eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 35/68

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
61
2008
3568

Discussion

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2008
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PFSCL XXXV, 68 (2008) Discussion Liliale Picciola : Je me suis intéressée à Chimène, et je suis tout à fait d’accord avec vous, elle prend beaucoup d’importance au XIX e siècle, mais alors il y a une Chimène de Wagner, ce que je ne savais pas. Est-ce un opéra ? Béatrice Didier : C’est un autre musicien plus ou moins connu qui s’appelle Charles Wagner. Un autre Wagner qui a écrit des opéras, mais qui n’est pas Richard, qui s’appelle Charles Wagner. Mais c’est intéressant quand même de voir, après 70, en France, que le retour à Corneille marque aussi une réaction anti-wagnérienne. C’est très net. On réécrit, on écrit Le Cid en réaction contre la mythologie wagnérienne et contre la victoire de l’Allemagne aussi. Liliane Picciola : Oui, mais alors, ce Charles Wagner, il écrivait avant 70. Béatrice Didier : Ah, ce Charles Wagner, il a écrit beaucoup plus tôt, il a écrit en 1821 son opéra. Liliane Picciola : Oui je souhaitais simplement dire un mot en ce qui concerne les ballets ; j’ai été effectivement très intéressée par votre approche, et autant il y a un aspect très traditionnel dans cette reprise des ballets antiques et des personnages comme Bacchus que l’on retrouve fréquemment, autant il me semble qu’un des intérêts des ballets du XIX e siècle, c’est de mettre en évidence le sentiment national ; les danses sont souvent, comme vous le signaliez, pour la castillane, un moment très privilégié où les nations européennes sont mises en scène à travers leur registre d’airs traditionnels et à travers la résurrection d’un certain nombre de danses que l’on appellerait volontiers aujourd’hui folkloriques et qui apparaissent sur scène avec des costumes très différents de ce qui se faisait antérieurement, que ce soient les costumes espagnols ou l’introduction des Hongrois avec bottes et fourrures sur scène. 412 Discussion Béatrice Didier : Ah oui, il ne faut pas non plus ramener les ballets, en effet, à une sorte de vent qui permet à l’amateur de l’opéra d’admirer les jambes des danseuses, ce n’est pas mon idée, je sais très bien à quel point les ballets peuvent être intéressants et importants. Mais à ce qu’il me semble, le ballet est quand même une spécificité de l’opéra par rapport à la tragédie, c’est pourquoi j’ai insisté là-dessus, et puis le fait aussi que dans l’opéra après 70, on retourne à un folklore espagnol, je crois que ce n’est pas non plus un hasard, c’est une façon de répondre au folklore germanique diffusé par Wagner. Liliane Picciola : Dans ce que vous avez dit, Madame, tout à l’heure, j’ai trouvé amusant que le musicien nous explique qu’il a repéré l’air folklorique, l’air traditionnel de la castillane à Barcelone. François Lasserre : Je remercie Mme Didier d’avoir mis l’accent sur le patriotisme après 70, parce qu’effectivement c’est un phénomène que l’on sait très important, mais justement il contribue également au choix qui est fait dans les pièces de Corneille, il y a cette sclérose du corpus cornélien qui a duré jusqu’après la guerre. Dans ma jeunesse, on allait jusqu’à Polyeucte, et on s’arrêtait là, et cette sclérose du corps cornélien avait des implications délibérément patriotiques, c’était une interprétation orientée, ma foi... Béatrice Didier : Quand on considère les premières communications qui portaient sur le XVIII e ou le XVII e siècles, et puis ce qui se passe au XIX e , on voit justement que le corpus cornélien s’est rétréci au niveau du grand public, au niveau des librettistes, que finalement ce sont toujours un peu les mêmes œuvres, et surtout Le Cid qui est retenu. Alain Niderst : Je pense, et c’est d’ailleurs ce que vous avez dit, enfin laissé entendre, que si le corpus cornélien s’est tellement rétréci, c’est en grande partie pour des raisons officielles. Corneille est devenu un auteur d’Etat, un auteur nationaliste au service de la République et de l’Etat et donc on a retenu cela de son œuvre. Ce qui est extrêmement regrettable par rapport à la richesse de l’œuvre de Corneille évidemment, qui est tout autre chose qu’un professeur de patriotisme. Béatrice Didier : Oui, et on voit aussi une perte de vitesse de Polyeucte. Au début du XIX e siècle, Polyeucte triomphe, au temps de Chateaubriand, et puis après la pièce perd. Discussion 413 Alain Niderst : C’est encore dans les programmes officiels. Quand j’ai commencé à enseigner au lycée, dans les années 60, c’était encore au programme officiel de première.. M. Mesnard : Il n’y a pas d’enseignement sans sélection, et toute sélection est arbitraire, mais si on étudiait tout Corneille dans les classes, on ne saurait rien de Corneille, parce que c’est trop vaste pour être assimilé, alors réduire le corpus c’est une façon de faire de l’enseignement efficace, avec toutes les réserves que cela impose.