eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 37/73

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
121
2010
3773

Anne Piéjus (dir.): Plaire et instruire. Le spectacle dans les collèges de l’Ancien Régime. Rennes: Presses Universitaires de Rennes, 2007 (Interférences). 372 p

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2010
Marie-Thérèse Mourney
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PFSCL XXXVII, 73 (2010) 472 Nymphes - du - Parnasse : - « Enflé - de - cette - belle - audace,/ - A - peine - savais--‐je marcher,/ -Que -j’osais -vous -aller -chercher/ -Au -plus -haut -sommet -du -Parnasse : / […] -Ces -espérances -m’ont -failli,/ -BALZAC -tout -seul -a -recueilli/ -Ce -qu’on -cherche dans -vos -montagnes. » -(60). -Racan, -lui, -reconnaît -à -Balzac -ce -rang éminent : -« Ce grand - Soleil - des - beaux - Esprits/ - A - tout - seul - remporté - le - prix,/ - De - lui - seul - la gloire -est -connue,/ -Et -tous -ces -petits -écrivains/ -Qui -faisaient -naguère -les -vains,/ Disparaissent -à -sa -venue. » -(61). -Dans -son -édition, -Macé -adopte -la -version -d’un recueil - de - 1638 - et - la - complète - alors - par - la - suite - de - cette - version - publiée - en 1627 - et - contenant - l’aveu - suivant - du - je - lyrique : - « - Je - ne - demande - à - mon bonheur/ -Que -d’avoir -part -à -cet -honneur,/ -Sur -qui -le -temps -n’a -plus -d’empire. » (64). - Racan - y - fait - l’éloge - de - l’éloquence - de - Balzac : - « Son - éloquence - est - celle même/ - Qui - fait - et - défait - les - Etats » - (65) - et - le - qualifie - de - « Bel - esprit » - (65). - Sa lettre - à - Balzac - commente - son - Ode - en - associant - une - censure - malherbienne - de l’éloquence -du -destinataire -à -une -« effronterie » -(1004). -Macé -qualifie -Racan -de « baroque », - celui--‐ci - se - range - au - contraire - sous - l’empire - « de - la - raison - et - de - la nature » - (1005) - tout - en - espérant - qu’on - ait - meilleure - opinion - de - lui - que - son maître -Malherbe. Cette - édition - critique - des - Œuvres - complètes - de - Racan - fera - date - dans l’histoire - de - la - réception - du - poète - et, - s’il - fallait - la - justifier, - on - peut - souligner qu’elle - montre - la - cohérence - interne - des - différentes - facettes - de - sa - production littéraire. - Volker Kapp Anne - Piéjus - (dir.) : - Plaire - et - instruire. - Le - spectacle - dans - les - collèges - de l’Ancien - Régime. - Rennes : - Presses - Universitaires - de - Rennes, - 2007 (Interférences). -372 -p. A - l’origine - du - présent - volume, - qui - rassemble - des - contributions - émanant - d’un colloque - tenu - à - Paris - en - 2005, - on - trouve - le - constat - d’une - double - disparité : d’une -part, -la -très -riche -histoire -des -institutions -scolaires -et -de -la -pédagogie -des jésuites - l’emporte - toujours - sur - la - recherche - consacrée - aux - disciplines artistiques; - d’autre - part, - cette - dernière - orientation - est - encore - trop - souvent réduite - au - seul - théâtre, - lui--‐même - conçu - dans - une - acception - étroite - qui privilégie - le - texte - et - les - idées - qu’il - véhicule, - au - détriment - des - éléments connexes - que - sont - la - musique, - la - danse, - les - décors - et - les - images. - Or, - c’est - le postulat - de - l’ouvrage, - la - multimédialité - du - « spectacle » - est, - tout - autant - que - sa dimension - « performative », - essentielle - pour - comprendre - en - profondeur - le fonctionnement -et -les -implications -de -l’entreprise -didactique -et -idéologique -des jésuites. - Il - s’agissait - donc - de - contrebalancer - le - déséquilibre - induit - par - la Comptes rendus 473 prédominance - du - verbe, - en - rectifiant - certaines - idées - communément - admises (comme - la - médiocrité - des - œuvres - représentées) - ou - en - approfondissant - des facettes -jusqu’alors -négligées, -telles -l’éducation -artistique -des -élèves. -En -dehors de - l’écueil - rédhibitoire - que - constitue - le - caractère - aussi - rare - que - lacunaire - des sources - disponibles - (pour - la - musique - et - la - danse - en - particulier), - la - difficulté inhérente - à - la -nature - composite -du - spectacle - jésuite -rendait - indispensable - une approche - pluri--‐ - et - transdisciplinaire, - ainsi - que - la - prise - en - compte - d’un - spectre spatio--‐temporel - étendu ; - c’est - chose - faite - avec - ces - dix--‐neuf - études, - qui - portent tantôt - sur - des - sujets - transversaux, - tantôt - sur - des - textes - et - documents particuliers, - les - plus - connus - (les - traités - de - Ménestrier, - Le - Jay, - Jouvancy) alternant - avec - d’autres - plus - rares, - à - l’instar - du - manuscrit - intitulé - Ludus pastoralis, -une -source -inédite -et -complète -(texte, -musique, -chorégraphies) -d’un spectacle - de - collège - représenté - à - Metz - en - 1734, - dont - malencontreusement seules -quelques -pages -sont -ici -reproduites. L’ouvrage, - qui - s’articule - en - cinq - sections, - s’ouvre - sur - l’analyse - de - la « Poétique - du - spectacle » - de - collège. - Les - différentes - contributions - mettent - en valeur - tantôt - la - construction - dramatique - et - le - dessein - de - l’œuvre - (J.--‐Y. Vialleton), - le - rapport - ambivalent - entre - le - ballet - et - la - tragédie - (L. - Naudeix) - ou l’enjeu - de - la - forme -musicale - dans - la - poétique - du - ballet - (Th. - Psychoyou), - tantôt le - rôle - performatif - essentiel - de - l’image - et - du - visuel - (B. - Filippi, - A. - Surgers). - A l’évidence, -le -genre -hautement -visuel -du -ballet -est -au -cœur -du -spectacle -jésuite, ce - qui - explique - les - nombreux - discours - théoriques, - poétiques - et - esthétiques, dont -il -fait -l’objet. Après -la -théorie, -la -pratique: -la -seconde -partie -se -penche -sur -la -« Formation artistique - et - vie - scolaire ». - On - y - découvre - des - éléments - concrets - sur - la - forma--‐ tion -des -élèves -à -la -théorie -musicale -par -le -biais -de -manuels -de -mathématiques (B. - Van - Wymeersch), - sur - leur - participation - aux - ballets, - conditionnée - par - leurs aptitudes - à - la - « belle - danse » - autant - que - par - leur - statut - social - (N. - Lecomte), - ou encore -sur -la -manière -de -leur -inculquer -le -respect -de -la -grammaire -latine -par -la mise - en - scène - divertissante - d’une - guerre - féroce - menée - contre - les - mauvais usages - (J.--‐M. - Civardi). - Ainsi - peut--‐on - constater - que - la - relative - fermeture - de l’institution - jésuite - n’exclut - en - rien - une - grande - perméabilité - au - monde - de - la cour -et -de -la -ville, -à -l’exemple -des -danseurs -professionnels -venus -de -l’Académie Royale - de - Musique; - pour - autant, - les - hiérarchies - sociales - établies - ne - sont - pas remises -en -cause, -mais -bel -et -bien -reproduites. - La - troisième - partie, - consacrée - à - la - manière - d’ - « Écrire - une - tragédie - de collège », - examine - des - cas - de - figure - instructifs: - L’Idoménée - du - Père - Paulin - (J.--‐ Ph. - Grosperrin) - et -deux -versions -de -Brutus -(C. -Barbafieri) - abordent - le -motif -du sacrifice, - tandis - que - l’importation - de - la - tragédie - française - vers - les - scènes italiennes - de - collèges - s’accompagne - d’une - dimension - spectaculaire - prononcée, qui - emprunte - au - ballet - autant - qu’au - « dramma - per - musica » - (F. - Lévy). - La PFSCL XXXVII, 73 (2010) 474 quatrième - partie, - « Répertoires », - aborde - tour - à - tour - le - diptyque - formé - par - la tragédie - latine - Saül - et - la - tragédie - en - musique - David - et - Jonathas - (1688) - de Charpentier - (C. - Cessac), - la - pratique - des - ballets - au - collège - d’ - Harcourt - (M. Demeilliez), - le - Ludus - pastoralis - représenté - à - Metz - (N. - Berton) - ou - encore L’Histoire - tragique - de - la - pucelle - de - Dom - Rémy - (F. - Pellisson--‐Karro). - Enfin, - la cinquième -et -dernière -partie -fait -le -point -sur -les -enjeux -du -spectacle -jésuite -par rapport - à - la - cité - et - au - monde, - à - l’exemple - des - villes - de - province, - Toulouse - (J.--‐ Chr. - Maillard - & - B. - Michel), - Strasbourg - (J.--‐M. - Valentin) - ou - des - diverses - céré--‐ monies - organisées - à - l’occasion - du - mariage - de - Louis - XIV - et - de - l’Infante - Marie--‐ Thérèse, -symbole -de -la -paix -conclue -entre -la -France -et -l’Espagne -(M.--‐C. -Canova--‐ Green). Au--‐delà - de - leur - diversité - bienvenue, - les - différentes - études - illustrent - une réalité - commune, - celle - du - paradoxe - qui - sous--‐tend - l’entreprise - jésuite - et - que reprend -le -titre -du -présent -volume. -En -effet, -la -fonction -éducative -du -théâtre -et du - spectacle - se - trouve - dans - une - relation - de - tension - avec - le - principe eutrapélique, -pourtant -également -à -la -base -de -l’enseignement. -« Delectare » -OU « docere -et -prodesse », -plaire -ET -instruire, -les -jésuites -ne -peuvent -ni -ne -veulent choisir. - Pourtant, - si - la - scène - jésuite - fut - un - des - premiers - lieux - de - création dramatique - de - l’Ancien - Régime, - son - succès - et - son - prestige - ne - s’en - heurtèrent pas - moins - à - de - nombreuses - critiques - qui, - au--‐delà - des - troubles - ponctuels occasionnés - par - les - spectacles, - avaient - trait - à - l’émancipation - redoutée - mais inévitable - du - medium - spectaculaire. - Or, - malgré - la - conscience - qu’ont - les - Pères jésuites - des - risques - de - débordement, - notamment - de - l’ordre - des - corps, - du danger -d’éveiller -une -vanité -néfaste -par - le -goût -du -paraître, -ils -n’en - conçoivent pas - moins - explicitement - leurs - spectacles - comme - une - propédeutique - au spectacle -de -la -Cour -et -au -Grand -Théâtre -du -Monde -auxquels -ils -prétendent -(et doivent) -préparer -leurs -élèves. -La -confrontation -entre -les -théories -poétiques -et la - réception - des - œuvres - par - le - public - révèle - toute - la - complexité - de - l’engage--‐ ment -du -corps -et -des -sens, -les -dangers -d’une -sémiotique -corporelle -trop -libre -et potentiellement - subversive, - et - donc - l’impérieuse - nécessité - de - tracer - une frontière - entre - le - geste - noble, - contrôlé - et - mesuré, - et - la - gesticulation - grotesque des - histrions. - On - retiendra - enfin - plusieurs - réflexions - stimulantes - quant - au statut - de - l’allégorie, - à - laquelle - les - jésuites - recourent - très - largement - dans - leur pédagogie. - Évidente - et - obscure - à - la - fois, - simple - et - complexe, - l’allégorie - donne forme - sensible - à - un - rapport - caché - unissant - deux - idées. - Elle - est - un - voile, - qui dissimule - et - révèle - tout - à - la - fois. - Le - spectacle - se - concevant, - à - l’intérieur - d’un système -de -communication -propre -à -l’époque -pré--‐moderne, -comme -un -échange symbolique - avec - le - public, - ce - qui - s’élabore - est - en - conséquence - un - plaisir sublime, -car -raffiné -et -érudit, -qui -s’oppose -au -vil -plaisir -d’une -plèbe -capricieuse et -ignorante. - Comptes rendus 475 On - ne - peut - que - souligner - les - mérites - de - l’éditrice - Anne - Piéjus - d’avoir exploré, - avec - beaucoup - de - constance, - ce - champ - relativement - nouveau - de - la pratique - spectaculaire. - Le - volume - suivant, - consacré - à - un - exemple - type - de spectacle -de -collège, -Polymestor -et -Sigalion -ou -le -secret -(1689): -archéologie -d’un spectacle - jésuite - (paru - dans - la - revue - XVII e - siècle, - 2008, - N°238), - témoigne - de - la fécondité - de - l’approche - archéologique, - lorsqu’elle - s’appuie - sur - des - hypothèses de - travail - soigneusement - étayées, - et - surtout - sur - un - dialogue - permanent - et scrupuleux - entre - la - réflexion - théorique - et - l’application - pratique, - entre - la recherche -et -la -création -artistique. - Marie--‐Thérèse -Mourey Véronique - Sternberg - (éd.) : - Paul - Scarron, - Théâtre - complet. - Édition établie - et - présentée - par - Véronique - Sternberg. - Paris : - Champion, - 2009 (Lumière -Classique, -76). -2 -vols. -1256 -p. Les -pièces -de -théâtre -de -Paul -Scarron -profitent -finalement -d’une -édition -qui -ne les - sélectionne - pas - selon - des - critères - plus - ou - moins - contestables : - ces - deux volumes - contiennent - le - Théâtre - complet. - La - présentation - des - pièces - fait toujours - référence - à - la - critique - actuelle - en - discutant - les - jugements - des - spécia--‐ listes - dont - la - réticence - quant - à - leur - qualité - n’encourageait - pas - forcément - à assumer - la - corvée - d’une - telle - édition. - Véronique - Sternberg - se - propose - « de situer -le -plus -justement -possible -le -théâtre -de -Scarron, -à -la -fois -dans -son -temps et - sa - réception - immédiate, - et - dans - le - vaste - tableau - de - la - comédie - du - XVII e siècle » -(10). -Selon -elle, -c’est -« une -œuvre -forte, -dont -on -devine -à -chaque -page -le potentiel - scénique » - (10), - éloge - qui - ne - l’empêche - pas - de - mettre - en - relief - ce qu’elle - juge - défectueux - dans - les - pièces. - Nous - reviendrons - à - cet - aspect - qui provoque - la - contradiction, - mais - qui - ne - nuit - pas - à - la - qualité - philologique - de cette - édition. - Madame - Sternberg - a - « choisi - comme - texte - de - base - la - dernière édition - avec - privilège - parue - du - vivant - de - l’auteur ; - et - la - première - édition - des pièces -posthumes » -(57), -choix -qu’il -faut -approuver -sans -réserves. -Les -didasca--‐ lies, - qui - n’entrent - que - dans - les - recueils - du - XVIII e - siècle, - sont - absentes, - les coquilles - ou - défaillances - sont - corrigées, - la - ponctuation - est - respectée. - Une annexe - grammaticale - et - un - glossaire - (1209--‐1227) - facilitent - la - compréhension du - texte. - Deux - index, - un - des - noms - de - personnes - et - de - lieux - (1243--‐1246) - et - un des - œuvres - et - des - personnages - (1247--‐1254), - permettent - de - repérer - rapide--‐ ment - des - informations. - Le - travail - d’éditeur - est - bien - fait - de - sorte - qu’on - ne - se heurte - quasi - jamais - à - des - coquilles. - Il - s’agit - donc - d’une - édition - à - laquelle - on pourra -se -fier -dorénavant. -