Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
121
2008
3569
Gérard Ferreeyrolles (dir.) : La Polémique au XVIIe siècle, Littératures classiques, no 59 (été 2006). 369 p
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2008
Carine Barbafieri
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PFSCL XXXV, 69 (2008) 762 Aurore Labenheim qui avait publié une stimulante étude dans un précédent Cahier, n. XXVI, « Une esthétique du flou entre dissimulation et travestissement », poursuit ses recherches dans les procédés d’expressions du poète dans « Une stylisation du contraste chez Tristan L’Hermite » et illustre son recours constant au paradoxe et à la pointe, ce qui le rattacherait à une esthétique baroque. On connaît les désillusions du poète dans ses rapports avec son mécène. Lionel Philipps y consacre une belle étude très fournie suivie d’une présentation de deux Odes illustrant cette navrante situation : « Le poète et le Prince dans les Vers héroïques : agonie d’une relation mythique » et « Tristan et Billaut face à Gaston d’Orléans : la louange désabusée. Autour de deux odes ». L’auteur prend comme point de départ le magnifique et envoûtant poème « La Mer », « fruit d’une inspiration mélancolique et éminemment personnelle » (p. 65). Après un long et vain service auprès de Gaston d’Orléans, le poète déçu espère trouver un nouveau mécène dans la personne du duc de Guise avec des vers où « la contamination du registre héroïque par le registre amoureux serait possible » (p. 79). On trouvera ici, comme dans les précédentes livraisons, d’excellents, précis et utiles comptes rendus dûs à Guillaume Peureux, Véronique Adam, Sandrine Berregard et Mathilde Bombart ainsi qu’une Bibliographie et une Chronique des activités de l’Association. La mémoire de Jacques Morel a été bien servie par ses collègues et amis. L’œuvre de Tristan aussi, son époque et les circonstances dans lesquelles elle a été créée. Les lecteurs apprécieront la richesse et la ferveur tristanienne de cet hommage collectif. Marie-Odile Sweetser Gé r a r d F e rr e yro ll e s (dir.) : La Polémique au XVII e siècle, Littératures classiques, n° 59 (été 2006). 369 p. G. Ferreyrolles nous présente un recueil d’articles de grande qualité sur la polémique au XVII e siècle, fruit d’un séminaire conduit en 2002-2003 et 2003-2004 à la Sorbonne. Le sujet est central pour l’âge classique, à tel point que l’on pourrait proposer (comme l’a fait E. Bury dans son article « Frontières du classicisme », Littératures classiques, n° 34, automne 1998, p. 217-235) une périodisation fondée sur les différentes querelles qui parcourent le siècle. Cet intérêt pour la polémique, les controverses et les querelles, s’il n’est pas nouveau (à la fin du XVIII e siècle, S.-A. Irailh publiait déjà ses Querelles littéraires…depuis Homère jusqu’à nos jours ! ), trouve un intérêt particulier dans la recherche la plus actuelle, comme en témoigne le Comptes rendus 763 colloque sur « les querelles dramatiques en France à l’âge classique (XVII e - XVIII e siècles) » qui s’est tenu à Reims les 19-20 octobre 2006. Par ailleurs, la polémique a directement à voir avec des questions d’éthique : si elle est attaque, elle ne doit jamais glisser vers la diffamation et menace en permanence l’idéal d’honnêteté si cher au XVII e siècle. On le voit : la question de la polémique jouxte celle des civilités et de la galanterie, objet de nombreux travaux depuis les années 1980, et celle de la satire, qui a fait récemment l’objet d’un numéro spécial de Littératures classiques (n° 24, printemps 1995), et qui, à travers Boileau, s’est vu consacrer un important colloque à Versailles, en mai 2003 (Boileau : poésie, esthétique, actes du colloque organisé par E. Bury à Versailles les 22-23 mai 2003, PFSCL, vol. XXXI, n° 61, 2004). C’est dire l’importance du propos abordé, en lui-même et en ce qu’il se situe au confluent de terres (re)visitées par les recherches les plus récentes. Les dix-huit articles proposés sont classés en trois parties, une première partie présentant les formes de la polémique (articles de Cl. Nédélec, A. Tournon, N. Piqué, J. Le Brun), une deuxième partie les normes de la polémique (articles de D. Descotes, O. Jouslin, D. Reguig-Naya, B. Guion) et une troisième partie les champs de la polémique, subdivisée en une première sous-partie sur le champ littéraire (articles de M. Bombart, J.-M. Civardi, C. Esmein), une deuxième sur le champ social et politique (articles de J.-Cl. Arnould, M. Dufour-Maître, C. Robin) et une troisième sur le champ religieux (articles de A. Hupé, A. Ferrari, P. Chaduc, G. Artigas-Menant). Le volume s’ouvre sur une importante introduction de G. Ferreyrolles et se clôt sur une bibliographie du même auteur, à laquelle il faut ajouter celle de J.- M. Civardi, qui propose comme article une « bibliographie critique des querelles théâtrales au XVII e siècle ». Trois articles se concentrent très précisément sur les conditions de la polémique. La polémique s’exprime-t-elle de façon privilégiée dans le registre burlesque ? Cl. Nédelec montre que le burlesque a d’abord été un objet de polémiques (Naudé et Charles Perrault distinguent un bon et un mauvais burlesque, Pellisson et Descartes s’en méfient, Dassoucy et Sorbière le célèbrent sans réticence), avant de se mettre au service de diverses polémiques, comme celle autour de la création de l’Académie française, comme l’affaire Pierre de Montmaur, professeur de grec au Collège Royal attaqué en 1636 par un ensemble de textes satiriques (p. 40-42), comme « les querelles religieuses » (p. 42-45) marquées par un usage ambigu du burlesque. Par ailleurs, les guerres du Parnasse constituent-elles un lieu privilégié d’expression de la polémique ? Après M. Fumaroli (« Rhétorique, dramaturgie, critique littéraire : le recours à l’allégorie dans les querelles littéraires (1578-1630) », dans Critique et création littéraires en France au XVII e siècle, PFSCL XXXV, 69 (2008) 764 Paris, CNRS, 1977, p. 453-472 ; « L’allégorie du Parnasse dans la Querelle des Anciens et des Modernes », dans Correspondances. Mélanges offerts à R. Duchêne, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 1992, p. 523-534), A. Tournon reprend le problème dans une perspective socio-poétique, concluant, pour ce qui concerne la postérité du genre, que « de Furetière à Callières l’allégorie se dégrade en stéréotype, et [que] Guéret contourne la difficulté en recourant à la parodie » (p. 66). Dans quelle mesure enfin la pensée est-elle tributaire de ses modes de production, de communication et de réception ? J. Le Brun, dans une perspective sociologique, souligne que la modalité d’argumentation qu’est la controverse se fait désormais davantage dans les langues modernes qu’en latin, qu’elle se déploie dans la lettre et l’article de journal (genres qui imposent rapidité et brièveté), que la dispute est désormais réglée par le public et par de nouvelles normes émanant de l’érudition, de la critique, de l’histoire. Les aboutissements des mutations du débat d’idées à la fin du XVII e siècle sont alors la constitution d’une histoire de la philosophie et la « prépondérance accordée à la praxis sur la doctrine » (p. 92). Deux articles s’intéressent spécifiquement à l’éthique de la polémique. Comment faire cohabiter polémique et urbanité ? G. Ferreyrolles, dans son introduction, rappelait les principes de bonne conduite, dans l’ordre de la morale sociale, édictés par Guez de Balzac dans son Entretien XII (p. 21-22). O. Jouslin étudie les principes éthiques, relatifs à la morale religieuse, tels que les formule Pascal. B. Guion quant à elle met très clairement et très précisément en lumière ce qui constitue « une dispute honnête » selon les Modernes. L’argument d’autorité est sans valeur, la citation ne constitue pas une preuve, les commentaires pétris d’érudition chers aux humanistes ne sauraient être des modèles. Les Modernes refusent aussi le recours à l’injure, les attaques ad hominem, la satire, les épigrammes : les valeurs mondaines d’honnêteté, de politesse, de bienséance doivent prévaloir jusque dans les querelles les plus vives. Sept articles proposent une étude de querelles précises que l’on croit, souvent à tort, bien connues. M. Bombart se penche sur la querelle autour des Lettres de Balzac en 1624-1630, C. Esmein sur la polémique contre le roman, sans se restreindre à la querelle de La Princesse de Clèves et à ses conséquences, mais en étudiant la fortune du débat tout au long du siècle. M. Dufour-Maître s’intéresse aux « Précieuses », appellation polémique (même lorsqu’elle semble laudative) pour désigner des femmes qui, sans jamais se présenter comme des « précieuses », ont tenté, moins de se revendiquer femmes (au XVII e siècle, la naissance et le rang divisent plus foncièrement l’humanité que le sexe ou le gender) que de conquérir le Parnasse, véritable gageure puisque les femmes sont « dans les espaces de la Comptes rendus 765 sociabilité mondaine des figures de la paix » (p. 255). A. Hupé étudie (avec finesse) la querelle de l’éloquence sacrée, A. Ferrari et P. Chaduc la querelle Bossuet-Fénelon autour du quiétisme et de la doctrine du pur amour. N. Piqué se penche sur la controverse entre catholiques et protestants au moment de la Révocation de l’Edit de Nantes, montrant comment la controverse « finit par amener une transformation progressive de la conscience de la temporalité » (p. 74), comment elle est en définitive un des lieux de naissance de l’historicité. Cinq articles se concentrent sur des auteurs à la réputation polémique, Marie de Gournay, Mersenne, Arnauld, Bussy-Rabutin, Challe. J.-Cl. Arnould étudie les tout premiers écrits de Marie de Gournay pour montrer qu’ils contiennent déjà les prémices de la polémique féministe et sociale qui se déploiera dans les traités ultérieurs. D. Descotes analyse le cas de Mersenne pour montrer que, contrairement à ce que pourraient laisser penser ses ouvrages polémiques (les Quaestiones in Genesim (1623), L’impiété des déistes (1624) ou La Vérité des sciences (1625)), le pourfendeur de libertins qu’est Mersenne répugne à l’affrontement. D. Reguig-Naya se penche sur le cas d’Arnauld et présente la théorisation de la polémique à laquelle il a procédé, avant de souligner « le rôle de laboratoire théorique que celle-ci a pu tenir pour l’ensemble de ses écrits » (p. 142). C. Robin s’intéresse à la scandaleuse Histoire amoureuse des Gaules de Bussy- Rabutin : si l’ouvrage coûta si cher à son auteur (un an de prison, seize ans d’exil), ce serait non pas parce que Bussy révèle des secrets d’alcôve, au reste connus de tous, mais bien parce qu’il s’attaque au système de valeurs de la société galante. G. Artigas-Menant s’attache à l’étude des Difficultés sur la religion proposées au père Malebranche de Robert Challe (ouvrage dont on ne sait ni si Malebranche le reçut, ni s’il y répondit, ni même si Malebranche n’est pas un destinataire fictif) pour montrer comment Challe s’attaque au catholicisme en général, considéré comme une imposture. Cet ouvrage sur la polémique propose ainsi une réflexion véritablement stimulante. Outre quelques problèmes de présentation indépendants de la volonté de l’éditeur scientifique (une page délimitant les parties, celle qui comporte le titre « champ religieux », tombe à gauche ; au sein de l’article de C. Robin s’est glissée une page blanche), on regrettera que le hasard des communications n’ait pas donné plus de place à des polémiques littéraires. La querelle entre Guez de Balzac et Heinsius sur la tragédie chrétienne n’a guère bénéficié d’études récentes d’envergure, de même que celle entre Voiture et Benserade autour des sonnets de Job et d’Uranie. Néanmoins ce livre se révèle aussi utile qu’agréable, tout particulièrement pour celui qui est appelé à en faire un compte rendu et dont la situation est mise en abyme PFSCL XXXV, 69 (2008) 766 par la problématique même de l’ouvrage : comment critiquer sans sortir des bornes de la civilité ? Carine Barbafieri J ür g e n Grim m : Französische Klassik. Stuttgart, Weimar : Metzler, 2005. 313 p. Cette introduction à la culture du Grand Siècle est issue d’un cours magistral et non d’un effort de synthèse, contrairement à celle d’Andrea Grewe publiée quelques années auparavant. 1 Jürgen Grimm présente donc l’histoire et la société du dix-septième siècle d’une manière élaborée et compréhensible qui invite à une lecture continue. Les chapitres, structurés par un sommaire très détaillé, présentent, après une introduction sur le concept de « classique » et ses origines (I), des éléments d’histoire politique et sociale (II) et une première construction dialectique : au chapitre sur l’histoire des idées religieuses (III) s’oppose celui sur la philosophie et les sciences (IV). Une longue partie développe ensuite la relation entre classicisme et baroque sous l’aspect central de la relation des arts et du pouvoir politique (V). L’ensemble des thèmes des chapitres précédents est repris dans une partie qui esquisse leur évolution à la fin du Grand Siècle, dans une sorte de décadence générale (VI). Pour finir, une septième partie synthétise les formes et les thèmes littéraires de l’époque (VII). Bien que l’ouvrage s’appuie surtout sur le Dictionnaire du Grand Siècle, paru en 1990, 2 et sur les ouvrages de Pierre Goubert, il mobilise également une importante littérature secondaire. L’appareil critique présenté en annexe constitue un instrument de travail précieux, avec une bibliographie détaillée axée sur des sujets comme les courants religieux, les sciences, la situation des femmes et les salons, puis avec un index des noms communs, où l’on trouve des entrées aussi variées que « ‘législateur du parnasse’ » ou « Missernten » (mauvaises récoltes), qui donnent une idée de la richesse et des détails de ce livre, et finalement un index des noms propres. Ce dernier reflète assez bien, par la distribution des entrées, la manière d’aborder le Grand Siècle qui caractérise ce livre. A côté de Louis XIV et de Richelieu, références historiques inévitables, la forte présence d’Henri IV souligne l’effort de l’auteur d’intégrer tout le dixseptième siècle et d’esquisser un tableau des mouvements politiques et sociaux qui bouleversent la France à cette époque. De plus, on trouve presque autant d’entrées pour Molière que pour son Roi, non seulement 1 Andrea Grewe, Die französische Klassik. Stuttgart : Klett 1998. 2 François Bluche, Dictionnaire du Grand Siècle. Paris : Fayard 1990.
