eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 37/73

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
121
2010
3773

Véronique Sternberg (éd.): Paul Scarron, Théâtre complet. Édition étabile et présentée par Véronique Sternberg. Paris: Champion, 2009 (Lumière Classique, 76), 2 vols. 1256 p

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2010
Volker Kapp
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Comptes rendus 475 On - ne - peut - que - souligner - les - mérites - de - l’éditrice - Anne - Piéjus - d’avoir exploré, - avec - beaucoup - de - constance, - ce - champ - relativement - nouveau - de - la pratique - spectaculaire. - Le - volume - suivant, - consacré - à - un - exemple - type - de spectacle -de -collège, -Polymestor -et -Sigalion -ou -le -secret -(1689): -archéologie -d’un spectacle - jésuite - (paru - dans - la - revue - XVII e - siècle, - 2008, - N°238), - témoigne - de - la fécondité - de - l’approche - archéologique, - lorsqu’elle - s’appuie - sur - des - hypothèses de - travail - soigneusement - étayées, - et - surtout - sur - un - dialogue - permanent - et scrupuleux - entre - la - réflexion - théorique - et - l’application - pratique, - entre - la recherche -et -la -création -artistique. - Marie--‐Thérèse -Mourey Véronique - Sternberg - (éd.) : - Paul - Scarron, - Théâtre - complet. - Édition établie - et - présentée - par - Véronique - Sternberg. - Paris : - Champion, - 2009 (Lumière -Classique, -76). -2 -vols. -1256 -p. Les -pièces -de -théâtre -de -Paul -Scarron -profitent -finalement -d’une -édition -qui -ne les - sélectionne - pas - selon - des - critères - plus - ou - moins - contestables : - ces - deux volumes - contiennent - le - Théâtre - complet. - La - présentation - des - pièces - fait toujours - référence - à - la - critique - actuelle - en - discutant - les - jugements - des - spécia--‐ listes - dont - la - réticence - quant - à - leur - qualité - n’encourageait - pas - forcément - à assumer - la - corvée - d’une - telle - édition. - Véronique - Sternberg - se - propose - « de situer -le -plus -justement -possible -le -théâtre -de -Scarron, -à -la -fois -dans -son -temps et - sa - réception - immédiate, - et - dans - le - vaste - tableau - de - la - comédie - du - XVII e siècle » -(10). -Selon -elle, -c’est -« une -œuvre -forte, -dont -on -devine -à -chaque -page -le potentiel - scénique » - (10), - éloge - qui - ne - l’empêche - pas - de - mettre - en - relief - ce qu’elle - juge - défectueux - dans - les - pièces. - Nous - reviendrons - à - cet - aspect - qui provoque - la - contradiction, - mais - qui - ne - nuit - pas - à - la - qualité - philologique - de cette - édition. - Madame - Sternberg - a - « choisi - comme - texte - de - base - la - dernière édition - avec - privilège - parue - du - vivant - de - l’auteur ; - et - la - première - édition - des pièces -posthumes » -(57), -choix -qu’il -faut -approuver -sans -réserves. -Les -didasca--‐ lies, - qui - n’entrent - que - dans - les - recueils - du - XVIII e - siècle, - sont - absentes, - les coquilles - ou - défaillances - sont - corrigées, - la - ponctuation - est - respectée. - Une annexe - grammaticale - et - un - glossaire - (1209--‐1227) - facilitent - la - compréhension du - texte. - Deux - index, - un - des - noms - de - personnes - et - de - lieux - (1243--‐1246) - et - un des - œuvres - et - des - personnages - (1247--‐1254), - permettent - de - repérer - rapide--‐ ment - des - informations. - Le - travail - d’éditeur - est - bien - fait - de - sorte - qu’on - ne - se heurte - quasi - jamais - à - des - coquilles. - Il - s’agit - donc - d’une - édition - à - laquelle - on pourra -se -fier -dorénavant. - PFSCL XXXVII, 73 (2010) 476 Madame - Steinberg - invite - le - lecteur - à - redécouvrir - avec - elle - le - théâtre, malheureusement - sous--‐estimé - et - méconnu, - de - Scarron - et - donc - à - évaluer - ses propres - jugements, - qui - font - largement - écho - des - réticences - communes - des critiques. - Selon - elle, - Jodelet - ou - le - maître - valet - (1643) - qui - donne - « une - identité générique -stable -à -la -comédie » -(15), -n’est -pas -« la -meilleure -pièce -de -Scarron » (63) - bien - qu’elle - figure - dans - les - anthologies - à - côté - de - Dom - Japhet - d’Arménie, troisième - comédie, - datée - par - l’éditrice, - avec - des - arguments - convaincants, - de 1651. - Jodelet - duelliste - est - défendu - à - juste - titre - contre - ses - détracteurs - par - le renvoi - à - « un - espace - de - haute - fantaisie, - dévolu - au - jeu - et - au - plaisir - des - mots » (181), - mérite - qu’on - pourrait - appliquer - aux - Boutades - du - capitan - Matamore, qualifiées - pourtant - de - « curieux - dialogue » - (302). - Nous - ne - pouvons - pas partager - cette - opinion. - Dans - une - des - stances, - Matamore - se - présente - de - la manière -suivante : -« Je -suis -plus -rude -qu’un -tonnerre, -/ -Beaucoup -plus -fort -que les -destins, -/ -Plus -dangereux -que -des -lutins, -/ -Et -plus -à -craindre -que -la -guerre » (338). - Cette - forfanterie - caractérise - le - type - du - soldat - vaniteux, - présent - dans toutes - les - littératures - romanes. - Madame - Sternberg - est - familière - du - théâtre espagnol, - qui - lui - semble - cependant - inférieur - au - théâtre - français - puisque Scarron - améliore - toujours, - selon - elle, - les - modèles - espagnols - qu’il - adapte. - Pour un - critique - formé - selon - les - principes - de - l’ancienne - ‘romanistique’ - des - univer--‐ sités - allemandes, - les - divergences - évidentes - des - deux - littératures - relèvent moins -d’une -différence -des - qualités -que -des - traditions - littéraires. - Les -Boutades du - capitan - Matamore - sont - des - exercices - de - grandiloquence - d’un - personnage qui - confond - le - produit - de - son - imaginaire - surchauffé - et - de - son - abondance oratoire - avec - la -réalité. -Matamore - est - le -type -du - soldat -qui - se - croit - invincible -à la - guerre - et - irrésistible - en - amour : - « Enfin - les - beautés - de - la - Terre - / - Rendent honneur -à -mes -beaux -yeux, -/ -Leur -naturel -si -glorieux -/ -Fléchit -aux -traits -que -je desserre. - / - Je - tiens - ces - humaines - beautés : - / - J’ai - dessous - mes - autorités - / - Les cœurs - des - claires - et - des - brunes, - / - Et - si - mes - regards - doux - et - beaux - / N’empêchaient - par - pitié - la - mort - de - quelques--‐unes, - / - On - les - verrait - crever - et mourir - par - monceaux. » - (347) - Scarron - n’a - pas - inventé - de - tels - exploits, - ceux--‐ci se - retrouvent - partout - dans - les - textes - présentant - le - personnage - du - soldat vaniteux, -bien -familier -au -théâtre -des -XVI e -et -XVII e -siècles. -Les -textes -de -Scarron s’inspirent - d’un - type - espagnol - qu’on - rencontre - de - même - dans - la - Commedia dell’arte. - Ils - sont - évidemment - un - des - atouts - de - la - présente - édition - et mériteraient - une - analyse - plus - poussée, - les - confrontant - non - seulement - aux modèles - espagnols - mais - également - aux - Bravure - del - Capitano - Spavento - (1611) de - Francesco - Andreini, - éminent - acteur - professionnel - italien - dont - la - femme, actrice - célébrée - par - Le - Tasse - et - d’autres - grands - poètes, - décède - pendant - une tournée - de - représentations - en - France. - On - ne - dispose - pas - d’éléments - per--‐ mettant - d’avancer - l’hypothèse - que - Scarron - en - ait - lu - quelques--‐unes, - mais - on peut - présumer - qu’il - connaît - les - principes - de - l’improvisation - des - comédiens - de Comptes rendus 477 la - Commedia - dell’arte - à - travers - les - représentations - des - compagnies - d’acteurs jouant - à - Paris - ou - ailleurs - en - France. - Les - farceurs - français - ne - lui - sont - pas - non plus -inconnus. -La -culture -oratoire -des -acteurs -est -toujours -sous--‐estimée -depuis que - la - Commedia - dell’arte - est - rangée - sous - la - rubrique - du - théâtre - populaire. C’est - à - l’intérieur - de - cette - culture - oratoire - des - acteurs - que - les - Boutades - du capitan -Matamore -doivent -être -situées. L’éloquence - de - notre - dramaturge - se - prête - à - être - mal - entendue - tant - qu’on s’en - tient - aux - catégories - du - baroque - ou - du - burlesque, - deux - notions - dont - la pertinence - est - moins - sujette - à - caution - que - leur - définition. - La - tragi--‐comédie - Le Prince - corsaire - est - accusée - ici - de - « faiblesse - de - style » - résultant - des - « échanges fortement - rhétoriques - […] - dans - lesquels - les - personnages - tentent - de - persuader l’interlocuteur - [par - des] - formes - sentencieuses » - (1057). - Cette - remarque caractérise - bien - l’écriture - de - cette - pièce, - qui - se - nourrit - de - principes - oratoires courants - à - cette - époque, -mais -peu -de - temps - après -déclassés -par - la - victoire -des atticistes - français, - dénommés - à - partir - du - XVIII e - siècle - auteurs - « classiques ». Les - plaidoyers - des - avocats - et - les - sermons - recourent - alors - également - aux sentences, - dont - une - version - mondaine - s’impose - par - les - Maximes - et - sentences morales - de - La - Rochefoucauld. - Quand - Élise - répond - à - Alcionne : - « Le - temps - et - la raison[,] -quand -on -perd -ce -qu’on -aime, -/ -Servent -de -peu -de -chose -en -ce -malheur extrême, » - (1075--‐1076), - la - sentence - ingénieuse - peut - enchanter - ceux - qui goûtent - la - virtuosité - du - dramaturge - à - synthétiser - une - situation - complexe - en peu - de - mots. - Scarron - cherche - à - trouver - des - formules - concluantes, - comme - par exemple - dans - le - dialogue - où - Orosmane - exige : - « Percez - donc, - belle - Élise, - un cœur - méconnaissant. » - et - que - celle--‐ci - riposte : - « Un - coupable - qui - plaît, - est bientôt - innocent. » - (1117). - Dans - le - théâtre - et - la - littérature - de - cette - époque, - les amoureux - sont - rapidement - disposés - à - mourir, - mais - ils - n’ont - pas - toujours - une sentence -à -leur -disposition -pour -résoudre -ce -problème. Les - critiques - du - théâtre - de - Scarron - condamnent - souvent - le - burlesque. Quand - le - paysan - Philippin - propose - à - Mauricette - de - s’entretenir - de - leur mariage, -il -surprend -par -son -propos : -« Dès -l’abord -[…] -sans -tarder -davantage, -/ Au - lieu - qu’un - mari - neuf - s’amuse - à - caresser, - / - Je - veux - sur - ton - museau - ma rigueur - exercer, - / - Lui - faisant - de - soufflets - une - salve - rude. » - (760). - Madame Steinberg -reproche -à -ce -compliment -de -rustre -« un -manque -d’unité -structurelle et - de - vraisemblance » - (743) - en - plaidant - pour - un - prétexte - malhabile - de - rire. - Il est - vrai - que - le - théâtre - de - l’absurde - introduirait - différemment - la - brutalité masculine. -Mais -par - son -recours - au -burlesque, - Scarron -poursuit - la -tradition -du grotesque - dont - Dorothea - Scholl - a - éclairé - les - origines - dans - la - littérature italienne - de - la - Renaissance - (Von - den - « Grottesken » - zum - Grotesken. - Die Konstituierung - einer - Poetik - des - Grotesken - in - der - italienischen - Renaissance, Münster, - Lit, - 2004) - et - il - change - de - registre - comme - les - grands - poètes - ultra--‐ montains -qui -élaborent -les -idéaux -du -classicisme -et -s’adonnent -en -même -temps PFSCL XXXVII, 73 (2010) 478 à - l’exercice - du - grotesque - pour - saisir - une - autre - dimension - de - la - réalité. - Notre dramaturge -aime -contraster -ces -deux -registres -et -il -faut -se -garder -de -lui -en -faire grief. Cette - édition - du - Théâtre - complet - de - Scarron - sera - saluée - chaleureusement par - les - historiens - du - théâtre. - Elle - rend - accessibles - des - matériaux - réservés jusqu’à - présent - aux - seuls - historiens - spécialisés - de - cette - époque - de - la - scène française - et - elle - encouragera - sans - doute - à - réévaluer - le - dramaturge - Scarron ainsi -qu’à -approfondir -l’étude -de -la -dramaturgie -de -la -première -moitié -du -XVII e siècle. - Volker Kapp Alexandra - Torero--Ibad : - Libertinage, - science - et - philosophie - dans - le matérialisme - de - Cyrano - de - Bergerac, - préface - de - Francine - Markovits. Paris : -Champion, -2009 -(Libre -pensée -et -littérature -clandestine). -664 -p. Dans - la - lignée - des - travaux - pionniers - de - Madeleine - Alcover 2 - et - de - Jean--‐Charles Darmon 3 , - cet - imposant - ouvrage - se - penche - sur - la - place - et - l’aspect - de - la philosophie -dans -l’œuvre -de -Cyrano ; -le -matérialisme, -fil -d’Ariane -de -l’étude, -est pertinemment - posé - comme - trait - dominant - dans - la - diversité - dogmatique - de l’œuvre. - Toutefois, -le -titre -de -ce -travail -soulève -d’emblée -plusieurs -interrogations. -La catégorie - du - libertinage - est - considérée - comme - acquise, - alors - même - qu’elle - est éminemment - problématique : - l’appartenance - de - Cyrano - au - cercle - des - libertins érudits - est - certes - défendue - par - René - Pintard 4 , - mais - elle - mérite - d’être - confron--‐ tée -à -l’hypothèse -d’un -auteur -en -marge -de -tout -cercle -littéraire. -Le -mot -libertin, que - l’on - trouve - notamment - chez - La - Mothe - Le - Vayer, - est - absent - de - l’œuvre - de - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2 - - Voir, -notamment, -La -Pensée -philosophique -et -scientifique -de -Cyrano -de -Bergerac -(Paris/ Genève -: - Droz, - 1970), - ainsi - que - les - nombreuses - notes - de - son - édition - Les - États - et Empires -de -la -Lune -et -du -Soleil -avec -le -Fragment -de -physique -(Paris -: -Champion, -2000). 3 - - Principalement - « -Cyrano - de - Bergerac - et - les - images - de - la - Nature -», - dans - L’Idée - de nature - au - début - du - XVII e - siècle, - Littératures - classiques, - n°17, - 1992, - pp. - 153--‐175 -; « -L’épicurisme - et - les - fables - du - monde -: - remarques - sur - Gassendi - et - Cyrano -», - dans - La Notion - de - ‘monde’ - au - XVII e - siècle, - Littératures - classiques, - n° - 21, - 1994, - pp. - 87--‐125 -; « -L’imagination -de -l’espace -entre -argumentation -philosophique -et -fiction. -De -Gassendi à - Cyrano -», - Espaces - classiques. - Études - littéraires. - Théories, - analyses - et - débats, - vol. - 34, n° -1--‐2, -hiver -2002, -pp. -217--‐240, - et -Le - songe - libertin. - Cyrano -de -Bergerac -d’un -monde -à l’autre -(Paris -: -Klincksieck, -2004). - 4 - - Le -Libertinage -érudit -dans -la -première -moitié -du -XVII e -siècle -(Paris, -Boivin -1943). -