eJournals Vox Romanica 60/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2001
601 Kristol De Stefani

Sandrine Thonon (ed.), Le Purgatoire d’Amours. Édition critique par S. Th., Louvain-la Neuve (Presses Universitaires) 1998, 174 p. (Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Catholique de Louvain xli. Section de Philologie Romane xv)

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2001
R.  Trachsler
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dans le texte comme sujet multiple et propose une réflexion sur cette subjectivité de l’autre côté du miroir» (131s.). En conclusion, l’analogie principale entre le Speculum et Le Mirouer réside en leur emploi similaire de la métaphore du miroir comme lieu de transgression de l’interdit biblique de contempler Dieu face à face; les deux Marguerite s’écartent des religieux de leur temps de façon explicite et invoquent pour maître la seule grâce divine. L’auteur conclut que par leur style polyphonique, les deux mystiques se situent dans ce lieu paradoxal du dedans et du dehors où l’altérité est célébrée en tant que telle. En passant de l’autre côté du miroir, là où la divinité est à la fois même et autre, elles revendiquent le droit à une perspective nouvelle. Une riche bibliographie (173-208), dont certains textes de référence peu utilisés par les médiévistes, et un index (209-13) complètent l’ouvrage. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Sandrine Thonon (ed.), Le Purgatoire d’Amours. Édition critique par S. Th., Louvain-la Neuve (Presses Universitaires) 1998, 174 p. (Travaux de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Catholique de Louvain xli. Section de Philologie Romane xv) L’édition de Sandrine Thonon rend accessible un petit texte allégorique de la fin du Moyen Âge, traditionnellement intitulé, d’après le dernier vers du poème, le Purgatoire d’Amours. Outre le texte lui-même (51-86), constitué de 91 huitains et quelques courts passages en prose, le travail comporte une introduction (9-48), des notes explicatives (87-141), un glossaire sélectif (143-54), un index des noms propres (155-57) et une bibliographie (159-74). Le tout est présenté de façon soignée et minutieuse. Grâce à l’effort de Sandrine Thonon, le lecteur dispose en effet presque toujours des informations nécessaires à l’intelligence du texte. À la rigueur, on pourrait noter une légère surcharge qui empêche parfois de faire la part, dès le premier coup d’œil, entre les traits (thématiques, stylistiques et linguistiques) communs à l’époque et ce qui est vraiment caractéristique de notre texte. Mais l’intention est louable et le lecteur a tort d’être toujours pressé. L’introduction, donc, ouvre une nouvelle fois le dossier de la paternité du Purgatoire d’Amours, pour lequel deux attributions ont été proposées. La première, à Olivier de la Marche, est sans fondement aucun et se trouve à juste titre expédiée en quelques lignes par Sandrine Thonon. La seconde, à Pierre Michault, a été avancée par Eugénie Droz et Albert Piaget et s’appuie sur des ressemblances entre des œuvres «authentifiées» de Michault et le Purgatoire. Il s’agit de la reprise d’expressions ou de rimes, d’échos thématiques, d’une certaine familiarité avec la production bourguignonne. La versification, notamment l’usage de la césure, et l’analyse du vocabulaire - qui, pour le Purgatoire, reste toutefois à faire - paraissent à l’éditrice constituer également des arguments en faveur d’une attribution à Michault. Pour ma part, je reste plus réservé. Le Purgatoire appartient sans aucun doute au même type de littérature que la production de Michault, et c’est ce qui explique les ressemblances. En outre, à une époque où la pratique de ce que l’on appelle aujourd’hui l’intertextualité intervient de façon constante et appuyée dans l’écriture, les reprises peuvent très bien être interprétées comme des «citations» au lieu d’être lues comme une «signature». On aimerait des indices plus explicites, comme l’éditrice en mentionne pour la datation: celle-ci est quasi assurée par une allusion, au présent, au pape Pie ii (1458-1464) et deux documents datés du 1 er mai 63 par un personnage du texte, même s’il s’agit de l’an 6663 du règne d’Amour. Il semble donc raisonnable d’accepter, avec Sandrine Thonon, l’année 1463 comme date de composition. 326 Besprechungen - Comptes rendus L’introduction se poursuit avec un court résumé du poème, exercice toujours périlleux lorsqu’il s’agit d’un texte allégorique, puisqu’on risque de passer à côté de l’essentiel. Toutefois, on s’aventurera ici à rappeler une nouvelle fois la trame, qui, après un début un peu convenu, prend une tournure fort originale à laquelle l’éditrice ne rend pas peut-être entièrement justice: un jour de printemps, l’acteur s’assoupit dans un verger et voit alors en songe le Palais de Cupidon où se déroule un procès entre un amant et des personnages allégoriques. Dans un débat de plus en plus houleux, l’amant dépité somme le dieu d’Amour de lui restituer son cœur, ce à quoi ce dernier consentira, mais non sans avoir fait payer au suppliant son insoumission au prix fort: trois jours entiers au purgatoire d’Amour. L’acteur, désirant observer par une fenêtre les peines infligées à l’amant insolent, reçoit un retour de flamme et une piqûre d’épine de rose au pied, puis se réveille. Il se dépêche alors de coucher par écrit la vision dont il est encore imprégné. Dans une très brève «introduction thématique» (21-26), Sandrine Thonon essaie de venir à bout de cette intrigue. Elle situe pour cela l’œuvre au confluent de la tradition courtoise, de celle du débat et, finalement, de celle des représentations du purgatoire. Il est entendu qu’il ne pouvait être question de tout dire, dans ce domaine, en six pages, mais pour être vraiment utile, cette partie demanderait à être organisée autrement. Il faudrait la «redéployer» en fonction de l’originalité du Purgatoire, au lieu de présenter l’œuvre comme une accumulation des poncifs de la littérature de l’époque. Ainsi, le retour de flamme qui réveille le narrateur aurait mérité un développement approfondi, car il brouille la frontière entre «réalité» et songe et place le Purgatoire à égale distance du Tournoiement Antéchrist où le narrateur est blessé par une flèche lancée par un personnage allégorique et du Songe d’Enfer qui s’achève de façon plus classique par le réveil du rêveur, délimitant ainsi clairement les deux univers. On se souvient aussi du Chevalier Errant, où le narrateur côtoie des entités allégoriques dans un texte qui se passe de l’artifice d’un récit-cadre onirique et qui mêle également, comme le Purgatoire, vers et prose. Le simple renvoi que fait Sandrine Thonon au Roman de la Rose est insuffisant pour éclairer ces aspects du texte, de même que le recours massif aux travaux de Jacques Le Goff occulte complètement la trouvaille majeure qu’est ce purgatoire pour amants insolents qui réserve aux pécheurs des punitions hilarantes aux noms qui sonnent comme autant de pieds-de-nez à la tradition courtoise: le «Supplice qui est de longue attente» ou le «Lac de Pleurs». C’est donc un poème qui vit tout entier de la confrontation avec la tradition littéraire dont il s’inspire, et une présentation qui ne place pas en son centre ce «dialogue» entre les textes ne permet qu’une compréhension incomplète. Avec l’étude des manuscrits on revient à un domaine qui paraît intéresser davantage l’éditrice. Le Purgatoire est conservé dans deux manuscrits (Paris, Arsenal 5113 [A] et Chantilly, Musée Condé 506 [C]), le célèbre Jardin de Plaisance [J] et deux éditions du xvi e siècle. En ce qui concerne les descriptions des manuscrits et leur contenu, le renvoi aux éditions existantes aurait été le bienvenu; dans la notice du manuscrit de base, il convient de préciser que le texte est disposé en lignes longues, que le chiffre de 62 feuillets indiqué par Sandrine Thonon ne tient compte ni des feuilles de garde (trois, en parchemin, au début et à la fin du codex) ni des feuillets vierges qui comportent les traces de réglure. Le manuscrit comporte donc iii + 64 + iii feuillets. On notera aussi que la foliotation est d’origine, apposée en chiffres romains et à l’encre rouge au coin supérieur droit de chaque recto. Les rapports entre les différents témoins sont résumés au prix d’efforts considérables dans un tableau des «fautes communes» qui servira de base à un stemma. Malgré la précision du dépouillement des données, on peut rester sceptique quant à la base même de la classification. L’éditrice relève deux accords AC, un accord CJ et deux accords ACJ. Il est vrai que le texte est court, mais c’est tout de même peu. De surcroît, la notion même de «faute commune» implique en général l’idée que la leçon incriminée ne s’est pas produite de façon indépendante. En l’occurrence, cela ne paraît pas complètement sûr puisqu’on pourrait très 327 Besprechungen - Comptes rendus bien avancer qu’il n’y a pas, ici, «faute», mais simplement des réalisations graphiques qui, a priori, n’ont rien d’impossible. Il faudrait, avant de les exploiter pour l’établissement d’un stemma, peser ces réalisations à l’intérieur du système graphique dont elles font partie: ainsi, le premier des deux cas d’accord AC correspond à un nom propre «mal» orthographié (Epan pour Pan), phénomène très commun au Moyen Âge (cf. Robert de Boron, Joseph d’Arimathie, ed. Richard O’Gorman, Toronto 1995: 383, note au vers 2310, à propos de la confusion Bron - Ebron) et «rectifié» dans J. L’autre accord AC concerne une confusion graphique entre c et t que l’on se gardera également de surinterpréter. La même prudence est de mise pour l’un des deux accords ACJ qui recouvre une confusion entre s et c, exactement comme le seul accord CJ. Le cas de romains (leçon de ACJ) à la place de romans qu’exige la rime est une lectio facilior et ne permet pas non plus d’inférer des rapports de dépendance. Tout au plus peut-on dire que cette triple apparition, tout comme la suspecte confusion entre selle et celle au vers 393 dans les trois documents à la fois, suggère un stemma comme celui qu’ébauche Sandrine Thonon, où les trois témoins paraissent dériver d’un même modèle, sans qu’il y ait de liens entre eux. Mais il faudrait peut-être dire plus franchement l’extrême fragilité de la construction. L’examen minutieux des leçons de chaque témoin qui a servi à établir le stemma fait par contre clairement apparaître que c’est le manuscrit A qui nécessite le moins de corrections, et c’est donc lui qui devient le manuscrit de base. L’état de sa langue est méticuleusement présenté en huit pages (37-44) où les faits les plus répandus, répertoriés dans tous les manuels, masquent les phénomènes plus intéressants comme les rimes impetueux : euz (< habutu) : dangereux (v. 826, 829, 830) et merveilleuse : espouse : dangereuse (v. 522, 525, 526) ou encore l’emploi du démonstratif préfixé iceluy etc. dans les seules parties en prose imitant le discours juridique. Les observations sur la versification auraient peut-être également pu être allégées, car l’éditrice ne nous informe pas seulement de l’existence de 136 occurrences de rimes suffisantes, mais nous indique en outre où celles-ci se trouvent. Très intéressant, en revanche, est son constat portant sur l’absence totale de césure épique, ce qui place bien notre poème dans la tradition bourguignonne après Georges Chastelain. La confrontation de larges extraits de l’édition avec le manuscrit montre que la transcription est impeccable. Le texte est lui aussi établi de façon très satisfaisante. Quelques trémas, comme dans chantoiënt, ne paraissent pas indispensables et l’on aurait peut-être pu faire l’économie de l’accent aigu sur les substantifs et participes passés féminins du type variées et journées, pour en mettre, en revanche, sur aprés et emprés, mais l’édition, dans son ensemble, inspire confiance. Son plus grand «défaut», paradoxalement, sont les notes extrêmement riches et nombreuses qui paraissent parfois enfoncer des portes ouvertes et ralentissent sérieusement la lecture. Ici s’imposerait un véritable recentrage qui ferait le tri entre les renseignements utiles et nécessaires qu’apportent les observations de l’éditrice et les informations par trop élémentaires. Il faut toutefois ajouter tout de suite que le lecteur «spécialiste» sera très sensible au fait que le choix des notes ne paraît pas dicté par des raisons «carriéristes» et que l’éditrice a su résister, bien mieux que certains de nos collègues «expérimentés», à la tentation de citer amis et «mandarins». La débauche de notes n’est en fait que le fruit d’une certaine inexpérience qui part du bon sentiment de vouloir rendre service à son lecteur en lui fournissant tout ce que l’on sait sur un problème donné. Seulement, ce n’est pas le but du jeu, la mission impossible de l’éditeur consiste, au contraire, à fournir au lecteur tout ce que celui-ci est susceptible de ne pas savoir et que paraît exiger l’intelligence du texte. Pour cela, il faut un peu de distance. Cette exubérance dans les notes est surtout dommageable parce qu’elle «camoufle» les apports réels de cette partie du livre. En effet, ces notes abritent beaucoup d’authentiques trouvailles et de nombreux développements très bienvenus où l’on perçoit une véritable familiarité avec cette langue et cette littérature du xv e siècle. Notamment le vocabulaire juridique fait l’objet de commentaires 328 Besprechungen - Comptes rendus très éclairants de même que certains rapports intertextuels qui sont magistralement mis en évidence par Sandrine Thonon. Voici, pour finir, quelques observations de détail: v. 2: trambletz: le sens proposé au glossaire tremblement (il s’agit du chant de l’alouette) pourrait être précisé à l’aide de ce qui est dit en note: chevrotement du ramage , il s’agit sans doute d’un tremolo - v. 63: virgule après Loyaulté - v. 131: placer le premier tiret plutôt avant que - v. 352: expliquer - v. 473: dy ce qu’as sur l’estomac ajouter au glossaire - v. 690: après grace virgule à la place du point - 794: supprimer la virgule après trestout - v. 808: on attendrait se à la place de le. C’est dire que l’édition permet de lire ce petit texte de façon aisée et sûre et qu’il faut remercier Sandrine Thonon du travail qu’elle a accompli. R. Trachsler ★ Mabrien. Roman de Chevalerie en prose du xv e siècle, édition critique par Philippe Verelst, Genève (Droz) 1998, 534 p. (Romanica Gandensia 27) Le «roman» de Mabrien est le dernier volet de la geste de Renaut de Montauban, telle qu’elle a dû naître, dans la seconde moitié du xiv e siècle, au moment où la vieille chanson de geste du xii e siècle a été remise au goût du jour. De ce grand remaniement il reste une version dodécasyllabique, mais celle-ci ne comprend pas toute la matière rinaldienne, se contentant, pour ce qui concerne l’histoire de Mabrien, de quelques annonces. C’est donc la version en prose, datant du xv e siècle, qui nous transmet l’histoire du petit-fils de Renaud, dans deux grands ensembles manuscrits et plusieurs imprimés. Et c’est de cette mise en prose que Philippe Verelst nous donne l’édition. Cette édition s’ouvre sur des observations sur la place de Mabrien dans la tradition manuscrite et au sein du cycle (7-16), où est notamment acceptée, avec des arguments plausibles, l’idée de l’existence d’un modèle en vers pour la mise en prose. Suivent des considérations sur le projet littéraire de l’auteur (16-21) qui insistent à juste titre sur l’importance des personnages féminins dans l’itinéraire du héros. Ensuite, sont brièvement décrits les deux manuscrits et les imprimés (22-46). En l’occurrence, le texte est conservé dans les manuscrits Paris, B.N. f.fr. 19177 (Lf) et München, Bayerische Staatsbibliothek Gall. 7 (Am). Le premier paraît être une «copie d’atelier», sans luxe mais soignée, alors que le second a été calligraphié dans l’entourage de David Aubert et illustré plus tard par Loyset Liédet. Ces deux manuscrits ne sont d’ailleurs sans doute que la pointe de l’iceberg mabrienien, car pas moins de treize éditions, s’échelonnant de 1525 jusqu’à la fin du xvi e , attestent du succès du roman à l’époque de la Renaissance, et trois éditions datant du premier tiers du xvii e siècle prouvent, si besoin était, une certaine persistance des goûts pour le roman de chevalerie à l’âge baroque (22-46). Le choix de manuscrit de base est justifié dans cette même section, choix qui se fait en fonction d’un critère intéressant: constatant que les deux manuscrits «se valent» plus ou moins pour le nombre de corrections qu’ils nécessitent, l’éditeur joue la «copie d’atelier» contre la «copie de luxe» et déclare préférer la première, bien qu’elle contienne, d’un point de vue strictement arithmétique, plus d’erreurs que sa concurrente. C’est donc Lf qui s’impose et c’est également sa table des rubriques qui tient lieu d’analyse (47-51) et précède le texte lui-même: scandé par les rubriques, avec une mise en page respectant les divisions du manuscrit, le long roman de Mabrien se déroule en une succession de paragraphes dont la numérotation redémarre au début du chacun des 55 chapitres; en pied de page, fondues en un apparat unique, figurent les leçons rejetées et les variantes (53-457). Le texte est suivi de notes linguistiques et littéraires (459-72), d’un glossaire (473-514), d’un index des noms propres (515-31) et d’une liste des parémies (533-34). 329 Besprechungen - Comptes rendus