Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
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Jacques Le Brun: La jouissance et la trouble. Recherches sur la littérature chrétienne de l’âge classique. Genève: Droz, 2004 (Titre courant). 635 p.
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Béatrice Jakobs
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Comptes rendus 249 reference to physiological processes. Bon goût is acquired through imitation of those individuals who embody it. Works by La Mothe le Vayer, the chevalier de Méré, and Morvan de Bellegarde demonstrate how spiritual taste is rooted throughout the century in passionate responses of the body. The final chapter examines the importance of touch through Jansenist conceptions, in particular Pierre Nicole’s essay De la charité et de l‘amour propre and Blaise Pascal’s Pensées and Trois discours sur la condition des grands. Koch starts out by exploring that topic through an explicit reference to Hobbes that he encounters in Nicole’s text. He then explains how Hobbesian theory on the external causality of motion in the universe is linked to passion production and in particular fear - a motivating force for the interaction, exchanges, and commerce of social and political life. Mechanical models of physics fuel Nicole’s and Pascal’s debate on sociopolitical order. Both authors conceive of how “the body in society is motivated by the force of contact-touch, which provokes sensibility and passion, and most notably the passion of fear” (288). I can only make two criticisms: that there is no detailed delineation of the link between the seventeenth-century aesthetic body and its continuance throughout the eighteenth-century’s movement of sensibility; and that Koch’s discussion always returns to the “moderate” or “regulated” body, while the century’s perspective on untamed or unregulated passions could use some explanation. Overall, readers of this perceptive study will profit from a combination of careful reading of a diverse set of authors (including Kant and Hobbes), as well as borrowings from cultural material (Bourdieu, Elias, Habermas, Ong …) that will appeal to a large readership within early modern literature, philosophy, the history of science, and political theory. The author demonstrates a firm grasp of his material with insightful interpretations which underscore the underlying role of the body for passion production. Bernadette Höfer Jacques Le Brun : La jouissance et le trouble. Recherches sur la littérature chrétienne de l’âge classique . Genève : Droz, 2004 (Titre courant). 635 p. Pourquoi rassembler dans un seul volume des articles parus entre 1974 et 2003 dans différents périodiques et actes de colloque en France et ailleurs? Si Jacques Le Brun, auteur de ces communications, a décidé de rééditer ses travaux portant sur la littérature chrétienne, il avait certainement un objec- PFSCL XXXVII, 72 (2010) 250 tif précis, à savoir celui de créer un ensemble dans lequel les articles « interagissent » et surtout s’élargissent les uns les autres. Ayant lu ces vingt-trois chapitres de longueurs très variables - entre treize et cinquante pages - le lecteur pourra affirmer que l’auteur a atteint son but tout en acceptant qu’une classification des chapitres en différentes sections et une intention clairement formulée dans l’Avant-propos fassent défaut ! Ces démarches auraient non seulement facilité la lecture intégrale de l’ouvrage, mais encore auraient-ils établi des liens entre les chapitres dont la proximité thématique ne saute pas aux yeux (cf. par exemple les chapitres XI et XII consacrés à Madame Guyon et ceux qui traitent d’un côté le quiétisme en général, chapitre XIX, et de l’autre l’œuvre et la spiritualité de Fénelon, chapitres XX-XXII). Ainsi, un débutant en littérature chrétienne aussi bien qu’un spécialiste ne s’intéressant pour le moment qu’à un champ restreint trouveraient plus simplement des pistes de recherches. L’index des noms (pp. 617-632) peut cependant fournir une première aide précieuse. Tandis que le champ thématique indiqué dans le titre - Recherches sur la littérature chrétienne - est extrêmement vaste, les limites temporelles fixées - l’âge classique - semblent assez étroites. A vrai dire, Le Brun les restreint encore davantage : « […] les études rassemblées dans ce volume ne portent, sauf l’une d’entre elles, que sur la partie centrale de cette période, sur le XVII e siècle et plus précisément sur le petit « siècle » qui correspond au règne de Louis XIV » (Avant-propos, pp. 7-10, ici p. 7. Le chapitre qui dépasse les limites données est le dernier, XXIII - « De l’histoire critique du Vieux Testament à Totem et Tabou. L’invention de l’origine […] » ; pp. 561- 611 où l’auteur retrace « l’invention de l’origine » et avec ceci le développement d’une science des religions du XVII e au XX e siècle). Qui pense au XVII e siècle, pense au théâtre, à Corneille, Molière et Racine, au baroque et au classicisme, aux salons, à la société mondaine - et à la lutte confessionnelle, c’est-à-dire aux guerres de religions, aux mesures restrictives contre les huguenots, à la révocation de l’Edit de Nantes par celui de Fontainebleau en 1685… Vu ces conflits, nous sommes très vite portés à croire qu’à cette époque catholiques et protestants furent séparés par d’insurmontables barrières, qu’une coopération quelconque des deux partis était impensable. Les études rassemblées dans le présent volume montrent pourtant - et voilà un des mérites de ce livre - qu’il y avait autant de fossés « idéologiques » dans l’Eglise catholique que d’attitudes communes aux Eglises : par conséquent, une considération de la « littérature chrétienne » ne doit guère s’opérer en catégories confessionnelles mais aboutir à proposer des solutions alternatives. Les deux premiers chapitres font un pas dans cette direction. Comptes rendus 251 Dans l’ensemble de l’ouvrage ils peuvent servir d’introduction, plantant chacun les jalons soit thématiques, soit matériels. Au premier chapitre, « Une confession religieuse de l’âge classique : « le catholicisme » » (pp. 11-41), l’auteur suit le développement de l’Eglise catholique depuis le concile de Trente et des mouvements spirituels existant au sein de l’Eglise tels que le gallicanisme, le jansénisme, le quiétisme, pour ne mentionner que les plus connus. Sur la base de ces données historiques il discute la question de savoir (pp. 36s) s’il est légitime de parler « du catholicisme » qui s’oppose aux confessions protestantes ou s’il vaut mieux utiliser le pluriel: « […] nous considérons comme catholiques la religion et la théologie des jésuites et celle des jansénisants disciples [sic ! ] de saint Augustin, celles des mystiques accusés de quiétisme et celles de Nicole et de Bossuet, celles des catholiques intransigeants et bourgeois […]. Les différences entre ces catholiques sont pourtant considérables, souvent bien plus grandes que celles qui distinguent Fénelon des protestants Poiret ou Ramsay, un janséniste d’un calviniste gomariste ou tel jésuite d’un calviniste arminien » (pp. 36/ 37). En feuilletant le livre, nous rencontrons dans les intitulés de chapitres les protagonistes des querelles mentionnées dans le passage cité: c’est surtout la controverse du quiétisme opposant d’un côté Bossuet et Nicole et de l’autre Madame Guyon et son défenseur Fénelon qui y tient une grande place. Bien sûr, ce ne sont pas seulement la condamnation de quelques écrits de De Molinos (1687) et le reproche de quiétisme qui y sont en jeu, l’auteur cherche de plus à attirer l’attention du lecteur sur d’autres aspects de la spiritualité (cf. par exemple le concept du pur amour fénelonien) des personnages concernés (cf. VI et XVI ainsi que XI, XII et XIX-XXII déjà mentionnés cidessus). Dans le contexte donné, le débat concernant ces « nouveaux mystiques » (p. 479) est d’autant plus important qu’il ne fut pas mené seulement entre catholiques mais suscita également de vives réactions chez les protestants. Tandis que Poiret sympathisa fort avec les leçons de Madame Guyon, ce qui attira les réprobations de son coreligionnaire Jurieu (cf. XIV - « Les œuvres spirituelles de Pierre Jurieu », pp. 339-362, surtout 350ss), Leibniz, luthérien, se montra toujours fort réservé envers les mystiques tout en suivant la querelle Fénelon-Bossuet « en s’inquiétant du manque de charité des protagonistes » (cf. XVII - « Sur la spiritualité de Leibniz » ; pp. 431-456, ici p. 440, cf. aussi VI). Evidemment, c’est le désir d’« épurer » les religions et de promouvoir ce qui était estimé essentiel, à savoir « la piété, le mouvement du cœur » (p. 491) qui relie la communauté chrétienne. Cette piété, ce mouvement de cœur trouve son expression dans « l’expérience vécue », maître-mot du deuxième chapitre (« Expérience religieuse et PFSCL XXXVII, 72 (2010) 252 expérience littéraire » ; pp. 43-66) et par là d’une certaine façon du livre entier (cf. aussi l’Avant-propos où certains aspects approfondis au chapitre II sont déjà esquissés). Car c’est l’expérience religieuse vécue et inscrite dans les textes qui constitue le matériel de toute considération de la littérature chrétienne : sans que les hommes n’aient écrit leurs expériences ou que des témoins n’aient recueilli leurs paroles, « celles-ci [i. e. les expériences] sont mortes et n’existent pas pour l’historien » (p. 60). Mais il faut être prudent ! Le Brun avertit le lecteur qu’un texte ne traduit jamais une expérience telle qu’elle était : « le langage est toujours insuffisant, l’expérience est ineffable » (p. 51). Celui qui se met à lire ou à étudier la littérature religieuse - vit-il au XVII e siècle ou au XXI e siècle - doit être conscient de ce décalage : « Il n’y a […] pas découverte d’une vérité ou d’un réel cachés sous le discours, mais une nouvelle façon de parler [par allusions, métaphores]. Loin d’être instrument de traduction du réel, le langage est signe fragile, en risque d’erreur et d’illusion » (p. 64). Les difficultés de ce concept, diamétralement opposé à toute exigence scientifique en émergence dans le domaine exégétique et théologique à l’époque, sont incontestables - et à prendre en considération par quiconque s’en occupe. Ces remarques nous amènent à un troisième champ d’investigation également fort présent dans le livre de Le Brun : l’exégèse biblique. Et cela à juste titre, puisque le statut des Ecritures fut un des thèmes les plus controversés entre les confessions. Les érudits continuaient certes à discuter le rapport entre Bible et tradition, question litigieuse entre les catholiques et les protestants depuis le début de la Réforme (cf. surtout VII - « L’institution dans la théologie de Henry Holden (1596-1662) » ; pp. 161-174). Mais d’autres aspects - telles l’inspiration immédiate ou restreinte de l’Ecriture ou la quête des origines - furent désormais à l’ordre du jour (cf. IX - « Sens et portée du retour aux origines dans l’œuvre de Richard Simon » ; pp. 195- 216 et XXIII, cité ci-dessus). Bien que les perspectives adoptées dans le cadre des études bibliques fussent naturellement diverses, le mobile de s’y engager était partout semblable, à savoir la recherche de la vérité (cf. p. 72 et passim). Tenant compte et de la littérature de piété et de la littérature d’érudition, Le Brun désigne une image vive et vaste du « petit siècle » qui souligne l’envergure de la littérature chrétienne et pourra surprendre tout lecteur qui ne pense toujours qu’en catégories confessionnelles. Béatrice Jakobs
