eJournals Vox Romanica 58/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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1999
581 Kristol De Stefani

Martine Willems, Le vocabulaire du défrichement dans la toponymie wallonne, Genève (Droz) 1997, 2 vol., 422 + 285 p. (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège 266)

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1999
W.  Müller
vox5810325
Martine Willems, Le vocabulaire du défrichement dans la toponymie wallonne, Genève (Droz) 1997, 2 vol., 422 + 285 p. (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège 266) Ce travail de la meilleure tradition wallonne a été accepté en 1992 comme thèse de doctorat par l’Université de Liège (15) 1 , élaborée sous la direction de Jean Lechanteur. Il cherche à présenter «les termes qui, à l’origine, désignent un défrichement ou une phase de cette opération» (12). L’auteur exclut de cette manière des mots qui signifiaient au début autre chose que essartage , par ex. virée possession temporaire d’un terrain défriché , couture, neuve cour, etc., même si ceux-ci sont d’éminents indicateurs historiques de défrichements. En ce qui concerne la bibliographie, on apprend avec étonnement qu’il existe des travaux d’histoire locale non disponibles en bibliothèque et qu’un certain nombre de mémoires universitaires ont disparu sans laisser d’autre trace que la fiche bibliothécaire. Par contre, l’auteur a profité de plusieurs fichiers manuscrits: ceux d’Edgard Renard, de Jules Herbillon, de Jean Lechanteur lui-même. Mme Willems a encore consulté les relevés cadastraux de 1500 communes déposés à l’Institut de dialectologie wallonne de Liège (14s.). Un quart environ des communes wallonnes a bénéficié de travaux toponymiques, mais avec une densité qui varie selon les provinces: elle est particulièrement basse dans le Brabant (17). «Jusqu’ici aucune synthèse de toponymie wallonne n’a été entreprise à cette échelle.» (19). L’histoire des défrichements semble démarrer peu avant la conquête romaine, produisant des sols fertiles pour les blés dans la future Wallonie (21ss.). Elle atteindra son apogée au moyen âge en touchant avant tout le Brabant et le Hainaut, au détriment de la Forêt charbonnière, sans oublier le pays de Herve des environs de Liège (24). La carte de Ferraris en 275 feuilles, de la seconde moitié du 18 e siècle, donne une image précise de la situation, semblable à la nôtre (25). Mais jusqu’en 1866, les choses ne cessent de se dégrader et ce n’est qu’alors qu’on commence à procéder à des reboisements. Martine Willems nous présente encore les différentes techniques d’essartage (31-36), les règlements d’ancien régime (36-39), les avantages et inconvénients de cette procédure (40- 42). Les termes dialectaux figurent aux p. 43-48. Le terme central du champ sémantique est évidemment sart (51ss.). Il semble bien qu’il faille partout en Wallonie partir de lat. exsartum et non de *exsertum comme en Suisse romande et qu’il n’y existe pas d’évolution chay comme en vosgien. Sur le plan pratique, il n’est pas simple de différencier entre les homophones sart et saule même si ce dernier mot est un féminin, car l’article wallon ne distingue pas les deux genres (lu). Comme indice, l’auteur se sert alors des prépositions à et en qui se contractent effectivement en wallon avec l’article masculin (55). On apprend avec intérêt que les premières attestations toponymiques de sart remontent au 11 e siècle (58) et que «toutes les formes des xi e et xii e s. sont des noms de communes» (59). On ajoutera ici que le composé Lodelinsart est attesté dès le 9 e siècle: 868s. Hudelin sart 2 . On ne saurait surestimer l’importance de l’article puisque, «l’absence d’article étant un critère d’ancienneté, il n’est pas étonnant que dans deux des trois cas, on ait affaire à des noms de commune» (60). C’est à juste titre que le type En Sart intrigue l’auteur. Ces lieuxdits dépourvus d’article étant tous situés au nord de la Meuse, en Hesbaye, dans une région à mise en culture précoce des terrains, Mme Willems a raison d’affirmer que ce genre de nom pourrait très bien remonter à une époque fort ancienne. 325 Besprechungen - Comptes rendus 1 L’expert étranger a été Pierre Knecht de l’Université de Neuchâtel (6). 2 On ne comprend pas pourquoi un fait si important est relégué à la p. 99. Nous nous trouvons devant exactement le même problème en Suisse romande avec des toponymes comme En Cour. Ils remontent certainement au haut moyen âge, tout comme En Sart. On se demandera plus précisément si un nom de terroir comme 1812 Pré en Cour à Cudrefin/ Vaud date également du 6 e siècle comme les nombreux noms en Cour composés avec un anthroponyme 3 . Le féminin sarte est représenté 310 fois en Wallonie (72). Autant dire qu’il risque de remonter à une formation latine (et non pas romane) *exsarta, d’ailleurs attesté en lat. médiéval. Le plat de résistance de la thèse est sans doute le type ster, d’interprétation étymologique ardue. «Les débats, animés par une dizaine de participants, ont duré plus d’un demi-siècle.» (133). Si Jules Feller, aux vues ordinairement si judicieuses, croyait à un étymon germanique ( stede), il a du moins vu que certains de ces toponymes désignaient des endroits non habités (135). C’est le toponymiste du Luxembourg belge L. Roger qui proposait dès 1913 une origine romane *exstirpus (140). Il a réussi le tour de force, en pleine guerre et sous l’occupation allemande, de publier ses vues en Allemagne, en 1941 et en 1944, en se prononçant contre l’étymon germanique (146, 148). La situation va définitivement changer en 1949 avec la prise de position de Louis Remacle en faveur de stirpus (150), renforcée par celle de Raymond Sindou pour la France et la Suisse (151) 4 . La conférence de Remacle est ici imprimée pour la première fois (301-16), avec une postface (316-18), qui laisse légèrement perplexe puisque Remacle songe, en ce qui concerne les stî de la Hesbaye, à sextarius setier . Fait remarquable, il paraît même exister des dérivés de stirpus en -iacum: Strépy dans l’arrondissement de Soignies, et en -in-iacum, tel Eterpigny dans le Pas-de-Calais ou Sterpenich dans le grand-duché du Luxembourg 5 . On sera pleinement d’accord avec Mme Willems que «un bon étymon doit être le point de focalisation d’un faisceau de concordances, concordances sémantiques, en fonction de la topographie et de l’histoire, concordances phonétiques, à partir des formes orales et des graphies anciennes.» (152). Elle ne se limite pas à l’amusant récit de la découverte de l’origine du mot, mais expose dans le détail le riche dossier de stèr (157-99). Les chapitres qui suivent traitent des nombreux mots du même champ sémantique (201- 98). «La caractéristique la plus apparente de la toponymie wallonne du défrichement est son abondance et sa diversité.» (297). Le premier volume se clôt sur un petit nombre d’ethnotextes patois (323-26), une partie lexicographique avec, notamment, un très important choix de formes anciennes des noms communs du domaine (345-85), lequel complète ainsi les dictionnaires historiques, et sur la bibliographie (387-415). Le second volume renferme le très riche recueil, avec attestations anciennes, des noms qui sont à la base des commentaires du premier volume, dans l’ordre des chapitres de celuici. W. Müller H 326 Besprechungen - Comptes rendus 3 Cf. W. Müller 1999: «Le nom de Cudrefin», in: F. Ciardo (ed.), Les mille ans de Cudrefin (à paraître). 4 L. Roger a remarqué le parallélisme Belgique - France - Suisse dès 1934 (151 N67). 5 Il est vrai que Monika Buchmueller-Pfaff 1990: Siedlungsnamen zwischen Spätantike und frühem Mittelalter, Tübingen: 454 préfère un nom de personne latin non attesté *sterpinius.