eJournals Vox Romanica 61/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2002
611 Kristol De Stefani

La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde

121
2002
Franck  Floricic
vox6110151
La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 1 Nouvel indice d’un manque de délimitation rigoureuse, Denys de Thrace se permet l’innovation choquante qui consiste à enrichir l’effectif casuel par le vocatif. Bien qu’il ait été suivi à cet égard par la tradition européenne des derniers deux mille ans, on attend toujours la démonstration qui rendrait licite cet étrange placement du vocatif. Il semble en effet impossible de trouver une parenté de signification entre le vocatif et les cas, en grec aussi bien qu’en toute autre langue. (Hjelmslev 1972: 4) 0. Introduction La question de la définition du vocatif et de sa place au sein ou à l’extérieur de l’effectif casuel a depuis longtemps intéressé et divisé les linguistes. Pour autant, force est de reconnaître que les études consacrées spécifiquement au vocatif sont assez rares; à quelques exceptions près, tout au plus dispose-t-on à ce sujet d’observations fragmentaires et éparses. Aussi l’objet de cette contribution n’est-il pas tant de discuter la question du vocatif en général, que d’examiner les propriétés morphologiques et phonologiques des formes qu’on peut reconnaître comme relevant de cette problématique dans une langue donnée: le sarde logoudorien (sardo logudorese). Parmi les nombreuses questions que soulèvent ces formes, certaines intéressent tout particulièrement le phonologue: comment les formes de vocatif sont-elles engendrées? Respectent-elles certains schèmes? En d’autres termes, sont-elles construites à partir d’un certain «gabarit» (template)? Si c’est le cas, quelle est la forme de ce gabarit? D’un point de vue plus général, comment rendre compte du fait que les formes de vocatif puissent présenter des configurations prosodiques «exceptionnelles»? Voilà quelques-unes des questions qui seront abordées dans le cadre de ce travail. 1 Divers fragments de cette étude ont fait l’objet de présentations orales à l’occasion de rencontres ou de colloques («Autour de la minimalité prosodique: hypocoristiques, troncation, réduplication» (Journée «Hypocoristiques» organisée par l’ERSS, Toulouse, 13 juillet 2001); 12th Colloquium on Generative Grammar, (Lisbonne, 15-17 Avril 2002); Colloquio di Italianistica du Romanistisches Institut (Saarbrücken, 21 mai 2002); 35 e SLE Meeting (Potsdam, 22-25 juillet 2002). Je tiens à remercier les organisateurs et participants de ces conférences pour leurs observations ou commentaires, et tout particulièrement les Professeurs Roger Comtet, Denis Creissels, Wolfgang Dressler, Rita Franceschini, Mathée Giacomo-Marcellesi, Roland Marti, Igor Mel’cuk, Lucia Molinu, Andrea Moro et Marc Plénat. Je tiens à dire ma plus profonde reconnaissance aux professeurs Rita Franceschini,Andres Kristol et Igor Mel’cuk pour la lecture et les commentaires particulièrement détaillés dont ils m’ont fait part et qui m’ont permis de préciser de nombreux points importants. Bien évidemment, je porte seul la responsabilité des idées exprimées dans cette contribution ainsi que de l’interprétation des observations dont j’ai pu bénéficier. 1. Le vocatif: aspects généraux Il est nécessaire, avant d’aller plus loin, d’apporter un certain nombre de précisions concernant la notion de «vocatif». Dans sa célèbre étude de 1935, Hjelmslev définit le cas comme «une catégorie qui exprime une relation entre deux objets» (p.96). Or, Hjelmslev précise un peu plus loin que la définition qui vient d’être donnée permet à coup sûr d’exclure le vocatif de la catégorie casuelle. Par opposition à tout véritable cas, le vocatif a précisément ceci de particulier de ne pas exprimer une relation entre deux objets (p.97). Il apparaît assez clairement que la perspective de Hjelmslev est ici une perspective fondamentalement syntaxique: en tant que forme close et isolée, le vocatif n’entretient aucune relation de dépendance ou de rection à l’égard des termes constitutifs de la prédication.Or, c’est précisément cet argument syntaxique qui a conduit divers linguistes à rejeter le vocatif de la catégorie des cas 2 : Der Vokativ ist eigentlich gar kein «Kasus», wenn man unter Kasusform den Ausdruck einer syntaktischen Beziehung zu anderen Wörten versteht. Der Vokativ drückt nämlich keinerlei syntaktische Beziehung aus, er ist eine in die Rede eingeschobene «Anredeform» mit deutlicher Appellfunktion. (Isacˇ enko 1962: 83) Isacenko ajoute d’ailleurs à ce critère syntaxique un autre critère, cette fois morphologique: à l’inverse des autres cas, le vocatif est dépourvu de désinence. Or, on remarquera qu’au niveau même de la syntaxe, la même argumentation a pu conduire précisément à dénier au nominatif le statut de cas 3 : il est vrai que le nominatif représente la forme que prend généralement le nom lorsqu’il constitue le point de départ ou terminus a quo d’une prédication; mais il n’en est pas moins vrai qu’en tant que forme de la pure désignation de l’objet, en tant que forme représentative du paradigme, le nominatif apparaît aussi comme la forme extra-syntaxique du nom et devrait donc, en tant que tel, être exclu de la catégorie des cas sur la base même des arguments invoqués par Hjelmslev (cf. Bonnekamp 1971). Si en revanche on se place à un niveau cognitif-conceptuel, force est de constater que la définition du vocatif coïncide très exactement avec celle que Hjelmslev donne de la catégorie casuelle: en d’autres termes, le vocatif représente bien au niveau du 152 Franck Floricic 2 Pour Schleicher 1862: 415 et 480, en revanche, le refus d’intégrer le vocatif au sein de l’effectif casuel se fonde sur un argument différent: le vocatif n’est ni un cas ni aucune espèce de mot, mais une interjection (cf. aussi Chaignet 1875: 5). 3 Karcevski 1927: 18 et 1967: 335 définit de ce fait le nominatif comme «zéro de cas». Notons que Skalicka 1994: 57 parle de «zero case» uniquement dans les langues où, comme en turc, le nominatif est susceptible d’assumer des fonctions particulièrement variées (sujet, attribut, interpellation, etc.). A contrario, le nominatif tchèque serait un cas comme les autres car à l’inverse de ce qu’illustre le turc, sa signification serait clairement définie. Si toutefois l’on raisonne en termes hjelmsleviens, la différence entre les deux types réside simplement dans l’extension de la zone fonctionnelle dévolue au nominatif dans les deux langues en question: de ce point de vue, il ne s’agit donc pas d’un problème de signification déterminée vs. indéterminée. • ( • ) signans l’expression d’une relation orientée, non-médiate et non symétrique entre un point de départ et un point d’aboutissement, ou entre un point d’origine et un point d’arrivée (cf. Brøndal 1939) 4 : [1] 153 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 4 Le vocatif et l’impératif ont en commun des particularités qui depuis longtemps ont attiré l’attention des linguistes. En tant que forme totale et non solidaire, Brøndal 1950: 16 définit donc le vocatif comme une forme à quatre dimension RdrD, synthèse d’une relation (r) et d’un Relatum (R), d’un cadre (D) et d’un contenu descriptif (d). Or, de cette non-solidarité il résulte que le vocatif peut apparaître ou disparaître sans affecter le système dans son ensemble: «La classe indifférenciée (rRDd) enfin est, contrairement à toutes les autres, seule à son degré de l’échelle logique. Elle échappe par conséquent à toute solidarité; elle peut être présente ou absente sans conséquence pour aucune classe de degré logique plus élevé.» (Brøndal 1948: 88; voir également Brøndal 1943: 17). Le schéma ci-dessus illustre d’une part l’orientation du vocatif vers le terminus ad quem de la relation et une polarisation autour de ce dernier, le terminus a quo demeurant lui à l’arrière-plan. Cette dernière observation permet en même temps de saisir toute l’originalité de la position de Beauzée 1767/ II: 300, pour qui «le nominatif fait abstraction de toutes les personnes», alors que le vocatif «exclut positivement les idées de la première et de la troisième, & suppose nécessairement la seconde.» Beauzée se situe ici non pas sur le plan de la morphologie ou de la syntaxe, mais sur celui cognitif-référentiel des fonctions discursives. En somme, la relation marquée par le vocatif est une relation qui joue non pas au niveau des unités significatives mais au niveau même des instances du discours, dans un ancrage de nature essentiellement déictique. C’est pourquoi le vocatif - comme l’impératif - relèvent d’un plan autre qui est celui non pas d’un discours sur le monde mais d’un discours orienté et dirigé vers un autrui placé dans une certaine position au regard de l’énonciateur. La fonction d’appel propre au vocatif le distingue donc des autres cas. Or, dans la mesure où à cette fonction spécifique correspondent des variations dans le signifiant, on devrait en principe reconnaître au vocatif le statut de cas. Hjelmslev précise d’ailleurs lui-même: S’il y a des langues où l’idée du cas n’est pas exprimée par quelque différence dans le signifiant, le cas est dans ces langues inexistant. Mais s’il y a des langues où l’idée du cas se trouve exprimée par quelque différence, quelle que ce soit, dans le signifiant, les cas existent dans ces langues au même titre que dans les langues favorisant le mécanisme désinentiel (1972: 21). Du point de vue qui est celui de Hjelmslev, le vocatif doit donc en toute logique faire partie intégrante du système casuel. A vrai dire, le problème est ici de savoir s’il faut situer la question de l’existence de cas au niveau de la syntaxe ou au niveau de la morphologie. En principe, c’est au niveau même de l’existence ou non de variations systématiques dans la flexion que l’on devrait reconnaître dans une langue donnée l’existence de cas. Si en revanche on situe l’identification de la catégorie à un niveau syntactico-sémantique, on prend alors le risque de généraliser à n’importe quel système ce que De Boer 1928 appelait «l’idée de cas», et qui de toute évidence est indépendante de tout enracinement spécifique dans le signifiant. Or, il est aisé de constater qu’à des variations dans les fonctions syntaxiques peut correspondre une seule et même forme morphologiquement parlant, alors qu’inversement à une seule et même forme peuvent être dévolues des fonctions syntaxiques diverses. De ce point de vue, on peut dire que c’est essentiellement à partir de critères morphologiques que doit se fonder l’identification d’une forme casuelle que l’on pourra reconnaître ou non comme un vocatif. Ce qui ne veut pas dire évidemment que la sélection des cas, là où une analyse distributionnelle permet de conclure à leur existence, ne soit pas associée à des fonctions syntaxiques déterminées (cf. Comrie 1986: 98). Mais en dernière analyse, l’utilisation d’un cas dans une configuration syntaxique donnée n’épuise pas la définition et le domaine fonctionnel du cas en question. Aussi l’identification même de l’existence de la catégorie casuelle dans une langue donnée doit-elle demeurer au niveau qui est fondamentalement le sien: celui de la flexion (cf. Jakobson 1936/ 1990: 384) 5 . Si donc on se place sur un terrain purement morphologique, force est de reconnaître que le vocatif se distingue effectivement par des caractéristiques morphophonologiques particulières; comme le souligne Kiparsky 1967: 39 «so oder so gehört aber der Vokativ zum morphologischen System, hat sich durch eine besondere Form ausgezeichnet». Or, si on retient les propriétés morphonologiques comme étant cruciales dans l’identification d’une forme casuelle, alors il devrait être possible d’identifier dans la flexion nominale du sarde des formes de vocatif: le sarde connaît en effet des formes allocutives qui se distinguent bel et bien par des caractéristiques morpho(no)logiques propres, et ces formes sont soumises à des contraintes distributionnelles qui leur confèrent une place et un statut tout à fait particulier 6 . Mais en même temps, s’il marque l’objet direct lorsque le référent de 154 Franck Floricic 5 On ne saurait toutefois en conclure que l’identification et la délimitation des cas soit pour autant chose aisée; comme le rappelle Creissels 1995: 187s., la distinction entre «suffixes casuels» et «postpositions» dans des langues telles que le hongrois demeure problématique, d’où la difficulté qu’il peut y avoir à établir d’une manière claire et définitive l’effectif casuel de telles langues. Il résulte également de la discussion ci-dessus que l’on refusera d’étendre la notion de «cas» à la description des fonctions argumentales. 6 De ce point de vue, les formes dont il est question ici se distinguent nettement des hypocoristiques, qui s’ils entretiennent un lien étroit avec le vocatif, sont néanmoins susceptibles d’assumer des fonctions syntaxiques diverses et variées. En revanche, les formes auxquelles nous rece dernier est fortement individué, le sarde n’est pas une langue à cas au sens où il ne connaît pas un système d’alternances flexionnelles associées d’une manière systématique à des variations de fonction. Ceci étant, il convient de souligner que le vocatif est isolé et non-solidaire - d’où son exclusion de l’inventaire des cas ou sa collocation sur un plan tout à fait distinct. De ce point de vue, il est sans aucun doute possible de parler en sarde d’un vocatif même si dans son état actuel cette langue ne connaît pas à proprement parler un système de cas, i. e. un système d’oppositions dans lequel entrent des formes distinguées morphologiquement en fonction du rôle syntaxique qu’elles occupent: le vocatif étant hors-corrélation, il n’implique pas et n’est pas à son tour impliqué par l’existence de cas dits «grammaticaux» ou «concrets» 7 . 2. Effets de minimalité en sarde Le sarde est une langue romane qui connaît des effets de minimalité. En d’autres termes, il existe dans la variété logoudorienne de cette langue une contrainte qui impose un gabarit minimal bisyllabique aux unités autonomes ou content words. Lorsqu’un lexème viole cette contrainte parce que sub-minimal, des stratégies sont mises en œuvre afin d’assurer son respect: les exemples en [2] montrent à cet égard que dans cette variété du sarde, la voyelle [ ε ] est insérée en fin de mot afin de créer un trochée final (Wagner 1941: 8-9): [2] kie [’ki: ε ] ki ‘qui’ tie [’ti: ε ] ti ‘toi’ mie [’mi: ε ] mi ‘moi’ dae [’da: ε ] da ‘donne! ’ Lorsque en revanche une forme respecte déjà ce gabarit minimal bisyllabique, aucune «stratégie de réparation» n’est mise en œuvre: 155 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde connaissons ici le statut de vocatif ont une sphère d’emploi limitée à une fonction spécifique; autrement dit, ces formes ne recouvrent aucun domaine fonctionnel autre que celui de l’appel. Ceci étant, d’un point de vue diachronique, le domaine fonctionnel de formes identifiables comme d’anciens vocatifs peut également connaître une certaine extension et recouvrir des zones d’emploi dont elles étaient jusque-là exclues (cf. à ce propos Stankiewicz 1979: 102). Précisons d’autre part que dans la perspective qui est la nôtre, les opérations qui affectent les formes que nous reconnaissons comme des vocatifs ne les identifient pas comme étant «extragrammaticales» au sens de Dressler 2000: le fait que la structure interne de certaines formes puisse violer des règles ou des contraintes par ailleurs actives dans la langue ne les place pas pour autant en-dehors du système de la langue, non moins qu’elle les place en-dehors du système de la langue si elles sont affectées par une partie seulement de ces règles et contraintes. 7 Le bulgare par exemple connaît un vocatif alors même que son système casuel n’existe plus qu’à l’état résiduel (cf. Duc Goninaz 1986: 98; Comtet 2002). Inversement, des langues qui comme les langues finno-ougriennes connaissent des systèmes casuels complexes peuvent ne pas avoir de vocatif (cf. Trubetzkoy 1937, cité in Kottum 1983: 136). [3] domo [’dO: mO] ‘maison’ abba [’ab: a] ‘eau’ fizu [’fid(: )zu] ‘fils’ limba [’limba] ‘langue’ fini [’fi: ni] ‘finis! ’ maccu [’mak(: )u] ‘fou’ Or, le sarde est également une langue qui d’une part interdit l’oxytonèse, et d’autre part la présence de consonnes finales; par conséquent, lorsqu’au sein du lexique «indigène» un lexème - quelle que soit sa taille et son statut grammatical - se termine par une consonne, une voyelle est insérée qui représente la copie de la voyelle de la syllabe précédente (cf. Wagner 1938: 113-14 et 1941: 57-62, Pittau 1972: 16- 17 et 32-33, Molinu 1992 et 1999): [4] nono [’nO: nO] non ‘non’ trese [’tr ε : z ε ] tres ‘trois’ piusu [’piuzu] pius ‘plus’ camposo [’kampOzO] campos ‘champs’ krabasa [’kra aza] krabas ‘chèvres’ kanese [’kan ε z ε ] kanes ‘chiens’ Notons que certains emprunts et autres sigles donnent lieu au même type d’opération. Les sigles FIT (Federazione Italiana Tabaccai) et USL (Unità Sanitaria Locale) par exemple sont prononcés [’fi: ti] et [’uzlu]; les représentations en [5] montrent que la voyelle épenthétique est une copie de la voyelle adjacente: [5] 156 Franck Floricic F σ h μ σ PrW μ μ f i t i : F σ h μ σ PrW μ μ u z l u Si toutefois l’opération d’insertion apparaît comme l’une des stratégies les plus productives, l’effacement est également attesté. A titre d’exemple, la consonne finale des formes pulman (autobus) et camion est effacée au même titre que celle de la célèbre chaîne commerciale UPIM: on obtient alors respectivement [’pulma], [’ka: mjo] et [’u: pi] (cf. Bolognesi 1998: 387-90). D’autres emprunts peuvent cependant subsister au sein du lexique comme des «corps étrangers», pour reprendre les termes de Troubetzkoy. C’est le cas notamment des noms italiens caffè et sofà qui peuvent demeurer oxytons et qui dérogent ainsi à certaines des contraintes qui régissent la phonologie du sarde. 3. La morphonologie du vocatif Dans son étude consacrée au vocatif en roumain, Niculescu 1983: 255 observe que le roumain «est la seule langue romane à avoir des formes de vocatifs» 8 . Les autres langues romanes - et tout particulièrement le sarde - n’auraient que des «restes» de vocatif. Niculescu rappelle à cet égard les formes sardes Barbate! , Benedicte! , Dominike! , Paule! mentionnées par Wagner 1950: 326. Or, Wagner précise que ces «nomi di battesimo continuano spesso la forma del vocativo» (cf. aussi Wagner 1938: 107): il ne présente en aucun cas ces formes comme étant utilisées actuellement en fonction de vocatif. En revanche, le sarde présente des formes d’appel - Wagner 1941: 8 parle ici de «apokopierten Rufnamen» - dont l’une des particularités les plus intéressantes est en réalité commune à certains parlers centre-méridionaux (cf. Schuchardt 1874a: 189-90, Orlando 1933: 88-89, Rohlfs 1966: 448-49): dans ces parlers en effet, le nom propre apparaît également sous une forme tronquée. Comme le montrent les exemples en [6], le nom en fonction d’appel conserve tout et rien que la syllabe accentuée et les syllabes à sa gauche: [6] forme pleine vocatif forme pleine vocatif a. ’pj ε : ro ’pj ε f. an’tO: njo an’tO b. ’sandro ’sa g. te’r ε : za te’r ε c. ’silvja ’si h. fran’tS ε sko fran’tS ε d. ’fra ko ’fra i. ko’r: a: do ko’r: a e. ’tO: re ( salva’tO: re) ’tO j. dZu’z ε p: e dZu’z ε Bien évidemment, lorsque la syllabe accentuée est initiale au sein du mot, elle fournit le centre rythmique exclusif autour duquel se structure le nom propre (cf. [6a-e]). Or, les représentations en [7] montrent que a) dans les noms au vocatif, la tête de la structure prosodique est finale au sein du pied et du PrW (Mot Prosodique); b) la syllabe accentuée (i. e. la tête du pied) est légère (monomoraïque) dans le vocatif, alors qu’elle est lourde (bi-moraïque) dans la forme pleine; c) s’agissant d’une forme qui à elle seule forme un tout achevé, le vocatif présente une proéminence au niveau le plus haut de la hiérarchie prosodique, en l’occurrence l’Énoncé (Utterance) 9 . Par une sorte de phénomène de compensation, le 157 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 8 Pour un constat analogue, cf. Sandfeld 1930: 146, Tucker 1944: 22. 9 Les catégories prosodiques qui couvrent le domaine le plus large sont le Syntagme Intonationnel (Intonational Phrase) (I) et l’Énoncé Phonologique (Phonological Utterance) (U) (cf. notamment Nespor 1999). Le Syntagme Intonationnel représente le domaine au sein duquel sont définis les contours intonatifs et le domaine d’application de phénomènes rythmiques. Quant à l’Énoncé Phonologique, il recouvre la totalité de l’énoncé. s i l a σ h μ σ μ μ v j F P rW s i σ μ F P rW . . . . U F σ h μ σ P rW μ μ d u z ε p e : μ σ F P rW σ h μ d u z ε μ σ . . . . U vocatif intègre et concentre sur l’axe paradigmatique (suprasegmental) toute l’information (segmentale) qu’il perd sur l’axe syntagmatique: [7a] 158 Franck Floricic [7b] Or, un certain nombre de vocatifs présentent en sarde les mêmes caractéristiques (cf. Wagner 1941: 245-46; Pittau 1956: 26, 1972: 16 et 1982: 36): [8] forme pleine vocatif forme pleine vocatif a. ’bab: u ’ba e. an’dri: a an’dri b. ’pe: dru ’pe f. da’mja: nu da’mja c. an’to: ni an’to g. a’n: ε : a a’n: ε d. an’tO: na an’tO h. mari’l ε : na mari’l ε C’est dire qu’en sarde aussi le vocatif est réduit à la syllabe accentuée et aux syllabes à sa gauche. Or, on voit immédiatement quelles sont les questions soulevées par les formes listées en [8]: peut-on dire que le vocatif sarde respecte un certain gabarit? Peut-on dire d’autre part que du point de vue morphologique le vocatif s’analyse comme un thème nominal nu? 3.1 Troncation et contraintes gabaritiques Les phénomènes de troncation ont dans la littérature phonologique récente connu un vif regain d’intérêt. En particulier, de nombreuses études se sont attachées à identifier les règles et les contraintes qui gouvernent la structure interne des hypocoristiques et autres formes diminutives. Dans le droit fil de ces contributions, l’existence de contraintes gabaritiques a été mise en évidence comme régissant la structure phonologique du vocatif de diverses langues. D’un point de vue typologique, il apparaît en effet que le vocatif se présente souvent comme une forme tronquée. La question est cependant de déterminer ce qu’il convient de reconnaître comme une troncation: s’agit-il de l’association d’une mélodie à un schème prosodique (template) spécifique - en l’occurrence CVC ou CV¯ - ou s’agit-il de troncation dans le sens traditionnel du terme? La première approche - c’est-à-dire celle qui voit la troncation comme l’association de la mélodie à un certain gabarit - est celle qu’invoquent McCarthy/ Prince 1996 pour rendre compte du vocatif en yapais 10 . D’après ces derniers, «Truncation is specification of a template to which the melody . . . is directly associated» (McCarthy/ Prince 1996: 45). Dans le cas du yapais, les exemples [9a], [9b] et [9c] montrent effectivement qu’il y a association des segments initiaux de la base au schème CVC. On obtient donc une syllabe bi-moraïque qui correspond d’ailleurs au mot minimal de cette langue (cf. McCarthy/ Prince 1996): [9a] forme pleine vocatif a. lu? ag lu? b. bayaad bay c. ma εε f εε l ma Il convient de préciser qu’il existe en yapais une contrainte qui, d’après Piggott 1999: 175, imposerait en surface la présence de consonnes en position finale: en 159 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 10 Le yapais est une langue micronésienne parlée dans l’île de Yap et appartenant à la famille malayo-polynésienne. F μ σ PrW μ b a y C V C d’autres termes, un mot ne pourrait pas se terminer par une voyelle. C’est la raison pour laquelle lorsqu’un nom commence par une séquence Consonne-Voyelle longue, la voyelle se scinderait en une séquence Voyelle-Glide : [9c] forme pleine vocatif d. de: feg day, *de: f, *de: e. be: ne: na: bay, *be: n, *be: En somme, si la sélection de la séquence initiale CVC de la base va à l’encontre d’une contrainte telle que celle interdisant les voyelles finales, une stratégie serait alors mise en œuvre pour respecter cette contrainte. Le respect de cette contrainte serait donc plus fort que la fidélité à la forme de base 11 . McCarthy et Prince signalent aussi le cas des langues yup’ik, où la formation du vocatif requiert le même type d’association entre base et template 12 . En russe aussi, on peut être tenté de considérer que le «néo-vocatif» sélectionne la séquence initiale CVC du nom propre: c’est ce que tendraient à indiquer des exemples tels que [10] 13 : 160 Franck Floricic 11 Jensen 1977: 101 signale cependant des vocatifs tels que Taa (Tamag), où de toute évidence la voyelle est longue. A vrai dire, d’après Jensen 1977: 58, la contrainte qui en yapais est à l’œuvre est une contrainte qui interdit plutôt les voyelles brèves finales, les voyelles longues finales étant attestées essentiellement dans les emprunts (cf. p.49): «Yapese major morphemes or words may end in a consonant (as qaed ‘liver’, pil ‘to break, shatter’, buw ‘betel nut’), or in a long vowel (as deengkii ‘electricity’, kaarroo ‘car’), but no Yapese word or major morpheme may end in a short vowel.» 12 Le yupik désigne un groupe de langues appartenant à la famille eskimo, parlées notamment en Alaska et en Sibérie. 13 L’exemple du russe est intéressant non seulement du point de vue des opérations morphologiques, mais aussi du point de vue plus général de la catégorie des cas: le vocatif est souvent considéré comme n’existant plus dans cette langue qu’à l’état de reliquat. Or, on peut voir dans l’existence de formes nouvelles de vocatif une illustration supplémentaire de la non-solidarité du vocatif avec les autres cas. [9b] [10] hypocoristique vocatif a. ván’a ( Iván) ván’ b. gál’a ( Galína) gál’ c. mí a ( Mixaíl) mí d. díma ( Vadím) dím e. sá a ( Aleksándr) sá Duc Goninaz 1986: 96, Yadroff 1996, Comrie et al. 1996, Mel’cuk 2001 et Comtet 2002 mentionnent cependant toute une série de vocatifs russes qui n’obéissent pas à ce schème et qui montrent de toute évidence que la formation du vocatif n’est pas régie dans cette langue par une contrainte de minimalité. En d’autres termes, les vocatifs en [10] présentent une structure CVC tout simplement parce que la base présente le schème CV.CV. Mais si l’on prend en considération des formes plus longues, on s’aperçoit que le vocatif est formé simplement en effaçant la voyelle finale du nominatif: c’est ce que montrent les exemples en [11] 14 : [11] nominatif vocatif a. natá a natá b. volód’a ( Vladímir) v lOd’ c. kát’a kát’ d. léna lén e. volo[t’]ka ( volódja Vladímir) voló[t’]k f. má ka ( Má a Maríja) má k g. kóst’ka ( Kóstja Konstantín) kóst’k h. Marína marín i. nád’a nád’ j. d’ád’a d’ád’ Précisons que 1) le vocatif russe peut être formé aussi bien à partir d’hypocoristiques que de noms ou expressions nominales pleines 15 ; 2) dans les exemples en [11e-g], le suffixe -ka de la base est analysé comme un suffixe diminutif; 3) enfin, les formes listées en [11] montrent que l’on peut trouver au vocatif un type de séquence consonantique non attestée en russe en position finale. 3.2 Vocatif et morphologie soustractive En dépit des divergences typologiques du sarde, du russe et du yapais, les données présentées plus haut montrent qu’on retrouve dans ces différentes langues des constantes particulièrement intéressantes: tout d’abord le vocatif apparaît comme 161 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 14 Comrie et al. 1996: 132 notent à cet égard: «Nouns, particularly names, ending in unstressed -a/ - , have developed a special form with zero ending used in address, especially to attract the hearer’s attention. Instead of ‰ —, ” , …— —, — — —, etc., the forms ‰ ! , ” ! , … — ! , — — ! , etc. are used. . . . Such vocative forms are used by speakers of standard Russian, but they are colloquial and are not even recognized by the latest Academy Grammar.» 15 Comtet 2002 insiste toutefois sur le monosyllabisme qui caractérise la plupart des «néovocatifs» russes, et qui les apparente ainsi à de véritables interjections. p e u σ h μ σ μ μ d r F PrW une forme réduite au regard de la forme pleine du nom, et cette réduction résulte de toute évidence d’une opération de troncation. Or, il apparaît tout aussi clairement qu’on n’a pas affaire ici à une troncation gabaritique («templatic truncation») mais à une troncation au sens traditionnel du terme, d’où la conclusion de Yadroff 1996: 135 selon laquelle «Russian data do not fit any template». A vrai dire, la troncation prend pour base, aussi bien en russe qu’en sarde, une forme de surface. Or, cette forme de surface correspond dans une langue comme le russe à la forme de nominatif: c’est d’ailleurs l’analyse que proposaient déjà Uspensky et Zhivov dans un article de 1977: The simplest rule that will bring such forms as ván’k! (vocative form of the personal name ván’ka) proves to be the truncation of the nominative ending -a without any additional morphonological transformation. This rule accounts for the absence of a vowel before / k/ which is otherwise normal (cf. gen. pl. vánek). (Uspensky/ Zhivov 1977: 19 N10) Par conséquent, la troncation s’applique à une forme de surface sur laquelle toutes les opérations phonologiques ont été déjà appliquées (cf. Mel’cuk 2001: 313). Ceci est particulièrement clair en sarde, où le degré d’aperture de la voyelle accentuée est conditionné par la nature de la voyelle finale: en somme, la voyelle accentuée en [12] et en [13] est une voyelle qui a subi la métaphonie, et elle reste donc fermée y compris en position finale (cf. Pittau 1972: 16 et 1982: 36). 162 Franck Floricic [12a] [12b] [12c] Aussi convient-il de faire ici une observation importante concernant ces formes radicales: l’aperture de la voyelle finale du vocatif permet à elle seule d’opérer une distinction analogue à celle que signalerait une désinence casuelle: une forme telle que [an’to] ( an’to: ni) ne peut être interprétée que comme renvoyant à un individu de sexe masculin, alors que la forme [an’tO] ( an’tO: na) ne peut être inp e σ h μ F PrW .... U p e σ h μ μ F P rW σ h μ a t o n μ σ μ F PrW .... U F σ h μ σ P rW μ μ a t o n i n μ σ μ σ h μ μ a t o n μ σ μ F P rW terprétée que comme renvoyant à un individu de sexe féminin. Il est vrai que ce genre d’alternance se manifeste ici non pas au niveau d’un mécanisme de type désinentiel, mais au niveau même de la racine (cf. Schmid 1976: 860). Néanmoins il existe des langues qui, comme le rappelle Mel’cuk 1977: 16, expriment précisément des distinctions casuelles à travers des alternances (mor)phonologiques. De ce point de vue, on peut considérer que l’opération de troncation et les alternances qui en découlent constituent bien l’exposant morphologique du vocatif sarde. Les représentations en [12] et [13] montrent d’autre part que du point de vue strictement phonologique, les noms en fonction d’appel retiennent en sarde, comme du reste dans les autres variétés centre-méridionales, la syllabe qui constitue la tête du pied, ainsi que tout le matériel éventuellement à sa gauche. Et dans la mesure où la tête devient finale au sein du mot, la voyelle accentuée doit alors s’abréger, car on ne peut trouver de voyelles longues que dans la pénultième accentuée ouverte. Enfin, si la troncation qui produit la forme [an’to] a pour résultat de placer la syllabe accentuée en position finale, la syllabe initiale peut quant à elle porter un Pitch Accent, d’où en position initiale absolue une proéminence qui signale d’emblée la fonction d’appel de la forme nominale et contribue d’une manière essentielle à l’identification de son référent. Aussi, on aura remarqué que les représentations ci-dessus affichent des configurations particulièrement marquées au regard du système phonologique du sarde, qui comme on l’a vu plus haut interdit les ïambes finaux et les pieds monosyllabiques 16 . Un exemple tel que [12c] montre 163 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 16 La question de l’opposition marqué / non marqué est d’une grande complexité et d’une ambigüité non moins déroutante (cf. Dokulil 1994: 113s.); d’un point de vue strictement morphologique, peut être considérée comme non marquée une forme qui en un point donné ne fournit pas le support segmental de l’information véhiculée autrement par ce même support. D’un point de vue sémantico-logique en revanche, peut être considéré comme non-marqué un élément hors- [13a] [13b] [13c] d’ailleurs que la contrainte selon laquelle «feet must be binary under syllabic or moraic analysis» (cf. McCarthy & Prince 1995: 321) est violée au vocatif. Si donc l’on exclut de l’inventaire métrique les pieds dégénérés, comment rendre compte de la structure prosodique des formes sus-mentionnées? Le postulat de binarité est ici clairement en question, et son statut au sein de la théorie mériterait une discussion approfondie dont on ne peut ici que souligner l’importance 17 . 3.3 Le vocatif: un thème nu? Les formes signalées jusqu’ici posent inévitablement la question de l’identité morphologique de l’unité que l’on peut reconnaître comme un vocatif. De nombreux linguistes ont par le passé analysé le vocatif comme un thème nominal nu, pendant au sein de la catégorie nominale de l’impératif dans la catégorie du verbe. Chez de nombreux auteurs, la question de la caractérisation morphologique du vocatif se double d’ailleurs de considérations chrono-génétiques concernant le caractère primitif des formes qui relèvent de cette problématique: There seems to be agreement that the imperative together with the vocative rank among the oldest of grammatical forms. This view is further supported by the fact that in most cases the vocative, like the imperative, is represented by the stem of the word. (Révész 1956: 191) Or, Pagliaro 1973: 41 objecte à cette conception que l’absence de détermination morphologique du vocatif n’est en rien liée au caractère prétendument primitif de 164 Franck Floricic corrélation: on rejoint par là l’élément neutre du système de Brøndal 1943: 16, selon lequel le terme neutre «s’oppose à la fois au négatif et au positif (‹positif› et ‹négatif› désignent ici des contraires quelconques), et est défini par la non-application de la relation donnée.» En d’autres termes, l’élément neutre est défini comme étant ni positif, ni négatif, ou encore en deça de leur opposition. C’est ainsi que la troisième personne tire sa valeur du fait qu’elle n’est ni la première, ni la deuxième, mais en-deça de l’opposition je - tu. Chez Hjelmslev 1985: 40-41 en revanche, la définition de l’élément non-marqué est une définition fonctionnelle au sens où cet élément - que Hjelmslev définit comme extensif - présente la caractéristique de pouvoir occuper n’importe quelle zone d’un domaine: «le terme extensif a la faculté d’étendre sa signification sur l’ensemble de la zone . . . Le terme extensif n’est pas caractérisé par l’absence de quelque chose, mais par le fait de pouvoir occuper n’importe quelle partie de la zone.» 17 McCarthy/ Prince 1995: 353 écrivent à ce titre: «How long may a count run? General considerations of locality, now the common currency in all areas of linguistic thought, suggest that the answer is ‹up to two›: a rule may fix on one specified element and examine a structurally adjacent element and no other . . . Word-minimality effects derive from Foot Binarity, so observed word minima are always two of something, either moras or syllables.» Or, en dehors du fait que l’affirmation selon laquelle «a rule may fix on one specified element and examine a structurally adjacent element» mériterait de réels éclaircissements, rien n’autorise à exclure a priori les structures ternaires de l’inventaire prosodique d’une langue comme l’italien (cf. Marotta 1999, Floricic/ Boula de Mareüil 2001). Dans le cas des sigles examiné in Floricic/ Boula de Mareüil 2001, l’accentuation initiale de formes telles que ADICOR ([’adikOr]) ne peut s’expliquer que si dans le processing de l’accentuation, l’existence d’une consonne finale est prise en considération. cette catégorie, mais à la nature de l’acte dont elle procède; en tant que forme achevée, le vocatif implique un degré élevé d’élaboration. Kretschmer 1941: 71 pointe d’ailleurs lui aussi la complétude syntaxique du vocatif, dont la défectivité morphologique ne serait qu’une manifestation. Quoi qu’il en soit de la réponse à apporter à cette question, les exemples du sarde et de l’italien en [14] montrent que du point de vue morphologique, le vocatif s’analyse non pas simplement comme un thème nu, mais comme un thème nu privé d’une partie de sa substance. Tel est d’ailleurs précisément le constat de Schmid 1976: 850: Während aber das Idg. dabei im Prinzip den Stamm nicht antastete, gehen die genannten romanischen Mundarten erheblich weiter; offenbar ist ihnen in der Anrede all das entbehrlich, was auf den Tonvokal folgt, also nicht nur die (meist vokalische) Endung, sondern auch stammauslautende Konsonanten, ja ganze Silben (Stéfano/ Sté, gióvene/ gio, Nápule/ Na). [14] ital. [[’f r a n k] -o ] thème désinence [[’s a n d r] -o ] thème désinence sard. [[ a n ’t o n ] -i ] thème désinence [[’p e d r] -u ] thème désinence En d’autres termes, en sarde comme en italien, l’effacement du matériel phonologique à la frontière droite du thème produit une érosion plus ou moins grande du thème nominal. Pour conclure sur ce point, on peut dire que le vocatif est bâti - au sens de Kurylowicz 1977 - sur la forme pleine du nom moyennant l’effacement d’une suite segmentale (cf. Winter 1969: 220, Yadroff 1996: 137). La base des opérations morphologiques est donc représentée non pas par le thème mais par la forme de surface du nom (cf. également Winter 1969: 218). On trouvera une confirmation du fondement structural sus-mentionné dans le fait que le sarde connaît un type de vocatif où de toute évidence la base des opérations qui l’engendre est la forme de surface du syntagme nominal (cf. Schmid 1976: 844 et 853, Pittau 1956: 81,§162, 1972: 31, 1982: 21 et 36): [15] Su dutto’ [zudu’t: o] ( su duttore) ‘Docteur! ’ Su Calo’ [zu γ a’lo] ( su Calonigu Canonigu) ‘Le curé! ’ Su ma’ [zu’ma] ( su mastru) ‘Maitre! ’ Su pa’ [zu’ a] ( su padre) ‘Mon père! ’ Su ’o’ [zu’O] ( su ’oe su boe) ‘Le boeuf! ’ Su Ca’ [zu’ γ a] ( su Caddu) ‘Le cheval! ’ Sorre mi’ [’zOr: ε ’mi] ( sorre mia) ‘Ma sœur! ’ Fidzu me’ [’fid(: )zu’me] ( fidzu meu) ‘Mon fils! ’ Les exemples en [15] montrent d’une manière définitive que le vocatif n’est pas «primitif» mais qu’il résulte au contraire de l’application d’opérations morpho- 165 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde vocatif nominatif phonologiques sur une forme préalablement construite. D’un point de vue strictement phonologique, il est intéressant de remarquer que la forme pleine su Calonigu résulte d’une dissimilation (cf. Wagner 1941: §415: 232). Or, conformément à ce qu’illustrent les formes à métaphonie signalées plus haut (cf. [’pe] [’pe: dru]; [an’to] [an’to: ni]), la forme tronquée ([zu γ a’lo]) conserve le «souvenir» de l’opération ayant affecté la forme pleine. De la même manière, la forme Pre ([’pre]) dérive de la forme de surface Predu qui résulte elle-même d’une métathèse (cf. Pedru). C’est donc bien sur cette forme qu’est construit le vocatif correspondant: le vocatif est en ce sens secondaire au regard de la forme pleine du nom. Pour ce qui est du point de vue fonctionnel, on peut dire avec Hjelmslev que le vocatif est intensif au regard du nominatif, ce dernier étant à son tour extensif par rapport au vocatif; en d’autres termes, dans des langues telles que le russe ou le grec ancien, l’utilisation du nominatif est possible dans des contextes où l’on trouve le vocatif, alors que le vocatif, lui, ne peut pas assumer toutes les fonctions du nominatif (cf. Gonda 1956, Kiparsky 1967: 90-91, Vaillant 1977: 21, Kottum 1983: 138s.). Le schéma en [16] indique par conséquent que la zone ou la sphère d’emploi dévolue au nominatif recouvre celle du vocatif, alors que l’inverse n’est pas vrai: [16] 166 Franck Floricic 3.4 La syntaxe du vocatif Les traits syntaxiques les plus intrigants des formes sardes signalées en [8] et en [15] résident sans doute dans l’absence de l’article défini devant les noms propres de personne et son utilisation devant certains noms dits «communs». Et lorsque l’article est effacé, le site syntaxique sur lequel opère l’effacement s’avère diamétralement opposé à celui sur lequel s’applique l’opération morphonologique de troncation. Or, dans son étude sur le vocatif et l’impératif, Winter (op. cit.) identifie précisément l’opération d’effacement comme étant à la base de la construction du vocatif; cependant, l’auteur se situe non pas ici au niveau de la structure interne du NP mais à celui de la prédication: la stratégie ou le processus le plus simple qui rende compte de la genèse et du fonctionnement du vocatif serait l’effacement du VP au sein de S: S Or, de ce que les vocatifs tels que Anto’ ( Antoni) ou Su dutto’ ( Su duttore) soient «batis» morphologiquement sur la forme pleine correspondante, il ne s’ensuit pas que du point de vue de la syntaxe il faille considérer le NP au vocatif comme le sujet d’une phrase déclarative dont le VP serait effacé. L’auteur souligne d’ailleurs que son analyse présente l’avantage d’éviter tout recours à des considérations concernant la relation entre assertion et appel. Or, de notre point de vue, il n’est pas possible de saisir véritablement la spécificité du vocatif sans prendre en considération cette dimension constitutive de cette catégorie. Au demeurant, les modistes l’avaient bien compris, qui à l’instar de Thomas von Erfurt excluaient que le vocatif puisse fonctionner comme suppositum d’une construction transitive ou intransitive. Ainsi que le rappelle Bursill-Hall 1972: 108: Of the six cases of the nomen all, with the exception of the vocative, can be the N and therefore act as the suppositum of these constructions ; the vocative by definition can never be the first member of a construction. (cf. aussi Bursill-Hall 1971: 177 et 313) Du point de vue de la syntaxe, la relation entre le nom en fonction d’appel et le reste de la prédication s’apparente davantage à celle qui unit un constituant thématisé et le pronom avec lequel il est susceptible de co-référer. Bally 1944: 63 notait d’ailleurs que «le vocatif fonctionne comme un thème général sur lequel repose l’énoncé proprement dit dans sa totalité». C’est cette même analogie qui conduisait Tesnière 1988: 168s. à identifier le substantif en apostrophe avec un actant projeté. Il convient cependant d’insister sur une asymétrie fondamentale sur laquelle Tesnière 1988: 169 lui-même attirait l’attention: En raison de son caractère d’appel, et de façon à répondre pleinement à son but, qui est d’attirer l’attention, l’apostrophe se met en général en tête de la phrase. Mais elle peut également se trouver en fin de phrase: Prends un siège, Cinna (Corneille, Cinna, V, 1) (cfr. St. 170). Dans ce cas, l’appel est moins impératif et correspond à un ton plus posé. A vrai dire, il ne semble pas que l’on puisse traiter indifféremment le vocatif selon la position qu’il occupe; seule la forme utilisée en position initiale absolue remplit pleinement la fonction d’appel qui est la sienne, alors que celle utilisée en position finale présente par ailleurs effectivement des analogies frappantes avec ce que Perrot 1994 désigne comme report. Or, cette asymétrie fondamentale trouve une expression particulière dans l’une des caractéristiques les plus originales que le vocatif sarde partage notamment avec le vocatif corse (cf. Giacomo-Marcellesi 1976: 20s.): corrélativement à l’opération morpho(no)logique de troncation, le 167 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde [17] sarde peut insérer la voyelle à valeur interjective [c] immédiatement à gauche du nom en fonction d’appel (Pittau 1972: 31, 1982: 16, 21 et 35-36, Wagner 1984: 397): bien qu’elle ne soit pas absolument obligatoire, cette voyelle constitue néanmoins la manifestation même de l’acte de vocation et présente une proéminence au niveau le plus haut de la hiérarchie prosodique 18 : [18a] sarde O Sa’ ( Sandru) O Pé’ ( Pedru) O Antó’ ( Antoni) O Antonè’ ( Antonèdda) O Kiskè ( Kiskèdda) O Ma’ ( Mama) O Ba’ ( Babbu) O su dutto’ ( Su duttore) O su Calo’ ( Su Calonicu) [18b] corse O Ba’ ( Babbu) O Nipó ( nipoti) O Fiddó ( fiddolu) O Fraté ( frateddu) O Suré ( suredda) Le point fondamental est que ces formes interpellatives occupent essentiellement la position initiale absolue - cette même position qui en grec et en sanscrit rend possible la rétraction de l’accent: en position finale, l’utilisation de l’interjection devant le nom produit en sarde un énoncé dont l’acceptabilité décroît d’une manière très nette: [19a] i. O Pé, fattu l’as su travallu ? (‘O Pé, tu l’as fait le travail? ’) ii. ? ? Fattu l’as su travallu, O Pé ? (‘Tu l’as fait le travail, O Pé? ’) Précisons par ailleurs qu’il n’est pas nécessaire que le nom en fonction d’appel co-réfère avec l’un des termes de la prédication (cf. Moro 2002): [19b] i. O Ma’, inue son sas ciaes? (‘O Ma’, elles sont où les clefs? ’) ii. ? ? Inue son sas ciaes, O Ma’? (‘Elles sont où les clefs, O Ma’? ’) Or, la raison de cette asymétrie semble être la suivante: le nom en fonction d’appel s’identifie à l’entité qu’il vise, mais l’objet même de l’appel réside ici dans une sorte de réflexivité attendue de l’acte manifesté par O: l’efficacité de l’acte se mesure 168 Franck Floricic 18 Etant donné la fonction identificatoire associée à l’insertion de cette voyelle, on peut faire l’hypothèse que la PAPR (Pitch Accent Prominence Rule) a ici priorité sur la NSR (Nuclear Stress Rule): rappelons que d’après la PAPR, une syllabe associée à un Pitch Accent est plus proéminente qu’une syllabe non associée à un Pitch Accent (cf. Selkirk 1995). 19 La problématique de la localisation (relative) est ici fondamentale dans la mesure où l’on reconnaît dans le vocatif un Toi-Ici-Maintenant. Si on reprend le schéma général en [1], il apparaît clairement que divers cas de figure sont envisageables: le point d’origine et le point d’aboutissement peuvent être localisés au sein d’un même site ou d’un même espace physique ou discursif (cf. [1a]): dans ce cas, comme on vient de le voir, la forme de vocatif a simplement pour fonction d’associer l’autre à un contenu construit par l’énonciateur. En revanche, les deux points peuvent s’inscrire au sein de deux espaces adjacents mais néanmoins distincts (cf. [1b]). La fonction du vocatif est alors d’intégrer l’autre au sein du même espace que le point d’origine; des marqueurs tels que l’interjection O ou les contours intonatifs prennent ici toute leur importance. Enfin, la localisation du point d’aboutissement relativement au point d’origine peut être indéterminée, au sens où elle peut être tout à fait en-dehors du champ du terminus a quo (cf. [1c]). On a ici typiquement affaire à ce qu’on désigne comme Fernruf: 20 Karcevski 1927: 137 souligne qu’à l’impératif, le «sujet-agent» est «un simple exécuteur de l’acte et non son auteur spirituel». L’impératif exprime en effet «un acte volitionnel du sujet parlant devant lequel s’éclipse le rôle de l’interlocuteur en tant qu’agent du procès.» (Karcevski 1929/ 2000: 6). en d’autres termes à sa capacité de mobilisation de l’attention de l’autre sur un contenu ou sur un état de fait construit par le locuteur même (cf. Rosier 1994: 162). De ce point de vue, l’énonciation du contenu ou de l’état de fait en question ne peut être que postérieure à la mention de l’entité prise à témoin ou sollicitée 19 . On s’explique ainsi également l’acceptabilité toute relative d’un énoncé tel que le suivant: [20] i. ? ? O Pé’, maniga sos papasinos! (‘O Pé’, mange les papasinos! ’) ii. Pé’, maniga sos papasinos! Si un énoncé tel que [20i.] est nettement moins acceptable que [20ii.], c’est en effet que s’agissant en particulier d’une injonction, l’entité désignée par le nom Pé doit coïncider avec l’agent du procès, l’efficacité de l’injonction résidant dans l’effacement de cette dernière au profit de la seule mention de l’acte à réaliser 20 . Or, l’achèvement de l’expression O Pé - qui trouve d’ailleurs une correspondance dans le contour intonatif de cette séquence - la place d’emblée en-dehors de toute corrélation; et c’est justement dans cette cloture de la forme sur elle-même que réside le blocage relatif à l’injonction exprimée par le syntagme maniga sos papasinos! . 169 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde • (•) (•) • (•) • [1a] [1b] [1c] Aussi les exemples ci-dessus montrent-ils sans conteste que le nom au vocatif ne saurait être assimilé à un «sujet» - fût-ce le sujet de la phrase assertive correspondante dont le nom en fonction d’appel représenterait le point de départ - et qu’il ne recouvre qu’en partie les propriétés fonctionnelles d’un SN disloqué. D’autre part, des exemples tels que [19a.i] montrent que le prétendu caractère asyntaxique du vocatif doit être définitivement écarté; s’il ne fallait reconnaître au vocatif le statut de cas que dans la mesure où des contraintes syntaxiques régissent son fonctionnement, son intégration au sein de l’inventaire casuel serait justifié ne fût-ce que sur la base des exemples sus-mentionnés. 4. Le vocatif au sein du système Il apparaît clairement, d’après les données présentées jusqu’ici, qu’on trouve au vocatif des configurations prosodiques plus ou moins anomales au sens où elles n’obéissent pas complètement aux règles et aux principes qui régissent la structure phonologique de la langue. D’ailleurs, dans des vocatifs russes tels que Nad’ ou Djad’ en [11i-j], la consonne finale reste voisée, contrairement à ce qu’exige la phonologie de cette langue (cf. Mel’cuk 1994: 309 et 2001: 313, Comtet 2002). Or, il n’est pas possible d’expliquer ces déviations si l’on ne prend pas en considération la spécificité du vocatif en tant que catégorie. En effet, le vocatif, l’impératif, les interjections et les onomatopées présentent des caractéristiques qui les situent sur un plan autre au sein du système. D’ailleurs, on remarquera à cet égard que la contrainte de binarité qui régit le système prosodique du sarde est violée également dans certaines interjections dérivées d’impératifs, qui d’un point de vue typologique résultent d’une érosion de la forme pleine correspondante (cf. Millardet 1977: 449); comme l’observe Wagner 1941: 8, s’il existe par ailleurs en sarde «eine Abneigung gegen Oxytona» (§ 13), les impératifs (interjectifs) et les noms utilisés en fonction d’appel présentent les uns comme les autres la particularité exceptionnelle (clitiques mis à part) d’avoir un accent final: Fatta eccezione per i pronomi, usati encliticamente o procliticamente, per gli avverbi e le preposizioni, l’ossitonia compare regolarmente solo nelle forme abbreviate dei nomi di persona (o Simò ‘Simone’, donna Klà ‘Clara’) e negli imperativi (là, ‘guarda! ’, lè ‘prendi! ’, ecc.); (cfr. su questo punto §441). (Wagner 1984: 26) Les exemples cités en [21] montrent que là aussi, la forme brève de l’impératif résulte d’une troncation (cf. également Wagner 1941: 245, Pittau 1956: 26, 1972: 31 et 1982: 35, Schmid 1976: 859): [21] ’na ’na: ra (dis ! ) ’ba ’ba: ε (allez! ) ’bi ’bi: ε (vois ! ) ’mi ’mi: Ra (regarde! ) ’t ε ’t ε : n ε (tiens ! ) a’b: a a’b: aR: a (reste là! ) ’mu ’mustra (fais voir! ) ’l ε ’l ε : a (prends ! ) 170 Franck Floricic Or, comme nous l’avons signalé plus haut, l’impératif, le vocatif et l’interjection se distinguent d’une manière très nette des autres modes, des autres cas et des autres parties du discours, puisque, pour reprendre une distinction bien connue, ils relèvent non pas du plan de la représentation, mais du plan de l’appel. C’est donc en vertu même de la polarisation sur les instances du discours que le vocatif et l’impératif peuvent déroger aux contraintes qui régissent le système de la langue (cf. Isacenko 1964: 92; Jakobson 1990: 74). La question de la place des formes de vocatif au sein du système soulève donc en même temps celle de la structure interne du système de la langue. 4.1 La question du centre et de la périphérie Ce qui est en jeu ici, c’est bien la problématique du centre et de la périphérie telle qu’elle a été développée notamment par les linguistes de l’École de Prague et de Moscou, et tout particulièrement par les Russes Uspensky et Zhivov. Or, ce qui est fondamental dans leur analyse, c’est l’idée que la violation d’un certain nombre de contraintes apparaît comme systématique à la périphérie du système. Uspensky/ Zhivov 1977: 9 écrivent à cet égard: If you consider the periphery of langue (not parole) we can . . . establish a general tendency expressed in the existence of anomalous structures in classes of peripheral éléments, i. e., here the regularities inherent to the Center of language do not hold. A vrai dire, on peut considérer que moins un élément est soumis à l’ensemble des contraintes qui régissent le Centre du Système de la langue, moins il est identifiable comme relevant du système central. D’où également le constat selon lequel le nombre de configurations possibles augmente à mesure qu’on s’approche de la périphérie, où les contraintes inhérentes au centre du système cessent progressivement d’être actives. La périphérie est donc le lieu d’émergence privilégié de structures marquées ou complexes au sens de Brøndal 1943. Or, parmi ces formes qui relèvent de la périphérie du système, les deux linguistes russes mentionnent en particulier le cas des onomatopées, des idéophones, des shifters, des emprunts et des formes interpellatives. Les deux premiers relèvent cependant de ce que Uspensky et Zhivov appellent «the extrasystemic periphery», alors que les derniers relèvent de la «systemic periphery»: c’est dire que la place des formes interpellatives au sein du système de la langue ne saurait être mise en question 21 . Or, en tant que manifestation de la fonction 171 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 21 C’est dire aussi que la periphérie du système de la langue ne représente ni un lieu de «résidus», ni même un «domaine» dont relèveraient des formes considérées a priori comme «stylistiquement aberrantes». Comme le soulignent les auteurs, «the opposition of the center and the periphery is not connected to any specific language level, i. e., peripheral elements can theoretically be found at different levels.» (p.8) En même temps, il apparaît clairement que lorsqu’on prend en considération certaines fonctions (tout particulièrement la fonction appellative), le degré de prédictibilité de certaines distorsions ou anomalies augmente. conative du langage, le vocatif affiche bien dans son expression linguistique des formes «déviantes» au regard du domaine central, où la pression du système est plus forte et l’alignement des paradigmes majeur. On s’explique ainsi la présence au vocatif de groupes consonantiques finaux dans des langues qui normalement les interdisent; et on s’explique également l’accentuation finale du vocatif dans des langues qui comme le sarde interdisent en principe les oxytons 22 . On peut donc observer à ce titre que si l’existence d’une contrainte de minimalité se manifeste effectivement en sarde, cela n’implique pas que cette contrainte s’applique à la totalité du système; comme le souligne Karcevski 1941/ 2000: 177: Ce qu’on appelle «phonologie» règle la structure phonique des plans sémiologiques conceptuels, celle des mots organisés en parties du discours tout particulièrement. Mais son autocratie est plus ou moins tenue en échec sur le plan non conceptuel, interjectionnel. La stabilité relative qui caractérise le centre du système résulte donc d’un nivellement majeur et d’une insertion plus grande dans le réseau de relations que les formes entretiennent les unes avec les autres au sein du système: plus dense le réseau de relations, plus stable le système. Les formes qui relèvent du Centre sont donc celles qui ont acquis un statut de bonne formation relative et qui de ce fait «passent» le tamis de la structure générale du système. A contrario, la nature pour une part «hors corrélation» du vocatif et des interjections constitue l’une des sources essentielles de leur caractère déviant (cf. Dane 1966: 12). Aussi, la plus ou moins grande centralité ou périphéralité d’un trait ou d’un phémomène n’est-elle pas une affaire d’opposition binaire mais une question de gradience (cf. Dane 1966; Floricic/ Boula de Mareüil 2001). Dane 1966, Vachek 1966 et Uspensky/ Zhivov 1977: 9 insistent d’ailleurs justement sur le fait que certaines formes perdent leur caractère déviant dès lors qu’elles deviennent nucléaires: c’est le cas notamment des verbes issus d’interjections, qui se conforment alors au pattern général de la structure morphologique de la langue. A contrario, une forme verbale qui acquiert une valeur interjective s’écarte de l’orbite du modèle auquel se conforment les formes du paradigme, et cette désolidarisation par rapport aux relations paradigmatiques et syntagmatiques entraîne avec elle toute une série de conséquences sur le plan morphologique et phonologique. 172 Franck Floricic 22 Si du point de vue strictement phonologique l’accentuation finale du vocatif «viole» des contraintes telles que celle qui impose des trochées finaux, on remarquera néanmoins que du point de vue sémantique/ cognitif l’accentuation finale est un procédé emphatique d’identification qui en l’espèce remplit parfaitement sa fonction: «the placing of stress on the last syllable is also the means of emphasizing in such languages, in which the vocative and/ or imperative show the anomalous final stress as Kaliai-Kove (Counts, 1969: 30), Syriac (Solomon and Headley, 1973: 145), and Koryak (Œ ukova, 1972: 41).» (Uspensky/ Zhivov 1977: 15). 4.2 Fréquence d’emploi ou contraintes informationnelles? On peut signaler d’ailleurs un autre paramètre qui joue ici un rôle important et qui est étroitement lié à la polarisation que nous évoquions plus haut: c’est celui de la fréquence d’emploi et de l’érosion qui en résulterait. Si des vocatifs tels que le Russe Pap ( papa) ou le sarde Ma ( mama) forment une unité complète et autonome, malgré leur brièveté, c’est que dans la situation de locution, l’identification du référent est im-médiate au sens étymologique du terme; c’est-à-dire que l’on n’a pas ici construction d’une classe, et l’on n’a pas de médiation par le concept (cf. Kottum 1983: 139). S’agissant en particulier de termes de parenté, le schème intonatif suffit à lui seul à ôter toute ambiguïté quant à l’identité du référent visé, d’où les troncations radicales que nous avons mentionnées plus haut. Or, Fenk-Oczlon 2001: 432 souligne à ce titre que: Higher frequency of use of such a segment [i. e. des syllabes, mots ou syntagmes (FF)] results in higher familiarity of this segment, while the cognitive costs necessary for producing and/ or perceiving these segments decrease. Il en résulte des altérations radicales susceptibles d’enfreindre toutes les règles auxquelles est soumise par ailleurs la structure des unités linguistiques. Il convient cependant de préciser un point important dans l’analyse et dans l’explication des amputations radicales subies par les vocatifs sus-mentionnés. La fréquence est certes un facteur essentiel; toutefois, les formes de vocatifs ne sont pas familières parce que fréquentes: elle sont fréquentes parce qu’elles sont familières et qu’elles remplissent dans la relation inter-subjective une fonction particulière 23 . En d’autres termes, c’est le statut même des formes en question qui est responsable de leur haut degré de fréquence. Or, il va de soi que les noms propres de personnes et les termes de parenté se distinguent en ceci qu’ils occupent dans la hiérarchie d’individuation une place de premier plan: le mode d’identification du référent n’opère pas dans le plan locutoire de la même manière que sur le plan délocutoire, et il n’opère pas dans la sphère étroite de la parenté de la même manière que dans l’ensemble des individus autres au regard de cette sphère 24 . Ce n’est donc pas en soi la fréquence des formes sardes ma ( mama) ou ba ( babbu) qui explique leur réduction radicale, mais leur degré de «familiarité» au sens propre du terme: c’est également la raison pour laquelle les exemples de «néo-vocatifs» russes cités plus haut dérivent pour l’essentiel d’hypocoristiques ou de formations diminutives (cf. Stankiewicz 1979: 101-103). Et le rôle symétriquement opposé que jouent le début et la fin de mot au vocatif et aux autres cas respectivement converge naturellement vers le même résultat: maximisation du début de mot et affaiblissement 173 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde 23 De ce point de vue, le cas du vocatif est à distinguer de celui de certains mots dits «fonctionnels» ou «grammaticaux». 24 Comme l’observe Koch 1995: 54, «‹Father› as a term of address cannot mean anyone’s father other than mine. Hence it is unnecessary to specify the propositus, since there is no contrast possible.» de la fin de mot, selon un principe fondamental formulé il y a plus d’un siècle par Jespersen 1962: 403: What is essential to the understanding of a word is often already reached before one arrives at its end, which therefore is of comparatively little value; hence vowels are shortened and (or) made indistinct, often reduced to [´] or finally dropped, and final consonants may likewise disappear altogether. Concernant en particuler les hypocoristiques, Jespersen (op. cit.) note précisément que: in familiar speech the beginning (of the word) is sufficient to call forth the idea in the mind of the hearer: a great part of the word is therefore dropped as superfluous. Quant aux salutations et autres formules de politesse, c’est leur statut communicatif qui rend compte de leur érosion; s’agissant d’éléments dont la fonction est purement conventionnelle, une partie de leur substance (phonétique) peut se perdre sans que l’intercompréhension en soit affectée et sans que la fonction dévolue à ces formules ne soit compromise. 5. Conclusion En résumé, on peut dire que les déviations ou les violations que nous évoquions plus haut trouvent une raison d’être dans la nature même des formes utilisées, dans leur inscription déictique et dans leur orientation vers l’allocutaire. En même temps, le vocatif trouve place à la périphérie du système plus encore que l’impératif, car l’impératif reste malgré tout intégré à la prédication - il suffit en revanche que la forme d’impératif passe dans la catégorie des interjections pour que cette intégration syntagmatique soit bloquée ou entravée (cf. Floricic 2000). Au contraire, le vocatif reste lui en dehors de toutes corrélations, d’où les patterns morpho-phonologiques exceptionnels qui le caractérisent. Saarbrücken Franck Floricic Bibliographie Bally, C. 1944: Linguistique générale et linguistique française, Berne Beauzée, N. 1974 [ 1 1767]: Grammaire générale ou exposition raisonnée des éléments nécessaires du langage, pour servir de fondement à l’étude de toutes les langues, vol. 2, Stuttgart-Bad Cannstatt De Boer, C. 1928: «Études de syntaxe française. L’idée de ‹cas› ou de ‹rapports casuels› dans des langues comme le latin et le français», in: RLiR 4: 290-310 Bolognesi, R. 1998: The Phonology of Campidanian Sardinian, Amsterdam (HIL Dissertations 38) Bonnekamp, U. 1971: «Der Vokativ im Romanischen», in: K.-R. Bausch/ H.-M. Gauger (ed.), Interlinguistica. Sprachvergleich und Übersetzung. Festschrift zum 60. Geburtstag von Mario Wandruszka, Tübingen: 13-25 174 Franck Floricic Brøndal, V. 1939: «Le concept de ‹personne› en grammaire et la nature du pronom», in: Journal de psychologie normale et pathologique 36: 175-182 Brøndal, V. 1943: Essais de linguistique générale, Copenhague Brøndal,V. 1948: Les parties du discours. Partes Orationis. Études sur les catégories linguistiques, Copenhague Brøndal, V. 1950: Théorie des prépositions. Introduction à une sémantique rationnelle, Copenhague Bursill-Hall, G. L. 1971: Speculative Grammars of the Middle Ages. The Doctrine of Partes Orationis of the Modistae, The Hague/ Paris (Approaches to Semiotics 11) Bursill-Hall, G. L. 1972: Thomas of Erfurt: Grammatica Speculativa, London Chaignet, A. E. 1875: Théorie de la déclinaison des noms en grec et en latin, d’après les principes de la philologie comparée, Paris Comrie, B. 1986: «On Delimiting Cases», in: R. D. Brecht/ J. S. Levine (ed.), Case in Slavic, Columbus: 86-106 Comrie, B./ Stone, G./ Polinsky M. 2 1996: The Russian Language in the Twentieth Century, Oxford Comtet, M. 2002: «Peut-on parler d’un ‹néo-vocatif› en russe contemporain? » (ms) Creissels, D. 1995: Eléments de syntaxe générale, Paris Dane , F. 1966: «The relation of centre and periphery as a language universal», in: J. Vachek (ed.)., Travaux linguistiques de Prague 2. Les problèmes du centre et de la périphérie du système de la langue, Prague/ Paris: 9-21 Dokulil, M. 1994 [ 1 1958]: «On Morphological Oppositions», in: P. A. Luelsdorff/ J. Panenová/ P. Sgall (ed.), Praguiana 1945-1990, Amsterdam/ Philadelphia: 113-130 Dressler, W. U. 2000: «Extragrammatical vs. marginal morphology», in: U. Doleschal/ A.-M. Thornton (ed.), Extragrammatical and Marginal Morphology, München: 1-10 (LINCOM Studies in Theoretical Linguistics 12) Duc Goninaz, M. 1986: «A propos du vocatif», in: R. Comtet (ed.), IV e Colloque de linguistique russe, Toulouse, le 18, 19 & 20 mai 1984, Paris/ Toulouse: 95-103 Fenk-Oczlon, G. 2001: «Familiarity, information flow, and linguistic form», in: J. Bybee/ P. Hopper (ed.), Frequency and the Emergence of Linguistic Structure, Amsterdam/ Philadelphia: 431-48 (Typological Studies in Language 45) Floricic, F. 2000: «De l’impératif italien ‹Sii› (‹sois! ›) et de l’impératif en général», in: BSL 110/ 1: 227-266 Floricic, F./ Boula de Mareüil, P. 2001: «La phonologie des sigles en italien ou l’‹émergence du marqué›», in: Journal of Italian Linguistics 13/ 2: 211-254 Garde, P. 1998: Grammaire russe. Phonologie et morphologie, Paris Giacomo-Marcellesi, M. 1976: «Note sur les désignations de personnes en corse», in: Cahiers de linguistique, d’orientalisme et de slavistique. Mélanges offerts à Georges Mounin pour son soixante-cinquième anniversaire. III Mélanges divers, Paris: 19-30 Gonda, J. 1956: «On nominatives joining or ‹replacing› vocatives», in: Lingua 6/ 1: 89-104 Hjelmslev, L. 1972 [ 1 1935]: La catégorie des cas. Étude de grammaire générale, München (Internationale Bibliothek für Allgemeine Linguistik 25) Hjelmslev, L. 1985 [ 1 1933]: «Structure générale des corrélations linguistiques», in: Nouveaux essais, Paris: 25-66 Ilie, D. 1978: «Un aspect archaïque dans la morphologie roumaine: le vocatif», in: Cahiers d’études romanes 4: 159-175 Isacenko, A. 1962: Die russische Sprache der Gegenwart. Teil I. Formenlehre, München Isacenko,A. 1964: «On the Conative Function of Language», in: J. Vachek (ed.), A Prague School Reader in Linguistics, Bloomington: 88-97 Jakobson, R. 1990 [ 1 1936]: «Contribution to the General Theory of Case», in: L. R. Waugh/ M. Monville-Burston (ed.), On Language. Roman Jakobson, Cambridge (USA)/ London: 332- 85 Jakobson, R. 1990 [ 1 1936]: «The Speech Event and the Functions of Language», in: L. R. Waugh/ M. Monville-Burston (ed.), On Language. Roman Jakobson, Cambridge (USA)/ London: 69- 79 Jensen, J. T. 1977: Yapese Reference Grammar, Honolulu 175 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde Jespersen, O. 1962 [ 1 1947]: «Efficiency in Linguistic Change», in: Selected Writings of Otto Jespersen, Tokyo: 381-466 Jones, M. A. 1993: Sardinian Syntax, London/ New York Karcevski, S. 1927: Système du verbe russe. Essai de linguistique synchronique, Prague Karcevski, S. 1967 [ 1 1932]: «Sur la structure du substantif russe», in: J. Vachek, A Prague School Reader in Linguistics, Bloomington: 335-346 Karcevski, S. 2000 [ 1 1929]: «Du dualisme asymétrique du signe linguistique», in: Serge Karcevski. Inédits et introuvables. Textes rassemblés et établis par Irina et Gilles Fougeron, Leuven: 3-8 Karcevski, S. 2000 [ 1 1941]: «Introduction à l’étude de l’interjection», in: Serge Karcevski. Inédits et introuvables. Textes rassemblés et établis par Irina et Gilles Fougeron, Leuven: 175-187 Kiparsky, V. 1967: Russische historische Grammatik. Band II. Die Entwicklung des Formensystems, Heidelberg Koch, H. 1995: «The Creation of Morphological Zeroes», in: G. Booij/ J. van Marle (ed.) Yearbook of Morphology 1994, Dordrecht: 31-71 Kottum, S. E. 1983: «In Defense of the Vocative: The Case of Modern Polish», in: Scando-Slavica 29: 135-142 Kretschmer, P. 1946: Introducción a la lingüística griega y latina, Madrid (trad. S. Fernandez Ramirez y M. Fernandez Galiano) Kurylowicz, J. 1964: The Inflectional Categories of Indo-European, Heidelberg Kurylowicz, J. 1973 [ 1 1949]: «Le problème du classement des cas», in: Esquisses Linguistiques I, München: 131-150 Kurylowicz, J. 1973 [ 1 1956]: «La position linguistique du nom propre», in: Esquisses Linguistiques I, München: 182-192 Kurylowicz, J. 1977: Problèmes de linguistique indo-européenne. Wroclaw (Prace Je ˛ zykoznawcze 90) Marotta, G. 1999: «Degenerate Feet nella fonologia metrica dell’italiano», in: Fonologia e morfologia dell’italiano e dei dialetti d’Italia, Atti del XXXI Congresso della Società di Linguistica Italiana (SLI 41), Roma: 97-116 McCarthy, J./ Prince, A. 1995: «Prosodic Morphology», in: J. Goldsmith (ed.), The Handbook of Phonological Theory, Cambridge (USA)/ Oxford: 318-366 McCarthy, J./ Prince, A. 1996: Prosodic Morphology 1986 (ms), Rutgers University Mel’cuk, I. A. 1977: «Le cas», in: Revue des études slaves 50/ 1: 5-36 Mel’cuk, I. A. 1994: Cours de morphologie générale. Vol.2, Deuxième partie: significations morphologiques, Montréal/ Paris Mel’cuk, I. A. 2001: «Morphological ellipsis», in: C. Schaner-Wolles/ J. Rennison/ F. Neubarth (ed.), Naturally! Linguistic studies in honour of Wolfgang Ulrich Dressler presented on the occasion of his 60th birthday, Torino: 301-314 Millardet, G. 1977 [ 1 1923]: Linguistique et dialectologie romanes. Problèmes et méthodes, Genève Molinu, L. 1992: «Gli esiti fonosintattici del dialetto di Buddusò», in: ID 55 (Nuova Serie 33): 123- 153 Molinu, L. 1998: La syllabe en sarde (Thèse de Doctorat, Université Stendhal-Grenoble III) Molinu, L. 1999: «Morfologia Logudorese», in: R. Bolognesi/ K. Helsloot (ed.), La lingua sarda. L’identità socioculturale della Sardegna nel prossimo millennio. Atti del Convegno di Quartu Sant’Elena, 9-10 Maggio 1997, Cagliari: 127-136 Moro, A. 2002: «Notes on Vocative Case: a case study in clause structure» (ms) Nespor, M. 1999: «Stress Domains», in: H. Van der Hulst (ed.), Word Prosodic Systems in the Languages of Europe, Berlin/ New York: 117-159 (Empirical Approaches to Language Typology, Eurotype 20-4) Niculescu, A. 1983: «Le vocatif roumain», in: E. Roegiest/ L. Tasmowski (ed.), Verbe et phrase dans les langues romanes. Mélanges offerts à Louis Mourin, Gent: 255-260 (Romanica Gandensia 20) Obnorskij, S. 1925: «Die Form des Vokativs im Russischen», in: ZSPh. 1: 102-116 Orlando, M. 1933: «Raccorciature di nomi e cognomi. Studio fonetico comparativo», in: ID 9: 65- 135 176 Franck Floricic Pagliaro, A./ De Mauro T. 1973: La forma linguistica, Milano Perrot, J. 1994: «Eléments pour une typologie des structures informatives», in: MSL 2 (nouvelle série). La phrase: Enonciation et information: 13-26 Piggott, G. L. 1999: «At the right edge of words», in: The Linguistic Review 16/ 2: 143-185 Pittau, M. 1956: Il dialetto di Nuoro. Il più schietto dei parlari neolatini. Grammatica, Bologna Pittau, M. 1972: Grammatica del sardo-nuorese. Il più conservativo dei parlari neo-latini, Bologna Pittau, M. 1982: Pronunzia e scrittura del sardo-logudorese, Sassari Révész, G. 1956: The origins and prehistory of language, London Rohlfs, G. 1966: Grammatica storica della lingua italiana e dei suoi dialetti. Fonetica, Torino Rosier, I. 1994: La parole comme acte. Sur la grammaire et la sémantique au XIIIe siècle, Paris Schleicher, A. 1862: Compendium der vergleichenden Grammatik der indogermanischen Sprachen. II Formenlere, Weimar Schmid, H. 1976: «It.Teodò! ‘oh Theodor ! ’: vocativus redivivus? », in: G. Colón/ R. Kopp (ed.), Mélanges de langues et de littératures romanes offerts à Carl Theodor Gossen. T.2, Berne/ Liège: 827-864 Van Schooneveld, C. H. 1986: «Is the Vocative a Case? », in: J. D. Johansen/ H. Sonne (ed.), Pragmatics and Linguistics. Festschrift for Jacob L. Mey on his 60th Birthday, Odense: 179-186 Schuchardt, H. 1874a: «Zur romanischen Sprachwissenschaft. Lateinische und romanische deklination», in: ZVS 22: 153-190 Schuchardt, H. 1874b: «Phonétique comparée», in: Romania 3: 1-30 Selkirk, E. 1995: «Sentence Prosody: Intonation, Stress and Phrasing», in: J. Goldsmith (ed.), The Handbook of Phonological Theory, Cambridge (USA)/ Oxford: 550-569 Skalicka, V. 1994 [ 1 1950]: «On Case Theory», in: P. A. Luelsdorff/ J. Panenová/ P. Sgall (ed.), Praguiana 1945-1990, Amsterdam/ Philadelphia: 45-70 Spitzer, L. 1945: «The Rumanian Vocatives Again», in: Bulletin linguistique de la Faculté des Lettres de Bucarest 13: 5-38 Stankiewicz, E. 1979: «The slavic vocative and its accentuation», in: Studies in Slavic Morphophonemics and Accentology, Ann Arbor: 100-109 (Michigan Slavic Materials 16) Tesnière, L. 1934: Petite grammaire russe, Paris Tesnière, L. 1988 [ 1 1959]: Eléments de syntaxe structurale, Paris Trost, P. 1947: «Qu’est-ce que le vocatif? », in: Bulletin linguistique de la Faculté des Lettres de Bucarest 15: 5-7 Tucker, R. W. 1944: «The roumanian vocatives», in: Language 20/ 1: 22-27 Uspensky, B. A./ Zhivov, V. M. 1977: «Center - periphery opposition and language universals», in: Linguistics 196: 5-24 Vachek, J. 1966: «On the Integration of the Peripheral Elements into the System of Language», in J. Vachek (ed.) Travaux linguistiques de Prague 2. Les problèmes du centre et de la périphérie du système de la langue, Prague/ Paris: 23-37 Vaillant, A. 1977: Grammaire comparée des langues slaves. Tome V. La syntaxe, Paris Wagner, M. L. 1938: «Flessione nominale e verbale del Sardo antico e moderno», in: ID 14: 93- 170 Wagner, M. L 1941: Historische Lautlehre des Sardischen, Halle (Beih. ZRPh. 93) Wagner, M. L. 1984: Fonetica storica del sardo. Introduzione, traduzione appendice di Giulio Paulis, Cagliari Winter, W. 1969: «Vocative and Imperative», in: J. Puhvel (ed.), Substance and Structure of Language. Lectures delivered before the Linguistic Institute of the Linguistic Society of America, University of California, Los Angeles, June 17 - August 12, 1966, Berkeley/ Los Angeles: 205- 223 Yadroff, M. 1996: «Modern Russian Vocatives: A Case of Subtractive Morphology», in: Journal of Slavic Linguistics 4/ 1: 133-153 177 La morphologie du vocatif: l’exemple du sarde