Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
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2012
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Philippe Sellier: Port-Royal et la littérature: Pascal. Deuxième édition augmentée de douze études. Paris: Honoré Champion, 2010 («Champion Classique, Série Essais»). 697 p
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Laurent Thirouin
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PFSCL XXXIX, 76 (2012) 272 in which tales by the conteuses do not fit into conventional notions many people have of the genre. In Bernard’s “Prince Rosebush,” jealousy gets in the way of love to bring an unhappy end; Murat’s “Little Eel” and “Wasted Effort” also end unhappily, thus undermining conventional wisdom that fairy tales must have a “fairy-tale” ending. L’Héritier’s “Marmoisan” and d’Aulnoy’s “Princess Little Carp” present us with Amazonian characters, strong female figures that bring about happy endings. And La Force’s tales prove particularly interesting in their eroticism and challenges to normative views of female sexuality. The editors’ introduction to each of the authors includes information about their publishing history and literary works, their social position, and their relation to figures at court and to each other. Such contextualization provides insights into the tales themselves insofar as we see, for instance, L’Héritier as a strong defender of women’s writing, d’Aulnoy as unhappily married, or La Force subjected to scandal for her sexuality. Their explorations of female empowerment, marriage, and sexuality in the realm of the marvelous were indeed very real. The tales are accompanied by copious notes that weave each tale into the social, cultural, and political fabric of late seventeenth-century France as well as literary history, and they provide suggestions for further reading. For those not familiar with the period or the conteuses, Enchanted Eloquence offers an excellent framework and ample support material to understand their tales, at the same time that it suggests new ways of thinking about the fairy tale to students and scholars in the field. Anne E. Duggan Philippe Sellier : Port-Royal et la littérature : Pascal. Deuxième édition augmentée de douze études. Paris : Honoré Champion, 2010 (« Champion Classiques, Série Essais »). 697 p. Une double aubaine que ce volume, pour les lecteurs de Pascal, et plus généralement pour tous les amateurs du XVII e siècle ! La librairie Champion prend l’heureuse initiative de rééditer, dans sa collection de poche, c’est-àdire sous une forme très largement accessible, le recueil d’études de Philippe Sellier paru il y a un peu plus de dix ans. Pour l’occasion, l’ensemble est augmenté de douze nouvelles contributions, qui s’insèrent dans les sections originelles et enrichissent encore un ouvrage qui appartient d’ores et déjà aux références bibliographiques majeures. Comptes rendus 273 L’œuvre et la figure de Pascal font l’unité du présent volume, qui associe des enquêtes scrupuleuses, de nature plutôt monographique (« Pascal et le psaume 118 », « Les leçons de la Lettre pour porter à rechercher Dieu »…) à de vastes synthèses (« L’univers moral des Pensées », « Joie et mystique chez Pascal »…). Certaines études marquent un progrès décisif et bouleversent l’état de la question. C’est le cas en particulier de la très belle démonstration sur « La version amplifiée de la Vie de M. Pascal », qui aboutit à la conclusion, tout à fait convaincante, que cette seconde version de la Vie n’est pas due à Gilberte, mais à son fils, Louis Périer, animé non pas par le désir - impossible de sa part - du témoignage, mais par un souci d’édification et de moralisation. Une autre contribution (parmi les ajouts du recueil) vient ébranler un discours critique bien établi. Elle concerne le célèbre Entretien avec M. de Sacy sur Épictète et Montaigne, qualifié ici de « fragment axial des Pensées ». Au fil d’une argumentation serrée et d’une confrontation minutieuse avec les Pensées, Philippe Sellier démontre à la fois l’inexistence de l’événement relaté par Fontaine et l’authenticité pascalienne de l’opuscule ; il déplace finalement la date de rédaction de ce grand texte, pour l’éloigner du moment de la nuit de feu, et le rendre exactement contemporain des Pensées. La lecture de l’Entretien ne saura désormais faire l’économie de ce travail. Mais, comme le souligne le titre général Port-Royal et la littérature c’est cet étrange monde de Port-Royal qui forme la toile de fond et l’objet ultime du volume. L’auteur lui consacre un bilan liminaire (« Vers un nouveau Port-Royal au seuil du XXI e siècle ») où il enregistre la réévaluation opérée par les recherches des dernières décennies ; il dessine « la rosace de Port-Royal », une constellation beaucoup plus dense qu’il ne semblait autrefois, et à laquelle, aux côtés de Pascal et d’Arnauld, on doit désormais intégrer Racine et La Rochefoucauld bien entendu, mais aussi Boileau, Mme de Sévigné, Mme de Lafayette, La Fontaine… L’un des premiers découvreurs de cette « Amazonie engloutie » qu’est l’augustinisme littéraire (p. 33), Philippe Sellier nous invite à poursuivre l’exploration de ces terres, dans lesquelles il a tracé les avenues principales avec son grand travail fondateur sur Pascal et saint Augustin (1970, rééd. 1995). Lui-même reprend la question, à la lumière des dernières avancées critiques, et propose une nouvelle vision du « Saint Augustin de Pascal » (pp. 513-529), qui condense, et parfois complète sa thèse. Sans rien remettre en cause des intuitions et des démonstrations premières, il peut aujourd’hui marquer avec plus de netteté les silences et les refus de Pascal, ses prédilections dans l’œuvre d’Augustin, et conclure de façon synthétique sur le statut du Père de l’Église. Parmi toutes les richesses de ce volume, on signalera la place accordée au massif biblique. Une section entière est consacrée à « Pascal et la Bible », PFSCL XXXIX, 76 (2012) 274 d’autant plus précieuse que ce fondement essentiel de son œuvre est généralement délaissé par la critique. On relira, actualisé, l’article devenu classique, « Rhétorique et apologie : Dieu parle bien de Dieu ». La formule, empruntée aux Pensées, est mise en vedette comme le principe rhétorique essentiel de Pascal, lui ayant inspiré une solution originale en matière d’inventio, de dispositio et d’elocutio. Source de vérité, la Bible est ainsi un modèle d’écriture. Cette étude est caractéristique de la manière de Philippe Sellier, qui associe des considérations de grande ampleur (par exemple sur les débats autour de la valeur littéraire de l’Écriture Sainte) à des lectures fines et très attentives de quelques fragments, où le critique laisse s’exprimer toute sa sensibilité littéraire, une conscience aiguë du matériau verbal. La rencontre de ces deux compétences, celle de l’historien des idées ou du théologien d’une part, celle du stylisticien, du spécialiste de l’imaginaire d’autre part, s’observe dans l’ensemble des études ici réunies et fait leur séduction ainsi que leur force de conviction. Le travail plus systématique, intitulé « La Bible de Pascal », fait le point sur les connaissances exégétiques du philosophe, les outils auxquels il recourait (dans une absence notable d’exclusive confessionnelle), les livres bibliques et les citations particulières qui exercent sur lui l’attrait le plus puissant. L’entreprise, dont nul ne contestera la légitimité, pourrait paraître d’une érudition un peu aride, et sans enjeux majeurs pour la compréhension d’un auteur dont l’imprégnation biblique saute aux yeux, en l’absence même de tout relevé méthodique. Mais la science de Philippe Sellier n’est jamais gratuite ; elle ne se borne pas à rassembler des informations pour ellesmêmes. L’analyse quantitative (complétée en annexe par un rigoureux et précieux Index des citations bibliques de l’œuvre pascalienne) donne des résultats inattendus, et suscite immédiatement la réflexion : qu’il s’agisse de « la surprenante absence du livre le plus commenté de toute l’Écriture, le Cantique des cantiques » (p. 203), de la « faible représentation des livres historiques » (p. 202), ou, inversement, de la prééminence des Psaumes, conçus comme un livre prophétique, ou encore de la place prise par l’Évangile de Jean, l’inventaire et la statistique donnent accès à une interrogation autrement importante, sur la nature de la religion de Pascal, les motifs dominants de sa spiritualité, son imaginaire. L’ensemble de l’enquête est mené à la lumière du texte du « Mémorial », qui devient ainsi une attestation privilégiée des choix bibliques et une clef de compréhension de toutes les Pensées. En marge de cet article substantiel, quelques coups de projecteur sont jetés, plus ponctuellement, sur certaines des grandes références scripturaires de Pascal. Une étude sur l’empreinte de l’Ecclésiaste dans les Pensées permet de considérer le parallélisme entre Job et Salomon, au fondement des premières liasses classées, notamment « vanité » et « misère ». Au Comptes rendus 275 psaume 118 enfin, dont Gilberte nous rapporte combien il « transportait » son frère, sont consacrées quelques pages capitales, qui nous conduisent, une fois encore de doctes observations (sur le Bréviaire parisien et la lecture des Petites Heures) à des conclusions fortes. Le plus long des psaumes, méditation litanique sur la Loi, se manifeste « comme une école de la jubilation catholique, pour chaque jour » (p. 217). L’affection de Pascal pour ce psaume traduit ainsi la liaison essentielle entre « joie et mystique » (autre titre d’une étude qui apparaît dans cette réédition), chez un auteur que l’on a eu trop tendance à caractériser par son angoisse et son sens du désespoir. C’est l’occasion, pour Philippe Sellier, de rectifier les perspectives, et de rappeler comment le théologien d’une grâce délectante, le chrétien qui, le 23 novembre 1654, répand des « pleurs de joie », ne saurait sans simplification caricaturale passer pour l’interprète d’une religion sombre et désastreuse. Dans l’impossibilité d’évoquer l’ensemble des trente-six études qui composent ce volume, il faut s’arrêter un instant à un genre qu’affectionne visiblement l’auteur, celui des dialogues qui se sont noués avec Pascal, en amont et en aval. Il ne s’agit pas de classiques travaux de réception ou de sources, comme les études littéraires en ont multiplié sur chaque écrivain. Le prestige jamais démenti de Pascal, la fulgurance de ses écrits, le trouble qu’ils suscitent génération après génération, sont un élément intrinsèque de cette œuvre atypique une manière indirecte de progresser dans son interprétation. L’usage, d’autre part, que fait le philosophe de ses devanciers, la désinvolture avec laquelle il se les approprie tout en les transformant radicalement, rendent l’exercice de la confrontation particulièrement instructif. Les dialogues examinés dans le recueil initial avec Baudelaire, Jean de la Croix, le père Senault et les écrivains de l’Oratoire sont complétés ici par de nouvelles rencontres : avec saint Augustin bien sûr, déjà évoqué, mais aussi Montaigne aliment et défi permanent pour la pensée pascalienne , avec Bérulle et Condren (dans une nouvelle et riche étude sur les colorations oratoriennes), ou encore, plus proche de nous, avec Nathalie Sarraute, en qui Pascal trouve une avocate inattendue, contre les attaques fielleuses de Paul Valéry. Un essai iconoclaste de 1947, « Paul Valéry et l’enfant d’éléphant », reprend le procès intenté à Pascal par les célèbres « Variations sur une pensée », et Philippe Sellier met en scène cette étrange confrontation, par delà les siècles, sur les pouvoirs de la littérature, entre un poète intellectuel, une figure de proue du nouveau roman et un apologiste nourri de saint Augustin… Un mot enfin sur la section « Philologiques », substantielle évidemment, nourrie de toute l’expérience d’un des principaux éditeurs de Pascal. Après avoir servi la cause des éditions objectives, et procuré une version rigoureuse des Pensées suivant la 2 e copie, Philippe Sellier s’attache à relever les PFSCL XXXIX, 76 (2012) 276 indices de construction, les premiers linéaments de l’œuvre qui n’a pas vu le jour. Sa perspicacité s’exerce particulièrement à propos des bornes de l’apologie : sur son terme et ses étapes (« Les conclusions du projet d’apologie ») ; sur son départ (« L’ouverture de l’apologie » ; « Les leçons de la Lettre pour porter à rechercher Dieu »). Dans tous les cas, l’enjeu dépasse celui d’une reconstitution hypothétique et touche à la nature même du projet apologétique. La notion de commencement ainsi est capitale : ayant écarté toute efficacité intrinsèque de conversion, l’œuvre apologétique de Pascal ne peut se considérer que comme un commencement, la simple amorce d’une dynamique qui échappe à l’écrivain. La désignation de ce commencement est toujours une décision herméneutique forte. Prenant un peu ses distances avec les informations de la copie (avec la table des titres notamment, considérée désormais par Philippe Sellier avec une certaine circonspection), le critique s’aventure sur un terrain plus mouvant. On n’est pas toujours sans réserve devant ses démonstrations. Mais la précision du recours au texte, l’importance des questions abordées, rendent le débat, en permanence, passionnant. Les varia des universitaires sont devenus monnaie courante. Désireux, souvent à juste titre, de ne pas laisser tomber dans l’oubli des études importantes, quoique ponctuelles, semées au hasard des colloques, des célébrations, des numéros spéciaux de revue, quelques grands professeurs les rassemblent en des volumes légèrement disparates et pas toujours exempts de répétition. Au regard des travaux plus conséquents, des thèses, des volumes argumentés, ces collections paraissent parfois d’une moindre nécessité. Le présent volume est un parfait contre-exemple ! Dense, informé, suggestif, il confirme son statut de référence fondamentale pour les études pascaliennes. Outre tous les apports scientifiques, dont nous avons essayé de donner un simple aperçu, il illustre un rapport personnel et original à l’œuvre de Pascal, dans une attention conjointe à la puissance littéraire et à la rigueur philosophique. Pour Philippe Sellier, Pascal est un « rêveur de mots en même temps que penseur » (p. 397). Peu de critiques l’ont montré avec autant de bonheur. Laurent Thirouin