eJournals Vox Romanica 60/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2001
601 Kristol De Stefani

Stephen Dörr, Der älteste Astronomietraktat in französischer Sprache: L’Introductoire d’astronomie. Edition und lexikalische Analyse,Tübingen (Niemeyer) 1998, 208 p. (Beih. ZRPh. 289)

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2001
Y.  Greub
vox6010313
fautes de transcription. Pour la plupart, elles ne prêtent pas à conséquence; on est frappé, par contre, par le traitement incongru des préverbes, préfixes et prépositions en tous genres, traitement qui donne naissance à un assez grand nombre de passages franchement bizarres. C’est dommage pour un volume d’aussi bonne tenue. Voici mes observations fondues en une liste unique: 2/ 20, 2/ 25 et passim: enfés lire enfes, cas sujet tout à fait régulier - 2/ 21 dementiers: le ms. porte dementieres - 2/ 25 astenoit: on peut conserver atenoit que donne le ms. - 2/ 44 demonstroit: le ms. porte demostroit - 3/ 3 abondonoit: le ms. porte abandonoit - 3/ 33 la jornee: lire l’ajornee - 3/ 71 puisanz: le ms. porte puissanz - 6/ 6 seinz: le ms. porte seins - 6/ 16 eligieuse: je n’ai pas trouvé d’attestation pour ce mot qui m’a tout l’air d’une faute de plume du scribe. Je corrigerais, avec la quasi totalité de la varia lectio en religieuse. Supprimer l’entrée au glossaire - 6/ 37 en oindre: lire enoindre - 6/ 48 si: le ms. porte se - 7/ 18 et 48 par fere: lire parfere - 8/ 63 taires: lire t’aïres - 9/ 25 de ceuz: lire deceuz, participe passé - 9/ 46 ensigniez: terme incongru, à expliquer, peut-être à l’aide du latin - 9/ 41 vos: le ms. porte voz - 10/ 56 supprimer la virgule après traïsson - 11/ 6 crote: corriger à l’aide de la varia lectio en Crobe ou imprimer, au moins, avec la majuscule: Crote. Il s’agit d’un nom propre, comme l’indique l’éditeur lui-même dans la note. Supprimer l’entrée au glossaire - 22/ 67 creü: lire, avec le ms., treü - 23/ 26 et 58 crui: le glossaire n’est d’aucune aide. Le sens est jemanden kreditieren , confier - 23/ 43 Eins: le ms. porte einz - 24/ 6 et 15 table: on se demande si le sens n’est pas, comme en 28/ 13 autel , retable , plutôt que simplement planche . Que donne le latin? - 24/ 107 por qoi qe: on attendrait por poi qe - 26/ 42 a par fere: lire a parfere - 26/ 44 a emplir: lire aemplir - 26/ 119 s’en hardirent: lire s’enhardirent - 29/ 52 supprimer la virgule après notonier - 29/ 68 par faite: lire parfaite - 30/ 9 li: préferer l’i? - 30/ 11 expliquer - 34/ 26 atenchier: lire a tenchier et supprimer l’entrée au glossaire - 34/ 49 par firent: lire parfirent - 37/ 40 par fete: lire parfete - 38/ 96 monsigneur: séparer mon signeur ou alors coller toutes les autres occurrences du terme en monsigneur, ce qui serait d’ailleurs préférable vu qu’il s’agit toujours du même titre - 39/ 8 faire glisser la virgule d’après Nicholas après chant. Dans l’index des noms propres, finalement, il convient de rétablir l’ordre alphabétique pour les noms commençant par J et L. R. Trachsler ★ Stephen Dörr, Der älteste Astronomietraktat in französischer Sprache: L’Introductoire d’astronomie. Edition und lexikalische Analyse, Tübingen (Niemeyer) 1998, 208 p. (Beih. ZRPh. 289) C’est un texte important pour l’histoire du vocabulaire français qu’a édité M. S. Dörr.Après une introduction concise (1-29), et l’édition (30-82), il en présente d’une façon claire (83- 200) les principaux apports lexicologiques. De cet ouvrage, écrit par un rédacteur du DEAF sous la direction de M. F. Möhren, on attendait toutes les qualités qu’on a l’habitude de trouver dans ce dictionnaire, et en effet on reconnaît bien ce style particulier, fait d’extrême précision, de grande régularité et d’un peu de hauteur dans le traitement de la littérature antérieure. On a là un travail dont les exigences scientifiques se placent au plus haut niveau et qui les remplit le plus souvent. On nous permettra d’imiter au moins ses exigences, et de joindre à notre description une critique détaillée 1 . 313 Besprechungen - Comptes rendus 1 On ne répétera pas ici ce qui a été dit par G. Roques dans son compte rendu du même ouvrage, RLiR 62: 555-57. Introduction 2 . S. Dörr ne donne ici que l’édition du premier livre de L’Introductoire d’astronomie 3 (un tiers du texte environ, 1); on espère, vu l’intérêt du texte, que la deuxième partie ne restera pas oubliée. Son étude lexicale ne se limite pas au vocabulaire spécifique de l’astronomie, mais prend en compte tout le stock lexical du texte (5). Le texte est daté avec certitude de ca. 1270, grâce à une allusion historique sans ambiguïté (8s.). L’éditeur identifie les sources; on regrette cependant qu’il n’établisse aucune comparaison de détail, dans des passages délicats, entre celles-ci et la traduction 4 . Par ex., l’attestation de collure, en ix, 1, semble être la première en français, et il ne serait pas indifférent de noter que l’emprunt est fait précisément à Martianus Capella, que l’éditeur identifie comme la source du passage (chapitres v à xix) 5 , même si le lecteur pouvait s’en douter. Ceci pourrait s’appliquer également aux analyses lexicologiques: sous sesquialtere et sesquitierce il est renvoyé aux dictionnaires de latin médiéval; il aurait été plus à propos d’indiquer que ces mots apparaissent chez Martianus 6 . Cela dit, et malgré certaines rencontres remarquables (qu’on ne peut pas attribuer au hasard), on nous permettra de croire que l’auteur de L’Introductoire n’a pas eu pour modèle le seul Martianus Capella (pour les chapitres v-xix): il a bien dû prendre quelque part les nombreuses indications étymologiques du type Hercules qui est diz Engonasis quar ill est agenolliez (xiv, 12), ou Ofiulcus qui vaut autant comme garde de serpenz (xiv, 23) qui, sauf erreur de notre part, n’ont aucun équivalent chez l’auteur latin; la forme même du nom d’Ofiulcus ne peut pas être tirée de son œuvre, puisqu’il ne connaît, semble-t-il, que Ophiuchus (gr. ι ς ). On doit supposer au moins un glossateur savant 7 . La description des manuscrits (19-22) indique pour le manuscrit de base (B.N.f.fr. 1353) que «Der Kodex ist auf das 3. Drittel des 13. Jahrhunderts zu datieren», sans argumentation (a-t-elle été faite à nouveaux frais, ou l’auteur reprend-il une datation proposée antérieurement? ) 8 . Même remarque pour le deuxième manuscrit (B.N.f.fr. 613), daté du 14 e s. La description linguistique du manuscrit de base consiste en un renvoi à E. Metzke, «Der Dialekt von Ile-de-France im xiii. und xiv. Jahrhundert», ASNS 64 (1880): 385-412; 65 (1881): 57-96. Cette description particulière, quoique d’un mérite évident, ne suffit pas, de l’aveu même de l’auteur qui ajoute à ce renvoi la mention de quelques exceptions, conclues par un généreux «etc.». En effet, il aurait pu ajouter encore dum (32), voair et voaient (34), travallent (80), qui ne rentrent pas, sauf erreur, dans les cadres pourtant très larges 9 314 Besprechungen - Comptes rendus 2 Quelques détails: p. 6 ZrP 92] 96; p. 13 Iathromathematik] Iatromathematik; p. 24 FEW 6 1 ,583b] 584a. 3 = l’I. 4 Il aurait été utile, par exemple, de donner, quand l’auteur de l’I. cite explicitement sa source (par exemple Por ce dist Ptholomeüs .. ., ii, 17, mais le cas se présente très souvent), la référence précise (si elle existe). 5 Martianus Capella, edidit Adolfus Dick, addenda et corrigenda iterum adiecit Jean Préaux, Stutgardiae, 1978: 433. Nous donnons dès à présent les références à la numérotation interne, par phrase. Ici: 823. 6 En fait, le mot n’apparaît pas chez Martianus Capella dans le passage correspondant (827) mais en 11. 7 Il y a quelque part entre ses modèles lointains et l’auteur de l’I. au moins une personne qui ne savait pas le grec, et qui a pu mal interpréter ces gloses. On s’en convaincra par la lecture de xi, 2 Autretant vaut galaxies cum blans comme lait, quar gala est lait en grejois et xios cercles, qui dérive d’une bonne intention: on peut deviner que la glose initiale parlait du γαλα ας κ κλ ς et de l’emploi substantivé de l’adjectif. 8 On relèvera, dans la liste des textes que contient le codex, l’intéressante attestation du mot lime: « . . . translaté de Jehan d’Espale en lime de arabic en latin». 9 Nombre de traits relevés par Metzke ne sont pas attestés dans l’I. Il est juste, si on admet l’existence du francien, de lui attribuer l’I., et le renvoi à Metzke est certainement utile; cependant, il nous dessinés par Metzke; le deuxième manuscrit est en scripta picarde. Il n’y a pas d’examen des rapports génétiques entre les deux manuscrits, mais ceci est sans conséquence: le choix du manuscrit de base s’impose, et il paraît clair que les deux manuscrits ne descendent pas l’un de l’autre. L’introduction se termine (22-26) sur quelques pages d’exemples, où l’auteur propose une typologie du traitement réservé jusqu’ici au vocabulaire tiré de l’I. 10 . Deux remarques: 1° «So gibt Gdf 1, 105a zwei Belege für additer, die vom FEW nicht übernommen wurden» (23). Le FEW 3 : 71a reprend bien ces attestations 11 ; 2° il est fait allusion p. 26 à la nécessité d’utiliser les dictionnaires de latin médiéval, mais seuls Latham et Du Cange sont cités (83): les autres dictionnaires de latin médiéval ont-ils été consultés sans succès? On est frappé, à la lecture de l’édition de S. Dörr, par les cas très nombreux où l’I. donne la première attestation d’un mot qu’on croyait jusque là avoir été emprunté par Nicole Oresme, et plus généralement par la grande part de vocabulaire commun entre les deux auteurs. On peut interpréter cela comme un indice d’une lecture de l’I. par le prolifique théologien, ou plus vraisemblablement comme une illusion d’optique, due au petit nombre de textes scientifiques antérieurs à Nicole Oresme bien dépouillés par la lexicographie historique du français, et à l’importance relative de celui-ci. À la p. 6, le deuxième sous-chapitre contient deux paragraphes seulement. Le second est reproduit exactement dans la note appelée à la fin du premier. Il s’agit vraisemblablement d’une plaisanterie (assez fine d’ailleurs), le titre du sous-chapitre étant précisément . . . Doppelbelege. La Bibliographie contient: 1° les dictionnaires (comprendre: les dictionnaires du français 12 ); 2° les ouvrages qui ne sont pas enregistrés par DEAFBibl 13 (y manquent Gourévitch [cité p. 18], Metzke [cité p. 21], Gundel [cité p. 21]). L’auteur use, bien naturellement, des sigles du DEAF. C’est le propre d’un dictionnaire inachevé que d’imposer à ses lecteurs l’inconfort du maniement de sigles non élucidés, au fur et à mesure de l’avancée de ses dépouillements, et ceux-ci ne doivent pas s’en plaindre; cependant, dans un ouvrage clos, il semble qu’on serait en droit d’espérer la possibilité d’identifier les ouvrages cités 14 . Ce n’est pas le cas ici, où sont utilisés à plusieurs reprises des signes absents de la version éditée de DEAFBibl, comme EvratContyEchH, SidracT, SidracH, SermSeignP, ADHLMA (qu’il faut probablement lire AHDLMA), etc. Bref, quelques lignes supplémentaires dans la bibliographie n’auraient pas été inutiles au confort du lecteur. Les principes d’édition (29) paraissent insuffisants. Les abréviations sont résolues, nous dit-on, sans que cela soit marqué typographiquement, mais on ne peut pas savoir quelles abréviations apparaissaient dans le texte. Les fautes évidentes sont corrigées ainsi: «li roi 315 Besprechungen - Comptes rendus semble qu’on ne pouvait pas, à partir de là, se juger dispensé de donner une description linguistique au moins partielle. 10 On ne voit pas pourquoi il a jugé utile de prendre comme exemple grossierement, qui «findet sich nicht in IntrAstr» (25). 11 Comparer K. Baldinger, «Le FEW de Walther von Wartburg: Introduction», Bulletin des jeunes romanistes 18s.: 25: «Un conseil: avant de prétendre qu’un mot manque au FEW, lire le FEW d’un bout à l’autre! » 12 On ne comprend pas bien pourquoi y est indiqué le Trésor de la langue française, mais pas le DG ou Huguet (pourtant cités dans l’ouvrage). T-L, AW . . . Band 110] l. Band 10. Le Trésor de la langue française est maintenant paru entièrement. 13 Le Lexikon des Mittelalters devrait donc en être exclu. 14 L’auteur lui-même est d’ailleurs sensible au problème (5): «Probleme treten aber dann auf, wenn die Sigel der Wörterbücher nicht eindeutig sind . . . ». [l. rai] 15 » paraît-il, mais en i, 7 déjà la correction prend une autre forme: «[de]sus», et en iii, 54 une troisième: aucune marque dans le texte, mais un commentaire dans le paragraphe où figurent en principe les variantes de l’autre manuscrit. Les lettres et les mots superflus (répétition fautives) sont mis entre parenthèses: étaient-ils exponctués par le copiste? D’ailleurs, la mise entre parenthèses peut, exceptionnellement, indiquer une leçon rejetée (78). Comment les têtes de chapitres sont-elles notées dans le manuscrit? La valeur du signe <~> nous est inconnue. Plus généralement, le statut des italiques est problématique: elles servent 1° à indiquer une interpolation (22) 16 , mais 2° à marquer qu’une correction au texte provient du deuxième manuscrit. Ainsi, elles n’ont pas le même statut par rapport au jugement de l’éditeur. S. Dörr semble avoir eu pour ambition de ne pas ajouter à son édition de notes textuelles 17 , ce qui devait nécessairement lui poser de sérieux problèmes, et il finit par céder à la tentation, à la p. 66. Cependant, comme cela n’était pas prévu, les notes ne sont pas organisées en conséquence, et on trouve p. 75 la note suivante: «les hores del commencement des Gemeaus bis la fin de Cancre wird ersetzt durch etc.» où les italiques marquent à la fois les commentaires de l’éditeur et un mot du texte en langue étrangère (etc.). Ces quelques défauts ne sont pas, en vérité, de grande conséquence: ils n’empêcheront pas le lecteur de bonne volonté de se faire une idée exacte du texte du manuscrit et des leçons proposées par l’éditeur, au moins dans les cas importants. Toutefois, dans un apparat parfois obscur à force de concision et d’économie, ils peuvent finir par être une source d’irritation. Texte 18 . - xix, 19 qui seroit droitement souz [l. sour] le pole, si qu’il eüst sour sa teste . . .] la correction (sour pour souz) nous semble inutile: comme l’indique l’éditeur dans sa définition du mot pol, ceux-ci ne sont pas, comme pour nous, les extrémités de l’axe idéal autour duquel tourne la terre mais, dans cette conception géocentrique, les essieux autour desquels tourne le firmament. Ils appartiennent donc au firmament, non au globe terrestre, et par conséquent quelqu’un qui se trouverait au pôle pourrait très bien être sous le pôle , comme on est sous le 40 e parallèle. Le membre de phrase suivant, d’ailleurs, confirme la leçon; - xx, 4-8 il s’agit du compte, pour chaque mois, de l’augmentation de la durée du jour. Les mois sont énumérés ainsi: El premier mois, El second mois, El tierz, etc. La même main a ajouté, en interligne ou dans la marge, après chacune de ces dénominations purement numérales, le nom du signe astronomique correspondant: el Capricorne, en Aquaire, etc.; ces indications complémentaires manquent au deuxième manuscrit. Quel est leur statut? Sontelles la leçon du texte original ou un commentaire d’un copiste? La question de critique textuelle a ici une conséquence syntaxique: si on édite, comme le fait S. Dörr, El premier mois, el Capricorne, . . . on fait de el Capricorne une apposition, à laquelle on devra attri- 316 Besprechungen - Comptes rendus 15 C’est l’exemple choisi par S. Dörr. Cependant, la correction n’apparaît pas dans le texte édité. 16 Il s’agit de deux passages connus seulement par le manuscrit B.N.f.fr. 613, que l’éditeur considère comme des interpolations (il est hautement vraisemblable qu’il ait raison), et qu’il introduit dans son édition, basée sur le B.N.f.fr. 1353. Puisqu’il s’agit d’interpolations, il n’y avait précisément aucune raison de les introduire dans le texte critique. 17 Ce parti pris laisse parfois perplexe. Dans certains cas, et sans qu’on ait affaire à un nouveau sens ou à une nouvelle datation, la valeur d’emploi de tel mot dans le passage peut être délicate à saisir. L’analyse lexicale ne remplace pas, dans ces cas, un glossaire (et bien sûr encore moins les notes de commentaire). 18 Quelques remarques de détail sur l’apparat: i, 5 lors fortunes fehlt] le texte porte lor fortunes; - i, 7 un fehlt] le texte porte uns; - i, 13 1et]? ; - infra: le chiffre 14 manque; - ii, 23 et il est couchiés] on ne sait pas où s’insère cette proposition; - xviii le chiffre 6 manque; - xxxi, 1 et de vaches fehlt] dans le texte édité également; - xxxi, 1 ahares nous] l. aharesnous; - xxxix, 8 la fonction du soulignement nous est obscure. buer 19 un référent identique à celui du terme auquel elle est jointe, et Capricorne devient un nom de mois. Cette conséquence est trop lourde (l’éditeur refuse d’admettre 20 , sub verbo, qu’Aquaire puisse désigner le mois du verseau ), et on préférera y voir une glose, en position syntaxiquement détachée. Glossaire 21 . C’est bien plus qu’un glossaire une analyse lexicologique détaillée d’une grande partie (plus de 300 mots) du vocabulaire de l’I. L’éditeur donne des références systématiques aux grands dictionnaires, les contrôle et les critique, il ajoute de très nombreuses attestations à cette documentation et place les formes attestées dans l’I. dans une perspective historique. Il donne de véritables définitions, et non de simples équivalences sémantiques, de vagues synonymes ou des correspondants en français moderne: l’adoption systématique de cette pratique, quoique peu répandue dans les glossaires de textes d’ancien français, est très précieuse, et constamment utilisée. L’éditeur n’esquive pas les difficultés, et les présente de manière éclairante et éclairée. Le seul critère de sélection pour l’enregistrement d’un mot dans cette liste serait le suivant: y a-t-il trois attestations plus anciennes du mot dans T-L, AW? Si oui, le mot est exclu du Glossaire et enregistré dans une liste (201- 04), si non, il figure au Glossaire. En fait, les noms d’astres et de constellations y figurent de toute façon (cf. soleil, lune, Sagittaire). La sélection a été large en général, ce dont le lecteur se félicite (les noms de constellations sont enregistrés même quand on pourrait les soupçonner d’être latins; un mot comme Centilogue, titre d’un ouvrage attribué à Ptolémée, y figure aussi), et effectuée avec à propos par un savant très familier de la lexicographie historique du français. Nous indiquons cependant ci-dessous quelques mots qui auraient mérité, à notre sens, d’être relevés par l’éditeur, ainsi que certaines graphies inhabituelles 22 . - lxix, 18 angle esdrecié ? (ici, désigne un angle de 120°; peut-on comprendre angle obtus ? ); - xli, 7 bestes animaux (y compris les hommes) ; - xiv, boés bouvier (le type sans / -i-/ pourrait bien être régional [dans le domaine d’oïl: moitié Sud]); - xxxvii, 6 caldeu, adj. chaldéen (le mot est mal représenté dans la lexicographie: T-L, AW 2: 15 n’a qu’un exemple de l’adjectif); - I, 14 comprendre rejoindre, de façon à se trouver en conjonction avec (d’astres) (Ø T-L, AW); - xviii, 14 entree embouchure (d’un fleuve) (FEW ne connaît le mot qu’en frm. [cf. FEW 4: 777b N8]; T-L, AW connaît un seul exemple afr. [= TristThomB 2643, 2645]); - xlvi, 6 engoessouse (graphie); - lx, 3 l’escume de l’Escorpion] probablement doit-on comprendre escume son venin, en tant qu’il est excrété , cf. FEW 17: 137b, apic. escume toute sorte d’excréments (13 e s., TilanderGlan); on peut interpréter le syntagme de deux manières: soit il est lexicalisé (nom d’un groupe d’étoiles), soit non; dans le premier cas, l’éditeur aurait dû l’enregistrer comme il le fait d’ordinaire, dans le deuxième, il aurait dû définir escume, comme il définit par exemple sagitte; - viii, 1 essuel essieu (aussi esseuz c. r. pl., x, 4; cette forme du suffixe n’apparaît pas dans T-L, AW ou le Trésor de la Langue française et elle pourrait intervenir dans la discussion de l’histoire du mot); - xxix, 1 hareines déserts de sable’ (c’est du moins l’interprétation la plus vraisemblable; on notera la forme en <h->, rare en fr., cf. FEW 25: 172b); - xii, 1 faire midi être midi ; - xxxvi, 4 moetes humide (type sans -s-); - xlii, 43 moetour humidité (type sans -s-); - lxxviii, 16 mortefiant est vraisemblablement ici un adjectif plutôt qu’un participe; comme il est absent de T-L, AW, on aurait pu en faire mention; - xvi, 5ss. naistre apparaître au-dessus de l’horizon (d’un astre ou d’une 317 Besprechungen - Comptes rendus 19 Comment comprendre la préposition en, sinon? 20 Et il emporte facilement notre conviction. 21 Quelques détails: article Balaine, GdfC 9, 279a] l. 8, 279a; article Capricorne, constellation zodiacale par un bouc] l. c. z. figurée p.; article Espervier, gr. Ενγ ασιν ] l. ’ Ενγ νασιν (ou même ’ Εγγ νασιν ); article Mercure, ImMOndeOct] l. ImMondeOct. 22 L’éditeur n’indique nulle part qu’il ait eu l’intention de relever les graphies rares; on ne considérera donc pas ces remarques comme des propositions de corrections, mais comme des ajouts. constellation) (l’éditeur considère que T-L, AW en donne plus de trois attestations, mais nous n’y trouvons [6: 487-93] que naître (du jour) ou se lever (du soleil) ; la valeur spéciale attestée ici n’apparaîtrait en français, selon FEW 7: 18b, qu’avec Fur 1690); - ii, 13 naite nette (graphie Ø T-L, AW); - xvii, 28 nessement apparition d’une constellation au-dessus de l’horizon (T-L, AW: seulement du soleil); - lxvi, 6 ostels, c. r. pl. maison astronomique (Ø FEW; Gdf., Dict.; T-L, AW); - iii, 44 selve matière primordiale (terme de philosophie) (emprunt sémantique; dans ce sens, lat. silva traduit gr. ν λη , aussi représenté dans notre texte sous la forme yle); - i, 17 sentier trajectoire idéale que suivent les astres ; - lxxviii, 21 torçonneries (graphie Ø T-L, AW); - lix, 1 trehez ? (. . . la langue de celui qui sera nez souz cel signe sera empeeschiee et leoié, et par aventure il sera balbes ou trehez. Trehez dénote donc le fait d’être atteint d’un défaut de prononciation congénital); - iii, 4 zone (FEW 14: 666b ne connaît qu’une attestation antérieure); - iii, 15 chaude zone celle des cinq régions de la terre qui est la plus chaude, la zone tropicale . L’entrée est écrite dans la graphie normée du 12 e s., selon les principes de T-L, AW; ce procédé est très légitime et facilite la consultation. On prendra bien garde que l’absence d’astérisque n’indique pas que la forme apparaît telle quelle dans l’I. Le lecteur, d’ailleurs, ne peut pas savoir exactement quelles formes apparaissent dans le texte: l’entrée est indépendante des attestations, et il n’y a pas de liste des graphies sous lesquelles apparaissent les mots; comme il y a toujours au moins un contexte cité (excellente décision), on connaît une graphie; pour savoir si le mot prend parfois d’autres formes, on peut se reporter aux passages référencés (ce qui est un peu long), mais cela ne suffira pas, puisque seules dix occurrences d’un mot sont enregistrées 23 . Il n’aurait pas été inutile d’indiquer systématiquement les formes sous lesquelles apparaissent les mots traités au glossaire 24 . Les noms d’étoiles sont suivis d’une identification; mais parfois ils sont également définis. On ne saisit pas bien comment se fait la répartition: Chien est défini ( chien ) et identifié («nom d’une constellation . . . »), mais Chevraus n’est suivi que de «nom d’un groupe d’étoiles . . . ». Il est vrai que certains noms d’étoiles fonctionnent également comme noms communs (ou comme noms propres mythologiques) dans notre texte (cf. par ex. xiv, 25 Et li Aigles qui ravi Ganimeden: ce n’est pas la constellation de l’Aigle qui a enlevé Ganymède, mais bien l’oiseau dont Jupiter avait pris la forme), mais ce n’est pas cette double fonction de certains noms qui semble fonder la répartition (cf. Chien, qui n’est que le nom d’une constellation, et que l’éditeur définit). L’éditeur ne semble pas s’être donné pour tâche de faire systématiquement l’étymologie des mots étudiés (c’était sage, probablement, car son travail aurait été augmenté dans des proportions considérables), mais il ne s’interdit pas la discussion de certains cas particuliers (cf. additer par ex.). On aurait pu souhaiter cependant voir distingués première attestation d’un mot, d’une part, et emprunt isolé et sans lien avec la suite, d’autre part (cf. proportionelment). Les définitions du Glossaire sont en principe tirées du contexte (83), cf. pourtant quelques cas discutés infra. On regrette de trouver dans les notices une sorte de concours de la plus forte antédatation possible, comme si celle-ci marquait le plus important apport scientifique. Quand un mot apparaît dans le texte avec plusieurs sens, les méthodes adoptées ne permettent pas au lecteur de faire le tri: ainsi, sous angle, deux sens sont distingués au Glossaire, mais les références se terminant par etc., on ne saura pas toujours auquel attribuer telle attestation. Plus gênant, septentrion est enregistré au Glossaire avec le sens ‘chacune des deux constellations situées près du pôle arctique 318 Besprechungen - Comptes rendus 23 L’éditeur n’a pas relevé dix attestations partout ou cela aurait été possible. 24 Relevé partiel: antartique] aussi entartike: xv, 1; arenos] aussi harenous: xxxi, 1; essence] aussi essance: xxxvii, 6; orcele] aussi oucele: lxii, 10; planete] aussi planette: xxii, 15; regart] aussi regardt: lxix, 30; Ydrus] aussi Ydre: xvi, 10. qu’on se représente par un chariot’, mais avec l’autre sens ( nord ) est dans la liste des mots rejetés, où les définitions ne sont pas données et où les renvois au texte sont très elliptiques. Le défaut le plus gênant du Glossaire est sans doute qu’y manquent toujours les variantes du manuscrit B.N.f.fr. 613. Pourtant, nombre d’entre elles ne manquent pas d’intérêt. Nous donnons ici un relevé de ce qui nous a paru remarquable 25 . - xxxi, 1 aharesnous (édité ahares nous) sablonneux (forme Ø FEW 25: 173b); - xiii, 6 austreus, c. s. sg. austral ; - lix, 1 bauberes (pour balbes du texte édité) bègue ; - iii, 9 ciols cieux (graphie Ø T-L, AW); - i, 1 creatures est masculin (Ø T-L, AW); - xxvi, rubrique Creviche cancer, un des signes du zodiaque ; - xxii, 17 crevice id. ; - iv, 10 deluyves déluge (graphie [ou avec <i>] Ø T-L, AW); - xix, 20 equinoxial (graphie Ø T-L, AW); - ii, 20 fausets (pour fantasies du texte édité) mensonge, chose trompeuse (Ø FEW 3: 392b-394a); - xxii, 5 genonous ? le texte énumère les organes soumis à l’influence du Scorpion, parmi lesquels la verge et les genitaires et les genonous. L’apparat critique ne permet pas de savoir si le texte se poursuivait par et le leu de luxure, comme dans B.N.f.fr. 1353, ou si genonous remplace ce dernier syntagme (ce qui donnerait une indication sur son sens). Il semble bien qu’il soit question des instruments de la procréation, sans qu’on puisse préciser plus; d’autre part, le mot, qui apparaît dans un lieu de tradition perturbée (le manuscrit de base a été corrigé à cet endroit par le scribe luimême, semble-t-il), a bien pu être défiguré par plusieurs copies maladroites successives, et il est difficile de se faire une idée précise de la forme qu’il pouvait avoir chez le modèle de nos deux scribes; - xxii, 4 lorgnes ? dans les organes soumis à l’influence de la Balance, on trouve les lorgnes et les jointures. A rattacher à loignes, Gdf., Dict. 5: 19b reins (partie du dos) ? ; - xxxv, 4 [l. 8] luours (pour laor du texte édité) largeur 26 ; - xlvi, 8 meaise, maaise ? (pour meiane du texte édité; à rattacher vraisemblablement à malifatius FEW 6/ 1: 100b); - xii, 2 meridial (pour meridien du texte édité); - iii, 25 pietruis (pour pertuisez du texte édité; FEW 8: 289a connaît une autre attestation de cette graphie [ca 1180], graphie Ø T-L, AW); - lxviiia, 4 rachine cf. probablement FEW 10: 19a époque d’où on commence à compter les mouvements des planètes (Trév 1752-Lar 1875) 27 ; - xx, rubrique yeveleté (pour inequalitez du texte édité) égalité , vraisemblablement (graphie Ø T-L, AW). Quelques remarques plus particulières sur les articles du Glossaire: - additer est défini mettre en plus ou à côté; ajouter . Ces sens ne conviennent pas aux attestations du verbe dans l’I., que nous citons intégralement: xxxiv, 2 [le chapitre énumère les régions qui sont placées sous l’influence du signe des Poissons] li signe a cui li membre sunt adité; xl, titre Coment li .iiij. element sunt adité as .iiij. tropikes; xl, 2 a chascun de ces tropikes est aditez un des .iiij. elemenz; lxviii, 5 Li Solauz et la Lune, por ce qu’il ont autele force et autele dignitez en lor moitiez del cercle qui lor sunt aditees cum ont li .v. planetes . . . L’idée exprimée est toujours la même: à tel objet astronomique est associé de façon privilégiée un objet du monde terrestre (un membre, un des quatre éléments); dans le dernier exemple, que nous ne sommes pas sûr de bien saisir, nous comprenons tout de même qu’il est dit que le soleil et la lune ont chacun une partie du cercle du zodiaque sur laquelle leur influence s’exerce, ou au moins à laquelle ils sont spécialement associés 319 Besprechungen - Comptes rendus 25 Comme l’édition est dépourvue de notes textuelles (cf. supra), nous n’avons pu faire le tri entre les mots que l’éditeur aurait jugé être réellement attestés et ceux qu’il aurait considérés comme de simples erreurs de copie. 26 Naturellement, la forme est très suspecte; il faut probablement lire laors. 27 L’éditeur met beaucoup de constance à indiquer que telle attestation de l’I. antédate parfois de plusieurs siècles l’apparition d’une forme ou d’un sens. On aurait ici l’antédatation la plus spectaculaire. On prendra garde, toutefois, de ne pas attribuer à ce mot la date du texte, mais celle du manuscrit B.N.f.fr. 613 (14 e s.), puisqu’il apparaît dans une interpolation. (lxviii, 5s. li moitiez de la Lune est del commencement de Aquaire jusquez a la fin des Gemeaus. La moitiez del Soloil est del commencement del Cancre jusquez a la fin del Capricorne); s’il est difficile de préciser le type de liens entre des objets de nature différente que désigne aditer, on peut exclure l’idée d’ajout. La définition et la graphie d’en-tête ont été choisies à cause de l’étymologie proposée, qui ne satisfait pas: S. Dörr fait dériver aditer d’additement, attesté chez Henri de Mondeville seulement en afr., puis brièvement au 16 e s.; dans le premier de ces deux cas, l’éditeur indique qu’il s’agit d’un emprunt technique au lat. additamentum: c’est tout ce qu’il y a de probable en effet, mais l’emprunt est fait avec le sens technique d’ apophyse d’un os, saillie d’un cartilage ; dans le second, il s’agit aussi d’un terme de médecine (additament mammillaire partie du cerveau qui est le siège de l’odorat [FEW 24: 135a]); il n’y a donc aucune raison de supposer qu’additement ait jamais vécu en fr. au sens d’ ajout ; de toute façon, comme on l’a vu, ce sème ne conviendrait pas non plus à aditer. Il est difficile de proposer une solution étymologique très satisfaisante pour remplacer celle de l’éditeur; le mot est vraisemblablement un emprunt, et on peut se représenter son sens comme correspondre à ou peut-être être en relation avec , être joint à . On ne peut pas se prononcer sans être retourné d’abord au modèle de l’I. pour ce passage. - affect est défini prise de conscience d’une tendance vers un objet connu ou imaginé . Nous citons le contexte: et por ce establi qu’il fust menez et aidiez par .i. affect, ce est par un talent, qui est affins de l’une et de l’autre celestial chose, ce est de l’arme et del ciel, a autre chose, ce est a la conoissance de son commencement. Il en ressort 1° que la prise de conscience (conoissance) est non l’affect lui-même mais un des éléments reliés par lui, 2° que l’affect étant défini par talent doit lui être substituable. Il s’agit d’un désir, d’une tendance à mettre en relation ce que l’homme peut atteindre du divin (le paradis) et ce qui, du divin, fait partie de lui (son âme) avec le souvenir qu’il a gardé du paradis terrestre. Cette tendance, Dieu l’a placée dans l’homme pour l’aider à prendre soin de son âme et à atteindre le paradis. Nous proposons donc de comprendre état d’esprit qui consiste à vouloir faire se correspondre deux objets distincts . - affin et affinité doivent être discutés ensemble. On regrettera tout d’abord que l’éditeur ne donne que deux références de affin; il aurait pu facilement atteindre dix, sa limite. Sa définition «qui est conforme, qui est semblable» ne peut pas s’appliquer au deuxième passage qu’il cite: lxix, 4 Et einsi .ix. et .iij., chascuns est affins de son compagnon: 9 et 3 ne sont pas semblables, mais fort différents. Le chapitre lxix donne des indications assez claires sur certaines valeurs des deux mots; nous en citons plusieurs passages lxix, 3 (a) Quar de aucunes figures de geometrie ont les parties grant affinité au tout, quar chascun angle del triangle del triangle a tele affinité qu’il est yvels a ses .ij. angles, dum li .iij. font le triangle (b) autresi est en l’affinité del nombre, quar aucune partie del nombre nombre tout l’autre nombre, si cum .iij., qui sunt partie de .ix., nombrent par .iij. foiz .ix., quar .iij. foiz iij. sunt .ix., suit le passage déjà cité plus haut; il faudrait citer ensuite intégralement un long passage (5-9) où l’auteur nous explique que la part du cercle du zodiaque attribuée à chaque signe est calculée de telle façon que (c) fust une affinitez de chascune figure a tout le zodiake, einsi qu’ele poïst nombrer tout le cercle . . . (lxix, 9); un autre mode d’affinité est défini (d) et einsit est devisez li cercles en .iij. figures yvels et affines (lxix, 18). On comprend donc que l’affinité peut être arithmétique (b) ou géométrique (a), qu’on appelle affinité aussi bien l’égalité de deux secteurs circulaires de même dimension et dont l’angle est identique, mais occupant des positions différentes (d), que le fait qu’un cercle puisse être rempli par un nombre entier de ces secteurs circulaires (comme en [c] ou en [e] et chascune des .vj. figures est affine de tout le cercle, quar ele le nombre a .vj. foiz [lxix, 20]). Dans ces exemples, on devrait définir affin (terme d’arithmétique ou de géométrie) qui est en rapport arithmétique ou géométrique tel que y = ax (où x et y sont 320 Besprechungen - Comptes rendus les deux éléments mis en rapport, et a un nombre entier) avec 28 . Naturellement, cette valeur particulière peut bien dépendre du sens général qui est semblable , cependant, elle n’est manifestement pas seulement une actualisation particulière dépendant du contexte et d’une figure, mais bien une valeur lexicalisée; elle aurait donc dû être enregistrée, au même titre que, par exemple, maison, terme d’astronomie. Dans l’exemple cité supra sous affect, affin apparaît dans un sens autre que géométrique, mais là non plus la définition proposée par l’éditeur ne satisfait pas pleinement. Si le lecteur veut bien se reporter à la citation, il constatera que l’affect visant à établir un lien entre deux types d’objets, s’il est affin de chacun des deux, c’est soit qu’il est en contact avec eux, qu’il les touche (ou est susceptible de le faire), soit qu’il participe de leur nature. Nous préférons comprendre de la première façon, ce qui permet aussi de relier étroitement la valeur attestée ici au sens étymologique. Le sens de base du mot (y compris pour les valeurs non traitées ici et enregistrées dans FEW) pourrait être quelque chose comme en rapport avec, dans le cadre d’un corps de règles de correspondance donné . - aguisement: la seule attestation a ici la forme acuisement; sauf erreur, il s’agit de la première attestation du type en / -k-/ dans la famille 29 . - aquilon est défini nord ; il est attesté de façon exactement parallèle à austre, qui est défini vent du sud qui dessèche et p. ext. la région d’où vient ce vent, opposée au septentrion ; les deux mots sont à définir de façon parallèle. On remarquera que austre est bien attesté dans notre texte avec le sens sud en viii, 1 . . . li uns en septemtrion, li autres en austre. . . - arcturus serait le nom d’une étoile (Arcturus). Le texte l’identifie pourtant explicitement, dans une énumération de constellations, à la constellation du bouvier. On peut bien supposer que l’auteur de l’I. s’est trompé, mais en toute rigueur on ne peut pas dire que le nom d’étoile Arcturus soit attesté ici. Un cas semblable a été bien traité par l’éditeur, qui commente Arctos «désignation (erronée) de l’étoile polaire». - aries: dans le même article sont enregistrées deux attestations d’Ariete. Il nous semble que l’auteur de l’I. établit une distinction régulière entre des mots latins, toujours sans article, déclinés selon les règles latines (ou éventuellement grecques) d’une part, et des mots français, avec article, qui ont une terminaison française et qui ne se déclinent qu’à deux cas, d’autre part, même s’ils sont des emprunts directs au latin 30 . Ainsi, Aries apparaît toujours sans article, Ariete toujours avec; il est difficile, avec peu d’exemples, de décider si cette correspondance est due au hasard, mais la prudence aurait demandé que les deux types soient distingués, au moins dans le commentaire. L’éditeur a bien vu le problème dans le cas de Gemini vs. Gemels. Cf. encore Lune, Mercure. - cancre est défini cancre , ce qui ne se comprend pas. A cause de la méthode choisie, on ne peut pas voir en lisant l’article que le mot est attesté sous deux formes: cancre et cancer (jamais dans les références données par l’éditeur, mais au moins en xvi, 5 et en lix, 1, et dans le deuxième manuscrit en lxix, 28, par exemple). BlWtbg. 5 (non cité ici) distingue pourtant les deux emprunts. Il faudrait sans doute parler plutôt de deux mots que de deux formes du même mot, mais dans ce cas également cancer devrait apparaître au Glossaire (FEW 2: 176b [id. BlWtbg. 5 ] en connaît avant 1503 une seule attestation, de 1372, précisément pour désigner le signe du zodiaque). 321 Besprechungen - Comptes rendus 28 Cette proposition est d’ailleurs facilement conciliable avec le sens du mot en analyse, où la fonction affine est celle qu’on peut rendre par l’équation y = ax + b; on en aurait ici un cas particulier. 29 On notera que Nicole Oresme (cité par Gdf., Dict. 8/ compl.: 57c) connaît acuiser. 30 En d’autres termes, il y a distinction visible entre emprunts en usage et xénismes en citation. Il aurait probablement été utile à l’utilisateur de l’analyse lexicologique que l’éditeur se prononce toujours sur le statut des formes dans les cas parallèles, même si plusieurs sont douteux. - chien est identifié nom d’une constellation de l’hémisphère boréal, fr. Petit Chien . En réalité, Chien est dans l’I. le nom générique de deux constellations, et aucune des deux n’est jamais nommée seulement Chien, il est toujours question du premier Chien ou de l’autre Chien, d’une part, de la Cenete de l’autre. - chienete: ce nom est enregistré sans astérisque. Pourtant, il apparaît dans notre texte exclusivement sous la forme chenete 31 et il n’est pas attesté ailleurs en français. - corbel: corbeau , en xv, 5 Après est li Corbeaus qui est li oiseaus Phebi. On préférera la définition du FEW: corvus (diff. espèces) , l’oiseau de Phébus étant la corneille. - deluge: envahissement désastreux de la terre par des éléments (feu, eau) . Ce sens n’aurait pas été enregistré par la lexicographie française. On mentionnera pourtant Li 1, 1039c, qui enregistre déluge de feux, et le définit «par analogie et dans le même sens». - fraccïon est défini quantité qui exprime une ou plusieurs parties égales de l’unité ; on préférera partie de l’unité qui soit un nombre rationnel , comme en fr. moderne, ou peutêtre division d’un nombre entier en parties égales (c’est-à-dire soit l’action, soit son résultat; il est difficile de choisir ici). L’éditeur indique, d’après FEW 3: 744a, une absence d’attestation de quatre siècles entre 1273 et 1671. Elle n’est en réalité pas si considérable, puisque BlWtbg. 5 connaît le sens mathématique depuis 1520. - hyle: le mot apparaît toujours sous la forme yle; la lemmatisation n’est pas cohérente avec celle d’orison, où l’esprit rude de l’étymon n’a pas été rendu par h- 32 . - image de estoiles: on ajoutera ymagenes, s. pl. constellations (xv, 16; sens Ø FEW, et T-L, AW ; type proparoxytonique Ø FEW et T-L, AW après le 12 e s.) 33 . - lune ne devrait pas être défini, mais recevoir une description encyclopédique (cf. 83). L’éditeur a probablement considéré que Luna (sans article; lxvii) n’était pas un mot français, et l’a exclu de son Glossaire. - mercure: aussi Mercurius en xlii, 21. - oblique: qui s’écarte nettement de la verticale, de la perpendiculaire, et qui n’est pas horizontal . Nous ne voyons ce qui, dans un espace à trois dimensions, pourrait être non perpendiculaire à la verticale et malgré tout horizontal; le troisième membre de la phrase est synonyme du deuxième. - orion serait la première attestation du mot. On rappellera que chacun le voit derrière Orient du Tristan de Béroul, v. 322. A. Henry 34 mentionne trois autres attestations du mot en afr. - planete: «On comptait 7 planètes: Le Soleil, La Lune, Mercure, Venus . . . », nous dit l’éditeur. Pourtant, dans le passage suivant (et aussi en lxviii, 2), les planètes sont clairement conçues comme un ensemble fermé de cinq éléments qui exclut le soleil et la lune: Li Solauz et la Lune, por ce qu’il ont autele force et autele dignitez en lor moitiez del cercle qui lor sunt aditees cum ont li .v. planetes en lor termes . . . (lxviii, 5). En xxxviii, 1, par contre, on parle bien des .vii. planetes. Il semble que le mot ait deux valeurs dans l’I. - les plëiades: Comme l’éditeur enregistre à plusieurs reprises les noms de constellations latins intégrés au texte français (Pegasus, Perseüs, Ofiulcus, par ex.), on ajoutera aux exemples mentionnés ortus pliadon (litt. jardin des Pléiades ) dans la paraphrase du Cantique des Cantiques (sigle DEAF: CantQuSolK), texte de 1125-1130 35 . 322 Besprechungen - Comptes rendus 31 Sauf erreur; en effet, l’éditeur ne donne de référence qu’à un passage (xv, 8). Le mot apparaît au moins encore en xvi, 5; xvi, 6; xvi, 8; xvi, 12. 32 Esprit qu’on ajoutera à l’étymon tel qu’il est cité dans le commentaire. 33 Le deuxième manuscrit a ymage id. 34 Mélanges J. Rychner, Strasbourg 1978: 212 et N12. 35 W. Foerster/ E. Koschwitz, Altfranzösisches Übungsbuch, Leipzig 6 1921: 163. - proportionnellement: L’éditeur indique qu’il s’agit de la première attestation et que la graphie du texte (qui porte proportionelment) n’est pas relevée par la lexicographie. L’attestation suivante (-onnellement, et à partir de celle-ci toutes auront la même forme) est de 1342. On préférera comprendre que l’adverbe a été formé deux fois en français, une fois sur l’adjectif épicène lat. proportionalis (c’est la forme de l’I.), puis une autre fois avec une adaptation plus forte au système des adjectifs français, sur un féminin en -elle. Ces emprunts ne sont pas apparentés plus étroitement entre eux qu’ils ne le sont à proportionalment (Est 1549) ou à proporcineaument (Moam, où il traduit lat. proportionaliter), cités par FEW 9: 456a. - raisonable: doué de la faculté de penser qui permet à l’homme de bien juger et d’appliquer ce jugement à l’action ; la définition ne convient pas en i, 8, où l’adjectif qualifie le mouvement des astres. On comprendrait volontiers, contextuellement, organisé , ce qui pourrait se rattacher à un sens vraisemblable accessible à la raison , mais il n’y a pas là de certitude. Liste des mots rejetés. Ils sont répertoriés sous la forme qu’ils ont dans le texte. L’éditeur fait pour chacun d’eux de un à trois 36 renvois aux pages de son édition. Quelques remarques: - melencolie et melancolie sont enregistrés séparément; - à rai on ajoutera roi; - septemtrion 42] l. 41, 45. Index Geographicus. - Ajouter Affrike (xviii, 13); - Algizarab est identifié à la Mésopotamie, cf. pourtant Algizarab qui est Espagne (xxviii, 1); - ajouter Alixandre (xv, 15; xviii, 5; xxxiv, 1); - ajouter Arabe (xix, 10); - ajouter flum de Bootis (xviii, 14) Guadalquivir (l’identification est très vraisemblable: l’I. énumère les régions qui subissent le climat dit Dyarodos: Pelopee [nous comprenons qu’il s’agit du Péloponnèse], Secile et entree del flum Bootis: dans l’ordre d’énumération Est-Ouest, et à la même latitude que le Péloponnèse et la Sicile, on ne peut trouver que l’embouchure du Guadalquivir [lat. Bætis, gr. Bα τις ]) - ajouter Deltoton nom du delta du Nil, qui ne se trouve que dans le Glossaire; - Egypte] ajouter les références xiv, 14; xxxiii, 1; xxxiv, 1; - ajouter Ethiope (xviii, 1; xxix, 1; xxxii, 1); - Inde] ajouter xxxii, 1; - ajouter Kartage (xviii, 13); - Meotides, les paluz, xviii, 9] l. les Paluz Meotides, xviii, 10; - ajouter Les .II. Mers (xxxii, 1); - ajouter Rome (xviii, 15); - ajouter Rodes (xviii, 6). On ne comprend pas bien pourquoi des identifications sont proposées pour Egypte, Babiloine, Hermenie ou Mer Pontike, mais pas pour Paluz Meotides, Ellespont, Cyrénas ou Pelopee. Index Nominum. - Ajouter Augustins (ii, 18); - relever la forme Adriane pour Ariadne; - ajouter Casiopé (xiv, 13; Casiopé est à la fois nom de constellation, et à ce titre enregistré dans le Glossaire, et nom mythologique de personne [Après est Casiopé qui fu une vierge]); - ajouter Damascenes (ii, 18); - ajouter Enniochus (xiv, 20); - ajouter Esculapius (xiv, 23); - ajouter Ganimeden (xiv, 25); - ajouter Gorgoni (xiv, 22); - Perseüs xiv, 19] supprimer la référence: il s’agit ici du nom de la constellation; - Phebus xv, 2] l. xv, 5; - Ptholomeüs xv, 12] l. xv, 14; - Syma iii, 134] l. 14; - ajouter Termegistres (I, 9); - Teseüs xiv, 1] l. xiv, 11; - ajouter Ypocras (ii, 2). Reconnaissons un premier mouvement de déception à la lecture de l’ouvrage de S. Dörr; il est dû au fait que nous en attendions trop. Il serait injuste de faire peser sur une œuvre individuelle d’un certain genre (la thèse) les exigences qu’une œuvre collective d’un autre genre (le fascicule du DEAF, où l’on a l’habitude de lire S. Dörr) a contribué à mettre en place. On ne doit pas oublier non plus que c’est précisément parce que les standards sont très élevés et l’organisation de la matière parfaitement claire que certains défauts sautent 323 Besprechungen - Comptes rendus 36 Avec une régularité que nous n’avons pas saisie. aux yeux, alors qu’ils seraient masqués dans un autre travail. En résumé, cet ouvrage donne d’excellents moyens d’accès à la matière lexicale de l’I., mais il ne l’épuise pas. Y. Greub ★ Catherine M. Müller, Marguerite Porete et Marguerite d’Oingt de l’autre côté du miroir, New York etc. (Lang) 1999, xvi + 213 p. (Currents in Comparative Romance Languages and Literatures 72) L’auteur se place délibérément dans la perspective d’une lecture féministe postmoderne; cette approche, dans un effort incessant d’auto-évaluation, de re-lecture et de transformation, consiste à «ouvrir le texte pour en multiplier les significations. [Son] travail part d’une intention semblable pour s’inscrire dans la perspective de ce que Marc-Alain Ouaknin appelle une lecture aux éclats ou un éloge de la caresse » (xiii). La démarche d’une lecture postmoderne et féministe de l’œuvre de Marguerite Porete et de Marguerite d’Oingt serait donc à même d’illuminer à la fois les textes médiévaux du début du xiv e siècle et les débats actuels sur la subjectivité et le rapport de la femme au divin. Catherine M. Müller tient à préciser que son étude ne cherche nullement à qualifier ces deux mystiques de postmodernistes ou de féministes avant l’heure; elle soutient par contre qu’il est pertinent de s’interroger sur la ressemblance entre leur vision critique des systèmes théologiques, philosophiques et linguistiques du Moyen Âge et les questions féministes soulevées ces dernières années en France, aux Etats-Unis et ailleurs. L’ouvrage examine l’emploi de la métaphore du miroir comme stratégie d’écriture et comme moyen de réflexion du / sur le je parlant. Les deux textes analysés, le Speculum de Marguerite d’Oingt (ed. Antonin Duraffour/ Pierre Gardette/ Paulette Durdilly, Paris 1965), Le Mirouer de Marguerite de Porete (Speculum simplicium animarum, ed. Paul Verdeyen, Turholt 1989 et Le Mirouer des simples ames, ed. Romana Guarnieri, Turholt 1989), furent écrits approximativement à la même date: durant la première décennie du xiv e siècle mais ces deux textes connurent des destinées fort différentes. Alors que l’ouvrage francoprovençal reste pratiquement jusqu’à aujourd’hui ignoré, sauf comme témoignage linguistique de la région du Dauphiné, son auteur, la mystique Marguerite d’Oingt fut vénérée; au contraire, Marguerite Porete fut accusée d’hérésie et brûlée vive, en 1310, mais son œuvre jouit d’une grande popularité auprès des théologiens et des historiens, et fit l’objet de nombreuses traductions et éditions critiques. Le Mirouer, comme le rappelle l’auteur (14), avait été jeté au feu sur la place publique de Valenciennes en 1306 sur l’ordre de l’évêque Guy de Colmieu qui menaça d’excommunication tous ceux et toutes celles qui en possédaient une copie. Malgré cette circonstance défavorable, Le Mirouer se propagea en français, en latin, en italien et en anglais et fut reçu dans plusieurs couvents comme un livre de dévotion de haute spiritualité. Plus de cent œuvres des xii e et xiii e siècles, dont le titre contient le mot speculum ou son équivalent en langue vulgaire, ont été recensées, ainsi le fort connu Speculum majus de Vincent de Beauvais, encyclopédie du savoir de l’époque ou l’exemplaire Speculum ecclesiae d’Honorius Augustodunensis; elles témoignent de l’importance du miroir comme métaphore au Moyen Âge. De ce foisonnement, on peut donner une explication à trois niveaux: esthétique, ontologique et éthique. La fascination pour le miroir remonte à la littérature de l’Antiquité grecque et latine mais c’est essentiellement aux écrivains du xii e siècle que nous devons la synthèse de sa richesse sémantique et de ses possibilités métaphoriques. Comme le souligne l’auteur (26), au Moyen Âge, les théologiens chrétiens accueillent le miroir comme un symbole idéal de la connaissance de soi et de la vision indirecte de Dieu, il faut 324 Besprechungen - Comptes rendus