eJournals Vox Romanica 60/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2001
601 Kristol De Stefani

Frede Jensen, A Comparative Study of Romance, New York etc. (Lang) 1999, xxvi + 446 p. (Studies in the Humanities 46)

121
2001
R.  de Dardel
vox6010241
Index» (340-49) von accentual licensing constraint (ALC) bis zero complementizer, durch den dem suchenden Leser beitragsübergreifend ein schneller Zugriff gewährleistet wird. Simone Roggenbuck ★ Frede Jensen, A Comparative Study of Romance, New York etc. (Lang) 1999, xxvi + 446 p. (Studies in the Humanities 46) 1. Connu surtout pour ses études sur la morphologie ou la syntaxe de l’espagnol, du galloroman et de l’italien, l’auteur se présente ici dans une étude globale des parlers romans et consacrée (ce que le titre n’annonce pas) à la phonétique historique. L’ouvrage se divise en deux parties. La première, Problems, Methods and Early History (1-57), est une introduction assez substantielle, dont le but est d’initier le lecteur aux méthodes et objectifs de la discipline. On y aborde (3-26) la distribution spatiale et l’histoire externe des parlers romans, ainsi que leur classement (par exemple celui du catalan, 12-17), les notions de «latin», «roman», «Romania» et «latin vulgaire», le processus de romanisation, les substrats et superstrats, et le passage de l’unité à la diversité diatopique du roman. Les plus anciens textes romans sont brièvement cités et décrits (26-30), et les études romanes évoquées (30-45). Cette première partie se termine (45-57) par quelques pages de théorie relative à l’analogie, à l’opposition entre mots populaires et mots savants, aux emprunts, à l’étymologie et à la sémantique. La seconde partie, Phonology (59-314), s’ouvre (61-68) par une brève introduction à la phonologie latine (systèmes vocaliques, syllabe, accent, consonnes) et à la différence entre changements spontanés et conditionnés. Pour le reste (69-314), elle est constituée par le corpus des lois phonétiques, dans un classement traditionnel très détaillé. Chaque règle est illustrée de quelques mots latins et de leurs dérivés en portugais, espagnol, catalan, occitan, français ancien et moderne, italien et roumain; puis elle est commentée, soit dans une perspective panromane, compte tenu d’éventuelles attestations en latin écrit, soit dans celle de parlers romans ou d’exemples spécifiques, avec un recours éventuel aux données dialectales et aux particularités graphiques. Il ne s’agit pas, pour l’auteur, de relier simplement un étymon à ses dérivés, mais plutôt, en s’inspirant de tendances récentes, de situer l’évolution du mot dans le cadre linguistique et extralinguistique qui en rend compte. Visiblement marqué par le structuralisme, l’auteur s’attache aussi à mettre en évidence les relations synchroniques entre lois phonétiques, comme le parallélisme de l’évolution de caet ga- (169). Il ne craint pas d’aborder et de soumettre à un examen critique de nombreux problèmes épineux, par exemple le passage de vicem au fr. fois (154s.). Le livre se termine par une bibliographie sélective d’ouvrages généraux (315-32), que complètent du reste des renvois bibliographiques ponctuels dans le texte, et par un index des mots cités (333-46). 2. Bien que l’auteur ne le dise pas expressément ou le suggère tout au plus en parlant d’«initiation» (xv), l’ouvrage ne s’adresse pas en premier lieu aux spécialistes, mais à l’étudiant. Cette impression est renforcée par le fait que, contrairement à la pratique dans des ouvrages similaires, deux parlers romans, le sarde et le réto-roman, sans être entièrement ignorés dans les commentaires, ne sont pourtant pas pris systématiquement en considération, ce qui laisse parfois le lecteur sur sa faim. 3.1. Dans les limites que je viens de tracer, l’ouvrage acquiert néanmoins sa valeur propre, qui n’est pas mince: l’auteur y met en œuvre une documentation abondante et variée, développe en termes clairs l’essentiel des problèmes théoriques et d’interprétation et 241 Besprechungen - Comptes rendus argumente ses prises de position, ce qui confère à l’ensemble un authentique attrait pédagogique. La première partie est une bonne introduction à la linguistique romane diachronique. La seconde frappe par le souci de systématicité et d’équilibre; elle soutient la comparaison avec la Linguistica romanza de H. Lausberg (2 vol., Milano 1971: vol. 1) et la Comparative Romance Grammar de R.A. Hall jr. (3 vol., New York etc. 1974ss.: vol. 2). 3.2.1. Le mot «comparative» du titre de l’ouvrage a trait à la méthode comparative dite historique, fort bien esquissée du reste dans la première partie (43-45). Mais, dans la seconde partie, son application, trop imprégnée de certaines traditions de jadis, laisse dans l’ombre des perspectives nettement plus audacieuses, que l’avance des recherches depuis la Seconde Guerre rendrait accessibles. Cette critique concerne deux points: la notion de «protoroman», totalement absente (3.2.1.1), et la possibilité d’éclairer par cette notion l’évolution en termes diatopiques et diachroniques (3.2.1.2). En outre et indépendamment de cela, je trouve la méthode comparative par endroits insuffisamment ou imparfaitement exploitée (3.2.1.3). 3.2.1.1. Pour F. Jensen, l’évolution qui nous intéresse se laisse décrire dans le cadre des trois notions de «latin classique», «latin vulgaire» et «langues romanes»: en substance, selon l’auteur (15s.), le latin vulgaire, qui diffère du latin classique dans la dimension parlé/ écrit ou dans la dimension diastratique ou dans les deux, précède le latin classique et le suit et s’oppose à lui comme l’usage vivant et évoluant à un usage de plus en plus figé; il dure jusque vers l’an 600; quant aux parlers romans, ils sont du latin vulgaire. - Dans ces vues, il y a des aspects auxquels on peut souscrire: le latin vulgaire comme le parler vivant et évoluant et le latin écrit comme de plus en plus figé. Mais il y a aussi des aspects problématiques. En premier lieu, deux affirmations contradictoires, selon lesquelles d’une part le latin vulgaire s’arrête vers 600 et, d’autre part, les parlers romans sont du latin vulgaire; sans doute, l’auteur veut-il dire que les parlers romans dérivent du latin vulgaire et non du latin classique. En second lieu, il manque la distinction capitale entre le latin écrit non classique et le latin parlé dont sont issus les parlers romans et dont le protoroman est la reconstruction abstraite, deux faces du latin que malheureusement on a l’habitude de réunir et de confondre sous l’étiquette de latin vulgaire; or, la genèse des langues romanes réside dans le protoroman, transmis oralement, point dans le latin écrit, classique ou non classique, qui n’en est qu’un reflet indirect et occasionnel. Les vues de Jensen citées ci-dessus devraient donc être corrigées de la manière suivante: dans l’optique de la genèse des parlers romans, c’est le protoroman qui précède et suit le latin écrit classique; en outre, en tant que langue parlée, le protoroman coexiste avec le latin classique et forme de ce fait dans le temps une continuité s’étendant de l’antiquité préclassique à la formation des parlers romans, qui en sont le prolongement normal (sauf, bien sûr, pour les emprunts savants au latin classique); quant à la date de 600 a.D., elle marque par convention une étape dans l’évolution du latin écrit, mais, jusqu’à plus ample informé, elle est dénuée de sens en ce qui concerne l’évolution, fort graduelle d’ailleurs, du protoroman aux parlers romans. Quelques pages plus loin (43), à propos de la méthode comparative historique, Jensen établit une distinction entre la protolangue des parlers romans et celles d’autres familles de langues; selon lui, celles-ci, faute d’une langue mère attestée, sont purement hypothétiques, alors que la langue mère des parlers romans, grâce à la présence du latin écrit, représenterait une «scientific reality», c’est-à-dire, si je le comprends bien, une donnée concrète et assurée. C’est là une illusion, puisque la seule langue mère assurée des parlers romans est le protoroman, qui est par définition hypothétique, et que les textes latins non classiques n’ont en eux-mêmes qu’une valeur probante limitée. Ce point de vue de l’auteur explique que, dans ses analyses et démonstrations, il traite sur le même pied certains résultats de la comparaison historique des parlers romans et ce qu’il considère comme leurs attestations en latin écrit non classique, et que, dans la première partie de l’ouvrage, le comparatisme soit même considéré comme une sorte de bouche-trou pour «the reconstruction of many 242 Besprechungen - Comptes rendus words that are not documented elsewhere» (19). En ceci, Jensen se rattache à une école de la première moitié du xx e siècle, pour laquelle le texte latin, bien qu’un fait de parole, contingent, issu secondairement du latin parlé et soumis aux aléas de la transmission, prime la comparaison historique, qui débouche pourtant sur la langue. 3.2.1.2. C’est peut-être l’adhésion à cette tradition et l’absence d’une théorie protoromane qui expliquent une faiblesse générale des vues de l’auteur sur la fragmentation spatiotemporelle du protoroman, en d’autres termes sur les processus d’évolution et de diversification du latin parlé pertinent aux parlers romans. Grâce notamment à notre connaissance du roumain et aux progrès des études sardes, on sait aujourd’hui de manière certaine que, comme tout parler vivant, le protoroman évolue dans l’antiquité déjà, que le sarde et le roumain, par l’isolement socio-économique précoce de la Sardaigne et de la Dacie, représentent des états du protoroman le plus ancien, et que, la Sardaigne s’étant isolée avant la conquête de la Dacie, la Romania totale n’a à aucun moment formé un bloc linguistique uniforme. Or, pour avoir choisi de ne pas traiter systématiquement le sarde (xvii-xviii), l’auteur se prive du témoin principal de la fragmentation spatio-temporelle. Il se peut que cette lacune intentionnelle soit liée à la difficulté de situer le sarde dans le classement comparatif des parlers romans (12), ce qui serait pourtant un piètre argument. Toujours est-il que, en partie pour cette raison, on se heurte çà et là à des vues discutables. - L’auteur soutient (20s.) que le latin dans la Romania n’a connu au début que des différences diatopiques mineures, sans commune mesure avec un début de fragmentation, et il s’attache à minimiser la thèse de Gröber selon laquelle l’époque de la romanisation joue un rôle déterminant dans la fragmentation de la Romania. Si, ce qu’il ne précise pas, l’auteur a ici en vue le latin écrit, il a dans l’ensemble raison; si, ce qui est plus probable, il a en vue le latin parlé, son jugement doit être corrigé; attendu que d’une part toute langue vivante (donc le latin parlé aussi) évolue et que d’autre part plusieurs siècles se sont écoulés entre par exemple la romanisation de la Sardaigne et celle de la Dacie, on doit s’attendre à ce que cet écart chronologique se répercute sur les parlers romans respectifs; et, en effet, la différence entre le sarde et le roumain est importante (embrassant notamment le système vocalique, le système casuel et le lexique). Cette réflexion contredit en même temps, pour des raisons de chronologie extralinguistique, une affirmation de l’auteur (25), selon laquelle l’uniformité relative du roman s’efface avec l’effondrement de l’Empire. - Si Jensen avait tenu compte des repères chronologiques que fournissent le sarde et le roumain, il aurait pu (162s.), à propos de la palatalisation de k e,i -, souligner que ce n’est probablement pas par hasard que les étapes keet táesont attestées respectivement en sarde et en roumain; et c’eût été l’occasion de mettre mieux en évidence la profondeur diachronique et l’articulation chronologique, absolue ou relative, du protoroman. - Les premiers témoins écrits du roumain sont très tardifs (xvi e s.), «leaving», dit l’auteur, «a puzzling hiatus of some thirteen centuries during which time nothing is known about how or where a Romance linguistic tradition was kept alive in what is now Rumania» (3). Ce vide concerne l’histoire de la langue, mais on peut être plus nuancé au sujet de la grammaire historique, car, justement à l’aide du comparatisme et par la confrontation des systèmes actuels du sarde et du roumain, on peut retracer dans les grandes lignes l’évolution interne qui mène du protoroman au roumain et postuler, par exemple, que le daco-roman a connu un système acasuel des noms, qu’il partage avec le sarde, puis un système tricasuel, qu’il partage avec le gallo-roman (cf. R. de Dardel, «L’origine du génitif-datif», VRom. 59 [1999]: 26-56). 3.2.1.3. L’auteur ne se contente pas de répéter ce qu’ont dit ses prédécesseurs, et il faut lui rendre cette justice que son ouvrage n’est pas une simple compilation. Non seulement il discute les théories en présence, mais aussi il prend position et propose des solutions, dont certaines, en l’absence de références bibliographiques spécifiques, me paraissent être de son 243 Besprechungen - Comptes rendus cru. - Un des problèmes qu’il aborde ainsi me laisse pourtant songeur. Il s’agit du sort de la diphtongue lat. auinitiale en position prétonique, du type auricula, et de sa monophtongaison en o- (44s., 118s.). Pour ce lexème, les parlers romans témoignent d’une situation complexe, puisqu’on y trouve des dérivés aussi bien de la diphtongue que de la monophtongue, sans parler des cas qui, de ce point de vue, sont inclassables (H. Lausberg, op.cit., vol. 1: 255s.); d’autre part, les textes latins fournissent dès Plaute des exemples avec la monophtongue. L’explication retenue par Jensen pour l’évolution phonétique romane est la suivante: il faut supposer, à l’origine des parlers romans, une monophtongue, attestée par les textes latins (oricla chez Probus); les formes romanes en aus’expliquent alors soit par une influence savante (occ. aurelha, 119), soit par l’analogie de formes où aulat. est tonique (comme en roum. auzí, de audire, sur aude < audit). - Ces deux processus sont admissibles en principe, mais ils sont par nature contingents et ponctuels et surtout peuvent être tardifs. Or, les reflets romans d’une opposition au-/ osont distribués de façon diffuse (H. Lausberg, op.cit., vol. 1: 255, tableau), de sorte que, dans la perspective de la grammaire historique, la solution de ce problème a de fortes chances de se situer dans l’antiquité déjà. Et c’est bien de ce côté que semblent chercher les auteurs récents, en supposant par exemple que les deux variantes phoniques se sont opposées selon la dimension diastratique, avant de se figer en variantes diatopiques. 3.2.2. Pour d’autres problèmes relatifs au fond, mais indépendamment de la méthode comparative, on pourrait faire quelques réserves. - À la suite de beaucoup de latinistes, l’auteur dit (16) que les inscriptions ne révèlent pas de régionalismes; ceci vaut surtout pour l’antiquité, et encore. Des études relativement récentes (comme celle de J. Herman, «Essai sur la latinité du littoral adriatique à l’époque de l’empire», in: E. Coseriu (ed.), Sprache und Geschichte. Festschrift für Harri Meier zum 65. Geburtstag, München 1971: 199-226) tendent à prouver le contraire, justement à propos de la phonologie. - Dans de nombreuses études, le romaniste W. Man´ czak a développé et illustré la théorie selon laquelle l’évolution phonétique a tendance à dévier de la loi en fonction de la fréquence des mots; bien qu’elle soit passablement controversée, ou peut-être à cause de cela, cette théorie aurait mérité une place et un examen critique dans la première partie. 3.2.3. À certains égards, l’ouvrage est difficile à manier. - Le texte entier est divisé en paragraphes à numérotation continue. Cette manière de faire a l’inconvénient de masquer parfois la hiérarchie des sujets traités. Une numérotation décimale du type 1, 1.1, 1.2, 1.3, . . . résoudrait ce problème. - L’ordre des parlers romans dans les tableaux d’exemples, dans les sections de la bibliographie et dans l’index de mots, échappe à la logique du lecteur, vu que cet ordre n’est ni alphabétique, ni géographique, ni chronologique, ni même conforme à la classification de Lausberg (11). - Un index des étymons latins non classiques cités dans le texte (par exemple *core cœur , p. 78, et *operire ouvrir , p. 226) aurait été le bienvenu. 3.2.4. Deux erreurs, pour finir. - Dans le chapitre sur les consonnes initiales, à propos de l’assibilation de t en ts en roumain, Jensen cite (157) correctement l’aboutissement de terra et de testa; mais il y cite aussi ceux de subtile et de *denti, qui relèvent des groupes consonantiques intérieurs. - La Bibliographie linguistique de la Suisse romande de Gauchat et Jeanjaquet est placée dans la section bibliographique du réto-roman (328). 4. Je me suis appesanti sur quelques aspects négatifs, de méthode surtout, parce qu’ils forment le «moyeu» autour duquel gravite toute l’organisation de l’analyse. L’ouvrage de Jensen n’en est pas moins un consultatif sérieux et très utile. R. de Dardel ★ 244 Besprechungen - Comptes rendus