Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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1993
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Kristol De StefaniDOMINIQUE BOUTET, Charlemagne et Arthur au le roi imaginaire, Paris (Champion) 1992, 656p. (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Age 20)
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1993
Richard Trachsler
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Besprechungen - Comptes rendus 339 et aveir ont appartenu a Roland des sa majorite? Nous ne le savons pas. Mais s'il en avait ete ainsi, l'auteur de Karlamagnussaga ne l'aurait pas compris, car ! es pays scandinaves n'ont pas connu Je regime fäodal frarn;:ais. L'inceste etait un sujet a Ja mode au debut du xnr e s. et il s'en est servi pour expliquer Ja haine. A Ja meme epoque ou peu s'en faut, Ja tradition rolandienne du continent mentionne pourtant les noms des deux parents de Roland 3• Comme Je constate D. K., le neveu de Marsilie et de Falsaron qui attaque ! es Fran9ais avec une virulence remarquable et qui exige Je droit au premier coup contre Roland, mais dorrt Je nom Aelroth n'est donne qu'une seule fois, n'est pas une figure epique traditionnelle (68). II nous semble qu'un neveu-champion anonyme des Sarrasins a re9u le nom d'un roi anglais (Ethelred) dans une situation toute particuliere, p.ex. lors de Ja bataille de Hastings ou, selon Guillaume de Malmesbury, ! es troupes du Conquerant, tout en attaquant ! es Anglais, chanterent une cantilena Rollandi. Leena Löfstedt * DoMINIQUE BouTET, Charlemagne et Arthur au le roi imaginaire, Paris (Champion) 1992, 656p. (Nouvelle Bibliotheque du Mayen Age 20) Au centre du grand ouvrage de Dominique Boutet est Ja representation de la figure du roi dans un corpus de textes qui va des origines a 12 50 environ. En plus de cette limitation chronologique, D.B. s'en est impose une autre, concernant Ja figure royale proprement dite: son etude ne s'occupera que d'Arthur et de Charlemagne (et non, par exemple, d'Alexandre). Plus precisement, D.B. s'interesse au mythe royal, qui gouverne «par une isotopie semantique peut se fixer sur d'autres supports qu'un recit: des usages, des regles juridiques, des rituels, une organisation sociale» (13). L'etude de D.B. s'articule en quatre grandes parties. La premiere, «Au milieu des hommes un roi», tente de saisir la position du roi dans la societe d'une part a travers des textes theoriques (Etats du Monde etc.), a travers ! es chansons de geste et les romans de l'autre. D.B. essaie de capter l'image du roi a Ja fois par opposition aux chevaliers et aux clercs. La royaute peut etre envisagee comme un aboutissement d'une vie de chevalier, mais peut egalement apparaitre, par opposition a cette derniere, comme une solution de facilite et de faineantise. C'est pourquoi, a la fin de Ja Mort Artu, Ja couronne semble aux protagonistes moins seduisante qu'une vie d'ermite. On constate, en plus, que ! es textes theoriques tendent a confärer un röle directeur ethique et moral au roi que les textes litteraires ont, en general, plutöt tendance a lui refuser. Dans tous types de textes, le roi se situe, par rapport au pape, en position de dependance, et l'enquete de D.B. met bien en valeur que, meme si Je roi, comme il est d'usage dans Je domaine germanique, est d'une race particuliere, il n'est rien sans Je sacre. Peu a peu (Du Pacte au Royaume, p. 14 3-64) on assiste dans les textes litteraires a des scenes ou Je roi est souverain non seulement de ses vassaux, mais de tous les hommes. Ils sont tous ses sujets et, sans necessairement etre lies par un serment de fidelite, lui doivent leur obeissance. C'est autour du roi que se joue Je destin de l'ensemble de Ja communaute et c'est lui qui assure surtout face aux pai: ens - Je lien entre Je groupe aristocratique et Je divin. Petit a petit se creent ainsi les notions de Bretagne ou de douce France meme en absence de tout lien fäodal explicite. La deuxieme grande partie de l'etude de D.B., «Racines et Mutations», examine le 3 Cf. KERSTIN ScHLYTER, «Les enumerations des personnages dans Ja Chanson de Roland», Etudes romanes de Lund 22 (1974): 228-30, 116. 340 Besprechungen - Comptes rendus passage a un nouveau systeme de pensee politique. Avec l'aristotelisme, on quitte la vieille theocratie royale d'inspiration augustinienne et l'on adopte un type de reflexion politique qui favorise une conception lai:que de l'Etat, dont l'enjeu est notamment la superiorite du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Selon l'ancien systeme, la royaute se fonde, en principe, sur la foi et un certain nombre de qualites ethiques (humilite, clemence etc.) propagees par l'Eglise. Independemment du systeme, nos textes litteraires refletent, a des degres divers, deja l'irruption de criteres d'un autre ordre, sans pour autant abandonner totalement la conception augustinienne. Certains personnages entretiennent en plus des relations privilegiees avec le surnaturel. Souvent, c'est le roi qui profite des interventions divines: dans la chanson de geste, elles se font sous forme de miracles, dans le roman elles se manifestent quasi exclusivement dans les reves premonitoires, mais il faut noter que ces rapports avec le surnaturel ne passent pas par le sacre. Quelques pages interessantes sont consacrees au merveilleux (225-47). La troisieme grande section de l'ouvrage, «Les reconstructions de l'imaginaire», s'occupe des possibilites qu'a l'imaginaire collectif de creer des modeles pour mettre en place les differentes ideologies evoquees dans les chapitres precedents. Ce qui semble etre commun a la plupart des textes, c'est que la cour (ou le roi) fonctionne comme aimant. Le Temps des Crises et de la Finitude (367-424) examine precisement ! es moments Oll les forces centrifuges deviennent plus importantes et la societe est menacee d'eclatement. Il est tres interessant de constater que dans Je roman et dans l'epopee, ! es affrontements entre le roi et un vassal sont toujours surdetermines: il ne s'agit pas d'une simple question de droit, qui oppose deux hommes, mais d'un conflit beaucoup plus complexe, souvent inextricable sur le plan juridique, dont l'origine se situe plus haut dans le temps et qui mettra en jeu, a travers les rapports entre roi et vassal, l'ordre et l'existence de l'ensemble de la societe. Une des idees centrales de l'imaginaire medieval est certainement Je mythe imperial. En lui se fondent l'universalite geographique, l'idee romaine et pontificale, ainsi que la defense du monde chretien. Ces notions traversent a la fois les epopees et Je Brut. A travers une serie de moyens, Ja litterature recupere ces aspirations: par le biais des propheties de Virgile, de Ja Sibylle ou de Merlin, l'empire et la saintete sont transposes vers l'Occident. La Bretagne arthurienne, point Je plus occidental du monde connu,. devient ainsi pour ! es ecrivains Je lieu Oll aboutira Je transfert spirituel et politique de l'antiquite et Oll s'accompliront les temps chretiens. Le Didot-Perceval illustre bien que meme dans cette conception «mythique» du temps, l'histoire a son poids: quand tout est accompli, Ja cour arthurienne perd sa dimension surnaturelle. Arthur redevient un roi «historique», et, partant, un simple chef de guerre oblige de mener une banale campagne militaire contre ! es Romains. Dans Ja derniere grande partie, «Engendrement et Formes litteraires», D.B. examine la relation entre esthetique et ideologie. Les premieres chansons de geste mettent toutes en scene un roi regi par des forces qui le depassent, et tiennent ainsi du «tragique». Cette representation du roi pris dans l'engrenage du systeme feodal est en meme temps «ideologique». Le caractere episodique de la presence du roi dans le roman en vers en revanche est plutöt de nature esthetique: la passivite du roi est inherente a sa fonction litteraire puisqu'elle permettra au heros de partir et d'agir. D.B. fait habilement ressortir les ressemblances entre la figure de Charlemagne et celle d'Arthur des romans en prose, dont Ja plus frappante est peut-etre l'«oubli» de leur condition specifique qui fait qu'ils obeissent a leurs passions comme s'ils etaient des personnages comme des autres. Apres avoir ainsi cerne Je poids de l'esthetique dans l'ideologie, D.B. essaie de definir l'apport de la tradition et des modeles, consacrant une trentaine de pages a l'intertextualite. Il montre que les ideologies et les creations epiques se reflechissent mutuellement, les memes textes pouvant etre repris, mais investis d'un sens different d'une reuvre a l'autre. Besprechungen - Comptes rendus 341 «L'intertextualite modele la physionomie des reuvres, (...)Mais les reseaux qui se constituent ainsi autour des correspondances et des ecarts ne sont pas seulement des lieux de relations reciproques, ils sont la piece maitresse de la construction des mythes qui se cristallisent autour d'Arthur et de Charlemagne, au croisement des differentes ideologies de la royaute» (562). Une conclusion, une bibliographie ainsi qu'un petit index des reuvres litteraires citees bouclent le volume. L'etude de D.B. traite d'un tres vaste sujet. Le corpus des textes qu'il a lus et le nombre des etudes, couvrant toute sorte d'aspects (historique, litteraire, anthropologique etc.) dont il a integre les resultats a sa demonstration sont impressionnants. La limitation chronologique et thematique ne prete donc pas a discussion, elle releve du bon sens. Un petit regret seulement persiste: pourquoi ne pas avoir consacre quelques remarques (en dehors des pages 42s.) aux textes qui mettent en scene (comme la Bataille Loquifer, Lion de Bourges etc.) les deux rois dans une meme reuvre? Mais cela eüt sans doute grossi davantage une etude de pres de 600 pages, qui deja n'est pas d'une lecture facile, tant son erudition est grande. On aurait certainement pu l'alleger 9a et la, par exemple en reduisant la mise au point academique sur la royaute dans la culture indo-europeenne, qui enfonce un peu des portes ouvertes ( 249-316). L'idee de depart, qui consiste a focaliser l'analyse sur le personnage du roi, est certainement bonne: D.B. tient 1a sans doute un fil conducteur tres valable pour la comprehension de la litterature narrative medievale: suffisamment marginale, dans les textes, pour ne pas avoir a etre chaque fois variee, la figure royale est neanmoins assez constante pour permettre des comparaisons synchroniques. De nombreux textes apparaissent ainsi sous un nouveau jour: par le recul meme de son analyse, qui ne s'encombre pas des details d'un texte donne, mais s'efforce de rendre justice avant tout au personnage du roi, en enjambant textes et genres, D.B. condense, comme une histoire litteraire, en quelques heureuses lignes le «sens» de plusieurs centaines de pages. Notamment le chapitre conclusif Formes et significations des mythes (563-601) est une excellente synthese sur le roman et la chanson de geste tout court. Citons a titre d'exemple un passage qui illustre bien la capacite de D.B. de schematiser juste ce qu'il faut (581-82): «Tout l'effort de la royaute et de la collectivite arthuriennes consiste a maitriser (...) le surnaturel et le divin; dans la chanson de geste, ceux-ci demeurent transcendants, inaccessibles (...): ils s'imposent, et les hommes, pour se les concilier, doivent seulement respecter des rites et un code moral etabli de longue date par l'augustinisme politique. La notion de quete est ici depourvue de sens. (...)Meme s'il [le roi] fait corps avec sa collectivite dans le roman aussi bien que dans les chansons de type rolandien, sa place n'est pas la meme: dans celles-ci il est l'intermediaire privilegie qui fait beneficier Ja societe du surnaturel, dans celui-la au contraire il est Je beneficiare final (...) de la maitrise du surnaturel conquise par l'action de ses chevaliers ou deMerlin.» C'est du reste un des points forts de l'etude de D.B. que de proposer le rapprochement peu habituel entre Je roman arthurien en prose et la chanson de geste. En juxtaposant les deux, il fait ressortir ce qu'ils ont en commun et ! es differences. On peut certes dire que D.B. fait davantage avancer nos connaissances sur l'ensemble de Ja litterature narrative medievale que sur des reuvres precises, etant donne qu'il n'est pas sür qu'on apprenne beaucoup, par exemple, sur le Tristan en prose en examinant, comme le fait D. B., Je personnage du roi Arthur sans tenir compte du roi Marc. Paradoxalement, il peut en revanche etre fructueux de relire, apres, Je Tristan en prose a Ja lumiere des conclusions de D.B. Avec son etude, D.B. aura incontestablement donne des impulsions aux recherches sur Ja litterature narrative duMoyen Age. R. Trachsler *
