eJournals Vox Romanica 51/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
1992
511 Kristol De Stefani

L’article TENIR du Dictionnaire du Moyen Français (DMF)

121
1992
Robert Martin
vox5110129
Ancien et moyen franc;ais: si «thematique» 121 encore moins de si que la poesie. Par contre, dans Turpin et Floovant, nous observons la tendance inverse: le texte versifie, Floovant, depasse largement Turpin en ce qui concerne la frequence de si. Si les resultats precedents sont representatifs, il faut conclure qu'il y a la hierarchie suivante: si est plus frequent dans la prose et dans la poesie que dans les chartes. Dans les etudes sur si, la frequence de si n'est que rarement discutee. CoRBETT (apud FLEISCHMAN 1991: 267) affirme que si ne se rencontre pas beaucoup dans les chartes, une observation qui est partiellement en accord avec ! es donnees presentees dans le tableau 2 a condition, pourtant, de tenir campte de Ja variation dialectale. De meme, MARCHELL0-NrzIA (1985: 237), observe que si est moins frequent dans la poesie et dans les chartes que dans la prose litteraire. Nous venons de voir que ceci n'est pas toujours correct. 3.3.2. Sujets explicites MS et AS vs. sujets sous-entendus, MS et AS Les chartes se caracterisent par un pourcentage tres eleve de sujets (MS/ AS), ce qui cadre parfaitement avec le caractere explicite du style juridique qui evite les imprecisions. On constate encore une fois que Loys se conforme au style juridique. Le style litteraire et surtout la poesie se caracterise par son nombre eleve de sujets sous-entendus, cf. Tableau 3 ci-dessus. 3.3.3. La correlation si MS vs. si AS (sujets explicites et sous-entendus) Il y a une forte correlation positive entre si et MS (explicite ou non) dans les textes litteraires, prose (surtout Turpin) et poesie (en particulier dans Aucassin), alors que cette correlation ne se retrouve pas dans les chartes, notamment dans celles de Tournai ou abonde la construction si plus AS, cf. section 3.2.3. Selon FLEISCHMAN (1991), la correlation si plus MS domine dans taute la periode de l'ancien et du moyen franfais. Notre etude ne confirme pas cette observation, car elle suggere une distinction des genres et des dialectes: en effet, ce sont les seuls textes litteraires qui confirment l'analyse de FLEISCHMAN, cf. Tableau 4 ci-dessus. 3.3.4. Distribution si plus AS explicite vs. si plus AS sous-entendu Le nombre de cas de AS sous-entendus est considerable dans Aucpr et dans Best, alors que l'expression explicite d'un AS est simplement de regle dans les chartes (et dans Clari et Loys). N'oublions pas qu'il s'agit de constructions allant al'encontre des definitions de (1), cf. Tableau 5 ci-dessus. 3.3.5. Distribution si plus MS explicite vs. MS sous-entendu Le nombre de cas de si plus MS sous-entendus est tres eleve dans la poesie, ainsi que dans la prose, mis apart Loys. Ce resultat confirme encore une fois la nature 122 Pieter van Reenen/ Lene Sch1Z1sler explicite de 1a langue juridique de Loys et surtout des chartes, ou la construction si plus MS sous-entendus est rare, cf. Tableau 6. 3.3.6. Les chartes et l'usage moderne Dans ce qui precede nous avons pu constater que les chartes representent un usage plus moderne que les textes litteraires en ce sens que le si y est deja plus rare et que les sujets explicites (AS ou MS) y sont plus frequents. 3.4. Conclusion a l'analyse variationelle Les resultats de l'analyse presentee dans la section 3 concernant les constructions contenant si thematique montrent qu'il faut tenir campte de la distribution spatiale, temporelle et stylistique des donnees. En effet, seuls les textes litteraires se laissent correctement decrire par nos hypotheses exprimees dans (1), surtoutAucpo (Nord) et Turpin (Sud-Est) 14• Notre etude nous permet ainsi de conclure a l'existence d'une fayon de signaler la structure thematique fixe toute particuliere a la langue litteraire. Dans les chartes, par contre, on constate l'existence d'un usage plus proche de l'usage moderne, et qui consiste a signaler la structure thematique fixe par les deux premieres fayons mentionnees dans l'Introduction: la repetition, variee ou non, du Theme et la reference anaphorique des pronoms. Ces deux fayons de proceder permettent d'eviter toute ambigui"te et d'insister sur la clarte referentielle du Theme. II s'agit ainsi, dans le domaine de la structure thematique, de deux normes distinctes dans les deux types de textes. Voici d'autres conclusions importantes illustrant la necessite de distinguer styles et dialectes: le pourcentage de sujets explicites a tendance a augmenter, surtout dans les chartes; les chartes ont plus de sujets explicites que les autres genres; les dialectes du Nord favorisent l'emploi de si thematique. Les differences chronologiques et dialectales sont, malgre l'ampleur de notre documentation, encore trop peu fiables. Par contre, les differences d'ordre stylistique d'une part: style juridique (chartes), d'autre part: style litteraire (prose et poesie) semblent indubitablement pertinentes pour la description de notre si thematique. 14 Quoique ! es constructions dans Turpin soient tres regulieres et toujours en accord avec nos definitions dans (1), ce texte se distingue par la frequence des PR subordonnees (en quant), qui depasse celle des principales (cf. aussi FLEISCHMAN 1991). Ancien et moyen fran9ais: si «thematique» 123 4. Conclusions A en juger d'apres nos resultats, il nous semble plausible de presumer que la structure thematique exprimee dans (1) a bien existe, du moins dans un certain type de textes, a un certain moment de l'histoire, et dans quelques dialectes precis. Cette structure s'est fait concurrencer par d'autres, et elle a fini par se voir eliminee, vers la fin de la periode du moyen frarn; : ais.Dans son etude des differents si, CH. MARCHELLO-NIZIA (1985) estime en effet que la disparition des emplois de si, en dehors des formules plus ou moins figees, a eu lieu aux alentours de l'an 1400. Nos donnees ne permettent pas la verification de cette datation. Notre etude de si thematique, basee sur le depouillement de huit 15 (fragments de) textes litteraires et six collections de chartes nous a ainsi permis de conclure a l'existence de la structure thematique definie dans (1). Si la particule si thematique, suivie de V SO, a eu la fonction incontestable de signaler la structure thematique fixe, cette description n'est pas valable au meme degre pour tous les textes examines. Dans la section 3, nous avons pu etablir des differences parfois considerables, correspondant a la distribution stylistique et, peut-etre, a la distribution dialectale et chronologique des textes examines. Nous avons vu confirmee notre hypothese de depart formulee sous forme de definitions dans (1) dans la plupart des textes litteraires, surtout dans Aucpo et Turpin, mais aussi dans Aucpro, Best et Floov. Nous les avons vues infirmees dans Loys, Clari, Sully et surtout dans les chartes de Tournai qui semblent representer un usage plus moderne. Il se peut mais nous ne saurions confirmer cela qu'il y ait eu des epoques et des regions dans lesquelles les definitions contenues dans (1) ont fonctionne sans exceptions. Nous concluons notre etude du si thematique sur quelques reflexions d'ordre plus general. Comme il ne s'agit pas d'une structure d'abord absente qui va s'installer solidement et definitivement dans la langue, la question est de savoir quand, ou, et dans quelle mesure, notre structure thematique fixe avec si thematique a eu l'occasion de s'installer dans la langue. L'hypothese exprimee dans (1) cidessus nous a permis de detecter les frequences d'emploi dans une serie de textes datant du 13 em e et du 14 emc siede (datation d'apres les manuscrits). Dans quelle mesure notre etude confirme ou infirme-t-elle les conclusions d'autres specialistes? FLEISCHMAN (1991: 278) se resume en considerant «the Old French particle si as a discourse marker of subject/ topic continuity linking its rise and fall to the grammaticalization of obligatory subject pronouns, erstwhile markers of switch reference, and to the gradual word-order shift from V/ 2 to SVX». Pourtant: «In the course of the 13th century si ... no longer does the one thing it is supposed to do, which is to mark unambiguously subject/ topic continuity» (275). Elle date la disparition des 1s Aucassin compte pour deux textes: les parties en prose comptent pour un texte et les parties versifiees pour un autre. 124 Pieter van Reenen/ Lene Sch0sler emplois de si «during the 15th century» (1991: 277), alors que MARCHELLo-NrZIA (1985) la date deja aux alentours de l'an 1400. L'analyse exhaustive des textes de notre corpus nous a permis de constater qu'il faut tenir compte non seulement d'une certaine variation stylistique, mais surtout d'une variation dialectale considerable. Jusqu'a maintenant, cette variation dialectale a completement echappe a l'attention des specialistes. Quoique l' etendue de notre corpus soit de huit (fragments de) textes litteraires et de six collections de chartes contenant presque 1250 constructions Oll figure notre si thematique les donnees ne nous ont guere permis d'observer de differences diachroniques de l'ancienne langue. Il faut conclure que, pour la resolution de ce probleme, il conviendrait d'analyser un corpus de textes plus etendu que le nötre, couvrant egalement les 12 eme et 15 eme siecles; il conviendrait en outre d'augmenter le nombre de dialectes a etudier et le nombre de textes par genre. 11 n'est pas sans interet de se poser la question de savoir pourquoi si thematique a l'interieur de la structure thematique fixe ne s'est pas generalise comme la construction qui signale la continuation du meme sujet en franr; ais. En dehors des raisons mentionnees dans FLEISCHMAN (1991) 16 nous voyons plusieurs autres facteurs: - L'existence des verbes impersonnels comme il convient (cf. 2.2.1.) ne se prete pas a l'introduction de notre structure thematique fixe. - Des le plus ancien franyais, l'introduction de la structure a ete concurrencee par une autre tendance de l'ancienne langue, celle de l'extraposition du sujet et parfois des complements. Du reste, il est interessant de constater que cette structure appelee si didactique par MARCHELL0-N1z1A (1985) a egalement disparu, quoique, a en croire cet auteur, bien apres notre si thematique. - Ce qui n'a pas favorise la stabilite de notre structure thematique fixe est la collision homonymique avec ce demonstratif, se conjonction et se pronom reflechi: cf. aussi Corbett apud FLEISCHMAN (1991: 277 N 37) et FLEISCHMAN (1991: 262 N 15). - Une derniere raison concerne le rapport entre notre structure thematique fixe et la structure thematique fixe Oll fait defaut notre si (cf. l'Introduction point 3). Si nous considerons les frequences d'emploi dans les textes Oll notre structure thematique avec si obeit le mieux aux regles formulees dans (1) comme Turpin et Aucpo nous constatons que dans ces textes notre structure n'est certainement pas frequente (cf. tableau 2). Cela doit impliquer, croyons-nous, que tres souvent la continuation du sujet est indiquee par d'autres moyens que notre 16 FLEISCHMAN mentionne que la tendance de l'ancien fram;:ais a changer de langue a V2 a langue a SVX aurait elimine le besoin de si comme remplissage de la premiere place de la phrase. P. HIRSCHBUHLER nous a fait l'observation que le sujet pronominal devenu obligatoire pourrait tout aussi bien avoir rendu superflu le si. En effet, ! es deux tendances vont dans le meme sens, et l'on ne saurait affirmer laquelle des deux a ete la premiere. Ancien et moyen frarn;:ais: si «thematique» 125 structure thematique fixe, a savoir par les moyens indiques dans les points 1 a 3 dans l'lntroduction (cf. p.103 ci-dessus). D'autre part, dans les textes ou si thematique est frequent comme dans Clari, Aucpr et Sully -, Ie nombre d'exceptions aux regles exprimees dans (1) est eleve. Cela suggere au moins que l'introduction de la structure thematique fixe avec si comme construction signalant la continuation du sujet n'a jamais joue en realite qu'un r6le mineur dans l'histoire de la syntaxe du franc;:ais. Amsterdam/ Odense Pieter van Reenen/ Lene Sch�sler Appendice 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 AN13 1 0 1 1 1 0 0 4 0 1 12 AN14 0 0 0 0 3 0 0 0 0 0 9 Aucpo 19 0 0 1 0 0 0 0 0 0 3 12 21 12 23 Aucpr 119 12 10 9 1 2 2 6 6 2 27 196 Best 47 12 14 13 3 4 0 6 6 0 21 126 Clari 51 11 35 9 3 1 10 24 2 0 18 164 Floov 31 4 5 0 5 0 0 4 0 0 22 71 Loys 4 1 1 0 1 0 4 2 0 1 2 16 Par14 0 14 8 1 0 0 16 4 0 6 9 58 RegPar 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 2 4 Sully 58 17 28 7 18 0 2 37 4 4 28 203 Tour13 18 3 0 14 2 6 26 93 2 0 2 166 Tour14 11 6 0 15 1 17 37 66 1 0 4 158 Turpin 5 3 13 0 0 0 0 0 0 0 1 22 Total 365 84 116 70 38 30 97 245 21 14 160 1240 Les frequences de SI thematique. Les colonnes referent a: 1. PR simple, si V MS sous-entendu (section 2.1.1) 2. PR complexe, si V MS sous-entendu (section 2.1.2) 3. PR = phrase subordonnee, si V MS implicite (section 2.1.3) 4. Verbes impersonnels et sans sujet, sujet inanimes (section 2.2.1) 5. Extraposition du sujet ou du complement (section 2.2.2) 6. Sujets inclus (section 2.2.3) 7. SI V MS explicit (nominal ou indefiui) (section 2.3.1) 8. SI V AS explicit (nominal ou indefini) (section 2.3.2) 9. SI V AS sous-entendu (section 2.3.3) 10. SI V AS et MS, pronoms personnel et demonstratif 11. SI dans le discours direct 12. Totaux 126 Pieter van Reenen/ Lene Schosler Bibliographie 1. Textes examines de l'ancien et du moyen frarn;:ais AN13 (96 chartes): Cf. JONG, THERA DE (1988), «L'Anglo-normand du XIIIe siede, Sources primaires»,p. 109 ANl4 (50 chartes): Recueil de lettres anglo-franr;aises 1265-1399, p.p. F. J. TANQUEREY, Paris 1916 Aue: Aucassin et Nicolette, p.p. MARIO RoquEs, Paris 1916. Nous designons par Aucpo et Aucpr ! es parties en poesie et en prose,respectivement Best: Le Bestiaire, Das Thierbuch des normannischen Dichters Guillaume LeClerc, p.p. R. REINSCH, Wiesbaden 1892 Clari: La conquete de Constantinople de Robert de Clari, p.p. PHILIPPE LAUER, CFMA 1956: paragraphes I-XX Floovant: Floovant, Chanson de geste du Xlle siecle, p.p. SVEN ANDOLF, Uppsala 1941, vers 1-1054 lsopets: Recueil general des Isopets, tome troisieme, l'Esope de Iulien Macho, p.p. P. RuELLE, SATF,Paris 1982 Loys: Les miracles de saint Louis de Guillaume de St Pathus, par. 1-54, p.p. P. B. FAY, Paris 1932 Melusine: Le Roman de Melusine ou Histoire de Lusignan par Coudrette, p.p. ELEANOR RoACH, Paris 1982 Paris 14 (276 chartes): Chartes et documents de l'Abbaye de Saint-Magloire, p.p. A. TERROINE et L. FossrnR,t. II,Paris 1966 RegPar (104 chartes): cf. DEES et al. (1980), Region parisienne, p. 310 Sully: Sermons Maurice de Sully, ed. A. BouCHERIE, Le dialecte poitevin, Paris-Montpellier 1873, p. 1-84 Tournai 13 (57 chartes): Chartes en langue franr;aise anterieures a 1271 conservees dans la province de Hainaut, p.p. PIERRE RuELLE, CNRS, Paris 1984,no *1,1,11,22,23, 24,27,28,31,33, 34,39,42,50,54,55,59,60,65,66,67,68,69,71,75,76,77,78,79,80,81,83,84,85,90, 92,93,94,95,97, 101,103,104,105,106,107,108,111,112,113,114,117,118,122,124, 125,129 Tournai 14 (49 chartes): Les chartes de l'Abbaye de Saint-Martin de Tournai, p.p. A. D'HERBO- MEZ,vol. II,Bruxelles,1901,no 944,946,947,952,956,973,984,992. Trente et un chirographes tournaisiens (1282-1366), p.p. PrnRRE RuELLE,in: Bulletin de la Commission Royale d'Histoire 128 (1962) 1-67. Chartes tournaisiennes du XIVe siecle, p.p. CHARLES DOUTREPONT, ZFSL 1900,90-131,no I-XIX,XXII-XXV Turpin: The burgundian translation of the Pseudo-Turpin Chronicle, ed. R.. WALPOLE, RomPhil. 2 (1948-49),177-216; 3 (1949-50),83-116; 179-197 2. Ouvrages scientifiques consultes DEEs, ANTONIJ, avec Je concours de PrETER VAN REENEN & JoHAN DE VRIES (1980): Atlas des formes et des constructions des chartes franr;aises du 13e siecle, Tübingen DEES, ANTONIJ, avec le concours de MARCEL DEKKER, ÜNNO HUBER & KARIN VAN REENEN-STEIN (1987): Atlas des formes linguistiques des textes litteraires de l'ancien franr;ais, Tübingen FIRBAS, ]AN (1964): «On Defining the Theme in Functional Sentence Analysis», Travaux Linguistiques de Prague l,267-280 FLEISCHMAN, SuZANNE (1991), «Discourse Pragmatics and the Grammar of Old French: A functional Reinterpretation of si and the Personal Pronouns», RomPhil. 44,251-283 JoNG, THERA DE (1988): «L'Anglo-normand du XIIIe siede,Sources primaires»,in: VAN REE- NENNAN REENEN-STEIN (ed.), Distributions spatiales et temporelles, constellations des manuscrits, Amsterdam/ Philadelphia Ancien et moyen franfais: si «thematique» 127 MARCHELLO-NIZIA, CHRISTIANE (1985): Dire le vrai: L'adverbe «si» en franr;ais medieval, Geneve SCH0SLER, LENE (1984): La declinaison bicasuelle de l'ancienfranr;ais, Odense ScH0SLER, LENE (1988): L'identification du sujet en moyen franfais. in: Melanges d'etudes medievales offerts a Helge Nordahl, Oslo, p. 159-169 L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Fram; ais (DMF) Depuis le colloque sur le moyen frans;:ais a Milan en 1988, le fait le plus marquant pour le DMF a ete Ja mise en place, a l'INaLF, d'une Equipe de Redacteurs. Le TLF etant termine (deux volumes restent a publier, mais ils sont prets), six redacteurs a plein temps et quatre autres a temps partiel peuvent consacrer desormais leur activite au DMF. C'est dire que les travaux sont entres dans la phase active. Apres la periode de preparation, la redaction proprement dite devrait pouvoir commencer fin 1992 ou debut 1993. Certains des «Lexiques prealables» (V e Colloque, Milan, 1985, Actes I, 131-139) sont en banne voie. Ainsi les premieres lettres de l'alphabet sont redigees pour les Lexiques de Guillaume de Machaut (N. Musso), de Froissart (J. Picoche), de Christine de Pizan (J. Blanchard, M. Quereuil), d'Alain Chartier (F. Rouy), d'Antoine de la Sale (P. Demarolle), d'Andrieu de la Vigne (A. Delbey-Bertin), de Juvenal des Ursins (B. Combettes), des Cent nouvelles nouvelles (R. Dubuis), du Theätre profane (E. Martin), des Chroniques de la guerre de Cent ans (D. Lalande). Pour les autres lexiques, sans qu'ils soient encore entres dans la phase de redaction, la selection des exemples est en grande partie realisee. La seconde version de notre Glossaire des glossaires (Actes du Vl e Colloque, I, 17-18) n'est pas encore disponible. Cela peut se comprendre: de 64 textes (qui composaient la 1 ere ed., 1985), nous sommes passes a 190 (et non pas une centaine comme il etait envisage). C'est un travail considerable, mais qui representera un apport decisif pour le DMF 1 . Pour pallier une trop grande redondance d'un lexique a l'autre, des canevas d'articles sont prepares pour les mots les plus frequents. C'est a cette preoccupation que repond l'article TENIR reproduit ci-dessous. II a ete redige a partir de la Base textuelle du DMF (actuellement environ 6 millions d'occurrences pour une trentaine de textes 2 ) et a partir de la 1 ere ed. du Glossaire des glossaires; c'est dire qu'il se fonde sur une documentation encore parcellaire. Toutes les critiques et suggestions seraient accueillies avec reconnaissance. 1 Un grand nombre de Medievistes contribuent a ce travail en se chargeant de la lemmatisation. Une mention toute particuliere doit etre faite de Ja contribution de Y. ÜTAKA (Univ. d'Osaka), qui porte sur une cinquantaine de glossaires! 2 Desormais accessibles sur Micro-ordinateur compatible, gräce a un programme ecrit en langage C. 130 Robert Martin TENIR, verbe trans., intrans. et pronom. / . - Empl. trans. (directs ou en double construction) A. - «Avoir quelque chose avec soi, le garder (a la main, dans ! es bras . ..) pour l'empecher de tomber, de s'echapper . .. » 1. Qqn tient qqc.: L'autre ressembloit une fee, Tant estoit bele et bien paree, (...) En la pomme qu'elle tenoit, Qui bien et bel li avenoit, Avoit, je ne say qui, l'escript, Car tout entour estoit escript: «Donnee soit a la plus belle ! » (MACH., F.am., 200). Bremons une hache tenoit, Dont grans et rutes cos donnoit. (MACH., P.Alex., 73). ... chascuns tenoit une hache Dont on tuast bien une vache. (MACH., P. Alex., 196).Evous ces chevaliers et escuiers de France venir en escriant leurs cris, et tenoit chascun sa lance. (FRorss., Chr. M., 95). Atant estes vous venu le Soudant, atout grant raute de Sarrasins, arme, sur un grant destrier, et tint ung dart envenime. (ARRAS, 105). ... la royne Presine, qui estoit en estant sur la colompne, au piez du roy, et estoit figure d'albastre, et du tablel qu'elle tenoit et qu'il avoit dedens escript (ARRAS, 270). Et tenoient grans lons leviers et gros de ebene, que il avoient pris chies un archier qui demoroit en celle rue. (FRorss., Chr. D., 118). Et lors fist appeller et venir lesdis assistens jurer en ses mains et es mains dudit Chancelier, qui tenoit ung messel (FAUQ., II, 74). ... de sa bannerolle qu'il tenoit fist un tresgrant signe de la croiz (LA SALE, J.S., 124). Et quant Saintre entend du roy son ordonnance et le gracieux parler de messire Enguerrant, se fist baillier son bracelet, que un de ses gens tenoit (LA SALE, J.S., 130). - Tenir qqc. en sa main, a la main: ... l'ardant sierge en sa main tint (MACH., J. R. Nav., 250). Deux grans amiraus qui tenoient Chascuns une hache en sa main. (MACH., P. Alex., 195). Griseldis tenant un balay en sa main (Gris., 91). ... et la perche tint Droicte en sa main, et bien retint (CHR. Piz., M. F.IV, 58). Tenes vostre lance a la main. (Pass. Auv., 230). . [P. meton.] La main tient qqc.: ... la main senestre qui la haiche tenoit (LA SALE, J. s., 127). - Tenir qqc. au poing, en sa paume, en son bras ..., en son sac ...: Sire, acheterez vous ce cuir de cerf que je tiens en mon sac? On en fera bonnes cottes chasseresses pour voz veneurs. (ARRAS, 33). ... Regnault de Lusignen, (...) qui tenoit un gros baston ou poing, et ordonnoit ses gens moult a droit. (ARRAS, 174). Un anel tenoit en sa paume, Qui vertu ot d'enchantement Tout deffaire en un seul moment. (CHR. Piz., M.F. III, 43). ... le deslyer du bracelet que en son bras senestre il tient. (LA SALE, J.S., 108). - Tenir qqc. + adv. de maniere: Ne laisse rien, porte ces tasses, Veille tost ces voirres saisir. Tiens les bien, car si tu les casses, A l'oste feras desplaisir. (LA VIGNE, S.M., 206). - Tenir un ecrit. «L'avoir en mains propres»: ... ainsi me prins a occuper en L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Frarn; ais 131 faisant chansons et balades dorrt puis, icelles achevees, je les donnoye es mains d'Abuz affin que de par luy feussent aux dames presentees. Lequel (. . .) me venoit apres celluy dire que celle a qui il les avoit de par moy presentees les avoit joyeusement leues et apres les avoit mises en son sain et que ma dame la Court les avoit veues et tenues et que d'icelles prisoit fort l'ouvrage. (Abuze D., c. 1450- 1470, 50). - Tenir le gouvernail: ... chil qui tenoient Ie gouvrenal de sa nef (FRmss., Chr. D., 887). - Tenir pied* ou aile. - [En parlant d'un animal] L'aigle, qui l'entraille a tenue, En l'ost des Grieux l'a devoree (CHR. Piz., M. F. III, 156). 2. Qqn tient un animal - Tenir un oiseau de proie (sur le poing): Car je me pris a avancier Dou gent esprivier mettre a plain. Et quarrt je le parvi de plain Et seur mon poing le pos tenir, Je congnus a son maintenir, Au plumage et a sa fai;;on, Qu'il seroit de bonne duii;;on, Car tout tres bien li avenoit. (MACH., D. Aler., 275). Comment on les [les oiseaux] devoit tenir, Porter, garder et maintenir, Et norriture admenistrer, Duire, mettre a point et moustrer Chascun endroit lui son mestier, Selonc ce qu'on en a mestier (MACH., D. Aler., 293). Car de leurs dons rien ne retint, Fors un gerfaut que souvent tint Seur son poing; car trop bien valoit (MACH., P. Alex., 46). - Tenir un animal en laisse: La trouvames un compagnon, En laisse tenoit trois levriers. (FROISS., Par. am., 62). L'ung tient un prisonnier par la main; l'autre tient un cheval en leisse (BuEIL, I, 145). 3. Qqn tient qqn (par la main, dans les bras.. .): Quant Guyon ot ceste nouvelle, si a dit a la pucelle que il tenoit par la main (ARRAS, 127). Et celle qui moult bien fu enseignie, tenoit ses deux enfans par les mains (ARRAS, 208). Le coup l'escu en .II. bouta, Et la cuisse en parfont tranchiee Lui a; on le tient qu'ilne chiee. (CHR. Piz., M. F. III, 105). Si les pourrons tenir au collet avant qu'ilz nous apperchoyvent; car ilz ne nous pourront veoir pour la grosseur de la tour (BuEIL, I, 79). L'ung tient un prisonnier par la main (BuEIL, I, 145). Sur mon giron le veulx tenir Entre mes bras pour le baiser. (Pass. Auv., 247). - [En vue d'un sacrement] Cel enffant fut trouve en la tour et fut apporte au roy Charlemainne, qui en ot grant joye et volt qu'il fut baptisiez ; et il le fu et le tindrent sur les fons Rolant et Olivier et ot nom cel enfant Olivier (FRmss., Chr. M., 11). Item se l'enfant de ta femme qu'elle a engendre d'aultre espeux, aucune femme a leve de fons ou aura tenu au sacrement de confirmation devant l'evesque, celle femme est la commere de ta femme et non la tienne. (Sacr. mar., 58). Car ung de franche volunte Luy supplia en toute humilite Que par luy eust, si luy plaisoit, baptesme, Laquelle chose il obtint ce jour mesme ; Car par la main le roy tantost le print Et sur les fons humaynement le tint (LA VIGNE, V. N., 243). 132 Robert Martin - [P. metaph.] Si estoit l'autre en la pensee, Qui la tenoit entrelacee. (CHART., L. Dames, 240). B.- P. anal.[Idee de possession, de domination] l. Qqn tient qqc. a) «Posseder, detenir quelque chose»: Gent rapineux tenant aver (CHR. Prz., M. F. II, 7). . . . et on vous demande ce que ne tenez ne possides, ne n'aurez jour de vostre vie, comme il est a croirre et presumer. (Juv. URS., Loquar, 400). - [Le compl. designe un discours] Tenir d'(un discours). «L'enregistrer, l'ecouter»: Que vous vauldroit a tenir de ce long prologue? (ARRAS, 123). - Tenir (une somme d'argent) (de qqc.).«Obtenir (cette somme) (en echange de quelque chose)»: Et adonc la print un levrier, Bien affaittie pour le mestier. La fu li queins de Tanquarville, Qui ne voulsist pas tenir mille Petis florins de celi vol, Car il fut fait tout a son vol. (LA BurGNE, Rom. desduis B., 1377, 442). - Tenir le de.«Etre le premier» (ed.) [comme est le premier a jouer celui qui a le de en main]: Et les monnieurs le d[e] tenront. (MoLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 541). b) Tenir une terre, un territoire, un heritage ... «En etre matre, en etre seigneur»: . . . il estoit bien dignes de tenir un grant pays. (ARRAS, 67). Et sachiez qu'il tient mault belle terre et mault noble. (ARRAS, 276). Et couroit secree renonmee que li rois, par ses mesusances et folies, n'estoit point dignes de tenir terre (FRorss., Chr. D., 55). . . . li chastiaus de Struvelin et pluisseur aultre estoient repris, et les Englois, qui les tenoient, baute hors. (FR01ss., Chr. D., 562). - Tenir qqc. de qqn: Et dist bien Jehans de Qopelant que il ne le renderoit a nul honme dou monde, fors au roi qui estoit son signeur, et de qui il tenoit son hiretage. (FRorss., Chr. D., 782). . . . vous estes empereur en vostre royaume, lequel tenes de Dieu et de l'espee et non d'aultre. (Juv. URs., Exort., 413). - Tenir (une place, au terme d'un combat): ... faisant mencion du traictie fait de par ses commis avec ceulz qui tenoient la forteresse (FAUQ., II, 91). Le chasteau se tenoit Et, au point du jour, par la dilligence que fit ung cappitaine anglois nomme Matago, qui tenoit Chasteau-l'Hermitage (TRING., 275). - Tenir les champs (les champs autour d'une cite, autour du lieu ou une armee est etablie, le champ de bataille). «Les occuper, en etre maitre, p. ext., etre maitre de territoires»: . . . les Anglois tenoient les champs (FRorss., Chr. M., 118). . . . ilz s'en partent et vont tenir les champs pour piller et rober (Juv. URS., Loquar, 405). . . . ilz n'en laissent sieges a mectre, ne champs a tenir (CHART., Q. inv., 16). . . . il tiendroitles champs tellement que nul n'entreroit en la ville (BuEIL, II, 131). Guerre eut contre Ysobeth mortelle Que contre luy tenoit ! es champs (MART. D'AUV., Mat. Vierge L. H., C. 1477-1483, 30). - Tenir (une voie).«S'y installer militairement pour en controler l'acces»: ... et L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Frangais 133 prindrent les champs, sans tenir voye ne chemin, car bien cognissoient le pays (FR01ss., Chr. M., 197). . .. ilz lui avoient mande qu'il envoyast dix hommes legiers de harnoys pour garder et tenir les chemins, adfin que nul ne peust aller en la ville sans estre rencontre (BuEIL, I, 86). - [P. metaph.: ] Car bien souvent le con tenir Art le corps et la bource mine. (REGN., F. A., 205). 2. Qqn tient qqn a) «S'emparer de quelqu'un, le maitriser»: Et s'il avient que son anemi teingne A son dessous, Nature li enseingne Et ses bons cuers que pite li en prengne. (MACH., J. R. Beh., 106). . . . le deable le tient Et l'a si bien mys en ses las (LA VIGNE, s. M., 293). - [En parlant de la mort] La Mort me tientja en ses las (LA V1GNE, S. M., 558) . .. . je voy que Mort en ses las Tient mon seigneur et mon bon maistre (LA V1GNE, S.M., 568). - [En parlant d'un animal qui en tient un autre] «Le retient, le mairise, en fait sa proie»: Maiz le lievre besse l'oreille Quant voit les deux levriers venir Pour le prendre et pour le tenir (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1377, 399). - [En parlant du chien] Tenir une lisse. «S'accoupler avec la lisse»: Aussi avient il aucune foiz mal aux chienz en la bourse des coullons et aucune foiz par fere trop longues chasses et journees et par desrompement ou aucune foiz qu'ilz sont marfunduz come un cheval ou aucune foiz, quant il y a lisses chaudes et ilz ne les peuent tenir a leur ayse, celle valente et humour leur descent aux coullons, ou aucune foiz par coup qu'ilz prenent sus les coullons en chassant ou autrement. (GAST. PHEBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 124). b) «Dominer»: ... n'avoient point les cappitaines de peine a tenir leurs gens. (BUEIL, 1, 179). c) «Avoir aupres de soi; garder aupres de soi (p. oppos. a mettre hors 'chasser')»: S'il est tel qu'il la mecte hors, ce sera honte et tel le savra qui n'en savroit riens, et ne se pourra plus marier, et sachez qu'elle ne s'espargnera pas; et s'il la tient, elle ne le amerajames, ne lui elle (Quinzejoies mar. R., c. 1390-1410, 89). Mieulx vault seul estre Ou peu de gens tenir dedans son estre Que compaignie te face descongnoistre Perilleux pas qu'a passer doibs congnoistre. (MESCHIN., Lunet. princes M., c. 1461-1465, 86). Laisses m'entrer! Ne me tenesplus! Carje veulx apres luy corir. (Pass. Auv., 263). d) Tenir (une femme). «L'entretenir, avoir avec elle des relations charnelles»: L'ome est mault ahonte de sa ferne qui est vulgaument affollee, car a l'aventure quelque gallant la tient a sa meson davant lui honteusement, et me semble que c'est ung des grans tourmens que home peut avoir. (Quinzejoies mar. R., c. 1390-1410, 81). . . . un filz cognut charnelment unejoenne femme que son pere tenoit afin que elle laissast le pere. (ÜRESME, E. A. C., 300). Le roy amoit la damoiselle; Avecques d'autres la tenoit Car ainsi plusieurs maintenoit. (CHR. Piz., M. F. II, 232). 134 Robert Martin e) «Retenir, occuper»: Se tous les pas racontoie Ou nez furent, trop vous tendroye. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1377, 200). Si concluray tout maintenant, Que trop ne vous voise tenant. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1377, 324). . Ne pas savoir par oit tenir qqn. «Ne pas avoir prise sur lui, ne pas savoir comment le traiter»: Pour venir a l'entention De vaillance acquerrir le non, Des deduis te gouverneras Selon l'estat que tu auras. Par moy le te mande raison, Que j'ay lessie en sa maison, Qui n'est voulue a toy venir, Car ne te scet par ou tenir Pour jovenece et pour delit, Qui te demainent jour et nuit. (LA BUIGNE, Rom.deduis B., 1377, 116). f) Tenir qqn (de faire qqc.). «Le retenir (de faire cette chose)»: Je me tray pres de la fontaine, On m'en tenist a trop grant paine (Echecs amour. K., c. 1370-1380, 110). Dessoubz la pope, ou j'estoye, Me lieve com femme enragiee, Hault m'en monte et en mer plungiee Je me fusse, et ja n'y faillisse, Qui ne me tenistje y saillisse (CHR. PIZ., M.F. I, 49). 3. Qqc. tient qqn. «Le domine» - [Qqc. de concr.] Cils brandons les tient et destreint, Le euer leur art, le corps leur teint, Si que raison est oubliee Et mesure s'en est alee. (MACH., D.verg., 32). - Un mal, une maladie tient qqn: ... Orleans, frere du Roy nostre Sire, qui pour ce temps estoit tenu de grieve maladie, dont Diex par sa grace le vueille delivrer (BAYE, I, 24). ... survint au graphier un flux de ventre qui par V jours ensuivans l'a tenu avec une autre maladie du stomac qui par XIJ jours en grant necessite l'a tenu (BAYE, I, 178). ... le mal qui me va tenant (CHART., L. Dames, 259). 0 Luccifer, que mal faire Te puisse tenir sans cesser! (Pass. Auv., 226). - [Qqc.d'abstr.] Cent rimes ay mis dedens ceste rime, Qui bien les conte.Prises les ay en vostre biaute qui me Tient sans dormir dou soir jusques a prime. (MACH., F.am., 179). Sa maniere coie Si me tientet loie Que riens ne m'anoie Qu'Amours me face n'envoie. (MACH., Lays, 332). . «Importer a quelqu'un»: De bonnes paroles or Se veult tout bon euer esjor, Quar «dont me tauche si me tient» (Tombel Chartr. W., c. 1337-1339, 6). - [Qqc. que l'on a en soi ] De toutes pars me tient engoisse Qui mon euer destreint et engoisse. (MACH., C.ami, 7).Dame, pour Dieu ne metez en oubli Moy qui tant ay de dolour et de plour Que je n'ay mais nul reconfort en my De l'ardure qui me tient nuit et jour (MACH., L. dames, 136). - Rien ne tient qqn que ... ne ... «Rien ne l'empeche de ...»: Le temps entretant se passa, Et la journee s'aprocha, Si n'a riens les Deduis tenu Que tost ne soient revenu (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1377, 277). L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Fran9ais C. - P. ext. «Faire rester (dans un certain lieu, une certaine position, une certaine attitude, un certain etat)» 135 1. [Le compl.d'obj.dir.designe ce qui est maintenu dans une certaine position, un certain etat] a) [Le compl. designe une partie du corps] - [Dans un certain lieu, une certaine position ... ] Li roys seoit sus son destrier, Et tenoit Je piet en l'estrier, Fort et ferme et seürement. (MACH., P. Alex., 94). Et ainsi vi je celle dame, En l'eaue tenoit son pie dextre Et en un grant feu le senestre (CHR. Prz., M.F.I, 75). Si alerent les pas menuz De leurs beaulx, blans, petis piez nuz, Et les yeulx vers terre ont tenuz. (CHART., L. Dames, 209). - [Dans un certain etat] Or veons comment ce seroit Qu'une dame ressambleroit L'esprivier qui l'oiselet prent Et vers le vespre le sourprent, Pour les piez tenir en chaleur, En signe d'aucune valeur. (MACH., D. Aler., 286). ... l'en ne peut tenir les yeulx ouvers longuement senz clignier. (ORESME, E.A.C., 409). Tenez voz mains et voz ongles nectes, et le surplus de vostre corps au mieulz que pourrez, car en tous les offices de servir seigneur a table, le vostre le requiert. (LA SALE, J.S., 67). Quant une femme couchie avec son mari, veult avoir plus tost un filz que une fille, elle doit tenir ses mains closes tandis que son mari fait l'euvre de nature, et pour vray elle aura un filz. (Ev. Quen. I, 110). - Loc. Tenir la main* (a faire qqc.lafin que ... ). «Faire effort (pour ... ), s'appliquer (a ... ) » : ... et que ycelle Court voulsist tenir la main a entretenir lesdictes ordonnances (FAUQ., I, 271). ... comment les rois et princes doivent tenir la main afin que justice soit faite et gardee en leurs royaumes et segnories (FAUQ., II, 342). ... en exhortant la Court afin que, (...) veulle tenir la main et labourer a l'entretenement dudit concil, et a ceste fin exhorter les princes a ce que ledit saint concil ne soit dissolu. (FAUQ., III, 34). ... maistre Guillaume Cotin et autres conseilliers du Roy ont este par devers le Chancelier afin qu'il veulle tenir la main au paiement des gaiges de la Court. (FAUQ., III, 35).Or soit ainsi que je vueil maintenant, Affin qu'il soit tousjours la main tenant A moy servir, devant luy me monstrer Comme a mon filz et parfaict lieutenant, Lequel sera, la bas, mon lieu tenant, Pour ma doctrine et ma loy demonstrer. (LA VrGNE, S.M., 208). - Tenir main* forte a qqn: ... il leur tiendroit main forte Doresnavant, envers leurs adversaires, Et mesmement contre ung tas de haulsaires Qui leur faisoient des maulx intolerables Pour les rendre povres serfz miserables. (LA VrGNE, V.N., 223). - Tenir pied* a boule. «Perseverer, tenir bon » : Les autres me disoyent: «Beau sire, Retirez vous hors de la foulle. » Je tenois tousjours pied a boulle, Mais ilz me tirerent a force. (F.arch.B., 53). Bien tindrentpiet a boulle Tenremonde et Alostz, Mais Liege, en ceste foulle, N'y acquist point grand lotz. (MoLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 262). Vous fistes lors plus fort que sus la corde, Se Patience, ayant arc et boujon, Tint pied a boulle en vostre bel donjon (MoLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 345). 136 Robert Martin b) [Le compl.designe une chose concr.ou abstr., ou bien qqn ou une collectivite ] b 1 ) [Avec un adj. ou un part. ou bien un subst. attribut de l'obj.] - [Le compl. designe une chose concr.] Mais tantost comme il y quiert entrer, que fait Obeissance? Elle fait la sourde oreille a la vois du Saint Esperit, ou elle est si endormie qu'elle n'ot goute, ou elle tient ses portes fermees par les serrures et verrous de divers pechiez, ou honteusement le renvoie. (GERS., Pent., 76). ... quant il doit porter la hote Ou faire aucun labour de bras, Ait ung surpeliz de bourras Qui sa robe honneste lui tiengne (DESCH., M.M., 139). ... tenir leurs harnoys clers et netz. (Juv. ÜRS., Verba, 247). ... tenirtoutes les portes de la ville closes (BUEIL, II, 53). - [Le compl. designe une chose abstr.] Si que le fils le ressongnoit Trop fort, et bien li besongnoit Qu'il tenist la chose secrete, Par voie honnourable et discrete. (MACH., P. Alex., 13). Ta despense ne soit tenue Si grande com ta revenue, Pour doute d'aucun accident, Car lors seroies indigent, Se ta despense estoit pareille A revenue (DESCH., M.M., 115). Mieulx vault restraindre son estat Un petit que cheoir tout plat En povrete, pour le tenirTrop grant (DESCH., M.M., 116). ... [les ordonnances ] avoient este publiees et par avant tenues closes et seelles (BAYE, II, 142). ... afin que le conseil de vostre seigneur et de tous autres qui se fieront en vous soit loialment garde et tenu secret (LA SALE, J.S., 77). - [Le compl.designe qqn ou une collectivite ou bien un animal ] ... elle me tient si vil Que pour li sui en peril De morir (MACH., Lays, 319). Si doit on l'ami tenir chier Qui son avoir fait desmarchier, Et qui l'apporte de son coffre A son ami, ainc;:ois qu'il l'offre, Quant il voit que mestier li est (DESCH., M.M., 5).Beaus amis, chiers tenus (DESCH., M.M., 254). Comment le messaige du roy Fedric de Behaigne vint querir secours au roy d'Ausaiz, son frere, contre les payens qui le tenoient assegie. (ARRAS, 171). Si fu comme fille nommee Et bien nourrie et bien amee De ma mere a joyeuse chiere, Qui m'ama tant et tint si chiere Que elle meismes m'alaicta, Aussitost qu'elle m'enfanta (CHR. Piz., M.F. I, 21). Et fu conclu de rescripre au regent et au Chancelier afin que les presidens, conseilliers et officiers de ceans en feussent tenuz quittes et paisibles, ainsi que ont este ou temps passe. (FAUQ., II, 292). Qui a faulcon, oisel ou chien Qui le suit, ame, craint et doubte, Il le tient chier et garde bien Et ne le chace ne deboute (CHART., B. Dame, 345). Venir fais ma femme et mon fieulx Par devers moy tenirostage (REGN., F.A., 139). Puis le jour que vous euz veue Du premier et apperceue, Ma voulente fut esmeue De vous tenir ma maistresse, Par la tresgrande noblesse Qui par moy fut recongneue Queen vostre corps estoit. (REGN., F.A., 43). Vous deves tenir vos gens serrez en toutes vos batailles tant que l'un ne passe l'autre fors ceulx qui y sont ordonnes. (BuEIL, I, 159).Les remeddes sont de faire grans escoutes, grans feux et groz guet et tenir voz gens prest, quant on est en paz doubteux. (BuEIL, II, 34). ... hastez vostre artillerie et tenez vostre armee preste sans riens despendre (BuEIL, II, 230). Et, pour ce, il Je print, ou il n'estoit que luy quatriesme, et Je tint prisonnier a Sable. (TRING., 283). L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Fran\;ais 137 b 2 ) [Avec un adv. ou une loc. adv.] Et tous les Crestiens le font si bien que Sarrasins eussent tourne le doz, ne feust le roy Selodus qui mault vaillaument les tient ensemble. (ARRAS, 185). Certes, beaus filz, vous avez tort, Qui ainsi ma fille tenez Et sanz raison suspevonnez (DESCH., M. M., 106). S'ottroye et vueil en banne foy Qu'a ma court vostre vie ayez Et chierement tenu soyez Taut pour l'amour de Griseldis. (Gris., 97). Si fu comme fille nommee Et bien nourrie et bien amee De ma mere a joyeuse chiere, Qui m'ama tant et tint si chiere Que elle meismes m'alaicta, Aussitost qu'elle m'enfanta, Et doulcement en mon enfence Me tint et par elle ot croiscence. (CHR. Piz., M. F. I, 21). . . . et que yceulz traictiez, selon leur forme et teneur, soient bien tenuz acompliz et gardez (BAYE, II, 152). Adieu ung chascun instrument Que je tenoye chierement, Pour mon tresor et ma montjoye (REGN., F. A., 28). Et au departir fist avec lui venir tous les roys d'armes, heraulz, poursuivans, trompectes, menestriers, tabourins, et autres compaignons d'esbatement soupper avec lui au Bourg la Royne, ou par cellui jour il se loiga, lesquelz il tint bien aise, et au matin leur donna cinquante escus. (LA SALE, J. S., 100). - Tenir qqn de pres. «Le suivre de pres, le talonner»: II [Orguel] couroit amont et aval, Si geta l'eul a son cheval, Qui s'en fuioit droit a la ville, Si ne puet avoir la geline. Adonc Yre si se trait pres De li et le tient si de pres Qu'il semble un homme forsene (LA BurGNE, Rom. deduis B., 1377, 186). - Tenir (un cheval, un chien . . . ou qqn) court. «Ne pas le laisser libre de ses mouvements» (au propre ou au fig.); d'ou «harceler»: . . . tant les hot en grace Fortune, que, de droicte actrace, Fussent droiz signeurs du pays, Tant y estoyent obeys Et crains, car mault tenoyent court Leur sugiez (CHR. Piz., M. F. IV, 74). Mes seigneurs, sachiez que Damasce De folz crestens a grant masse (. . .) Nous avons .i. de leurs prescherres Tüe et lapide a pierres. Les autres plus en doubteront; S'en lez tientcourt, ilz cesseront. (Cycle myst. prem. mart. R., c. 1430-1440, 86). Je ne scay quelle chose face, Tant ay (grant) paour d'estre court tenue. (Concil Basle B., 1434, 86). De paix naist richesse sur terre, De richesse orgueil, d'orgueil guerre; De guerre vient povrete, De povrete humilite, Mais de humilite revient paix; L'ostes dire oncques mais? Vous avez eu grant seignorie Soubz moy, tant que m'avez nourrie; Mais, puis que ne me recogneustes Et que d'orgueil hordie feustes, La guerre vous a court tenue, Par quoy pouvre estes devenue. (Concil Basle B., 1434, 123). . Estre tenu de court (de logis). «Etre loge a l'etroit»: Loger se fist ou que se tient la court En belles chambres, salle, cuysine et court, Et avec luy la royne et sa sequelle; Puis gentilz hommes, tant lang vestu que court, De logis furent tenuz assez de court Parmy Ja ville (LA VrGNE, V. N., 383). [Avec un compl. prep.] - [Indiquant un lieu] Quar mouvement violent est fait par vertu qui est hors le cors meu, et mouvement naturel droit suppouse autre puissance dehors laquelle a mis ou tenu le cors meu hors son lieu nature! ou a este obstacle ou empeesche- 138 Robert Martin ment qui tenoit tel eorps hors son lieu nature! . (ÜRESME, C.M., 126). ... vous avez este moult oultrageux quant tant et si longuement vous avez tenu mon oncle en prison (FRorss., Chr.M., 169).Et saehiez que Melusigne venoit tous les soirs visiter ses enfans, et les tenoit au feu, et les aisoit de tout son povoir (ARRAS, 262). Ces Philistiens tenoientSampson en prison de long temps. (Voy.J., 42).En sa main dextre une eouronne Tenoit Fortune belle et bonne (...)Sa roe pres d'elle tenoit Qu'aulcune fois Meseur tournoit, Et aueune fois retournee Estoit par Eür et menee. (CHR. Prz., M.F. I, 76). ... ear bastilles sont eneores plus fortes a eonduire et entretenir que n'est ung ost ou ung siege; ear en bastilles on ne peult tenir ehevaulx (BuEIL, II, 44). Martin, mon filz remply d'umilite, De par Jhesus soyez Je bien venu! En quel pays avez vous tant este Ne en quel lieu vous a on tant tenu? (LA VrGNE, s. M., 355). - Tenir en sa eure*. - Tenir en ses giets*. - Tenir en serre*. - Tenir fer a coste*. - [Indiquant un etat]Et ainssi le tenoit, espoir, Tout son temps en ee fol espoir. (MACH., D. Lyon, 218). Tenons les bons en amitie, Et des mauvais aions pitie (MACH., J. R. Nav., 178).Ma dame, en sante Dieu vous tiegne (M. enf.ress., 31). Le plus vaillant de sa eontree, ( ... )Et qui pouoit par ses grans fais Un royaume tenir en pais (DESCH., M.M., 257).Et disoit le peuple de son pas qu'il estoit affollez, et donnerent le gouvernement du royaume d'Albanie a Mathaquas, son filz, qui gouverna vaillaument et tint son pere en grant ehierte. (ARRAS, 10).Et tousjours se eombatentSarrasins, ear le soudant de Damas et le gallaffre de Bandas et le roy Anthenor les tiennent en vertu. (ARRAS, 236). ... avee lui une femme nee deSaneerre, nommee Alixandre, qu'il tenoiten eoneubinage. (ARRAS, 308). ... si le voloit tenir en amour et faire pour li tout ehe que il poroit. (FRorss., Chr.D., 190).Et euist paiiet quarente mille florins de raenyon, se on le peuist avoir tenu en vie. (FRorss., Chr.D., 372). ... «bien puist eil venir, Qui en vie les fait tenirEt par qui de leur ennemis Seront gardez et a paix mis. » (CHR. Prz., M.F. III, 81). ... pour tenirles subgiez du Roy en paix et transquilite (FAUQ., II, 126). Ma prineesse, du eueur je vous supplie Que vous ne moy l'ung l'autre si n'oublye, Mais noz amours tenons en audienee,Et prions Dieu et la vierge Marie Que il nous doint a tous deux paeienee. (REGN., F.A., 87). ... il y a treize moys Que Fortune en eest estat me tient. (REGN., F.A., 134). Mais quant Hanibal le seeut par ses espies, il retourna prestement et prinst la eite, par laquelle il mist tout Je pas qu'il tenoit en subgeeeion. (LA SALE,S., 52). ... ear ledit Mainffroy tenoit a tirenie quasy toute Ytalie (LA SALE,S., 174). ... les loys sont faietes ad ee que la fole voulente ou hardiesse des gens soit eohereee, et que entre les mauvais les innoeens soient tenus en seurete, et que les fols et vivans moins honnestement la faculte de nuyre soit refrenee. (Juv. URS., Verba, 286). Vous les devez tousjours tenir en obeissanee. (BuEIL, II, 27). ... ung roy estant diligenment au proffit de ses suges et quant ilz L'article TENIR du Dictionnaire du Mayen Frarn; ais 139 ont grant charges et ilz les descharge et que ilz oste les donmages et extorcions que ilz seuffrent en tenant ses subges en repos, luy mesmes se repose.(Juv. URs., D. Tours, 442). - Tenir qqn de plait*. «L'interroger, discuter avec lui»: Et adonc la va convoier Sa chamberiere, et s'en retourne: Dolente est et fait chiere mourne; Et ly maris la tient de plait, Demendans que sa femme fait.(DESCH., M. M., 121). . Tenir qqn de qqc. «L'en faire beneficier»: Et, se je n'ai pas retenu Tout le bien dont il m'ont tenu, A moy le blasme et non a euls(FRorss., Espin. amour. F., c. 1370, 50).Mes en lamentant Et en languissant J'ai baute avant Le tamps, qui noiant M'a tenu de joie (FRorss., Espin. amour. F., c. 1370, 166). - Tenir en point. «Maintenir en l'etat voulu»: Le grant du petit differe en ce, Car Dieu l'a voulu en ce point Ordonner, pour tenir en point Justice, paix, equite, droit. (MESCHIN., Lunet. princes M., c. 1461-1465, 57). - Tenir qqc. en secret. «Le maintenir secret»: Or tenes taut ce en secre(FRorss., Meliad. L. t. 1, 1373-1388, 68). 2. [Le compl. d'obj. dir. designe un lieu, une position, une attitude, un etat, une activite] «Demeurer dans ce lieu, dans cette position, cette attitude, cet etat, cette activite» a) [Le suj. designe une pers.(parfois un animal)] a 1 ) [Le compl. designe un lieu ou une realite exterieure] - [Lieu] - Tenir prison. «Demeurer prisonnier»: Si est ordonne et arreste de par le general conseil que vous allez tenir prison en la tour a Londres(FRorss., Chr. M., 34). ... Raoulet Grison(...) s'estoit defendu de fait et rebelle a l'encontre des huissiers de ceans qui par le commendement desdiz commissaires le vouloient mener en la Conciergerie pour tenir prison(BAYE, I, 127). ... ycellui Faudin a promis (...) bien et loyaument tenir prison en ladicte ville de Paris, sans en partir hors, sans la licence de ladicte Court(FAUQ., II, 47). - Tenir son chemin, sa voie, la droite voie. «Ne pas quitter son chemin, avancer sans devier»: Et j'ay pris ma voie et tenue Vers le lieu dont partis estoie, Qu'ades devant moy le veoie.(MACH., D. Lyon, 234). Quant je fui la dessus montee En celle plus haute montee, Mon chemin tenoie sus destre, Et je regarday vers senestre.(MACH., J.R. Nav., 163).Si ont tant le chemin tenu Qu'a la court du roy sont venu(LA BmGNE, Rom.deduis B., 1377, 274).Adoncques puet tenir sa voye, En Lombardie ou en Savoye Ou la ou il vouldra aler, Sans soy pour l'oisel destourber.(LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1377, 491). ... et saint Poul le tesmoisgne Es epistres qu'il nous envoye Pour mieulx tenir la droicte voye (DESCH., M.M., 206). Tant tindrent leur chemin qu'ilz y vindrent.(ARRAS, 52). - Tenir le chemin vers ... «Se diriger vers ...»: Vers orient le chemin tismes (CHR. Prz., L. ehern. est. P., 1402-1403, 55). - Tenir le chemin de qqn. «Suivre quelqu'un, l'accompagner»: Misericorde n'y 140 Robert Martin est pas, Plus tost s'en ala que le pas, Ne Grace n'y voult demourer, Mais avec lui s'en voult aler. Charite, qui leur appartient De lignage, leur chemin tient (LA BurGNE, Rom. deduis B., 1377, 128). - Tenir une marche, une contree, un pays. «Y rester, y demeurer»: Chevreul tient et demeure voulentiers en un pas en este et en yver qui ne li fera annui.(GAST. PHEBus, Livre chasse T., 1387-1389, 76).Lievre tientvoulentiers un pas, et, si elle a compaignie d'un autre, ou de leurs enfanz y a cinq ou sis, iames autre lievre estrange, fors que celles de leur nature, ne laisseront aproichier en toute la marche qu'ilz tienent. (GAST. PHEBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 80). - Tenir le lieu de qqn. «Faire office a sa place»: Et le juge, c'est le prince ou celui qui tient le lieu du prince et qui le represente. (ÜRESME, E.A.C., 316). ... monseigneur le Dauphin, lequel en l'aage de X ans ou environ avoit tenu le lieu du Roy au Conseil du Roy (BAYE, I, 181). V. lieutenant. - [Realite exterieure] Par ma foy, esbahie suy Comment homs scet tenir mesnage, Quant liez n'est par mariage (DESCH., M.M., 287). ... place ordonnee pour tenirmarchiet le merquedi et le samedi. (FR01ss., Chr.D., 746).En cellui temps un roy regnoit En Egipte, qui moult tenoit Grant seignourie et grant pouoir (CHR. PIZ., M.F. III, 5). ... des seigneurs (...) tiennent garnisons de gens d'armes qui pillent et ont pillie le paz de Valoiz (BAYE, II, 176). La est le Iieu ou Amours le gentis Tient son escole a tous ses apprentis Sains et malades (CHART., D. Fort., 167). ... car c'est ce qui fait tenir ordonnance que la paour que chascun a de son ennemy, et tous les cappitaines n'y feroyent pas tant que celle doubte. (BuEIL, II, 198). II est vray que en ses jones jours, elle fut marchande de luxure a detail et depuis en tinst bouticle en gros a Bruges entre les marchans. (Ev. Quen. I, 95). - Tenir mesure*: Enferme, clous, doubtant fureur, Estroit tenu c'est grant hydeur! - Enferre pour tenir mesure (Prisonn. desconf. C., c. 1488-1489, 3). - Tenir le moyen. «Suivre une voie moyenne, observer la mesure»: Mais qui en l'amoureus loien Est loiez, s'il tient le moien, II ouevre bien et sagement. (MACH., J.R. Nav., 237). Si comme celui qui est actrempe, il met sa fin en ce que es delectacions de touchier et de gouster il tiengne tousjours le moien. Et ceste fin est principe de toutes ses operacions en la matiere de ceste vertu. (ÜRESME, E.A. C., 357). - Tenir son etat. «Vivre, se conduire conformement a sa condition» : ... il retourna au Palais et la tint son estat; et aussi fist la raine sa fenme. (FROISS., Chr. D., 181). ... et pooit celle terre de Ricemont valoir en revenue par an environ siis mille florins. Et li avoit li rois donnee pour tenir son estat (FRorss., Chr.D., 417). - Tenir paix. «Etre en paix». Tenir paix (a qqn). «(Le) laisser en paix»: Qui mieulx scet souffrir, plus grant paix tenra. (Internele consol. P., c. 1450, 13). LE PERE.Helas, il est müet et sourt Et demonacle enracge.A ce soir il s'est destache Et fait pis qu'il ne fist jamais. S.JAQUES MAJOUR. Vous vouldries bien qu'il vous tint paix Et qu'il n'ust plus la maladie? (Pass. Auv., 159). - Tenir table* ronde (a . . . ). «Traiter comme des egaux ! es gens rer;us a table»: L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Fran9ais 141 Je veulx aujourd'uy convyer Taus mes freres sans nul deslay, Et mes seurs, a digner o moy Et si leur tiendray table ronde (Pac. Job M., c. 1448-1478, 234). - Tenir le pain* et le pot (a qqn). - Tenir le parti de qqn. «Se ranger a lui, le soutenir»: ... pluseurs de ceulx Qui tiennentun autre parti. (DESCH., M.M., 361). ... le Roy voloit ou avoit volu, (...) que tous les heritages, chasteaulx, maisons, fiefs, rentes, etc., que tenoient ceulx qui tenoient ou avoient tenu le parti dudit duc d'Orleans, ou qui l'avoient favorise (BAYE, II, 142). Par quoy disoient ceulx qui tenoient son party que sans difficulte il seroit plus propice a estre roy que nul des autres (Juv. URS., Loquar, 337)r Sy n'avoient amis que les obessans a sainte esglise, qui mault foibles estoient, et la cite de Florence, gouvernee par les Guelphes de la ville et tous les aultres tenans ce party. (LA SALE, S., 174). Les aultrez ont tenu le parti de monsr. de Bourgongne, soubz umbre de la mort du feu duc Jehan (Juv. URs., Nescio, 456). - Tenir la bande de qqn. «Etre du parti, des gens de ... »: Je m'en voys porter les nouvelles A tous ceulx et a toutes celles Qui tenent la bande de nous. (Pac. Job M., C. 1448-1478, 394). - Lequel tenir? «Quel parti prendre? »: Quant les pillars voient venir, Il ne scevent lequel tenir, Ou d'estre mors, ou d'estre sers. (LE FEVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 74). a 2 ) [Le compl. designe une realite plus interieure, notamment un sentiment] Einsi la dame se maintient Qui le dueil de son amy tient, En cas qu'elle soit vraie amie. [« ... qui est en deuil [pour avoir perdu son ami]»] (MACH., J.R.Nav., 194). Mais celui qui tient vie speculative, il ne vit pas comme homme ainsi compose, car tele vie est indivine. [«... qui mene une vie speculative»] (ÜRESME, E.A. C., 523). Mais s'elle tient son courrous envers mi, Mort m'ont li oueil dont premiers je la vi. (MACH., L.dames, 106). ... saint Denis son chief porta Depuis qu'om le decapita Et sa vie sanz son chief tint Et tressainctement se maintint (DESCH., M., 253). Gens oyseux y a, qui deviennent Larrons, pour l'estat qu'ilz maintiennent, Et ne l'ont de quoy soustenir, Si leur taut ce chemin tenir, Se ilz veulent tenir la vie De quoy nul preudoms n'a envie (CHR. Prz., M.F. I, 150). Et une des choses principales que doit avoir ung prince en tel cas c'est une vertu qui se appelle force, que je tieng vaillance de courage, et nous le appellons hardiesse; le quel mot approprement parler est folye, et dit que ung homme est hardi c'est a dire tenant aucune folye en soy, sans raison soy immiscer contre les ennemis. (Juv. URS., Verba, 225). Lars se print a la regarder, et quant il vist qu'elle tenoit son yre, alors lui dist ... (LA SALE, J.S., 234). - Tenir droiture: Mais quant lang temps as voulu pour adresse Tenir droicture, Tu as acquis par temps aultre nature (MESCHIN., Lunet. princes M., c. 1461-1465, 84). - Tenir loyaute: Prince, en la fin le temps venra, Non obstant promesse ou cedulle, Que loyaulte on ne tenra Pour ce qu'en Amours foy n'a nulle. (TAILLEV., Lang. am. D., p. 1440, 252). 142 Robert Martin a 3 ) [Le compl. designe une activite] Quant la maladie est telle que les labours sont tres agues, il est neccessite de tenir tres estroite diete (S. GrLLE, A.Y., 54). ... ly contes de Poittiers tintune grant feste pour un filz qu'il avoit (ARRAS, 16).Et aussi nous ne sommes mie en place de tenir longues paroles. (ARRAS, 112). Furent au Conseil apres disner les dessus diz, hors maistre R.Mauger, president, qui a tenu les Plaidoiries des Requestes, pour ce que l'en ne plaidera pas demain. (BAYE, I, 288).De quoy s'aideroit il? De ceulx Qui tiennent ceste pillerie? (CHART., D.Her., 426). Ce jour, maistre Jehan Rapiout (...) avoit tenu et exerce l'office du bailliage de Sens (FAUQ., II, 38). ... ycellui de Besze avoit tenu manieres bien estranges et desraisonnables (FAUQ., II, 156). Or 1;a, ne tenons yci plus de langaige. (BuEIL, I, 105). Le tiers point si est de tenir justice, tant au fort comme au foible, et n'avoir amour ne hayne. (BuEIL, II, 33). Martin, bien vous peult souvenir De la requeste qu'avez faicte, De quoy, sans lang proces tenir Ne sera de nous tous deffaicte. (LA VIGNE, S.M., 362). - Tenir des assises, un parlement, une cour pleniere, un conseil, ! es trois etats, un lit de justice: Mon seigneur, huy a quinze jours Que vous promistes a venir En ce chastiau la pour tenir Voz assises. (M. enf.ress., 42). Balthasar une court planiere Tint un jour, ou mainte maniere Avoit des gens de son pas, Car c'estoit leur sires nas, Et pour c'y vinrent plus de mil. (MACH., C. ami, 25). Or, tost, mes barons et amis, Face chascun tresbonne chiere, Et soit tenue court pleniere Plus grant qu'onques maiz je ne tins, Car tous y devez estre enclins. (Gris., 97). ... ilz tindrent un parlement Entr'eulx, et fu determine Qu'il ne soit jamais d'eulx fine Tant qu'Ector soit ou mort ou pris (CHR. Piz., M.F.III, 84). ... les ordonnances pie<;a faictes et nagueres renouvellees et jurees en la presence du Roy tenans son lit de justice ceans (BAYE, II, 137). ... Aguenin, president, qui party lendemain de Paris pour aler tenir le Parlement de Bourgoingne avec autres des conseilliers de ceans. (FAUQ., II, 294). ... vous aviez ordonne a tenir voz trois estas en la ville capital de vostre royaulme (Juv. URS., Loquar, 322). ... et [le pappe Innocent] tint son consille en la cite de Lion sur le Rosne, pour reparer et pour veoir aux grans persecucions et inconveniens de sainte esglise (LA SALE, S., 171). ... le Jouvencel tint conseil (BuEIL, II, 133). Comment le roy tint son conseil pour·envoyer parler au pape. (LA VIGNE, V.N., 231). Apres leur parlement tenu appella le roy monsieur de Montpencier (LA VIGNE, V.N., 254). - Tenir un siege: ... pour tenir le siege devant Cambrai. (FROISS., Chr.D., 317). Et fu la areste et ordonne avoecques toutes ces devises que casquns sires selonch sa poissance, venroient et seroient, dedens le jour de la Magdelainne ou la environ, avoecques le roi d'Engleterre devant Tournai, et le tenroient le siege tant que ordenance dou tenir se porteroit, sans fraude, mal enghien ne dissimulation. (FROISS., Chr.D., 415). ... li rois d'Engleterre, qui tenoit son siege devant Calais (FRorss., Chr.D., 778). Et tenoit on ce dit lieu imprenable Pour en donner sentence veritable.Le roy de Napples, lors n'avoit pas longtemps, Y avoit bien tenu siege sept ans (LA VIGNE, V.N., 245). L'article TENIR du Dictionnaire du Mayen Fran�ais 143 - Tenir qqc. a qqn: ... parler et tenir compaignie a chascun selon sa qualite (ARRAS, 87). ... le roy vous tenoit guerre a son tres grant tort (ARRAS, 166).Il luy a tenu grant rudesse. (LA V1GNE, S.M., 532). - Tenir le pas a qqn. «Le conduire»: Ne doibs tu pas D'humanite rompre le droit compas Qui au pecheur penitent tient le pas (MESCHIN., Lunet. princes M., c. 1461-1465, 80). - Tenir tort a qqn: Et se le roy et ses predecesseurs ont tenu et tient tort aux seignouries que souloient avoir les esglises en grosses citez et villes Quv. URs., Nescio, 508). ... et, s'il tenoit aucun tort au roy Amydas, qu'il estoit prest de l'amender, son corps et son heritaige sauf. (BuEIL, II, 250). ... quant a moy, je n'euz oncques intencion, ne viel ne jeune, de tenir tort a aultruy. (BuEIL, II, 255). - Tenir bande a qqn. «lui resister»: Tu as endure grant martire, Job, mon amy, mes ne te chaille, Car tu as gaigne la bataille. Sathan, ton adverse partie, S'en va desconfit, je t'affye. Pource que luy as tenu bande, 0 nous seras (Pac. Job M., c. 1448-1478, 381). - Tenirplait*. «Parler, discourir»: Pour ce n'en vueil tenir lonc plet. (MACH., D. Aler., 354). Achilles dit que bien lui plaist, Si s'en pert, sanz plus tenir plait (CHR. Piz., M.F. III, 92). - Tenir raison*. - Tenir la querelle de qqc.: Pitie seroit, se Dame telle, Qui doit taut honneur desirer, Failloit de tenir la querelle De bien et loyaument amer. (CH. o'ORLEANS Ball. C., 51). - Tenir campte* de qqc. «Prendre en consideration»: Du service de leurs mez ne vous fault ja tenir campte, car ilz furent si grandement servi que rien n'y failly. (ARRAS, 167). ... tu ne tenras conte de chose que les gens dient de toy. (Internele consol. P., c. 1450, 20). ... quant vous fistes vostre entree a Rauen, que ce vaillant chevalier le seigneur de Talbot estoit a une fenestre et vit vostre compaignie, et luy demanda l'en se ilz estoient bien habilles et armes; et il respondit que de leurs paremens ne tenoit il campte (Juv. URS., Verba, 248). Or sa, il fault que je vous baise Car autrement je n'en tiens conte. (P. Jouh. D. R., 30). Pour ce, messieurs, regardez moy a point Et subvenez a ma neccessite, Car en effet je suis tresmal en point. Ilz doibvent passer tous trois sans tenir conte de luy (LA VIGNE, S.M., 196). «En parler» : Mais lonc campte ci n'en tenray, Car d'autre chose parleray. (MACH., D. Aler., 278). Mais pas n'en vueil tenir lonc conte, Pour au droit propos revenir Douquel me doit bien souvenir. (MACH., D. Aler., 316). - Tenir (un avis). «Le suivre»: Seigneurs, il nous en fault aller Emmener ces vaches courant Pour retourner au demourant. Si je dy bien, qu'il soit tenu! (Pac. Job M., C. 1448-1478, 265). a 4 ) En partic. [Le compl. d'obj. designe un engagement pris ou l'objet d'un engagement] «Observer (cet engagement)»: ... j'estoie prest d'aler en ceste presente armee et de vous tenir taut ce que je vous avoie promis, eu cas que vous me tenries aussi taut ce que vous m'aviez promis. (MACH., P. Alex., 229). Or tenez 144 Robert Martin vostre parolle et faictes tant qu'elle soit veritable, ou aultrement il y ara maltalent et tres grant courroux de moy a vous. (FR01ss., Chr.M., 205). Tenez les commandemens de nostre mere Saincte Eglise et tous les degrez et commandemens de nostre foy catholique. (ARRAS, 152). Et ne s'en parti li rois, si furent taut li honme de Flandres, c'est a entendre li consauls des bonnes villes, venu a obeisance au conte de Flandres et li jurerent a tenir foi et honmage a tousjours mes. (FR01ss., Chr.D., 180). II tint bien son sairement (FRorss., Chr.D., 197). ... li rois d'Engleterre et li dus de Normendie, representans la personne dou roi son pere, juroient les trieuves a tenir les trois ans. (FRorss., Chr.D., 592). Ou temple entre et a la deesse Prye que lui tiengne promesse (CHR. Piz., M.F. III, 65). ... mauvaisement Le serment qu'il avoit promis A tenu (CHR. Piz., M.F. III, 132). Plus lui plaist et mieulx lui a sis En une mectre Son euer, que partout s'entremectre De servir, soffrir et soubmectre, Rien tenir et foison promectre. (CHART., L. Dames, 221). ... et a ordern� le duc d'Auxtriche de tenir et tendra abstinence de guerre jusques a ung an contre le duc de Bourgogne. (FAUQ, III, 35). Et, apres longue et meure deliberacion, conclurent de tenir la deliberacion et conclusion cy dessus enregistree (FAUQ, III, 72). Desja sans aller plus avant Tu m'as faulsee ta promesse, Tu ne m'as pas tenu convant, Pourquoy je suis en grant destresse. (REGN., F.A., 53). Et ce qui fut conclud il voult tenir et obeir, et aussi ont vos predecesseurs (Juv. URS., Verba, 359). Vous scavez que vous m'avez mande et promis que j'auray ung quartier en la ville et sur ce me avez envoye vostre seelle. Advisez s'il vous plaist de le tenir car tousjours se puet-on repentir devant que la besongne soit commencee, mais apres il est trop tard. (BuEIL, I, 85). ... faictes crier les choses que vous voulez qui soient tenues entre voz gens. (BuErL, I, 202). Ainsi doit faire taut noble chevalier; il doit tenir sa promesse, tant a ses amys aliez que a ses ennemiz. (BuErL, II, 71). Vray Dieu, tu me tiens verite, Puis que je suis en paradis. (Pass. Auv., 252). - Tenir (une doctrine, une religion, unefoi ... ). «L'observer, y adherer»: Je ne crains toy ne ta fureur Ne tous ceulx de la loy payenne, Car je tiens la foy christenne Et croids Jhesuchrist mon seigneur (Vie st Eust. 2 P., c. 1401-1450, 218). ... Que ce Job tient la loy Mose (Pac. Job M., c. 1448-1478, 251). - Tenir d'(unefoi, d'une loi): Le vray Dieu qui morut pour nous, Aveucque luy [avec mon mari] de sa loy tiens (Vie st Eust. 2 P., c. 1401-1450, 220). - [Inf. subst.] ... jamais li rois Phelippes, pour lors paroles, demandes ne manaces, ne s'en delairoit dou non tenir et remetre arriere (FROISS., Chr.D., 235). b) [Le suj. designe une chose] Car taut aussi com d'une drame Le bon maistre garist et drame L'ueil empeschie de catharacte, Dou quel il couvient qu'il abate Par soutil engien une toie Qui la clarte tient et desvoie (MACH., R. Fort., 56). Comment celle ente se maintient Et quel qualite elle tient. (MACH., J. R. Nav., 221). Si vi que dessus s'esbatoit Uns gentils espriviers ramages, Et se vi bien que ses plumages Ne tenoit nul affaitement, Fors que de li tant seulement, Combien L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Fran,;:ais 145 qu'il fust moult agensis. (MACH., D. Aler., 258). . .. ladicte somme dudit remboursement tenra lieu audit maistre Laurens en deduction d'icelle amende de mil livres. (FAuQ, II, 195). - Bonne parole* bon lieu tient. «Une bonne parole est salutaire». D. - [Le suj. designe une chose concr.] 1. Qqc. tient qqc. «Le maintient,·l'empeche de choir»: . . . l'enceinte que ly cuirs de cerf tenoit car il comprenoit deux lieues de tour. (ARRAS, 34). . . . les chainnes qui le pont portoient et tenoient (FR01ss., Chr. D., 667). 2. [Le compl. d'obj. dir. designe un certain espace] «Occuper (cet espace)»: Sire, Alixandre est une ville Qui tient de tour plus de X. mille (MACH., P. Alex., 61). Et sur celle mesmes riviere estoient les Sarrasins logiez, et n'avoit entre eulx deux que une montaigne qui tenoitenuiron une lieue de tour. (ARRAS, 134). Taut y veissies de nefs floter Que de la mer graut part tenoient (CHR. Piz., M. F. II, 244). - Tenir taute la voie. [En parlant d'un rets] «Occuper toute la largeur de la voie»: Des royseulz doit on avoir de granz et de petiz, quar le royseul doit tenir toute la voye. (GAST. PHEBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 285). E. - [Le compl. d'obj. dir. est de nature propositionnelle (represente un jugement)] «Considerer (comme vrai)» 1. Tenir + subst., nom. ou pron.: Et se ma dame est en acort De moy grever, je te pri fort Que tu li moustres qu'elle a tort Et qu'elle teingne Taut de moy que, s'elle s'amort A moy grever, elle m'a mort, Et qu'elle est ma vie et ma mort, Que qu'il aveingne. (MACH., R. Fort., 47). Mais toute ceste compaingnie Tient le contraire et le vous nie. (MACH., J. R. Nav., 243). Chascuns le doit einsi tenir (MACH., F. am., 237). L'actrempe tient cest principe que toutes delectacions laides ou deshonnestes sont a fouir. (ÜRESME, E. A. C., 393). Trop m'esbahist et donne painne Des aucuns l'oppinion vainne, disans qu'en enfer vont lez ames Et sont tourmenteez de flamez (. . .) Pitagoras ne le tient mie, Qui un petit me reconforte; Dist quant l'ame ist hors de la porte Du corps et lait humanite, Lors vit en pure dete. (LE FEVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 8). La cause pour quoy je le tiens C'est qu'en la fin sera trouve Qu'il n'ont pas bien leur fait prouve (LA BurGNE, Rom. deduis B., 1377, 509). - Tenir une opinion: Quant li prince et li amiraut Oyrent son entention, Chascuns tint son opinion, Et dirent tuit communement Et d'un commun assentement (MACH., P. Alex., 82). . . . aucun pourroit demander que veulent dire ceuls qui tiennent ceste opinion en ce que il dient que l'ydee de bien est par soy bien et l'ydee de homme est par soy homme. (ÜRESME, E. A., 114). Et toutevoies, aucune fois en 146 Robert Martin tenant un faulz opinion l'en sent et est l'en aussi comme contraint a confesser aucune verite (ORESME, C. M., 382). Et n'est rien permanent ne fichie fors celle seule chose de laquelle toutes les autres sont faites par transformacion. Et ceste opinion tiennentpluseurs et Eraclitus qui fu de Ephese. (ÜRESME, C. M., 588). Et ceulz qui tiennent l'opinion de Empedocles et [de] Democritus ne se entendent pas et, selon ce que il dient, ce ne seroit pas vraie generacion d'un element de l'autre, mais generacion selonc apparence (ÜRESME, C. M., 634). 2. Tenir que + sub. a l'ind.: Aucuns peu sachans dient que en ceste question sont contraires et descordanz theologie et le droit. Et tiennent que selon droit et selon verite le juge en tel cas doit condempner l'innocent. (ÜRESME, E. A. C., 316). . . . et pour ce tenoit Aristote que c'est le souverain ciel meu tres isnelement d'un seul mouvement tres simple. (ÜRESME, C. M., 486). Il [les signes du Zodiaque] n'ont rien qui soit opposite; Seule lumiere les excite. Dont on tient vraisamblablement Qu'i durront pardurablement. (LE FEVRE, Respit Mort H., 1376-1380, 33). . . . il y a une reigle generalle en mariage, que chacune croit et tient que son mary est le plus meschant et le moins puissant au regard de la matere secrete que touz les autres du monde. (Quinze joies mar. R., c. 1390-1410, 57). Et mault sembloit Jossellins esbahiz; de quoy pluseurs tenoient qu'il avoit mauvaise cause. (ARRAS, 61). . . . je tiens que vostre euer n'est pas si endurcy, si remply de plaisir mondain, si occuppe d'autres choses, si plain d'ingratitude et d'oupliance, que vous ne ploreissiez a Dieu devotement. (GERS., Def., 229). Il est dont a tenir certainement que en Dieu proprement a parler, n'est ne longueur, ne layeur, ne haulteur, ne parfondeur, mais sont en Dieu ces quantites a parler par maniere de methafore, c'est a dire en attribuant a Dieu par transport des mots ce que proprement apartient aux creatures et choses corporeles et temporeles. (Somme abr., 131). 11 est a tenir et a croire que en cest voiage nous pouons congnoistre Dieu que il est et au pays du royaume des cieulz tel qu'il est et comme il est. Jamais toutevoies ne icy ne lassus porrons le congnoistre taut ce qu'il est. (Somme abr., 134). - Tenir pour vrai que . . . «Considerer a juste titre que . . . »: Tres redoubte seigneur et roy, Par vous et par le vostre arrest Soit dit que Deduit de Chiens est Meilleur que n'est Deduit d'Oiseaulx, Ce sera jugement loyaulx, Auquel de par vous il soit dit Qu'en nulle maniere Deduit Simplement se face appeller N'en lieu du monde ainsi nonmer, Car Deduit de Chiens pour vray tient Que tel nom si li appartient. (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1377, 414). - Tenir que non: La IXe question: Puet on acquerir pardons pour les mors? Response: Je tiens que non, car pardons sont ordonnez a ceulz qui se soubmettent a la court de misericorde qui est icy et qui dure jusques a la mort, non pas apres la mort. (GERS., Def., 237). - [Avec une sub. sans que] De l'artation et indisposition qui est en la femme, par quoy elles ne sont convenables a amplexemens viriles, il fault tenir jassoit que L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Franyais 147 ce viengne de nature, se on leur puet aidier et subvenir par benefice de medecine, il n'empesche pas le mariage. (Sacr. mar., 76). - Ne pouvoir tenir que + sub. au subj. «Affirmer (? )» (ed.): Et qui est ore ceste oustarde Qui dit lez choses a venir? Ysäye ne puet tenir Que nulz lez sache nullement Fors le devin entendement, Se Dieu par inspiracon N'en fait edificacon. (Mir. ste Genev. S., c. 1380-1400, 85). 3. Tenir + prop.inf.: Mais tous sages cuident et tiennent les dieux vivre et ouvrer, c'est a dire que ilz ont vie et sont en operacion. (ÜRESME, E.A., 527). - Tenir a + prop.inf.: Qant ! es gens a mesire Lais d'Espagne orent cargiet chars et charetes de tous meubles et pourfis que il ramenoient a lor navie, et tenoient a avoir fait lor voiage ... (FRorss., Chr.D., 540). 4. Tenir qqc./ qqn + attribut de l'obj.: Sa mere qui encor vivoit Et que preude femme tenoit (DESCH., M.M., 94).Ainsi comme je truis en histoires, Que l'en tient vrayes et nottoires (CHR. Piz., M.F. II, 328).II semble aussi que vous teniez desja decide et determine que se l'esglise congnoist de ce dont la congnoissance luy appartient, et qu'elle face ce qu'elle doit et peut faire, que ce sont abus et entreprinses contre la jurisdiction temporelle, ce que les prelas ne vouldroient faire. (Juv. URS., Verba, 372). ... tenoit on ce dit lieu imprenable (LA VIGNE, V.N., 244). Trop grant erreur de vostre foy procede, Dont je vous tiens paillars et meschans gens Se d'y pencer vous n'estez deligens. (LA VIGNE, S.M., 340). (Au passif ): ... il n'est doubte que on se doit servir de toutes gens dont on se peut aider et qui sont tenus et reputes vaillans (Juv. URS., Verba, 236). ... car a son trespassement de ce monde il fut tenu des chevaliers le plus vaillant (LA SALE, J.S., 2). - Tenir qqc./ qqn a ... ( + adj.): Un point y a qui gist en prueve, Par quoy il convenra qu'on prueve Le contraire de mes paroles, Ou je ne tenray qu'a frivoles Ce que devant avez campte (MACH., J. R. Nav., 224). Sur toutes flours tient on la rose a belle (FRorss., Par. am., 79). Quant les nouvelles furent venues ad ce archevesque d'Yorth, il (...) s'envoya excuser par ung sien nepveu, (...) lequel s'en vint a Londres et se traist tout premierement devers le roy et luy remonstra l'excusance de son oncle l'archevesque et luy fist hommaige ainsi comme il appartenoit ou nom de l'archevesque. Le roy tint tout a bon, car il aymoit cel archevesque plus que celuy de Cantorbie (FRorss., Chr.M., 82). Ce sont les chemins ou a celles Dames jadis parler aloient Les philosophes, quant vouloient Eulx abuvrer du doulz buvrage Qui les faisoit tenir a sage. (CHR. Piz., L. ehern. est., 44). ( + Syntagme nominal ou nominalise ): Les juiefs qui a grant injure Tindrent les motz qu'il escouterent ... (Tombel Chartr. W., c. 1337-1339, 130). ... on le tient au plus riche homme De crestiente (MACH., P. Alex., 33). Furent fourme trop gentement D'une matere saphyrine Si orentele et si fine, C'on tenist a mon enscent Tous aultres saphyrs a noyent. (Echecs amour. K., c. 1370-1380, 121). Si tien a trop pou ma science S'a ce respondre ne savoie. (LA BurGNE, Rom. deduis B., 1377, 286). 148 Robert Martin Quoyque qu'il fust manniez de messire Aymon, son frere, le duc d'Yorth, si le tenoient touttes gens a vaillant homme, saige, discre et arreste en touttes ses besoingnes. (FRorss., Chr.M., 24). ... vous, qu'on tient au plus saige prince que on saiche vivant (ARRAS, 255). ... et pas ne savoient les Esco�ois que elle [la raine d'Engleterre] fust la ne en celle assamblee des Englois, et ne le tenoient pas a si vaillant fenme que elle estoit et que il le trouverent. (FRorss., Chr.D., 77 3). Une chose vueil et me plaist: C'est que par toy me soit donnee Ta fille a femme espousee, Et moy, combien que soies mendre, Doiz et pues tenir a ton gendre; Ainsi le pues croire de voir. (Gris., 36). Or fu Hanibal en graut doubte.Taute joye du euer luy ponse Ceste douloureuse response, Moult le tint a maulvaiz presage. (CHR. Prz., M. F.III, 232). Et puisDieu te tient a parent, Voulant qu'es cieulx soit ton manoir (MESCHIN., Lunet. princes M., c. 1461-1465, 49). - Tenir qqc.lqqn pour ... ( + adj.): ... tu tiens ta dame pour fole (MACH., R. Fort., 65).Pres de 1a avoit un chastel Qu'on tenoit pour fort et pour bel.(MACH., P. Alex., 121). ... Ne seneschal ne officier, Tant soit preudomme ne entier, Qui puist demourer en office Que l'en ne le tiengne pour nice (LA BmGNE, Rom. deduis B., 1377, 163).L'en ne l'en doittenirpour lens (LA BmGNE, Rom. deduis B., 1377, 243). «Me tiens tu pour vilz, Qui t'es en mon lit embatus Et t'es chastement maintenus? » (DESCH, M.M., 333). (+ Syntagme nom.): Car le pas m'estoit sauvage, Et ne savoie le langage, Et s'estoie certeinnementDales lui plus seürement Que lang de li, se m'i tenoie, Pour ce qu'ailleurs aler n'osoie, Qu'on ne me tenist pour espie. (MACH., F. am., 148). ... celluy qui s'appelloit pape Urbain Vle et que les Anglais tenoient pour pape (FRorss., Chr.M., 46). - Tenir qqc. comme: Et pour abregier la renommee est que «plures avaricie student», aucunement pensans plus a leur proffit que ad ce quoy ilz sont appelles a cause de leurs offices, et y tienton les causes comme inmortelles.(Juv. URS., Verba, 336). 5. Tenir qqc. (de qqc.). «Considerer quelque chose comme reel (a propos de ... )»: Et oultre, je tenoie de moy mesmes mault de biens qui n'y estoient mie. (Menagier Paris B.F., c. 1394, 25). F. -[A l'imper., sans compl., pour attirer l'attention de l'interlocuteur (valeur interj.)] LA CHAMBERIERE. (...)Dame, tenez. LA DAME. Sa, mon doulx enfant (M. enf. ress., 30). Tenez, sire vez cy l'enfant Que demandez. (M. enf. ress., 68). Tenez, Uriien, ne refusez pas la requeste que je vous fay. (ARRAS, 120). Guyon, beau frere, dist le roy Uriien, tenez, je vous vueil heritier du royaume d'Ermenie et de la plus belle pucelle qui soit en taut le pays. (ARRAS, 142). Et si aultrement pencez, L'article TENIR du Dictionnaire du Mayen Fran�ais 149 Tenez, regardez seje mens (LA VIGNE, S. M., 201). Tenez ! Vella queje vous donne: C'est une couppe d'or bien banne Et des escus cent et cinquante. (LA VIGNE, S. M., 508). Rem. Imper. en empl. abs. (corresp. a I A 1): Il fist escrire tantos une lettre qui contenoit auques la maniere dou sauf conduit, et puis le bailla au chevalier, et li dist: «Cambeli, tenes . . . » (FRoiss., Chr. D., 753). II. - Empl. intrans. A. - Qqc. tient; qqn tient l. Qqc. tient. «Etre solide, ne pas ceder»: Etja souloient les greigneurs Avoir parolle aussi tenant Comme une tour (CHR. PIZ., M. F. II, 25). . . . monjugement est vray, il tenra et ne sera point subverti. (Internele consol. P., c. 1450, 204). Hurtons de poittrine de cheval a la barriere; car vous savez bien qu'elle ne tient point. (BUEIL, I, 139). - [En parlant du mariage] «Etre valide»: Quolibet, se le serf et la serve d'aucun seigneur se marient ensemble contredisant le seigneur, a scavoir se le mariage tient Response: les espousailles ne sont pas a rompre ne a dissolver, non pour quant les services ne doivent pas estre diminuez au seigneur. (Sacr. mar., 50). Se la femme serve contrait avec l'homme qui est franc et non pas serf, et l'homme cuide qu'elle soit de franche condition, le mariage ne tient pas. (Sacr. mar., 50). Au tiers cas, se l'un des mariez est convertis a la foy et l'aultre demeure en son infidelite, de cohabiter ensemble ilz ne doivent estre compellez ne urgez et contrains, combien que tant que la femme durera et vivera, elle ne se porra marier, car le mariage tient et dure. (Sacr. mar., 64). Aussi quant deux fideles sont ensemble en mariage, le mariage est vray et tient. (Sacr. mar., 66). Et se les espousailles n'ont pas tenu car ilz ne sont pas de droit, mais de fait, ilz sont tant seulement contrais. (Sacr. mar., 72). 2. Qqn tient (ou bien ses arguments tiennent). «Resister, ne pas ceder»: Apres est monstre comment par raisons ne peust estre conclus que le ciel soit ainsi meu. Tiercement, ont este mises raisons au contraire et que il n'est pas ainsi meu, et nientmoins touz tiennent etje cuide que il est ainsi meu et la terre non (ORESME, C. M., 536). . . . nous vous conseillons que vous tenez ung pou de temps pour veoir qu'ilz feront. (BuEIL, II, 230). Sur ceste question il fault tenir Il fault regarder se la commaternite precede mariage ou ensieuve mariage. (Sacr. mar., 56). - [Inf. subst.] Je ne donroie pas IJ. pommes De euer ou honneur est si morte, Qui dou tenir ne se conforte. (MACH., P. Alex., 105). 150 Robert Martin B. - Tenir (un certain temps dans tel ou tel etat). «S'y maintenir»: En ce party que vous ouez tint Remondin Olivier grant espace de temps. (ARRAS, 63). C. - Tenir + adv. ou adj. en empl. adv. - Tenir bon, tenirferme. «Resister»: Ainsi fut ce conte de Guerles au dessus de ses besoingnes, et prinst nouvel conseil et nouvel estat. Et se en devant il avoit tenu bon, encoires le tenoit-iI meilleur aprez, car il avoit moult bien de quoy. (FR01ss., Chr. M., 151). . . . la petite bataille, qui estoit derriere, tintferme (BUEIL, II, 202). - Sans lang tenir. «Sans tarder»: Sire, j'y voix sans long tenir Et leur diray tout a present Qu'il viegnent bien hastivement (Pac. Job M., c. 1448-1478, 241). - Tenir ensemble. «Se maintenir ensemble»: . . . je vous donne ces deux verges d'or qui tiennentensembie (ARRAS, 27). Mon doulz amy, veez cy deux anneaulx qui tiennent ensemble, dont les pierres ont une mesme vertu. (ARRAS, 259). «Etre consistant»: Et nientmoins, quant la liquer est forment continue et tenante ensemble, la chose qui noe en elle n'[en] fait pas ceder souz soy tant pesant comme elle poise, mais en eaue il s'en fault tres pou. (ÜRESME, C. M., 718). - Tenir longuement. «Se maintenir longtemps»: Dyarrie quant elle a longuement tenu et vomite survient de son gre, c'est cause de garison. (S. GILLE, A.Y., 91). - Bien tenir. «Maintenir correctement la hauteur musicale»: Et sur la nuyt va chantant a voix basse, Et s'entretient Par soubz les braz a quelque autre qui vient Avecques lui, qui bien chante ou bien tient (CHART., D. Fort., 169). D. - [Empl. impers.J Il y tient qqn/ qqc. «Y trouver place»: Lequel pillier est encore en icelle eglise en une petite tournelette ou il ne peut tenir que deux personnes a une fois, et est tout pres du grant autel a destre main. (Voy. J., 22). III. - Empl. trans. indir. Tenir a . . . , tenir de . . . et constr. concurrentes A. - Tenir a 1. [Le suj. est de l'anime] a) Qqn tient a qqn. «Est attache a» - Tenir a qqn de lignage: Affin que me peusse chevir Elle me volt mettre servir Une dame de hault parage, Qui .I. poy lui tient de lignage, Mais ne s'entre L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Frans;ais 151 ressemblent pas, Ne sont pas faites d'un compas, Trap sont dessemblans leurs figures, Leurs fais, leurs meurs et leurs natures. (CHR. Piz., M. F. I, 23). b) En tenir a qqn. «Lui faire confiance, compter sur lui»: A moy vous en pouez bien tenir Car seans les feray venir Briefvement, ne vous en doubtes.(Pac.Job M., C. 1448-1478, 229). c) Qqn tient vers qqc. «Y est attache, y est porte»: C'est uns homs a cui il ne chautA tort ou a droit soustenir; Tout aussi chier s'a il tenir Vers le tort comme vers le droit (.MACH., J.R. Nav., 188). d) Qqn tient a avoirla faire qqc. «Le vouloir»: ... mesires Carles de Blois pensoit, qui tenoit a avoir a fenme et a espouse la droite hiretiere de Bretagne [«Le voulait» ou «le considerait comme acquis», supra I E 3? ] (FROISS., Chr.D., 474). - Qqn tient avoirlfaire qqc.: Or revient par la voie active Pour esmouvoir ceuls de parler Qui tiennent volentiers parler Des biens de contemplation (MACH., J. R. Nav., 273). ... quant le chief a ouy les oppinions de ung chascun et que son oppinion est saine et qu'il n'a ne hayne ne amour qui le contraigne a faire ne l'ung ne l'aultre, mais veult la chose de la raison et le bien de la chose publique et n'a point d'esgart a son fait particullier, sinon ad ce qu'il pense qu'il plaist a Dieu et a l'execucion de son entreprise pour le meilleur de son party ou il tient avoir banne et juste querelle, il ne se doit desmouvoir de son entencion et doit avoir grant vertu de tenir ferme a l'encontre de ceulx qui l'abbayent, tendans a leurs fins. (BUEIL, II, 205). 2. [Le suj. est de l'inanime] a) «Dependre de» - Qqc. tient a qqn: ... la deffaute tint au maistre, Car bon loyer cellui actent, Qui service a bon maistre tend. (CHR. Piz., M. F. I, 11). Mais la deffaute tient a ceulx, Qui oeuvrent de mauvais conseulx (CHR. Piz., M. F. I, 35). - Qqc. tient a qqc. «En etre dependant»: Enquerre vouldrent l'achoison Des choses faites et requises, A leur premiere cause quises, Lesquelles sont appertenansA Philosophie et tenans (CHR. Piz., M. F. II, 105).Argent luy sera presente, Car son salaire a rien ne tient [«n'a pas ete convenu d'avance»? ] (LA VIGNE, S.M., 211). - La tout tient. «Tout depend de cela»: Et en toutes ces choses et autres que on pourroit dire sont et en la main et en la gouvernance du bon sen et de la bonne raison du veneur, quar la tient taut. (GAST. PHEBUS, Livre chasse T., 1387-1389, 210). b) Qqc. tient a qqc. «S'y maintenir»: ... il y ot cent et trente nefz flotans en mer et tenans aux ancres. (LA SALE, S., 33). ... durant la regale on y regala si bien que ilz ne laisserent en l'ostel de Beauvais estant en la ville meubles quelzconques, et non mie les voirrieres qui ne feussent ostees et les bendes de fer a quoy elles tenoient. Quv. URS., Nescio, 495). II ne fault que deux chainnes parmy les paulx, qui passeront parmy anneaulx de fer qui tiendront aux paulx. (BuEIL, II, 39). 152 Robert Martin - «Y etre attenant»: Le duc trouva en une marche Qui a Lubecque tient et marche. (MACH., P. Alex., 29). . .. une maison assise a Paris en la rue de la Voirrie, tenant d'une part a l'ostel d'Anjou (FAUQ., III, 154). Le prince qui vuelt estre roy de nouvel royaume doit avoir du moins quatre duchiez, l'une tenant a l'autre, ou aultrement quatre contez pour chascune duchie, et qui ne soient tenus de homme que de l'empire ou de luy. (LA SALE, S., 230). - Telle maladie tient a qqn: Maiz, quant les aguilles leur viennent, Qui dedens l'eschine leur tiennent, N'essaiez pas a les garir, Car il les en convient mourir. (LA BmGNE, Rom. deduis B., 1377, 331). . . . son maistre luy queru ung recipe, trouva ung apothecaire nomme Martin Batton, lequel, combien que la maladie luy tenist en la teste et au debout de la langue, il luy donna sept ou noef pillules communes. (MüLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 886). B. - Tenir de l. Tenir de qqn. «Avoir des rapports de filiation, de parente qui entrainent une ressemblance»: Quant ung puceau prent une vesve a femme, le premier enfant qu'ilz auront, se c'est ung filz, pour aussi vray que euvangille, il tiendra de sa mere et sera sage; et se c'est une fille, par droit contraire elle toute sa vie demourra innocente. [«simple d'esprit»] (Ev. Quen. II, 139). 2. «Dependre de, relever de»: Et fist li rois faire un mandement que toutes gens tenans de li, portans armes, fuissent, le premier jour d'aoust, a Evruich. (FRorss., Chr. D., 208). Et en la cite d'Arle, en la grant esglise de Saint Tropheme, se doit faire ledit service et prendre les hommaiges de eulx et des aultrez subgez du royaume d'Arle; car ce sont les princes et prelas qui tiennent de lui; et lors est dit roy d'Arle. (LA SALE, S., 227). . . . et apres tout ce fait, doit prendre les hommaiges d'eulz et des aultres qui tiennent de la couronne de Millan (LA SALE, S., 228). Ce petit bourg, a ce que je congnois, Tient et despend de quelque baronnie Appartenant a monsieur de Dunoys Ou il y a moult belle seigneurie. (LA VrGNE, V.N., 155). - «Etre vassal de»: Si seroit doncques neccessaire, Pour tout le bas monde a paix traire, Que un seul homme ou monde regnast Qui toute terre gouvernast, En paix la tenist et feist Justice de qui mesfeist: Et tous autres seigneurs tenissent De lui (CHR. Prz., L. ehern. est., 131). Ors n'oit en Espaingne roy qu'il ne tenist de Charlez, fors que Amoradins, le sovrain roy d'Espaingne. (JEAN ÜUTREMEUSE, Myr. histors G., c. 1400-1450, 114). Rem. Avec le neutre [ cf. supra I B 1 b Tenir qqc. de qqn] Le tenir de qqn: Par ma foy, il me plait bien que ce soit vostre sire, maiz il ne serat ja le mien; ne ja ne le tiendray de luy pour ung denier. (JEAN ÜUTREMEUSE, Myr. histors G., c. 1400-1450, 3). - Tenir de saint Genois (calembour). «Etre dans la gene»: Mais je tiens plus de sainct Genois Que vous (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 791). L'article TENIR du Dictionnaire du Mayen Frans;ais 153 - Tenir du mince*. «Maigrir»: David but, et aussy fit Loth, De ce vin de Rains plus d'ung lot. Venus qui fait tenir du minche Vault en Rains et en son prouvinche Planter une vigne amoureuse, Contre vertus moult doloreuse. (MOLINET, Faictz Dictz D., 1467-1506, 31). C. - [Empl. impers.] 1. «II depend de/ que ...» a) Il tienta qqn de/ que. «II depend de quelqu'un de/ que»: A qui tientil que ne les [les maus] aies? II tient a toy qui trop t'esmaies (MACH., R. Fort., 59). ... «n'appartient A moy: offrez, qu'a vous ne tient Que li prestres ne se delivre ...» (DESCH., M.M., 110). ... ledit duc de Bourgoigne (...) neantmoins confiant desdictes aliances et traicties ainsi solempnelment jureez, et es asseurances renouvellees, afin que on ne lui peust rien imputer et que a lui ne tenist que lesdictes aliances et traictiez ne feussent acompliz, comme mal conseillie, vint, le Xe jour de ce mois, apres disner, sur ledit pont, ou devoit estre faicte ladicte convencion (FAUQ., I, 317). Et dist le Jouvencel, quand il se vit aux champs, puisqu'il plaisoit a Dieu lui avoir donne si belle compaignie, qu'il ne chevaucheroit point que le gardebras ne lui reluisist sur l'espaule et, se le duc Baudouyn le vouloit trouver, qu'il le trouveroit et qu'il ne tiendroit que a luy s'il n'avoit la bataille. Ainsi chevaucha le Jouvencel, bien ordonne en sa bataille. (BuEIL, II, 86). Puisqu'il gist en mon beneffice De le faire, a moy pas ne tient. (LA VrGNE, S.M., 425). - Sia lui tient. «Si cela depend de lui»: Par mon serment, s'a moy il tient, Je suis contant d'estre pendu! [«plutöt que d'etre decapite, si le cas se presente»] (LA VIGNE, S.M., 322). - Sia lui ne tient. «Independamment de lui, de sa volonte»: Et car les hommes et bestes et oyseaux qui usent du monde viennent du tout en l'usaige de ung chascun singulier, se a luy ne tient toute riens doncques enflammoit l'amour de saint Pol a Dieu comment toute riens, helaz! presques, nous y griefve et en retrait. (GERS., P. Paul, 515). Car qui bonne parole entent, S'a lui ne tient, il en attent Aucun prouffit en son affaire. (Gris., 2). Chieres gens, sachies que toutes les fois que aucune tribulacion vous vient, ou viollance, ou maladie, ou aucune perte, ou persecucion, ou guerre, ou aultre meschief, c'est le Saint Esperit et ses messages qui vient a grant son, comme au jour d'ui, pour entrer en l'ostel de voz ames, se a vous ne tient. (GERS., Pent., 78). ... en recongnoissant finablement sa tres doulce bonte qui nous a administre et offert paix, grace et gloire pardurable, se a nous ne tient c'est a dire, a nostre mauvaise voulente. (GERS., Noel, 293). En Dieu serez aussi seur c'un pillier, S'a vous ne tient puisque portez ses armes (LA VrGNE, S.M., 373). - Il en tient a qqn: Yeux, bouce, orelles, nes en face, Riens n'i oublie qu'il [Pynoteüs] n'i face: (...) II n'i faut el que vie y mettre; De ce ne se scet entremettre: Souverain a a cui en tient. (FROISS., Pris. am. F., 1372-1373, 95). 154 Robert Martin b) Il tient a qqc. (que .. . ). «II depend de quelque chose (que ...) » : Ce dist Orgueil: «Faire feras Cent gibes yci sur ce pas. Bien pres sont les bois delivre, Le mesrien t'en sera livre. » Oultrecuidance a respondu: «Je les tiens ja tous pour pendu. Au[x] gibes ne tendra il mie, Par Jhesu Crist, le fils Marie! » [«les gibets seront certainement dresses » (ed.); «cela ne dependra pas des gibets (qu'ils soient pendus, car les gibets ne feront pas defaut) » ] (LA BUIGNE, Rom. deduis B., 1377, 233). - A quoi tient-il que ...: Scavez vous point a quoy il tient Que France. a tant d'aversite? (REGN., F.A., 64). - Je (ne) saislvois a quoi il tient: Mais je voy bien a quoy il tient Vous regardez, quant elle vient, No voisine, bien m'en pen,;oy, Car vous n'avez eure de moy (DESCH., M. M., 55). Je ne scay pas a quoy il tient Ne se en toy tient la demeure (REGN., F.A., 54). - Ou tient-il? «A quoi cela tient-il, a quoi cela est-il dü? » : Si ne scet le bon home ou il tient (Quinze joies mar. R., c. 1390-1410, 60). - A peu ne tient que: A peu ne tient que je ne dye Que mauvais doye devenir (REGN., F.A., 114). 2. «II importe de/ que ... » - Il tient a qqn de + inf. «II lui importe de » - Il ne tient pas a qqn de+ inf.«II ne lui importe pas de ..., il n'en a pas envie » : D'avoir soulas de fame a nul d'eus il ne tint. Par ce point fu sauvee, grant grace li avint. (Vie st Eust. 1 P., c. 1351-1400, 96). Maiz par l'erbete Chascune aloit taute seulete. Oncques ne distrent chanyonnete, Ne de cueillir la volete Ne leur tenoit (CHART., L. Dames, 209). Disoit cellui qu'Amours tenoit En telle pensee amoureuse Que de dormir ne lui tenoit Ne de faire chiere jouyeuse (CHART., D. Rev., 306). Ceulx a chief Vindrent des Espaignolz soubmectre; En tel parti les vouldrent mectre Qu'a tousjours leur en souvenist, Ne d'eux rebeller ne tenist (CHR. Prz., M.F. III, 238). - [Sans inf.] Si ton cueur dolent pas sera Quant de mort le pas passera, Qui est plus qu'autre riens horrible. T'esbas-tu bien present? Or rible, Car adoncques ne t'en tendra, Lors qu'envers toy ses las tendra. (MESCHIN., Lunet. princes M., c. 1461-1465, 38). - Il ne m'en tient pas. «Je n'y tiens pas, je n'en ai pas envie » : Tournez vous vers moy et je feroy ce que vous vouldres. - Pour Dieu, fait elle, lesses moy ester, car, par ma foy, il ne m'en tient point.Pleust a Dieu qu'il ne vous en tenist james ne qu'il fait a moy! (Quinze joies mar. R., c. 1390-1410, 9). - Il tient en qqn/ qqc. de/ que ... «Il depend de ... que » : II n'a pas tenu en ma negligense que je ne m'en soie bien acquites. (FRorss., Chr. D., 396). ... et en euls en tient ce m'est avis, dou faire et dou laissier. (FRorss., Chr. D., 842). L'article TENIR du Dictionnaire du Moyen Frans;ais D. - Etre tenu (de/ a/ en/ pour) 1. [+ inf.] «Yetre oblige» 155 - [Avec de] Et, quant il refuseroit et inconvenient adviendroit au soubdoyer, a qui seroit le prisonnier, le cappitaine seroit tenu et oblige de le lui reparer.(BuEIL, II, 11).Si de ce cas quelque bien en advient, Tenu seray d'en mercer mon Dieu.(LA VIGNE, S.M., 170). - [Avec a] Mais eil n'y a ne part ne lot, Aincies en l'ire Dieu se boute, Qui entent a jangle ou escoute, Quant l'en doit au service entendre Que touz sommes tenuz a rendre (Tombel Chartr. W., c. 1337-1339, 52). Verite est que se aucun est tenu a autre par obligacion legal, il est tenu a rendre selon justice non obstant que l'autre soit fait mauvais pour tant que il ait usage de raison. Mais se il estoit tenu a lui par honestey moral et il apper<;:oive que il soit fait mauvais, il ne est plus tenu a li faire retribucion.Mais il est tenu a non faire ou cas que il verroit que l'autre en useroit en mal. (ÜRESME, E.A.C., 457). Si ung homme de son party l'a trouve et il l'ait prins et garde, cellui a qui il est eschappe n'en doit payer que les despens; car tous ceulx d'ung party sont tenuz a le faire les ungs pour les aultres. (BuEIL, II, 94). - [Avec pour] vous estes tenu Pour faire son tres dous service (MACH., P. Alex., 107). - [Sans prep.] car chascun est plus tenu secourir et aidier a celuy que il aime plus. Et naturelment un homme aimme plus son filz que son pere. (ÜRESME, E.A.C., 460). ... et sera tenus Pierre de Brecourt, son oncle, rendre compte par devant maistres Guillaume de Celsoy et Guillaume Le Clerc des choses par lui administrees (BAYE, I, 197). ... ilz veulent debouter vostre prince droiturier et seigneur naturel que voz vies et voz corps sont tenuz defendre et tendent occuper le siege royal pour vous defouler soubz leur tirannie.(CHART., Q.inv., 18).Mais sont de droit et par raison tenuz Servir leur roy et leurs subgez deffendre.(CHART., B. Nobles, 397). ... vous estes bien tenu remerc:ier et recongnoistre Dieu (Juv. URS., Verba, 194). ... chascun de nous sera tenu avant le commancer des armes, les mectre es mains du prince, pour en ordonner a son bon plaisir.(LA SALE, J.S., 146). 2. Y etre tenu: Si vous dy, je ne fineray Tant qu'au moustier veillie aray Nostre dame c'on dit du puy. Car, vraiement, dame, j(e) y suy Par veu tenuz. (M. enf. ress., 26).Et pour ce qu'il veult faire droit A chascun selon son endroit, Les causes de[s ] grans et menus Veult or, car i est tenus (LA BurGNE, Rom. deduis B., 1377, 130). ... et dist a l'evesque et as chevaliers qui la estoient, que il obeiroit volentiers a tout ce que on li avoit escript, car il i estoit tenus de foi et d'onmage.(FROISS., Chr.D., 156). 3. Etretenu que + prop.au subj.: Aymerigot, vous estes bien tenu que vous fachiez aucune chose pour la dame (FR01ss., Chr.M., 210).