Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
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2013
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François Lasserre: Nicolas Gougenot, dramaturge, à l’aube du théâtre classique. Étude biographique et littéraaire, nouvel examen de l’attribution du «Discours à Cliton». Tübingen: Narr Verlag, 2012 («Biblio 17», 200). 200 p
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2013
Emmanuel Minel
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PFSCL XL, 78 (2013) 200 siècles », qui s’est tenu au Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance de Tours les 8 et 9 janvier 2009, ont été publiés à la fin de l’année 2011 sous la direction de Jan Clarke, Pierre Pasquier et Henry Phillips. La Ville en scène en France et en Europe (1552-1709) renouvelle considérablement le regard sur la dimension urbaine du théâtre de la fin de la Renaissance et du XVII e siècle. L’introduction de Henry Phillips inscrit le théâtre européen post-médiéval dans le contexte d’une montée en puissance des villes. Le propos pose efficacement un faisceau d’interrogations problématiques. La question centrale est celle de la relation qu’entretient l’art dramatique, notamment dans ses formes comiques, à la réalité sociale. Ce rapport est-il de l’ordre du mimétisme référentiel ou bien de la distanciation affabulatrice ? Entre ces deux pôles, où placer le curseur d’un « réalisme » toujours épineux à évaluer ? Ne faut-il pas déplacer le problème, penser le théâtre comme une forme de re-création de la ville ? Outre ce texte liminaire, Henry Phillips signe une synthèse sur la place de « la ville dans le théâtre français du XVII e siècle ». Le travail cherche à voir si la cité fait office d’« espace dominant » ou d’« espace dominé ». Il établit que le théâtre n’est pas seulement le reflet d’un état de la société urbaine, mais aussi une façon de l’anticiper. La poésie dramatique ne se contente pas d’enregistrer les évolutions sociales, elle peut aussi les induire. Elle serait vectrice d’urbanité plus que simple réceptacle. Le lien entre le théâtre et la ville engage en définitive un rapport d’action-rétroaction. L’approche, pour être stimulante, reste peu explicite - le recours aux textes s’avère limité. Elle laisse de surcroît apparaître un biais problématique : Henry Phillips réduit le « théâtre du XVII e siècle en France » à Corneille et Molière, qui sont eux-mêmes réduits à leurs pièces les plus fameuses - les grandes comédies moliéresques ne sont même évoquées que de façon allusive. L’exception se donne comme représentative de la règle. La démarche est problématique. La contribution de Christian Biet, placée dans le sillage d’Elie Konigson et intitulée « Le Théâtre et la ville / le théâtre est la ville », distingue d’abord deux types de mises en œuvre de la fonction dramatique. Le « théâtre de tréteaux » est assumé par des comédiens professionnels, extérieurs à la cité. Le « théâtre de plateau » est le fait d’amateurs habitant la ville et se présente comme une cérémonie sociale fédératrice. Les acteurs qui viennent de loin sont au Moyen Âge des artisans spécialisés, ce sont eux qui peuvent représenter la ville en l’envisageant de façon critique. Les citadins-comédiens visent de leur côté, par le jeu ritualisé qu’ils assument, à renforcer l’harmonie du corps civique. Comptes rendus 201 A la suite de ce préambule, l’article montre que si le théâtre, notamment comique, prend en charge la réalité de la ville, c’est pour mieux décaler les perceptions qui lui sont attachées. La troisième et dernière partie du raisonnement déplace le regard, pour s’intéresser au théâtre comme espace social. Christian Biet affirme que le théâtre ne se contente pas de représenter fictivement la ville : il la représente réellement puisqu’il se conçoit de façon croissante comme une cité. Il figure la ville par la fiction qu’il déploie, mais aussi par la façon dont il opère. Le rassemblement théâtral, qui se conçoit au fil du XVII e siècle comme une activité spécifique, est une synecdoque de la cité. Le moment de la vie urbaine consacré au théâtre déborde le temps du jeu proprement dit et s’offre comme un temps de sociabilité. Les habitants viennent au spectacle pour se voir autant que pour voir mises en scène - et en question - les valeurs sociales dominantes. Le théâtre est finalement défini comme un « espace juridique » capable de faire « comparaître » la cité dans sa diversité contradictoire. La réflexion d’Anne Surgers sur la scénographie du premier XVII e siècle (« Logis, portes et fenêtres : le jeu des lieux de mémoire dans le décor du théâtre baroque, une ‘caresse pour l’âme et le corps’ ») propose une lecture allégorique des modules topologiques de la dramaturgie baroque - maisons, huis, interfaces diverses. Basé sur des études de cas, le raisonnement montre que la représentation de ces limites fait signe vers les affects. Le fonctionnement figuratif de la poésie dramatique est bien éclairé. Portes ou fenêtres, explique Anne Surgers, font office d’imagines agentes lestées de sens cachés, religieux ou grivois. L’article privilégie l’étude des liens entre le texte et l’image, et notamment des rapports entre le théâtre et les emblèmes. De la sorte, les décors sont efficacement replacés dans une culture iconographique plus vaste. La méthodologie, qui revient à expliquer l’art par l’art, livre assurément des fruits intéressants. Elle présente néanmoins un revers : on regrette qu’un raisonnement anthropologique ne vienne pas relancer le propos. Jean-Claude Ternaux étudie les représentations de la ville dans la comédie humaniste. Centrée sur l’Eugène de Jodelle (représenté en 1552), la réflexion ne s’interdit pas quelques rapprochements ponctuels avec La Trésorière de Grévin (publiée en 1558), La Reconnue de Belleau (1577), La Néphélococugie de Le Loyer (1579), Les Contens de Turnèbe ou Les Néapolitaines d’Amboise (1584). L’article montre que la cité est dépeinte comme une nouvelle Babylone, dans une perspective souvent farcesque. Il note également les liens qui rattachent le thème urbain au souvenir des conflits. Dans Eugène, les allusions aux batailles de Metz, Damvillers et Ivoy peuvent être comprises comme un hommage à la campagne victorieusement menée par Henri II, en 1552, contre les armées de Charles Quint. PFSCL XL, 78 (2013) 202 Jean-Claude Ternaux décrit la comédie humaniste comme un télescopage du « principe de plaisir » et du « principe de réalité ». L’articulation des motifs amoureux et guerrier, ombres portées d’Eros et Thanatos, reste néanmoins à expliciter. Les « représentations de la ville dans La Foire de Madrid de Lope de Vega (1587) sont au cœur du propos de Juan Carlos Garrot Zambrana. De façon intéressante quoiqu’assez convenue, l’analyse décrypte l’ancrage madrilène de la comédie en prouvant que la représentation de la ville dépasse le stade du simple effet de réalité. La pièce cherche à peindre un « tableau de mœurs » (p. 89) et à « matérialiser la ville sur scène » (p. 95) en sollicitant les imaginations des spectateurs. Dans un article dédié aux rapports entre « espace urbain et espace champêtre dans les comédies pastorales de Rotrou » (La Diane, La Célimène, Le Filandre, La Clorinde, La Florimonde), Sandrine Berrégard établit de manière convaincante la contiguïté des deux espaces, en s’attachant à en décrypter les valeurs symboliques. La recherche en vient à rassembler les espaces citadin et bucolique dans une commune « urbanité ». Marie-Claude Canova-Green quant à elle montre que l’exhibition des gueux dans les ballets se charge non seulement d’une fonction ludique d’exorcisme, mais aussi d’une dimension critique : elle porte une satire corrosive des faux-semblants de la cour (« La Cour des Miracles dans le ballet de cour : du motif pittoresque à la leçon morale »). Le travail de Karen Newman (« De Londres à Paris : l’imaginaire urbain sur la scène comique du XVII e siècle ») prouve, par une enquête minutieuse relative au Palais et à la Place Royale, que l’ancrage topographique des comédies cornéliennes est tout sauf superfétatoire. La chercheuse anglaise insiste sur les fonctionnements commerciaux de l’espace urbain. La Galerie du Palais ou La Place Royale brosseraient un Paris dédié essentiellement à l’échange (marchand) et à la consommation. Le propos a le défaut de réduire la « scène comique » du Grand Siècle à Corneille, mais il a le mérite de répondre tout à fait au titre de ces actes de colloque : les comparaisons tissées avec les City comedies anglaises illustrent à merveille le « caractère profondément européen du théâtre de la Renaissance » (p. 134). Jan Clarke centre son article consacré à « l’espace urbain dans la scénographie du dix-septième siècle » sur deux lieux, la Place Royale et les Tuileries. Elle sollicite en priorité Corneille (La Comédie des Tuileries, La Place Royale, Le Menteur), mais convoque également son frère (L’Inconnu, 1675), ainsi que Rayssiguier (La Bourgeoise, ou la Promenade de Saint-Cloud, 1633 ; Les Thuilleries, 1636), Hauteroche (Le Souper mal-apprêté, 1669 ; La Dame invisible, 1684), Baron (Le Rendez-vous des Tuileries, ou le Coquet trompé, 1685), Biancolelli (La Thèse des Dames, 1695) et Mongin (Les Promenades de
