Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniDictionnaire suisse romand. Particularités lexicales du français contemporain. Une contribution au Trésor des vocabulaires francophones, conçu et rédigé par André Thibault, sous la direction de Pierre Knecht avec la collaboration de Gisèle Boeri et Simone Quenet, Genève (Zoé) 1997, 854 p
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H. Chevalley
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worden: G. Menzli, Curs da rumantsch grischun 2, Lecziuns 1-16, Chur 1989 4 . Das auf Deutsch verfaßte Lehrbuch wurde auch auf Französisch bearbeitet: G. Menzli/ J. Barblan, Curs da rumantsch grischun/ Cours de romanche grison 1, français-romanche, Leçons 1-18, Chur 1990. Die RB.2 ist, von Details abgesehen, eine informative und sorgfältig gemachte 5 Bibliographie; da sie wie ihre Vorgängerin die einzige kompakte Informationsquelle im Bereich des Rätoromanischen ist, kann man sich nur wünschen, daß sie von nun an in regelmäßigen Abständen erscheint. Die Autoren sollten zudem eine digitalisierte Version der gesamten RB ins Auge fassen, für die mit Sicherheit viele (Räto)romanisten dankbar wären. Victoria Popovici H Dictionnaire suisse romand. Particularités lexicales du français contemporain. Une contribution au Trésor des vocabulaires francophones, conçu et rédigé par André Thibault, sous la direction de Pierre Knecht avec la collaboration de Gisèle Boeri et Simone Quenet, Genève (Zoé) 1997, 854 p.* Il y a longtemps qu’un tel ouvrage était attendu, non seulement par le monde scientifique - et plus particulièrement par les spécialistes des variétés régionales du français - mais aussi par le public romand. Preuve en est l’extraordinaire succès de librairie rencontré par le Dictionnaire suisse romand (ci-après DSR) dont les deux premiers tirages se sont épuisés en quelques mois et qui s’est vendu à plus de 20000 exemplaires. C’est dire combien les Romands s’intéressent aux particularités de leur français et combien ce dictionnaire est venu combler un vide. En effet, depuis la parution en 1926 du Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand de W. Pierrehumbert 1 , la description lexicographique scientifique du français régional de Suisse romande a été assurée exclusivement par le Glossaire des patois de la Suisse romande (ci-après GPSR), dictionnaire dialectal qui prend aussi en compte les régionalismes du français dans la mesure, principalement, où ils procèdent des patois de 278 Besprechungen - Comptes rendus 4 Nach diesem Muster sind folgende, ebenfalls von der Lia Rumantscha in Chur herausgegebene Lehrbücher für die einzelnen Idiome entstanden: G. Menzli/ Marlis Menzli-Staeger, Curs da romontsch sursilvan 1, Lecziuns 1-18, 1988; G. Menzli/ I. Winzap, Curs da romontsch sursilvan 2, Lecziuns 1-16, 1990; G. Menzli/ Pina Augustin, Curs da rumantsch surmiran 1, Lecziuns 1-18, 1988; G. Menzli/ Rita Cadotsch/ Rita Ulber Montigel, Curs da rumantsch surmiran 2, Lecziuns 1-16, 1989; G. Menzli/ Georgina Schaller-Gabriel/ P. Frigg/ B. Tscharner, Curs da rumàntsch sutsilvan 1, Lecziuns 1-18, 1991; G. Menzli/ G. Klainguti, Cuors da rumauntsch ladin (puter) 1, Lecziuns 1- 18, 1988; G. Menzli/ Annetta Ganzoni, Cuors da rumauntsch ladin (puter) 2, Lecziuns 1-16, 1990; G. Menzli/ Alena Plesar Cuors da rumantsch ladin (vallader) 1, Lecziuns 1-18, 1987; G. Menzli/ C. Pitsch/ AnnettaGanzoni, Cuors da rumantsch ladin (vallader) 2, Lecziuns 1-16, 1989. 5 Daß die Bozener Druckerei für ein derartig relevantes Werk minderwertiges Umweltpapier benutzt hat, ist schade. * Par une erreur de la rédaction le Dictionnaire Suisse Romand a été confié à deux auteurs différents pour compte-rendu. Les deux textes qui nous ont été soumis, sont en partie complémentaires. Pour cette raison nous avons décidé de publier les deux comptes rendus l’un après l’autre. (R.L./ P.W.) 1 Cf. P. Knecht «William Pierrehumbert, pionnier exemplaire de la lexicographie du français régional», in: Actes du XXe Congrès international de linguistique et philologie romanes (Zurich 1992), vol. 4, Tübingen/ Bâle 1993: 175-88. substrat 2 . Mais, bien sûr, cette présentation ne peut se faire qu’au gré du rythme de parution, forcément lent, du GPSR et n’est pas destinée à toucher un large public. Les années septante, avec le nouvel essor qu’a connu alors l’étude des français régionaux, ont vu se développer en Suisse romande deux types nouveaux d’activité lexicographique, totalement indépendants l’un de l’autre. En 1973, tout d’abord, fut créé le Centre de dialectologie de l’Université de Neuchâtel qui, sous la direction de E. Schüle, rédacteur en chef du GPSR, se lança dans la constitution d’un fichier du français régional de Suisse romande. L’un des buts de cette entreprise était bien, dès le début, d’en tirer ce qui devait être un nouveau Pierrehumbert ou, plus précisément, un équivalent de ce dictionnaire pour le français régional romand dans le dernier quart du xx e siècle. Et, en attendant cette issue, ce fichier en cours de constitution a permis au Centre de dialectologie de fournir aux principaux dictionnaires français, dès 1978, des listes plus ou moins longues d’helvétismes brièvement mais parfaitement présentés. L’impact de ces contributions n’a cependant été qu’indirect et à peine sensible auprès du public romand. Cela explique le succès immérité rencontré par la parution, à la même époque, de plusieurs petits lexiques, réalisés par des amateurs et de nature commerciale, qui donnaient des régionalismes romands une image peu fiable, voire carrément désastreuse 3 . Malgré leur médiocrité, ces petits lexiques ont longtemps été les seuls ouvrages de «référence» pour le français de Suisse romande, que ce soit dans les bibliothèques des meilleurs instituts ou, pire, dans les études scientifiques les plus sérieuses 4 . Et c’est encore à cette source bien trouble que la thèse de J. Lengert sur les régionalismes dans la littérature romande a cru pouvoir puiser des renseignements sur les sens et la vitalité des romandismes 5 . On doit donc véritablement savoir gré à P. Knecht, successeur de E. Schüle à la tête du Centre de dialectologie, d’avoir donné l’impulsion à une entreprise qui, portée par le projet international du Trésor des vocabulaires francophones, s’est concrétisée par la parution du DSR. Venant ainsi combler une regrettable lacune lexicographique, ce dictionnaire fait désormais office de référence incontestée pour ce qui est du français régional contemporain en Suisse romande. Et cette autorité, il la tire du monumental - 120000 fiches environ, pour quelque 10000 entrées - fichier de français régional de Suisse romande qui a été constitué au Centre de dialectologie. C’est la raison pour laquelle on se permettra de regretter que, morcelée entre les Remerciements (7s.), la Préface (13s.) et la Présentation (18), l’exposition des fondations du DSR n’explique pas plus clairement au lecteur comment ce fichier a été constitué et, par là même, combien ce dictionnaire est tributaire d’une longue et solide tradition lexicographique en Suisse romande. On pourrait en effet mieux mettre en lumière l’importance documentaire des glossaires réalisés au xix e siècle, ainsi que la perspective diachronique qu’a privilégiée Pierrehumbert dans la présentation des régionalismes (perspective diachronique déployant tous ses effets dans les articles du GPSR, qui situent les traits de français régional dans leurs rapports avec les patois de substrat). On pourrait de même mieux souligner la qualité des 279 Besprechungen - Comptes rendus 2 Cf. Introduction au vol. 1 du Glossaire des patois de la Suisse romande, Paris/ Neuchâtel 1933: 9. 3 Catherine Hadacek, Le suisse romand tel qu’on le parle. Lexique romand-français, Lausanne 1983; E. Pidoux, Le langage des Romands, Lausanne 1983; A. Nicollier, Dictionnaire des mots suisses de la langue française, Genève 1990. Cf. les comptes rendus de ces ouvrages dans le 86 e Rapport annuel du GPSR (1984): 20-22 et le 93 e Rapport annuel du GPSR (1991): 29. 4 Ce sont les seuls ouvrages cités pour la Suisse romande par l’Encyclopédie internationale de lexicographie, Berlin/ NewYork 1990: 1501. 5 J. Lengert, Regionalfranzösisch in der Literatur. Studien zu lexikalischen und grammatischen Regionalismen des Französischen der Westschweiz, Basel/ Tübingen 1994. Cf. le compte rendu de cet ouvrage dans le 98 e Rapport annuel du GPSR (1996): 29-31. dépouillements réalisés lors de la constitution du fichier ainsi que la part qu’y ont prise les rédacteurs du GPSR, et mieux exposer enfin les modalités de l’enquête par correspondance menée par l’un d’entre eux, M. Casanova, de 1974 à 1981, avec dette de reconnaissance plus explicite aux témoins qui y ont participé. L’équipe dirigée par P. Knecht a donc hérité d’une documentation particulièrement riche et précieuse mais aussi - aux dires mêmes de ceux qui ont participé à son élaboration - forcément incomplète, composée de matériaux hétéroclites et, surtout, de nature principalement écrite. Le mérite de l’équipe du DSR, qui doit être salué ici, est d’avoir su exploiter ces matériaux, de les avoir enrichis et d’avoir recouru à des réviseurs originaires des cantons romands afin d’apporter au dictionnaire, dans la mesure du possible (cf. ci-dessous Localisation), la dimension de l’usage parlé, réel et contemporain des romandismes traités. L’éloge s’adresse surtout à A. Thibault, rédacteur principal du DSR, dont P. Rézeau a déjà souligné les mérites dans son compte rendu de l’ouvrage 6 . Dans sa Préface (14), P. Knecht relève que la qualité de francophone de l’extérieur d’A. Thibault lui a permis de repérer de nombreux régionalismes «inconscients» (qui avaient jusqu’ici échappé aux spécialistes romands, comme lutrin et la loc. bouter le feu). Il faut ajouter ici que cet état de «nonromand» a signifié pour A. Thibault un immense travail d’appropriation: apprentissage des réalités de la Suisse romande, familiarisation avec son parler et, surtout, assimilation de sa tradition lexicographique. Il est à ce propos regrettable que n’ait pas paru la présentation qu’il avait faite du DSR dans une communication lors du 3 e Colloque de linguistique de l’Université de Haute-Alsace 7 , car il avait exposé à cette occasion sa situation particulière de découvreur et de metteur en forme de matériaux lexicologiques amassés depuis deux siècles. C’est donc grâce à la qualité de cette documentation, grâce aux talents de lexicologue et de lexicographe d’A. Thibault ainsi que grâce à l’équipe de rédaction et de révision qui entourait ce dernier que le DSR échappe pour l’essentiel à la critique qu’on peut faire aux ouvrages sur les français régionaux réalisés par des personnes dépourvues de l’indispensable compétence native 8 . Ce dictionnaire se présente enfin comme perfectible; c’est dans cet esprit et, surtout, en vue d’améliorations à apporter à une nouvelle édition qu’ont été rédigées et que doivent être lues les remarques qui suivent. Macrostructure. La sélection des mots à traiter est assurément une question difficile pour tout dictionnaire et, à ce titre, il est symptomatique que ce sont moins les critères ayant présidé à l’élaboration de la nomenclature du DSR que ses différentes couches constitutives qui sont exposées dans la Présentation (19-23). Ce texte précise tout d’abord que la base de la nomenclature du DSR s’est nourrie des successives listes d’helvétismes fournies aux dictionnaires français par le Centre de dialectologie (cf. ci-dessus). On peut noter que certains mots figurant dans ces anciennes listes n’ont pas été retenus par le DSR, et il aurait été utile de mentionner (et justifier? ) ces amendements, surtout dans les cas où le mot proposé a été accueilli par les dictionnaires français et donc présenté par eux comme un helvétisme (ainsi, par ex., sixtus épingle à cheveux dans le Petit Larousse). Sur la base de ces anciennes listes est intervenu ensuite tout un travail de complétage qui appelle trois remarques principales: a) En plus d’un balayage, d’ordre sémasiologique et onomasiologique, destiné à équilibrer la structure interne de la nomenclature, il y a eu récupération, par consultation du fichier, de 280 Besprechungen - Comptes rendus 6 Cf. RLiR 62 (1998): 276ss. 7 Cf. A. Thibault, «Le Dictionnaire des particularités lexicales contemporaines du français en Suisse romande. Présentation; problématique», communication présentée lors du 3 e Colloque scientifique international de linguistique du Centre de recherches et d’études rhénanes, Université de Haute-Alsace, Mulhouse, 24-25 novembre 1993, non parue. 8 Cf. à ce propos J.-Cl. Boulanger, Les français régionaux: Observations sur les recherches actuelles, Montréal 1980: 25. «mots dignes d’intérêt mais qui pour une raison ou pour une autre avaient été laissés de côté auparavant» (Présentation, p. 20). On peut remarquer dans ce lot une nette tendance à privilégier toute une catégorie de mots qui ont comme caractéristique non pas tant d’être d’un emploi fréquent mais de ressortir à ce qu’on pourrait appeler le «folklore romand» et, par là-même, de receler une phraséologie aussi riche que pittoresque et de donner lieu enfin à un commentaire plaisant. C’est ainsi qu’une place peut-être disproportionnée a été accordée à tous les cépages valaisans et aux spécialités gastronomiques les plus typiques, notamment les mets jurassiens. Cette vocation du DSR est tout à fait respectable en soi, mais on peut craindre qu’elle n’infère un certain déséquilibre (pourquoi pas, alors, tous les mets typiques de tous les autres cantons? ) et, surtout, qu’elle ne se soit traduite, corollairement, par l’exclusion d’un certain nombre de romandismes, peut-être moins pittoresques mais plus fréquents dans l’usage quotidien contemporain, et dont l’absence dans le DSR étonne. Parmi ces nombreux «absents», citons-en une trentaine: appareilleur, bourronner, cassoulets ( haricots blancs ), colonne (d’essence), éternit, foireur, follo, fondue (pour l’histoire du mot et comme régionalisme de fréquence), modzon (sens premier et figuré), papette, patente, pétole, plie (au jeu de cartes), pougner, raisinée, Ranz (des vaches), rapicoler, rebouiller, Relâches, repiper, rocade ( permutation ), ruclon, sac d’école, sagex, securitas, toupine, tracasset, traclet, trancher ( cailler et parler avec un fort accent étranger ), trignolette etc. Il est cependant possible que certains d’entre eux doivent leur non-figuration au fait qu’ils ne sont pas documentés dans le fichier du Centre de dialectologie et que, ipso facto, ils ne pouvaient faire l’objet d’un article dans le DSR. b) Plusieurs champs sémantiques jusqu’ici négligés ont fait l’objet de dépouillements originaux. On ne critiquera pas ici l’attention accordée aux titres féminins (cheffe, députée, etc.) puisque P. Rézeau, dans son compte rendu (cf. ci-dessus N6), a déjà fort justement estimé qu’on aurait pu ne mentionner ces traits que dans l’index morphologique. On saluera par contre la mise en valeur du vocabulaire sportif (où on ajoutera, entre autres, socquer) et on regrettera qu’il n’ait pas été fait de même avec le monde militaire, qui est un vivier méconnu pour les régionalismes 9 mais dont l’équipe rédactionnelle du DSR ne partage semble-t-il pas l’expérience, souvent cuisante, qu’en ont les locuteurs romands principalement masculins (cf. l’absence de mots comme chef de section, gamache, garde-fort, gardefortification [etc.], mouiller, mouilleur, ordre de marche, pattelette, pointer [au sens de désigner pour l’école de caporal ], sac à pain, etc.). De même, la riche créativité des Romands pour dénommer de façon ironique leurs voisins suisses-allemands (cf. l’absence de bourbine, keubi, staubirne, staufifre) ou français (cf. l’absence de Frouzien, -ienne et Frouze) est curieusement passée sous silence. Il resterait enfin à mieux explorer les termes enfantins, notamment ceux liés aux jeux et à la vie scolaire en général. c) L’inclusion dans le DSR de mots qui, tels alpe ou alpage, ne sont pas ou plus des régionalismes est discutable, dans la mesure où elle vient transgresser le premier principe d’un tel dictionnaire, qui est d’être différentiel. Cela risque de perturber le lecteur romand qui a, souvent douloureusement, appris depuis longtemps à faire le départ entre français standard et français romand; ainsi le locuteur valaisan n’utilise alpage que pour parler «bon français», son terme à lui pour la même réalité étant montagne. Certes, comme l’avance le texte de présentation (21), il y avait nécessité d’évoquer le mot-base français d’une famille de mots régionaux, mais cela justifiait-il vraiment d’en faire un article à part entière? Le phénomène pourrait plus économiquement être signalé dans le commentaire final des articles consacrés aux dérivés régionaux. 281 Besprechungen - Comptes rendus 9 Cf. E.Villard-Traber, «Le vocabulaire d’une compagnie suisse romande pendant les mobs de 1939-1945. Avec introduction et commentaire de H. Chevalley», Folklore suisse 79 (1989): 37-54 et 80 (1990): 1-16. Ces quelques réserves étant faites, on ne peut que souligner la solidité générale de la macrostructure du DSR, sa cohérence, son exhaustivité quant aux statalismes et aux termes administratifs de la Suisse romande (environ un cinquième des entrées du dictionnaire . . .), ainsi surtout que son ampleur. En accueillant un millier de romandismes, ce dictionnaire présente un corpus d’une dimension jamais atteinte jusqu’ici dans ce domaine (depuis celui de Pierrehumbert bien sûr), laissant loin derrière lui les nomenclatures bien moins étoffées et bien plus hétéroclites (c’est un euphémisme! ) des précédents ouvrages prétendant rendre compte des romandismes. Microstructure. L’architecture des articles du DSR, inspirée du modèle québécois - la similarité avec ceux du Dictionnaire historique du français québécois 10 est en effet frappante - impose ses qualités de clarté dans la mise en page, de lisibilité et, aussi, d’adaptabilité pour de futures éditions. Le mot-entrée en capitales est suivi, le cas échéant, de la mention des (principales) variantes graphiques et parfois de sa transcription phonétique en API. L’architecture des articles est très clairement chevillée par un système simple de numéros et de symboles. Les définitions sont d’une longueur inaccoutumée que le texte de présentation (28) justifie par le souci de donner l’idée la plus juste et la plus précise des mots traités; la définition purement linguistique est ainsi souvent complétée par un commentaire de nature encyclopédique. Sont cités ensuite les syntagmes où entre préférentiellement le mot et aussi des phrases-exemples ne provenant pas des sources écrites du corpus mais produites par des locuteurs romands, particulièrement précieuses du fait de leur nature orale et de leur authenticité. Cette rubrique se clôt par la mention de renvois analogiques, d’ordre sémasiologique et onomasiologique, selon les standards de la meilleure lexicographie moderne. Suivent les nombreuses et longues citations d’exemples, que la mise en page (retrait à la marge, caractères en un plus petit corps, guillemets) distingue clairement du reste de l’article. Celui-ci se clôt avec le commentaire lexicographique, réparti entre quatre rubriques: 1) Localisation du mot dans les divers cantons romands; 2) Remarques apportant une précieuse information sur l’usage du mot en Suisse romande et sur son (ou ses) équivalent(s) en français standard, sans intention normative bien sûr; cette rubrique permet aussi de citer des mots rares de la même famille que le mot traité et de venir corriger parfois la présentation qui a été faite d’un helvétisme dans les grands dictionnaires français; 3) Commentaire historicocomparatif expliquant l’origine du mot, donnant sa première attestation connue et renseignant le lecteur sur son extension géographique dans le reste de la francophonie (aussi bien en France et en Vallée d’Aoste qu’en Belgique, au Canada et même en Afrique); 4) Bibliographie, enfin, énumérant de façon abrégée tous les ouvrages où figure le mot traité, avec parfois citation très utile de renseignements donnés par eux sur sa vitalité. Ainsi parfaitement structurée, l’information apportée par chacun des articles du DSR est d’une telle richesse qu’elle ne se compare simplement pas avec toutes les descriptions des romandismes faites jusqu’ici (le Pierrehumbert étant, une fois de plus, mis à part bien évidemment). Ces microstructures manifestent la maîtrise lexicographique très appréciable de l’équipe rédactionnelle et, d’abord, de son rédacteur principal A. Thibault. Globalement, le DSR est une véritable somme de données très complètes et de renseignements précis sur les régionalismes de la Suisse romande, qu’il vient mettre à la disposition des spécialistes et livrer à la curiosité du grand public. Les remarques qui suivent, groupées selon l’ordre des rubriques telles qu’elles viennent d’être passées en revue, sont des critiques de détail, destinées principalement à parfaire une nouvelle édition. À travers elles, néanmoins, se dégageront progressivement les deux principales améliorations qu’on pourrait apporter au DSR et qui seront reprises en conclusion. 282 Besprechungen - Comptes rendus 10 Dictionnaire historique du français québécois, préparé sous la direction de Claude Poirier par l’Équipe du Trésor de la langue française au Québec, Sainte-Foy 1998. a) Définitions. Le texte de présentation (28) justifie et revendique de façon inopportune le diptyque «définition linguistique/ commentaire encyclopédique», qui est en fait une pratique lexicographique toute naturelle et très ancienne (que le GPSR, notamment, utilise depuis ses débuts). Il importe cependant qu’elle soit bien maîtrisée, que la définition proprement dite ne contienne que les sèmes (et tous les sèmes) distinctifs du mot, en laissant au commentaire encyclopédique la présentation des éléments circonstanciels, qui doivent par ailleurs être parfaitement documentés. Cela n’est pas toujours le cas dans le DSR. Ses définitions sont parfois un peu «extravagantes», par abus de détails secondaires; ainsi, par exemple, celle de pont de danse (sous pont iii) ou celle de floute: spécialité gastronomique jurassienne composée de pommes de terre écrasées mélangées avec de la farine dont on fait des petites boules rangées les unes à côté des autres dans un plat et que l’on garnit ensuite de crème ou de beurre . . . On relèvera par ailleurs que, comme le montrent à l’envi les exemples cités dans cet article, une floute n’est pas une spécialité . . . mais une boulette . . . et on préférera la définition du GPSR (sous flot 2), pour sa sobriété et sa pertinence: boulette constituée de purée de pommes de terre mélangée à de la farine et cuite à l’eau . À l’opposé, certaines définitions sont incomplètes: ainsi, sous alpage, il manque le sème avec bâtiments (et toute l’organisation que cela implique) qui distingue justement le mot de pâturage; de même, par omission du sème (carreau) de revêtement des sols , planelle apparaît erronément comme un synonyme de catelle, mot qui désigne, lui, tous les types de tuiles de carrelage (sans doute parce que, à l’origine, ce mot référait aux carreaux recouvrant toutes les surfaces d’un poêle). Le commentaire encyclopédique apporté, sous arvine, à petite arvine et grande/ grosse arvine est inexact: loin de ne plus tellement se cultiver comme le prétend le DSR, c’est la petite arvine qui actuellement est produite de façon quasi exclusive tandis que la grosse arvine a presque disparu. Il manque à panosse drapeau (sens 2. Plais.) la référence aux cérémonies de prise et de remise du drapeau qui ouvre et clôture tout cours de répétition; c’est uniquement dans ces occasions (inconnues, à l’évidence, du rédacteur) qu’il y a recours à cette appellation plaisante. Certaines définitions secondaires proposent erronément ce qu’on pourrait appeler un «sémantisme de circonstance»; ainsi sous aiguiller iii, dans «ces charmus [= terrasses de vignes] minuscules aguillés au-dessus du lac», le participe passé se voit attribuer une signification qui surplombe qui procède de la suite de l’énoncé, alors que le sens du mot est toujours celui de la définition initiale perché, juché . De la même façon, l’emploi figuré d’un mot n’entraîne pas ipso facto pour lui une signification particulière méritant définition; ainsi l’emploi fig. de papet (sous i 2) pour désigner une affaire louche ou embrouillée ne fait pas de cela un sens du mot, qui est toujours celui de bouillie ; même erreur sous plot iii: dans l’exemple «l’homme formait un plot de graisse», le mot n’a pas le sens objet lourd et massif que le DSR lui donne. On est enfin surpris que ce dictionnaire reproduise sans commentaire critique certaines définitions erronées produites par de mauvais ouvrages sur les romandismes; ainsi religieuse partie brûlée de la fondue dans le fond du caquelon (sens 2) est un abus de langage (ça existe aussi en français régional), véhiculé principalement par C. Hadacek et A. Nicollier (cf. N3) ainsi que J. Lengert (cf. N5). Dans ce cas-là, le DSR passe à côté de la réalité lexicale romande (cf. ci-dessous Conclusion). On terminera cette rubrique par l’évocation de quelques autres problèmes d’ordre sémantique. Les mots polysémiques, assez peu nombreux dans le DSR, posent de délicats problèmes d’articulation entre leurs divers sens, qui ne sont ici pas toujours bien maîtrisés. Ainsi, sous mailler, le participe passé au sens de fou, dérangé, cinglé est placé sous 2 déraisonner, divaguer , sens localisé dans le canton du Jura uniquement, alors qu’il s’agit d’un emploi figuré et pan-romand du sens 1 tordre , lui aussi pan-romand. Même défaut de classement sous crocher, où le sens 3 attacher, agrafer, fermer un vêtement ne devrait pas être séparé du sens 1 accrocher, suspendre (dont il procède directement, du fait des anciens 283 Besprechungen - Comptes rendus systèmes de fermeture des manteaux) par le sens 2 apprécier, démontrer de l’enthousiasme qui est un sens figuré. Sous crocher toujours, le sens 6 trébucher, s’accrocher ne se voit précisé que dans la Remarque subséquente («emploi fig. en parlant de mots») et souffre en fait de la non-mention des sens romands dont il procède en réalité: clocher, ne pas aller et surtout hésiter, s’embarrasser en parlant (cf. GPSR sous crocher 3° 3 et 3° 6). Il manque de même sous plot le sens fig. femme ou jeune fille grosse et laide qui remplacerait avantageusement l’emploi fig. critiqué ci-dessus, en plaçant bien sûr cette rubrique à sa juste place, soit sous i billot, tronc pour fendre le bois et non, comme c’est le cas actuellement, sous iii grosse brique de ciment . b) Syntagmatique (et phrases-exemples). Il faut relever que le degré de lexicalisation des syntagmes cités est très divers, et parfois même nul, sans que le lecteur non averti ait les moyens de le savoir. Quant aux phrases-exemples, il aurait peut-être été judicieux de distinguer les emplois authentiques donnés par des locuteurs romands de ceux qui ont été forgés ad hoc par l’équipe de rédaction et qui sentent souvent l’artifice. c) Citations. Le texte de présentation avance que, grâce à elles, le public romand se reconnaîtra dans le DSR. On pourrait dire, avec un brin de malice, que ce sont surtout les journalistes et les écrivains romands qui s’y reconnaîtront, la prépondérance (inévitable? ) de ce type de sources tendant à faire du DSR un «Dictionnaire des usages lexicaux romands tels qu’ils se reflètent dans la presse et la (ou: une certaine) littérature». De façon plus critique, ces citations sont généralement trop nombreuses, trop longues (malgré les coupes qui y sont - parfois maladroitement - faites) et souvent peu pertinentes au plan linguistique. Elles n’atteignent ainsi pas toujours leur but, qui est d’illustrer les conditions réelles d’emploi des mots et de parfaire leur compréhension par le lecteur. On peut bien sûr alléguer que ces exemples s’adressent surtout aux lecteurs qui ne connaissent pas les réalités romandes; il est alors d’autant plus intéressant de voir l’excès de citations «gênant plutôt la compréhension des mots» être critiqué dans un compte rendu du DSR paru en Suisse allemande 11 . Quelle est en effet l’utilité, sous gymnasien par exemple, de nombreux et longs exemples qui nous montrent à satiété qu’en Suisse romande les étudiants au Gymnase se livrent à des activités (aller au café, courtiser les filles, chercher un travail d’appoint, prendre le train, etc.) qui ne les différencient en aucune manière des lycéens français? Même inutilité de tous les exemples cités sous yogourt, qui désigne strictement la même réalité que le mot yaourt en France. Ailleurs, le nombre et la longueur des exemples paraissent trop évidemment tributaires de cette nette tendance du DSR (cf. ci-dessus Macrostructure) à se vouloir une illustration d’un certain «folklore romand»; ainsi les cas de cabane, païen, reine, vacherin, etc. Souvent même, la recherche du pittoresque a fait choisir des citations presque incompréhensibles malgré leur longueur et leurs gloses entre parenthèses, et cela pour un profit linguistique quasi nul; ainsi le premier exemple de jaquette, les deux premiers de éclaffer 2 (le second étant d’ailleurs mal placé puisqu’il illustre un emploi fig.), etc. d) Localisation. Vu leur profil (statalismes, termes administratifs, pan-romandismes avérés), un grand nombre de mots du DSR ne nécessitent pas une localisation particulière. Dans les cas plus délicats, comme signalé ci-dessus en préambule, un gros effort a été fait pour ne pas se contenter de la provenance, souvent purement accidentelle, des fiches alimentant la documentation à disposition (contrairement à ce qu’avait fait J. Lengert [cf. N5]) et pour les exploiter de façon plus réfléchie, en recourant notamment aux réviseurs romands de l’équipe rédactionnelle. On peut regretter néanmoins que la dimension de l’usage parlé, réel et contemporain des romandismes n’ait pas pu être mieux prise en compte par la mise en place, comme c’était prévu initialement, d’un véritable réseau de correspondants répartis dans tous les cantons afin de tester la vitalité actuelle des mots retenus. Il 284 Besprechungen - Comptes rendus 11 Cf. Chr. Büchi, «Die Romands, stolz auf ihr patois », Die Weltwoche, 8 janvier 1998: 13. est certain que, grâce à une telle enquête (certes délicate à mener à bien), l’aire d’emploi réel de nombreux mots aurait pu être affinée et, surtout, souvent élargie. Parmi de nombreux cas, citons mailler chaparder, voler qui est localisé Neuchâtel et Fribourg alors qu’il est pan-vaudois et peut-être même pan-romand. À l’opposé, orguette harmonica est localisé Vaud et Valais alors qu’il s’agit d’un mot purement valaisan, et même d’une certaine région du Valais. Le commentaire précise que cette localisation s’appuie sur la présence dans le fichier de 11 attestations de C. F. Ramuz, écrivain vaudois, 7 de C. Bille, 2 de M. Zermatten et 1 de M. Chappaz, tous auteurs valaisans. Il y a là ignorance de ce que Ramuz a fait de nombreux séjours en Valais (surtout à Lens 12 , dans la région de Sierre d’où proviennent justement et exclusivement les attestations patoises du mot) et que nombre de ses romans situent leur action dans ce canton. C’est d’ailleurs le cas du Village dans la montagne et de Jean-Luc persécuté, œuvres qui concentrent la majorité des emplois du mot orguette par Ramuz. e) Remarques. L’information apportée par cette rubrique sur les équivalents des romandismes en français standard est une démarche particulièrement bienvenue, tout à fait dans l’esprit nouveau de la francophonie, qui renseigne utilement les usagers du français sur les diversités de la langue qui leur est commune 13 . Ce paragraphe, par ailleurs, donne des précisions sur l’emploi du mot traité, sur ses rapports avec d’autres termes du même champ sémantique et sur les mots appartenant à la même famille. C’est là que pourront être faits plusieurs ajouts et corrections. abbaye: le dérivé abbayssan, malgré une attestation tirée d’un journal à vocation commerciale, n’a pas de réelle vitalité et peut être supprimé. action: l’adjectif actuel n’a pas le sens de en promotion et, sans rapport morphologique avec le mot traité, devrait figurer à part ou, mieux, disparaître. arolle: l’emploi du mot au féminin en «français local» (selon GPSR 1: 626 [1933! ]) est mis en doute sur la base des «dictionnaires» (= ? ); une enquête de vitalité aurait permis d’en avoir le cœur net et aurait certainement vérifié que ce genre féminin est encore fréquent en Valais. cheni: la fréquence du syntagme petit ch(e)ni (qui figure d’ailleurs dans un exemple) mérite la mention. frouiller: il manque l’évocation de la loc. «c’est frouillon! ». mitaine: la citation d’une communication écrite, avec nom du témoin et date, sur l’emploi de ce mot par rapport à moufle confère à ce renseignement une valeur qu’il n’a pas; n’importe quel locuteur romand donnerait spontanément la même explication. pouet: la glose sur le sens sale de ce mot à St-Gingolph est erronée. Dans l’une de ses trois études sur le parler de ce village 14 , P. Zumthor produit pouè laid, sale et, dans une autre 15 , il cite pouè cochon (l’animal) ; il s’agit là de deux mots homophones, et l’auteur ne confirme en aucun cas, contrairement à ce que le DSR laisse entendre, que pouè sale relève de pouè cochon . rampon: la distribution géographique du mot et de son correspondant doucette exige, à l’instar de plusieurs autres mots (cf. ci-dessus Localisation), une enquête de vitalité; l’absence de l’un ou l’autre mot dans les «glossaires consultés» n’a que peu de pertinence. Sous loin i 1 et lugée, les corrections apportées aux fausses définitions de J. Lengert (cf. N5) pour la loc. loin du bal et pour lugée ivresse devraient honnêtement mentionner l’endroit où elles ont été faites en premier (et d’où elles furent tirées? ), soit le 98 e Rapport annuel du GPSR (1996): 31. 285 Besprechungen - Comptes rendus 12 C’est dans ce village qu’il a entendu le mot pour la première fois, selon B. Hasselrot, «Ramuz et le patois», in: H.-E. Keller (ed.), Etymologica: Walther von Wartburg zum 70. Geburtstag, Tübingen 1958: 347s. 13 La mention des équivalents des romandismes en français de France est la principale qualité du petit ouvrage de G. Arès, Parler suisse, parler français . . ., Vevey 1994. Cf. son compte rendu dans le 98 e Rapport annuel du GPSR (1996): 28s. 14 P. Zumthor, «Le langage parlé à Saint-Gingolph», Annales valaisannes 37/ 1 (1962): 244. 15 P. Zumthor, «Vocabulaire d’un alpage de Saint-Gingolph en 1965», Mélanges de linguistique et de philologie romanes 4/ 1 (1966): 515. f) Commentaire. Cette rubrique explique d’abord l’origine du mot traité et en donne la première attestation connue; on entre ainsi dans la diachronie et il faut relever que le DSR trahit là quelques faiblesses. C’est déjà le cas pour des mots récents: abricotine et williamine, par exemple, n’ont pas fait l’objet d’une enquête auprès de la distillerie (Morand à Martigny) qui a commercialisé ces deux produits et qui pourrait sans doute fournir la date de leur dénomination. De même, la désignation officielle des cépages valaisans pourrait être datée en recourant aux services de l’Office cantonal de la viticulture; ainsi les appellations (petite/ grosse) arvine et amigne ont été retenues lors d’une réunion de la Société ampélographique internationale qui s’est tenue à Genève en 1878. Le commentaire apporté au mot bonnard, soit «d’apparition très récente d’après les glossaires et attesté seulement depuis 1972 au fichier CD (Centre de dialectologie)» trahit à nouveau les limites de la documentation à disposition; le mot était en fait couramment employé par les enfants de Lausanne à la fin des années cinquante (favorisé peut-être par l’existence alors dans cette ville des Grands Magasins Bonnard). Même faiblesse avec des mots d’apparition plus ancienne, vers fin xix e / début xx e siècles, période cruciale de formation de régionalismes à partir des patois en train de mourir. Ainsi le DSR ne donne-t-il aucune indication sur les premières attestations du fameux papet aux porreaux (sous papet i 2). Un bon commentaire historique précisera que ce mets s’appelait auparavant, en patois, tsèrgotsè et que son changement de dénomination s’est opéré à la fin du xix e siècle, avec immédiat passage en français régional: papette aux porreaux (1880, 1882, 1888, 1895; matériaux du GPSR) puis papet aux porreaux (1898, 1899; ib.). Sous raclette par contre, le DSR produit et cite la première attestation connue de ce mot, qui est de 1875. On est cependant surpris de lire qu’elle lui a été «communiquée par Pierre Rézeau, d’après Manfred Höfler». La vérité, qu’il faut bien rétablir ici, est que cette donnée provient bien sûr du fichier du GPSR, d’où elle fut gracieusement extraite en 1989, accompagnée d’un dossier complet sur le mot, en réponse à une demande de renseignement de M. Höfler . . . Ce dossier précisait que cette attestation provient en fait d’un article signé Eugène Rambert, «De Schwytz à Schwytz par Sion, août 1874, notes de voyage» et paru dans la Nouvelle Gazette du Valais en juin 1875: 2. La trouvaille est à mettre au crédit de Danielle Allet-Zwissig, qui avait eu l’amabilité de la communiquer au GPSR, avant la publication de son étude «Fragments pour le portrait d’une absente. La condition féminine en Valais à travers la presse et les publications officielles du canton 1870- 1880» dans Annales valaisannes 65 (1990): 81-181, où ladite attestation figure à la p. 91. L’équipe rédactionnelle du DSR a cependant consulté le fichier du GPSR afin de pouvoir produire les premières attestations de certains mots. Cependant, si la référence à la documentation de cet institut est donnée selon les règles dans certains articles (par ex. cocoler, parchet, planelle, tavillon, etc.), elle semble masquée ou est même tue dans d’autres cas pourtant évidents (par ex. catelle, fourre, mayen, morbier, raccard). Mais on regrette surtout que cette consultation se soit faite dans des conditions manifestement insatisfaisantes et en tout cas sans toutes les garanties scientifiques requises. De là, fatalement, quelques erreurs certes mineures mais fâcheuses; ainsi la première attestation de planelle, datée par le DSR de 1540/ Lausanne, doit être remplacée par 1538/ Lausanne («pour . . . rabillier les planeyles de la dicte esglise»). De façon plus importante, ce n’est pas seulement pour des formes anciennes mais pour les patois de substrat que le fichier du GPSR pourrait être consulté avec profit (cf. ci-dessous Conclusion). L’information du DSR en matière dialectale est en effet, en l’état actuel, généralement trop faible et lacunaire, ce qui vient grever nombre de commentaires apportés. Dans l’ignorance de la réalité dialectale sous-jacente, ceux des articles capite et raclette, par exemple, ont peu de valeur; celui de l’article gaupé évoque erronément un emprunt (! ) aux patois jurassiens alors que ce mot est un emprunt (au bon sens du terme) au français régional de Franche-Comté. La simple citation de Bridel et Odin/ Blonay comme éléments patois romands (ainsi sous marteau) est insuffisante; elle le 286 Besprechungen - Comptes rendus serait même comme éléments patois vaudois, à l’instar de Vatré pour les patois jurassiens (ainsi sous gaupé). L’article tiaffe (avec variantes diaffe, tchaffe) est, lui, à refaire complètement, car il mêle sans discernement quelques éléments seulement d’une complexe réalité patoise insoupçonnée, en manquant de plus son principal point de chute dans le FEW (en l’occurrence: 13/ 2: 355a). Il faut relever, à la décharge de l’équipe du DSR, que ces faiblesses diachroniques et dialectales apparaissent principalement à propos de mots appartenant à la tranche alphabétique non encore rédigée par le GPSR. Il n’en reste pas moins que sa partie publiée (lettres A à E + séquences F-Flo et G-Garde en 1997) aurait pu être mieux exploitée. Ainsi le commentaire, sous déjà, quant à une possible influence de l’allemand schon pour expliquer le tour «il va déjà revenir» souffre de la non-prise en compte du rôle qu’a pu jouer le patois dza, employé de façon similaire (cf. GPSR 5: 1033). L’article joran aurait de même beaucoup gagné si connaissance avait été prise de l’article dzoran (ib.: 1120). Par ailleurs, les richesses de ce dictionnaire en matière de français régional de Suisse romande semblent parfois sous-employées (cf. ci-dessus crocher in Définitions). Enfin, il y a lieu d’être prudent avant d’affirmer que le GPSR est pris en défaut. Sous bagnes, il est ainsi dit que la première attestation du syntagme fromage de Bagnes a été classée à tort par ce dictionnaire sous bany¿ vache de petite taille et qu’il aurait fallu créer une subdivision à part pour cet emploi. Or la critique paraît injustifiée. L’attestation complète est la suivante: «Une ruche [forme] pour des fromages de bagnes » (F Neirivue 1750. Reg. not. 2747, 211. AC); on peut la compléter par un exemple similaire et plus ancien, non cité dans le GPSR: «Une petite roche [id.] pour faire des mottes [fromages] de bagne» (F Grandvillard 1708. Reg. not. 3046, 331. AC). À l’évidence, dans ces deux cas, le syntagme «fromages/ mottes de bagne(s)» désigne des fromages faits avec le lait de ces petites vaches, peut-être des fromages «de maison» et non d’alpage (cf. l’appellation «fromage de femme» pour désigner cette réalité). Le second apport de cette rubrique Commentaire est, lui, tout à fait positif. Il nous renseigne sur l’extension géographique du mot traité dans le reste de la francophonie, fournissant souvent des informations surprenantes sur l’aire réelle de termes jusqu’ici considérés comme spécifiquement romands. Seules quelques tentatives isolées avaient avant le DSR attiré l’attention sur ce phénomène 16 , dont l’effet est si saisissant qu’un journal rendant compte de ce dictionnaire a pu titrer: «Le langage romand n’existe pas». Et si les similarités avec les régions voisines de la Suisse romande étaient connues des spécialistes, celles constatées avec le Canada et apportées par A. Thibault ouvrent des perspectives nouvelles sur l’histoire des régionalismes dans l’espace francophone. Paradoxalement, c’est l’usage réel en France qui paraît ne jamais pouvoir être parfaitement maîtrisé, ce qui vient fragiliser plusieurs commentaires apportés par le DSR: automate au sens de distributeur automatique et (odeur de) brûlon s’entendent, sans marque ni glose, sur une grande chaîne de radio; cassoton se lit en Provence; l’expression «le feu au lac» est utilisée, sans marque ironique référant à la Suisse, comme titre dans un hebdomadaire réputé; garde-frontière est utilisé à la télévision publique (et figure d’ailleurs dans le TLF; cf. GPSR 8: 121). Et l’on doit constater que les données tirées des diverses banques de données textuelles ne sont que rarement déterminantes, ne donnant lieu qu’à des commentaires monstrueusement chiffrés et indigestes, tel celui de l’article yogourt. Bibliographie. Cette rubrique, qui clôture chaque article, énumère de façon abrégée tous les ouvrages où figure le mot traité. Son aspect souvent rébarbatif est bien sûr compensé par sa grande utilité, surtout pour les spécialistes du français régional et ceux qui s’y 287 Besprechungen - Comptes rendus 16 Cf. notamment E. Pidoux, Le langage des Romands, Lausanne, 1 1983: 127ss. [Nos cousinages]. Cf. aussi J.-B. Martin/ Claudine Fréchet, «Les helvétismes sont-ils tous des traits propres au français de la Suisse romande? », in: Études francoprovençales. Actes du 116 e Congrès national des Sociétés savantes (Chambéry 1991), Paris 1993: 127-37. intéressent de près. Toute la lexicographie romande (à l’exception de quelques petits glossaires) y est passée en revue et, surtout, la citation de toutes les sources non suisses vient étayer ce qui a été dit de l’aire du mot dans le Commentaire qui précède. Il y a bien sûr quelques omissions (ainsi GPSR sous ganguiller [1995] et joran), tandis que la mention de l’Officiel du Scrabble fait tache à la fin d’une liste de références scientifiques. Index. Les plus intéressants et les plus utiles sont sans conteste ceux qui énumèrent les Mots et emplois suisses romands attestés ailleurs dans la francophonie (763ss.) et les Mots attestés dans les autres régions linguistiques de la Suisse (777ss.). Ils viennent rappeler de façon ramassée les renseignements donnés dans la rubrique Commentaire et référencés dans la rubrique Bibliographie des articles sur l’aire réelle de nombreux mots traités dans le DSR. Il pourrait être utile d’ajouter à cette partie de l’ouvrage la liste complète des entrées du DSR (nomenclature nue), qui pourrait de plus faire l’objet d’une répartition selon les différents types de régionalismes traités: a) archaïsmes b) dialectalismes c) adstratismes d) innovations 17 . Version CD-ROM.Après la parution du livre en décembre 1997, le DSR est sorti sous forme audio-visuelle en avril 1999. Ce CD-ROM reprend tout d’abord l’intégralité du dictionnaire, avec bien sûr toutes les possibilités d’interrogation et de circulation qu’offre ce type de support informatisé. Mais il contient aussi toute une série d’enrichissements: 28 nouveaux articles, 31 notices biographiques sur les principaux écrivains cités, 172 photos illustrant 98 articles, 234 prononciations enregistrées pour 153 mots et enfin un diaporama en 44 tableaux, avec commentaire parlé, portant sur la genèse du français en Suisse romande ainsi que sur l’histoire de sa description. Les nouveaux articles, dont la sélection obéit à des critères obscurs, ne viennent cependant pas combler les oublis les plus criants du dictionnaire-papier (cf. ci-dessus Macrostructure) et le niveau lexicographique de leurs microstructures est moins soutenu, notamment dans les Commentaires. Par contre, les notices biographiques et surtout les illustrations sont un ajout appréciable à la première version du dictionnaire. De même, le diaporama est un instrument pédagogique bienvenu, qui comble utilement, mais certes de façon embryonnaire et encore perfectible, la regrettable lacune que représente l’absence pour le grand public d’une histoire linguistique de la Suisse romande. On suggérera d’y adjoindre des tableaux apportant quelques informations sur l’histoire et surtout la géographie des divers cantons romands à l’attention, particulièrement, des lecteurs non suisses. Conclusion. Comme l’illustre déjà cette seconde version sur CD-ROM, le DSR n’est pas une entreprise achevée mais en devenir, ce dictionnaire ayant pour vocation d’être constamment étoffé et amélioré. Déjà l’équipe rédactionnelle a travaillé à une version-papier allégée, destinée au grand public; cette édition de poche, sortie en mai 2000, reprend la totalité du corpus, augmenté d’une quarantaine d’entrées, mais sans les citations et avec des commentaires scientifiques abrégés. Devrait ensuite être mise en chantier une nouvelle édition de la première version intégrale, avec une nomenclature encore plus étoffée qui accueillera certainement les romandismes courants dont l’absence a été regrettée ci-dessus (cf. Macrostructure). Cette faculté de constant perfectionnement vient ainsi s’ajouter à la première qualité du DSR, qui est la solidité de sa maquette de base telle qu’elle a été soulignée ci-dessus (cf. Macrostructure et Microstructure). En vue de cette nouvelle édition intégrale, il nous paraît essentiel que soient poursuivis les deux axes d’amélioration qui se sont dessinés au fil des remarques faites ci-dessus. 1) En l’état actuel, le DSR paraît encore trop uniquement tributaire de sa documentation, de nature écrite pour l’essentiel et qui trahit certaines limites comme on l’a vu plu- 288 Besprechungen - Comptes rendus 17 Comme A. Thibault l’a fait pour les régionalismes communs à la Suisse romande et au Canada francophone dans «Québécismes et helvétismes: éclairages réciproques», in: Français du Canada - français de France. Actes du 4 e Colloque international de Chicoutimi (Québec 1994), Tübingen 1996: 333-76. sieurs fois ci-dessus; en conséquence, il ne parvient souvent à rendre compte de la réalité lexicale romande que d’une façon incomplète et insatisfaisante. Nous illustrerons ce problème en revenant de façon approfondie sur un cas évoqué ci-dessus. Le DSR ne produit que deux mots désignant la croûte de fromage grillé qui se forme au fond du caquelon dans lequel on a préparé la fondue: brûlon et religieuse. On a déjà critiqué (cf. Définitions) la base documentaire du second, pour lequel est produit un exemple oral très douteux («Je veux avoir la religieuse! »), étayé par une seule attestation écrite tirée de la presse. L’autre mot est tout aussi suspect, soutenu qu’il est par le même exemple oral («Je veux avoir le brûlon! ») et une seule attestation tirée d’une enquête faite en 1962 auprès d’écoliers lausannois. Or ce mot est si négativement connoté (cf. «mauvais goût de brûlon, mauvaise odeur de brûlon») qu’il convient fort mal et est en réalité fort peu utilisé pour désigner cette croûte que les commensaux ont l’habitude de se disputer (cf. «Je veux avoir . . . » dans les exemples manifestement forgés ad hoc; cf. ci-dessus Syntagmatique). En fait, dans les cantons de Vaud et de Fribourg, on dit préférentiellement grillon et, dans celui de Neuchâtel, croûton. Seule une enquête de vitalité permettrait de: a) relativiser l’emploi de brûlon et religieuse; b) vérifier l’emploi et l’aire réelle de grillon et croûton; c) investiguer l’usage éventuel d’autres mots, notamment dans les autres cantons. C’est donc bien une grande enquête auprès des locuteurs romands qui paraît propre à venir enrichir et améliorer de façon déterminante le DSR. Elle apporterait des unités lexicales nouvelles, elle préciserait l’aire d’emploi de nombreux mots (cf. ci-dessus Localisation) et elle fournirait une masse d’exemples authentiques, attestant l’usage réel, quotidien et contemporain des romandismes. De telles attestations orales remplaceraient de plus avantageusement nombre d’exemples écrits qui actuellement encombrent les pages du DSR en privilégiant, vu leur nature littéraire et journalistique, une Romandie virtuelle et en fait élitaire (cf. ci-dessus Citations). Les fruits de cette enquête viendraient ainsi renforcer la légitimité du DSR en tant qu’expression authentique de la spécificité langagière des Romands 18 . 2) Parallèlement à cet effort au niveau de la synchronie orale de la Suisse romande, c’est bien sûr la diachronie des romandismes qui pourrait être perfectionnée, comme cela a été relevé ci-dessus (cf. Commentaire). Il s’agirait là de mieux cerner les dates de première attestation ou les périodes d’apparition des mots traités, de mieux décrire la réalité dialectale sous-jacente de nombre d’entre eux et de rectifier dans certains cas le commentaire étymologique. Cette seconde amélioration devrait être plus aisée à mener que la première, puisqu’elle pourrait se faire grâce à une meilleure collaboration avec le GPSR, avec une exploitation plus systématique et mieux menée de sa documentation lexicologique. Le GPSR est prêt à contribuer - par l’entremise de l’un de ses rédacteurs, spécialiste du français régional - à parfaire cette nouvelle édition du DSR. Celle-ci serait ainsi, idéalement, la concrétisation d’une véritable et bienvenue synergie entre le GPSR et le Centre de dialectologie, regroupant les compétences de ces deux instituts qui ont la mission conjointe de mettre en valeur les richesses du patrimoine linguistique et surtout lexicologique de la Suisse romande. H. Chevalley H 289 Besprechungen - Comptes rendus 18 C’est là un problème important, évoqué mais non approfondi par A. Thibault dans «Légitimité linguistique des français hors de France. Le français de Suisse romande», Revue québécoise de linguistique 26/ 2 (1998): 39.