eJournals Vox Romanica 58/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
1999
581 Kristol De Stefani

Francine Girard/Chantal S. Lyche, Phonétique et phonologie du français, Oslo (Universitetsforlaget) 1997, 249 p.

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A.  Gather
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Un chapitre important est consacré à des outils auxiliaires: quant 4 , come, le relatif qui, de ce que 5 , à ce que, la parataxe. Le livre est terminé par «Prolongements stylistiques», un chapitre riche qui discute l’oralité et l’écriture, les contraintes spécifiques de la poésie et de la prose, la réécriture en prose d’un texte en vers, le discours scientifique et les incidences de tout cela sur le choix du connecteur causal. - Avant la bibliographie, l’auteur publie deux annexes: l’une sur la concurrence car/ que 6 et l’autre sur les propositions por ce que antéposées. Voici un bon livre qui mérite une discussion approfondie et que les syntacticiens romanistes et les spécialistes de l’ancien français doivent consulter. Ajoutons quelques réflexions concernant le car dit adverbial (chez B. notamment «exhortatif», «d’affirmation forte»), qu’on a tort, pensons-nous, de traiter sous un même lemme que le car causal. Certes, les deux car remontent à l’ablatif causal qua re, mais le car causal remonte à une question quare? (qua est un adj. interrogatif) pourquoi? et introduit une explication, à l’origine une réponse à pourquoi? , alors que le car adverbial remonte à une constatation qua re (qua est un adj. relatif qui renvoie à ce qui précède) 7 rebus sic stantibus , la situation étant ainsi , expression qui devant une exhortation ou affirmation peut être traduite par donc (ainsi p.ex. dans «Nel feras? - Non. - Kar tu es soz» cité par B. p. 54). - B. observe (147) que le car adverbial, exhortatif (Car nous ensagniés) ou d’affirmation forte (Li Juif . . . disent: Car tu fus si mauvais . . .) peut servir à indiquer la prise de parole (ajoutons: ) à la manière des guillemets d’un texte moderne ou inquit latin ou fet il de l’ancien français. Or, le car utilisé après dire ou preeschier, p.ex. dans «Li premiers dist que c’estoit grant mervelle de songe . . . Li secont dist quar c’est grant mervelle de memoire» (51) n’a-til pas la même fonction? Ne s’agit-il pas d’une confusion entre les styles indirect et direct? Leena Löfstedt H Francine Girard/ Chantal S. Lyche, Phonétique et phonologie du français, Oslo (Universitetsforlaget) 1997, 249 p. Le présent livre, écrit par Francine Girard et Chantal S. Lyche (ci-après G & L), est une introduction pratique à la phonétique et phonologie du français standard contemporain. Il vise à familiariser les étudiants avec «les éléments de base de la théorie phonétique-pho- 296 Besprechungen - Comptes rendus 4 B. développe les théories de Cerquiglini, B. 1981: La parole médiévale, Paris: 125-230, sur mar et notamment la compatibilité de mar avec quant et que (118). Selon nous, la facile association de quant ou que, connecteurs temporels, avec mar indique une conscience, chez l’homme médiéval, de l’étymologie temporelle de mar ( mala hora), et inversement, la non-association de mar avec car, indique l’absence des sèmes temporels chez car. 5 Les trois exemples de de ce que (125) ne convainquent pas. Le verbe mercier surtout, mais aussi corecier et blasmer peuvent être construits avec de: partant, l’analyse verbe + de + ce que . . . (où ce que . . . remplace un nom) reste possible. 6 Constatons que les scribes médiévaux contribuent à la confusion par leurs abréviations qui prêtent facilement à des lectures erronées et à de mauvaises copies: aussi bien que que quar (graphie fréquente de car) sont marqués par un q surmonté d’un trait horizontal: trait droit pour que et trait reflétant un a stylisé pour quar. - L’observation d’ordre phonétique par Tobler, A. 1912: Vermischte Beiträge, vol. 5, Leipzig: 34 que le car conjonctif ou relatif ne se trouve que dans une position antévocalique, aurait dû être testée à l’aide des matériaux disponibles (cf. p.ex. Mais ne savés l’angin car il firent). P. 50 B. fait bien d’observer que le car conjonctif ou relatif n’est pas d’un emploi répandu, mais propre à certains textes seulement. 7 Cf. Väänänen, V. 19 81: Introduction au latin vulgaire, Paris: 160, et Löfstedt, Leena 1966: Les expressions du commandement et de la défense, Helsinki: 106s. nologique et la terminologie de cette discipline» et à les rendre capables «de comprendre le français parlé quelle que soit la situation», «d’acquérir une prononciation correcte» et «d’induire la prononciation de tout mot écrit même inconnu» (13). Le livre s’adresse en premier lieu aux étudiants norvégiens et comprend quelques parties qui traitent de certains problèmes spécifiques à la phonétique contrastive du norvégien et du français. Toutefois, grâce à une présentation claire et détaillée et à la fiabilité des informations qu’il contient, il est de nature à susciter l’intérêt des destinataires dépassant le cercle plus étroit d’étudiants de langue maternelle norvégienne. Rien n’empêche de l’utiliser dans des cours de phonétique et phonologie conçus pour étudiants germanophones - d’autant plus que des introductions contemporaines d’accès facile écrites en langue française font largement défaut dans les pays germanophones 1 . En outre, certains des problèmes contrastifs rencontrés par les étudiants norvégiens et abordés dans le présent travail se posent de façon similaire, voire identique, aux étudiants germanophones (par exemple l’aspiration des occlusives sourdes dans certains contextes). Même si l’orientation du livre est largement pratique, l’approche de G & L est inspirée des progrès faits en phonologie théorique (générative) durant les trois dernières décennies. Cela se manifeste surtout par la place qui est accordée à la structure syllabique et à sa modélisation explicite 2 . C’est là le trait le plus saillant du présent travail et celui qui le distingue le plus nettement de tout autre manuel existant. En mettant un accent très net sur la structure syllabique et les constituants prosodiques au-delà du mot, le livre de G & L réussit peut-être mieux que tout autre à élucider la structure sonore du français et ses propriétés particulières et à les rendre évidentes pour l’étudiant étranger. Les auteurs couvrent tous les domaines importants de la phonétique et de la phonologie du français, qui constituent (ou continuent à constituer) l’objet de recherches menées actuellement dans le cadre de la phonologie générative moderne et se révèlent aussi particulièrement difficiles à maîtriser pour les étudiants étrangers. On appréciera aussi la subdivision, à l’intérieur de maints chapitres, en paragraphes élémentaires fournissant l’information indispensable pour la maîtrise de la composante phonologique, et en sections précédées d’un astérisque, qui visent à approfondir certains aspects et sur lesquelles il est possible de faire l’impasse lors de la première lecture. Après une brève introduction (15-18) consacrée à la variation dialectale, sociale, stylistique et individuelle au sein d’une langue historique, G & L, dans le premier chapitre (19- 27), dégagent la distinction entre phonétique 3 et phonologie, introduisent les notions de base de phonétique articulatoire, présentent les symboles utilisés dans les transcriptions 297 Besprechungen - Comptes rendus 1 Trois parutions plus récentes sont P. Röder, Französische Phonetik und Phonologie. Ein Grundkurs, Erlangen 1996, l’édition complètement révisée de G. Hammarström, Französische Phonetik, Tübingen 3 1997, et Trudel Meisenburg/ Maria Selig, Phonetik und Phonologie des Französischen, Stuttgart 1998 - toutes les trois en langue allemande. Le seul travail en français est E. Eggs/ Isabelle Mordellet, Phonétique et phonologie du français. Théorie et pratique, Tübingen 1990, livre, pourtant, d’orientation encore plus théorique que celui de G & L (cf. mon compte-rendu dans VRom. 54 [1995]: 312-21). 2 G & L optent pour une structure plate de la syllabe, présentant un branchement ternaire en attaque, noyau et coda. Bien que cette option diffère de la position soutenue par la majorité des phonologues, qui favorisent, à juste titre, une structure hiérarchisée, où noyau et coda forment un constituant propre, à l’exclusion de l’attaque, le procédé adopté par G & L paraît soutenable pour des raisons didactiques. 3 Outre la phonétique articulatoire et acoustique, les auteurs auraient pu mentionner la phonétique auditive, qui joue un rôle de plus en plus important dans les recherches actuelles en sciences cognitives. phonémiques et phonétiques 4 , donnent une idée de la hiérarchie prosodique et émettent l’hypothèse selon laquelle il existe une distinction entre trois niveaux de représentation différents d’une expression lexicale, à savoir la forme de base, qui reflète sa structure morphologique, la forme phonologique et la forme phonétique 5 . Le deuxième chapitre (28-60) est consacré à la présentation de la structure syllabique et au rôle que joue le groupe rythmique pour la syllabation. Les auteurs présentent une typologie des syllabes possibles et préférées en français, étudient les possibilités de la composition segmentale de la syllabe et s’intéressent à la syllabation à la fois à l’intérieur du mot et à l’intérieur du groupe rythmique. Des phénomènes particuliers à la structure sonore du français, comme la liaison, qui seront étudiés plus en détail ultérieurement, sont abordés, et G & L réussissent à tous égards à faire ressortir l’importance que revêt la structure syllabique pour une compréhension approfondie de la phonologie du français et de ses spécificités. D’un point de vue plus théorique, on remarque l’absence de la distinction entre le niveau segmental et le niveau skélétal représentant les unités de temps. G & L auraient pu utiliser cette distinction, par exemple dans le traitement de la syllabation de consonnes géminées 6 , sans pour autant compliquer trop ce livre de base. Dans le troisième chapitre (61-73), les auteurs donnent un bref aperçu sur l’intonation et les courbes intonatives correlées prototypiquement avec les différents types de phrases (déclaratives, impératives, exclamatives et interrogatives, avec la distinction pertinente entre interrogation partielle et totale). Tout en se concentrant sur les aspects fondamentaux, les auteurs ne renoncent cependant pas à évoquer aussi des phénomènes d’intonation plus particuliers, comme les accents d’insistance affectif et intellectuel (ou initial), et à soulever la question de l’impact que ce dernier pourrait avoir sur un changement éventuel du système d’accentuation du français. Les voyelles constituent l’objet du quatrième chapitre (74-105). G & L commencent par donner une description très claire des voyelles en termes articulatoires et définissent chaque voyelle par un petit nombre de traits distinctifs 7 . Elles font une distinction entre voyelles orales à un seul timbre (/ i, y, u/ ) et voyelles orales à double timbre ([o, O], [ø, œ], [e, E], [a, A]), qu’elles notent phonologiquement par les majuscules / O/ , / Ø/ , / E/ et / A/ respectivement. Ce procédé, qui a des ressemblances avec les notions de neutralisation, archiphonème ou sous-spécification sans pour cela s’identifier à ces concepts, est peu orthodoxe et, d’un point de vue strictement théorique, il n’est certainement soutenable ni dans une optique structuraliste ni dans une perspective générativiste. Mais, paradoxalement, il reflète mieux la réalité phonétique et pourrait être plus utile aux étudiants que les démarches traditionnelles qui, sur la base d’un très petit nombre de paires minimales liées à l’occurrence des sons dans des environnements fortement restreints où ils peuvent s’opposer, attribuent 298 Besprechungen - Comptes rendus 4 Le système de transcription est essentiellement celui de l’A. P. I. La seule chose que l’on puisse reprocher à G & L est d’utiliser le symbole [r] au lieu de [ʁ] pour représenter le r uvulaire du français. De plus, le [ʁ] dans la variante standard est plutôt une fricative (sonore) qu’une vibrante, comme l’affirment à tort G & L (149). 5 Il n’est pas facile de voir à quoi servirait la distinction entre niveau phonologique et niveau de base. La seule raison que l’on puisse avancer est le souci d’éviter des représentations phonologiques censées être trop «abstraites» et d’approcher le niveau phonologique des structures phonologiques plus familières (et plus proches de la surface phonétique) des travaux structuralistes. 6 G & L proposent ici des structures difficilement interprétables étant donné les hypothèses normalement soutenues en phonologie multilinéaire. 7 Il ne s’agit pas des traits présumés par les générations de phonologues postérieures à R. Jakobson/ G. Fant/ M. Halle, Preliminaries to Speech Analysis, Cambridge (Mass.) 1952, ou N. Chomsky/ M. Halle, The Sound Pattern of English, New York 1968, mais de traits articulatoires traditionnels - une décision qui se justifie compte tenu des buts pédagogiques poursuivis par G & L. le statut de phonèmes aux sons qui sont traités comme allophones par G & L 8 . A l’aide des deux notions binaires de syllabe fermée et ouverte et de position accentuable et inaccentuable 9 , et en dégageant les correspondances essentielles entre (combinaisons de) lettres et sons, les auteurs dessinent une image précise de la réalisation phonétique de [O], [Ø], [E]; elles soulignent les parallèles dans la distribution des allophones des trois (archi)phonèmes sans pour autant négliger les différences. Seule la distribution des «allophones» [a] et [A] du phonème / A/ constitue un cas à part. Pour les locuteurs qui disposent encore d’un [a] antérieur et d’un [A] postérieur, la distribution ne peut être que purement lexicale, ce qui revient à une contradiction notionnelle. Le procédé adopté par G & L pour les voyelles moyennes, dont la distribution des allophones est déterminée phonologiquement - il s’agit, en fonction de l’accentuabilité, en partie de variantes complémentaires et en partie de variantes libres -, n’est pas justifié au même titre pour la voyelle / A/ . En fait, on ne peut s’empêcher de partir soit d’un système phonologique qui englobe deux phonèmes / a/ et / A/ , soit d’un système simplifié qui ne comprend qu’un seul / a/ , phonétiquement localisable entre [a] antérieur et [A] postérieur (mais sans doute plus proche du premier). L’approche adoptée par G & L ne respecte pas le principe de l’homogénéité diasystématique requise pour toute description phonologique. Pour ce qui est des voyelles nasales, G & L optent pour une interprétation phonémique. La règle de nasalisation qu’elles proposent néanmoins et qui est calquée sur la règle de nasalisation des approches phonologiques «abstraites» (qui contestent la phonématicité des voyelles nasales dans les représentations sous-jacentes) 10 ne fait que servir d’aide-mémoire pour relier la graphie à la phonie. Vu que l’opposition entre / ~/ et / E ~/ a pratiquement disparu à Paris et est en voie de disparition en d’autres régions, G & L, se servant du procédé adopté pour la description des voyelles orales à double timbre, partent d’un seul phonème, / E~/ , qui est censé être réalisé par deux allophones lexicalement distribuées pour ceux qui disposent encore de deux réalisations différentes. Cette analyse appelle la même critique que celle proposée pour / A/ (voir supra). Dans le contexte du traitement des voyelles nasales, G & L font aussi quelques remarques sur les préfixes {/ A~-/ } (graphie {en-}) et {/ in-/ } 11 et les alternances morphophonologiques entre voyelle nasale d’une part et voyelle orale et consonne nasale d’autre part. Finalement, à l’intérieur de ce chapitre consacré à l’é- 299 Besprechungen - Comptes rendus 8 G & L ne manquent cependant pas de mentionner que les sons qu’elles qualifient d’allophones peuvent contraster dans quelques cas, mais elles indiquent aussi les variations et restrictions diasystématiques auxquelles sont soumises les oppositions phonologiques se basant sur ces sons. 9 Cette terminologie, qui remplace les notions plus usitées de syllabe accentuée et syllabe inaccentuée, est bien choisie puisque que c’est la qualité de pouvoir être accentué ou non qui est décisive tandis que l’accentuation effective dépendra de la position du mot à l’intérieur du groupe rythmique. 10 Pour avoir un aperçu du débat entre phonologie «abstraite» et phonologie «concrète» cf. J. Durand, «French Liaison, Floating Segments and Other Matters in a Dependency Framework», in: id. (ed.), Dependency and Non-linear Phonology, London 1986: 161-202, et, surtout pour les développements plus récents de cette controverse dans un contexte où les prémisses théoriques ont évolué, J. Klausenburger, «How Abstract Was/ Is French Phonology? A Twenty-five Year Retrospective», in: Chantal Lyche (ed.), French Generative Phonology: Retrospective and Perspectives, Salford 1994: 151-65. 11 L’approche «concrète» implicitement défendue par les auteurs dans leur traitement des voyelles nasales les prive de la possibilité de spécifier une forme de base / in-/ commune à toutes les réalisations du préfixe négatif. - La constatation que «[d]ans le cas de inn il n’y a jamais de nasalisation» (100) est inexacte (cf. p. ex. innégociable, inneutralisable etc. ). Pour plus de détails cf. B. Tranel, «A Generative Treatment of the Prefix inof Modern French», Language 52 (1976): 345-69, ou M. Plénat, «La morphologie des adjectifs en -able», Cahiers de grammaire 13 (1988): 101-32. tude des voyelles, G & L traitent aussi de la quantité vocalique (80s.) et de l’harmonie vocalique (95s.). Le cinquième chapitre (106-28) est consacré au problème notoire de la réalisation ou nonréalisation de schwa. Après quelques remarques instructives sur la réalisation phonétique de schwa, dans les cas où celui-ci ne tombe pas, G & L développent avec précision les règles qui déterminent le maintien 12 ou la chute de schwa à l’initiale, à la finale et à l’intérieur du groupe rythmique 13 . Elles prennent également en considération le phénomène de l’insertion d’un schwa non lexical pour éviter des groupes consonantiques difficiles à prononcer (schwa en tant que «lubrifiant phonétique»), le problème de la resyllabation à la suite de la chute de schwa (lequel, vraisemblablement, n’a jamais avant été traité de façon si détaillée dans un manuel élémentaire), les paramètres stylistiques influant sur le maintien ou la suppression de schwa et les variations régionales auxquelles est soumise la phonologie du schwa. Le sixième chapitre (129-46) traite des glissantes. Comparé à la place qui est normalement concédée à la phonologie des glissantes dans les manuels 14 , on s’étonnera peut-être de voir cette problématique traitée de façon aussi détaillée. Cela est pourtant pleinement justifié et reflète l’intérêt qu’ont suscité les glissantes à l’intérieur de la phonologie théorique générale et du français durant les dernières décennies 15 . La présentation de G & L tire parti des progrès atteints dans la description des glissantes grâce à une théorie explicite et élaborée de la syllabe 16 . La distinction entre glissantes occupant l’attaque d’une syllabe 300 Besprechungen - Comptes rendus 12 Il aurait été utile de donner une liste des mots les plus courants qui présentent le graphème e, mais où schwa ne tombe jamais, comme dans femelle, belotte, vedette, Besançon etc., ou presque jamais, comme dans menu, menotte etc., même si toutes les conditions qui permettraient son effacement sont remplies. Suivant une proposition de Y.-C. Morin, «The Status of Mute e », Studies in French Linguistics 1 (1978): 79-140, reprise par Monik Charette, Conditions on Phonological Government, Cambridge 1991: 113, la meilleure méthode consiste à analyser ces mots comme s’ils ne contenaient pas de schwa, mais / œ/ (ou / Ø/ dans le sens de G &L) dans leur représentation sous-jacente. Pour une discussion récente de la problématique de ce schwa souvent dit «stable» cf. D. C. Walker, «Schwa and / œ/ in French», Canadian Journal of Linguistics 38 (1993): 43-64, et id., «The New Stability of Unstable -e in French», French Language Studies 6 (1996): 211-29. Dans ces articles, Walker défend une approche «concrète» radicale renonçant à toute distinction phonologique entre schwa et / œ/ et adopte une solution morphophonémique s’appuyant sur un ample marquage lexical pour saisir la différence entre les occurrences de / œ/ qui sont susceptibles d’être effacées et celles qui ne le sont pas. 13 G & L (114) présentent une exception à la règle générale de la chute de schwa en affirmant que schwa peut tomber dans les séquences rC¿C et Cs¿C malgré la suite de trois consonnes qui en résulte (voir par l[e] train, une s[e]maine). Cette exception n’est évidemment pas valable à l’intérieur d’un mot (voir comportement, fortement), où schwa se prononce toujours. Font, bien sûr, exception à cette exception les formes du futur, où schwa tombe facilement (voir [il] parl[e]ra). De plus, il resterait à étudier si les exceptions mentionnées, qui ne se rencontrent que dans des parlers plus familiers, restent vraiment limitées aux séquences indiquées rC¿C et Cs¿C. Morin (1978: 82 N1), Röder (1996: 96) et Eggs/ Mordellet (1990: 121) citent quelques exemples (comme une ch[e]mise, une f[e]nêtre) qui n’obéissent pas à cette restriction. 14 Constitue une exception remarquable B. Tranel, The Sounds of French. An Introduction, Cambridge 1987: 108-22. 15 Il y a environ vingt ans, l’un des auteurs du présent livre, Chantal Lyche, a fait une contribution majeure (non mentionnée dans la bibliographie) à l’étude des glissantes: Chantal Lyche, «Glides in French: Questions for Natural Generative Phonology», Lingua 49 (1979): 315-30. 16 Mérite mention ici surtout le travail de J. D. Kaye/ J. Lowenstamm, «De la syllabicité», in: F. Dell/ D. Hirst/ J.-R. Vergnaud (ed.), Forme sonore du langage. Structures des représentations en phonologie, Paris 1984: 123-59, qui, à l’intérieur du cadre de la phonologie multilinéaire, a ouvert de nouvelles voies dans la description des glissantes. (comme dans whisky) et, par conséquent, bloquant l’application des règles de liaison et d’élision, et glissantes faisant partie d’un noyau branchant précédé d’une attaque vide (comme dans oiseau) et permettant liaison et élision, est aujourd’hui presque unanimement admise. De même, l’existence d’une différence de comportement phonologique entre des mots morphologiquement simples (comme pied, loi ou huit) et des mots qui naissent d’opérations morphologiques s’effectuant au niveau de base (comme [nous] scions, [nous] avouons ou [nous] tuons) est peu contestée. En revanche, on est loin de s’accorder sur l’approche à adopter pour modéliser cette différence, que G & L cherchent à saisir à l’aide des concepts de noyaux branchants de base et noyaux branchants dérivés. Ainsi, analyser les glissantes comme ne faisant pas partie du noyau de la syllabe, mais de l’attaque, qui de ce fait est branchante, serait peut-être plus révélateur que de partir de noyaux branchants. Une telle analyse, d’ailleurs brièvement évoquée par G & L 17 , explique encore mieux que celle qu’elles semblent privilégier la raison pour laquelle la formation de glissantes est bloquée lorsque l’attaque est déjà branchante parce que remplie de deux consonnes authentiques (p. ex. plier ne peut se prononcer que [plije] et non *[plje]) 18 . En outre, cette analyse aurait l’avantage supplémentaire d’expliquer pourquoi une glissante précédée d’une consonne sourde est soumise à la même désonorisation que n’importe quelle autre consonne sonore précédée d’une consonne sourde dans la même attaque (voir p. ex. prix [pʁ8i] et pied [pj 8e]). Une deuxième question que l’on pourrait soulever est de savoir si G & L n’augmentent pas, sans raisons impératives, le nombre des phonèmes en attribuant un statut phonémique aux glissantes. Certes, les glissantes faisant partie du noyau branchant dérivé sont ramenées à des voyelles du moins dans les représentations de base, mais vu que c’est uniquement la position du son à l’intérieur de la syllabe qui détermine s’il est réalisé comme voyelle pure - quand il forme la tête d’un noyau - ou comme glissante - quand il occupe soit l’attaque d’une syllabe, soit la marge d’un noyau branchant -, il n’y a aucune raison, même dans le cas d’une glissante faisant partie d’un noyau branchant de base, d’admettre l’existence de glissantes au niveau de la représentation phonologique. G & L soulignent que seuls les cas morphologiquement complexes, dans lesquels la glissante peut être ramenée à une voyelle au niveau de base et dans lesquels les deux voyelles sous-jacentes consécutives sont séparées par une frontière de morphème (comme dans scions / si/ + / o~/ ), permettent, outre la réalisation synérétique ([sjo~]), qui est celle donnant naissance au noyau branchant dérivé, une réalisation diérétique ([sijo~]) 19 , qui n’est pas possible pour les mots à noyau dit branchant de base. La diérèse, dont l’occurrence est limitée à un style d’élocution soutenu et plus lent 20 , requiert obligatoirement l’insertion d’un [j] 301 Besprechungen - Comptes rendus 17 «En effet, on aurait pu choisir une représentation où la glissante prévocalique ne serait pas analysée comme le premier segment d’un noyau branchant mais comme un segment se plaçant dans l’attaque. L’attaque maximale normale du français étant binaire, les séquences OLG [obstruante- liquide-glissante, A. G.], du type de celle que l’on trouverait dans [tr 8we], seraient automatiquement exclues puisqu’elles violeraient la restriction sur le nombre de segments normalement autorisés dans l’attaque» (142). 18 Dans les cas où une séquence obstruante-liquide-glissante fait surface (comme dans trois [tʁwa]), on admettra qu’il s’agit de «diphtongues sous-jacentes» (qui, en effet, forment un noyau branchant). L’occurrence de ces séquences est limitée à des mots morphologiquement simples; en d’autres termes, elles ne peuvent résulter d’une rencontre de deux voyelles imputables à des opérations morphologiques. 19 Qui est la seule possible au cas où l’attaque serait déjà branchante (cf. supra). 20 De plus, une réalisation diérétique est beaucoup plus vraisemblable pour / y/ et / u/ (dans cet ordre) que pour / i/ et semble en outre être partiellement dépendante d’idiosyncrasies lexicales (cf. Tranel 1987, notamment p. 120-22, pour plus de détails). épenthétique dans le cas de / i/ , tandis que dans les cas de / u/ et / y/ , la réalisation bisyllabique aboutit plutôt à un hiatus, l’épenthèse de [w] et [ɥ] ne s’observant que dans un parler particulièrement lent 21 . Dans le septième chapitre (147-59), les auteurs donnent une description et une définition des consonnes du français en se servant, comme dans la description des voyelles, de traits distinctifs ancrés dans la phonétique articulatoire traditionnelle. Quelques problèmes de la correspondance entre graphie et phonie sont explorés et le domaine de l’assimilation de sonorité est abordé de façon instructive 22 . Seul un survol des consonnes géminées (voir cependant chapitre 2) et des différentes sources dont elles naissent 23 fait défaut. Le huitième chapitre (160-77) est consacré au problème de la liaison. La distinction entre liaison et enchaînement et le rôle de la structure syllabique pour une compréhension adéquate du phénomène de la liaison, lesquels se dégagent déjà dans le deuxième chapitre, sont repris. Les auteurs semblent considérer les consonnes de liaison comme lexicalement présentes. Leur approche pratique repose donc ici sur des suppositions telles qu’elles sont faites en phonologie «abstraite» (par opposition à la phonologie «concrète», qui conçoit les consonnes de liaison comme épenthétiques). S’appuyant sur la subdivision tripartite classique en liaisons obligatoires, liaisons facultatives et liaisons interdites et se servant de quelques notions (fort simplifiées) de la grammaire syntagmatique pour préciser les domaines syntaxiques de la liaison, les auteurs développent une image très nuancée des liaisons en français, prenant aussi en considération différentes variables diasystématiques qui portent sur les liaisons facultatives. Même si, à mon avis, il serait souhaitable de raffiner la grille terminologique classique, du moins en faveur d’une subdivision plus fine du groupe de la liaison dite obligatoire en deux catégories que l’on pourrait qualifier de liaison invariable ou catégorique d’une part et de liaison presque obligatoire d’autre part - une subdivision implicitement admise par les auteurs à travers certaines précisions qu’elles apportent à l’intérieur de leur catégorie de liaisons obligatoires -, l’exposé de G & L, très riche en détails, sait, à tous égards, convaincre. Seules les remarques concernant le comportement des voyelles nasales dans la liaison sont trop peu nuancées 24 . Un bref chapitre intitulé Le h graphique initial de mot (178-85) est consacré à la phonologie du H dit aspiré. Avec des arguments recevables, G & L rejettent l’idée, élaborée sous des formes légèrement diversifiées dans les approches se situant dans le cadre de la phonologie générative, selon laquelle l’attaque d’un mot avec H aspiré domine un élément consonantique abstrait qui est responsable du bloquage des processus de liaison et d’élision. À juste titre, les auteurs font valoir qu’une telle approche n’explique pas pourquoi un schwa sous-jacent doit être phonétiquement réalisé devant un mot débutant par H aspiré (voir le homard [løOma: ʁ]), tandis que cela n’est pas le cas devant une consonne régulière (voir le canard [l(ø)kana: ʁ]). L’alternative envisagée par G & L, selon laquelle les mots avec H 302 Besprechungen - Comptes rendus 21 On notera que les manuels et les œuvres orthoépistes ne s’accordent pas tous sur certains points de détail et sur le jugement à porter sur la réalisation synérétique ou diérétique de deux voyelles sous-jacentes précédées d’une seule consonne. A mon avis, il convient de se demander s’il est vraiment recommandable d’enseigner la diérèse (surtout dans le cas de / i/ ) aux étudiants étrangers en lui accordant autant d’importance que le font G & L (à excepter, bien entendu, les cas à attaque branchante où la diérèse est indispensable). 22 Les auteurs (153) affirment que même après l’assimilation du trait de sonorité, l’assimilation n’est pas totale, mais qu’il persiste une différence de tension articulatoire, traditionnellement dénommée «distinction fortis/ lenis». Cette position n’est pas incontestée (cf. F. Carton, Introduction à la phonétique du français, Paris 1997: 85s., pour le français, et J. Laver, Principles of Phonetics, Cambridge 1994: 339-45, pour la phonétique générale). 23 Cf. la présentation exceptionnellement détaillée dans Tranel 1987: 146-53. 24 Cf. Tranel 1987: 81-85 pour plus de détails. aspiré sont à analyser comme «des mots dont l’attaque initiale doit obligatoirement être nulle et qui sont séparés du mot qui les précède par une pause» (179; mise en italique A. G.), n’est guère plus satisfaisante. En outre, le fait que l’attaque d’un mot avec H aspiré doive être nulle et, par conséquent, ne permette pas l’ancrage d’une consonne de liaison, doit être stipulé, puisque, d’après l’analyse de G & L, il ne découle d’aucun principe phonologique indépendamment motivé. De plus, cette analyse, comme d’autres, est contredite par le comportement partiellement divergent de certains mots avec H aspiré envers la liaison et l’enchaînement, ce dernier restant possible (cf. aussi G & L, p. 183) malgré la prohibition de remplir l’attaque du mot avec H aspiré. En dépit de tout l’encre qu’a fait couler le problème du H aspiré, le phénomène reste énigmatique 25 . Un chapitre consacré au problème ardu de la prononciation des chiffres (186-93) conclut la partie théorique du livre. Suivent de nombreux exercices d’application des problèmes traités dans chaque chapitre et deux épreuves écrites modèle (196-215). Pour tous les exercices et les épreuves il existe des corrigés (216-49). En conclusion, on ne pourra que féliciter G & L de leur manuel soigneusement rédigé, riche en informations 26 , clair dans la présentation des faits et exemplaire quant à sa présentation typographique. Grâce à sa structuration claire et nette, à des exemples bien choisis et analysés en détail et à de nombreuses représentations graphiques, le livre permet aux étudiants d’approcher, sans obstacles majeurs, une matière qui n’est pas toujours facile, mais sans doute pour cela d’autant plus fascinante. A. Gather H Christoph Platen, «Ökonymie». Zur Produktnamen-Linguistik im Europäischen Binnenmarkt, Tübingen (Niemeyer) 1997, 243 p. (Beih. ZRPh. 280) Christoph Platen beschäftigt sich in seiner von Günter Holtus betreuten Dissertation mit den Produktbzw. Markennamen, einem Bereich der Onomastik, dem traditionellerweise nur eine Randexistenz in dieser Disziplin zukommt, der aber in der modernen Alltagskommunikation eine wichtige Rolle spielt. Bei weltweit über 10 Millionen registrierten Warenzeichen - Platen erwähnt, daß allein in Deutschland 1992 rund 20 000 neue Produktna- 303 Besprechungen - Comptes rendus 25 Cf. B. Tranel, «Current Issues in French Phonology: Liaison and Position Theories», in: J. Goldsmith (ed.), The Handbook of Phonological Theory, Oxford 1995: 798-816 (notamment p. 809-14) pour avoir un aperçu plus récent de la problématique du H aspiré. 26 Seule la bibliographie (194s.) est décevante. Même si le manuel ne se veut pas une initiation à la phonologie actuelle, mais poursuit en premier lieu des buts pratiques (voir supra), des indications bibliographiques supplémentaires auraient pu permettre aux étudiants de poursuivre plus en détail et dans une optique plus théorique certains des problèmes abordés et d’approfondir leurs connaissances des outils théoriques utilisés par les auteurs dans leur présentation. Certes, un petit nombre de textes plus théoriques sont cités dans la bibliographie, mais on regrette l’absence non seulement de nombreux travaux récents mais aussi de travaux classiques. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple particulièrement surprenant, il n’est même pas fait référence à F. Dell, Les règles et les sons. Introduction à la phonologie générative, Paris 1985, qui continue à constituer un point de départ essentiel pour toute description de la phonologie du schwa, même si les analyses concrètes que Dell propose sont aujourd’hui périmées. Mais outre cela, les références bibliographiques se rapportant à des aspects pratiques sont également trop peu nombreuses et ne comportent guère de parutions plus récentes. On s’étonnera notamment de l’absence de toute référence à au moins un des trois grands dictionnaires de prononciation: A. Martinet/ H. Walter, Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel, Paris 1973; A. Lerond, Dictionnaire de la prononciation, Paris 1980; L. Warnant, Dictionnaire de la prononciation française dans sa norme actuelle, Paris 1987.