Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
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Pierre Pasquier (dir.) : Le théâtre de Rotrou, Littératures classiques, no 63 (automne 2007). 325 p.
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Ludwig Hochgeschwender
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PFSCL XXXV, 69 (2008) 778 passablement ennuyeuses (p. 170) -, devra vraisemblablement se contenter de supputations et d’hypothèses, les archives des nombreuses sociétés savantes de province devraient être en mesure d’apporter un jour des compléments, ou peut-être des démentis, aux informations contenues dans Le Roman comique de Scarron, considéré ici comme « un bon document » (p. 159). Si finalement Jean Rotrou a aujourd’hui l’insigne honneur de se voir reconnu comme sinon l’un des plus grands dramaturges du XVII e sièce du moins le plus grand des moins grands, il est fort à parier que la prochaine ‘redécouverte’ sera celle d’Alexandre Hardy. Il faudra alors rendre Charles Mazouer largement responsable de cette exhumation. Jean-Claude Vuillemin Pie rr e P a s q uie r (dir.) : Le théâtre de Rotrou, Littératures classiques, n o 63 (automne 2007). 325 p. Rotrou ne se prête pas à une lecture superficielle. Une telle lecture mène facilement à l’impression que chez Rotrou « c’est toujours la même chose », que si l’on a lu une de ses pièces on les connaît toutes. C’est peut-être, avec les raisons énoncées par Pierre Pasquier dans son Avant-propos (p. 8) et par E. Mortgat-Longuet dans son article sur les images de Rotrou dans l’historiographie du théâtre, la raison de « l’effacement progressif » (p. 285) de Rotrou (et avec lui de toute une génération de dramaturges) qui se trouve rejeté « aux marges du classicisme » (p. 300) par la réception critique « de la fin du XVII e siècle jusqu’au milieu du XVIII e siècle » (p. 285). Il fallait effectivement attendre l’apport de la catégorie du « baroque » et les études de Van Baelen (1965), Wolfgang Leiner (1968) et surtout le livre fondateur et fondamental de J. Morel (1968) afin que l’intérêt pour le théâtre de Rotrou ait été relancé. Aujourd’hui, Rotrou est reconnu comme un des dramaturges les plus importants du XVII e siècle. D’innombrables études, inspirées souvent par les résultats du travail de Morel, analysent les multiples aspects de l’œuvre de Rotrou, les problèmes des catégories génériques, la dramaturgie du spectacle et de l’ambigu té qui caractérise la totalité de son théâtre, le soin que prend notre auteur de plaire à ses spectateurs (et lecteurs) tout en respectant les règles de la bienséance, son utilisation du déguisement comme technique particulièrement utile dans la construction de ses pièces et qui mène assez souvent à une prise de position sur le rôle de la femme par rapport à celui de l’homme (rarement en faveur de l’homme), et son idéologie politique en faveur de l’ordre monarchique et de la légitimation divine du roi comme garant de cet ordre. Tous ceux qui s’intéressent Comptes rendus 779 à Rotrou et qui désirent se mettre au courant de son théâtre tireront grand profit des travaux de Jean-Claude Vuillemin (Baroquisme et théâtralité : Le théâtre de Rotrou. Paris-Seattle-Tübingen : PFSCL, 1994 (Biblio 17, 81)), de Jean-Yves Vialleton avec Stéphane Macé (Rotrou, Dramaturge de l’Ingéniosité. Paris : CNED/ PUF, 2007), et de l’excellent résumé de l’état des recherches sur Rotrou et de ses propres analyses que nous offre Charles Mazouer dans son Le théâtre français de l’âge classique, I : Le premier XVII e siècle (Paris : Champion, 2006). Ces ouvrages donnent à Rotrou le rang parmi ses contemporains qui lui est dû, l’intègrent dans le réseau théorique de l’époque, et rendent évidente la grande qualité de son œuvre. Pourquoi donc un nouveau volume consacré au théâtre de Rotrou ? La réponse se trouve dans l’Avant-propos, où P. Pasquier remarque que l’image de l’œuvre de Rotrou dans ce recueil « apparaît fort différente » de celle qu’en donnaient les travaux antérieurs (p. 6). Avec justesse, car tandis que l’œuvre de Rotrou y est étudiée dans le contexte « baroque » contemporain, le leitmotiv des articles rassemblés dans ce recueil est évidemment « la singularité » de Rotrou. Cela est évident dès le début. Si les dramaturges contemporains de Rotrou étaient très attentifs à la qualité des éditions de leurs œuvres, la singularité de Rotrou, comme le démontre A. Riffaud dans son article, se manifeste dans le fait qu’il a observé une certaine distance vis-à-vis de l’imprimerie et « a livré sa production à la bonne volonté » des ateliers et des libraires (p. 23), ce qui demande une application particulière aux éditeurs modernes. (C’est pourquoi l’édition en cours sous la direction de G. Forestier mérite une reconnaissance particulière de la part du public littéraire) L. Picciola et C. Dumas élucident la façon singulière du transfert culturel réalisé par Rotrou qui savait adapter le théâtre espagnol à la scène française tout en préservant sa propre identité. Toute une partie du volume est consacrée à la « pratique singulière des genres » de Rotrou. Vu l’absence de textes théoriques de la plume de Rotrou on a beaucoup théorisé sur l’indifférenciation générique de son théâtre, mais les travaux présentés ici à cet égard démontrent clairement que notre dramaturge « n’a pas eu à cœur d’élaborer une poétique [générique] propre » (B. Louvat-Molozay, p. 70), non pas par mépris de la théorie et des conventions qui définissaient les limites des genres, mais parce qu’il a opté délibérément pour « la mixité des genres dramatiques » (comme l’exprime le titre de l’article de S. Berregard) dans l’intérêt de l’effet dramaturgique : « Rotrou se plaît à surprendre son lecteur en ne se conformant pas toujours à l’horizon d’attente générique créé par le mode de désignation », mais en réalisant une sorte de synthèse autonome entre les genres (Berregard, p. 105-106). Cela s’explique, comme le décrit A. Teulade (p. 107-116), par une mise en perspective des conceptions esthétiques de Rotrou à l’échelle européenne : il assimile des éléments PFSCL XXXV, 69 (2008) 780 du théâtre espagnol aussi bien que du théâtre élisabéthain pour créer un théâtre singulier de très grande efficacité dramatique. Ainsi il n’est pas surprenant qu’une grande partie du recueil soit consacrée à l’étude de la dramaturgie propre à Rotrou. Que ce soit l’analyse de l’emploi des didascalies, de certains rôles ou personnages, du monologue ou des contraintes de l’espace de la scène, tout contribue à mettre en relief l’originalité et la singularité de Rotrou, sans oublier « la parenté que le théâtre de Rotrou entretient avec les théâtres espagnols et anglais contemporains » par l’exploitation des mêmes éléments spectaculaires (V. Lochert, p. 167). Le théâtre de Rotrou ne néglige pas non plus la réception de son œuvre du XVIII e siècle à nos jours. Le livre se termine par une bibliographie qui par sa concentration sur les travaux les plus utiles n’est pas le moindre de ses mérites. Par la mise en perspective unanime de la singularité de Rotrou ce recueil d’articles de spécialistes renommés offre en effet une nouvelle image de l’œuvre de Rotrou et il trouvera sa place parmi les ouvrages de référence sur Rotrou, sans pourtant effacer tout à fait l’importance de ses prédécesseurs. Comme eux, il va sans doute inspirer d’autres chercheurs à suivre de nouvelles traces. Car il reste encore des terrains de travail à labourer. Ainsi il serait souhaitable que le langage de Rotrou devienne davantage l’objet d’études des chercheurs car dans ce domaine il y a encore des lacunes, comme le témoigne le fait que ce volume ne contient que deux articles dans la section IV « Une écriture » (cf. aussi Mazouer, 2006, p. 506 et p. 525). Assez souvent on regrette l’absence de psychologie chez Rotrou, avec justesse si l’on entend par ce terme la peinture psychologique des personnages individuels. Mais la lecture des pièces fait comprendre que l’intérêt de Rotrou est consacré avant tout à la psychologie des groupes. Telle par exemple la psychologie de ceux - ou plutôt de celles - chez qui le déguisement réveille de mystérieux désirs interdits parce que homo-érotiques. Dans cette direction on pourrait encore pousser avec profit des études détaillées. Telle aussi la psychologie des jeunes dont le comportement comme « jeunes » est certainement l’objet de l’observation de Rotrou, ainsi que le fait apparaître la présence accumulée de l’adjectif « jeune » comme qualificatif dans maints exemples (pour ne nommer que quelques-uns je cite Crisante : « cœurs jeunes », v. 240, « son jeune courage », v. 491, « ce jeune insolent », v. 962). Un livre qui analyse une telle multiplicité d’aspects d’un théâtre et qui fait penser à tant de nouvelles pistes à suivre est bien sûr une contribution précieuse à la recherche littéraire. Le numéro 63 des Littératures classiques « Le théâtre de Rotrou » fait avancer en vérité l’étude de Rotrou et se rendra utile et profitable aux étudiants de Rotrou aussi bien qu’aux spécialistes. Comptes rendus 781 Pour conclure, voici un avertissement à tous les lecteurs qui consulteront la « Table des matières » pour s’orienter : la pagination de trois articles ne correspond pas à la pagination dans le recueil. Il faut remplacer 173 par 223, 189 par 239, et 205 par 251. Ces erreurs ne rabaisseront pourtant pas la valeur épistémologique du contenu de cet excellent numéro des Littératures classiques. Ludwig Hochgeschwender J a c kie Pig e a ud (dir.) : Les grâces, Littératures classiques, n o 60, (automne 2006), 346 p. Le titre « Les grâces », au pluriel et sans majuscule, est précisément fait pour permettre à ce mot de déployer tout l’éventail de ses significations. Ce recueil, issu d’entretiens menés à La Garenne-Lemot, se présente comme un article d’encyclopédie méthodique dont chaque rubrique décline une vaste polysémie, croisant des approches complémentaires : esthétique, rhétorique, histoire de l’art, philosophie politique, littérature, musicologie, emblématique… autant de disciplines convoquées pour forcer cette notion dans ses derniers retranchements. Le volume s’articule en quatre parties assez lâches : la première, « Fécondité d’un héritage antique », remonte aux sources des textes antiques, à grand renfort d’étymologies et d’auctoritates : Alain Michel et Jackie Pigeaud interrogent le lexique, les termes de gratia et charis, ainsi que leurs synonymes (decorum, convenientia, ornatus, venustas), pour délimiter les contours de la notion dans l’Antiquité, avant de la suivre jusqu’à l’époque moderne. Alain Michel montre l’affinité profonde entre le sens esthétique de la grâce, conçue comme un don, et son sens chrétien donné par Augustin, splendeur du don de Dieu, les deux sens se liant intimement au XVII e siècle. Jackie Pigeaud retrace une tradition proprement grecque, et philosophique, qui conduit d’une sensation esthétique - la fascination des Grecs pour le miroitement de l’eau, image de la sérénité parfaite - à la notion épicurienne du divin, reprise par Winckelmann ; puis à la vertu stoïcienne, transposition morale de cet idéal de plénitude et d’épanouissement. Étienne Wolff, Philippe Junod et Pierre Brunel se penchent de manière plus précise sur la figure des Grâces, toujours écartelée entre esthétisation et moralisation, selon une dualité profondément ancrée dans la polysémie du mot. Etienne Wolff décrit la concurrence, dans les textes et dans l’iconographie, entre une représentation des Grâces comme pur déploiement de la beauté sensible et son interprétation allégorique qui y voit le symbole de la générosité et de la réciprocité des dons, à travers une
