Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
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2010
3773
Stéphane Macé (éd.): Racan, ɶuvres complètes. Paris, Champion, 2009 (Sources classiques 97), 1144 p
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2010
Volker Kapp
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Comptes rendus 469 Stéphane -Macé - (éd.) : - Racan, -Œuvres - complètes. - Paris, - Champion, - 2009 (Sources -classiques -97), -1144 -p. Racan -figure -dans -les -histoires -de -la -littérature -en -tant -qu’auteur -de -la -pièce -de théâtre - Les - Bergeries, - modèle - de - la - pastorale - française. - Jacques - Scherer - qui l’intègre -dans -son -anthologie -Théâtre -du -XVII e -siècle -le -qualifie -d’« homme -d’une seule - pièce » - (Paris, - Pléiade, - 1975, - 1219). - Nous - autres - critiques - qui - partagions cette -opinion -sommes -invités -à -la -corriger -en -étudiant -cette -édition -critique -qui nous -révèle -un -grand -poète, -disciple -de -Malherbe -dont -il -égale -l’inspiration -sans se - cantonner - dans - une - imitation - servile - du -maître. - Dans - La - Vie - de -Malherbe - de Racan, - Malherbe - raconte - une - version - de - la - fable - de - l’homme - âgé, - de - son - fils - et de -l’âne -pour -conclure : -« […] -quoi -que -vous -puissiez -faire, -vous -ne -serez -jamais généralement - approuvé - de - tout - le - monde » - (939). - Malherbe - semble - l’avoir réprimé -« pour -la -construction -de -ses -vers -et -de -quelques -façons -de -parler -trop hardies » -(941). -Ces -disputes -ne -l’empêchent -pas -de -rendre -hommage -au -maître en -renonçant -à -paraphraser -lui--‐même -le -psaume -VIII -reproduisant -au -contraire, dans -son -recueil, -celui -de -Malherbes -qu’il -juge -inégalable. Le - volume - comporte - par - commodité - le - nom - de - Racan - mais - la - quatrième page - de - couverture - indique - son - vrai - nom : - Honorat - de - Bueil, - sieur - de - Racan. C’est - un - des - rares - représentants - de - la - noblesse - d’épée - qui - se - distingue - dans - le domaine - littéraire, - réservé - plutôt - à - la - noblesse - de - robe. - Il - laisse - à - Antoine - de Laval, - partisan - de - la - rhétorique - du - Palais, - le - soin - de - commenter - ses - para--‐ phrases - des - psaumes - et - préfère - afficher - n’avoir - « aucune - connaissance - des langues - étrangères » - (871). - Macé - souligne - à - juste - titre - qu’il - faut - « rattacher - à cet - « ethos - aristocratique » - la - posture - de - dilettante - qu’affectionnait - Racan » (17). -Notre -poète -insiste -sur -la -« différence -de -mœurs -et -de -façon -de -vivre -qu’il y - a - eue - entre - la - Cour - de - David - et - celle - de - nos - Rois » - (871) - et - remarque - à - ce propos - que - la - blessure - caractérise - Henri - I er - de - Guise. - Un - peintre - qui - aurait représenté - « le - Grand - Duc - de - Guise - sans - balafre » - (871) - aurait - créé - des difficultés - à - le - reconnaître - dans - son - portrait. - Ici - perce - l’orgueil - de - la - noblesse d’épée -dont -un -autre -volet -se -manifeste -dans -son -refus -de -prononcer -lui--‐même le - 9 - juillet - 1635 - à - l’Académie - française - le - discours - qu’on - nommera - plus - tard ‘discours - de - réception’. - Stéphane - Macé - commente - ce - fait - exceptionnel - de - faire déclamer - cette - « harangue » - par - M. - de - Serizay - en - remarquant - que - « Racan - se méfiait - de - sa - mauvaise - élocution » - (876), - explication - qu’il - faut - compléter - par l’évocation - du - mépris - aristocratique - de - l’érudition - dont - relèvent - alors - les litterae -et -du -refus -de -tout -ce -qui -rappelle -le -pédantisme. Ce - discours - lié - à - une - des - œuvres - majeures - de - notre - poète, - ses - Odes - sacrés dont - le - sujet - est - pris - des - Psaumes - de - David - et - qui - sont - accommodées - au - temps présent - (1651), - se - trouve - dans - la - présente - édition - à - la - fin - de - la - section - « Les Psaumes - et - les - poésies - religieuses » - (876--‐885), - collocation - appropriée, - qui PFSCL XXXVII, 73 (2010) 470 risque - toutefois - de - faire - tort - à - ce - document - de - haute - valeur - pour - la - compré--‐ hension - de - la -mentalité - aristocratique. - L’exorde - y - commence - par - le - topos - de - la modestie -affectée : -le -poète -n’attend -pas -de -son -discours -d’autre -« gloire -que -de vous - savoir - obéir - […] - plus - je - serai - jugé - incapable - d’une - si - grande - action, - plus mon - obéissance - doit - être - estimée, - et - la - résolution - que - je - prends - de - m’em--‐ barquer - sur - un - nouvel - Océan, - sans - la - connaissance - de - la - carte - et - de - la Boussole » -(876). -Il -file -ensuite -ce -lieu -commun -pour -faire -sa -« principale -gloire de -[s]on -ignorance, -comme -Diogène -faisait -de -sa -pauvreté » -(877), -comparaison qui - introduit - le - thème - du - discours, - à - savoir - qu’il - faut - « mettre - les - sciences - au rang - des - richesses - superflues, - qui - n’ajoutent - rien - au - souverain - bien - de - notre vie » - (877). - Cette - conviction - s’accorde - parfaitement - avec - la - poésie - pastorale - et la - poésie - religieuse - de - Racan. - Aussi - évoque--‐t--‐il - dans - la - suite - un - lieu - commun théologique : - « Il - est - néanmoins - très - certain - que - sans - le - péché - du - premier Homme, - nous - naissions - tous - savants - des - Arts - et - des - Sciences - nécessaires - pour notre -conservation ; -nous -eussions -joui -d’un -perpétuel -Printemps, -et -n’eussions point -eu -de -besoin -d’autres -demeures, -que -de -celles -qui -nous -étaient -préparées dans - les - bois, - et - dans - les - cavernes, - pour - nous - garantir - des - injures - de - l’air » (878). - On - reconnaît - aisément - le - plan - mythologique - où - la - poétique - de - la - poésie pastorale - et - la -paraphrase -rapprochant - les -psaumes -de - la -vision -du -monde -des Français -du -XVII e -siècle -confirment -la -mentalité -nobiliaire. - Les - quatre - sections - de - ces - Œuvres - complètes - se - divisent - en - « Poésies profanes » - (29--‐156), - Les - Bergeries - (159--‐352), - les - « Poésies - religieuses » - (353--‐ 884), -« La -Vie -de -Malherbe » -(885--‐988), -les -« Lettres » -(989--‐1045). -Macé -les -fait toujours -précéder -d’une -introduction -qui -complète -celle -plus -générale -du -début du - livre - (11--‐28). - Il - reproduit - à - la - fin - les - « Textes - apocryphes » - (1047--‐1095) sans - se - prononcer - en - faveur - de - leur - authenticité. - Dans - les - annexes - pré--‐ cieuses on - trouvera - la - « Notice - biographique - du - recueil - Conrart » - (1095--‐1100) et - des - indications - bibliographiques - (1105--‐1113). - Un - glossaire - (1101--‐1104) explique - un - certain - nombre - d’expressions - aujourd’hui - vieillies, - mais - l’éditeur se -penche -avec -prédilection -sur -la -langue -de -son -auteur -de -sorte -que -le -nombre des - notes - linguistiques - dépasse - largement - celui - des - notes - littéraires, - surtout dans -les -poésies -religieuses -où -il -allègue, -en -notes -des -Paraphrases -des -Psaumes, toujours - l’essentiel - de - l’« argument » - tiré - de - la - riche - annotation - d’Antoine - de Laval. - Ces - extraits - facilitent - la - compréhension - de - leur - sens - « mystique » relevant - de - ce - que - Macé - qualifie, - en - recourant - au - terme - de - Hans - Robert - Jauss, de -« ‘horizon -d’attente’ -du -lectorat -de -l’époque » -(361). Ce -sens -« mystique » -détermine -les -paraphrases -jusqu’au -point -que -celle -du psaume - LXVII - commence - ainsi : - « Que - Jésus - se - levant - rallume - son - flambeau,/ Pour - témoigner - à - ceux - qui - l’ont - mis - au - tombeau,/ - Que - son - corps - glorieux jamais -ne -s’y -consomme ; / -Et -que -si -pour -un -temps -il -cède -à -leur -effort,/ -Et -que dans - les - douleurs - il - meure - comme - un - homme,/ - Il - pouvait - comme - un - Dieu Comptes rendus 471 triompher -de -la -mort. » -(565--‐566). -Racan -insère -dans -celle -du -psaume -XXXVI -un passage - autobiographique : - « Sous - le - règne - inconstant - de - trois - grands - Poten--‐ tats/ - J’ai -passé -mon -printemps, -mon -été, -mon -automne,/ - J’ai -vu -d’un - Souverain au -cœur -de -ses -Etats/ -Tomber -sur -l’échafaud -la -tête -et -la -couronne ; / - J’ai -vu -les contempteurs - des - légitimes - lois/ - S’efforcer - d’abolir - la - maison - des - Rois/ - Par - la flamme - et - le - fer - les - puissances - suprêmes : / - Mais - je - n’ai - jamais - vu - dessous l’oppression/ - Les - gens - de - bien - souffrir - des - misères - extrêmes/ - Sans - être - aidés et - plaints - en - leur - affliction. » - (490). - Macé - se - contente - ici - d’énumérer - les - trois rois - mais - le - lecteur - aurait - aimé - trouver - des - explications - supplémentaires - sur les - allusions - historiques. - Une - strophe - de - celle - du - psaume - LXX - semble - évoquer la - longue - maturation - de - ce - recueil : - « Mes - premières - chansons - n’avaient - rien que - de - rude,/ - Mes - vers - allaient - rampant - sans - ordre - et - sans - étude,/ - Et - ne produisaient - rien - qui - les - fît - estimer : / - Mais - tu - m’as - inspiré - ces - divines merveilles/ - Qui - charment - les - oreilles,/ - Et - l’art - dans - mon - esprit - de - les - bien exprimer. » -(582). -Le -début -de -celle -du -psaume -XLVIII -indique -à -quel -lectorat -le poète - s’adresse : - « Peuples, - venez - tous - m’écouter,/ - La - sainte - fureur - qui m’inspire/ -Va -sur -les -accords -de -ma -lyre,/ -De -grands -mystères -raconter : / -Ceux dont - la - doctrine - profonde/ - Se - fait - admirer - dans - le - Monde,/ - N’y - seront - que - des apprentis ; / -Et - les -vers -que - je -vais -produire/ - Peuvent -également -instruire/ -Les plus - grands - et - les - plus - petits. » - (523--‐524). - Ces - quelques - échantillons - ne peuvent - évidemment - pas - rendre - la - richesse - poétique - de - toutes - les - poésies - qui méritent -une -attention -accrue -de -la -part -de -la -critique. Vu - le - poids - de - ce - volet - de - la - production - littéraire - de - Racan, - il - ne - surprend pas - de - rencontrer - dans - Les - Bergeries - un - souvenir - de - l’Introduction - à - la - vie dévote -de -François -de -Sales -dans -le -personnage -de -Philotée. -Dans -la -scène -III, -1, Artenice, - voulant - se - retirer - comme - anachorète, - s’exclame - « Que - j’ai - pitié, - ma sœur, -de - ceux -qui - sont -au -monde,/ -Et -qui - sur - cette -arène -émue -à -tout -propos,/ Fondent - sans - jugement - l’espoir - de - leur - repos. » - (274). - Philotée - l’avertit - de - ne pas -confondre -la -déception -amoureuse -avec -la -vie -consacrée : -« Nous -en -voyons assez - de - pareilles - à - vous/ - Pour - un - prompt - désespoir - se - retirer - chez - nous » (276). -De -tels -propos -distinguent -cette -pastorale -française -de -celles -du -Tasse -et de - Guarino - qui - n’évoquent - nulle - part - la - spiritualité - de - ceux - qui - se - retirent - du monde - pour - se - consacrer - à - la - vie - religieuse. - Racan - transpose - la - chute - de Céladon - dans - les - eaux - du - Lignon - de - L’Astrée - aux - Bergeries. - Notre - aristocrate sait - donc - rendre - hommage - aussi - bien - aux - lectures - profanes - qu’aux - lectures religieuses -de -la -noblesse -de -l’époque. Les - « Poésies - profanes » - se - composent - en - grandes - partie - d’éloges - lyriques dont -l’«Ode » -dédicacée -à -Guez -de -Balzac -confirme -la -renommée -de -ce -pionnier du - classicisme - français. - Elle - invoque - les - « Doctes - Nymphes » - (59), - qualificatif approprié - aux - Muses - qui - président - au - monde - des - litterae. - Notre - poète - recourt de - nouveau - au - topos - de - la - modestie - affectée - en - avouant - à - Apollon - et - aux PFSCL XXXVII, 73 (2010) 472 Nymphes - du - Parnasse : - « Enflé - de - cette - belle - audace,/ - A - peine - savais--‐je marcher,/ -Que -j’osais -vous -aller -chercher/ -Au -plus -haut -sommet -du -Parnasse : / […] -Ces -espérances -m’ont -failli,/ -BALZAC -tout -seul -a -recueilli/ -Ce -qu’on -cherche dans -vos -montagnes. » -(60). -Racan, -lui, -reconnaît -à -Balzac -ce -rang éminent : -« Ce grand - Soleil - des - beaux - Esprits/ - A - tout - seul - remporté - le - prix,/ - De - lui - seul - la gloire -est -connue,/ -Et -tous -ces -petits -écrivains/ -Qui -faisaient -naguère -les -vains,/ Disparaissent -à -sa -venue. » -(61). -Dans -son -édition, -Macé -adopte -la -version -d’un recueil - de - 1638 - et - la - complète - alors - par - la - suite - de - cette - version - publiée - en 1627 - et - contenant - l’aveu - suivant - du - je - lyrique : - « - Je - ne - demande - à - mon bonheur/ -Que -d’avoir -part -à -cet -honneur,/ -Sur -qui -le -temps -n’a -plus -d’empire. » (64). - Racan - y - fait - l’éloge - de - l’éloquence - de - Balzac : - « Son - éloquence - est - celle même/ - Qui - fait - et - défait - les - Etats » - (65) - et - le - qualifie - de - « Bel - esprit » - (65). - Sa lettre - à - Balzac - commente - son - Ode - en - associant - une - censure - malherbienne - de l’éloquence -du -destinataire -à -une -« effronterie » -(1004). -Macé -qualifie -Racan -de « baroque », - celui--‐ci - se - range - au - contraire - sous - l’empire - « de - la - raison - et - de - la nature » - (1005) - tout - en - espérant - qu’on - ait - meilleure - opinion - de - lui - que - son maître -Malherbe. Cette - édition - critique - des - Œuvres - complètes - de - Racan - fera - date - dans l’histoire - de - la - réception - du - poète - et, - s’il - fallait - la - justifier, - on - peut - souligner qu’elle - montre - la - cohérence - interne - des - différentes - facettes - de - sa - production littéraire. - Volker Kapp Anne - Piéjus - (dir.) : - Plaire - et - instruire. - Le - spectacle - dans - les - collèges - de l’Ancien - Régime. - Rennes : - Presses - Universitaires - de - Rennes, - 2007 (Interférences). -372 -p. A - l’origine - du - présent - volume, - qui - rassemble - des - contributions - émanant - d’un colloque - tenu - à - Paris - en - 2005, - on - trouve - le - constat - d’une - double - disparité : d’une -part, -la -très -riche -histoire -des -institutions -scolaires -et -de -la -pédagogie -des jésuites - l’emporte - toujours - sur - la - recherche - consacrée - aux - disciplines artistiques; - d’autre - part, - cette - dernière - orientation - est - encore - trop - souvent réduite - au - seul - théâtre, - lui--‐même - conçu - dans - une - acception - étroite - qui privilégie - le - texte - et - les - idées - qu’il - véhicule, - au - détriment - des - éléments connexes - que - sont - la - musique, - la - danse, - les - décors - et - les - images. - Or, - c’est - le postulat - de - l’ouvrage, - la - multimédialité - du - « spectacle » - est, - tout - autant - que - sa dimension - « performative », - essentielle - pour - comprendre - en - profondeur - le fonctionnement -et -les -implications -de -l’entreprise -didactique -et -idéologique -des jésuites. - Il - s’agissait - donc - de - contrebalancer - le - déséquilibre - induit - par - la -
