eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 40/78

Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
61
2013
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Alain Riffaud (éd.): Pierre Corneille, Cinna, Tragédie, 1643. Genève: Droz, 2011 («Textes littéraires français»). 237 p

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2013
Nina Ekstein
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Comptes rendus 205 D’un bras vengeur et fort, Lasserre va balayant Du parti de Durval les échafauds branlants ! (cf. p. 58) On lui accordera donc maintenant l’attribution à Gougenot du Discours à Cliton. La connaissance progresse. Tant mieux pour tout le monde. On se félicitera au passage que la recherche érudite continue d’avancer sur ses deux jambes : celle de la critique universitaire (dont les voix ont parfois à composer avec les influences sur la carrière de tel ou tel désaccord) et celle de la critique d’amateurs désintéressés, qui, forte d’un honnête héritage la mettant à l’abri du besoin, poursuit son chemin dans une liberté utile à tous. Il faut saluer en F. Lasserre un tel érudit, et saluer sa patiente et courageuse obstination en faveur de Gougenot. Si le lecteur devine en plusieurs occasions qu’il a été blessé des critiques dédaigneuses, il doit le féliciter d’avoir à chaque fois remis l’ouvrage sur le métier et apporté de véritables précisions dans ses argumentations. Mais l’intérêt du livre dépasse cette polémique et fait véritablement émerger un nouvel auteur, avec biographie, œuvre diversifiée, et portrait ! Souhaitons que le personnage attachant de Nicolas Gougenot, chaînon manquant du théâtre français entre Hardy et Corneille, bénéficie de cette étude précise, savante et suggestive, qui ouvre mainte perspective de réflexion sur le théâtre hors des règles chapelaines. Sa biographie de protestant dijonnais, maître calligraphe et inventeur de notre « ronde » moderne, se trouve éclairée de façon extraordinaire. Son portrait intellectuel est enrichi avec finesse et minutie. Né avant 1580, héritier d’une famille ayant eu à souffrir des Ligueurs mais aussi des interdits sur le travestissement, Gougenot fait entrer dans sa réflexion sur le théâtre toute la tradition humaniste renaissante du travail sur soi et de la concorde sociale. Auteur tardif, sans doute à la fois stimulé et interrompu par la cécité, il ne fut ni inconnu ni méprisé par Corneille. La liste de ses ouvrages disponibles est ici augmentée par F. Lasserre de deux odes de qualité, Sur le Ballet du Véritable Amour, à la duchesse de Montmorency, et à son maître d’hôtel, fils du sculpteur Germain Pilon (Appendice A). Le critique nous propose également de façon très convaincante l’élucidation des mystérieuses dédicaces de Corneille dans La Suivante et dans Médée (« à Monsieur P.T.N.G. »). Au total, un certain nombre de points d’histoire littéraire seront donc à revoir à partir de ce livre : sur Corneille, sur Rotrou, Du Ryer, Scudéry, etc., sur l’esprit humaniste et le théâtre des années 1630, sur l’esprit gallican et sur l’héritage des temps de la Ligue, sur les différentes philosophies du « théâtre dans le théâtre » (sociale vs illusionniste), sur la Querelle du Cid. PFSCL XL, 78 (2013) 206 Si, dans sa polémique avec Jean-Marc Civardi ou Georges Forestier, F. Lasserre a parfois quelque chose de la solitude persécutée d’un Rousseau (2012 oblige ! ), il est toujours d’une grande honnêteté et ne ménage pas l’éloge quand il convient - ainsi dans sa note 179 sur Camus et Sorel (Civardi) ou à propos de Maurice Lever (p. 72). On attend avec intérêt sa réédition de La Fidèle Tromperie (Champion 2013) et la poursuite des investigations sur les rivaux de Cliton (Scudéry (note 142), Du Ryer) ; l’on reprendra aussi volontiers les éditions critiques de Gougenot déjà publiées, ouvrages dont ce livre est au fond une grande préface, ou l’important travail sur les « Cinq auteurs » (Champion 2008), car si Corneille semble avoir conduit F. Lasserre à Gougenot, Gougenot ramène à Corneille et à ses démêlés avec le théâtre de Richelieu. Emmanuel Minel Véronique Lochert (éd.) : André Mareschal, Comédies. Paris : Classiques Garnier, 2010 (« Bibliothèque du théâtre français », 2). 408 p. André Mareschal est aujourd’hui surtout connu pour des textes de critique littéraire et théâtrale, préface de La Chrysolite (1627) sur le roman défini comme un mensonge habilement « habillé des couleurs de la vérité » d’une part, préface de La Généreuse Allemande (1631) qui constitue un manifeste en faveur de la dramaturgie irrégulière d’autre part. Cette dernière préface, qui mentionne pour la première fois ensemble les trois unités, avait été signalée dès le début du siècle par H. C. Lancaster, puis avait été rendue accessible dès 1973 dans un article important de Catherine Maubon, avant d’être publiée en 1989 par Daniela Dalla Valle puis éditée en 1996 par Giovanni Dotoli dans sa célèbre anthologie Temps de préfaces. Toutefois, loin d’être quasi exclusivement un critique à la manière de Chapelain qui fut son exact contemporain, André Mareschal, polygraphe, écrivit de la poésie, du théâtre et des romans. Son œuvre dramatique se révèle particulièrement abondante, puisqu’il compose neuf pièces entre 1630 et 1648, cinq tragicomédies, deux comédies et deux tragédies. Dans ce théâtre, La Généreuse Allemande a récemment été l’objet d’une édition critique, établie par Hélène Baby ; l’édition des deux comédies de Mareschal, Le Railleur et Le Véritable Capitan Matamore établie par Véronique Lochert, lui fait suite chronologiquement, au sein de la même maison d’édition qui devrait publier l’ensemble du théâtre de Mareschal dans les prochaines années. C’est au milieu des années 1630 que Mareschal célèbre Thalie, en donnant à jouer au jeune théâtre du Marais deux comédies, Le Railleur créé Comptes rendus 207 en 1635, Le Véritable Capitan Matamore, représenté pour la première fois au cours de la saison 1637-1638. Comme celles de Corneille, ces comédies se caractérisent par l’ancrage de la fiction dans l’époque contemporaine, le Paris des années 1630. Toutes deux s’inspirent aussi fortement, à travers le personnage du capitan en particulier, de Plaute qui, s’il n’est traduit en français qu’en 1658, bénéficie de nombreuses adaptations théâtrales dans les années 1630. C’est cette tension entre héritage (antique et humaniste) et modernité qui constitue l’angle d’approche de V. Lochert, qui livre dans les introductions des pièces une étude fondée sur une perspective historique précise, tandis que les textes eux-mêmes sont dotés d’une ample annotation. Le Railleur, qui fut un succès à l’époque, avait déjà retenu l’attention de la critique actuelle qui la considère comme une des premières comédies de mœurs du XVII e siècle : aussi existait-il déjà des éditions critiques modernes de cette comédie qui met en scène, avec un regard satirique, la sociabilité mondaine. L’édition de V. Lochert toutefois, loin d’être redondante, s’avère très utile, extrêmement complète, qui étudie, dans la notice, la création de la pièce (p. 10-20), l’action (« une agréable comédie à l’italienne », p. 20-30) et les personnages (p. 31-64), avec beaucoup de rigueur et d’honnêteté, sans masquer ainsi les zones d’ombre qui demeurent encore (pourquoi les représentations du Railleur furent-elles interrompues ? ). L’attention portée aux « influences littéraires » permet au lecteur de mesurer l’importance de la filiation de Plaute, par le biais de la Comédie Française humaniste mais également par le biais de l’Italie, de la commedia erudita autant que de la commedia dell’arte. De façon pertinente, l’influence de cette dernière n’est pas envisagée uniquement sous l’angle de la circulation des textes mais aussi sous celui des déplacements des comédiens eux-mêmes (p. 22). Parce que le railleur Clarimand fait la satire du temps, tout en étant lui-même aussi léger que l’époque qu’il dénonce, la comédie rejoint les terres de la satire et « Le Railleur préfigure ainsi, à plus d’un titre, le développement de la comédie dans la seconde moitié du siècle, conçue comme un art de la fine raillerie » (p. 48), si bien que Le Railleur apparaît comme un ancêtre direct du Misanthrope. V. Lochert propose alors une poétique de la comédie satirique, en examinant la raillerie comme une pratique mondaine mais aussi comme une structure proprement théâtrale (p. 49-52), en étudiant les modèles poétiques et théâtraux de la satire des années 1600-1630 (p. 52- 54), en se penchant sur la réalité historique du Paris des années 1630 (mode vestimentaire, hiérarchie sociale encore dominée par la noblesse d’épée même si « la maîtrise des signes tend à remplacer la maîtrise des armes », p. 54-61). Le Véritable Capitan Matamore se présente quant à lui, dans son titre même, comme une imitation du Miles gloriosus de Plaute (« comédie...