eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 35/69

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
121
2008
3569

Une modernité inachevée : Quand l’intérêt entre en scène

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2008
Martial Poirson
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PFSCL XXXV, 69 (2008) Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène MARTIAL POIRSON « [L]a passion est souvent meilleure ménagère de ses intérêts qu’on ne pense. » Marivaux, Le Spectateur français, 20 ème feuille. Peu de notions sont aussi galvaudées que celle de « modernité », sujette à autant d’illusions rétrospectives de la part de certains discours critiques contemporains qu’elle autorise de projections historisantes de la part des textes convoqués pour la justifier. Peu de notions sont également aussi ambigües que celle d’intérêt, partagée entre une approche juridique originelle (terme de jurisprudence désignant la réparation d’une dette ou d’un dommage), une approche théologique et éthique, qui en découle en partie au moins (notion renvoyant à la prohibition de l’usure et aux débats autour de l’agiotage, mais aussi à l’anthropologie des moralistes et aux débats autour de l’amour-propre et du bonheur), une approche économique concurrente, qui s’oppose aux précédentes acceptions (c’est le fondement de l’économie politique moderne, en tant que principe sécularisé de régulation des relations en société conciliant comportements égoïstes et intérêt général) et enfin, une approche esthétique complexe (désignant la participation intellectuelle et émotionelle, la motivation affective du public et les règles de composition supposées la favoriser). Pourtant, gageons que le rapprochement d’un tel couple de notions puisse encore s’avérer fécond pour penser la complexité esthético-idéologique de l’Âge classique 1 . Plutôt que de chercher, dans une perspective d’histoire littéraire téléologique, un sens linéaire de l’histoire, dont la mo- 1 De ce point de vue, le récent volume sous la direction d’Hélène Merlin-Kajman, « XVII e siècle et modernité », Dix-septième siècle n°223, avril 2004 s’avère particulièrement convainquant. Alain Viala a également souligné l’urgence d’une relecture des Classiques à la lumière des évolutions récentes, notamment économiques, dans « Lire les Classiques au temps de la mondialisation », Dix-septième siècle n°228, 2005, pp. 393-408. Martial Poirson 724 dernité serait une étape, il est utile de repérer, à partir de paradigmes précis, des faits saillants susceptibles de rendre compte d’une double évolution indissociablement esthétique et idéologique. Encore convient-il de résister aux notions trompeuses de « rupture », et plus encore de « révolution », prisonnières d’une conception « discontinuiste » de l’histoire, pour mettre en évidence les évolutions de long terme, les ambiguïtés, voire, les contradictions internes et les tensions fondamentales d’une époque ; ce qui revient à renoncer à toute lecture aussi bien déterministe (hypothèse de l’étroite suggestion des textes au référent historiquement daté) qu’idéaliste (hypothèse de l’autonomie absolue des formes sur leurs contenus à la fois discursifs et référentiels) des rapports entre realia, discours de savoir, et représentation littéraire. Il semble que l’analyse des relations entre comédie et économie à partir du dernier tiers du XVII e siècle 2 puisse servir de champ d’expérimentation pertinent pour une telle perspective : plus spécifiquement, la question de l’entrée en scène de l’intérêt privé est à même de rendre compte de l’une des plus sensibles évolutions dramaturgico-idéologiques de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la « première modernité » 3 : évolution non seulement esthétique et politique, mais encore épistémologique et même, anthropologique, la prise en considération de l’intérêt privé (et non plus de l’amourpropre) comme moteur des actions humaines et vecteur du gouvernement des conduites est en effet un trait de modernité difficilement réfutable, si tant est qu’on la considère de façon adéquate, c’est-à-dire comme provisoire et réversible, cette parenthèse étant bien vite refermée par le redéploiement de la notion au cours du XVIII e siècle. Il y a ainsi entre le bouleversement des formes comiques et la naissance du paradigme central de l’économie politique dans le dernier tiers du XVII e siècle bien plus qu’une simple coïncidence ou concomitance : on peut en effet faire l’hypothèse d’une relation de causalité, mieux, d’une interdépendance rarement signalée 4 . On est ainsi en droit de parler d’une mutation 2 Plus généralement, on peut avancer l’hypothèse selon laquelle le paradigme économique dans son ensemble, y compris dans son acception la plus actuelle, est susceptible de servir de révélateur permettant de subsumer la profonde modernité des textes classiques. 3 Sur ces questions, je me permets de renvoyer à Martial Poirson (dir.), Art et argent au temps des Premiers Modernes (fin XVII e -XVIII e siècles), Oxford : SVEC, 2004 : 10. 4 En dépit du récent et très éclairant essai d’Alain Viala, Lettre à Rousseau sur l’intérêt littéraire, Paris : PUF, 2005, qui met en évidence les implications indissociablement philosophiques, esthétiques et idéologiques de la notion d’intérêt à l’Âge classique, suggérant la contribution essentielle de l’économie à cette notion. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 725 tant esthétique qu’idéologique sur plus d’un siècle des formes comiques au contact privilégié de l’économie politique en train d’émerger. Il semble bien que la littérature soit ici à l’avant-garde des discours de savoir, expérimentant, de façon mi-jubilatoire, mi-inquiète, toujours fascinée, les possibilités dramaturgiques et idéologiques offertes par cette façon nouvelle, d’une particulière efficacité, de penser le rapport au monde et aux hommes, conçu comme un rapport d’échange généralisé au sein d’un univers aux valeurs fluctuantes et négociables. Ce qui ne veut pas dire pour autant que la littérature conservera son avance, dans la mesure où le second XVIII e siècle saura mettre bon ordre à cette fiction projective, lui donnant un coup d’arrêt décisif en lui substituant la fiction régressive du don désintéressé et de l’action sans autre mobile que la supposée « générosité » 5 . Ainsi, à une phase de synergie entre littérature et discours de savoir à dominante économique, celle du dernier tiers du XVII e siècle et, selon d’autres modalités, du premier tiers du XVIII e siècle, fait bientôt écho un phénomène d’hystérèse marqué par l’opposition de phase entre l’économie politique triomphante, à partir de la seconde moitié du XVIII e siècle (et plus encore de 1776), et la fausse route empruntée par le genre dramatique, devenu pour l’occasion « sérieux », qui amorce alors un parcours qui ne mène nulle part et décroche totalement de la doctrine économique et du système de valeurs dont elle est porteuse, au profit de l’artificialisme de la fiction anthropologique et philosophique du don, certes fécond, mais dans une perspective autre. C’est ainsi que je parlerais volontiers de modernité inachevée ou tronquée. Je me contenterai ici de mettre en évidence la première phase de ce processus, celle où la comédie, s’affranchissant de la morale 6 , se situe à l’avant-garde du discours économique, me permettant de renvoyer à d’autres travaux pour l’analyse de la seconde 7 . Au contact de l’intérêt 5 Sur les apories « économistes » de ce système global d’interprétation et sur le moyen-terme philosophique possible entre ces deux positions adverses, on lira Frédéric Lordon, L’intérêt souverain. Essai d’anthropologie économique spinoziste, Paris : La Découverte, 2006. 6 Cet aspect de la question est désormais connu grâce aux travaux de Pierre Force et de son équipe, publiés dans De la morale à l’économie politique : dialogue francoaméricain sur les moralistes français, Revue Op. Cit. n°6, Presses universitaires de Pau, 1996, mais surtout, Self-Interest before Adam Smith : A Genealogy of Economic Science, Cambridge University Press, 2003. 7 On lira en particulier mon article « Comédie et économie à l’Âge classique», publié dans Martial Poirson, Yves Citton, Christian Biet (dir.), Les frontières littéraires de l’économie, Revue d’Histoire littéraire de la France, 2008, 3, résumé d’un ouvrage à paraître. Martial Poirson 726 souverain, c’est ainsi l’ensemble du dispositif dramaturgique qui se trouve modifié en profondeur, offrant l’image d’une poétique nouvelle de la comédie, dès lors qu’elle se confronte aux questions d’ordre économique. Or, cette poétique latente est relayée, dans le discours théorique, par une poétique manifeste, tant il est vrai que la question de l’intérêt devient récurrente dans le métadiscours théâtral et même littéraire au sens large. Pour ce faire, la perspective diachronique s’impose, qui conduira de la généalogie de cette construction dramaturgico-idéologique à l’affirmation d’une poétique de l’intérêt, puis à sa remise en cause. Généalogie d’une construction dramaturgico-idéologique Il existe avant la césure historique envisagée ici des expériences isolées de dramaturges posant, avec acuité, le problème du rapport entre la comédie et la société de son temps, en particulier dans la classe montante, à travers ce que Colette Scherer appelle la « promotion sociale de la comédie », qu’elle envisage sous le double éclairage d’une « dramaturgie de l’imaginaire » et d’une « dramaturgie du quotidien » 8 . Rares sont cependant les auteurs qui, comme Grévin, peuvent prétendre à une certaine préséance en matière de représentations comiques de l’économie avant les années 1670. Dans leur majorité, les auteurs dramatiques du XVII e siècle n’ont pas ou peu abordé l’économie, qui demeure un aspect annexe, parmi d’autres, de l’évocation de la vie quotidienne conforme à la tradition comique. Ils se situent dans la continuité directe du mouvement séculaire tendant, depuis le XIII e siècle, à offrir aux intrigues un décor pittoresque, ancré dans les choses, mais sans conséquence directe et flagrante sur la narration 9 . Ainsi de Pierre Corneille dans La Galerie du Palais, indiquant au détour d’une didascalie : « on tire un rideau, et l’on voit le libraire, la lingère et le mercier, chacun dans sa boutique » (acte I, scène 4) ; même type d’apparition fortuite chez Ourville, ou encore, Discret. Ainsi la comédie semble-t-elle, à quelques exceptions 8 Pour une vision précise de ces questions sur la période 1630-1640, chez Rotrou, Scudéry, Mairet, Du Ryer, Desmarets de Saint-Sorlin et quelques autres, on peut se référer à Colette Scherer, Comédie et société sous Louis XIII, Corneille, Rotrou et les autres, Paris : Nizet, 1983. Elle y montre, dans une perspective au sociologisme parfois un peu sommaire, mais qui ne manque pas d’aperçus stimulants, la façon dont la comédie se saisit de questions économiques et sociales nouvelles, entraînant un déplacement profond du genre. 9 Cf. Charles Mazouer, « Le commerçant dans l’ancien théâtre comique français jusqu’à la Révolution », publié dans Jean-Marie Thomasseau (dir.), Commerce et commerçants dans la littérature, Presses universitaires de Bordeaux, 1988, pp. 19- 35. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 727 près, en retrait par rapport aux questions d’argent et même, en retard, si on la compare à d’autres formes d’expression, notamment polémiques, dans un contexte de véritable guerre de libelles 10 . L’évocation comique des mondes de l’argent se cristallise en effet majoritairement, jusque dans les années 1670, sur le monde de la pratique, qui a donné lieu à force satires. Dans L’Avocat dupé (1637) de Chevreau, un riche avocat est victime du harcèlement d’une aventurière dont il devient amoureux, et qu’il finit pour son malheur par épouser, perdant tout contrôle sur son lignage. Dans L’Avocat sans étude (1670) de Rosimond, un modeste savetier accepte pour dix louis de se laisser déguiser par un amant malheureux en avocat pour plaire à un gentilhomme qui se refuse à marier sa fille à tout autre qu’à un homme de loi. À travers l’imposture du changement de condition s’exprime ici l’idée traditionnelle selon laquelle l’habit fait l’homme, et l’on n’est pas surpris d’assister, dans cette pièce, à un pugilat entre faux avocat et avocat de profession, parent du gentilhomme, venu mettre à l’épreuve l’étendue de son savoir en matière de droit. Souvent, l’intrigue judiciaire se double d’enjeux explicitement monétaires, comme dans La Belle plaideuse (1654) de Boisrobert, où Ergaste, pour assister financièrement la mère de son amante Corine dans un procès de succession, est contraint de recourir aux services d’un usurier qui s’avère être son propre père, avare notoire... L’intrigue type de l’ancienne comédie est en outre plus vivace que jamais, qui veut qu’un barbon, avare, mais amoureux, soit la dupe de jeunes amants, désargentés, voire déshérités, assistés par leurs domestiques. C’est le cas du vieux Polidore, subjugué à la simple vue d’Isabelle, dans La Dupe 10 Ainsi notamment de Bourgoin dans La chasse aux larrons ou L’Anti-péculat (1624), qui demande, au nom de la justice et de la charité, la punition des partisans qui détournent le bien public : « [...] car il vaut mieux rechercher ceux qui ont volé vos trésors et qui ont entre leurs mains tout l’argent de la France que de surcharger le pauvre peuple qui a peine à respirer... Y a-t-il plus juste que de faire rendre gorge à des sangsues qui se sont gonflées du sang le plus pur de vos sujets ? ». Mazarin se voit quant à lui qualifié dans les Chants royaux sur l’Éminence et sur les partisans, au moment de la Fronde, de « charcutier étranger de la France », et les partisans et d’Emery, de « fourmilière de voleurs qui par leurs crimes ternissent l’éclat de la France » et d’« éponges enflées d’extorsions et d’excès ». Ailleurs, on les qualifie de « monopoleurs [qui] se sont gorgés des biens des pauvres Français » (La mission des partisans) ; ou de « [b]arbares, cannibales [...] anthropophages, mangeurs de peuples » (Les monopoleurs rendent gorge). Cependant que de nombreux pamphlets se plaisent à révéler les origines réelles ou imaginaires de nombreuses personnalités en vue du monde de la finance, comme dans les vers anonymes de L’Échelle des partisans ; du Catalogue des Partisans (1649) ou même de certains passages des Historiettes de Tallemant des Réaux… Martial Poirson 728 amoureuse (1670) de Rosimond, qui se laisse abuser jusqu’au bout, n’écoutant que son désir et perdant toute forme de rationalité économique... C’était déjà le cas du Pédant joué (1645) de Cyrano de Bergerac, racontant les déboires de Granger, principal du collège de Beauvais, pédant avaricieux et amoureux de Genevote, victime d’une escroquerie au faux contrat... La « satire anti-bourgeoise » 11 n’est pas davantage une nouveauté à la fin du siècle. Donneau de Visé en donne la preuve avec L’Embarras de Godard ou L’Accouchée (1667), qui décrit sans indulgence l’esprit mesquin de la petite bourgeoisie à travers le portrait à charge de Madame Godard, marchande de la rue Saint-Denis qui se donne pour une « dame à équipage », flanquée d’un mari en proie à l’ironie des domestiques et aux affres de la succession. Scarron en fournit un autre exemple dans L’Héritier ridicule ou La Dame intéressée (1649), à travers le personnage de Dom Diegue de Mendoce, amoureux d’Hélène de Torrès, qui ne le paye en retour que d’une complaisance intéressée fondée sur l’espoir de la riche succession qu’il escompte d’un vieil oncle gouverneur du Pérou. Mais noblesse et bourgeoisie ne sont pas seules égratignées par la satire. Le monde des voleurs exerce toujours un pouvoir de fascination et de répulsion mêlé, comme le montre L’Intrigue des filous (1647) de Claude de L’Estoile, qui met aux prises, sur fond d’affaire de fausse monnaie, trois brigands et une riche veuve vivant seule avec sa fille dans une maison retirée. Il convient cependant, au sein de ce panorama, de faire une place particulière à trois pièces singulières où les questions d’argent dépassent la scène de genre. Ainsi des Amours de Trapolin (1661) de Louis Dorimond, qui met longuement en scène un financier aussi fat qu’ignorant. Mais aussi du Riche mécontent ou Le noble imaginaire (1662) de Samuel Chappuzeau, qui démonte les jeux de la mésalliance entre la fille d’un noble déchu et le riche financier Raymond. Une phrase de ce dernier rend compte de la position centrale du négoce, qui se substitue aux valeurs nobiliaires, dans la pièce : « L’argent seul désormais est le grand point d’honneur ». Il parvient notamment à persuader le vieillard sénile de l’existence d’un élixir de jouvence ouvrant au barbon des perspectives radieuses : (...) Bel or que tu me plais ! Or potable, je t’ai déjà sur mon palais ! Que ton goût est divin et ta vertu divine ! Oui, vers toi mon âme facilement s’incline. (Acte III, scène 7) 11 Selon l’expression de Jean Alter dans L’Esprit antibourgeois sous l’Ancien Régime. Littérature et tensions sociales aux XVII e et XVIII e siècles, Genève : Droz, 1970. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 729 La comédie de caractère inaugure en outre un véritable filon dramatique : celui de l’alliance, consentie à regret de part et d’autre, entre une noblesse désargentée et une bourgeoisie en mal de reconnaissance symbolique... Une dernière pièce révèle, à travers un caractère épisodique, la prescience des potentialités dramatiques de l’argent au théâtre : Les Visionnaires (1637) de Desmarets de Saint-Sorlin met en effet en scène une galerie de portraits d’esprits chimériques, parmi lesquels on trouve un « Riche imaginaire » qui évoque tout au long de la pièce des richesses qui dans le dernier acte donneront toute la mesure... de leur inexistence, traduisant la vitalité de la croyance économique et son potentiel « fictiogène ». Molière mis à part 12 , la tradition comique offre donc peu de modèles d’une dramaturgie réellement fondée sur l’évocation précise de realia économiques, et partant des potentialités dramaturgiques qu’elles offrent. On peut même dire qu’en dépit des féconds modèles de la comédie latine, les comédies humaniste puis régulière, cantonnées à la satire sommaire des mondes de l’argent, accumulent sur ce plan un certain retard par rapport à d’autres formes d’expression littéraire. Elles adoptent même une structure dramatique stéréotypée, tant du point de vue de l’intrigue que des personnages, bien loin de les prédestiner à devenir la forme privilégiée d’évocation des questions d’argent que sera pourtant la comédie de la période suivante. Naissance et illustration de l’intérêt privé Un certain nombre de tendances latentes dans la littérature dramatique du XVII e siècle commencent pourtant à s’exprimer à partir du moment 1672- 1673, où le traitement comique des questions économiques prend un tour nouveau. Plusieurs œuvres contribuent à conforter le choix de cette saison comme « année balise », qui chacune à sa manière montrent que la dramaturgie de l’argent a changé de base. Si une telle césure n’est ni fortuite, ni arbitraire, cela ne signifie pas pour autant que les dramaturges fassent table rase d’un certain héritage dramatique, et encore moins des expérimentations de leurs prédécesseurs. C’est donc à bon droit qu’on peut parler, en l’espèce, de changement dans la continuité. Entre 1672 et 1673, deux œuvres essentielles 13 donnent coup sur coup un essor nouveau au traitement des 12 On lira notamment Pierre Force, Molière, ou le prix des choses. Morale, économie et comédie, Paris, Nathan, 1994, mais aussi Richard Sörman, Savoir et économie dans l’œuvre de Molière, Uppsala : Studia romanica Upsaliensia n° 62, 2001, seconde partie. 13 Auxquelles il faudrait ajouter, dans un autre registre, La Hollande malade de Poisson, pour sa satire allégorique de l’actualité économique. Martial Poirson 730 questions d’argent au théâtre : La Comtesse d’Escarbagnas de Molière, par la figure du financier homme d’honneur ; et surtout Le Deuil de Hauteroche, par la nouvelle dramaturgie économique qu’il instaure, ne permettant plus de douter du parcours accompli. Certes, Molière s’attache à stigmatiser les travers sociaux du bourgeois qui aspire à adopter les usages aristocratiques, comme dans George Dandin ou Le Bourgeois gentilhomme ; certes, il exploite la richesse psychosociale des types de l’ancienne comédie, comme dans L’avare ; certes il érige l’argent, étroitement associé au langage, en question métaphysique, comme dans Dom Juan ; certes, il émaille la quasi-totalité de ses productions de considérations intempestives sur la corruption par l’argent... Pourtant, il reste curieusement discret au plan de la satire sociale des hommes d’argent, et n’outrepasse jamais les conventions comiques et les ressorts traditionnels du rire. Il est d’ailleurs symptomatique que son divertissement de Cour, La Comtesse d’Escarbagnas, mette en scène un officier de finance, Monsieur Harpin, « receveur des tailles », autrement dit collecteur de l’impôt foncier, sous les traits les plus avantageux. La scène 8 de la comédie, qui depuis Chamfort jusqu’à la critique contemporaine 14 a fait couler beaucoup d’encre, a servi à accréditer la thèse selon laquelle Molière et ses contemporains auraient été victimes de pressions politiques leur interdisant toute critique délibérée des financiers, piliers du système fiscal monarchique. Plus sérieusement, la scène traduit une conception encore étroitement morale de l’économie, où les choses et surtout, les êtres sont investis d’une valeur certaine, authentifiable, et où l’univers de référence repose sur des principes de légitimité absolus. Le cadre relationnel est envisagé selon une anthropologie d’inspiration chrétienne de l’échange et du don où la notion d’intérêt privé est proprement inconcevable et où prime le devoir de charité, vertu théologale par excellence. On est donc encore bien loin de la représentation d’un ordre négocié de l’échange généralisé fondé sur la reconnaissance de valeurs relatives. La pièce met aux prises un homme de haute finance, un Vicomte et un Conseiller, qui se disputent l’honneur d’être la plus franche dupe de la Comtesse éponyme. Mais alors que le conseiller s’avilit dans de fades flatteries, le financier rompt la stricte observance des règles du savoir-vivre et n’hésite pas à prendre de vitesse la Comtesse en lui signifiant son congé. Il entreprend ensuite de régler ses comptes avec l’aristocratie, au sens propre du terme, en refusant d’être le bailleur de fonds de plaisirs qui se prennent à ses dépens (« je ne suis point d’humeur à payer les violons pour 14 En particulier Stoyan Tzonev dans Le financier dans la comédie française sous l’Ancien Régime, Paris : Nizet, 1977. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 731 faire danser les autres »). Il récuse ainsi ce qui deviendra bientôt le schéma d’intrigue type de la comédie satirique à financier : [V]ous n’êtes point la première femme qui joue dans le monde de ces sortes de caractères, et qui ait auprès d’elle un Monsieur le Receveur, dont on lui voit trahir et la passion et la bourse, pour le premier venu qui lui donnera dans la vue ; mais ne trouvez point étrange aussi que je ne sois point la dupe d’une infidélité si ordinaire aux coquettes du temps, et que je vienne vous assurer devant bonne compagnie que je romps commerce avec vous, et que Monsieur le Receveur ne sera plus pour vous Monsieur le Donneur. L’homme d’affaires a donc ici le dernier mot, tenant en respect la noblesse qui cherche à le tourner en ridicule en se donnant précisément pour ce qu’il est et, en relevant l’injure (il accepte le duel que lui propose Monsieur Tibaudier), rendant offense pour offense. « Voilà ma scène faite, voilà mon rôle joué », affirme-t-il enfin pour accompagner sa sortie. C’est pourtant bien plutôt une entrée en scène qu’il vient de réaliser, à travers cette paradoxale défense et illustration de l’homme d’argent, signifiant ici que désormais, il faut compter avec lui... À peine quelques mois après la reprise de la pièce de Molière paraît, en janvier 1673, Le Deuil de Hauteroche, représenté dans l’année à l’Hôtel de Bourgogne. La comédie est d’une tout autre facture et semble s’inscrire dans un univers social qui s’oppose terme à terme à celui de Molière et plus encore, de Larivey 15 . Elle s’inscrit dans la lignée des « comédies macabres » 16 qui, à travers la mort supposée d’un personnage (une « mort de profit »), interrogent les règles juridiques de succession : un fils cynique et sans scrupule prend le deuil et avec la complicité de son valet, intéressé dans l’affaire, fait passer son père pour mort afin d’extorquer de son loyal receveur et fermier une substantielle avance sur héritage. La pièce joue sur le fantasme du « mort-vivant » et son substrat imaginaire de superstitions. Mais surtout, elle permet d’entrer dans le détail des baux ruraux, et de mettre en évidence les pratiques économiques propres à ce milieu rural : « pot-de-vin », « paiement sans quittance », « rabat », partage des gains, renégociation des contrats entre fermiers et propriétaires terriens, transactions matrimoniales à la suite d’un « mariage en sourdine »... Autant dire que c’est un changement notable du système de relations, non seulement des hommes et des choses, mais encore des hommes entre eux, comme l’indique notamment la justification de sa propre mésalliance par Timante : 15 Bien que l’intrigue des Esprits soit très similaire à celle du Deuil. 16 Confer Martial Poirson, « La comédie ‘Fin-de-siècle’, une dramaturgie en rupture. Des usages du corps au corps hors d’usages », Seventeenth-Century French Studies, 2003. Martial Poirson 732 Après tout Jaquemin, quoiqu’il soit sans naissance, À l’avarice près, est homme d’importance ; Il est le coq du bourg, connu pour un Crésus ; Cela répare assez le défaut de rang. (Scène 4) Les serviteurs ne sont pas en reste, qui s’empressent de facturer leurs rôles d’intercesseurs dans les différentes négociations ou de prestataires de services : Crispin attend rétribution de Jaquemin pour avoir pris soin de ses intérêts et Perrette demande que ses gages soient recalculés, en considération du surcroît de travail occasionné par la mort de l’épouse, et des opportunités de service qu’elle s’est vu proposer chez d’autres veufs de la ville. La servante fait donc ici valoir, par un raisonnement économique sans faille, c’est-à-dire aussi sans état d’âme, non seulement les effets de la conjoncture sur la rémunération du travail, mais encore le « coût d’opportunité » du renoncement à une autre position aussi lucrative 17 . Ce calcul incessant d’intérêts croisés traduit donc une évolution en profondeur, non seulement de la conscience collective, mais encore de ses formes d’expression dramatique qui entrent, pour la première fois, dans le détail des transactions économiques et surtout, leur donnent une légitimité nouvelle : « Il ne faut pas appeler vilénie / Ce que les gens sensés nomment économie » (scène 9). Or, si cette « crise de la conscience européenne » a été parfaitement mise en perspective par l’histoire des idées 18 , il semble que sa « prise de conscience économique », particulièrement perceptible dans la comédie de la période, ait été beaucoup moins souvent relevée : Lois, justice, équité, pudeur, vertu sévère, Partout au plus offrant on n’attend que l’enchère ; Et je ne sache point d’honneur si bien placé Dont on ne vienne à bout dès qu’on a financé. (...) Quantité tiennent leur quant-à-moi, Qui loin de refuser une affaire semblable, Moyennant force écus, épouseraient le Diable. (Scène 4) Dans l’« Avis au lecteur », Hauteroche donne en outre une dimension théorique nouvelle à l’articulation entre économie et comédie. Il justifie no- 17 C’est le prétexte à des équivoques grivoises sur les services rendus par la servante à son maître : « Franchement, je m’en lasse, et pour toutes mes peines / Je mériterais bien qu’aux foires, aux étrennes / Vous ouvrissiez la bourse » (Scène 9). 18 Voir Paul Hazard, La Crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris : Fayard, 1961 ; et plus récemment Jean Rohou, Le XVII e siècle, une révolution de la condition humaine, Paris : Seuil, 2002, chapitres 7 et 8. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 733 tamment la forme courte adoptée pour sa pièce, associant implicitement circulation des espèces et des pièces susceptibles de « donner le change ». Puis il fournit un art poétique de la forme courte plus adaptée, selon lui, au jeu incessant des échanges et à la dramatisation de l’économie. Il évoque ensuite la pratique d’auteur dramatique et plaide en faveur des exigences du métier d’auteur professionnel. Questions esthétiques, discours de savoir et statut social d’auteur s’articulent donc ici, comme dans la majeure partie des comédies de cette période, sans solution de continuité. Trois choses essentielles peuvent ainsi être retenues de ce point de basculement : d’abord, la virulence de la charge satirique contre cet argent qui pousse les fils indignes, car prodigues, à enterrer vivant des pères avaricieux ; ensuite, la nature de cette charge, qui ne prend jamais une forme grinçante et ne renonce pas au masque souriant d’une évocation mi-scandalisée, mi-amusée des mœurs du temps ; enfin, l’équivocité de la comédie, qui traduit et surtout, trahit une fascination complaisante pour les transactions et les opérations économiques, auxquelles elle consacre la plus longue scène de la comédie, décrivant avec minutie la négociation d’un renouvellement de bail, en liste les clauses. Cet intérêt dramaturgique pour les questions économiques va croissant, gagnant dans certains cas un haut degré de précision technique et modifiant jusqu’aux cadres formels de la comédie « Fin-de-Règne ». Critique et légitimation de l’intérêt souverain La crise de conscience du dernier tiers du siècle trouve dans l’économie du temps un facteur explicatif déterminant. Perceptible dans les écrits des moralistes, particulièrement sensibles à la question de l’intérêt (qui se substitue peu à peu à l’amour-propre) et portant un regard aigu sur les pratiques économiques du temps 19 , la critique de l’économie est exacerbée dans les comédies, qu’on a coutume de juger un peu rapidement comme « cyniques ». Car si l’économie a mauvaise presse, elle n’en est pas moins placée au cœur d’une dramaturgie en décalage partiel avec la convention comique habituelle. Partie prenante d’un dispositif de mise en crise générale 19 Je renvoie, sur ce point, aux perspectives ouvertes par Jean Rohou dans « Pour un ordre social fondé sur l’intérêt : Pascal, Silhon, Nicole et Domat à l’aube de l’ère libérale », publié dans Justice et force. Politiques au temps de Pascal, Paris : Klincksieck, 1996, pp. 207-222, mais aussi dans « L’amour de soi au XVII e siècle : de la concupiscence à la complaisance, à l’angoisse et à l’intérêt », publié dans Les Visages de l’amour au XVII e siècle, Presses de l’université de Toulouse-le-Mirail, 1984, pp. 79-90. Martial Poirson 734 des valeurs absolues de la morale traditionnelle, la comédie de la période dramatise en effet les prospérités du vice et se plaît au jeu du change et de l’échange, dans un univers de négociation généralisée où les transactions sont d’autant plus serrées que les valeurs fluctuent. L’argent est d’abord omniprésent, d’un point de vue quantitatif, dans la comédie du « Soleil-Couchant » 20 , mais surtout omnipotent, car intimement lié à sa structure dramatique comme à son cadre idéologique. En effet, un vaste ensemble de pièces comiques, de tous types et de tous formats, traduit nettement ce changement sensible de paradigme dans les représentations de l’argent sur les planches. Toute une génération d’auteurs émerge alors, dont les thèmes de prédilection sont étroitement associés aux questions économiques : Champmeslé, Donneau de Visé, Poisson, Baron ou encore, Thomas Corneille 21 ... Tous disent avec une joie sombre la corruption des mœurs du temps, la toute-puissance de l’argent, la dissolution des sentiments amoureux, familiaux, amicaux même, au contact de l’intérêt toutpuissant auquel aucune barrière morale ne s’oppose plus désormais. De nouveaux schémas d’intrigue apparaissent alors, qui se superposent, ou même parfois se substituent à la traditionnelle bataille rangée entre, d’un côté enfants et valets, de l’autre aînés et vieillards, ou même entre maîtres et serviteurs. Ainsi notamment du trinôme récurrent entre une coquette volage et cupide, souvent veuve ; un chevalier joueur et dissipateur, souvent libertin ; et un vieillard riche, souvent avare et libidineux, que l’on retrouve aussi bien chez Dancourt et Saint Yon que chez le premier Dufresny ou Lesage 22 . 20 Pour une vision plus générale de cette période, André Blanc, F. C. Dancourt (1661- 1725). La Comédie française à l’heure du soleil couchant, Tübingen-Paris : Gunter Narr Verlag-Jean-Michel Place, 1984 et Guy Spielmann, Le Jeu de l’ordre et du chaos : comédie et pouvoirs à la Fin de Règne (1673-1715), Paris, Champion, 2002. Christian Biet consacre à l’évocation des questions économiques dans ce type de textes le chapitre 8 de son Droit et littérature dans l’Ancien Régime. Le Jeu de la valeur et de la loi, Paris : Champion, 2002. 21 Hauteroche, Les Nobles de province (1678) ; La Bassette (1680) ; Le Feint Polonais (1686) ; Les Bourgeoises de qualité (1690) ; Champmeslé, Les Joueurs (1683), La Bassette (1680), La Rue Saint Denys (1682), La Veuve (1699) ; Jean Donneau de Visé, Les Intrigues de la lotterie (1670) ; Thomas Corneille & Jean Donneau de Visé, La Pierre Philosophale (1681), L’Usurier (1685)... Le Soupé mal apresté (1670) de Hauteroche constitue un précédent qu’on ne saurait négliger. C’est sans doute l’un des auteurs les plus représentatifs et les plus productifs de cette première génération de comédies cyniques et désabusées. 22 Dancourt & Saint Yon, Le Chevalier à la mode (1687) ; Dufresny, Le Chevalier joueur (1697) ; Lesage, Turcaret (1709). Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 735 Apparaissent aussi de nouveaux personnages et systèmes de personnages, agencés dans des galeries de portraits à la façon des moralistes où se succèdent, sur le modèle des comédies-revues, puis des comédies-épisodiques, des personnages stigmatisés pour leurs travers sociaux, comme dans La Devineresse ou Les Faux enchantements (1679), pièce à machines de Thomas Corneille et Donneau de Visé. Boursault est expert dans ce genre, où il s’est notamment illustré avec la « comédie-fable » Ésope à la Ville ou Les Fables d’Ésope (1690). Au-delà de l’exercice de style, la pièce permet à son auteur de mettre en forme une éthique du bon officier, serviteur désintéressé de l’État et par là même, de critiquer par comparaison la vénalité des charges et des offices, fondement de l’ordre politique et social d’Ancien Régime ; mais aussi, de stigmatiser les abus de pouvoir de potentats locaux (gouverneurs, seigneurs de village, baillis...) ; et de fustiger, comme beaucoup de pièces de la période, les prétentions nobiliaires de bourgeois parvenus oublieux de leurs origines. Il récidive onze ans plus tard avec Ésope à la Cour (1701), satire féroce des manieurs d’argent. L’habileté de Boursault est ainsi de remettre en cause l’ensemble de la structure politique et sociale qui autorise un tel système d’exploitation de l’homme par l’homme, au nom d’une économie de la rente qui s’oppose à la transaction sur les valeurs : les hautes sphères du pouvoir ne sortent pas indemnes de cette critique d’une économie politique de type féodal dont l’intrigue est à dessein placée au cœur de la société de Cour… Dans La Comédie sans titre ou Le Mercure galant (1683), du même auteur, le procédé fonctionne à merveille. La pièce, que l’on peut considérer comme une des toutes premières grandes « comédies post-moliéresques », bénéficie d’ailleurs d’un grand succès public (19 représentations d’affilée « dans sa nouveauté »). Elle est construite selon le modèle éprouvé de la comédie-revue, où une série de types sociaux défilent dans la maison d’un auteur à succès, à dessein de développer la satire en règle de la société « Fin-de-Règne ». Tout en brossant une peinture réaliste du milieu de la presse à succès et des auteurs fortunés, qui a fait reconnaître en elle la première comédie sur « le trafic du journalisme naissant », selon l’expression d’Antoine Adam, elle collectionne les figures de « fâcheux » issus d’un vaste ensemble de milieux professionnels, venant tous chercher gloire et argent en utilisant le journal pour faire accéder leur intérêt privé au domaine public. L’œuvre de Baron est tout aussi significative d’une inflexion de la forme comique 23 : conservant le schéma dramatique de l’ancienne comédie, centré 23 Je pense en particulier à des comédies telles que Les Enlèvements (1686) ; L’Homme à bonnes fortunes (1686) ; Le Rendez-vous des Tuileries ou Le Coquet trompé (1686) ; La Coquette ou la Fausse Prude (1687)… Martial Poirson 736 sur l’intrigue amoureuse empêchée, l’auteur enrichit un canevas souvent minimaliste et sans surprise en l’émaillant de personnages nouveaux étrangers au personnel habituel de comédie : personnages en défaut de loi commune ; « veuves joyeuses » en passe de devenir des individus autonomes ; chevaliers intrigants ; hommes de finance omnipotents qui déclarent sans ciller aux tenants du titre de noblesse, comme Monsieur Basset dans La Coquette ou La Fausse prude (1687) : « Avec de l’argent, on fait tout. Je serai quand je voudrai ce que vous êtes, et vous ne serez jamais ce que je suis »… L’argent agit donc dans ces pièces, et beaucoup d’autres de la même période, comme un opérateur dramaturgique susceptible de redistribuer les destins sociaux. Il a donc un rôle dynamique nouveau dans le développement de l’intrigue, du système des personnages et mêm de la structure dramatique : substitutions de contrats de mariages, faux et usages de faux, escroqueries à la dot, faux veuvages et faux décès à des fins de captation matrimoniale, rapts de séduction, captations d’héritages, vols caractérisés, extorsions de fonds, échange de biens, de services et surtout, de femmes... De telles malversations se multiplient dans ces pièces où le négoce et l’établissement de contrats de toutes sortes jouent un rôle de tout premier plan. Le motif récurrent du jeu, qui dépasse de loin la seule actualité sociale et politique 24 , est d’ailleurs symptomatique de cette fascination nouvelle pour la redistribution aléatoire des fortunes et partant, des conditions 25 . L’ordre des échanges n’est en effet jamais très loin, dans le système comique, de l’échange des ordres de cette société holiste en crise. Enfin, la comédie de la période se plaît à entrer dans le détail technique des affaires. Elle excelle à rendre compte, avec un luxe de précisions et souvent une parfaite exactitude juridico-économique, des transactions même les plus complexes, tant elle se montre fascinée par les procédures économiques, avec une nette prédilection pour les questions marchandes et les transactions financières. Tel est le cas de Fatouville, maître du genre par métier autant que par goût, notamment dans Le Banqueroutier (1687). À travers un ensemble de péripéties et de tours burlesques, cette comédie 24 A en juger par l’intense production comique de la période, bien analysée par John Dunkley dans Gambling : a Social and Moral Problem in France (1685-1792), Geneva : SVEC n°235, 1985. 25 Outre les pièces déjà mentionnées, je signale Donneau de Visé, Les Intrigues de la lotterie (1670) ; Champmeslé, Les Joueurs (1683) ; Dancourt, La Désolation des joueuses (1687) et La Loterie (1697), plus tard La Déroute du pharaon (1718) ; Regnard [Dufresny], Le Joueur (1697). Et plus tard, dans une perspective tout autre, Dufresny, La Joueuse (1709) et Garnier, Les Joueuses (1784). Sans parler des nombreuses adaptations du Gamester d’Edward Moore, d’après la traduction de l’abbé Brute de Noirelle. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 737 italienne fait en effet la chronique d’une banqueroute annoncée, révélant toutes les ficelles de la procédure et dressant le catalogue des filouteries alors en usage courant. On y apprend, entre autres fraudes et usages crapuleux, comment détourner le cadre juridique à son profit, afin de ruiner deux fois ses créanciers en leur coupant tout recours judiciaire. Un personnage de notaire fait office de conseiller en procédures frauduleuses et déchire le voile d’ignorance sur une pratique en vogue des affaires du temps, qui sont également partie prenante dans la réflexion que le théâtre porte sur luimême. Arlequin tient en effet des propos à valeur métatextuelle : « Tu vois, ma pauvre cousine, combien il faut jouer de rôles pour amasser quelque chose dans la vie » (« scène de la cassette »). Et c’est loin d’être un hasard si la « scène qui sert de prologue » s’ouvre sur une discussion entre Arlequin et Mezzetin sur l’art de resquiller au théâtre : « J’y vais pour entrer sans payer, pour faire le bel esprit, pour bien boire et bien manger sans qu’il m’en coûte un double, et pour avoir de l’argent de reste ». Ainsi cette période charnière, en dépit d’un mépris affiché qui s’exprime d’ailleurs moins envers l’économie qu’envers les comportements sociaux cupides qu’elle révèle et conforte, laisse-t-elle apercevoir, sous la critique qu’elle sur-joue, une certaine fascination pour l’économie, envisagée comme fauteuse de trouble et adversaire de poids pour la morale chrétienne traditionnelle, comme le mettront symboliquement en scène un certain nombre de comédies allégoriques ultérieures 26 . Les dramaturges envisagent donc l’économie comme un facteur de renouvellement des formes comiques dont ils exploitent les potentialités dramatiques. Partiellement affranchis d’une anthropologie négative d’inspiration théologique, ils commencent cependant à entrevoir le potentiel d’innovation philosophique et politique de notions nouvelles telles que l’intérêt privé. Ainsi se prennent-ils à expérimenter une notion dont ils perçoivent encore confusément les infinies possibilités dramaturgiques. Et pourtant, cette vision moderne fait long feu… Eloge paradoxal de l’intérêt souverain Au moment même où la comédie se montre particulièrement critique envers un système économique qui révèle, dans le premier XVIII e siècle, l’ampleur de ses faiblesses, elle utilise en même temps son potentiel comique et dra- 26 Legrand, Plutus (1720) ; Marivaux, Le Triomphe de Plutus (1728) et Le Chemin de la Fortune ou Le Saut du Fossé, scènes détachées en prose parues dans Le Cabinet du philosophe en 1734, sans parler de sa réécriture par Pannard sous le titre Le Fossé du scrupule ou Le Saut du fossé (1742), et du même auteur, Les Ennemis réconciliés (1736), resté à l’état de manuscrit, parmi tant d’autres… Martial Poirson 738 matique à travers une dramaturgie de l’expérimentation fascinée de l’économie sous toutes ses formes, posant ainsi les bases, à la faveur du tumulte, d’une remoralisation ultérieure de l’économie, et avec elle du genre comique lui-même, au nom d’une morale pragmatique, qui n’est pas encore de saison mais apparaît, en filigrane, dans les textes. Au tournant du siècle, encore placé dans l’optique générale d’un dénigrement de l’économie, une nouvelle étape dans le traitement comique de l’économie est donc franchie. Trois évolutions majeures la caractérisent : d’abord, l’accentuation du réalisme dans l’évocation du négoce, à travers des scènes mettant en lumière une certaine fascination pour la marchandise ; ensuite, de façon presque symétrique, la perception de l’abstraction et de la valeur symbolique de la monnaie fiduciaire, préoccupation constante des dramaturges dans un contexte de financiarisation et partant, de virtualisation de l’économie propre au système de Law ; enfin, le retour en force d’une certaine exigence morale, refusant le statu quo du dénouement et exigeant la punition des coupables. Les personnages liés aux mondes des affaires, s’ils restent toujours aussi ridicules et continuent de mal tourner, se prennent aussi, fait relativement nouveau, à mal finir, sanctionnant ainsi la fin de la neutralité axiologique propre à l’univers comique et à l’impunité de ses dénouements : le vice ne demeure plus impuni et la structure dramaturgique prend une orientation plus nettement éthique, cependant que s’affirme progressivement un jugement moral sur l’économie nouvelle. Abstraction faite de son anthropologie négative, ce qui frappe sur la période est l’effet de réel des scènes. Dans la comédie se met en effet en place une véritable poétique de l’opulence propre à glorifier, par l’ostentation de la marchandise constante dans les pièces, l’émergence sur la place publique d’une « culture matérielle » ou si l’on veut, d’une « culture négociante » 27 . Un certain nombre de pièces s’attachent en effet, avec un luxe de détails sans précédent, tant par les didascalies que par les dialogues et situations de jeu, à exhiber les signes d’une intensification des échanges et d’une démultiplication des choses. Il en est ainsi, en particulier, de la série de pièces mettant en scène les mondes de la rue et de l’échoppe, avec ses marchands et ses bourgeois, ses badauds et ses chalands… comme dans La Rue Saint Denys (1682) de Champmeslé ; ou bien l’agitation de la Foire, comme dans La Foire de Bezons (1695) et La Foire Saint-Germain (1696) de Dancourt, mais aussi, la même année, La Foire Saint-Germain de Regnard et Dufresny... Le théâtre dans le théâtre est utilisé dans ces dernières, à la fois 27 Daniel Roche, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation dans les sociétés traditionnelles (XVII e -XVIII e siècle), Paris : Arthème-Fayard, 1997 et La France des Lumières, Paris : Fayard, 1993. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 739 comme opérateur de l’intrigue, dans la mesure où il permet de dénouer la crise, et comme révélateur des conduites sociales stigmatisant le vice, sans pour autant exhorter clairement à la vertu. C’est encore le moyen, pour les auteurs, aussi habiles dans tous les registres, d’évoquer, sur la scène même des Théâtres Français et Italien, la réalité du théâtre forain et d’offrir sur les planches une représentation haute en couleurs des mondes du négoce. Mais c’est surtout le moyen d’assimiler, dans un rapport homologique fondamental, comédie et économie. La pièce de Dancourt, en particulier, repose sur l’association entre amour et argent, exprimée à travers le personnage du financier parvenu, libertin et jouisseur, qui sait que l’amour se vend au poids de l’or, pour avoir maintes fois, dans son passé de domestique, aidé à sa vente... Mais sa toute-puissance se heurte finalement à la coalition des dupés, qui se révèlent aussi roués que lui et aussi dépourvus du moindre sens moral, et à la force de l’opinion publique ; laquelle se construit dans les Foires où la parole, à l’image de la marchandise, va bon train et circule à grande vitesse selon une poétique dramaturgico-économique nouvelle. Cette tendance trouve de nouveaux développements avec Le Port de Mer (1704) de Boindin, qui se déroule à Libourne, port commercial en plein essor et marché aux esclaves réputé. La pièce enchaîne les évocations pittoresques de l’activité commerciale frénétique des grands ports de commerce et utilise le travestissement de l’intrigue amoureuse empêchée pour jouer sur les équivoques du trafic des êtres humains, de la commercialisation des corps, et interroger le droit du « commerce de mer » sous Louis XIV. Dans le même temps, par un mouvement inverse, la financiarisation et donc, la virtualisation de l’économie n’échappent pas à la comédie, qui multiplie les personnages de financiers et les situations dramatiques engendrées par la distribution aléatoire des fortunes et des biens mais surtout, par les stratégies spéculatives et cumulatives du nouvel ordre monétaire. Tel est notamment le cas de la pièce anonyme Le Gros lot de Marseille (1700), mais aussi de La Coquette de village ou Le lot supposé (1715) de Dufresny, où l’auteur imagine les effets produits par l’enrichissement supposé d’un fermier à la loterie nationale sur l’équilibre des pouvoirs et des prestiges en zone rurale. La supercherie, orchestrée par le receveur du village, agit comme un révélateur social, exacerbant les conduites stéréotypées : l’orgueil revanchard du fermier, l’arrogance du baron, son ancien employeur, l’opportunisme de la veuve comme de la coquette et leur rivalité matrimoniale face à cette redistribution des cartes... Avec Les Agioteurs (1710) de Dancourt, on est encore plus près des transactions financières de la célèbre rue Quincampoix, qui sont décrites dans toute leur technicité, et sans rechigner à user du jargon des maltôtiers représentés par les figures de Martial Poirson 740 l’usurier Zacharie, de l’agioteur Trapolin, et de toute une série de manieurs d’argent frauduleux... La forme même du genre comique évolue considérablement au contact de cette sensibilité nouvelle aux virtualités de la finance, comme dans Le Crédit est mort (1726) de Piron. Elle est notamment marquée par l’essor de la comédie allégorique, genre dramatique très en vogue à partir des années 1715 28 , qui se saisit de l’actualité récente pour en faire un « théâtre des idées ». Tel est le cas du Diable d’argent (1724) écrit en collaboration par Lesage, D’Orneval et Fuzelier, portant sur la banqueroute du système des assignats mis en place par Law ; des Aventures de la rue Quincampoix (1719) de Carolet ou, du même auteur, cette fois sur l’actionnariat de la Compagnie des Indes, La Lanterne magique ou Le Mississippi du Diable (1723)… parmi tant d’autres exemples. Pourtant, c’est au nom de cette morale pragmatique qu’émergent progressivement les signes avant-coureurs d’une remoralisation de l’économie. L’homme d’argent n’est plus condamné par principe, parce qu’il est homme d’argent, mais parce que son système ne tient pas ses promesses. À l’observation critique mais fascinée des pratiques économiques de la période précédente succède ainsi la prise en compte sévère du bilan mitigé de la monétarisation de la société française. Les pièces se font donc de plus en plus critiques envers les manieurs d’argent, et peu à peu se généralise un schéma dramatique fondé sur une sorte de punition rituelle expiatoire. C’est particulièrement net dans Turcaret (1709) de Lesage, où l’ancien valet-financier, dès lors que ses activités ne sont plus couronnées de succès, est abandonné de tous et constitué en « bouc émissaire » donné pour seul et unique responsable, par la coalition de personnages tout aussi corrompus que lui, du désastre final. La pièce est beaucoup plus violente contre la figure du financier que son intertexte, La Rapinière ou L’Intéressée (1683), de « Barquebois », signe d’une évolution notable des mentalités et des formes. Le même procédé dramaturgique, porteur de la même idéologie, se retrouve quelques années plus tard dans Arlequin traitant (1716) de D’Orneval. La pièce prend directement appui sur une actualité politique dans l’air du temps (la Chambre de Justice instituée le 12 mars 1716) et fait preuve d’une grande technicité dans l’évocation des mécanismes de la finance, entremêlée au travestissement burlesque du merveilleux mythologique. Les exemples se multiplient de ces intrigues où les histoires d’argent finissent mal, et où affleure une reprise en main idéologique, sinon morale, de l’activité économique, qui passe par le sacrifice rituel final de l’homme 28 Les premières expériences remontant là encore à l’an 1673, avec La Hollande malade de Raymond Poisson. C’est tout sauf fortuit. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 741 d’affaires, au nom d’une forme de rationalité instrumentale : quitte parfois à perdre de vue l’évocation de la réalité sociale de l’époque, en créant de toute pièce des « mythes littéraires » tels que celui du « valet-financier »... Si l’on ne parvient pas encore à isoler un jugement laudatif sur l’argent, l’ordre moral semble déjà avoir repris ses droits, en n’accusant plus l’économie d’être ce qu’elle est, mais seulement de ne pas être à la hauteur de ce qu’elle promet. Ce qui revient à faire basculer la critique des fins vers celle des moyens... Cette évolution marque donc un tournant décisif dans l’introduction d’une logique économique au cœur même de la littérature dramatique et des critères du jugement éthique, esquissant une nouvelle configuration idéologique entre argent, morale et intérêt. Mais le jugement moral n’est pas dépourvu d’ambiguïtés pour les dramaturges, les comédiens, mais aussi le public, comme l’indique ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Cartouche » : Cartouche ou Les Voleurs (1721) de Legrand, initialement conçu comme un moyen de propagande active contre la criminalité organisée et l’économie souterraine, tourne bien vite à l’apologie indirecte et à la glorification du bandit de grand chemin, capable de braver le pouvoir en toute impunité. La médiation symbolique du texte dramatique, qui en fait ainsi un « mythe de l’ennemi public numéro un », a pour conséquence inattendue de mobiliser l’opinion publique en sa faveur... À travers Cartouche, c’est tout un ensemble de modèles économiques alternatifs qui commence à fasciner l’opinion, susceptible de forger de nouvelles formes d’expression comique et de mettre en valeur les séductions du vice, mais aussi de l’économie souterraine. En parallèle, on constate avec L’Embarras des richesses (1725) d’Allainval l’affleurement d’argumentaires nouveaux. La pièce est, comme toute une série de comédies de l’époque, une transposition dramatique de la fable de La Fontaine Le Savetier et le Financier. Mais c’est aussi une des premières à développer la thématique, proche des philosophes des Lumières, du retour aux plaisirs naturels, exprimée à travers la formule épicurienne (« cultiver son jardin »), signe que l’émergence d’une philosophie du bonheur simple est en gestation. Cette comédie allégorique marque donc à la fois un point d’aboutissement et un tournant dans l’évolution des formes dramatiques, par son optimisme rassurant dans l’évocation fantasmagorique des mondes de l’argent. Elle se démarque également de la poursuite de l’intérêt étroitement individualiste de la Régence et contribue à inaugurer un nouveau schéma dramatique voué au plus grand succès : celui, propre à la comédie nouvelle ou moralisante, de la passion malheureuse pour les biens matériels destinée à être ramenée à la vertu et à l’appréciation raisonnable des richesses... Martial Poirson 742 Fausse route Si la période allant du dernier tiers du XVII e siècle au premier tiers du suivant n’est pas dépourvue d’ambiguïtés, son importance dans l’histoire des formes et des idées est souvent minimisée par la critique qui tend à la réduire à un moment de transition, pour faire vite, « entre Molière et Marivaux ». En fait, c’est précisément le chaînon manquant sans lequel aucune articulation entre comique et économique ne peut prendre sens, et le levier d’une étonnante modernité, indissociablement idéologique et esthétique. C’est surtout une période de gestation intellectuelle, formelle et idéologique qui préfigure le redéploiement éthique de la période suivante, sorte de reflux ou de choc en retour. En effet, cette période constitue, au regard de l’histoire longue, une parenthèse atypique : moment sans précédent de fusion et d’interaction entre littérature et économie, elle reste sans équivalent depuis, puisque dès les années 1730, on constatera le retour d’une emprise éthique sur l’économie dans les comédies, solidaire d’une conversion morale de l’économie, et puisque dès la Révolution française, la littérature (en particulier le théâtre) cherchera de nouveau à se démarquer de l’économie, pour finalement adopter la doctrine de la gratuité artistique qui se maintiendra jusqu’à aujourd’hui, se coupant artificiellement, au plan de l’histoire des formes et des représentations, de ses bases économiques 29 . C’est la raison pour laquelle j’ai cru bon de déplacer l’architecture mobile du découpage en siècles hérité de l’histoire littéraire, englobant dans un même mouvement la fin du XVII e et le début du XVIII e siècles, opposés à l’évolution réactionnelle du second XVIII e siècle. Cela permet de faire apparaître une relative congruence entre les temporalités propres de l’histoire des formes et de l’histoire des idées, mais aussi des effets de décalage où les chronologies semblent, un moment, en opposition de phase, traduisant l’inertie de l’histoire lente et non linéaire des consciences ou des mentalités au regard de celle des faits et plus encore, des formes… La littérature s’élabore précisément dans ce hiatus, comme une forme complexe de médiation symbolique et de réinterprétation des éléments tant matériels qu’intellectuels qui font la cohérence et la dynamique d’une culture. C’est ce caractère composite, clivé, voire obvié du texte comique que j’ai souhaité mettre en évidence comme relevant d’un même trait de modernité aussi bien esthétique qu’idéologique. 29 Cf. Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris : Minuit, 1992. Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 743 ANNEXE : LISTE DES PRINCIPALES PIECES CITEES Afin d’alléger le système des notes en bas de page dans l’article, sont indiquées ici avec précision les éditions et manuscrits des principales pièces difficiles d’accès faisant l’objet d’une analyse. La date de la première représentation n’est mentionnée que si elle est antérieure et notablement différente de la date de première édition ou si le texte représenté est resté à l’état de manuscrit. ANONYME, Le Gros lot de Marseille, comédie en un acte et en prose. [Manuscrit de souffleur, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française (BMCF) Ms 50 ; Bibliothèque de Pont de Vesle, n°910], représentée au Théâtre-Français le 23 septembre 1700. ALLAINVAL Léonor-Jean-Christine Soulas d’, L’Embarras des richesses [d’après LA FONTAINE], comédie en trois actes et en prose avec prologue et divertissements, Paris, Pissot, 1726 [Bibliothèque de l’Arsenal (ARS) Rf. 7587] ; reprise dans le Nouveau Théâtre-Italien, Paris, Briasson, 1753. BARON Michel, La Coquette et la Fausse Prude, comédie en cinq actes et en prose, Paris, Guillain, 1687. BARQUEBOIS M. de [ROBBE], La Rapinière ou L’Intéressée, comédie en cinq actes et en vers, Paris, Etienne Lucas, 1682 [Manuscrit de souffleur intitulé « Monsieur La Rapinière », BMCF Ms n°11, comportant « une scène qu’on peut ajouter à la comédie » racontant la fraude d’un boucher qui cherche à passer un veau devant les commis sans payer]. BOINDIN Nicolas, Le Port de mer, comédie en un acte et en prose et divertissement, musique de Gilliers, Paris, Ribou, 1704. BOURSAULT Edme [jouée et imprimée d’abord sous le nom de Raymond POISSON et sous le titre La Comédie sans titre, sur intervention de Jean DONNEAU DE VISE], Le Mercure Galant ou La Comédie sans titre, comédie en cinq actes et en vers, Paris, Quillet et Guillain, 1683 ; Esope à la Cour, comédie héroïque en cinq actes et en vers, avec prologue, Paris, D. Beugnie, 1702, [Manuscrit Bibliothèque Nationale de France (BNF) n. a. f. 4189] ; Les Fables d’Esope ou Esope à la ville, comédie en trois actes et en vers, Paris, Girard, 1690. CAROLET Denis, La Lanterne magique ou Le Mississipi du Diable, opéra-comique en trois actes et en prose avec divertissement, musique de Gilliers, La Haye, Mathieu Roquet, 1723 ; Les Aventures de la rue Quincampoix, comédie en un acte et en prose et vaudeville avec Divertissement [BNF f. f. 9315], représentée au Théâtre-Italien le 21 novembre 1719. CHAMPMESLE Charles Chevillet de, La Rue Saint Denis, comédie en un acte et en vers, Paris, Jean Ribou, 1682. Martial Poirson 744 CHAPPUZEAU Samuel, Le Riche mécontent ou le Noble imaginaire [aussi intitulée, lors des nombreuses rééditions du vivant de l’auteur, Le Riche important et Le Partisan dupé], Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1662. CORNEILLE Thomas & DONNEAU DE VISE Jean, La Devineresse ou Les Faux enchantements, comédie en cinq actes et en prose, Paris, Blageart, 1680 [exemplaire sans nom d’auteur, avec un erratum indiquant 7 fautes à corriger, ARS Rf 2760]. D’ORNEVAL Jacques-Philippe, Arlequin traitant, opéra-comique en trois actes et en vaudeville, avec des danses et des divertissements, publié dans LESAGE Alain-René et D’ORNEVAL, Le Théâtre de la Foire et l’Opéra comique, contenant les meilleurs pièces qui ont été représentées aux foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent, Paris, Ganeau, 1721-1737, volume IV, représenté à la Foire Saint-Germain le 22 mars 1716. DANCOURT Florent Carton Sieur, La Foire de Bezons, comédie en un acte et en prose et divertissement, musique de Gilliers, Paris, Guillain, 1695 ; La Foire Saint-Germain, comédie en un acte et en prose et divertissement, musique de Gilliers, Paris, Guillain, 1696 ; Les Agioteurs, comédie en trois actes et en prose, Paris, Ribou, 1710. DESMARETS de SAINT-SORLIN Jean, Les Visionnaires, comédie en cinq actes et en vers, Paris, Camusat, 1637. DORIMOND Louis, Les Amours de Trapolin, précédée d’un Prologue intitulé La Comédie de la comédie, Paris, Ribou, 1662. DUFRESNY Charles Sieur de La Rivière, La Coquette de village ou Le Lot supposé, comédie en trois actes et en vers, Paris, Pierre Ribou, 1715. [FATOUVILLE Anne Mauduit, Seigneur de Fatouville et de La Bataille], MONSIEUR D***, Le Banqueroutier, comédie en un acte et en prose, publiée dans Evaristo Ghérardi, Le Théâtre Italien de Ghérardi, Paris, J.-B. Cusson et P. Witte, 1700, volume I, représentée au Théâtre-Italien le 19 Avril 1687. HAUTEROCHE Noël Lebreton Sieur de, Le Deuil, comédie en un acte et en vers [imprimée dès janvier 1673, édition endommagée, BNF Yf 7142], Paris, Ribou, 1680 [BNF Yf 3428, dans un recueil factice daté de 1691]. L’ESTOILE Claude de, L’intrigue des filous, Lyon, Claude La Rivière, 1644. LEGRAND Marc-Antoine, Cartouche ou les voleurs, comédie en trois actes et en vers, avec un divertissement, Paris, Jean Musier, 1721 ; Plutus, comédie en trois actes et en vers, avec un divertissement, Paris, Ribou, 1720 [sans le divertissement censuré]. LESAGE Alain-René, Turcaret, comédie en cinq actes et en prose, avec prologue et épilogue [La Critique de Turcaret par le Diable boiteux et La Continuation de la Critique de Turcaret par le Diable boiteux], Paris, Veuve Ribou, 1709 ; en collaboration avec FUZELIER Louis & D’ORNEVAL Jacques-Philippe, Le Diable d’argent, comédie à allégories en un acte, prologue en prose, publiée dans le Théâtre de la Foire ou l’Opéra comique, op. cit. volume IV, représentée à la Foire Saint-Germain en février 1720. MARIVAUX Pierre Carlet de Chamblain de, Le Chemin de la Fortune ou Le Saut du Fossé, scènes en prose, parues dans Le Cabinet du philosophe, journal en onze feuilles, 1734, troisième & quatrième feuilles ; Le Triomphe de Plutus, comédie Une modernité inachevée : quand l’intérêt entre en scène 745 en un acte et en prose, Paris, Prault Père, 1739, représentée au Théâtre-Italien le 12 mai 1728. MOLIERE, Jean-Baptiste Poquelin, La Comtesse d’Escarbagnas, divertissement de Cour destiné à accompagner des Ballets, Bruxelles, Georges de Backer, 1694, représenté à Saint-Germain-en-Laye le 2 décembre 1671, ensuite repris sous forme de comédie-ballet au Théâtre du Palais Royal le 8 juillet 1672. PANNARD Charles-François, Le Fossé du scrupule ou Le Saut du fossé, opéracomique en trois actes et en prose et vaudeville, avec prologue, épilogue et divertissement, publié dans Théâtre et Œuvres diverses, Paris, 1763, volume III, pp. 69-138, représenté sous le titre du Saut du Fossé, à la Foire Saint- Laurent, le 26 juillet 1742 ; Les Ennemis réconciliés, opéra-comique en prose et vaudeville en un acte, « pour servir de quatrième acte à L’Histoire de la Foire ou Les Métamorphoses de la Foire, Pièce en quatre actes et un Prologue, par Monsieur Lesage » [BNF f. f. 1207], représenté à la Foire Saint Laurent le 27 juin 1736. PIRON Alexis, Crédit est mort, opéra-comique en un acte et en prose, avec vaudeville et divertissement, publié dans Œuvres complètes, Paris, Michel Lambert, 1776, volume V, représenté à la Foire Saint-Germain le 19 février 1726. POISSON Raymond, La Hollande malade, comédie en un acte et en vers, Paris, Promé, 1673 [BNF Rés. Yt 4092 ; Bibliothèque municipale de Lyon, cote 321724]. REGNARD Jean-François & M. du F*** [DUFRESNY], La Foire Saint-Germain, comédie en trois actes et en vers et prose, publiée dans Evaristo Ghérardi, Le Théâtre Italien de Ghérardi, op. cit. volume V, représentée au Théâtre-Italien le 26 décembre 1695. SCARRON Paul, L’Héritier ridicule ou la dame intéressée, Paris, s. n., 1668.