Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
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2017
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«Eh bien, ma sœur, séparons-nous»: La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVIIe siècle
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Miriam Speyer
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PFSCL XLIV, 86 (2017) « Eh bien, ma sœur, séparons-nous » : La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle M IRIAM S PEYER (U NIVERSITÉ DE C AEN N ORMANDIE , LASLAR EA 4256 ) LA POÉSIE. Quoi ! par de vains accords et des sons impuissants, Vous croyez exprimer tout ce que je sais dire ? LA MUSIQUE. Aux doux transports qu’Apollon vous inspire Je crois pouvoir mêler la douceur de mes chants. (Boileau, Fragment d’un prologue d’Opéra, 1713) « Souvent, l’auteur altier de quelque chansonnette / Au même instant prend droit de se croire poète » 1 écrit Nicolas Boileau-Despréaux dans son Art poétique en 1674, faisant ainsi part de son mépris pour cette forme poétique. Pour le « législateur du Parnasse », un auteur de chansons n’est pas poète. Or, quelque soixante-dix ans plus tôt, la chanson semble connaître une fortune bien différente : puisée en partie dans des florilèges de chansons, sans ordre et sans signature, la chanson se voit intégrée aux recueils collectifs de poésies qui connaissent un essor remarquable dans les vingt premières années du XVII e siècle. Un certain nombre de travaux récents ont interrogé les liens entre littérature et musique à la cour de Louis XIII et, surtout, à celle de Louis XIV 2 . Si les travaux de Georgie Durosoir et Anne-Madeleine Goulet 1 Art poétique (1674), chant II, v. 197-198. 2 G. Durosoir, L’Air de cour en France (1571-1655), Liège, Mardaga, 1991 ; A.-M. Goulet, Poésie, musique et sociabilité au XVII e siècle : les Livres d'airs de différents auteurs publiés chez Ballard de 1658 à 1694, Paris, H. Champion, « Lumière Miriam Speyer 36 soulignent l’essor notamment des airs dans les cours au XVII e siècle, d’autres travaux, en revanche, insistent sur l’écart qui se creuse entre la poésie lue ou dite et la chanson. La musique se voit réduite à n’être plus qu’un « accompagnement facultatif » 3 de la poésie, qu’on semble préférer réciter. Et Dominique Chaigne de noter qu’« à la charnière des XVI e et XVII e siècles […] d’un côté la poésie et de l’autre la musique et le chant se séparent de façon ponctuelle, puis systématique » 4 . En interrogeant le devenir de la chanson dans les recueils collectifs poétiques et musicaux à l’aube du XVII e siècle, plusieurs évolutions - complémentaires - se font jour. Notre étude prendra alors pour point de départ des observations d’histoire éditoriale pendant ce premier XVII e siècle d’une part, et l’étude des identifications formelles à l’intérieur des recueils collectifs d’autre part. Le recours à une base de données 5 nous permettra l’exploitation quantitative des contenus des recueils collectifs de poésies, dont les titres génériques. Ainsi sommes-nous à même d’observer la fortune des pièces individuelles ainsi que l’évolution de leurs titres dans les recueils collectifs au fil des publications. Dans ce questionnement au carrefour de l’hiérarchie des genres et de l’histoire de la poésie, nous nous proposons d’interroger le statut de la chanson, entre petit genre éphémère, voire populaire, et forme poétique au même statut que les sonnets et les stances. Quels renseignements ces observations nous donnent-elles sur la réception de ces pièces et sur la relation entre la poésie lue et la poésie chantée ? classique », 2004 ; B. Louvat-Molozay, Théâtre et musique. Dramaturgie de l’insertion musicale dans le théâtre français (1550-1680), Paris, H. Champion, « Lumière classique », 2002. 3 A. Génetiot, « Rhétorique et poésie lyrique », Dix-septième siècle, n°236, 2007, p. 533. 4 « Le son du sonnet au XVII e siècle », Loxias, Loxias 30, mis en ligne le 1 er sept. 2010 : http: / / revel.unice.fr/ loxias/ index.html? id=6315. Dietmar Rieger trace cette évolution depuis le Moyen-Âge (cf. « De la chanson poétique à la poésie chantée et au texte lyrique. Coup d’œil sur un aspect de l’évolution des genres vers la fin du Moyen Age », dans « Contez me tout ». Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à Herman Braet, C. Bel, P. Dumont, F. Willaert (éd.), Louvain, Peeters, « La République des Lettres », 2006, p. 385-405). 5 Base de données que nous élaborons dans le cadre de notre thèse Les recueils collectifs de poésies au XVII e siècle (1597-1671), sous la direction de Marie-Gabrielle Lallemand, Université de Caen Normandie. La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 37 Le statut double de la chanson à l’aube du XVII e siècle Vers la fin du XVI e siècle, le recueil poétique d’auteur 6 cède de plus en plus la place au recueil collectif de poésies qui constitue un des modes de publication majeurs tout au long du XVII e siècle 7 . Maints poètes de cette époque n’ont été publiés en volume et sous leur nom qu’une fois décédés, le plus connu parmi eux étant sans doute Malherbe. Dans ces recueils poétiques, si elles sont parfois accompagnées d’un titre thématique, les pièces sont surtout présentées par leur titre rhématique 8 , indiquant la forme poétique adoptée : sonnet, épigramme, stances, chanson, … Les chansons, contrairement aux autres formes publiées en recueil collectif, connaissent de plus une publication séparée, dans des recueils collectifs de chansons 9 . Très nombreux dans les trente dernières années du XVI e siècle, ces derniers semblent disparaître 10 au profit, d’une part, des livres d’airs 11 qui ajoutent au texte une notation musicale et, d’autre part, 6 Les recueils des auteurs de la Pléiade contiennent bien des chansons (cf. p. ex. la Nouvelle continuation des Amours de Ronsard). Ce qui a retenu notre attention ici, c’est le devenir de la chanson en recueil collectif, d’autant plus qu’au XVII e siècle, la plupart des pièces sont d’abord publiées en recueil collectif avant d’être rassemblées dans des recueils d’auteur. 7 Voir notamment F. Lachèvre, Bibliographie des recueils collectifs de poésies, publiés de 1597 à 1700 (1901-1905), Genève, Slatkine Reprints, 1967 (4 vol) et H.-J. Martin, Livres, pouvoirs et société (1969), Genève, Droz, « Titre courant », 1999, p. 284-285. 8 Cf. G. Genette, Seuils, Paris, Seuil, « Poétique », 1987, p. 78-84. Dans le développement qui suit, nous assimilerons ces titres rhématiques aux genres poétiques tout en étant consciente que ce terme peut prêter à discussion, notamment du caractère peu défini de beaucoup de ces « genres ». 9 Comme dans Le Recueil des chansons nouvelles de divers Poëtes françois, Paris, N. Bonfons, 1585 ou dans Le Parnasse des Muses ou Recueil des plus belles chansons à danser…, Paris, Ch. Hulpeau, 1627. 10 La recherche dans le catalogue collectif de France le prouve : seulement neuf « recueils de chansons » sont publiés entre 1600 et 1620, tous en province (Caen, Limoges, Rouen, Troyes). On consultera à ce propos également la liste établie par L. Terreaux dans son édition critique du Recueil de quelques vers amoureux (1606) de J. Bertaut (Paris, Marcel Didier, « Société des textes français modernes », 1970, p. XXIV-XXXVII). 11 Le livre d’airs connaît un certain succès éditorial depuis 1571 et coexiste avec le recueil de chansons jusqu’à la fin du XVI e siècle. Après 1600, le recueil de chansons connaît un net déclin, contrairement au livre d’airs. Voir à ce sujet la « Chronologie des recueils d’airs de cour » de G. Durosoir (dans L’Air de cour en Miriam Speyer 38 des recueils collectifs de poésies dont le travail bibliographique de Frédéric Lachèvre souligne l’essor. En effet, entre 1597 et 1620, pas moins de vingtdeux recueils collectifs généraux (sans compter les rééditions en province, ni les recueils collectifs satyriques) voient le jour, qui capitalisent ensemble environ 4500 pièces sur un peu moins que 12 000 pages 12 . Bien que le « premier XVII e siècle » défini par Henri Lafay s’étende jusqu’en 1630 13 , l’année 1620 s’impose de plusieurs points de vue comme terminus ad quem de cette réflexion : les auteurs (notamment Du Perron, Bertaut et Malherbe) ainsi que certains genres poétiques des recueils collectifs, relativement constants jusqu’en 1620, changent dans les recueils ultérieurs qu’on appellera alors « recueils malherbiens » 14 . Il en va de même avec les pièces constamment rééditées. Toutes ces évolutions permettent alors de supposer que les goûts poétiques changèrent autour de cette date. Ces observations de l’histoire éditoriale invitent à interroger le statut de la forme de la chanson dans les recueils collectifs de poésies qui, nous le disions, évincent au début du XVII e siècle en quelque sorte le recueil collectif de chansons. Quel peut être le mode de lecture (et de présentation) de la chanson, dès lors qu’elle n’est plus publiée dans des recueils de chansons, mais imprimée avec des pièces poétiques destinées vraisemblablement à la lecture ? Dès les Diverses poésies nouvelles 15 , publiées chez Raphaël du Petit-Val à Rouen en 1597, un lien s’établit entre les « stances » et les « chansons ». Les pièces, toutes anonymes, sont identifiées par leur genre (stances, élégie, chanson, …) et numérotées. Si les élégies suivent une numérotation à part, France, op. cit., p. 341-344) ainsi que la base de données sur l’air de cour du Centre de musique baroque de Versailles : T. Leconte, Catalogue de l'air de cour en France (1602 - ca. 1660), mis en ligne en décembre 2005 : http: / / philidor.cmbv.fr/ ark: / 13681/ rvpuxaxf0asmzsrfdbyw. Voir aussi J. R. Anthony, La Musique en France à l’âge baroque (1974), trad. B. Vierne et V. Giroud, Paris, Flammarion, « Harmoniques », 2010, p. 440. 12 Sachant que bien des pièces ont été reprises d’un recueil à l’autre. 13 Voir H. Lafay, La Poésie française du premier XVII e siècle (1598-1630), Paris, Nizet, 1975. 14 M. Bombart, G. Peureux, « Politiques des recueils collectifs dans le premier XVII e siècle. Emergence et diffusion d’une norme linguistique et sociale », dans Le Recueil littéraire. Pratiques et théories d’une forme, I. Langlet (éd.), Rennes, PU de Rennes, « Interférences », 2003, p. 243. 15 Le recueil collectif poétique n’est certes pas une invention de Raphaël du Petit-Val. Toutefois, c’est lui qui lance l’essor éditorial du début du XVII e siècle, après une éclipse d’une cinquantaine d’années. La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 39 les stances et les chansons, quant à elles, sont prises dans une même série 16 . Ce fait souligne la parenté des deux genres : tous deux sont de longs poèmes composés de plusieurs strophes. Une telle assimilation entre « stances » et « chanson » s’observe également chez d’autres éditeurs. Dans la table des Fleurs des plus excellans poetes de ce temps (Paris, Bonfons, 1599 et 1601), les pièces sont organisées par genre poétique. On n’y trouve pas de rubrique « chanson », toutes les pièces que l’on a pu rencontrer chez d’autres éditeurs sous le titre de « chanson » sont présentées comme des « stances » 17 . Et si Mathieu Guillemot ajoute une « Table des sonnets » ainsi qu’une « Table des chansons » à l’édition des Muses ralliées de 1603, cette dernière disparaît lors de la réédition en 1607 18 , alors que la « Table des sonnets » est bien maintenue. Cette tendance s’accentue par la suite par l’adoption de tables purement alphabétiques et, chez Toussaint du Bray, par une organisation des pièces par auteur. Ce dont témoignent alors ces développements, c’est que les éditeurs (qu’il s’agisse de l’imprimeur-libraire lui-même ou d’un compilateur tiers) font disparaître la spécificité de la chanson - sa présentation chantée - de l’appareil liminaire. Plus encore : alors que dans les recueils de chansons, on peut trouver des indications sur l’air à choisir 19 , voire des tablatures, aucune précision à ce sujet dans les recueils collectifs de poésies. La chanson est coupée de son accompagnement musical et, partant, assimilée à la poésie récitée. S’y ajoute une évolution quantitative : contrairement aux stances 20 , la chanson perd en importance dans les recueils collectifs entre 1597 et 1620 (voir tableau 1). Un indice pour une certaine désaffection du genre ? 16 Dans ce sens, la dispositio du recueil rappelle l’organisation des « Amours », notamment celles de Desportes qui contiennent maintes stances et chansons à une exception près - et non la moindre ! - : le recueil de R. du Petit Val ne contient que trois sonnets, dont seulement deux sont identifiés comme tels. 17 Comme « Auprès des beaux yeux de Philis » de Callier ou « Hélas ! que me sert-il d’aimer » et « O beaux cheveux dont la blondeur esgalle » (non signée) de Bertaut. 18 Il s’agit du Parnasse des plus excellens poetes de ce temps (Paris, Mathieu Guillemot, 1607). 19 Dans le Sommaire de tous les recueils des chansons tant amoureuses, rustiques que musicales : avec plusieurs chansons nouvelles, non encores mises en lumiere (Lyon, B. Rigaud, 1579) par exemple, la pièce « Vostre bel œil maistresse… » est présentée comme « Chanson nouvelle d’un amant envers s’amie, sur le chant, Traistres de la Rochelle : composée par Agnyan » (f. 13r°), la chanson « Si un sexe j’honnore » est précédée de l’indication « Chanson, sur le chant d’une nouvelle Pavanne Espagnolle, par I. M. » (f. 37v°). 20 Constat d’ailleurs confirmé par les titres des poésies insérées dans l’Astrée. Alors que la première partie contient cinq chansons et huit stances, on ne trouve plus qu’une seule pièce identifiée comme « chanson » dans la deuxième (vs. cinq Miriam Speyer 40 Pièces total Chansons Stances Diverses poésies nouvelles R. du Petit-Val, 1597 30 15 50,0 % 17 56,7 % Les Muses ralliées Guillemot, 1599-1600 383 15 3,9 % 94 24,5 % Nouveau recueil des plus… Bray, 1609 167 14 8,3 % 48 28,7 % Les Délices de la poésie… Bray, 1615 349 4 1,2 % 132 37,8 % Le Second Livre des Délices Bray, 1620 366 3 0,8 % 66 18,0 % Les Délices… Dernier Recueil Bray, 1620 478 9 1,9 % 115 24,0 % Tableau 1: Évolution du nombre de chansons dans les recueils collectifs de poésies Or, si le nombre de chansons décroit entre 1597 et 1620, c’est aussi parce que vingt-et-une « chansons » connaissent des requalifications : initialement identifiées comme « chansons », dix-sept d’entre elles deviennent, parfois à partir du Parnasse des excellens poetes de ce temps (Mathieu Guillemot, 1607), mais au plus tard dans Les Délices de la poésie françoise (Toussaint du Bray, 1615) des « stances », quatre perdent leur identification générique et ne gardent qu’un titre thématique (voir tableau 2). Incipit requalification en… dans recueil … A qui dois-je me conseiller… « Baailler amoureux » Parnasse, 1607 Amour quitte tes armes… Délices, 1615 Auprès des beaux yeux de Philis… « Desespoir amoureux » Délices, 1615 Beauté mon beau souci, de qui l’ame… Stances Parnasse, 1607 Comment pensez-vous que je vive… Stances Muses ralliées, 1599 Doux objet de mes desirs… « Plainctes durant l’absence » Parnasse, 1607 Dure contrainte de partir… Stances Délices, 1615 En fin ceste beauté m’a la place rendue… Stances Temple d’Apollon, 1611 21 En fin les mespris dont Francine... Stances Délices, 1615 Helas ! que me sert-il d’aimer... Stances Délices, 1615 stances). Treize stances (de différents mètres, isoet hétérométriques) se trouvent dans la troisième partie… et aucune chanson. 21 Rouen, Raphaël du Petit Val, 1611. La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 41 L’Egalité des mesmes flammes… øStances Nouveau recueil, 1609 Délices, 1615 L’Ennuy qui tourmente ma vie… Stances Temple d’Apollon, 1611 Laisse moy raison importune… Stances Délices, 1615 Le dernier de mes jours est dessus l’horizon… Stances Délices, 1615 O beaux cheveux dont la blondeur esgalle… Stances Délices, 1615 O Nuict tant de fois desiré… Stances Délices, 1615 Philis, qui me voit le teint blesme… Stances Délices, 1615 Pour estre plus jeune & plus beau… Stances Délices, 1615 Quand le flambeau du monde « Complainte » Délices, 1615 Souhaittant que le Ciel punisse… Stances Délices, 1615 Un Amant respandit un jour… Stances Délices, 1615 Tableau 2: Changements génériques des chansons dans les recueils collectifs de poésies Tout semble se passer comme si les compilateurs des recueils poétiques souhaitaient gommer tout lien avec une potentielle présentation musicale des « chansons » qu’ils cherchent à assimiler à d’autres genres poétiques, genres à réciter 22 . Cette assimilation n’est pas sans impact sur la valeur accordée à ces pièces. Alors que les recueils de chansons visent le divertissement et la « récréation » (comme l’indiquent souvent les titres 23 ) et que quasiment aucune des pièces qu’ils contiennent n’est signée 24 , les recueils de poésies paraissent plus ambitieux. Il s’agit de célébrer l’excellence de la poésie française et, au plus tard depuis les recueils de Toussaint du Bray, 22 Dans cette comparaison, nous avons exclu délibérément les vers de ballet. Certes, ces derniers furent chantés, mais ils s’inscrivent à l’intérieur d’un spectacle et d’une intrigue, ce qui n’est pas le cas des chansons individuelles. Le pourcentage des vers de ballet est d’ailleurs plus ou moins constant (2 à 3%) dans les recueils collectifs de poésies entre 1600 et 1620. 23 Les titres de ce genre de publications en témoignent : p. ex. le Premier livre du recueil des chansons, bransles, gaillardes, voltes, courantes, pavanes, romanesques : et autres especes de poësies propres pour la recreation de cœurs melancoliques (Paris, Claude de Montre-œil, 1579) ou l’Amoureux Passetemps, déclaré en joyeuse poësie, par plusieurs épistres du coq à l’asne, et de l’asne au coq, avec balades, dizains, huitains, et autres joyeusetez (Lyon, Benoist Rigaud, 1582). 24 Ce qui prouve donc que l’on n’accorde qu’une faible importance au texte et à son créateur (cf. D. Rieger, « De la chanson poétique à la poésie chantée et au texte lyrique. Coup d’œil sur un aspect de l’évolution des genres vers la fin du Moyen Age », dans « Contez me tout », op. cit., p. 389). Miriam Speyer 42 celle des poètes, comme le clame haut et fort péritexte de ces recueils 25 . En effet, les superlatifs abondent, annonçant les « plus beaux vers » 26 venant des « plus excellens poètes » 27 . D’Espinelle, le compilateur des recueils sortis des presses de Mathieu Guillemot, loue le « mérite des Poésies » contenues dans les recueils, expliquant au lecteur qu’il « verr[a] les plus rares fruits qu’ayant produit depuis peu les plus celebres esprits de ce temps » 28 . Dans l’avis « Aux Lecteurs » du Nouveau recueil des plus beaux vers de ce temps (Paris, T. du Bray, 1609), le compilateur anonyme précise : « je ne doute pas que ce livre ne porte son prix et sa recommandation, avec le nom et la réputation de tant de beaux Espris (sic) dont je l’ay emprunté » 29 . Un certain nombre de chansons se trouvent ipso facto valorisées et grimpent dans l’hiérarchie des genres. C’est désormais le texte de ces pièces qui importe et aussi, dans la mesure où la présence de la signature devient de plus courante dans les vingt premières années du XVII e siècle, le nom des auteurs. Corollairement, on observe une évolution culturelle. Dans la pratique des mondains, la poésie chantée cède la place à la poésie récitée 30 . Hormis la précision sur les vers lyriques, aucune évocation de la poésie mise en chant dans l’Introduction à la poésie (anonyme, Paris, T. du Bray, 1620) qui constitue un véritable manuel pour le poète amateur, donc mondain. D’ailleurs, cet ouvrage n’évoque à aucun moment les chansons mais uniquement les stances. Cette tendance est confirmée par l’évolution des poésies dans l’Astrée (1609-1627). Dans son étude des pièces poétiques insérées, Marie-Gabrielle Lallemand note que les vers chantés ont tendance à disparaître au fil des parties du roman pour faire place aux vers écrits. De plus, les verbes qui introduisent les poésies ne permettent plus de savoir s’il s’agit d’une poésie chantée ou récitée : « le berger poète devient chevalier 25 Voir aussi M. Bombart, G. Peureux, « Politiques des recueils collectifs dans le premier XVII e siècle. Emergence et diffusion d’une norme linguistique et sociale », dans Le Recueil littéraire, op. cit., p. 239-244. 26 Ce syntagme se trouve dans tous les titres des recueils de Toussaint du Bray. On peut également évoquer le recueil poétique d’Antoine Du Breuil qui, selon le soustitre, serait « rempl[i] des plus beaux vers que ce siecle reserve à la posterité ». 27 Cf. les recueils des Bonfons (Paris, 1599 et 1601) ainsi que le Parnasse… (1607). 28 Le Parnasse des plus excellens poetes de ce temps, t. II, « Au Lecteur », n. p. (nos italiques). 29 n. p. (nos italiques). 30 Dans son Histoire du sonnet en France, Max Jasinski note par exemple que l’on « cesse de chanter des sonnets bien avant 1600 » (Douai, H. Bruyère, 1903, p. 124). La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 43 poète, poète mondain » 31 , conclut-elle. La poésie chantée cède donc, en ce début de XVII e siècle, la place à la poésie dite. Vers une poétique de la chanson Si les éditeurs des recueils poétiques hésitent entre l’appellation « chanson » et « stances », c’est que ces deux genres poétiques présentent à la fois des points communs et des points de divergence. Certes, ni la « chanson », ni les « stances » ne sont des genres poétiques fixes comme l’est le sonnet. On sait de plus que les genres poétiques sont peu définis au XVII e siècle 32 . Cependant, le caractère systématique de cette hésitation générique à travers les recueils collectifs ainsi que l’article de Furetière qui, lui, distingue bien les stances de la chanson 33 nous invitent à tenter d’esquisser une définition. Les stances ainsi que les chansons sont des pièces versifiées composées de plusieurs strophes (dans les Diverses poésies nouvelles, on arrive à une moyenne de 6,7 strophes par pièce, stances et chansons confondues 34 ). Ces dernières sont des quatrains ou des sizains 35 qui sont aussi les deux structures les plus utilisées pour l’air de cour 36 . Georgie Durosoir note à propos de ce dernier une prédilection des rimes croisées dans les quatrains, suivi, dans les sizains, d’un distique à rimes plates 37 . Cette observation se vérifie à la fois pour la majorité des stances et des chansons dans le recueil de Raphaël du Petit Val de 1597 38 . Les deux formes partagent bien un certain nombre de caractéristiques. Qu’est-ce qui les distingue alors ? 31 M.-G. Lallemand, « Les poèmes d’Honoré d’Urfé insérés dans L’Astrée », Dixseptième siècle, n°235, 2007, p. 312. 32 Cf. A. Génetiot, Les Genres lyriques mondains, Genève, Droz, 1990. À propos des stances et de la chanson, voir particulièrement p. 51-56. 33 « STANCE Terme de Poësie, qui se dit d'un certain nombre reglé de vers graves et serieux qui contiennent un sens, au bout duquel il se fait un repos. Ce que le Couplet est dans les Chansons, la Strophe dans les Odes, les Stances le sont dans les Poëmes Epiques, ou en des matieres graves et spirituelles » (Furetière, Dictionaire universel, 1690, nos italiques). 34 La même moyenne se profile quand on examine les deux formes séparément : stances (6,71), chansons (6,73). 35 On trouve onze stances et neuf chansons composées en quatrains, contre six stances et cinq chansons composées en sizains dans les Diverses poésies nouvelles. Une chanson est composée de quintils. 36 Cf. J. R. Anthony, La Musique en France à l’âge baroque, op. cit., p. 442. Voir aussi G. Durosoir, L’Air de cour en France (1571-1655), op. cit., p. 93, 131. 37 Cf. ibid., p. 81. 38 Y dérogent seulement cinq des quinze chansons et sept des dix-sept stances. Miriam Speyer 44 On observe d’abord une différence thématique (comme le suggère aussi l’article de Furetière). Dans les recueils collectifs de poésies, toutes les chansons sont à thématique amoureuse. Les stances, quant à elles, présentent une variété thématique plus importante : bien des stances sont certes amoureuses (à ce propos, on ne saurait trouver de différence notable dans le traitement du sujet entre celles-ci et les chansons 39 ), mais des pièces encomiastiques, de même que des pièces religieuses sont, elles aussi, identifiées comme stances 40 . C’est à ce propos que se dessine d’ailleurs une différence nette avec les recueils de chansons de la fin du siècle. Sans doute sous l’influence de l’actualité, ces derniers ne contiennent pas seulement des chansons d’amour, mais bien des chansons de circonstance, qu’elles soient sérieuses ou satiriques, sur les événements et les personnages principaux des guerres de religion (Condé, Coligny, Guise, …) 41 . Qu’en est-il des aspects formels ? Certaines chansons sont pourvues d’un refrain de deux vers (généralement en hexasyllabes ou en octosyllabes) à rimes plates 42 . Or, aucune des « chansons » de la « table des chansons » des Muses ralliées de 1603 n’a de refrain. En revanche, les Stances XXVI « Beautez qui pour jamais m’avez l’ame eschauffée » dans les Diverses poésies nouvelles 43 en comportent un : « Mon amour & ma fin / Ont eu mesme destin ». Plus opérationnel semble alors le critère du mètre. Des dix-sept stances des Diverses poésies nouvelles, quinze sont composées en alexandrins 44 . Quant aux chansons, seule une adopte la strophe isométrique 39 Dans les Diverses poésies nouvelles, on trouve par exemple bien des stances enjouées, évoquant la légèreté de l’amant (ou de l’amante) comme « Quand vous n’aymiez que moy, j’avois… » (p. 13) et « En fin voilà que c’est ces beautez… » (p. 5) et des chansons qui mettent en scène des amants transis, prêts à mourir d’amour : « Qu’Amour est plein de rage » (p. 32) et « Quand je voy tes beaux yeux… » (p. 19). 40 Cf. les « Stances sur la venue du Roy à Paris » de Du Perron (Muses ralliées, 1603, f. 8r°), les « Stances sur la prinse d’Amiens » de Bertaut (ibid., f. 23r°) ou les « Stances au Roy, pour la paix » de Laugier de Porchères (ibid., f.24v°). 41 Cf. p. ex. Le Recueil de plusieurs chansons nouvelles, avec plusieurs autres chansons de guerres, & d’amours, plaisantes & recreatives […] (Lyon, 1571) ou le Nouveau recueil des chansons qu’on chante a present, tant de la guerre et voyage de la Fere, de la Mure, et des chansons amoureuses (Lyon, 1581). 42 Cf. Diverses poésies nouvelles, 1597, « Maistresse si ton ame… », p. 35 ; « Amour estant logé dedans mon ame… », p. 19. 43 Ibid., p. 36. 44 Les deux autres sont : « Mes chers soupirs, les témoins plus fidelles » (décasyllabes) et « Beautez qui pour jamais m’avez l’ame eschauffée » (hétérométrique : 12-12- 12-12-6-6). La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 45 d’alexandrins 45 , cinq des quinze recourent à l’octosyllabe. Dans les Muses ralliées, sept sur onze chansons sont écrites en octosyllabes 46 . Nous retrouvons ainsi en partie ce qu’affirme Wilhelm Theodor Elwert au sujet des Œuvres de Desportes : chez le poète d’Henri III, seules les chansons présentent des spécificités métriques. [La chanson] est en général en vers de huit syllabes, quelquefois, mais rarement, en vers de sept syllabes. Les strophes sont toujours isométriques. Tout au plus faut-il signaler comme élément de variété le fait que quelquefois la première strophe de la chanson est plus courte que les strophes suivantes ; un quatrain, par exemple précède des sixains et des huitains. 47 L’octosyllabe ainsi que l’heptasyllabe sont les deux mètres que Ronsard recommande pour les pièces musicales, raison pour laquelle il les appelle aussi « vers lyriques » 48 . Cette distinction est reprise dans l'Introduction à la poésie (1620) : le Lirique plaist autant pour sa douceur qu’il ravit par sa melodie : sa longueur est de quelquefois cinq à six, de six à sept, de sept à huict, de huict à neuf, souvent il est de douze & treize, ou de dix & unze, & s’associent avec des Vers de six, sept ou huict sillabes seulement, […], de sorte que ceste contexture despend entierement de la volonté du Poëte, on ny peut establir de Loy, ny de regle particuliere. 49 45 La composition de pièces musicales en alexandrins n’est cependant pas impossible. Comme le note J. R. Anthony, « [d]ans les recueils [d’airs] les plus anciens, les strophes sont généralement en octosyllabes ou en alexandrins » (La Musique en France à l’âge baroque, op. cit., p. 442). 46 On peut d’ailleurs faire le même constat au sujet des poésies (stances et chansons) insérées dans les deux premières parties de l’Astrée : la plupart des stances adopte l’alexandrin, la majorité des chansons l’octosyllabe. 47 W. Th. Elwert, « La vogue des vers mêlés dans la poésie du XVII e siècle », Dixseptième siècle, n°88, 1970, p. 4. 48 Après avoir évoqué l’alexandrin et le décasyllabe, le prince des poètes précise : « Car les autres [vers] marchent d'un pas licencieux, et se contentent seulement d'un certain nombre que tu pourras faire à plaisir, selon ta volonté, tantost de sept à huict syllabes, tantost de six à sept, tantost de cinq à six, tantost de quatre à trois, […]. Tels vers sont merveilleusement propres pour la musique, la lyre et autres instrumens; et pource quand tu les appelleras Lyriques [...] » (P. de Ronsard, « Abbrégé de l’Art poétique françoys » dans Œuvres complètes, éd. J. Céard, D. Ménager, M. Simonin, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », 1994, t. II, p. 1187). 49 Introduction à la poésie, Paris, Toussaint du Bray, 1620, p. 62 (nos italiques). Miriam Speyer 46 Cette définition insiste d’une part, et à l’instar de celle du prince des poètes, sur l’absence de préceptes absolus et, d’autre part, sur l’hétérométrie. Aussi reflète-t-elle la variété métrique que l’on rencontre dans les chansons publiées dans les recueils collectifs de poésies de la fin du XVI e et du début du XVII e siècle. En effet, si l’octosyllabe est le mètre le plus courant, on rencontre également l’hexasyllabe, le décasyllabe et même l’heptasyllabe 50 ainsi que des pièces hétérométriques. Dans ces dernières, les poètes joignent volontiers l’alexandrin à l’hexasyllabe : Vous avez tort la belle De me faire languir aymant vostre beauté. Tant plus vous cognoissez en moy de fermeté, Plus vous m’estes cruelle Hélas ! faut-il qu’on pense Qu’amour cet inhumain triomphe de mon cœur […] 51 ou Quand le flambeau du monde Quitte l’autre sejour Et sort du sein de l’onde Pour r’allumer le jour Preßé de la douleur qui trouble mon repos, Devers luy je m’adresse, & luy tiens ce propos : Bel Astre favorable Qui luis esgalement […] 52 Cette observation nous amène à interroger le devenir de l’hétérométrie à l’aube du XVII e siècle. Il est généralement admis que l’essor des stances hétérométriques est dû à Malherbe qui les introduisit entre 1605 et 1612 53 , les stances étant initialement un genre isométrique. Or, nous avons vu que bien des chansons composées autour du tournant du siècle choisissent 50 Comme « Ma Déesse, mon amour » (p. 15) et « Doncques faut-il en aymant » (p. 20), dans les Diverses poésies nouvelles et « Mourez mon cœur je vous prie » dans les Muses ralliées (f. 306v°). Voir à ce propos aussi les tableaux établis par G. Durosoir dans L’Air de cour en France, op. cit., p. 83. 51 Diverses poésies nouvelles, p. 17. 52 Les Muses ralliées, f. 305r°. 53 Cf. R. Fromilhague, Malherbe. Technique et création poétique, Paris, Armand Colin, 1954, p. 157-158 ; J.-F. Castille, « La poétique malherbienne de l’hétérométrie », dans Pour des Malherbe, L. Himy-Piéri, Ch. Liaroutzos (éd.), Caen, Presses universitaires de Caen, 2008, p. 152. Voir aussi A. Génetiot, Les Genres lyriques mondains, op. cit., p. 52 et G. Durosoir, L’Air de cour an France (1571-1655), op. cit., p. 82. La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 47 l’hétérométrie 54 et que la combinaison hexasyllabe-alexandrin est courante : on la rencontre dans la pièce « Quand le flambeau du monde », attribuée à Du Perron 55 ainsi que dans « Les cieux inexorables » de Bertaut 56 . Les quatre chansons hétérométriques contenues dans les Diverses poésies nouvelles de 1597 adoptent toutes ces deux mètres. Si la chanson se compose en vers hétérométriques, qu’elle choisit volontiers la combinaison des vers à six et à douze syllabes et qu’elle se trouve, au début du XVII e siècle, systématiquement assimilée aux stances, l’apparition de l’hétérométrie dans ces dernières n’en est-elle pas la suite logique 57 ? Dès lors, nulle surprise si l’on finit par trouver ces variations de mètre aussi dans des stances religieuses, encomiastiques ou de circonstance, comme les « Regrets de la mort de la dame » 58 ou les stances « Pour la naissance du duc de Retelois » de Lingendes 59 . À ce sujet, les paraphrases de psaumes constituent, du fait de leur caractère éminemment lyrique (pris dans son sens étymologique), un cas particulier. L’hétérométrie - de préférence l’alternance 6-12 - y est courante, et ce dès Desportes 60 . Ajoutons que les paraphrases de psaumes de Malherbe, hétérométriques, se trouvent identifiées comme « stances » 61 . Une preuve de plus qu’au début du XVII e siècle, la forme des stances est en train d’annexer certaines formes de la poésie chantée, en en assimilant les configurations privilégiées, qui sont hétérométriques. 54 Un parcours rapide de différents recueils de chansons publiés entre 1580 et 1600 corrobore cette analyse. L’hétérométrie n’est pas rare, l’alexandrin apparaît le plus souvent en combinaison avec l’hexasyllabe, mais aussi avec l’octosyllabe. 55 Les Muses ralliées, f. 305r°. 56 Cette pièce est identifiée comme chanson dans son Recueil de quelques vers amoureux (Paris, Vve Mamert Patisson, 1602). Une variante antérieure (« Des maux si déplorables ») connut trois publications en recueils de chansons entre 1599 et 1606 (cf. L. Terreaux, « Introduction » dans J. Bertaut, Recueil de quelques vers amoureux, op. cit., p. XXXII-XXXIV). 57 Cf. p. ex. les stances « L’an presque achevé sa course coustumière » (12-12-12-6) dans les Muses ralliées de 1603 (f. 96v°) ou les stances à thématique amoureuse de Lingendes dans le Nouveau recueil des plus beaux vers de ce temps, Paris, Toussaint du Bray, 1609, p. 335-362. 58 « Demeure de mon bien si pompeuse & si chere » (12-12-6-12-12-6), dans Les Muses ralliées, 1603, section « Vers funebres », f. 64v°. 59 « Les portes d’Orient ne s’ouvroient point encore », dans le Nouveau recueil des plus beaux vers de ce temps, op. cit., p. 338. 60 Voir p. ex. sa paraphrase du Psaume L « Ô Dieu, par ta clémence aies de moi pitié ». 61 Cf. « O sagesse eternelle à qui c’est l’univers » (12-12-12-6-12-12) et « Les funestes complots des ames forcenées » (12-12-12-12-6-12) de Malherbe (dans Les Délices de la poésie françoise, 1615, p. 301-305). Miriam Speyer 48 Lire ou chanter ? L’exemple des poésies de Jean Bertaut Les recueils collectifs de poésies font de la chanson un genre écrit. La présentation chantée des pièces ne disparaît pas pour autant, du moins pas entièrement. Nous le disions, le recueil de chansons est en quelque sorte remplacé par le livre d’airs, accompagné, lui, de notations musicales. Une comparaison à propos des « chansons » de Jean Bertaut le montre : si le titre générique change (la « chanson » devient « air »), il s’agit toujours du même poème 62 . Aussi trouve-t-on les mêmes pièces dans les recueils de chansons de la fin du XVI e siècle inventoriés par Louis Terreaux 63 et dans les livres d’airs du début du XVII e siècle 64 . Dans la mesure où « les chansons se caractérisent par une plus grande facilité d’accès, tandis que les airs nécessitent davantage de technique et de virtuosité » 65 , les « chansons » en question connaissent donc, au début du XVII e siècle, une revalorisation simplement par leur mode de publication 66 . S’y ajoute une véritable séparation des genres au profit de l’« air de cour » : Au cours des premières années du XVII e siècle, la mode changea et on délaissa le mélange hasardeux de nombreux airs de types différents regroupés au sein d’un même recueil, en faveur d’une nette séparation des genres ; l’air de cour rompit progressivement toutes ses attaches avec le vaudeville pour devenir une œuvre plus sérieuse et en même temps plus précieuse. La poésie choisie par les compositeurs reflète d’ailleurs cette évolution. 67 Les airs font de plus objet d’un nouvel acte de création : contrairement aux mélodies des chansons populaires, ils sont composés par des compositeurs renommés et systématiquement signés 68 . Dès lors, la « beauté de l’air » 69 s’ajoute à celle des vers comme critère esthétique. Les deux évo- 62 Cf. annexe II. 63 « Introduction », dans J. Bertaut, Recueil de quelques vers amoureux (1606), op. cit., p. XXIV-XXXVII. 64 Voir T. Leconte, Catalogue de l’air de cour en France (1602 ca. 1660), loc. cit. 65 A.-M. Goulet, Poésie, musique et sociabilité au XVII e siècle, op. cit., p. 23. 66 Valorisation aussi sociale, en témoigne l’onomastique : du vaudeville à l’air de cour. Or, comme le montre N. Khattabi, si le terme change, les mélodies des pièces, voire les textes peuvent être les mêmes (cf. « Du voix de ville à l’air de cour : les enjeux sociologiques d’un répertoire profane dans la seconde moitié du XVI e siècle », Seizième Siècle, n°9, 2013, p. 157-170). 67 J. R. Anthony, La Musique en France à l’âge baroque, op. cit., p. 440. 68 C’est le nom du compositeur que l’on trouve sur la page de titre des livres d’airs. 69 « Toute la compagnie loua la beauté des vers et la beauté de l’air […]. » lit-on dans la conversation « De la poésie française jusqu’à Henri [IV] » de Mlle de La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 49 lutions dans le mode de publication sont, partant, complémentaires : la parution et en recueil de poésies et en livre d’airs concourent à anoblir le genre de la chanson. Tous deux contribuent à la couper de la culture populaire et urbaine des chansons satiriques, des villanelles et des vaudevilles avec lesquelles elle voisine dans les recueils de la fin du XVI e siècle 70 . Demeure toutefois la question de la pratique de la mise en musique des pièces et de son évolution au fil du siècle. S’il est certes impossible de déterminer dans le détail les usages des mondains, les pièces publiées à la fois en livre d’airs et en recueil de poésies peuvent nous donner quelques indices. Comme l’importance du corpus empêche une exploration exhaustive, nous avons limité nos recherches à Jean Bertaut, poète très apprécié à l’aube du XVII e siècle, et dont on trouve beaucoup de pièces dans les recueils poétiques et musicaux. Lors de l’étude de ces imprimés, force est de constater que la publication sous le titre de « Stances » en recueil de poésies n’empêche pas la mise en musique. Ainsi, les stances 71 « C’est bien force, ô mon cœur » se trouvent bien dans le quatrième livre des Airs de différents auteurs mis en tablature de luth 72 , les stances « Une belle geolliere… » dans les Chansons nouvelles fort amoureuses, plaisantes et recréatives (Lyon, B. Rigaud, 1588) 73 . Autrement dit, le titre rhématique « chanson » n’indique plus forcément une pièce mise en musique (de même que le titre « sonnet »), mais désigne plutôt une forme poétique particulière, composée de plusieurs strophes d’octosyllabes (ou hétérométriques) et à thématique amoureuse 74 . Une spécialisation qui vaut anoblissement : « Le genre [l’air de cour] était désormais dominé par des Scudéry après que le musicien a chanté, accompagné du luth, des vers de Bertaut (dans « De l'air galant » et autres Conversations (1653-1684). Pour une étude de l'archive galante, éd. D. Denis, Paris, H. Champion, « Sources classiques », 1998, p. 292). 70 Cf. D. Rieger, « De la chanson poétique à la poésie chantée et au texte lyrique. Coup d’œil sur un aspect de l’évolution des genres vers la fin du Moyen Age », dans « Contez me tout », op. cit., p. 399. 71 La pièce porte cette identification générique à la fois dans les recueils collectifs de poésies entre 1597 et 1620 et dans le Recueil de quelques vers amoureux (1602 et 1606) de Bertaut. 72 Paris, P. Ballard, 1613, f. 54v°-55r°. 73 Cf. L. Terreaux, « Introduction », dans Bertaut, Recueil de quelques vers amoureux (1606), op. cit., p. XXX. 74 Cf. les quatre pièces identifiées comme « chansons » dans les Délices de la poésie française (T. du Bray, 1615) recourent à des strophes hétérométriques, les vingtcinq chansons du Recueil des plus beaux vers de MM. Malherbe… (T. du Bray, 1626- 27) sont composées soit en octosyllabes, soit en vers hétérométriques. Miriam Speyer 50 thèmes et des images empruntés à Pétrarque et façonnés par Philippe Desportes et ses disciples en un langage sentimental et recherché » 75 . Les compositeurs se détachent des indications génériques (« stances » ou « chanson ») de même qu’ils n’hésitent pas à changer le texte des poèmes : les livres d’airs publient rarement les pièces en entier et suppriment ou déplacent librement les strophes. Pour reprendre l’exemple de Bertaut, ses pièces publiées dans les livres d’airs sont souvent raccourcies de plusieurs strophes. Aussi n’y trouve-t-on que quatre des treize strophes de « C’est bien force, ô mon cœur » et seulement sept des seize strophes de « Elle l’avoit bien dit… » (1609). Quant aux variantes, les pièces comme « Des maux si déplorables », « Elle l’avoit bien dit… » et « Un amant répandit un jour… » y présentent des leçons différentes de celles que l’on trouve dans les recueils collectifs de poésies 76 . Ces observations reflètent bien la pratique du temps, telle que la décrit le musicien mis en scène par Madeleine de Scudéry dans sa conversation « De la poésie française jusqu’à Henri [IV] », parue en 1684 : […] le duc de Béjar dit que le musicien faisait comme lui, qu’il choisissait les stances qui lui plaisaient le plus, et laissait les autres. - C’est un privilège de la musique, répondit le musicien français, et ceux qui font le mieux des vers nous permettent de changer quelquefois quelques paroles qui ne se chantent pas bien ; mais je prends cette liberté sans rien gâter, et je consulte même ceux qui les ont faits, quand je le puis ; car les vers qu’on ne doit que lire, ou ceux qu’on chante, doivent avoir quelque petite différence. 77 Un bon demi-siècle après l’essor des recueils collectifs des années 1597- 1620, cette conversation nous livre un aperçu de la pratique de la poésie chantée. Les devisants y passent en revue les poètes français jusqu’à la fin du XVI e siècle, mais le seul poète à être abondamment cité et, ce qui est encore plus important, le seul à être chanté est Bertaut. La conversation atteste la pratique de la mise en musique des pièces poétiques. Or, de nouveau, le statut de la chanson 78 est double. D’un côté, la chanson est 75 J.R. Anthony, La Musique en France à l’âge baroque, op. cit., p. 440. 76 Les pièces de Bertaut publiées en recueil collectif présentent des variantes importantes en fonction du moment de publication (avant et après 1602, année de la publication du Recueil de quelques vers amoureux du même auteur). Ces leçons, toutefois, ne correspondent que rarement aux leçons que l’on trouve dans les livres d’airs. 77 M. de Scudéry, « De la poésie française jusqu’à Henri [IV] » (1684), dans « De l'air galant » et autres Conversations (1653-1684), op. cit., p. 292. 78 Les devisants emploient le terme de « chanson » pour désigner les pièces chantées. Le terme « air » désigne exclusivement l’accompagnement musical. La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 51 présentée comme un petit genre poétique, peu prestigieux : « […] comme je n’en (de Bertaut) ai vu que des chansons, dit Théodore, […] je serai ravie d’en voir quelque chose davantage » 79 . De l’autre, seule la mise en musique des pièces de Bertaut permet de rendre entièrement justice aux mérites de cet auteur, comme en témoigne la réponse de Saint-Gelais, ami du poète : Ah Madame, dit Saint-Gelais, il faudrait pour la gloire de mon ami en chanter quelqu’une, […]. Je le veux bien, dit-elle, à cette condition-là ; mais il vaudrait mieux faire entrer celui qui me les a apprises, qui les chantera mieux que moi. Pourvu, Madame, reprit Saint-Gelais, que vous en chantiez une pour l’honneur de mon ami, on pourra ensuite faire entrer votre maître que je viens d’entendre dans le jardin. 80 Intéressant dans cette conversation est également le choix des pièces récitées et de celles qui sont chantées. Ainsi insiste-t-on sur le fait que « Des maux si déplorables… » aurait constitué un véritable « tube » du temps de Bertaut : Imaginez-vous, dit Saint-Gelais, qu’à la Cour de France et ceux qui chantent, et ceux qui ne chantent pas, ont du moins retenu ce couplet-là. Félicité passée Qui ne peut revenir Tourment de ma pensée Que n’ai-je en te perdant perdu le souvenir. 81 Du fait, cette pièce connut maintes publications à la fois en recueil de chansons, en livre d’airs et en recueil collectif de poésies au début du XVII e siècle, ce qui atteste bien de son succès à l’époque. Plus surprenant, en revanche, est que les devisants de Madeleine de Scudéry chantent d’une part des pièces strophiques comme « Enfin, ce Tyran de nos ames », « Quand je revis ce que… », « Quand Philis que l’amour… » et le sonnet « Comment puis-je de vous… » dont aucune mise en musique n’est attestée (ni par les recueils de chansons, ni par les livres d’airs). De plus, dans tous les recueils poétiques que nous avons consultés, les deux dernières pièces sont toujours présentées comme des « stances », jamais comme des « chansons ». D’autre part, après que le duc de Béjar a récité quatre strophes d’« Elle l’avoit bien dit… », Saint-Gelais répond : Ces vers-là […] sont fort bien choisis […] mais ils n’ont jamais été chantés, et ce sont quatre stances que vous avez séparées de beaucoup d’autres, et voici la première de cet ouvrage que vous n’avez pas dite : 79 M. de Scudéry, « De la poésie française… » (1684), dans « De l’air galant » et autres Conversations, op. cit., p. 288 (nos italiques). 80 Ibid. (nos italiques). 81 Ibid., p. 291. Miriam Speyer 52 Elle l’avait bien dit, que ses mains larronnesses Tiendraient encore un coup mon cœur emprisonné. Hélas ! plus que jamais je m’en vois renchaîné, Dieux ! qu’elle est véritable en mauvaises promesses. 82 Or, cette pièce a bien été mise en musique : elle se trouve dans la Fleur des chansons amoureuses (Rouen, A. de Launay, 1600) 83 et dans le deuxième livre des Airs de différents auteurs mis en tablature de luth par Gabriel Bataille (Paris, P. Ballard, 1609). Si la conversation de la romancière, qui se passe à la cour espagnole de Philippe II, rend donc bien compte de la pratique de la poésie chantée du début du siècle ainsi que du statut double de ce genre, ces imprécisions témoignent du caractère éphémère des habitudes musicales et littéraires : à la fin du XVII e siècle, on ne se souvient plus que partiellement des vers mis en chant du début du siècle et ne peut donc plus se livrer qu’à des suppositions. Conclusion Suite à l’intégration de la chanson dans les recueils collectifs de poésie à la toute fin du XVI e siècle et de la mise en page de ces recueils qui cache toute spécificité de la chanson, cette forme (re-)devient 84 un genre poétique à part entière, évolution qui est, à en croire Dietmar Rieger, symptomatique d’une sacralisation du texte au détriment de la musique 85 . La différence entre les pièces à réciter et les pièces à chanter est désormais faite par les livres d’airs, accompagnés de tablatures, qui, eux, mettent en valeur la musique. L’impression d’un même texte en deux types de recueils collectifs différents témoigne, quant à elle, d’une séparation des pratiques de réception, variant désormais en fonction des genres éditoriaux 86 . 82 Ibid., p. 289 (nos italiques). 83 Rééd. Bruxelles, A. Mertens et fils, 1865, p. 70-71. 84 Sur la séparation du texte et de la musique à la fin du Moyen-Âge, voir D. Rieger, « La poésie des troubadours et des trouvères comme chanson littéraire du Moyen- Âge » (dans La Chanson française et son histoire,Tübingen, Gunter Narr, « Études littéraires françaises », 1988, p. 9-11), ainsi que du même auteur « De la chanson poétique à la poésie chantée et au texte lyrique. Coup d’œil sur un aspect de l’évolution des genres vers la fin du Moyen Age » (dans « Contez me tout », op. cit., p. 385-405). 85 Cf. ibid., p. 389. 86 À propos du lien entre mise en page éditoriale et genre, voir D. Maira, Typosine, la dixième muse, Genève, Droz, 2007, particulièrement p. 395-402. La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 53 Le genre de la chanson, même s’il change de forme (de la pièce strophique à la brève pièce en vers mêlés), fera partie intégrante des recueils collectifs de poésies jusqu’à la fin des années 1650 87 . Son assimilation aux genres lus est alors confirmée. L’année 1661, en revanche, voit la réapparition de recueils de chansons et de vers mis en chant comme le Recueil des plus beaux vers mis en chant (Ch. de Sercy, 1661) ainsi que la série de Recueils de vers mis en chant parus chez R. Ballard (Paris, 1661-1670) 88 . En même temps, la « chanson » et l’« air » 89 deviennent plus discrets dans les recueils de poésies 90 . À nouveau donc, la chanson se trouve séparée de la poésie, séparation qui vaut destitution 91 . L’engouement - indifférent de son statut dans l’hiérarchie des genres - que connut cette forme poétique (même rebaptisée en « stances ») se lit toutefois en filigrane dans les recueils collectifs de poésies : les pièces les plus fameuses 92 ou celles qui eurent la vie la plus longue 93 dans les recueils de poésies furent… des chansons ! 87 Dans les recueils collectifs de poésies (sans rééditions) publiés entre 1652 et 1660, les pièces identifiées comme « air » ou « chanson » représentent à peu près 3% des pièces. 88 Il s’agit là de recueils sans tablatures. Dans ces recueils, les chansons sont systématiquement organisées de façon alphabétique en fonction de leur incipit. 89 Les deux appellations génériques se confondent à l’intérieur des recueils. On trouve également l’appellation générique « Paroles pour un air ». 90 On ne rencontre en effet presque plus aucune « chanson » (ou « paroles pour un air » ou « air ») dans les recueils collectifs de poésies publiés entre 1663 et 1671. Cette observation est corroborée par l’examen des rééditions des Délices de la poésie galante (Paris, J. Ribou, 1663-1667). La première partie, publiée en 1663, connaît une réédition diminuée en 1666. De dix-huit « chansons » et « airs » dans l’édition de 1663, on passe à seulement quatre pièces identifiées comme « air » et… aucune « chanson ». 91 Les formes que peut prendre la chanson au XVII e siècle seront également boudées par l’histoire littéraire, comme le montre Fritz Nies (« Chansons et vaudevilles dans un siècle devenu classique », dans La Chanson française et son histoire, op. cit., p. 47-57). 92 La chanson « Des maux si déplorables… / Les cieux inexorables… » de Bertaut connut au moins dix publications entre 1597 et 1620 dans des recueils collectifs de poésies, sans compter de nombreuses impressions dans des recueils de chansons ou des livres d’airs. 93 À savoir « Auprès des beaux yeux de Philis » de Callier, publié la première fois dans le Recueil de diverses poésies (R. du Petit-Val, 1597) et encore repris dans la réédition du Recueil des plus beaux vers de MM. Malherbe… (T. du Bray, 1630) et « Enfin ceste beauté m’a la place renduë » de Malherbe (Les Muses ralliées, Paris, M. Guillemot, 1599 - Recueil des plus beaux vers de MM. Malherbe…, 1630). Les deux pièces furent régulièrement rééditées entre ces deux dates et connurent, de Miriam Speyer 54 Annexes Annexe I : Tableau des chansons et stances des Diverses poésies nouvelles (Rouen, Raphaël du Petit Val, 1597). N° Titre Incipit Métrique Refrain Strophe Forme Rimes 1 Stances Si l’amour est un Dieu, d’un Dieu il ne sort rien 12 6 6 aabccb 2 Stances O Pensers dont Amour nourrit ma paßion 12 8 4 abab 3 Stances En fin voila que c’est ces beautez infideles 12 6 4 abab 4 Stances Ce seroit blasphemer de dire que l’amour 12 5 6 aabccb 5 Stances Faut-il vous dire adieu delices de mon ame 12 6 6 aabccb 6 Stances A Dieu toutes beautez qui m’avez detenu 12 4 6 aabccb 7 Stances Ne vous courroucez point si vous aimant, madame 12 7 4 abab 8 Chanson En fin ceste beauté m’a la place rendue 12-12-12-6 14 4 aabb 9 Stances Quand vous n’aymiez que moy, j’avois incessamment 12 6 4 abab 10 Chanson C’est belle chose que d’aymer 8 8 4 abab 11 Chanson Ma Deesse mon amour 7 cc 7 6 ababcc 12 Stances Resvay-je ou s’il est vray que je vous dis adieu 12 5 4 abba 13 Chanson Vous avez tort la belle 6-12-12-6 5 4 abba 14 Chanson O D’Amant estrange fortune 8 5 4 abab 15 Chanson Quand je voy tes beaux yeux les flambeaux de mon ame 12-12-6-6 5 4 aabb 16 Chanson Amour estant logé dedans mon ame 10 cc 5 6 ababcc 17 Chanson Doncques faut-il qu’en aymant 7 cc 5 6 ababcc plus, des publications dans des recueils musicaux : la pièce de Callier dans le premier livre d’airs de Le Roy et Ballard, 1595, la pièce de Malherbe dans les Airs de l'invention de G. C. Sr de La Tour, Caen, Jacques Mangeant, 1592 (voir à ce sujet T. Leconte, Catalogue de l'air de cour en France (1602 - ca. 1660), loc. cit.). La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 55 18 Chanson Pour chasser nos malheurs 6 10 6 aabccb 19 Chanson Bien que vostre rigueur mon service rejette 12 5 4 abba 20 Chanson Sortez ma voix parmy les plaintes 8 cc 9 4 ababcc 21 Chanson Maistresse, rien je ne souhaite 8 5 5 aabba 22 Chanson Qu’Amour est plein de rage 6-12-12-6 5 4 abab 23 Stances Mes chers soupirs, les temoins plus fidelles 10 6 4 aabb 24 Stances Beuatez qui ne vivez que tu trespas d’autruy 12 6 4 abab 25 Chanson Maistresse si ton ame 6 cc 6 6 ababcc 26 Stances Beautez qui pour jamais m’avez l’ame eschauffée 12-12-12- 12-6-6 cc 6 6 ababcc 27 Stances Beautez vivans portraits de la divinité 12 4 4 abab 28 Stances Non non je ne croy point qu’on meure de tristesse 12 12 4 abab 29 Stances O beaux yeux qui sçavez si doucement charmer 12 6 4 abab 30 Chanson O beau violet qui commence 8 7 4 abab 31 Stances Ne vous offensez point belle ame de mon ame 12 6 4 abab 32 Stances Qu’on ne m’accuse point d’aller idolatrant 12 15 6 aabccb Annexe II : Les pièces de Bertaut dans les recueils collectifs de poésies publiés jusqu’en 1620 94 , les recueils de chansons (Terreaux), dans les livres d’airs (Philidor) et dans le Recueil de quelques vers amoureux, 1602 (Bertaut). Incipit Terreaux Philidor Recueil coll. Bertaut Mètre Beautés vivants portraits 1597 1603 Stances, 1597 Mascarade 12 C’est bien force, ô mon cœur 1613 Stances, 1599 Stances 12 94 L’année indique la première publication en RC. Miriam Speyer 56 Ce n’est pas assez ma Charite / Il faut aymer jusqu’au bout 1584 8 Ce n’est pas pour moi que tu sors 1597 « Regrets... », 1599 8 Ces nymphes hostesses des bois 1608 « Pour des nymphes », 1609 8 Ces pensers dont amour / O Pensers dont amour 1599 Stances, 1607 12 De quoi vous sert tant de fierté 1626 Dialogue, 1619 8 Des maux si déplorables / Les cieux inexorables 1599 1599 ø / Stances Chanson 6-6-6- 12 Elle l’avoit bien dit que ses mains larronnesses 1600 1609 Stances, 1599 Stances 12 En fin ce coeur volant 1588 1593 Stances, 1599 Stances 12 Enfin, ce Tyran de nos ames Chanson 8 Hélas ! que me sert-il d’aimer 1585 ø / Chanson / Stances, 1597 Stances 12 Je meurs d’un cruel martyre / Las, je meurs... 1588 Stances, 1620 Chanson 8 L’Egallité des mesmes flammes / Desirer de voir... 1588 ø / Chanson / Stances, 1600 Chanson 8 Ne vous offensez point 1588 1597 Stances, 1597 12 Non, non, je ne crois point / Non non il n’est point vrai 1588 1599 Stances, Complainte, 1597 12 O beaux yeux 1588 1587 Stances, 1597 12 Quand j’idolâtrois / Quand premier je vis 1588 ø / Stances, 1599 Chanson 8 Quand je revis ce que j’ai tant aimé Stances, 1598 Stances 10 Quand passeray-je bienheureux / Quand verray-je un jour ... 1588 1615 Stances, 1620 Chanson 8-8-12- 12 Quand Philis que l’amour Stances, 1607 Stances 12 S’il est vray que d’un coup égal 1588 Chanson 8 Si la ressemblance des mœurs 1611 1611 Chanson, 1620 Chanson 8 Si les pensers de mon âme 1604 Chanson, 1622 Chanson 7 Un amant respandit 1597 1597 Chanson / Stances, 1607 Chanson 8 Une belle geôliere / Une si douce chaine 1588 Stances, 1603 Stances 12 La chanson dans les recueils poétiques et musicaux du premier XVII e siècle 57 Bibliographie 1. 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