eJournals Vox Romanica 55/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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1996
551 Kristol De Stefani

POVL SKÅRUP, Morphologie synchronique de l' ancien franrçais, Copenhague (Munksgaards Forlag) 1994, 203p. (Etudes romanes de l'université de Copenhague 33)

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1996
Leena Löfstedt
vox5510306
306 Besprechungen - Comptes rendus PovL SKÄRUP, Morphologie synchronique de l'ancien franr;ais, Copenhague (Munksgaards Forlag) 1994, 203 p. (Etudes romanes de l'universite de Copenhague 33) Citons la preface qui caracterise cette Morphologie: «Elle est synchronique. Elle considere l'ancien frarn;:ais comme une langue autonome qui merite d'etre decrite (avec des variations geographiques et chronologiques qui ne sont pas negligees). S'il lui arrive de faire de la diachronie, c'est sous la forme de regles synchroniques . . .» (5). L'ouvrage ne manquera pas d'animer une discussion. L'ancien fran9ais est-il une langue autonome? Ou plutöt un concept abstrait pour un conglomerat des dialectes du gallolatin (plus ou moins nettement definis et avec des substrats et superstrats bien differents), dialectes susceptibles de revendiquer le statut de langue autonome et qui, au moins avant la destruction de l'empire des Plantagenets, ne cherchent meme pas a se reunir sous l'hegemonie d'un quelconque dialecte maitre. Dialectes aussi dont les periodes d'activite litteraire (et ils ne se pretent a l'analyse moderne qu'au travers des documents qu'ils ont laisses) ne coi:ncident pas: les uns, favorises par les conditions socio-politiques, produisent des textes a une epoque archai:que et les autres plus tard. Tel trait qui semble minoritaire s'il est envisage du point de vue de l'ensemble des faits linguistiques releves dans les domaines francophones pendant les siecles de l'ancien fran9ais, peut jouer un röle important dans un dialecte donne (delimitation geographique) ou pendant une periode donnee (delimitation chronologique), ou peut-etre dans un dialecte qui n'est documente que pour une periode determinee (les deux delimitations? ). Comment harmoniser cette documentation dialectale et mal equilibree pour decrire le developpement d'une langue consideree comme autonome? Parfois l'importance des traits minoritaires peut etre mesuree d'apres le fond synchronique de ce conglomerat. Du point de vue de la morphologie de l'ancien fran9ais, quelle est p. ex. l'importance de Ja perte precoce de la declinaison bicasuelle dans les dialectes de l'Ouest? Skärup a raison de discuter (66) Ja perte de la declinaison bicasuelle dans l'Ouest (y compris l'Angleterre) seulement apres avoir presente le syntagme li fiz le roi (64s.) qui presuppose une declinaison bicasuelle. Malgre ! es erreurs de detail possibles (la spuse danz Alexis, pour la spuse dan Alexis, p. ex.), l'Ouest utilise ce type de syntagme, ce qui montre que la perte de la declinaison y est d'une date relativement recente. L'Ouest participe donc a la morphologie du nom propre a l'ancien fran9ais, bien que le developpement dialectal annonce deja le moyen fran9ais. La morphologie du verbe presente des problemes anaJogues. Considerons p. ex. les subjonctifs comme blast, hast, curruzt donnes sans commentaire au bas des pages 54-59 parmi toutes sortes de formes verbales «moins frequentes». Skärup a raison de considerer le type blast comme moins frequent que Je type avec -e generalise (blasme, etc.) par rapport a l'ensemble des subj. pres. de Ja 1 ere conjugaison trouves en ancien fran9ais. Cependant dans plusieurs textes, notamment dans d'anciens textes occidentaux, mais aussi chez Chretien de Troyes, ces formes du subjonctif sont relativement nombreuses. J'ajoute a ces textes la traduction en ancien fran9ais du Decret de Gratien, traduction conservee dans une copie centraJe de Ja fin du xm e s., mais executee, je pense, dans un milieu anglonormand vers 1170. Dans cette traduction le type est non seulement frequent, mais peutetre majoritaire. Avec d'autres subjonctifs morphologiquement definis, il sert a conserver une distinction formelle entre l'indicatif et le subjonctif: voici les oppositions reJevees dans ce texte pour apeler: 3 e sg. apele/ apelt, apiaut; 2 e pl. apelez/ apeloiz; 3 e pl. apelent/ apiaugent. La derniere forme citee represente une innovation morphologique propre a l'ancien fra,n9ais: c'est un subjonctif cree a l'aide du suffixe ge (cf. p. 133), l'opposition Jatine entre l'indicatif APPELLANT et le subjonctif APPELLENT etant perdue. On se demande si Je neologisme au pl. aurait vu le jour si l'opposition avec le sg. avait ete perdue. Ces subjonctifs «moins frequents» du type apelt, apiaut et blast, etymologiques d'ailleurs (< APPELLET et< Besprechungen - Comptes rendus 307 *BLASTIMET), semblent jouer le röle de catalyseur pour un developpement synchronique de l'ancien fran9ais, developpement qui se manifeste aussi par une expansion de la terminaison -oiz (142) en dehors de la premiere conjugaison (sachoiz comme apeloiz < apeleiz < APPELLETIS). Un autre probleme: quelle est la situation des latinismes dans la morphologie de l'ancien fran9ais? Skärup ne se prononce pas. II juxtapose (33) la variation e (pretonique): oi (tonique) dans le paradigme des verbes comme devoir (devons: doivent), boire, croire, voir avec la coexistence de l'afr. leal et loi, real et roi. Pour moi, leal et real sont des latinismes. Mais meme si on donne raison au dictionnaire de Wartburg qui ecrit au sujet de leal: «Die form des suffixes ist doch wohl kein genügender grund, um das fr. wort unter die entlehnungen aus dem lat. zu verweisen» (FEW 5, 241a), on doit toutefois constater que le terme leal est appuye de LEGALIS du latin administratif. Et il faut ajouter que ! es variantes loial et roial qui surgissent vers 1200 (FEW 5, 239b s.v. et 10, 201a s.v.) rapprochent ces adjectifs des noms loi et roi en detruisant le parallelisme avec devons: doivent. - Les nomina agentis tires des verbes signifiant 'crier' et 'creer' etant pratiquement homonymes (112), l'ancien fran9ais a souvent recours au latin CREATOR qu'il peut traiter selon la declinaison bicasuelle en vigueur. La coexistence des formes nettement latines (creator) et des formes fr. (criere, creeur) avec ! es formes hybrides (theme lat., desinences fr., p.ex. createre), pour 'createur', meme chez un meme auteur, permet a Skärup d'etablir des paradigmes mixtes franco-latins (112, criere: creator, etc.). Cette systematisation correspond-elle a la realite? De toute fa9on, il importe d'etablir que ce melange linguistique a eu lieu dans le sociolecte du culte et de l'enseignement religieux: le terme lat. CREATOR fait partie de la liturgie et c'est un terme que tout le monde comprenait avant qu'il ne soit utilise dans un enonce fran9ais. - Le verbe benir qui se presente sous les formes benei"r et beneistre (41), auxquelles on peut ajouter benesquir, ne saurait, selon moi, echapper a l'influence du lat. BENEDI- CERE. Skärup semble exclure cette possibilite quand i1 dit: «L'impf. ind. 6 benediseient et le pr. ind. 4 benediums dans le Psautier d'Oxford . . . sont des croisements isoles avec des formes de dire. Cela vaut peut-etre egalement pour le pr. subj. 3 benediet ...» (127 Nl). Je pense que l'influence de dire se fait sentir par l'intermediaire de l'influence de lat. BENEDI- CERE, terme du culte utilise dans ! es salutations egalement. En fait, la salutation liturgique (DEus ... ) BENEDICAT a donne lieu a la salutation courtoise (Dieu vos) benei"e (NM 79 [1978]: 197, 213). Ajoutons que ! es latinismes sont susceptibles de jouer un röle different dans ! es periodes differentes et meme dans les dialectes differents l'anglo-normand ! es admettant tres facilement (melange de deux langues de prestige face a l'anglais du peuple? ). Esperons que l'auteur acceptera la discussion comme une preuve de la solidite et de la fecondite de son ceuvre. La Morphologie synchronique de l'ancien fran<; ais me sera fort utile et je felicite son auteur. Details: (59) Le groupe mn disparu dans le titre dam < DOMINUM, DOMINE survit dans le latinisme Damnedeu < DoMINUM DEUM. (71) Se, conjonction conditionnelle (ici range parmi ! es relatifs-interrogatifs sans doute gräce a son röle d'introducteur des interrogatives subordonnees), remonte au lat. sr, plus exactement a une variante a i bref que Je mot a connu au moins dans la combinaison SIQUIDEM (B.Löfstedt, Gnomon 38 [1966): 66 N). Ce vocalisme (i bref > lat. vulg. e) a pu etre favorise par la position non accentuee du terme dans la phrase et par le desir de differencier cette conjonction de l'adverbe src (> afr. si). Leena Löfstedt *