eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 42/82

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
61
2015
4282

Anne Régent-Susini (dir.): L’éloquence de la chaire à l’âge classique, Revue Bossuet, Supplément au n° 2, 2011. 173 p. – Gérard Ferreyrolles (dir.): L’éloquence de la chaire à l’âge classique (II), Revue Bossuet, Supplément au n° 4, 2013. 299 p.

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2015
Volker Kapp
pfscl42820228
PFSCL XLII, 82 (2015) 228 spectators. Racine succeeds admirably in creating a theater that will provoke tears without displeasing, will inspire pity without weakness; overwhelm without shocking, please without simply seducing. She concludes on a note focusing on the intensity of Racine’s theater, its violence, its difficulty, and recalling to the reader that the actors who performed Racine were just that, human beings, but that Racine’s theater elevated the characters to positions as men who were also major markers in history. This is a beautiful book. It stands with the studies on Racine’s theater by such seasoned critics as Richard Goodkin, Jacques Morel, John Lyons, Hélène Merlin, Georges Forestier, Gérard Defaux, Lucien Goldmann, Louis Marin, in no particular order, and more recently Volker Schröder, and reassures us that the fate of seventeenth-century French Studies is passing into capable young hands, and certainly Racine studies will be with us for quite some time to come. La Bruyère’s “tout est dit” may be proven wrong yet again. Michèle Longino Anne Régent-Susini (dir.) : L’éloquence de la chaire à l’âge classique, Revue Bossuet, Supplément au n o 2, 2011. 173 p. Gérard Ferreyrolles (dir.) : L’éloquence de la chaire à l'âge classique (II), Revue Bossuet, Supplément au n o 4, 2013. 299 p. Les deux suppléments de la Revue Bossuet consacrés à l’éloquence de la chaire remplissent une lacune constatée dès 1980 par Marc Fumaroli, qui sollicitait une étude de l’âge de la prédication « en rapport à la fois avec l’histoire de la rhétorique, l’histoire sociale et l’histoire de la spiritualité ». Les études réunies dans ces deux publications sont consacrées à ces trois aspects. Le genre littéraire du sermon méritait d’être traité dans deux séminaires de master à l’université Paris-Sorbonne dont ces volumes rendent accessibles les exposés en se complétant mutuellement. Une bibliographie, élaborée par Ferreyrolles, se base primordialement sur les indications des contributeurs, option qui entraîne des inconvénients, dont il faut signaler au moins deux. Elle néglige Louis de Grenade, quoique cité par Laurent Susini. Son ouvrage Rhetoricae exxlesiasticae, sive de Ratione concionandi libri sex (1576) est publié à Paris par G. Pelé en 1635. Sa version française La rhétorique de l’Eglise ou l’éloquence des prédicateurs, due à Nicolas Joseph Binet, y sort en 1611. P. Le Monier la publie de nouveau en 1673, Cl. Hersant obtient en 1696 un autre privilège qu’il cède en 1698 à l’éditeur Comptes rendus 229 Louis Roulland. Ses œuvres spirituelles ou ses sermons sont bien diffusés au XVII e siècle en France et sa biographie La Vie du Révérend Père Louis de Grenade (1668) est écrite par André Félibien. La deuxième lacune concerne Le Ministère évangélique (1726) de Laurent Juillard, abbé Du Jarry, qui figure à juste titre dans cette bibliographie. Ce manuel contient un Supplément à la Dissertation sur les oraisons funèbres (p. 392-410). Malheureusement, cette Dissertation, publiée en 1706, est ignorée dans les indications bibliographiques aussi bien que par Bernard Gallina, dont analyse de « L’oraison funèbre de Turenne par Fléchier » aurait pu en profiter. Les onze contributions réunies et présentées par Anne Régent-Susini se penchent surtout sur des aspects généraux. Éric Tourrette confirme que les traités de rhétorique, qui annoncent un parallèle entre l’éloquence de la chaire et celle du barreau, ne s’en occupent qu’« en position périphérique » (13). Isabelle Brian décrit l’organisation des prêches aux XVII e et XVIII e siècles, la postérité ne connaissant pas les prônes prononcés pendant la messe, qui se réduisent à « une explication très rapide de l’Évangile » (24). Nous disposons tout au plus des « sermons détachés » et des panégyriques quand ils sont imprimés. L’Avent et le Carême sont les moments privilégiés de ces oraisons qui durent « entre trois quart d’heure et une heure entière » (24). Pour les prononcer, il faut une licence délivrée par les grands vicaires, les évêques ou les supérieurs. Les ordres mendiants, les jésuites et les oratoriens fournissent le plus grand nombre de prédicateurs. C’est un métier difficile que d’être prédicateur à Paris. Anne Régent-Susini complète ces informations par une analyse des différences entre « Prêtres des grands et prêtres des champs : stations d’apparat et missions rurales au XVII e siècle ». Les historiens distinguent entre les « stations, séries de sermons » mondains et les « missions » populaires renvoyant « à une forme d’auctorialité collective » (42-43). Chacun des deux types suit un paramètre spécifique. Les exemples étudiés par Régent-Susini autorisent toutefois à conclure que la prédication populaire ne semble pas avoir été, « en esprit du moins, et peutêtre même en pratique, si différente de la prédication extraordinaire mondaine » (57). Sophie Conte confirme ce constat par son analyse de « L’éloquence sacrée selon Nicolas Caussin : de la gravitas à la popularitas ». Ce jésuite qui puise l’idée de la popularité chez saint Augustin, recommande « un style qui, sans être démagogie populaire, est l’art de connaître les hommes pour adapter le discours à ce qu’ils sont » (85). Chrysostome est pour lui, et pour bien des sermonnaires de l’époque, le modèle par excellence. Simon Icard se penche sur ce Père de l’Église dans « Saint Jean Chrysostome : un modèle d’exégèse pour la prédication classique ? ». D’après Pierre Descotes (« Saint Augustin et la conversion de l’éloquence païenne »), cette seconde autorité, saint Augustin, n’adapte la rhétorique PFSCL XLII, 82 (2015) 230 païenne pas simplement par « un calque » mais par un « changement de modèle », l’Écriture sainte, dont l’utilisation « a des implications théoriques considérables » (138). L’histoire de la spiritualité vient au premier plan dans l’exposé de Sophie Hache « Les oratoriens et la messe aux XVII e et XVIII e siècles : perspectives rhétoriques ». Les prédicateurs de l’oratoire s’occupent de la messe dans des séries de sermons aussi bien que dans des publications destinées ou aux prêtres ou aux laïcs. Cette réflexion théologique représente pour ainsi dire le complément religieux des « enjeux anthropologiques de la querelle de la prédication au XVII e siècle » mis en évidence par Aurélien Hupé. Les bases spirituelles de la liturgie risquent de s’obscurcir face à la montée d’une pensée historique qui, sous l’influence du protestantisme, qualifie les cérémonies « de formes de piété […] obscurantistes » (168). C’est pourquoi Pierre Le Brun se sent amené à défendre « l’interprétation figurée des cérémonies » (167). Le Père Le Jeune et Jean-Jacques Olier relient leurs développements sur la liturgie à la théologie de l’Eucharistie en s’inspirant des Œuvres de piété de Pierre Bérulle. Les onze articles réunis et présentés par Gérard Ferreyrolles focalisent l’attention sur thèmes et prédicateurs. Quatre contributions analysent Bossuet, tandis que saint François de Sales, Esprit Fléchier, Claude de La Colombière et Louis Bourdaloue ne sont respectivement qu’au centre d’une seule. Les Pères de l’Église (Matthieu Cassin, « Prédication patristique et prédication moderne : préfaces aux homélies cappadociennes »), la prédication des réformés (Hubert Bost, « La prédication protestante au creuset de l’épreuve et de la persécution (XVII e - XVIII e siècles) ») et les apologètes (Sylviane Albertan-Coppola, « Éloquence et Lumières : sermons apologétiques du XVIII e siècle ») élargissent le champ d’investigation par rapport au volume précédant. En guise d’introduction, Gérard Ferreyrolles brosse une synthèse succincte des « âges de la prédication » où, pour le siècle classique, il avertit des risques de la périodisation, proposée par Jacques Truchet et Jean-Pierre Landry, qui distinguent trois moments de l’éloquence sacrée au XVII e siècle. Il propose « de superposer à [leur] découpage à dominante générationnelle un cadre plus large et plus souple » (31). Parmi les critères importants figurent « un effacement de la vision analogiques du monde » et le recul de « l’influence de l’École » (31), dont le vocabulaire scolastique se heurte à l’importance croissante du modèle de l’honnête homme. Ferreyrolles rappelle que « la prédication est un événement éminemment social, qui se déroule depuis les grandes églises parisiennes où les marquises envoient des laquais occuper leurs places deux jours à l’avance pour un sermon de Bourdaloue jusqu’aux champs de foire de Basse-Bretagne » (32). Hélène Michon constate que François de Sales abandonne la terminologie scolas- Comptes rendus 231 tique par un « souci de vulgarisation » (71). Sa théologie de la prédication recourt à « une rhétorique de la douceur » qui se propose de convaincre l’auditeur par la vérité « attirante en elle-même » (80). L’Écriture sainte fournit la base de cette vision du sermon, pour lui et pour Bossuet et pour tous les prédicateurs. « Convoquée près de quarante fois dans les œuvres oratoires de Bossuet » (84), la formule « Ipsum audite » (Matth., XVII, 5) permet à Laurent Susini de cerner la part de la parole de Dieu alléguée par le sermonnaire confronté à la « diminution » de sa présence « dans l’esprit des auditeurs » (94). Bossuet est convaincu que le prédicateur évangélique ne peut pas amener l’auditeur « par ses propres moyens » à comprendre la parole de Dieu, « toute prédication doit être comprise comme pure médiatrice et investie d’une autorité toute déléguée » (85). Cette rhétorique présuppose la théologie chrétienne du corps que Michel Bouvier présente dans « Le mystère du corps dans la prédication de Bossuet ». La présence considérable des psaumes dans les discours de Bossuet « s’explique par l’ascendant puissamment « magistral » d’Augustin » (151). Leur fonction rhétorique et spirituelle entre dans les règles de l’éloquence sacrée, la part de la dimension « politique » (172) manifeste, d’après François Cassingena- Trévedy (« Les Psaumes dans la prédication de Bossuet : rhétorique, politique et spiritualité »), « l’orientation constamment anagogique » (176), elle témoigne « de ce rapport crucial que la piété du Grand Siècle entretient avec la Majesté divine » (179). Mathilde Briant attire l’attention sur le jésuite Claude La Colombière, canonisé par son Église mais « [e]xclu du panthéon littéraire » (199). Les deux volumes confirment la grande qualité de la Revue Bossuet. Prometteurs pour l’avenir des recherches sur la prédication, ils enrichissent beaucoup nos connaissances de ce domaine de la littérature du XVII e siècle et d’un côté presqu’ignoré des Lumières. Volker Kapp