eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 41/81

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
121
2014
4181

Bernard Chédozeau: L’Univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal. Les Préfaces de l’Ancien Testament. Une théologie scripturaire (1672-1693). Les Préfaces du Nouveau Testament (1696-1708). Préface de Jean Lesaulnier. Paris: Champion, 2013 («Sources classiques» 112). 2 vols. 905 p

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2014
Volker Kapp
pfscl41810435
PFSCL XLI, 81 (2014) Bernard Chédozeau : L’Univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal. Les Préfaces de l’Ancien Testament. Une théologie scripturaire (1672-1693). Les Préfaces du Nouveau Testament (1696-1708). Préface de Jean Lesaulnier. Paris : Champion, 2013 (« Sources classiques » 112). 2 vols. 905 p. La traduction de la Bible par un groupe de « Solitaires » de Port-Royal permet de mieux comprendre certains côtés de la littérature française puisque les grands auteurs jusqu’à Rimbaud s’y réfèrent. Philippe Sellier a rendu de nouveau ce texte accessible dans la collection Bouquin (1990). Son édition et ses jugements, allégués ici régulièrement, font autorité. Il restait une lacune, l’absence des préfaces, que Bernard Chédozeau comble par ces deux volumes, qui couronnent la longue série de ses travaux sur Port-Royal. Chédozeau cherche à préciser leur portée par une longue introduction (13-156) et une conclusion (817-856). Les trois annexes sur la « publication » (857-872), les « prises de privilèges » (872-882), la « dates des privilèges et achevés d’imprimer » (883-884) documentent les données éditoriales, auparavant enregistrées sommairement en notes pour chacune des préfaces. Chédozeau discute abondamment la problématique du sens littéral et spirituel de l’Ancien Testament dont les préfaces lui semblent supérieures à celles du Nouveau Testament, disqualifiées dans l’introduction très succincte (671-675). D’après lui, les développements de Richard Simon sont supérieurs à ceux de la préface de l’Évangile selon saint Matthieu d’un « caractère un peu vieilli » (678), autrement dit, l’exégèse critique de la Bible marque un progrès par rapport à l’exploitation des Pères de l’Église dans la Bible de Port-Royal. Est-ce un hasard que saint Augustin soit absent de l’index (893- 899) ? L’éditeur se distancie sur ce plan des Solitaires, qu’il ne cesse par ailleurs d’exalter, parce que la préface de l’Évangile selon saint Luc « est moins riche que celle du Nouveau Testament de Mons » (694). Ce scepticisme n’empêche pas de conclure que « grâce à Port-Royal et à l’Oratoire, dans le domaine biblique et liturgique la France dispose de traductions et d’explications d’une qualité exceptionnelle » (819). Cet éloge nous semble justifié, mais la comparaison avec l’exemple de « Luther pour l’Allemagne » (820) n’est pertinente que pour la « théologie scripturaire » (821), où Port-Royal favorise la lecture biblique des laïcs autant que ce réformateur. Les considérations sur la théologie biblique et la prise en considération de la longue durée jusqu’au concile Vatican II (844-846) n’entrent pas dans ma compétence de critique littéraire. Dans le domaine linguistique, il faut se méfier d’un parallélisme superficiel avec la traduction de Luther, qui assure à la langue allemande une prédominance sur les nombreux dialectes régionaux, PFSCL XLI, 81 (2014) 436 tandis que la traduction de Port-Royal profite des débats linguistiques hors de l’orbite des théologiens. La langue littéraire allemande se développe sur la base du texte biblique proposé par Luther, mais les traducteurs de Port- Royal n’enrichissent le français que grâce à leur engagement dans le domaine de la littérature religieuse. Les textes sont ordonnés selon l’année de leur publication : les Proverbes (1672), les douze petits prophètes (1679), le Pentateuque (1682-1685) sont réunis sous un intitulé spécifique. Une deuxième section comprend les Livres des Rois (1686) et les autres livres de l’Ancien Testament. La Préface générale sur l’explication littérale de toutes les Épîtres de saint Paul est intercalée entre celui du Livre d’Esther (1688) et des Psaumes de David (1689). D’après l’éditeur, la préface aux épîtres de l’Apôtre, publiée en 1678-1679, puis en 1708, et celle des Psaumes « traitent de façon très différente d’un même sujet » (491), à savoir de la mise en relief du sens littéral, argument primordial des préfaciers et centre d’intérêt prédominant de l’éditeur constatant toutefois avec regret l’absence complète « de définition du sens littéral » (23). On doit se contenter des « définitions indirectes » (23) qui résultent, d’une part, de la théorie inspirant les traductions, et qui varient d’autre part selon les genres des livres historiques, sapientiaux, prophétiques. La Préface sur l’explication littérale de toutes les Épîtres de saint Paul utilise « le nom d’explication comme le plus simple » et y ajoute « celui de littérale afin de distinguer cette explication de toutes celles qu’on peut appeler mystiques » (500). Chédozeau constate la préoccupation de saisir la littéralité : « Chercher le sens naturel, telle est donc la tâche que se donnent les commentateurs » (74) d’Isaac Louis Lemaire de Sacy pour l’Ancien Testament à Pierre Thomas du Fossé et Charles Huré pour le Nouveau. Il commente le terme naturel p. 74-91 et de nouveau p. 492-498 ainsi qu’en notes p. 168, 307, 544, 567, 669, 741. On aurait préféré à cette répétition une élucidation des allusions érudites dans les notes des traducteurs, par exemple p. 452, note 1052 « Estius » ou note 1053 « Synops. Critic. », indications incompréhensibles pour le lecteur contemporain. Une nette distinction entre les notes de l’original et celles de l’éditeur aurait évité des malentendus, par exemple note 1062 où figure le nom de « Corduc » pour préciser « un savant traducteur » (455), explication provenant probablement des traducteurs. Bien que « la remise en cause du recours aux Pères et à la Tradition [soit] un des lieux de la Querelle des Anciens et des Modernes » (99), Henri de Lubac n’est pas le seul à déplorer que le recours à l’explication du sens spirituel des Pères de l’Église soit tombé en discrédit. Les Solitaires lisent la Bible « dans le cadre strict des Pères et de la Tradition » (101) afin de correspondre aux directives du Concile de Trente et d’éviter les soupçons Comptes rendus 437 d’un manque d’orthodoxie. Le choix du texte, toujours « la Vulgate seule » (167), est modifié en partie par le regard supplémentaire sur les autres versions de la Bible. Les traducteurs optent pour la littéralité au risque d’être « obscur » (167). Ils se méfient de « cette élégance qui est estimée dans le monde » (179) et tiennent toujours à distinguer le « langage de Dieu » et « celui du monde » (180). Cette problématique vivement discutée à l’époque reste à l’arrière-plan des préfaces. Le principe « d’exprimer en notre langue les paroles mêmes de l’Écriture » se heurte dans la pratique à la diversité linguistique des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les Pères de l’Église sont pris en considération parce que le sens littéral, « fondement des autres sens qu’on leur donne » (545) s’enrichit « surtout dans les psaumes, des sens consacrés par l’usage et l’intelligence de l’Église » (545). En rappelant « que des explications sont nécessaires pour toute la Bible » (169), Sacy adopte pour l’Ancien Testament « une position différente de celle que les Messieurs avaient retenues pour le Nouveau Testament » (169). Il commence par Les Proverbes de Salomon parce que cet ouvrage correspond aux attentes des lecteurs des moralistes dont il se distingue par le prestige d’un auteur royal, Salomon, instruisant les fidèles. La préface à l’Ecclesiaste vante la « morale très claire » (394), exige toutefois de s’attacher « au sens spirituel afin d’appliquer aux chrétiens ce qui a été dit aux Juifs » (395). Le Cantique des Cantiques, attribué au même Salomon, termine les traductions de l’Ancien Testament parce qu’il est « un poème » (669) dont les « expressions figurées » (661) sont difficiles à traduire et encore plus difficiles à comprendre. Il faut avoir « des vues toutes spirituelles » (656) pour pénétrer à travers la surface charnelle « les mystères tout spirituels de l’alliance du Verbe avec la nature humaine dans l’Incarnation et de l’alliance de l’Homme-Dieu avec l’Église sa sainte Épouse » (662). Cette structure du Cantique des Cantiques est un défi pour les promoteurs du sens littéral de l’Écriture, et Chédozeau qualifie leur préface d’« un peu décevante » (655), mais de « riche » (723) celle de l’Apocalypse, « cet excellent livre, aussi obscur qu’il est respectable » (730). Les traducteurs tiennent l’Apocalypse pour « un livre prophétique » dont « le sens mystique doit être fondé sur les sens historique et littéral » (740). Ils préfèrent le sens « que le Saint-Esprit a eu principalement en vue selon la signification naturelle des termes, ou selon le rapport qu’ils ont avec certaines choses dont ils sont la figure » (741). Se référer au Saint-Esprit en garant de « la signification naturelle des termes » est une profession de foi qui justifie aussi le figuralisme. L’index n’enregistre pas le terme de « sublime », quoique la préface à la Genèse se termine par un chapitre intitulé « Simplicité sublime de l’Écriture » (322). L’historicité des énoncés du Pentateuque va de soi pour les PFSCL XLI, 81 (2014) 438 préfaciers aussi bien que le principe de l’exemplarité dont la préface au livre d’Esdras souligne l’importance en répétant la doctrine rhétorique suivant laquelle « [l’]exemple est d’un plus grand poids que les paroles pour persuader les peuples » (641). Le genre des devises est évoqué dans la préface d’Isaïe. La doctrine connue suivant laquelle « on prend pour corps quelque chose qui est ordinaire dans la nature pour marquer d’une manière courte et ingénieuse une vérité qu’on a dans l’esprit » (223), est appliquée au lierre pour discuter ensuite le rapport entre « le sens de la lettre et le sens spirituel » (224). Le préfacier pense mettre en évidence que le sens spirituel « est l’âme dont ce sens littéral n’est que le corps » (224). Le critique littéraire se rend compte dans quelle mesure cette argumentation théologique se base sur la poétique de l’époque. Ces préfaces sont une mine riche pour celui qui voudrait saisir l’altérité du XVII e siècle. Elles seront désormais faciles à consulter grâce à la présente édition. Volker Kapp Mathilde Levesque, Olivier Pédeflous (dir.) : L’emphase : copia ou brevitas ? (XVI e -XVII e siècles). Paris : PUPS, 2010. 180 p. L’emphase, qualifiée de pompe, passe de nos jours pour un défaut de style. De l’Antiquité au XVII e siècle, les manuels de rhétorique sont unanimes à la décrire comme un procédé permettant de condenser l’énoncé. Les deux notions de copia et de brevitas sont censées caractériser ses possibilités de le mettre en relief, ces propriétés n’étant pas encore antagonistes. L’actuelle dépréciation fait de la brièveté le contraire de l’emphase et n’attribue à l’abondance qu’une signification négative. Les jugements erronés des critiques ignorent les modifications du concept. La prise en considération de la rhétorique ancienne invite à le réévaluer en retraçant les moments cruciaux de la modification de la doctrine. Au XVI e siècle, les grands auteurs perpétuent encore l’ancienne rhétorique mais, au XVII e siècle, Boileau loue « l’emphase admirable » en condamnant toutefois « l’ambitieuse emphase ». Cendrine Pagani-Naudet cite ces deux énoncés (« Emphase et dislocation », 43) et illustre l’évolution du goût par le Discours sur le style des inscriptions où Boileau justifie la substitution des inscriptions latines de François Charpentier dans la galerie des Glaces à Versailles par les devises françaises écrites par lui-même et par Racine sur l’ordre du roi exigeant de remplacer « ces pompeuses déclamations » par des « inscriptions simples » (43). Pagani-Naudet néglige l’arrière-fond culturel pour se concentrer sur les aspects grammaticaux. Ces actes d’une journée d’étude analysent les