien s’ajouter aussi des citations proprement musicales dues à l’immense culture de Massenet (cf. Anneger Fauser, « L’art de l’allusion musicale », Avant-scène, pp. 126 et sq.). Le risque est que l’œuvre, riche de citations littéraires et musicales ne devienne un étrange patch-work. Le passage à l’opéra ne présente cependant pas que des risques. Le chant peut aussi accroître encore l’intensité des sentiments ; et l’opéra possède ses ressources propres. Le duo permet à Chimène et à Rodrigue d’unir leurs voix, tandis qu’au théâtre ils ne peuvent parler que l’un après l’autre ; trio, quatuor vocaux permettent aussi des effets que ne possède pas la parole successive du théâtre. Enfin l’orchestration - Diderot l’avait déjà souligné - permet de dire ce que la parole ne dévoile pas forcément, d’aller plus loin qu’elle, de donner aux mots une résonance nouvelle et, dans les parties purement orchestrales, de retracer une évolution psychologique complexe que le silence entre deux scènes de théâtre ne permet pas toujours au public de recréer. Encore faut-il que le musicien ait du génie. On peut, en retenant les noms de Cimarosa, de Donizetti et de Massenet, juger que Corneille n’a pas été trop mal servi. Appendice Stendhal et Les Horaces de Cimarosa Rome, Naples et Florence, Cercle du Bibliophile, t. XIV, p. 277 : Mme Grassini « chante Ombra adorata, aspettami et le duetto Svenami des Horaces : on pleure, et le cœur applaudit ». Vie de Rossini, t. XXII, p. 49 : à propos de Mozart : « Jamais il ne lui serait venu de ne pas mettre de mélancolie dans l’air Quelle pupille tenere, des Horaces. Il ne comprenait pas qu’on pût ne pas trembler en aimant ». p. 67 : « Il faut de la force pour le beau idéal antique. Cimarosa trouva cette force dans les airs des Horaces et des Curiaces ». Béatrice Didier 410 p. 243 : « on le (opera buffa) trahit déjà : voir la manière scandaleuse dont on vient de remettre les Horaces de Cimarosa ». t. XXIII, p. 40 : « voir la manière dont on vient de traiter l’ouverture des Horaces de Cimarosa ». Les musiciens français de l’orchestre de Louvois sont incapables de rendre « une mesure gracieuse et tendre », ils jouent « dur ». p. 128 : « quoi de plus impertinent que la dernière reprise des Horaces ? » p. 133 : à propos de la transcription de Quelle pupille tenere. p. 141 : « Mme Pasta a le rare avantage de pouvoir chanter la musique de contralto comme de soprano ». Note 2 : « c’est ce qu’elle a prouvé en chantant Tancrède et le rôle de Curazio dans les Horaces de Cimarosa ». p. 169 : « Les scene ridicules, que nous venons de voir à la reprise des Horaces ». p. 246 : « Les miniatures maniérées, sans effet et sans grandiose, que l’on nous donne à Louvois et à l’Opéra, coûtent cinq fois davantage. Se rappeler la vue de Rome à la reprise des Horaces le 14 août 1823. On voit bien que David est absent ; la peinture tombe, et revient au galop au genre national de Boucher ». t. XXV, p. 321 : La Chartreuse de Parme : « Tout à coup un archet frappa un pupitre ; on joua une ritournelle, et la célèbre Mme P... chanta cet air de Cimarosa autrefois si célèbre : quelle pupille tenere ! Fabrice tint bon aux premières mesures, mais bientôt sa colère s’évanouit, et il éprouva un besoin extrême de répandre des larmes ». t. XXX, p. 120, Journal, I er avril 1811, Paris : « J’ai été content d’un trio des Horaces de Cimarosa chanté par Mme Barilli, Porto et Tachinardi, belle voix de ténor ayant quelques notes de la basse-taille, mais d’une figure extrêmement désavantageuse ». d’après la note (p. 447), il s’agit de chanteurs du Théâtre italien (alors à l’Odéon). t. XLI, Haydn, Mozart et Métastase, p. 95 : invraisemblance des paroles dans Svenami par rapport à la musique ; Stendhal prêt à refaire les paroles (p. 96). p. 143 : « l’opéra seria le plus beau, le plus riche, le plus original », composé au milieu du bruit de ses amis ». p. 174 : dans la liste des œuvres qui iront à la postérité. p. 320 : Idoménée ou La Clémence de Titus préférés aux Horaces.