Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniCatherine M. Müller, Marguerite Porete et Marguerite d’Oingt de l’autre côté du miroir, New York etc. (Lang) 1999, xvi + 213 p. (Currents in Comparative Romance Languages and Literatures 72)
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Marie-Claire Gérard-Zai
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aux yeux, alors qu’ils seraient masqués dans un autre travail. En résumé, cet ouvrage donne d’excellents moyens d’accès à la matière lexicale de l’I., mais il ne l’épuise pas. Y. Greub ★ Catherine M. Müller, Marguerite Porete et Marguerite d’Oingt de l’autre côté du miroir, New York etc. (Lang) 1999, xvi + 213 p. (Currents in Comparative Romance Languages and Literatures 72) L’auteur se place délibérément dans la perspective d’une lecture féministe postmoderne; cette approche, dans un effort incessant d’auto-évaluation, de re-lecture et de transformation, consiste à «ouvrir le texte pour en multiplier les significations. [Son] travail part d’une intention semblable pour s’inscrire dans la perspective de ce que Marc-Alain Ouaknin appelle une lecture aux éclats ou un éloge de la caresse » (xiii). La démarche d’une lecture postmoderne et féministe de l’œuvre de Marguerite Porete et de Marguerite d’Oingt serait donc à même d’illuminer à la fois les textes médiévaux du début du xiv e siècle et les débats actuels sur la subjectivité et le rapport de la femme au divin. Catherine M. Müller tient à préciser que son étude ne cherche nullement à qualifier ces deux mystiques de postmodernistes ou de féministes avant l’heure; elle soutient par contre qu’il est pertinent de s’interroger sur la ressemblance entre leur vision critique des systèmes théologiques, philosophiques et linguistiques du Moyen Âge et les questions féministes soulevées ces dernières années en France, aux Etats-Unis et ailleurs. L’ouvrage examine l’emploi de la métaphore du miroir comme stratégie d’écriture et comme moyen de réflexion du / sur le je parlant. Les deux textes analysés, le Speculum de Marguerite d’Oingt (ed. Antonin Duraffour/ Pierre Gardette/ Paulette Durdilly, Paris 1965), Le Mirouer de Marguerite de Porete (Speculum simplicium animarum, ed. Paul Verdeyen, Turholt 1989 et Le Mirouer des simples ames, ed. Romana Guarnieri, Turholt 1989), furent écrits approximativement à la même date: durant la première décennie du xiv e siècle mais ces deux textes connurent des destinées fort différentes. Alors que l’ouvrage francoprovençal reste pratiquement jusqu’à aujourd’hui ignoré, sauf comme témoignage linguistique de la région du Dauphiné, son auteur, la mystique Marguerite d’Oingt fut vénérée; au contraire, Marguerite Porete fut accusée d’hérésie et brûlée vive, en 1310, mais son œuvre jouit d’une grande popularité auprès des théologiens et des historiens, et fit l’objet de nombreuses traductions et éditions critiques. Le Mirouer, comme le rappelle l’auteur (14), avait été jeté au feu sur la place publique de Valenciennes en 1306 sur l’ordre de l’évêque Guy de Colmieu qui menaça d’excommunication tous ceux et toutes celles qui en possédaient une copie. Malgré cette circonstance défavorable, Le Mirouer se propagea en français, en latin, en italien et en anglais et fut reçu dans plusieurs couvents comme un livre de dévotion de haute spiritualité. Plus de cent œuvres des xii e et xiii e siècles, dont le titre contient le mot speculum ou son équivalent en langue vulgaire, ont été recensées, ainsi le fort connu Speculum majus de Vincent de Beauvais, encyclopédie du savoir de l’époque ou l’exemplaire Speculum ecclesiae d’Honorius Augustodunensis; elles témoignent de l’importance du miroir comme métaphore au Moyen Âge. De ce foisonnement, on peut donner une explication à trois niveaux: esthétique, ontologique et éthique. La fascination pour le miroir remonte à la littérature de l’Antiquité grecque et latine mais c’est essentiellement aux écrivains du xii e siècle que nous devons la synthèse de sa richesse sémantique et de ses possibilités métaphoriques. Comme le souligne l’auteur (26), au Moyen Âge, les théologiens chrétiens accueillent le miroir comme un symbole idéal de la connaissance de soi et de la vision indirecte de Dieu, il faut 324 Besprechungen - Comptes rendus faire abstraction, il est vrai, de notre vision moderne du miroir pour nous plonger dans la réalité de l’époque médiévale. Pour Marguerite d’Oingt, le Christ est tout d’abord un miroir sans tache (Speculum sine macula Dei majestatis); de par sa pureté, Jésus joue le rôle de miroir correcteur permettant à la visionnaire de voir ses propres imperfections et de les amender par son désir de perfection divine. Le miroir comme instrument de connaissance et d’enseignement est essentiel dans les écrits de Marguerite d’Oingt, «non seulement pour les révélations divines que reçoit la persona du texte, mais pour l’enseignement que le je de Marguerite d’Oingt en tant qu’écrivaine transmet à ses lecteurs» (27). Dans le Speculum, l’écriture est miroir de la connaissance de soi et des choses divines tout en étant miroir de son propre dépassement en tant que symbole catoptrique. L’écriture du miroir devient donc miroir de l’écriture, puis écriture comme miroir. Le Mirouer de Marguerite de Porete se compose de 140 chapitres qui renvoient les uns aux autres, créant entre eux de multiples réfractions, comme autant de petits miroirs; en outre, certains textes lyriques, comme celui de la préface, jouent le rôle de mises en abîme partielles du livre. Le miroir est une métaphore ambivalente, multiple et changeante dans l’œuvre de Marguerite de Porete et les nombreux effets de mise en abîme permettent d’établir une nouvelle définition de l’écriture et de la subjectivité. Elle n’emploie aucune stratégie stylistique, aucune métaphore spéculaire sans la renverser: l’exemple devient sa propre négation et la mise en abîme se fait miroir d’une écriture toujours à refaire. Cependant Marguerite de Porete ne détruit pas sans reconstruire. La déconstruction interne de sa structure se place sous le signe du phénix, du renouveau. «C’est la tension soutenue entre déconstruction et renouvellement qui fait de ce texte une œuvre si fascinante pour la postmodernité et rapproche son écriture et sa démarche de celles de certaines femmes d’aujourd’hui» (79). L’appel à la différence, aussi bien par le biais d’un texte ouvert et multiple, que par la métaphore d’une Âme-phénix, instable et toujours changeante, rend, selon l’auteur, Le Mirouer dangereux pour l’opinion patriarcale de son temps. L’hétérodoxie du Mirouer se trouverait moins dans son contenu que dans sa forme (117). Dans un chapitre sur la glose de la fin’Amors, Catherine M. Müller suggère que Marguerite de Porete réinterprète la tradition littéraire de la fin’Amors telle qu’elle est suivie par les trobairitz. Elle relève des exemples de la terminologie porétienne qui illustrent aussi bien son intérêt pour la tradition littéraire que sa libre interprétation de certains motifs courtois. L’originalité de Marguerite de Porete est de se servir du vocabulaire courtois existant et d’attribuer à chaque terme une valeur religieuse, un caractère pour ainsi dire absolu. Même si la présence de la terminologie courtoise n’a pas chez Marguerite d’Oingt la même ampleur, elle prouve néanmoins l’importance de cette culture littéraire dans la mystique du xiii e siècle. Le Mirouer servira d’exemple à Marguerite de Navarre qui a compris la portée du discours porétien, même si elle s’inscrit dans une théologie plus explicitement christologique et elle l’a incorporé dans Les Prisons (ed. Simone Glasson, Genève 1978: 179s., [Livre iii, 1315-30]). Catherine M. Müller a publié récemment à ce propos une intéressante étude «La Lettre et la Figure. Lecture allégorique du Mirouer de Marguerite de Porete dans Les Prisons de Marguerite de Navarre» (Versants 38 [2000]: 153-67). L’auteur précise que dans une perspective féministe, pour ces deux mystiques, «le métatexte de la spéculation est un remaniement profond de la métaphore du miroir comme simple instrument de connaissance de soi et de Dieu en un ‹miroir ardent›, c’est-à-dire un lieu de parole et d’action publiques . . . où la femme prend le risque non seulement de se révéler en tant que sujet et objet, mais de faire de cette révélation une réflexion nouvelle sur son droit à la spécula(risa)tion . . . La réflexion dans/ à travers/ sur le miroir est un moyen pour la femme de soustraire cet instrument à la tyrannie masculine et de l’employer pour une découverte de soi sans cesse renouvelée qui . . . n’intervient que si la femme s’inscrit 325 Besprechungen - Comptes rendus dans le texte comme sujet multiple et propose une réflexion sur cette subjectivité de l’autre côté du miroir» (131s.). En conclusion, l’analogie principale entre le Speculum et Le Mirouer réside en leur emploi similaire de la métaphore du miroir comme lieu de transgression de l’interdit biblique de contempler Dieu face à face; les deux Marguerite s’écartent des religieux de leur temps de façon explicite et invoquent pour maître la seule grâce divine. L’auteur conclut que par leur style polyphonique, les deux mystiques se situent dans ce lieu paradoxal du dedans et du dehors où l’altérité est célébrée en tant que telle. En passant de l’autre côté du miroir, là où la divinité est à la fois même et autre, elles revendiquent le droit à une perspective nouvelle. Une riche bibliographie (173-208), dont certains textes de référence peu utilisés par les médiévistes, et un index (209-13) complètent l’ouvrage. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Sandrine Thonon (ed.), Le Purgatoire d’Amours. Édition critique par S. Th., Louvain-la Neuve (Presses Universitaires) 1998, 174 p. (Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Catholique de Louvain xli. Section de Philologie Romane xv) L’édition de Sandrine Thonon rend accessible un petit texte allégorique de la fin du Moyen Âge, traditionnellement intitulé, d’après le dernier vers du poème, le Purgatoire d’Amours. Outre le texte lui-même (51-86), constitué de 91 huitains et quelques courts passages en prose, le travail comporte une introduction (9-48), des notes explicatives (87-141), un glossaire sélectif (143-54), un index des noms propres (155-57) et une bibliographie (159-74). Le tout est présenté de façon soignée et minutieuse. Grâce à l’effort de Sandrine Thonon, le lecteur dispose en effet presque toujours des informations nécessaires à l’intelligence du texte. À la rigueur, on pourrait noter une légère surcharge qui empêche parfois de faire la part, dès le premier coup d’œil, entre les traits (thématiques, stylistiques et linguistiques) communs à l’époque et ce qui est vraiment caractéristique de notre texte. Mais l’intention est louable et le lecteur a tort d’être toujours pressé. L’introduction, donc, ouvre une nouvelle fois le dossier de la paternité du Purgatoire d’Amours, pour lequel deux attributions ont été proposées. La première, à Olivier de la Marche, est sans fondement aucun et se trouve à juste titre expédiée en quelques lignes par Sandrine Thonon. La seconde, à Pierre Michault, a été avancée par Eugénie Droz et Albert Piaget et s’appuie sur des ressemblances entre des œuvres «authentifiées» de Michault et le Purgatoire. Il s’agit de la reprise d’expressions ou de rimes, d’échos thématiques, d’une certaine familiarité avec la production bourguignonne. La versification, notamment l’usage de la césure, et l’analyse du vocabulaire - qui, pour le Purgatoire, reste toutefois à faire - paraissent à l’éditrice constituer également des arguments en faveur d’une attribution à Michault. Pour ma part, je reste plus réservé. Le Purgatoire appartient sans aucun doute au même type de littérature que la production de Michault, et c’est ce qui explique les ressemblances. En outre, à une époque où la pratique de ce que l’on appelle aujourd’hui l’intertextualité intervient de façon constante et appuyée dans l’écriture, les reprises peuvent très bien être interprétées comme des «citations» au lieu d’être lues comme une «signature». On aimerait des indices plus explicites, comme l’éditrice en mentionne pour la datation: celle-ci est quasi assurée par une allusion, au présent, au pape Pie ii (1458-1464) et deux documents datés du 1 er mai 63 par un personnage du texte, même s’il s’agit de l’an 6663 du règne d’Amour. Il semble donc raisonnable d’accepter, avec Sandrine Thonon, l’année 1463 comme date de composition. 326 Besprechungen - Comptes rendus
