Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
121
2009
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De la censure comme capillarité
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2009
Alain Viala
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PFSCL XXXVI, 71 (2009) De la censure comme capillarité ALAIN VIALA Université d’Oxford/ Université Paris III-Sorbonne Nouvelle Il y a un censeur dans ma vie. Pardonnez cette confession, mais elle me paraît d’une grande importance pour le sujet dont il est ici question. Il y a un censeur dans ma vie et pas seulement au sens freudien du terme : je veux simplement dire qu’une personne qui me touche de près exerce un métier qui consiste à décider si des messages que des lecteurs adressent au site internet d’un grand quotidien y seront ou non publiés. Ses décisions sont déterminées par une « charte » - c’est le propre terme professionnel - établie en fonction des lois, des règlements et des usages en vigueur. La censure des publications est donc, de nos jours, usuelle, quotidienne, légale, normale. Je pense qu’il convient de ne perdre à aucun moment de vue cette banalité de la pratique, cette éminente normalité. Nous entreprenons de contribuer à une histoire de la banalité. Elle peut se présenter sous deux aspects. D’une part, les restrictions, difficultés et sanctions que des auteurs ont pu rencontrer pour leurs publications entrent dans une histoire de la lente et incertaine conquête du droit à la libre expression. C’est ainsi, exemple classique dans l’histoire littéraire, que la censure de Madame Bovary scandalise et renvoie les censeurs au double tort d’être bourgeois et de détenir le pouvoir. C’est ainsi encore que s’est tenu, il y a un an à Copenhague, un colloque sur la censure au temps des Lumières 1 où toute une section y relevait de l’examen du « Censorship of Enlightenment », la censure des Lumières. Une telle démarche contribue à une histoire de la modernité conçue comme la progression de la liberté d’opinion. Certes, tout cela est vrai, mais l’observation du quotidien m’incite donc à souligner l’éminente banalité et l’incoercible normalité de la censure. Elle ne constitue en rien une exception, encore moins une aberration des pratiques sociales, mais au contraire leur ordinaire. L’autre facette de l’entreprise, complémentaire de la précédente, consiste à tenter de comprendre la banalité de la censure, donc à tenter 1 Les Actes en sont sous presse au moment où sont écrites ces lignes. Alain Viala 334 d’inscrire ses pratiques dans un tissu de comportements où liberté et contraintes apparaissent comme relatives, et à rendre compte de ces relativités. Je m’orienterai pour ma part aujourd’hui vers cette seconde perspective. Cela, au nom des significations mêmes du mot « censure » sous l’Ancien Régime et des cadres dans lesquels cette pratique s’y est exercée. Ce qui me conduira, via l’examen de quelques cas significatifs, à une interrogation sur les pouvoirs censoriaux et leur localisation, dans les appareils idéologiques de l’Église et de l’État bien sûr, mais aussi jusque dans l’autocensure. Si l’on en juge par les Dictionnaires de Richelet, de Furetière et de l’Académie française 2 , le terme de « censure » présente à cette époque une distribution de sens un peu différente de celle que nous avons spontanément à l’esprit aujourd’hui. Ainsi le Furetière donne trois définitions, dont la première s’inscrit dans l’ordre éthique en désignant un « jugement par lequel on condamne quelque action ». De là, il passe ensuite au cas des idées religieuses et de leur expression dans des livres : « On le dit particulièrement des ouvrages qui regardent la Religion ». Enfin, en un sens plus spécifique, « On le dit aussi du Jugement que fait un Critique de quelque livre où il trouve quelques fautes ». L’idée de jugement conduit à celle de « réprimande », de « correction », voire de châtiment. Elle inclut aussi l’idée d’une autorité, représentée par « un supérieur » ou par « le public », précision notable et sur laquelle j’aurai à revenir. Richelet et l’Académie sont moins précis, mais mettent eux aussi en avant le sens de « Critique, action de celui qui censure et qui reprend quelque chose » (Richelet) ou de « correction, répréhension » (Académie). Et l’Académie précise « le jugement et la condamnation d’un livre » constituent un cas particulier de la pratique usuelle. L’état de langue et de façons de penser qu’enregistrent les dictionnaires du français classique établit donc que la censure est une pratique générale et que la censure des livres n’en est qu’une application spécifique. Ce qui nous invite bien à considérer le cas des livres comme une sorte de partie émergée d’un iceberg bien plus vaste, comme un des aspects de la régulation des mœurs. C’est d’ailleurs ce que confirment les définitions du mot « censeur », lesquelles renvoient aux magistrats romains qui exerçaient le contrôle des mœurs, et les surveillants des publications ne sont mentionnés que comme une catégorie particulière d’application (Furetière). Cependant, il faut apporter aussitôt une nuance à ces évidences. Si l’on poursuit le travail d’observation en passant au verbe « censurer », il apparaît en effet que l’ordre des définitions se présente alors autrement. Les trois dictionnaires alignent les mêmes « critiquer » et « reprendre », donc le 2 Respectivement 1680, 1690 et 1694. De la censure comme capillarité 335 jugement et possiblement le blâme, mais le Furetière met en tête l’action répressive à l’égard des livres, leur condamnation pour des raisons religieuses et politiques. Ce changement dans la hiérarchie des significations pourrait être regardé comme une inadvertance ; mais il peut aussi être regardé comme un indice, celui d’une actualisation particulière d’une des facettes de l’activité censoriale. La censure des livres serait ainsi un secteur particulièrement sensible, un point névralgique dans la régulation des mœurs à cette époque. Un exemple que propose le Dictionnaire de Furetière - les exemples sont toujours une chose passionnante dans les dictionnaires - le confirme. Il écrit en effet à propos du mot « censeur » : « Il faut être le premier censeur de nos ouvrages ». Cette formule, qui se situe ainsi à michemin entre l’exemple d’emploi et le précepte de morale pratique, indique bien cette relation entre l’omniprésence de la censure, qui doit aller jusqu’à l’autocensure, et le rôle spécifique dévolu à l’imprimé. Or l’imprimé publié constitue un objet visible, lisible, opposable, mais en revanche, les autocensures qui ont présidé à son élaboration échappent inéluctablement, au moins en grande partie, en dépit de toutes les compétences que l’on peut déployer en matière d’analyse des manuscrits et des variantes, en dépit de toutes les ressources de la philologie et de la critique génétique. Et dans une époque de domination puissante de la religion chrétienne, toutes les pratiques étaient sous l’emprise de multiples instances de jugement qui instauraient de multiples refoulements, depuis l’examen de conscience personnel jusqu’aux interventions des directeurs de conscience, des confesseurs, parfois jusqu’aux condamnations prononcées par les autorités religieuses, y compris avec d’éventuelles interventions des tribunaux, voire du bourreau. Le cas particulier des textes publiés, pour sensible qu’il soit, ne peut donc se détacher de ce réseau de contrôle des esprits et des actes mais peut bien en servir de révélateur. Pour essayer de regarder ainsi la partie visible de cet iceberg comme un révélateur de l’ensemble il me paraît que les mots et les choses concernés pourraient être envisagés selon la catégorie de l’ « institution ». Petit rappel notionnel pour compléter le définitionnel : une institution est une pratique érigée en valeur, et de là, éventuellement, des organismes spécialisés chargés de cette pratique et de la gestion de cette valeur. Dans cette configuration à trois strates, la pratique, la valeur et enfin les organismes et appareils spécialisés, la démarche pour observer la censure peut alors consister à commencer par ce qui est le plus visible pour aller vers le moins visible, à partir des organismes spécialisés et de leurs actions pour aller vers le tissu des pratiques, autocensures comprises, afin de discerner les valeurs ainsi mises en action. Alain Viala 336 Les appareils de censure dans la France d’Ancien Régime ont fait l’objet de diverses études et sont assez bien connus, mais il arrive assez souvent que persistent des confusions dommageables qui rendent nécessaire un autre rappel de distinctions nécessaires. Une sorte de « mini-cas » de pratique ordinaire de publication me permet de préciser un certain nombre de termes usuels des pratiques censoriales. Ce document m’est apparu presque par hasard dans des documents sur lesquels j’ai eu l’occasion de travailler dernièrement. Il s’agit d’une édition de L’École des cocus de Dorimond 3 . Elle inclut, selon la réglementation de l’époque, la reproduction du privilège du roi qui a été concédé à son sujet. Or le terme de « privilège » est de ceux qui font aisément confusion. Celui de cette édition montre bien comment l’appareil censorial comprend à son tour trois strates : l’approbation, la permission et enfin le privilège proprement dit. Ainsi un texte devait être approuvé par une autorité compétente pour escompter recevoir une permission d’imprimer et faire éventuellement l’objet d’un privilège. Les deux premières parties de l’opération relèvent bien de la censure, la première constituant un « jugement » sur le texte et la seconde une décision qui en rend possible la diffusion. Le privilège pour sa part représente un effet commercial, la garantie d’une exclusivité d’exploitation qui permet à ceux qui ont engagé les frais nécessaires à la réalisation de l’ouvrage d’espérer rentrer dans leurs fonds et obtenir les profits appropriés. Première leçon de cet exemple, le « privilège » n’est pas en lui-même un document censorial, mais l’aboutissement commercial d’une démarche où le contrôle idéologique a eu sa part fondamentale. Dans le cas ici envisagé, le privilège est signé de Ballesdens. Or ce personnage est une figure de quelque notoriété en son temps. Il eut une carrière sociale et littéraire qui ne manque pas d’intérêt. Avocat de formation, il devint Conseiller d’État et fut un « client » du chancelier Séguier. Il se trouva ainsi exercer ses fonctions de Conseiller d’État au ministère de la Justice, au bureau de l’imprimerie et des privilèges. En cela, il n’est pas un censeur. Mais il était aussi un philologue averti, il fut le précepteur du marquis de Coislin, fils de Séguier, il traduisit Esope en français et il devint membre de l’Académie française. Il était donc tout à fait capable de juger d’un texte ; non pas d’en délivrer une approbation, car celle-ci relevait de la compétence des autorités religieuses ; mais il pouvait donner une permission au vu d’une approbation, et dans sa fonction au ministère il pouvait solliciter un représentant de l’Église pour exercer ce rôle de censeur approbateur. Et comme il était lui-même auteur et donc participant actif à la vie 3 Nicolas Drouin, dit Dorimond, Théâtre, éd. Par M. Mazzochi Doglio, Fasano/ Paris, Schena-Nizet, 1992. De la censure comme capillarité 337 littéraire et à la publication, il se trouvait à même de connaître les auteurs qui avaient affaire à la juridiction de son Bureau et au besoin de parler avec eux, de se livrer à une vérification en forme de négociation. À partir de ces définitions et de ce cas exemplaire de l’ordinaire, il me semble d’une part que nous ne pouvons parler ici que d’une partie seulement du phénomène appelé censure, la censure textuelle, littéraire si l’on préfère, en prenant bien sûr la notion de « littérature » au sens large qu’elle a à cette époque et qui est encore attesté comme tel chez Mme de Staël 4 : l’ensemble des ouvrages de l’esprit, philosophie comprise, à l’exclusion des mathématiques pures. Et d’autre part, que cette réduction, pis-aller nécessaire quoique frustrant, peut faire un bon usage si nous essayons, à partir des textes, de nous interroger sur tous les réseaux de refoulements. À cette fin, il convient donc de dégager une vue d’ensemble de la situation de la censure littéraire à cette époque, ce que je ferai ici en avançant sept propositions, parfois sous forme de simples rappels. La première est que la censure constitue alors une action à la fois ecclésiastique et laïque. Plus précisément, que les deux sortes d’autorités sont alors à la fois liées et en compétition. L’Église a instauré très vite son propre système de jugement, approbation et condamnation, l’Index (établi dès 1559, la Congrégation de l’Index étant elle établie en 1571) ou recueil des ouvrages réprouvés. À cette date-là, l’État n’avait pas encore mis au point son propre appareil censorial. De plus, du côté laïque, il exista longtemps une concurrence entre le pouvoir royal et celui du ou des Parlement(s) qui prétendaient en avoir compétence dans leur juridiction. Ce n’est qu’au fil du XVII e siècle, notamment à partir du Règlement de la Librairie de 1617 5 , que la procédure étatique se mit vraiment en place. Or si au début les censeurs accrédités par l’État sont des gens d’Église, la tâche a été de plus en plus dévolue à des laïques. La coexistence de plusieurs instances et leur rivalité de fait exigent donc que pour parler de censure dans la France d’Ancien Régime on précise à chaque fois quelle était la configuration du moment et quelles autorités sont intervenues. Un deuxième trait tient à la multiplicité des textes concernant le sujet sur l’ensemble de la période. La seule liste des Règlements de la librairie entre 1550 et 1789 excèderait l’espace ici disponible. Et elle ne suffirait pas. Car, faut-il le rappeler, ce régime là ne connaît pas la Loi comme énoncé général et transcendant - ou prétendant transcender - les circonstances. Il repose sur une stratification complexe de textes, pouvant aller de l’Édit à l’Arrêt et 4 Germaine de Staël, De la littérature, 1800. 5 Pour un historique d’ensemble, voir A. Viala, Les Institutions de la vie littéraire en France au XVII e siècle, Lille, ART, 1985. Alain Viala 338 se compiler en Règlements, qui traitent tous de situations concrètes. Ils peuvent même prendre des formes singulières, comme par exemple les Lettres patentes établissant l’Académie française, qui interdisent à celle-ci de traiter de questions de politique et de religion, donc inscrivent une censure dans son acte de naissance même. Ce temps est bien celui du privilège, c’est-à-dire, simple rappel là encore, de la décision juridique à l’échelon des « cas » et non sur une échelle générale. Deuxième idée à retenir donc : non seulement la censure est multiple, mais de plus elle est sans cesse en évolution, et dans une évolution qui n’est pas régulière et globale mais pragmatique et tâtonnante. Cependant, troisième point, on peut discerner sur l’ensemble de la période une tendance qui va vers une concentration des moyens du côté de l’État et une restriction de ceux de l’Église. Celle-ci a de plus en plus besoin de l’action concrète des autorités gouvernementales si elle veut que ses censures soient suivies d’effet. C’est donc le Bureau de la Chancellerie qui devient, comme dans le cas ci-dessus, le lieu crucial du contrôle censorial des livres. À partir du milieu du XVII e siècle, le cheminement tel que nous l’avons vu dans le privilège signé de Ballesdens est en place. Pour en compléter le croquis, je rappelle que les privilèges devaient, pour être effectifs, être inscrits dans le Registre que tenait le Syndic de la corporation des Libraires-Imprimeurs et que celui-ci constitue le seul support sur lequel ils furent enregistrés de façon un peu systématique ; de sorte que notre connaissance de la censure est tributaire de ce document à caractère professionnel et commercial… Ce qui ne fait que compliquer l’approche. Quatrième point : ce que je dis là s’applique essentiellement à la censure préventive (ou préalable) ; mais un livre, même autorisé et nanti d’un privilège pouvait bien évidemment faire l’objet d’une censure punitive si des personnes ou des instances s’estimaient lésées ou jugeaient qu’il était néfaste à l’ordre et l’intérêt publics et portaient plainte contre lui. Censure double donc dans sa multiplicité même, l’approbation d’un théologien de la Sorbonne ne garantissant en rien qu’une autre voix religieuse ou laïque ne pût s’élever pour déclencher des poursuites. J’en arrive ainsi à un cinquième point dont je donne d’emblée l’énoncé qui me paraît essentiel : la censure est en pratique une formation de compromis. L’exemple de Ballesdens cité plus haut, et ceux qui ont été auparavant examinés par Daniel Roche et Nicolas Schapira 6 montrent que les bureaux de la chancellerie étaient peuplés de gens de Lettres, les solliciteurs 6 Daniel Roche, Histoire de l’édition, II - Le Livre triomphant, 1660-1830, Paris, Promodis, 1984, (La censure, pp. 76-83) et sa préface à R. Birn, La Censure royale des livres dans la France des Lumières, Paris, Odile Jacob, 2005 ; Nicolas Schapira, Un professionnel des Lettres au XVII e s., Valentin Conrart, Paris, Champ Vallon, 2003. De la censure comme capillarité 339 d’autorisations de publier et de privilège de librairie les connaissaient et entre eux il était aisé que s’opèrent des négociations. En résumé, on ne soumet un texte que s’il a des chances d’être autorisé. Et les censeurs sont plus souvent amenés, s’ils jugent que le texte présente des contenus irrecevables, à demander des modifications qu’à opposer un refus catégorique. L’obligation de déposer des exemplaires de chaque imprimé correspond d’ailleurs au souci de vérifier que le texte publié est bien conforme à celui qui a été visé, modifications comprises si nécessaires. La censure préalable ne contrôle ainsi que le contrôlable. Elle a même pu, au XVIII e siècle, passer par le jeu de la « permission tacite », qui laissait justement du « jeu » dans le système. En tout état de cause, si un auteur se plie habilement à une forme d’autocensure, il peut contourner l’obstacle. Le sixième point concernera la censure punitive, mais corroborera la même idée d’une « formation de compromis ». En effet, il advient que des ouvrages poursuivis soient ensuite autorisés aux prix de corrections et d’aménagements. Molière en donne deux exemples parlants : Le Tartuffe est d’abord interdit puis autorisé avec des changements, et Dom Juan, s’il n’est pas interdit à proprement parler, est retiré par Molière lui-même (cas typique d’autocensure) puis re-publié dans une version aménagée par la réécriture confiée à Thomas Corneille avant de paraître enfin dans sa version moliéresque mais avec des cartons pour les passages jugés les plus subversifs. Cet exemple rappelle d’ailleurs qu’à cette époque nombre de textes passent d’abord par l’oral (lectures à haute voix en public ou représentations théâtrales), que cela constitue bien une forme de publication au sens premier du terme, et que l’imprimé enregistre souvent les négociations qui se sont de facto accomplies entre la publication orale et la version sur papier. À quoi il convient d’ajouter tous les procédés d’euphémisation et de dissimulation (pour reprendre le terme proposé par Jean-Pierre Cavaillé 7 ) qui permettent de jongler avec les interdits. De sorte que les ouvrages effectivement interdits ne sont au fond que ceux qui n’ont pas fait ce parcours du compromis ou qui y ont échoué. D’où le septième et dernier point de cette mise en perspective : les ouvrages interdits trichent allègrement avec les règles du contrôle. Il existe à cette époque, on le sait, une large gamme de procédés de publication clandestine, depuis l’édition à l’étranger et la diffusion en France par passage des frontières en contrebande jusqu’à l’emploi de fausses adresses éditoriales, Jean Le Blanc et Pierre du Marteau à Cologne étant les deux éditeurs les plus actifs de toute la période, et les plus factices, fictifs. 7 Jean-Pierre Cavaillé, Dis/ simulations, Paris, Champion, 2002. Alain Viala 340 Ainsi donc, plurielle, mouvante et appelant des formations de compromis, la censure d’Ancien Régime ne peut être envisagée que par des études localisées, des cas analysés selon leur contexte spécifique, dans la série d’actions (écrire, soumettre ou non à l’appareil censorial, réécrire le cas échéant, publier, lire en sachant ou non discerner les ambivalences calculées d’un auteur, etc.) où chaque censure prend sa place, ses effets et son sens. Si donc on entreprend de faire non pas une histoire d’ensemble de la censure mais l’examen de tel ou tel ouvrage, ou tel ou tel auteur ou groupe d’auteurs censurés, alors il ne peut être question de leur appliquer une règle générale mais seulement d’examiner la configuration particulière où ils se sont trouvés, tendance qui a été sensible dans le colloque de Copenhague, comme elle le sera aussi, je pense, dans les travaux réunis ici. Dans ce cadre, si l’on raisonne en suivant l’idée d’institution, il devient plus aisé de reprendre ce qui a été dit dès le tout début, à savoir que la censure est une pratique banale et normale, et de l’envisager comme une pratique érigée en valeur. Ce que je voudrais souligner maintenant, en considérant que, contrairement aux habitudes aujourd’hui dominantes, les censeurs ont pu avoir raison. Diverses remarques et analyses de Daniel Roche, dans les travaux que j’ai cités plus haut et dans son Histoire des choses banales, ou encore de Roger Chartier dans Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime 8 montrent que l’approbation à priori de la liberté d’expression doit être considérée historiquement avec nuances. Et on ne peut manquer de relever que la majorité s’est trouvée le plus souvent du côté des censeurs que du côté de ceux qui en ont subi les décisions. La censure nous renvoie donc à l’interrogation sur les valeurs en même temps que sur sa valeur propre : si elle contribue à défendre des valeurs estimées justes et positives, elle devient elle-même une valeur. Reste à voir, dans les deux cas, par qui et pour qui. J’observerai brièvement un cas en ce domaine, que j’avais présenté au colloque de Copenhague évoqué tout à l’heure. Dans son Discours sur les sciences et les arts, Jean-Jacques Rousseau lance une diatribe contre l’imprimerie et les dangers de la diffusion des livres. Signe que même les figures de proue des Lumières pouvaient trouver des raisons d’être à la censure. Mais sa diatribe n’est pas si générale qu’il y paraît. Il vise en effet particulièrement certaines catégories de textes, notamment les philosophes matérialistes et athées, et surtout certaines pratiques, en particulier celle de la vulgarisation. Lorsqu’il déplore que des auteurs aient ouvert les portes du 8 Paris, Le Seuil, 1987. De la censure comme capillarité 341 « Temple des Muses » 9 , c’est en précisant bien les catégories sociales « indignes de s’en approcher » (entendez, les femmes et le peuple). Pire, selon lui, le savoir constitue un danger pour ces fractions de la population. Il opère donc une discrimination selon les statuts et les sexes, il appelle à l’application de la censure pour les uns (l’écrasante majorité) et de la liberté de lecture pour les autres (la minorité des esprits à la fois sains et instruits). Les termes qu’il emploie pour condamner « les caractères Typographiques » 10 et les exemples qu’il met en récit dans la longue note, tout s’inscrit dans la violence d’une ironie féroce. Il est certain que son excès de virulence peut nous désarçonner ou nous amuser, mais il nous impose aussi de songer qu’aujourd’hui même nous estimons devoir interdire les appels au racisme et à la discrimination, de même que les spectacles et récits de violence et de pornographie à destination d’un public enfantin. Nos catégories sociales ont changé, mais le principe subsiste de distinguer le permis et l’interdit en fonction des contenus et des destinataires. La question plus proprement historique que soulève le réquisitoire de Rousseau tient au fait qu’il met en cause « le souverain ». Signe que l’État français d’Ancien Régime, loin d’avoir adopté une posture constante d’étouffoir des savoirs, a au contraire contribué à la promotion de leur diffusion. Une histoire de la censure se doit donc d’envisager ainsi son envers aussi bien que son endroit, de considérer s’il y a eu des cas où les pouvoirs politiques et juridiques ont protégé plus que réprimé des auteurs que la majorité estimaient dangereux. L’interdiction, lente et partielle, de L’Encyclopédie en constitue un exemple frappant. Certes, elle a été interdite, et à deux reprises ; mais la première fois, elle a obtenu le droit de reprendre sa publication, et la seconde, les textes ont été proscrits mais les volumes de planches ont été autorisés. Bel exemple de formation de compromis. C’est pourquoi, sans développer davantage ici, j’insiste sur le fait qu’aux caractéristiques déjà relevées, sa multiplicité, son caractère instable et mouvant, il convient d’ajouter que la censure d’Ancien Régime a pu être légitime et indulgente, et, dans tous les cas, qu’elle a été relative. Cette approche selon l’idée de relativité est d’ailleurs bien présente chez Rousseau. Dans le Contrat social, il déclare que toute censure trop rigoureuse est inutile, voire néfaste à l’efficacité du contrôle, et il avance l’idée qu’en la matière le ministre doit être « le déclarateur de l’opinion » 11 , qu’il doit accompagner celle-ci et non pas imaginer qu’il pourrait la déterminer. On 9 Rousseau, Discours sur les sciences et les arts, [1750], éd. F. Bouchardy, in Œuvres, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, Pléiade, 1964, pp. 28-29. 10 Sic., p. 28. 11 Contrat social, éd. Pléiade cit., chap. VII, p. 458. Alain Viala 342 n’accusera pas Rousseau de contradiction, mais il s’agit bien d’une évolution dans sa réflexion. Dans le premier cas, dans le Discours sur les sciences et les arts, il envisage l’attitude du souverain et en appelle à une censure conçue comme l’exercice du pouvoir souverain ; dans le second, dans le Contrat social, il traite de la façon d’exercer ce pouvoir, et en toute logique, il la fait dépendre de la nature et de la source même de celui-ci : si le pouvoir provient d’un « contrat social », alors c’est le jugement collectif (« l’opinion ») qui constitue la source profonde, et les détenteurs du pouvoir se doivent de se conformer à celle-ci. Il est remarquable que Rousseau emploie là le terme de « ministre », façon de rappeler que les magistrats ne sont pas, en dépit de ce nom, des maîtres mais des serviteurs de la collectivité. On est donc bien renvoyé à l’interrogation sur l’origine des pouvoirs, et en cela même sur la relativité des valeurs. On est ainsi renvoyé aussi à l’interrogation sur les mœurs. Mais le texte de Rousseau suggère également une autre interrogation sur les pratiques de la censure, que je voudrais examiner à son tour, quoique brièvement toujours, dans un quatrième segment de mon propos. Rousseau fabrique une note qui, jointe à l’ensemble de sa diatribe, nantit son Discours d’une gamme à peu près complète des formes de production et de réception des textes. L’oral, le manuscrit et l’imprimé du côté de la production, et du côté de la réception, les effets de l’audition, de la lecture mais aussi de la conservation. Ce qui renvoie bien à cet autre aspect de la censure qui, en même temps que de laisser ou non fabriquer et publier des imprimés, concerne plus largement l’exercice du jugement et de la critique. Or celui-ci peut prendre la forme de ce que j’appellerai « une censure après la censure », ou encore une censure de jugement critique après celle de permission ou d’interdiction, une censure de lecture. Or du côté de la production en effet, l’oral ne peut être censuré autrement que dans l’instant et dans le lieu même de la profération d’un propos, puisqu’il est par excellence éphémère. Le manuscrit ne l’est pas, mais il conserve, même quand il fait l’objet de copies répétées, un caractère toujours au moins semi-privé. Seul l’imprimé rend la censure à la fois vraiment possible et efficace, donc en pratique vraiment nécessaire, puisqu’il est apte à la diffusion large et aléatoire. Le Discours de Rousseau opère une telle distinction entre les propos « des Leucippe et des Diagoras » 12 , dont l’effet est borné par leur caractère oral, et les écrits de large diffusion. Parmi ces derniers, une distinction entre les ouvrages premiers et utiles, les inutiles et les proprement malfaisants. On note que dans ces derniers, il range non seulement les ouvrages qui diffusent la corruption des mœurs du siècle, 12 Éd. cit., p. 27. De la censure comme capillarité 343 mais aussi les ouvrages de diffusion du savoir (les compilateurs encyclopédistes avec qui, à cette date, il était encore en relation ont dû apprécier…). Enfin, de là, sa hiérarchie des publics entre les esprits solides, les moins fermes et les tout à fait faibles. La censure consiste alors à discriminer les livres possiblement utiles selon les catégories de lecteurs concernés. Il opère ainsi une séparation entre les livres intouchables (avec évidemment un jeu ironique dans le choix du Coran comme exemple) et les « inutiles » qu’il faut brûler (et qui sont, dans cette anecdote, tous les autres). Cela, en passant de la question de l’imprimerie à celle de la bibliothèque. Comme il prend pour exemple la bibliothèque mythique d’Alexandrie, il élargit du même coup son propos de l’imprimé au manuscrit. Ses invectives, par leur extrémisme même, font ainsi apparaître une autre dimension de la censure, celle qui s’exerce dans l’espace de la bibliothèque. « Bibliothèque » est ici à entendre en deux acceptions : d’une part le lieu et l’organisme qui conservent des livres, mais d’autre part le genre littéraire qui porte ce nom et qui est en plein essor dans la période qui nous intéresse. Au moment où se tient ce colloque, sont en cours, par exemple, d’une part une exposition sur « L’Enfer » à la BnF, d’autre part une édition de La Bibliothèque française de Charles Sorel (1664) par une équipe du Grihl. L’un et l’autre de ces exemples révèle bien la « formation de compromis » que constitue la censure, du côté de la réception : on la voit se réaliser dans une forme très repérable que j’appellerai la « conception scalaire ». Dans les bibliothèques comme lieux concrets, elle se manifeste par le rangement en : usuels, ouvrages de consultation ouverte à tous, ouvrages réservés et enfin ouvrages mis dans « l’enfer » et donc soustraits à la consultation sauf autorisation particulière et spécialement motivée. On peut bien estimer qu’interviennent dans ces modalités de rangement des considérations matérielles et financières, des ouvrages rares, ou fragiles, ou manuscrits, exigeant des soins délicats et donc n’étant pas mis en accès commun. Mais il est certain qu’au moins aux deux extrémités de l’échelle interviennent des jugements selon les contenus et non selon le prix ou l’état. De toute évidence, dans le cas de « l’enfer » le jugement relève de l’ordre moral. Mais cela intervient aussi dans le cas des usuels : leur distribution reflète l’état d’une culture et des préconisations qu’elle entraîne, où les politiques d’achat et de mise en accès préférentiel constituent autant de prises de parti idéologique (en incluant bien sûr l’esthétique dans l’idéologique, ce qui je pense ne se discute plus). Cette conception scalaire n’intervient pas moins dans les livres qui relèvent du genre de la « bibliothèque », tel que celui de Sorel ou, avant lui, de Du Verdier et de La Croix du Maine, et, après lui, d’une foule d’autres (La Bibliothèque des romans, ou encore Les Soirées Alain Viala 344 des châteaux, par exemple, tant le genre eut du succès au XVIII e siècle) 13 . Car dans de tels ouvrages, il y va d’inventaires hiérarchisés. Quand il s’agit d’un répertoire ordonné par catégories et genres comme chez Sorel, le fait est patent ; mais même chez ceux qui ne classent pas autrement que selon l’alphabet ou la chronologie, la longueur des notices, voire la présence ou l’absence d’un ouvrage, constituent en elles-mêmes un ordre de jugement et donc de censure. Pour les plus complexes, comme La Bibliothèque française, le fait donc de répertorier ou non un livre, puis de le classer dans une catégorie, de prendre ou non en compte un genre, enfin les hiérarchies à l’intérieur des genres, se trouve associé à diverses procédures supplémentaires d’argumentation, parfois assez discrètes voire assez retorses, et parfois tout à fait manifestes. Du côté des procédures manifestes, Sorel fait par exemple une catégorie pour les romans, légitimant ainsi un genre qui jusque là ne l’était pas. Autre exemple, il compose parfois des sections ou des paragraphes spécifiques, pour tel ou tel auteur ou tel ou tel type d’ouvrages. Ainsi pour Montaigne ou pour Voiture. Mais ces procédures se conjoignent avec d’autres plus masquées. À maintes reprises, il donne un jugement polémique sur des livres et des auteurs ; on peut ainsi voir qu’il ne porte pas Scipion Dupleix au pinacle. Mais le plus souvent, il donne alors des vues et pro et contra, comme s’il laissait au lecteur le soin de juger par lui-même ou peut-être la charge de discerner dans les arguments ainsi mis en présence un point de vue sous-entendu. Comme l’ont montré les travaux de Michèle Rosellini, il y a là un instrument de formation du lecteur 14 , qui offre le double mérite de refuser le plus souvent la censure établie - il cite sans discrimination a priori entre catholiques et protestants, pro-Richelieu et anti- Richelieu, etc. - mais de proposer des catégories et des démarches qui permettent aux lecteurs de se composer leur bibliothèque mentale en incorporant des catégories de jugement, donc leur non plus autocensure d’expression mais autocensure de lecture si je puis m’exprimer ainsi. Et l’autocensure constitue, au fond, l’idéal de la censure. À Rome, les Censeurs étaient les magistrats en charge des mœurs et plus généralement parlant la censure est avant tout une action de régulation des mœurs, nous l’avons vu dans les définitions initiales. Or Rousseau avance à ce sujet dans le Contrat social une assertion qui me paraît capitale. Selon lui, les mœurs se fondent sur les « objets d’estime ». La littérature et les arts qui mettent en jeu les objets susceptibles d’attirer une estime sensible, un jugement de goût qui est la part affective des opinions, constituent donc des points névral- 13 On en trouvera une analyse dans l’introduction de l’édition susmentionnée de la Bibliotheque française. 14 Michèle Rosellini, Lecture et « Connaissance des bons livres » : Charles Sorel et la formation du lecteur, thèse de doctorat soutenue en 2003, en cours de publication. De la censure comme capillarité 345 giques, ou des soubassements, pour les opinions. Si le censeur doit être « le ministre déclarateur de l’opinion », son rôle consiste alors à désigner ceux qui se sont écartés du jugement commun et à les ramener à la mesure. Dans ce cadre, l’organisation du censorat et l’appareil censorial n’ont plus qu’un rôle limité puisque l’essentiel repose sur l’auto-régulation. S’accomplirait de la sorte un équilibrage du moi collectif par un exercice efficace du « surmoi » social incorporé dans le moi individuel, une juste autocensure passée en habitus. Rousseau est peut-être neuf en ce qu’il met en retrait le monarque et l’Église dans cette opération, mais il n’est pas neuf en souhaitant un tel agencement, puisque Furetière préconisait qu’« Il faut être le premier censeur de ses propres ouvrages », et que Boileau dans son Art poétique recommandait aux impétrants littérateurs de « faire choix d’un censeur rigoureux » pour les conseiller dans leurs ouvrages. Or Boileau offre lui-même un cas significatif des tensions de l’autocensure. En résumé, ceci - pour un cas ; on pourrait en envisager d’autres dans son œuvre, comme sa satire Des Femmes - : avec l’Art poétique, justement, et le Dialogue des héros de roman, Boileau à la fois s’autocensure et négocie, voire triche, avec son autocensure. Pour l’essentiel, son cheminement a été le suivant. Il compose le Dialogue des héros de roman sans doute dès 1664, mais ne le fait pas imprimer. Il le laisse circuler en manuscrit et le retouche pour l’enrichir dans les années suivantes. Or ce texte censure - au sens de « critiquer, reprendre des ouvrages dans lesquels on trouve des fautes » - les œuvres galantes alors en vogue. Le texte évolue ainsi tout en restant manuscrit et restreint à une circulation confidentielle, pour aboutir enfin, après une série de procédures compliquées dont je vous épargne le récit, à une publication imprimée tardive par les soins de Brossette. Il est alors nanti d’un Discours liminaire qui en retrace l’histoire. Boileau y explique qu’il n’a pas publié pour ne pas faire de peine à Melle de Scudéry, qu’il estimait pour sa vertu alors même qu’il la traînait dans la boue pour ses romans. Il s’agit donc bien d’une forme d’autocensure, mais incomplète puisque le texte a circulé. L’affaire est plus compliquée encore parce que l’Art poétique contient une attaque contre Clélie qui fait « Caton galant et Brutus dameret ». Or ces termes proviennent mot pour mot du texte du Dialogue. Celui-ci se trouve ainsi refoulé d’un côté et défoulé de l’autre. L’argument boléanien sur le respect qu’il porte à Melle de Scudéry paraît donc, au vu des textes et des dates, bien spécieux. Mais il n’en reste pas moins que le Dialogue a fait l’objet d’une forme d’autocensure. Apparaît ici, dans une complexité et une ambiguïté exemplaires, une formation de compromis dans toutes ses ambivalences, mais où le compromis se bâtit cette fois non entre l’appareil censorial officiel et un auteur, mais avec les codes mondains de la civilité Alain Viala 346 littéraire. Donc avec les mœurs. Mais pour un texte qui reproche aux auteurs galants (principalement Scudéry et ensuite Quinault) de corrompre les mœurs en déformant la façon de représenter le passé antique. La censure se trouve ainsi à la fois jouer le rôle d’une régulation des mœurs mais ellemême régulée par un état des mœurs. Ainsi, devant le caractère multiple, évolutif, instable et sans cesse singulier des situations de censure, il me paraît que plutôt que de tenter une histoire globale directe de celle-ci, il faut d’abord prendre en compte les formations de compromis qu’elle engage, et que les configurations où elles se manifestent doivent être envisagées dans une perspective scalaire, de la bibliothèque au bûcher, de « l’Enfer » à l’autocensure, donc, en un mot, comme un phénomène qui agit par capillarité. Dès lors, l’enjeu est celui de dresser une cartographie de ces réseaux capillaires par où passent les informations, les suggestions, les rejets et les adhésions, y compris les adhésions aux rejets. Réseaux où peuvent aussi advenir parfois des blocages, des thromboses, qui peuvent faire des bleus, des hématomes, des œdèmes, des caillots et des accidents cérébraux graves. Cartographier cette capillarité est une forme de cartographie du corps social ; chaque cas étudié peut alors permettre de situer les auteurs et les œuvres dans ce corps social, donc de collaborer à une histoire des idées et des sensibilités. Où il va de soi que le refoulé est aussi significatif que l’avoué, l’interdit que le préconisé, le clandestin que le classique.
