eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 41/80

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
61
2014
4180

Représentation du pouvoir, pouvoir de la représentation: De L’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665)

61
2014
Anne-Elisabeth Spica
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PFSCL XLI, 80 (2014) Représentation du pouvoir, pouvoir de la représentation : De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) A NNE -E. S PICA (U NIVERSIT É DE L ORRAINE ) En 1665, Pierre Le Moyne faisait paraître un somptueux in-folio de 800 pages que la qualité de composition, l’abondance des gravures et la très longue dédicace au jeune Louis XIV rattachent pleinement au livre de prestige. 1 Il se compose de quatre parties consacrées respectivement à la fin, aux dispositions, aux moyens et aux aides de l’art de régner en France, subsumant les techniques de règne (l’ars) à la grandeur rayonnante du prince vertueux. Chacune de ces parties est elle-même subdivisée en plusieurs discours énumérant les vertus royales afférentes, ouverts chacun par une devise solaire et agrémentés de très nombreux exemples historiques. Le jésuite est sans nul doute au XVII e siècle en France l’un des auteurs les plus au fait en matière de réflexion sur le pouvoir royal, comme en matière de réflexion sur les passions et les pouvoirs du visuel. En 1629, ses Triomphes de Louis le Juste en ont fait un des grands panégyristes de la monarchie française. En 1640 avec les Peintures morales, puis en 1649 avec la Gallerie des Femmes fortes, il a composé deux galeries de passionnés dans lesquelles il a mis en écho représentation visuelle et représentation verbale aux fins de donner à voir autant qu’à lire les effets désastreux des passions mal conduites, ou les effets bénéfiques du bon gouvernement de soi ; depuis les Devises héroïques et morales de 1649, il s’affirme comme l’un des meilleurs représentants français de l’ars symbolica. 1 Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665. Voir Jean-Marc Chatelain, « Pour la gloire de Dieu et du roi : le livre de prestige au XVII e siècle », dans La naissance du livre moderne, dir. Henri-Jean Martin, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 2000, pp. 350-362 ; id., « Le livre de prestige », C.A.I.E.F., 57 (2005), pp. 75-98. Anne-E. Spica 20 Cette double expérience est au cœur de L’Art de régner. Si le contenu politique, dans la stricte lignée des traités jésuites post-tridentins sur le Prince chrétien 2 , n’a rien d’original à l’exception notable de sa date, bien tardive pour défendre de telles positions, en revanche, et toujours dans la lignée de ces traités qui érigent le Prince en exemple sur le Théâtre du monde 3 , l’ouvrage propose une variation particulièrement subtile de toutes les combinaisons iconiques à la disposition de son auteur : outre les devises gravées, descriptions, hypotyposes, art de l’exemple ... Le Moyne s’inscrit entre deux illustres prédécesseurs tout particulièrement. Il admire l’un sans le citer mais y puise à pleines mains ses exemples : son coreligionnaire Nicolas Caussin, dont il a visiblement lu de près La Cour sainte (1624). Il marque très nettement ses distances avec l’autre, cité une unique fois (p. 97) : Diego de Saavedra y Fajardo, l’auteur du plus célèbre recueil de devises politiques, l’Idea de un Príncipe político-christiano (1640), d’inspiration tacitiste adhérant à une position machiavélienne modérée et surtout Espagnol très critique à l’égard de la France. Le Moyne, avec les débuts glorieux du règne personnel de Louis XIV, souhaitait de toute évidence actualiser le modèle du Princeps christianus tel que l’ont élaboré ses précédesseurs Possevino, Ribadeneyra ou Bellarmin au cours de la première moitié du siècle. 4 Mais les paramètres énonciatifs du discours politique ayant depuis complètement changé, il choisit d’amplifier le potentiel visuel d’un tel discours pour contrer les arguments tacitistes ou au moins pragmatiques des « Disciples de Machiavel » (l’expression récurrente est de lui), afin 2 Voir Robert Bireley, The Counter-Reformation Prince. Anti-machiavellianism or Catholic Statecraft in Early Modern Europe, Chapel Hill and London, The University of North Carolina Press, 1989 ; Raymond Darricau, « La spiritualité du prince », XVII e Siècle, 62-63 (1964), pp. 78-111 ; Étienne Thuau, Raison d’État et pensée politique à l’époque de Richelieu [1966], Paris, A. Michel, 2000, pp. 87-92 ; Silvio De Franceschi, « Le modèle jésuite du prince chrétien. À propos du De officio principis Christiani de Bellarmin », XVII e Siècle, n°237 (2007/ 4), pp. 713-728. On y retrouve les mêmes points d’articulation et le même ordonnancement des vertus : le prince est au service de Dieu et la guerre peut être juste, en particulier au service de la foi. La piété est la première vertu du Prince, suivie de la prudence (par excellence le lieu des développements anti-machiavéliens, car elle est opposée à la « finesse » ou hypocrisie, et à l’opiniâtreté), de la justice, de la magnificence, de la clémence et de la miséricorde. 3 La métaphore fonde ainsi le développement de La Cour sainte de Nicolas Caussin. Nous nous permettons de renvoyer à notre « La figure d’un courtisan chrétien dans La Cour sainte », dans Nicolas Caussin : rhétorique et spiritualité à l’époque de Louis XIII (Sophie Conte éd.), Berlin, LIT Verlag, 2007, pp. 169-187. 4 Sur l’anti-machiavélisme de Le Moyne, voir Anne Mantero, « Saint Louys et l’art de régner », Œuvres et critiques, XXXV (2/ 2010), pp. 77-90. De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 21 d’offrir au public le seul vrai traité de devises politiques digne de porter le titre d’« Idée du Prince politique-chrétien » : un traité centré sur la question de l’unité affective d’un royaume, la philia aristotélico-thomiste qui fonde l’harmonie des États en général et le sacre monarchique en France précisément, au moment où l’invention du « public » 5 creuse l’écart entre les particuliers et le monarque. L’intermédialité au service du politique Le Moyne tire le meilleur parti du modèle proposé par Nicolas Caussin dans La Cour sainte, fondé sur l’interaction entre le texte et toutes les images qu’il suscite, matérielles ou mentales. Cette interaction dont la plaisante varietas est présentée comme la marque stylistique du discours qui s’adresse le mieux à ceux qui évoluent dans les plus hautes sphères de l’Etat, justifie d’emblée un style, ou une rhétorique profonde susceptible de s’appuyer sur l’échange entre la discursivité verbale qui énonce un raisonnement et l’immédiat caractère sensible de l’impression suscitée par les images. La Republique de Platon et les Politiques d’Aristote ressemblent plûtost à des figures fabuleuses, à des phantasmes de la fabrique des Poëtes, qu’à des Modeles de juste forme, et moulez sur le naturel. L’institution du Prince que S. Thomas nous a laissée, est l’ouvrage d’une Intelligence qui se peut dire des plus élevées, et du premier ordre. [...] Mais cette solidité est sans couleur, et cette force n’a point d’agrément : Et l’on m’avoüera qu’un corps sec et décharné, quelques solides qu’en fussent les os, quelques forts qu’en fussent les nerfs, trouveroit mieux sa place dans la boutique d’un Operateur, que dans le cabinet d’un Prince. [...] Les Princes, et ceux qui les approchent, ne sont pas gens qui aiment autrement à foüir [...] La connoissance que j’ay de leur delicatesse et de leurs degousts, m’a fait tenir une methode moyenne entre ce que les uns ont de trop delié et de trop subtil, et ce que les autres ont de trop étendu et de trop massif. J’ay tasché d’adoucir les duretez et les secheresses [...] de donner les assaisonnemens, qui sont comme les vehicules, par lesquelles la verité entre dans l’Esprit, et l’assujettit en luy plaisant. (Preface, oiv/ oijv) L’Art de régner, dont chaque démonstration est adossée à de nombreux exemples historiques, se présente comme une vaste galerie de portraits princiers donnés à voir au royal dédicataire, de manière à inscrire le sien en creux. Comme s’il constituait le point focal de cette galerie, le portrait du monarque organisé par le livre, portrait aussi bien idéal (le princeps 5 Sur cette notion, voir Hélène Merlin, Public et littérature en France au XVII e siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1994. Anne-E. Spica 22 christianus) que réel (celui du dédicataire), est à la fois la source et l’aboutissement de tous ces portraits, reconfigurant le principe médiéval du Miroir du Prince 6 , bien que le syntagme n’apparaisse jamais sous la plume de Le Moyne : Sire, S’il est vray que Vostre Majesté se plaise à voir les Portraits qui luy ressemblent ; j’ay sujet de croire, qu’elle ne méprisera pas celuy qu’elle verra dans cet Ouvrage. Le dessein n’en est pas commun ; les couleurs en sont nouvelles ; et je m’asseure que la ressemblance, qui est l’ame du dessein, et qui donne l’esprit aux couleurs, s’y trouvera plus parfaite qu’en tous ceux qui font l’ornement de vos Maisons, et la reputation de vos Peintres. (Dédicace, [aijv]) Une telle association revient à chaque page et c’est un peu la marque de fabrique du jésuite : en jouant constamment de la métaphore, bien attestée dans les traités de rhétorique contemporains en particulier lorsqu’il s’agit de toucher au sublime, selon laquelle écrire et peindre relèvent d’une même activité, Le Moyne établit la parfaite réversibilité du verbal et du visuel au service du discours politique. Cette réversibilité s’appuie sur divers procédés qui accentuent l’iconicité de L’Art de régner. L’histoire, comme chez Caussin, est un théâtre sur lequel le roi prend ses exemples et modèle sa conduite. L’Histoire luy fera un Theatre de tous les Siecles et de tous les Regnes : elle rassemblera les pieces de toutes les Monarchies que le Temps a demolies, et luy en dressera un Spectacle. [...] Semblables spectacles devroient estre la perpetuelle leçon des princes. (228-229) À plus petite échelle, les narrations historiques sont souvent construites sur l’énumération d’épisodes, racontés au présent, qui transforment le récit en hypotyposes descriptives relevant du tableau exemplaire : Mais Dieu ne souffre pas tousjours que les trahisons soient heureuses, et que les traistres atteignent leur but : il leur trouble quelque fois la veüe, et leur retient d’autres fois la main : il détourne souvent leur coup : et assez souvent le repousse contre eux, et le fait tomber sur leur teste. Il en arriva 6 Voir Michel Senellart, Les arts de gouverner : du régime médiéval au concept de gouvernement, Paris, Seuil, 1995. La désignation générique « miroir du prince » est récente; elle a émergé dans l’historiographie allemande au début du XX e siècle, pour désigner un ensemble hétérogène de traités moraux destinés à l’instruction du souverain composés autour du XII e siècle et qui ne portent pas nécessairement un tel titre. Voir Einar Mar Jonsson, « Les ‘Miroirs aux princes’ sont-ils un genre littéraire? », Médiévales, 51 (2006), pp. 153-166; Le prince au miroir de la littérature politique de l’Antiquité aux Lumières, éds Frédérique Lachaud et Lydwine Scordia, Le Havre, Presses universitaires du Havre, 2007. De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 23 ainsi à ce Cardinal infidele [Balue], et à l’Evesque associé à son infidelité. Le Courier qu’ils dépescherent vers le Duc de Berry, passant à Claye, fut arresté en pleine place, par un soudain caprice de son cheval, qui ne pût estre poussé de l’éperon, ny remué par les cris et les bras du Peuple, qui accourut à ce spectacle. Deux Archers des Gardes du Roy logez prés de là, estant venus au bruit que fit cette nouveauté, qu’il y avoit en cet accident quelque chose pardessus le caprice de la beste. Il le font descendre, le tirent à part, et le trouvent chargé des dépesches du Cardinal et de l’Evesque adressées au Duc de Berry. (342) La description réinvestit ici sa définition rhétorique : celle d’une définition par les traits extérieurs de l’objet en question, en l’occurrence une définition de la Providence qui veille sur les princes à l’écoute de la Sagesse divine. Outre la forte présence des allégories des vices et des vertus qui ponctuent l’énumération des devoirs du prince chrétien, des séries de figures récurrentes d’un bout à l’autre du livre, empruntées à la littérature profane comme sacrée, positives aussi bien que négatives, animent les démonstrations de manière très récurrente - Le Moyne a visiblement travaillé son texte comme une prédication orale. La succession presque obsédante des tableautins soutient l’attention de l’auditeur : le baladin et l’histrion auxquels le prince accorde trop d’attention, le géant destructeur et bientôt mis à bas, les ruines, les pillages et le sang du peuple versé pendant les guerres, le boucher opposé au bon pasteur, le mauvais et le bon médecin, des personnages mythologiques ou les héros de roman Roland et Tancrède opposés aux personnages historiques, le lion, l’agneau et la colombe, les fleuves dévastateurs et les ruisseaux tranquilles ... Ces figures récurrentes se fondent avec des emblèmes dans le texte, eux aussi largement présents presque à chaque page d’exposé notionnel. Ainsi la définition de la clémence passe-t-elle par la série animalière suivante, que l’œil du lecteur contemporain du texte aura tôt fait d’identifier avec des emblèmes politiques bien connus : Le lion s’adoucit quand on lui cède ; et ce qui tombe devant luy, est à couvert de ses dents et de ses ongles. L’Elefant détourne de sa trompe les moutons qui se trouvent sur son chemin : vous diriez qu’il a quelque respect pour leur foiblesse, et qu’il craint de les écraser de sa masse. Pour nous apprendre l’alliance qui doit estre entre la Clemence et la Royauté ; la Nature n’a pas voulu que le Roy des abeilles, qui est un Roy de sa façon, fust colere, comme le sont ses petits Sujets. Elle l’a fait plus doux et plus grand, plus benin et plus riche qu’eux : elle l’a doré, elle luy a donné Anne-E. Spica 24 de l’éclat et de la majesté : mais elle ne l’a point armé, elle ne luy a point donné d’aiguillon ny de malice. 7 (p. 414) Enfin, de l’emblème textuel à la devise gravée, le traitement même de la symbolique solaire dans ce livre mérite bien sûr toute notre attention. Bien que Dietmar Peil, dans son bel article sur Saavedra et Le Moyne, considère le recueil du Français inférieur à son rival espagnol, parce que l’itération systématique du même corps de devise finit par manquer d’ingéniosité 8 , on peut considérer que Le Moyne n’a pas si mal réussi son coup. Certes, l’association du soleil et du monarque n’a rien d’original, en Europe comme en France où elle est établie depuis au moins Charles V. Par contre, il convient de se rappeler qu’en 1665, l’association particulière du soleil et du mot Nec pluribus impar, que Louis Douvrier a inventée pour Louis XIV à l’occasion du carrousel de 1662 et popularisée par une médaille en 1663 9 , a déclenché un tollé international. D’une part, la personnalisation du soleil associé non plus à l’abstraction monarchique mais à un individu bien précis, qui s’érigeait au-dessus de ses pairs, choquait profondément les esprits. D’autre part, la devise de celui que l’on appelle aussi le « roi-planète », c’est-à-dire Philippe IV de Habsbourg, à la fois l’oncle et le beau-père de Louis XIV, avait déjà pour corps un soleil ; les Espagnols se sont plus fortement émus encore de cette probable provocation symbolique. 10 Au sein d’un ouvrage dont le cadrage et le titre, à vocation théorique et morale, marquaient la volonté de dépasser un débat ancré dans une actualité par principe fugace, Le Moyne associe la démonstration de l’excellence monarchique française au soleil symbolique tant contesté. Ce faisant, il affirmait haut et fort l’excellence de son roi actuel, rattaché par la cérémonie du sacre à cette longue tradition royale, ainsi que sa prééminence naturelle, cosmique et incontestable. 7 Voir Arthur Henkel et Albrecht Schöne, Emblemata. Handbuch zur Sinnbildkunst des XVI. und XVII. Jahrhunderts, Stuttgart : J.B. Metzler, 1967 et 1976, col. 395-396, 414-415 et 918. Dans une anecdote historique érigée en emblème (Art de régner, p. 350), Le Moyne retravaille même ce must symbolique qu’est la gestuelle princière, celle dont l’exemple canonique dans les traités représente Tarquin coupant en silence la tête de pavots pour répondre aux ambassadeurs romains. 8 « Emblematische Fürstenspiegel im 17. und 18. Jahrhundert : Saavedra-Le Moyne- Wilhelm », Frühmittelalterliche Studien : Jahrbuch des Instituts für Frühmittelalterforschung der Universität Münster, 20 (1986), pp. 54-92. 9 Catalogue des poinçons, coins et médailles du musée monétaire de la commission des monnaies et médailles, Paris, A. Pihan de la Forest, 1833, n°108, « devise du roi », p. 66 sq. 10 Gérard Sabatier, « Iconographie de Louis XIV de 1661 à 1672 », Histoire, économie et société, n° 19/ 4 (2000), pp. 527-560, part. p. 540. De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 25 Cette iconicité généralisée trouve toute son efficacité non seulement dans la présence, mais aussi dans la remotivation permanente des rapports entre visuel et verbal - écrit ou oral - au long du traité, sollicitant en permanence l’imagination et la mémoire du lecteur, mis en situation de lire, d’écouter et de voir à la fois le propos. Le Moyne revisite systématiquement les allégories qui lui servent à énoncer les vertus et les vices du Prince. Il établit une iconologie ad hoc, qui repose sur le détournement de l’image attendue et qui frappe tout particulièrement. Ainsi cette Fortune : Les Peintres qui luy mettent un gouvernail à la main, la connoissent mal, ou se moquent d’elle. Il luy faut au lieu de ce gouvernail, un baston comme en portent les Aveugles. Ainsi n’a-t-elle d’authorité que dans le monde des Poëtes : et ce ne sont que des Royaumes fabuleux, et des Republiques en peinture qu’elle gouverne. (p. 224) Il en fait autant avec des devises célèbres, celles qui ont fait l’objet des commentaires les plus élogieux des trattatistes italiens du siècle précédent, comme celle de François I er (p. 61) ou celle de Louis XII (p. 652). Le procédé s’étend des images artificielles aux naturalia, qu’elles servent ou non à constituer des corps d’emblèmes marquetés dans l’énoncé politique. Leur mise en scène sous les espèces de l’interrogation oratoire renvoyant à un paradoxe, voire à un adynaton dans le cas d’une réponse positive, transforme le récit des événements qui y sont rapportés en tableau frappant, en véritable image de mémoire : Une machine de comedie a-t-elle besoin de plus de concert et de plus d’étude, que la Fabrique d’un Royaume ? Et si le Prince peut honnestement et sans descendre de son rang, consulter un joüeur sur les pas et la figure d’un branle ; croira-t-il se faire tort et déchoir de sa dignité, quand il consultera les Sages et les Sçavans sur les regles qu’il doit tenir pour bien regner ? [...] le flambeau a-t-il de l’avantage et de la superiorité sur l’œil qu’il éclaire ? (528) Ce qui rend le procédé particulièrement efficace, c’est que les métaphores ou les comparaisons dont le texte est saturé se construisent sur l’inversion ou tout au moins la possible confusion entre littéral et figuré, entre comparant et comparé. Ce reversement est favorisé par le trait stylistique récurrent du traitement de l’image sous la plume de Le Moyne, c’est-à-dire l’expansion descriptive des topoï moraux et politiques. Il fait passer la séquence discursive de la métaphore à l’hypotypose des figures naturelles ou artificielles convoquées au service de la démonstration. La concrétude qui leur est ici donnée rend particulièrement agissante la combinaison visuelle obtenue. Anne-E. Spica 26 Voilà qui n’est pas sans intérêt pour éclairer le traitement du corps solaire dans les devises, longuement justifié dans l’Epître au Roy ([ẽij]). Louis XIV, plus qu’aucun autre roi, représente le soleil autant qu’il est représenté par lui. Le Moyne peut alors à sa guise faire du soleil le comparant du roi, ce qui confère à ce dernier une grandeur toute céleste (et de fait, seul le roi de France, est-il précisé au début du discours du Soleil au roi, sait écouter les avis du soleil), de même qu’il peut faire du roi le comparant du soleil, ce qui confère à ce dernier sa royauté sur les autres astres, parce que sa gestuelle est semblable à celle du souverain français. Comme une syllepse, le soleil et le roi de France ne forment qu’une entité signifiante dans leur visibilité, sub specie aeternitatis : une fois encore, le corps solaire d’une devise royale ne peut correspondre, dans l’immédiateté de sa contemplation, qu’au roi de France, sans contestation aucune. L’instauration iconique du roi 11 Que les Princes Barbares se cachent tant qu’il leur plaira : qu’ils ne paroissent jamais que dans des machines, ou sous des formes monstrueuses : qu’il y ait toûjours des voiles et des rideaux, des grilles et des murailles, entre eux et leurs Sujets [...] nos Princes qui voudront se faire aimer, prendront une methode toute contraire à celle-là : ils se garderont bien d’introduire en France la Politique de certains Mysterieux, qui pour se mettre en credit par la façon, et faire valoir leur badinage par le secret, se montroient aussi rarement que les Reliques des Saints, qu’on ne descend qu’une fois l’année. (458) Le roi est et fait image pour régner. Le Moyne décline la topique visuelle attendue à propos du Prince de la Contre-Réforme 12 mais donne une ampleur particulière à l’idée que l’image modèle les âmes : c’est la raison pour laquelle les conseillers ne peuvent venir de basse extraction (p. 550). De même le discernement, à la base des vertus royales, est dynamisé iconiquement sous sa plume : si les hommes en général « ne voy[e]n[t] que le dehors et la superficie des choses » (70), le roi qui est vraiment roi se définit par sa capacité, constamment réitérée, à se défier des apparences, à commencer par celles du pouvoir : la question est longuement posée à propos du choix des conseillers. 11 Sur les pouvoirs de la représentation royale, nous renvoyons directement aux ouvrages de Louis Marin, en particulier Le portrait du roi (Paris, Minuit, 1981) et Politiques de la représentation (Paris, Kimé, 2005). 12 Ainsi celle de l’éducation du prince à partir des images, déjà proposée dans le recueil de Saavedra, dont la deuxième devise représente une table d’attente. De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 27 L’image royale doit ainsi s’entendre comme la relation harmonique et éclairante, voire ontologique, d’une essence et de sa forme extérieure : le Prince se définit en fonction de sa nature visiblement, picturalement exemplaire. En témoigne l’extrait suivant, qui rejoue la formule horatienne de l’ut pictura poesis : Il est des grands Exemples comme des grands Tableaux : ce qui est secheresse et dureté à ceux qui regardent l’Ouvrage de prés, est tendresse, est simmetrie, est miracle de l’Art, à ceux qui le voyent de loin. Les Estrangers ont admiré, et la Posterité admirera, ce qui nous a paru de plus rigoureux et de plus severe, dans les exemples de la Justice de ce Prince. (299) Cette exemplarité définit la nature iconique profonde de l’art de régner tel que le conçoit Le Moyne. Il consiste en une relation d’imitation, précisément développée aux pages 360-361. Le prince se souciera donc tout particulièrement des images qu’il donne du pouvoir, car elles déterminent celles qu’il laisse dans les mémoires et dans l’histoire. Le jésuite, en bon communicateur avant l’heure, insiste constamment sur la nécessité qui incombe au prince, reconnaissable d’abord dans les justes images de sa souveraineté, de donner à son peuple les images qu’il attend, comme sur l’idée de mémoire historique et collective, celle qui assure la survie éternelle du Prince. Les peuples qui ne jugent des choses que par le bruit et par la montre ; et qui ne connoissent point d’autre grandeur, que celle qui étourdit et qui offusque ; conçoivent une haute opinion de la Royauté, à laquelle ils voient une apparence si pompeuse, et des dehors si magnifiques. Et cette opinion les tenant dans le respect et dans la sujetion qu’ils luy doivent, il semble juste en quelque façon, qu’ils contribuënt du leur à cette pompe et à cette magnificence, qui les instruisent par la veüe ; et leur aident à demeurer dans l’assiete qui est necessaire à leur repos. (585) Que L’Art de régner soit un art de la représentation et de la gestion des images n’a en soi rien pour nous surprendre, à une période à peu près contemporaine de la petite Académie et des premiers projets de décors symboliques à Versailles. Dans ce cadre, cependant, il est tout à fait intéressant de voir combien Le Moyne insiste sur la valeur iconique bien plus qu’icastique de la bonne représentation. L’image royale ne relève pas de l’illusion mimétique mais d’une construction : l’idée de perspective, de juste point de vue revient régulièrement au long de L’Art de régner. Elle constitue la signature symbolique de la vérité de son objet. L’essence royale est d’image comprise au sens théologique du terme. Amplifiant la figure du Princeps christianus façonnée dans les traités de ses coreligionnaires, Le Moyne fait de la ressemblance le nœud même de la légitimité du souverain, qui ne peut être, au reste, que chrétien ; la conséquence s’impose d’elle- Anne-E. Spica 28 même. On en trouve un remarquable développement des pages 404 à 415, où Le Moyne érige en logique de représentation ce qui relève du dogme chrétien. L’homme est à la ressemblance de Dieu et son existence entière, consacrée à la louange de son Créateur, trouve sa justification dans la bonne imitation de Jésus-Christ. Cette évidence dogmatique, Le Moyne l’assortit d’une évidence royale française : lors du sacre, le roi est l’oint de Dieu. En tant qu’homme et en tant que roi, la première raison se surajoutant à la seconde, le Prince digne de ce nom est donc bien fondamentalement imago, ressemblance dynamique, positive et agissante. Le Moyne y insiste particulièrement au traitement de la clémence, cette vertu caractéristique du roi chrétien car elle découle au premier chef de la principale vertu royale - et la première dans l’ordre du traité de Le Moyne : la piété. C’est d’ailleurs le traitement de la clémence, dans les traités jésuites de la Contre-Réforme, qui fournit les arguments les plus offensifs contre une conception machiavélienne de la souveraineté : l’intérêt du Prince contre celui de ses sujets relève du pur blasphème. Le roi de France, plus qu’un autre, reçoit sa raison d’être de l’ad imaginem et ce rapport d’imitation agissante, informante, organise un univers symbolique qui est tout autant l’univers de référence de sa légitimité. Cet aspect de la représentation politique nous invite, ce faisant, à compléter notre réflexion sur l’unique corps solaire des devises. En tant qu’il est par nature associé à Dieu autant qu’au roi dans la symbolique humaniste, il légitime à la source comme il justifie a posteriori la souveraineté royale. Le motto Nec pluribus impar, qui n’est évidemment jamais cité, mais qui pourrait accompagner chacune des devises de L’Art de régner, ne peut relever de l’orgueil impie. Au contraire, il signale en toute neutralité, en toute logique naturelle, l’éminence royale glorieuse de son porteur, investi divinement. Le rapport symbolique, parce qu’il concerne deux objets à la fois, le roi et Dieu, se trouve comme lexicalisé ; l’ingéniosité s’efface devant la valeur probante liée à cette multiplication de supports. Comme la troisième devise l’expose par l’image aussi bien que par le texte, en tête du discours consacré à la piété, le soleil est exactement à Dieu ce que le roi est à Dieu, c’est-à-dire son image. Les deux images se superposent naturellement, leur identité fonctionnelle légitimant leur identité iconique. Le roisoleil, et il faut prendre le nom composé non pas dans son acception apollinienne, mais chrétienne, Dieu visible sur terre, se confond avec son regard qui se confond lui-même avec la luminosité divine métaphorisée par la luminosité solaire. Voir, comprendre et éclairer relèvent du même geste fondateur d’une légitimité souveraine incontestable et de la gloire qui lui est assortie. L’épigramme de la devise qui ouvre le discours sur la Prudence De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 29 (ill. 1) repose elle aussi sur cette syllepse iconique : le roi est un soleil qui sait en éclairant, dont l’omniscience relève d’une vision panoptique. Enfin et surtout, l’image royale revêt tous les caractères de l’image sacrée, celle que la doctrine catholique a très précisément définie lors de la 25 e session du Concile de Trente, en filigrane du raisonnement de Le Moyne. Elle est chez lui d’ordre acheiropoïète 13 et appelle la même « vénération 14 » que l’image sacrée ; elle s’oppose aux fausses idoles conformément aux arguments patristiques classiques en la matière : Tant d’éclat et tant de grandeur qu’il vous plaira : si la Prudence manque à l’un et à l’autre, le Prince ne sera en rien different de ces Idoles dorées, qui servent de nids aux araignées et aux mousches. Ce sera une souche pareille à celle dont les grenoüilles se joüent dans la Fable. (225) Cette représentation de la souveraineté informée par le principe de l’ad imaginem chrétien instaure un dernier type d’intermédialité. Si la modélisation du pouvoir passe par l’institution d’un portrait christique du prince et si l’essence royale est inséparable de son iconicité, alors ce portrait est luimême l’objet d’une peinture des passions bien particulière. Regarder et passionner La représentation de l’ethos royal combine un réseau d’images de passion en lien avec la sacralisation de l’image du souverain. Si le Prince est à l’imitation de Dieu, éprouver des passions humaines est contraire à sa nature car 13 « Et qui n’eust point esté surpris, de voir en vous, Sire, un Art consommé, sans apprentissage et sans essay ? une perfection, sans commencement et sans ébauche ? D’y voir une maturité en la saison du Printemps : une lumiere du Midy dès le matin ? Mais une maturité sans culture qui l’eust precedée : mais une lumiere qui partoit de source ; qui n’avoit rien de presté ; qui estoit toute vostre et de vostre fonds ». (Epître au roi) 14 « Cette mine et cette grace, Sire, viennent d’aussi haut, et sont d’aussi bon lieu que l’Esprit et l’Intelligence. Elles sont le premier assortiment et le plus naturel apannage de l’Empire. Et le Fils de Dieu venant regner parmy les Hommes, n’apporta point de plus visibles marques de sa Royauté, et n’en prit point d’autres sur la Terre. Ces marques-là, Sire, qui ne consistent pas en dorures ny en pierreries ; qui sont de l’impression du doigt de Dieu, et qui sont inherentes à vostre Personne, ne sçauroient vous estre ostées. Et quand V.M. pour mettre nos yeux à l’épreuve, et pour faire essay de ce qu’elle est, se seroit cachée dans la foule de ses Gardes, nos yeux ne laisseroient pas d’aller droit à elle : et toute la pompe, toute la magnificence qui se montreroit ailleurs, ne détourneroit point ailleurs nostre veneration et nostre culte. » (Epître au Roy, ẽ). Le terme revient encore un peu plus loin dans l’Epître (ẽij). Anne-E. Spica 30 elles brouillent l’iconicité de la majesté royale. Entre de très nombreux exemples, retenons cette jolie réécriture des fameux Silènes d’Alcibiade : Les capricieux Silenes d’Alcibiade autrefois si renommez par la bizarrerie de leur artifice, estoient d’une monstrueuse deformité ; et les grimaces de leurs visages, les contorsions de leurs corps les rendoient encore plus monstrueux et plus difformes : mais il y avoit au dedans un jeu de certains ressors, qui ravissoient les oreilles par leur harmonie, tandis que la veuë estoit offensée de la laideur du visage, et des grimaces de la mine. Le Prince colere n’est pas de ces Silenes difformes au dehors, et harmonieux au dedans. La deformité est beaucoup plus grande dans son ame que dans son corps : et si sa Passion luy pouvoit causer à l’exterieur une alteration pareille à celle qu’elle luy cause au dedans, il luy viendroit à la teste des couleuvres au lieu de Couronne ; et des serpens dans les mains au lieu de Sceptre. (191) Le bon souverain, en endossant le vêtement christique lors du sacre, revêt les passions divines, c’est-à-dire devient pur amour, pure compassion, car il renonce aux passions humaines : [...] il doit régner selon les formes, et sur les modeles que Dieu luy donne. Et qui est l’insensible, qui ne sente point que le regne de Dieu est un regne d’amour et de douceur ; un regne de Mere, et de Mere tres-pitoyable et tresamoureuse ? (449) Aussi est-il veritable que toutes les actions qui sont interieures à Dieu, et qui ne sortent point hors de luy, n’estant que contemplation et amour ; et toutes les actions qui luy sont exterieures et qui se terminent hors de luy, n’estant que jugement et justice à l’égard des Hommes, que proportion et simmetrie à l’égard du Monde ; on peut dire que les actions d’un Prince juste et pieux sont toutes actions de Dieu. Il contemple comme Dieu : il aime comme Dieu par la Pieté [...]. (261) Cette unique passion du souverain, qui ressemble de fort près à la description de l’amour divin telle que l’a consentie Le Moyne au second livre des Peintures Morales, porte aussi dans L’Art de régner le nom d’« amour héroïque », réservé au magnanime et longuement défini au discours sur la modération. L’héroïsme miséricordieux et compatissant qu’il suscite, issu de la ressemblance continuée avec Dieu, situe le prince dans une sphère supérieure. La passion royale se caractérise donc, à l’inverse des passions humaines, par son immobilité, par son égalité : et elle justifie une fois encore l’emploi du corps solaire des devises, parfaitement appropriée à l’expression de la passion royale. Ainsi en va-t-il des devises de la Bonté, de la Bonne Foy et de la Modération (ill. 2, 3, 4), qui expriment chacune à leur tour, aussi bien dans la composition du corps gravé que dans l’épigramme en souscription, cette ataraxie toute divine du souverain. De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 31 Il se trouve que la compassion, comme une thèse récemment soutenue par Fabien Cavaillé sur le théâtre d’Alexandre Hardy l’a magistralement démontré à partir des analyses de Martha Nussbaum 15 , est par excellence la passion qui soude la communauté politique. Compatissant et miséricordieux, le roi instauré par la juste représentation, tout au long de L’Art de régner, de la passion qui le définit, peut mieux que quiconque servir de ferment d’unité, d’harmonie au royaume : il incarne bien la philia aristotélicienne, la communauté affective d’amitié sans laquelle, comme l’ont rappelé avec insistance les traités politiques composés par la « mouvance constitutionnelle » des parlementaires français de la fin du XVI e siècle, repris tout au long du premier XVII e siècle jusqu’au Catéchisme royal de Fortin de la Hoguette (1644), il n’y a pas de communauté politique en France. 16 Le corps solaire qui l’exalte, à la fois Dieu et roi, est devenu un vaste symbole positif, englobant, suscitant l’adhésion et l’admiration d’un lecteur. Ostensoir glorieux d’un roi-icône, à tous les sens du terme, il offre ici une des dernières manifestations de la fusion des sujets et du roi dans le corps mystique du pouvoir royal français, garanti par le sacre. Il faudra conclure cependant sur une tonalité plus dubitative. Le Moyne (1602-1672) souhaitait-il, lui qui a connu les troubles politiques traversés par Louis le Juste, comme la Fronde encore présente dans les esprits, renouveler avec cette représentation passionnelle et mémorielle du roi chrétien la « monarchie d’amour » valoisienne, brisée lors des guerres de Religion ? Force est de reconnaître que la cristallisation visuelle symbolique du souverain qu’il propose ici est particulièrement apte à favoriser la fusion amoureuse du sujet et de la monarchie. Par contre, force est de reconnaître, tout autant, qu’elle allait à l’encontre de la personnalisation symbolique entreprise par la petite Académie attachée à fournir au Roi-Soleil un arsenal de figures destinées à l’exalter lui, plus que la souveraineté dont il était le dépositaire momentané. Le Moyne se situait au rebours des inflexions de la pensée politique de la souveraineté et du public et son traité n’eut pas l’écho qu’il escomptait. 15 Fabien Cavaillé, « Alexandre Hardy et le rêve perdu de la Renaissance. Spectacles violents, émotions et concorde civile au début du XVII e siècle », dir. Gilles Declercq, Paris III, 2009 ; Martha Nussbaum, Upheaval of Thought, the Intelligence of Emotions, Cambridge UP, 2001. 16 Voir J.-M. Chatelain, « Institution civile et pensée constitutionnelle : pour une lecture politique de L’Astrée », dans Lire L’Astrée, Actes du colloque Paris, 4-6 octobre 2007, éd. Delphine Denis, Paris, PUPS, 2008, pp. 189-200 ; Guido Canziani, « “Politiques” pour le Prince. Traités et manuels au début du règne de Louis XIV », dans L’État classique : regard sur la pensée politique de la France dans le second XVII e siècle, éds Henri Méchoulan et Joel Cornette, Paris, Vrin, 1996, pp. 93-111. Anne-E. Spica 32 Illustrations Ill. 1 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [216] De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 33 Ill. 2 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [438] Anne-E. Spica 34 Ill. 3 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [354] De l’Art de régner de Pierre Le Moyne (1665) 35 Ill. 4 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [140] Anne-E. Spica 36 Illustrations Fig. 1 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [216] Fig. 2 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [438] Fig. 3 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [354] Fig. 4 : Pierre Le Moyne, De l’Art de régner, Paris, S. Cramoisy, 1665, p. [140]